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GIBBON, Edward

Histoire de ta décadence et de la
chute de l'Empire Romain / traduite de
ranglots de M. Gibbon, par M. de
Cantwel de Mokarky... ; tome quatrième.
- A Paris : Chez Moutard..., 1789
yj, 505 p., a3, A-Z8, 2A-2H8, 2I5 ;
8° marquilla
Antep. - Apostillas marginales. -
Cabeceragrab. xil. en A1r.
1. Roma-Historia-lmperio, 30 a.C.-284
d.C. 2. Erroma-Historia-Inperioa, K.a.
30-K.o. 284 I. Cantwel de Mokarky, C.,
trad. II. Tltulo

R-7320
HISTOIRE
DE LA DÉCADENCE

DE LA CHUTE
DE
i

L ’EMPIRE ROMAIN.
< ------ ■
T OME QUATRI ÈME.
IlM ÎTp ">

I
HISTOIRE
DE LA D É C A D E N C E
ET

D E L A C H U T E
DE

L’EMPIRE ROMAIN,
i. ' ' ;; '
Traduite de VA nglois de M . G isjiO N ,
s _ ]

Par M. d e C a n t t e l de M o k a r k ï j
Lieutenant des Maréchaux de France.

TOM E QUATRIÈME.

A P A R 1 S.
C h e z M o u t a r d ' Imprimeur-Libraire de JaREiNH^
rue des Mathurins , K otel de Cluni;

M. D C C . I X X X I X .
Avec Approbation f & Privilège du Roi
/

/
V ;

' TABLE
T)es Chapitres contenus dans ce quatrième
Volume*
/ . - j. . i

C h apitr e XVII.

F o n d a t io n de Confianûnople. Syfieme
politique de Confiantin &*de fes juc*
cejfeurs. D e la DïfcipÎine militaire. D e
la. Cour , & des Finances. Page i
'A v ,- - ■

C h a p i t r e XVIII.

Caractère de Conjlantïn. Guerre des Goths,


M ort de Conjlantïn. Partage de VEm-
1 pire entre fes trois fils. M ort tragique
■ de Conjlantïn le jeune & de Confiance.
TJfurpation de Magnence. Guerre civile;
victoire de Confiance, 160
r . *■* >*•
w i a îij
C h AÎ I THE; X I X .

Confiance feul Empereur. Elévation &


mort de Gallus. Danger & élévation
de Julien. Guerre contre les Petjes Cf
contre les Samiates.
*
J^i&oire de ï Julien
‘-
dans les Gaules. 271

C hapitre XX

jLes motifs 4 les progrès > Cf les effets d i


la converfion de Conflantin. Etablijfément
& Çonfiitution de VEglife Chrétienne ou
me. 384

Fin de la Table des Chapitres.

mSTOIRI
H I ST O i R E
D E L A D É C A D E N C E
\

HT ■

DE î À CHUTE
DE

L’EMPIRE ROMAIN,

C H A P I T R E X V I I .
Fondation de Conjlantinopîe. Syjléme poîb
tique de Conflantin & de Jes JucceJfeurst
De la D ifcipline militaire* D e la Cour $
& des Finances.

X j ’ ï n f o r t ü n é Liciriius fiit le dérniêf


rival qui cbmbaccic la puiilance de Corifc
tantin j &c le dernier captif qui ferVÎÉ
Tome ÏVi A

\
, Hifloire d t k decadettci
d’ornement à Ton triomphe. Après un
règne heureux & tranquille, pendant le­
quel le Conquérant avoit donné à fês
¥ peuples une capitale, une politique, .&
une Religion nouvelles, il légua la pof-
feffion de l’Empire à fa famille; èc les
innovations qu’il avoit établies furent
adoptées & confervées par une longue
fuite de générations. Le fiède de Conf-
tantin le Grand &c de fa poftérité fut
fécond en évènêmens mémorables ; mais
l’Hiftorien fe perdroit dans leur nombre
& dans leur variété, s’il ne féparoit pas
avec foin ceux qui n’ont enfemble d’au-
tre rapport que celui de l’ordre des temps.
11 décrira les inftitutions politiques qui
donnèrent de la force êt de la Habilité
à l’Empire, avant d’entrer dans le dé­
tail des guerres & des révolutions qui
en hâtèrent le déclin. Il adoptera la
divifion inconnue aux Anciens, d’aiîàrres
civiles & d’affaires eccléfiaftiques. Enfin,
la victoire des Chrétiens & leur diicorde
inteftine prefenteront tour à tour des.
de VEmpire Romain, Chap . XVII. 3
Icènes d’horreur & des traits de gran­
deur dignes d’admiration.
Après la défaire 8c l’abdication de Lici- Plan d'uûe
nouvelle ca­
nius, fon rival victorieux pofa les fonde- pitale.
A.D. 314,
mens d’une $ille deltinée à devenir un jour
la maîtreilè de l’O rient, 8c à furvivre à
l’Empire 8c. à la Religion de fon Fonda­
teur. Les motifs, foie d’orgueil, foie de
politique ', qui avoient engagé Dioclétien
à s’éloigner le premier de la capitale de
l’Empire, acquirent un nouveau poids par
l’exemple de fes fuccefleurs, 8c quarante
années d’habitude. Rome fut infenflble-
ment confondue aVeç les villes conqui-
feS, qui avoient longtemps reconnu leur
dépendance 8c la fupériorité ; 8c la pa­
trie des Céfars n’infpiroit que de l’indif­
férence à un Prince guerrier, né* fur les
rives du Danube, élevé dans les Cours
ou dans les armées d’Aiïe , Sc revêtu
de la pourpre par les légions de la Bre­
tagne. Les Italiens, qui avoient regardé
Conftanrin comme leur libérateur, obéi­
rent fervilement aux Edits qu’il avoir
A ij

1
a Hijîoife de la de'cadettcé
quelquefois la condefcendiance d’adrefleP
au Sénat & au Peuple Romain ; mais ils
eurent rarement l’honneur de poiféder
leur Souverain. Pendant la vigueur de
fon âge, Conftantin, fé lo n ie s différens
befoins de la paix ou de la guerre , ,vifi-
toit fucceffivement les frontières de fes
vaftes Etats, avec l’appareil impofant de
fa dignité , ou voloit avec célérité dans
celle où fa préfence étoit néceilàire, 8c
fe- tenoit toujours en état de défenfé
contre fes ennemis particuliers & contre
ceux de l’Empire. Mais comme il at­
teignit en même temps le faîte de la
profpérité Si le déclin de fa v i e , il
conçut alors le deflein de fixer dans
une réfidence moins variable la force ôc
la majèfté du trône. Dans le choix d’une
fituation avantageafe, il préféra les con­
fins de l’Europe & de l’A fie , pour en
impofer, avec une puiflante armée , aux '
Barbares qui habitoient entre le D a ­
nube fit le Tanaïs, & pour éclairer de
plus près la conduite du Roi de P e r f e ,.
qui fupportoit impatiemment les entra­
1 - V M*

de PEmpire Kpmaîn. C h ap . XVII. y


ves d’un traité ignominieux. Telles étoient
les vûes de Dioclétien , quand il avoit
ehoiii & embelli le féjour de Nicom édie.
Mais la mémoire de D ioclétien étoit jui-
tement odieuiè au Protecteur de l’Egliië
& Conitantin n’étoit pas infeniible à l’am-
bition de fonder une ville qui pût per­
pétuer la gloire de fon nom. Pendant Situation
de Byzance*.
les dernières opérations de la guerre
contre Licinius, il avoit eu fouvent l’oc-
caiion d’adm irer, comme Capitaine &
comme homme d’E ta t, l’incomparable
poiition de B yzan ce, &L d’obferver com­
bien la N atu re, en la mettant à l’abrid’üne
attaque étrangère, lui avoit prodigué de
moyens pour faciliter & encourager un
commerce immenfePluireurs iîècles avant
Conftantin , un des plus, judicieux Ecri­
vains de l’Antiquité (■ *)■ avoit décrit les
avantages de fa. iituation s oui avoit donné

(I,). Polybe ^ 1. 4-. p. 42.3. Edit, de Cafaybon. il oh-


ferve que les incurfions des Sauvages habitans de la
Thrace y troublèrent fouvent la paix , & refferrèrenL
«gjelquefois Tétendue des domaines des Byzantins*.
A iij
g Hijlôire de la décadence
l’empire des mers à une foible C olonie
échappée de la G rèce, & en a voit fait
une République indépendante & florif-
fanre (i).
Defcription . Si nous examinons Byzance d’après
de Confîanti-
aople. l’étendue quelle acquit avec l e {nom
de ville Impériale, nous pouvons nous
la repréfenter comme un triangle iné­
gal. L’angle obtus qui s’avance vers
l’Orient & vers les rives de P A iîe , eft
battu par les vagues du Bofphore de
Thrace. Le nord de la ville eft borné
par le p o rt, & le fud eft baigné par la
Propontide ou la mer de Marmara. L a

(2) Le Navigateur Byzas, qu’on appeloit le fils de


Neptune, fonda la ville de Byzance 656 ans avant
l’Ere Chrétienne. Ses compagnons étoient originaires
d’Argos & de Mégare. Byzance fut enfuite rebâtie &
fortifiée par le Général Lacédémonien, Paufanias. V o y e z
Scaliger, Animadverf. ad Eufeb. p. 81; Ducange^Conf-
tantinopolis, 1. 1, part. 1 , c. 1 5 , 16, Quant auX: guerres
des Byzantins contre Philippe, les Gaulois, & les Rois
de Bithynie, on ne peut accorder fa confiance qu’aux
anciens Ecrivains qui vécurent avant que la grandeur
de la ville Impériale eut donné iieü à la flatterie & aux
fixions.
de VÈmpire Romain. Chap . XVII. 7
, -

bafe du triangle regarde îO c c id e n t, Sc


termine le continent de l’Europè.
Le canal tortueux à travers lequel les Bôfph^ce*
eaux du Pont-Eüxin s’écoulent avec une /
confiante rapidité vers la mer M éditer­
ranée , reçut le nom de Bofphore, auiH
célèbre dans l’Hiftoire que dans les fa­
bles de l’Antiquité. (3) U ne foule dô
temples ôe d’autels expiatoires, profufë-
ment épars fur fes rochers ôc fur fes
bords, attellent les terreurs, l'ignorance ,
& la dévotion des Navigateurs de la
G rèce, q u i, à l’exemple des Argonautes,
déploroient les dangers de Tinnavigable
Euxin. La tradition a long-temps con-
fervé la mémoire du palais de Phinée,
infeéld par les harpies (4) ; & celle du

(3) Le Bofphore a été déctit fort en détail par D en ys


de Byzance , qui vécut au temps de Dominent Hûdfon
(Géograph. Min. t* 3 ) , & par Gilles ou Gyllius
Voyageur^ François du feizième fiècle. Tournefort
(Lettre 1 5 ) 2 profité de l'érudition de G ylliu s, & i l y
ajoute des remarques qu’il a faites lui-même*. :
(4) Le Clerc ( Bibliothèque unlverfelle, 1. 1 , p* 248.5
A iv
t

g îTifioire de ta décadeticè
règne d’Amicüs le Sylvain V qui propofa
Je combat du celle au fils de Léda (5},
' J.e détroit du Bofphore qft terminé par
les rochers de Cianée, qui* félon les
Poëtes, hortoienç autrefois fqr les eaux ,
& avoient été deftinés par les D ieux à dé­
fendre l’entrée d& l’Euxin contre la curio-
fté des profanes (6), Depuis les rochers
4 e Cianée qui font à la pointe du port de
Byzance, la longueur finueufe du Bof-

fuppofe que les harpies n’étoient que des fauterelles,


& il n’y a guère de conjetures plus heureufês. Le
nom de ees infetes, dans la Langue Syriaque & Phé­
nicienne, leur vol bruyant, la mauvaife odeur & la,
dévaftation qu’elles produisent, & le vent du nord qui
les chaiTe dans la mer , rendent fa conjeture très-
waifemblable,
(Ç) Amycus réfidoit en Abe entre les vieux châteaux
les châteaux neufs, dans un lieu appelé Laurus ïn^
fana. Phinée réfidoit en Europe, près du village de
Mauromole s ou de la^mer Noire, V oyez G yllius, de
Bofph. 1. j i a ch. x x iji. Tourne|ort, Lettre i
(O Plufieurs rochers terminés en pointe, alternati­
vement couverts & abandonnés par les vagues, ocea-
fionnojent cette ntéprife. On y voit aujourd’hui deux
pertes ifles : il y en a une près de chacune des côtçs^
La & Pçpipée 4iitingue çellç d’Lurçgq^
de ¿’Empire Romain. Cha p. XVII. 9
phore Te prolonge l’efpace d’environ iix
milles (7), & fa largeur la plus ordinaire
peut fe calculer à peu près à un mille SC
demi; Les nouveaux forts d’Europe & d’A -
fïe font conftruits furies deux continens,
•& fur les fondemens des deux temples
célèbres de Sérapis & de Jupiter Uriùs,
Les anciens châteaux, ouvrage des Em­
pereurs G recs, défendent la partie la plus
étroite du canal, dans un endroit où les
bancs de la rive oppofée ne font qu’à
cinq cents pas de diftance l’un de l’autre.
Ces citadelles furent rétablies & forti­
fiées par Mahomet I I , quand il médita
Je hége de Conftantinople (B). L ’Empe­
reur Othoman ignoroit que près de deux

(7) Les Anciens Pévajuoient à cent vingt ftades ou


quinze milles romains. Ils ne comptoient qïie depuis
lès châteaux neufs ; mais ils étendoient le détroit juf-
qu’à la ville de Chalcédoine.
(8) Ducas, Hift. c. x x x i v . Leunelavius, Hifl* Tur-
çic(i Mufulmanicay 1. x v , p. 577. Sous l’Empire G rec,
cçs châteaux fervoicnt de priions d’Etat, & on leur
dorment |e nom effrayant Léth,é ou Tvvrs d’çuklu
ï0 Hifioire de la décadence
mille ans avant lui > Darius avoit ehoiiî
la même poiîtion pour lier enièmble les
deux continens par un pont de Bateaux (9).
A peu de diftance des anciens châteaux,
on découvre la petite ville de Cryiopolis
ou Scutari, qu’on peut regarder comme
le fauxbourg de Conftantinople, du côté
de l’Afie. Le Bofphore, en fe jetant
dans la mer de Marmara , paiîe entre B y­
zance & Chalcédonine. La derrière de
ces villes fut bâtie par les G recs, quelques
années avant l’autre; & l’aveuglement
de fes Fondateurs a été tourné en ridicule
(par une expreffion de mépris qui a pafTé
en proverbe (10)), pour avoir négligé la

(9) Darius grava fur deux colonnes de marbre, en


lettres grecques & affyrjennes, les noms des peuples
auxquels il donnoit des loix, & Timmenfe tableau de
fes forces de mer & de terre* Les Byzantins tratifpor-
tèrent enfuite ces colonnes dans leur ville ^ & ils les
employèrent aux autels de leurs Divinités tutélaires*.
Hérodot. L i v , c. 87.
(10) Namque aniffimo inter Europatn AJïamque divorùo-
Byzantium in extrema Europâ pofiiêre Græci y quïbm- F'y-
tkium Apoliinem canfulentibus ubi conderent urbetn^ redditum
f

de l’Empire Romain. C hàp . XVII. i1


précieufe pofîtion de la côte oppofée.
L e port de Conftandnople, qu’on peut
coniîdérer comme un bras du Bofphorq,
fut copnu très-anciennement fous le nom
de la corne d’or. La courbe qu’il décrit
a à peu près la figure du bois d’un cerf,
ou de la corne d’un bœ uf ( i x). L ’épi­
thète d’or fait allufion aux richeiTes que
tous les vents amènent des pays les plus
éloignés dans le port vafte & sûr de Conf-
tantinople. La petite rivière de Lycus
verfe conftamment une quantité d’eau
douce qui en nettoye le fond , & qui
invite les diiférens poiiïons à s’y réfu­
gier dans le temps du frai. Comme
le flux &c le reflux font peu fenfi-

oraculum ejl, qu&rerentfedem Cæ co r u m terris advcrfam. Eâ


ambage^ Chalcedonii monfirabantur quodpriores illue adveBi
pT&.vtfâlocomm utilitateptjora legiJJ'ént. Tacite, Annales
X II, 62.
(11) Strabon, 1. x , p. 492. La plupart des andouil-
lers font maintenant brifés , ou , pour parler d’une ma­
nière moins figurée , la plupart des, recoins du havre
font comblés. V oyez G ylliu s, de Bofpnoro Thracio , L
I , c.
îî Bifloire de la décadence
blés dans ces mers ,, la profondeur in­
variable des eaux permet, dans tous l’es
temps, de décharger les mârchandifes fur
le quai, fans le fecours de bateaux, &
on a vu en quelques endroits les plus
gros vaiifeaux refter à flo t, tandis que
leur proue étoit appuyée contre les mai-
fons (i 2). De la bouche du Lycus à l’en­
trée du port, ce bras du Bofphore a plus
de fept milles de longueur. L ’entrée a
environ cinq cents toifes de largeur. O n
y tendoit, dans le befoim , une force
chaîne de fer qui en défendoit l’entrée aux
tavropstï- flottes ennemies ( 13). ^ntre le Bofphore
& r'Hellefpont, les cotes de l’Europe &

(12) Procopius de Ædïficïis, I. i , c, 5. Les Voyageurs


modernes confirment fa defçription. Voyez Thevenot-,
part, i , 1. r , c. i j . Tournefort, Lettre x>ïv-Niebuhr
Voyage d’Arabie, p* 22.
(13) Voyez Ducànge, C . P . , l r , part. 1 , c. 16, &
fes obfervations fur Villardouin 3 page 289. La chaîne
fe prolongeoit depuis Acropolis, près du moderne
K iosk, jufqu|| la tour de Galata, & elle étoit foute>-
nue de difiarice en diflançç par de grandes piles f e
bois.
de l ’Empire Romain* C hap .X V II. 13
de l’Afiè entourent, en Te retirant, la
mer de Marmara , connue des Anciens
fous le nom de Propontide, La n avi­
gation , depuis la fortie du Bofphore
jufqu’à l’entrée de la Propontide, eft d’en­
viron cent vingt milles. Ceux qui diri­
gent leur courfe à l’occident, ep travetr
fant la mer de Marmara, peuvent fuivre
les côtes efcarpées de la Thrace & de
la Bithynie, fans jamais perdre de vue
la cime orgueilleufe de l’O ly m p e , tou­
jours couverte de neige (14). Ils laiiïent
à leur gauche un golfe au fond duquel
étoit fituée la ville de N ico m éd ie, ou
D ioclétien avoir fixé fa réfidence impé­
riale , & ils dépaifent les petites iiles

(i4),Thevenot (Voyages au Levant, part. i , 1. i , c. 14)


ne compte que cënt vingt-cinq milles grecs. Belon ( Ob-
fervations, L u , c» 1 .) décrit très-bien la Propontide;
mais il fe contente de dire vaguement qu’il faut un jour
& une nuit ds navigation, pour la traVerfer. Sandys
(V oyages, p. 2.1.) indique cent cinquante ftades pour la
longueur & pour la largeur, & on ne peut fuppofer
qu’une faute d’impreiïion dans le texte de ce V oya­
geur judicieux. ' ^
ia Hijloire de la decadence
de Cizique 6C de Pro'cbnnèiè, avant dé
jeter l’ancre à G allip o li, où la A e r , qui
fépare l’Europe de lA iie , ie rétrécit de
nouveau & formé un canal étroit.
'Helltfjpoûf- Les Navigateurs qui ont examiné avec
le plus d’intelligence & de foin la forme
& l’étendue de l’Hellefpont, lui donnent
environ foixante milles de cours iinueux,
6c ils évaluent à peu près à trois milles la
largeur de ce célèbre détroit (15).' La
partie la plus étroite du canal (e trouve
aü nord des anciens forts Othomans .
entre les villes de Ceftus Sc d’A b y -
dus : ce fut là que l’aventurier Léan-

( ï 5) Voyez une Differtation admirable fur l’Helîefpont


i ou les Dardanelles, par M, d’Anville, dans les M é­
moires de FAcadémie des Infcriptions, tom. 28, p.
31S-346. Au refie , cet habile Géographe aime trop à
fuppofer des mefures nouvelles & peut-être imagij
naires , afin de rendre les Ecrivains déd’Antiquité aufîî
exafts que lui. Les ftades qu’emploie Hérodote dans
la defcriptioti de l’Euxin , du Bofphore , &c. , ( 1. IV ,
c. 85) dévoient être tous de la même efpèce, 6c il
paroît impoihble d’accorder fes calculs entre eux, oh
avec la vérité.
de P Empire Romain. C hap .XVII. i5
dre brava le danger, & paiTa la mer à
la n a g e , pour voler dans les bras de la
tendre Héro (j-6). C e fut dans ce même
endroit où les bancs des deux rives
font au plus à cinq cents pas l’un de
l’autre, que Xerxès plaça cet incroyable
pont de bateaux, pour faire paiTer en
Europe cent foixanêe ôc dix myriades de
Barbares (17). U ne mer reflerrée dans des
limites iî étroites, ne femble guère mé­
riter lepitbète de vajie, qu’Homère 6c

(16) La diftance entre Ceftus & Abydus étoit de trente


#ades. M. Mahudel a fait voir l’invraifemblance du
conte de Héro & Léandre; mais M. de* la Nayze le
défend d’ après les Poètes & les médailles. V oyez Aca­
démie des Infcriptions , tom. y ; Hiiloire a p. 745
Mém. p. 240.
(17) V oyez le feptième Livre d’Hérodote 3 qui élève
en cet endroit de fon Ouvrage un beau trophée à fa
gloire & à celle de fon pays. Le dénombrement de
l’armée de Xerxès paraît avoir été fait avec affez d’exac­
titude. Mais la vanité des Perfes, & enfuite la vanité
des G recs, furent intéreffées à exagérer l'armement 8i
la vi&oire. Je doute beaucoup que dans une invafion,
les affaillans aient jamais furpaffé en nombre la popu­
lation totale de la contrée où ils portoient les armes.
i 6 Hijloire de la décadence
Orphée donnent fouvent à l’Hellefponf,
Mais nos idées de grandeur font d ’une
nature relative ; le V oyageur, 8c fur-tout
le Poëce qui nàviguoit fur l’H ellefpont,
oubliok infertfiblement la m e r , én fui-
vant fes détours , 8c en contemplant avec
admiration le fpe&acle pittùfefqüe qui
termine de tous cotiés cette riante perf-
peftive. Son imagination féduite lui pei­
gnoir ce détroit fameux avec tous les
attributs d‘une rivière m ajeftueüie, qui-
couloit rapidement entre des coteaux dé*
licieu x, 8c verfoit enfin fes eaux par une
valle embouchure dans la mer Egée ou
l’Archipel (18). L ’ancienne T roie (19),

(18) Voyez Wood’s obfervatwns on Homer , p, 320. j ’3i


du plaiiir à tirer cette remarque d’un Auteur qui en gé­
néral femble avoir trompé l’attente du Public, comme ,
Critiqua , & encore plus comme Voyageur. II avoit par­
couru les bords de THeilefpont; il avoit lu Strabon,&
il auroit dû confulter les Itinéraires Romains. Gomment
a-t-il pu confondre Ilium Alexandrin Troas (Observa­
tions 5 p• 340, 341 ) , deux villes placées à feim milles
de diftance ?

(19) Démèttius de Scepfo a écrit foitante Livres fût


ü tu é e
de ^Empire Romain. C&piïXVTt. xf
fîtuée fur une éminence au pied du Mont,
Ida,avoir négligé l'entrée de l’Helleipont,,
qui reçoit à peine quelque? -eaux des
fameux ruiiFeaùx du Sxmoïs. 8e du Sca-
m andre.Le camp des Grecs occupait un.
efpace de douze milles, le long du .ri»,
va'ge, entre le promontoire de Sigée 8c
celui de Rhète ; 8e les flancs de leur ar­
mée écoient défendus par les Chefs les plus
courageux , qui combattoient fous les
drapeaux d’Agamemnon. Le premier de
ces promontoires étoit occupé par Achille
8e fes invincibles Myrmidons. Le dédai­
gneux A jax occupait l’autre, Quand A jax
eut fait le facrifice de fa vie aux préten­
tions déçues de fa van ité, on éleva fon
monument dans l’endroit où il âvoit
défendu la flotte contre la colère de Ju­
piter 8e d’H ector; 8e les habitans de la
ville de Rhète , que l’on commençoit
à b â tir, lui accordèrent les honneurs
, 1 ^ , ' ■ ,
)
• — « i— — . ;— VI ‘ 'É"MMTT;*

trente lignes du Catalogue d'Homère. Le treizième Li*


vre de Strabon fiiffit à notre curiôiité.
Tome IVl B
r# Îlijfo lh dt fa âicaâentt "
divins (20). Cohftantin, avant de donner
à la fituation de Byzance la préférence
quelle m éritoit, avolt eu deifein de
placer le liège de l’Ëmpire fur ce terrein
fameux, doit les Romains prétendoienc
tirer leur fàbuleufè origine. 11 ch o iiît,
pour bâtir fa nouvelle oapitaie, la vafté
plaine qui S’étend au deÏÏbus dé l’an­
cienne Troie jufquau promontoire de
R h è te , ou répofènt les cendres de l’or­
gueilleux Ajax ; & ‘quoique cette entre-
prife ait été bientôt abandonnée, les
reftes impofans des tours & des murs
imparfaits frappèrent long-temps les yeux
8c l’attention des Navigateurs fai). _

(2 0 ) Strabon, 1. x n i , p. 595. Homère ( voyez FI-


liade i x ^ 220) décrit très-nettement la difpofitioh
des Vaiflèatn Retirés ^iîir la grèvfe, àuüi que les pôftes
d ’Ajax ÔL d’Achille.
(21) Zoüine, L n , p. ïd5* Sozomené , 1. 3*
Théophanes 3 p. 18. Nicephoras Calliftus, I. v i t , p,
-48: Zoraras, tomv îx , L x m , p; “6,Zûfnne pladè la
nouvelle ville-entre Ilium & Alexandrie,; m is cela
peut s’expliquer par la grande étendue de fe circon­
férence. Cedrerius ( p* 283 ) allure qu ayant la fondà-
de l’Empire Romain. Chap. XVII. t$f
Oe tableau fucçiriâ: d o it avoît -lUii le Avantage»
de la iîtuatiou
Lecteur en état d ’apprécier la pofition deCGûûftiiti-
noplci
avantageai« ' de Conftantinople. La N a­
ture femble l’avoir formée pour être la
capitale Èc le centre d’un grand Êm-1
p ï^ . Située au quarante & unième degré
de latitude., la ville Impériale dom inoit,
du haut de les fept collines (21), fur les
rives de l’Europe èc de l’Aiîe. Le cli­
mat étoit fain èc tempéré- le fol fer­
t i le , le port vafte èc sût: L e leul en­
droit fuiceptible d’être attaqué du côté
du con tinent, étoit d’une petite étendue
èc d’une défenfe facile. L e Bofphore è i
l ’Hellefpont font lés deux portes de G o n f

fion de ConAantinople, on vouloit établir le /légende


l’Empire à Theffalonique ; & Zonaras dit qu'on vod-
loit rétablir à Sardique, Ils iuppofent Fun & l’autfe^
avec peu de vraifemblançe, que fi un prodige n’eut
pas arrêté FEmpreeur, il auroït commis la faute des
j/Lveugles Châlcédoniens. - -
(aa) Pocock’s, Deicriptiort o f the Eaft, vol. 2, part.-a,
J). 127. Son plan des fepjt collines a de la netteté |Bp
de Fexaâitude. Il efl rare que ce Voyageur foit aufli
fetisfaifant; ..
io Hìfioire de la décadence
tantìnople ; & > Prince qui étoit le
maître de ces deux paflages, pouvoic
toujours les fermer aux flottes des en­
nemis, &L les ouvrir à celles du com ­
merce. La politique de ConftÊitin fa uva
les provinces de l’Orient. L e s Barbares
de l’Euxin , q u i, dans le fiècle précé­
dent , avoient conduit leurs flottes jus­
qu’au centre de la Méditerranée, furent
arrêtés par cette barrière infurmontable,
fie renoncèrent bientôt à leur brigandage.
Lorfque les portes du Bofphore 6c de
l’Hellefpont étoient fermées , la capi­
tale n’en /ouffroit point. Les denrées
de néceiïîté, fie les jouiiïances du luxe
fie de l’opulence fe trouvoient en abon­
dance dans fa fpacieufe enceinte. L e s ,
côtes maritimes de la Thrace & de- la
Bithynie, qui languiiîènt fous le glaive
du deipotifme Othoman , préfentent en­
core une riche perfpective de :vignes , .
\ -de jardins, de de terres fertiles & cul­
tivées ; & la Propontide a toujours été
renommée par la-quantité inépuilable de
âe VEmpire Romain. Chap. XVIL zt
fès poiilons délicieux : ils s’y rendent rëgu*
lieremènt tous les ans dans la meme fai-
fo n , & on peut en pêcher abondamment
fans adrefle SC prefque fans peine (13).
Quand le paifagf des détroits étoit
ouvert au com m erce, toutes les ri-
chefles de là Nature & de l’A rt s’v ren-
doient du nord Sc du fu d , pat l’Euxin
& par la Méditerranée. T o u t ce que les
forêts de la Germanie & de ta Scythie
pouvoient raifembler d’induftrie juiqu’aux
fùurces du Tanaïs & du Boryftène , tout
ce que l’art de l’Europe & ce î’Alxe pro-
d’uifoit, les blés de l’E g y p te , les pîérres
précieufes, &' les épices des parties les
plus ,recalées de FInde, étoîent amenés
par les vents jufque dans le port de C o n C-
^ .*• ' 'iy
tantinople , qui attira pendant plufîeurs

(zyy V oyez Relon , Obfervatîons ^ c. 7^-7^* t a pela-


inide, efpèce déihon , étoit le plus célèbre de tous ces
poiffons. P o iy b e , Strabon , & Tacite, difent que les
bénéfices de la pêche fannoient le principal revepu de-
Confiantinogle».
4a 'Hijloire de'la décadence ■
iîècles le commerce du M onde entier (¿4).
Le -fpe&acie de la beauté, de la fu­
reté 6c de la richefle reunies dans; ce
coin de la terre, fuffiroit pour juftîfier
le choix de Conftantin. Mais , connue
on avoit imaginé dans tous les temps
d’attribuer Torigine des grandes villes (15)
à quelque prodige fabuleux, pour la ren­
dre plus refpeétable, l’Empereur voulut
perfuader que fa réfolution lui avoir été
.di&ée moins par les confeils incertains
de la politique humaine, que par les
infaillibles décrets de la divine fageiîe.
Dans une de fes L o ix ,il a pris foin d’i n f
truire la poftérité, que c’étoit par l’ordre
exprès de Dieu qu’il avoir pofë les iné­
branlables fondemens de Conftantino-

(14) Voyez l’éloqueme Defcription de Busbeqpius**


EpiiE 1 , p. 64. E fi in Europei, kabet in confpetiti A fum i >
¿Egyptum , Ajrìcamque à iextra. Q ua tametf contigua
non funt, maris tamen navìgandique corninoditate , veduti
junguntur y a finifrà vero , pontus efl Euxinus 9
*
(25) Datar h&c venia antiquitati y ut mìfeenda Humana
divinis primordio, urbium auguftioru faciqu T i te - Live
Proem.
■ deVEmpire Romain. C hap .X V II.
pie ( 26) i Sf quoiqu’il n’ait pas jugé à pro­
pos de raconter de quelle manèire la célefte
inipi ration s’étoit communiquée à fon e{-
prit, Yingénuité de plufieurs écrivains a li­
béralement fuppléé à fon modefte iîlence.
Ils ont donné un détail intére liant de la
vifîon que Çonftantin eut pendant fon
iommeil dans l’enceinte de Byzance, L e
génie tutélaire de Îahaville. lous la figure
d’une vieille m atroJ^ffailTée par le poids
de l’âge Scdes infirmités » fut tout-à-coup
changée çn une jeune fille fraîche St
brillan te, que J’Eippereur revêtit lu i-
même des orpemens de la dignité impé­
r ia le ^ ) . Le Monarque s’éveilla,interpréta
le Ponge myftérieux, & obéit fans héfiter

(26) On trouve dans une defes Loix : Pro commodi-


tate urbis quant aterno nofhine r jubente D eo , donavimus.
Cod. Theodof. I. x i i î , tit. 5 , Leg. 7.
(17; Les Grecs ÿ Théophanes; Cedrenus, & PAntew
de la Chronique d^Àjexandrie, ne s’expriment que dHine
manière vague & générale. Si Ton veut troijvçr de plus*
grands détails fur cette y/fion , il faut recourir aux A i ­
lleurs Latins; à Guillaume de Malmesbury, p$r exemple*
V o y e z Ducange* C . P. fi i , p, 24, 25.
iv
%± Hijîoire de la decadencé *
à la volonté du Ciel. Le jo u ro ii une ville,
"oubien une C o lon ie, prenoit naiffance,
étoit célébré chez les Romains avec toutes*
les cérémonies que peut inventer une fu-
perftition qui prodigue les m erveiliesfiS).
Conftantin- autoit dû peut-êtte négliger
des pratiques qui fembloient tënir du
Paganifme \ mais il avoir à cœur de laiflèr
une profonde im p fllo n d’efpérànce de
de vénération dans 1 efprit des fpe&ateurs.
L ’Empereur a p ied , 8c une lance à la 4
main , conduifoit folennellement la pro-
çeffion, 8c dirigeoit 4e iillon deftiné à
former l’enceinte de la Capitale ; il le
fit continuer fi long-tem ps, que les fpec-
tateurs en furent étonnés. Quelques-uns
lui ayant obfervé qu’il avoit déjà excédé
les plus vaftes dimenfions d’une grande
ville : J avancerai ? répondit Conftantin ,

(2.8) Voyez Plutarque, in RomjuL t. x > p* 49, ’ édition


de Bryan. Eutre autres cêrémpnies ; on çreufoit un grand
troB qu’on rempliflbit de terre. Chacun des énjigran«
en apportok une poignée du lieu de fa naiffaace , & ¡£
«doptoit ainfi fa nouvelle patrie;
de VEmpire Roitiaïn. C h à p. X V II. %5
jufqu’à ce que le . guide invifible qui
marche devant m o i, juge à propos de
m’arrêter (29). Je ne chercherai point à
deviner l’intention ou les motifs de ce
pieüx conducteur , & je me bornerai
modeftemerït à décrire l’étendue & les
limites de Conftantinople (30)-.
Dans l’état où la ville eft aujourd’h u i,5
le palais & les jardins du {errait occupent pie
le promontoire orien tal, la première des
fept collines*; & renferment environ cent
cinquante acres , mefure d’Angleterre.
Le ilége de la jalouiïe & du defpôtifme
Othoman eft pofé fur les fondations

(29) Philoftorgius, 1. 11, c, 9. C et incident eft tiré


d’un Ecrivain fuipeft ; mais il eft analogue au caraflère
de Conftantin, & vraifemblable.
(30) V oyez dans les Mémoires de l'Académie des Inf-
criptions, 1.35, p. 747-75fi* une Diflertatlon de M. d’An-
ville fur l’étendue, de Qonftantînople. Le plan inféré .
dans YImperium^ orientait de Banduri lui paroît le plus
complet ; mais par une füite d’obfervations très-judi*
tieufes , il réduit la proportion extravagante de l’échelle,
& il fixe la circonférence de la ville à environ 7800
toiles de France s au Heu de 95QO*
i6 Hifloirç dê Is décadçnçt
d’une République des Grecs : niais on
peut fuppofer que les Byzantins furent
tentés, par la commodité^du port, d’éten­
dre leurs habitations de ce côté au delà
des limites modernes du ferrait Les nou­
veaux murs de Conftantin commençoient
au p o rt, &, joignoient la JPropontidc à
travers le diamètre élargi d’un triarîgle,
à. la diftance de quinze ftades de Tati'-
cienne fortification ; & aveçla> cité de
Byzance , on renferma cinq des fept
collines, A lapproche de .(Sonftantinople,,
elles parodient s’élever fymétriquement,
l’une au deiTus de l’autre, & préientent un
fpeétacle enchanteur (31). Environ cent
ans après la mort du Fondateur , les
nouveaux bâtimens furent continués v
d’un côté jufqu’au p o rt, & de l’autre le
long de la Propontide. Ils cquvroient déjà
la pointe étroite de la fixième colline ,

(î 1) Codinus, Ahtìquitat. Confi, p, 12.Il indique régltfe


de St. Antoine comme la borne du côté du hayre. t)q-
cange (K î v , c, 6 , ) en parler mais j’#î
de découvrir le lieu précis où,elle étoit fitirée*
de l’Empire Rbmâin. C heap. XVII. %y
& le large fommet de la feptièitie. La né*
ceffité de défendre les fauxbotfrgs contre
les irivafions fréquentes des Barbares,
engagea le dernier des Théqdoiës à eut'
tourer fa capitale _ d’une enceinte de
murs folides &i uniformes (3 4), D u pro­
montoire oriental à la porte d’or , la
plus grande longueur de Çonftançinople
étoit. de trois milles romains: (3-3) 3 la cir­
conférence étqit de'dix à o n z e , 6e la fur-
face peut être calculée comme égale à deux
mille acres anglois. O n ne peut excufer

(ja ) La nouvelle mitraille de Théodofe fur confiante


en Tannée 413. Elle fut renverfée par un tremblement
.de terre en 4 4 7, & rebâtie dans Tefpace de trois mois,
par la diligence du Préfet C yrus. Le fauxbourg des Bla-
chçrn&fat renfermé.dans la ville, fous le règne d’Héra*
clius.. D ucange, ConfL 1 .1 , c. i o , 11*
(3 3) La Notifia détermine cette mefure à 1407Ç pieds*
Il eft' raifonnable de fuppofer qu'il s’agit ici de pieds
grées, donrM. d’Anville a fixé la proportion avec beau­
coup de fagacité. >11 compáreles cent quatre-vingts pieds
-avec les foixante dix-huit coudées hashémites, que dif'
férens Ecrivains donnent à la hauteur de Sainte-Sophie.
<3®&cnne de ces coudées équivaut à vingt-fept pouces
de France,
z§ Uijîbire de ta décadence V

la crédulité & les exagérations des V o y a ­


geurs modernes, qui comprennent quel­
quefois: dans les limites dè C onftantinof le
Jes villages de la rive Européenne , &
même ceux de la côte Afiatique (34). Mais
les fauxbûurgs dé #Péra & de G a la ta ,
quoique fitués au delà du p o rt, peuvent
être regardés comme faifant partie de la
ville (35); ôc cette augmentation p e u t,
en quelque façon , juftifier un Hiftorien
de Byzance, qui donne à cette ville où

(34) L*exa£fcThevenot (L ïf c * Yç.) fît en une heure


trois quarts le tour de deux des côtés du triangle, de­
puis leKiosfc du ferrait jufqu’aux fepfc Tours, D ’AnVillte
examine avec foin, & adopte avëc confiance ce témoi­
gnage déciûf, qui donne une circonférence de dix on
douze milles. Le calcul extravagant de trente quatre
ou trente milles , fans y comprendre'Scutari, que
fait Tournefort (Lettre x r .) , offre une çootradiâion
étrange avec fa juftdfe §c fa raifon ordinaires*.
(3 ?) quartier des Syc& ou figuiers étoit le treizième*
& Juftinien FerabelÜt beaücoup. On -Fa nommé depuis
Péra & Galata, L ’étymologie-de la première dénomina­
tion eft fort claire >: celle de la feconde eff inconntte«
V oyez Oucaqge, Confi. 1 1 , c. a ^ & G y Î U u * d e ^ y -
m t . U i v , c. iq ,
de P Empire Romain. Chap;XVII. 19
il èft n é , feize milles grecs ou quatorze
milles roumains de circonférence (36).
Cette étendue paroît allez digne d’une
rélidence impériale ; cependant Çpnftan-
tinople le cède à cet égàrd à Babylone, à »
Thèbes, (37) à l’ancienne Rom e , à Lon-
dres. & même à Paris (38). , ’
, Le M aître du Monde Rom ain, qui af- Progrès des
\ piroit à élever un monument éternel, à
|> la gloire & à la profpérité de fon règne,

(3 6y C ’efl: le calcul des cent onze Rades convertis


en milles Grecs modernes* chacun de fept ftades , ou
ïik cent foîxante & quelquefois feulement ' iîx cents
tOlfes dl«France. Voyez d’Anville , Mefures itiné­
raires, p. 53. ; ^ r
(37) Quand on a fixé les anciens textes qui indiquent
l'étendue de T3 àbyfohe & de Thèbes , quand on a ré­
duit leü exagérations & détèrminé les mefures, on
trouve que la circonférence de ces villes fatneufes étoit
dé vingt-cinq ou frente milles , étendue vafle , mais non
pâs fooroyable. Comparez le Mémoire de d’Anville*
dans le Recueil d e T A ca d .d e s ïnfcriptiohs, t. 28 , p.
335 , avec fa Description de l’E gypte, p * a o i, zqz .
(38) Si on divife Conftantinople & Paris, en carrés
égaux do cinquante-une toifes de France, la première
ville contiendra huit cent cinquante y & la fécondé onze
cent foixànte de ces carrés.
)
'io ^JifM ^dtlàdecddmce ■
pouvoir y' émployer les richeÌTes , les
travaux , & tout ce qu’il reftoit encore
de génie à fes nombreux & dociles füjets.
On petit fe faire une idée de la dépenfe
qu’a entraînée la conftru&ion de C onf-
tantinoplej par celle dès m u rs, des por­
tiques & des aqueducs s dont les^frais
fe mdntèreht à deux millions cinq cent
mille lduis (39). Les fOrêts qùicouvrqienç
les rives de l’E u xin , Sc les fameufes bar­
rières de marbre biade qui fe trouvoient
dans la petite" ifle de Proconnèfe s four­
nirent üne quantité .inépuisable d p ’$tatdr
riaux ÿ qu’un court jtrajèb de mèr’ iranfe
portoit fans peine dans le port d e ;By-
zance(4o). Une multitude de Manoeuvres
& -J * : -/ ■ J1 ‘-J: _ _ , , l;

(3 9) Six cents centenaires ^>y foixantç mille livres jjefant


d?o r , dit Codinus (Antiquit. Conft. p , t i , ) r ce mépri-
fable Auteur n’anroit point connu cette npqîère de
compter fi ancienne, s’il ne 1 eût pas tirée d’une iburcé
plus pure.
(40) Consultez Tournçfort, Lettre feizième, furies
forêts de 1» mer Noire , & fur lè s carrières dé hiarbre
de l’ille de Proconnèfe. V oyez Strabon, L Xift,' p. 58#,
Les carrières avôient déjà Îo.tirni iês matériaux’^és ma­
gnifiques bâtimens de Cyziqué* -
de l ’ Empire Romain. C h a ï \ X V II. 31
Bc’¿ ’O uvriershâtoienc, parleurs' travaux
aflîdus , la fin de cette entreprife. M ais
l’impatience de Confian tin l’éclaira bien­
tôt fur rinfuffifance *dü nombre 8c du
génie de íes Architectes pour l’exécution
de fès deíFeíns 3 il ordonna aux Magiftrats
des provinces les plus éloignées, de former
des écoles, de payer 'des Profefíeurs, SC,
d’engager,-par l’eipoir des récómpenfes
& des priv iléges, lçs j eunes gens qui avoient
reçu une éducation diflinguée (4 1), à ie
livrer à l’étude & à la pratique de-rarchi-
teéture.Les conftruéfcions d e là nouvelle
ville furent exécutées par des’Ouvriers tels
que le règne de Conitantiin pouvoic les
fournir 3 mais elles furent décorées par
la main des A rtilles les plus célèbres du
fiècle de Périclès ôcd’Alexandre. Le pou­
v o ir d’un Empereur Romain n’alloit paà
I- I -j i» ^ . f^ 1^ - v - ■ r ■- ■■ - ■t ■, -■ ^ * '" m « lit —

(41 ) Voyez le Coi £ Theodof. 1/ tit 4 , Leg.


Cette Loi eftdatée de 334 : 'elle fut adrèffée au Pré-
fet d'Italie , dont la jurifdi&ion s'étendoit fur l’Afrique.
Le Commentaire dé Godefroi 9 fur le T i tré entier, mé­
rite d’êtré confulté*
i2 Bijioire de la decadence
jufqu a ranimer le génie de Phidias & de
Lyfippe ; mais les immortelles produc­
tions qu’ils avoient léguées à la P o ilérité,
furent livrées Tans défenfe à l’orgueillpufe
avidité du Deipote. Par fes ordres, les
vil les de la Grèce & de l’Afie furent dépouil­
lées de leurs plus riches ornemens (42).
Les trophées des guerres mémorables ,
les objets de la vénération religieufe , les
ftatues les plus précieufes des D ieux &
des Héros, des Sages oc des Poètes dp
l'Antiquité , contribuèrent à l'embellif-
fement de la fuperbe Conftantinpple,
6c donnèrent lieu à la réflexion de l’Hifto-
rien Cedrenus. (43) Il obièrve avec une

(42) Conjîantinopolis dedìeatur , pene omnium urbïum nu-


ditate, Hieronym. Chroni. p, iS i. V oyez Codinus , p»
8 , 9. L'Auteur des Antiquit. Çonft. 1. iii (apud Bau-
duri lmp. Ori. t. i, p. 4 1 .) , indique Rom e, la Sicile f
Antioche, Athènes, & beaucoup d’autres villes. Il y
a lieu de croire que les province^ de la Grèce & de
l’Afie-Mineure donnèrent le plus riche butin.
(43) Hift. Çompçnd. p. 369. Il décrit la flatue ou plu­
tôt le butte d’Homère avec beaucoup de goût; 6c on
voit clairement: qu’il imitoit le ftyle d’un âge plus heu*
réux, *
efpèce
de VEmpire Romain. C hap . XVII. 33
efpèce d’enthoufiafme, qu’il ne manquoifr
plus que fam é & le génie des hommes il-
luftres que ces admirables monumens re-
prëiêntoient; mais ce n’eft ni dans la ville
de Conftantin, ni-dans un Empire fur
le d éclin , qu’il faut chercher le génie
d’Homère & dé Démofthène.
Pendant le iiége de Byzance, laten te du Édifices,

Conquérant avoir été placée fur le fommet


de la fécondé colline ; & pour perpétuer
le iouvenir de ià viétoire , il fit de cet
emplacement le principal Forum (44). Il
femble avoir été conftruit fur une forme
circulaire,, ou plutôt elliptique ; les deux
entrées qui fe faifoient face , formoient
deux arcs dë triomphe : les portiques
qui l’environnoient de tous côtés ,
étoient chargés de ftatues. A u milieu

Î44) Zoilm e, 1. iï , p, 106, Chroniq, Alexandrin, vel


Pafchal, pT 284. Ducange, Confl. 1. i 3 c. 24, Le der­
nier de.ces Ecrivains paraît confondre le Forum de Cons­
tantin avec VAugiifleum ou cour du Palais* Je ne fuis
pas sûr d’ayoir bien diftingué ce qui appartient à Tun §£
à l'autre.
Tome I K . G
34 Hijloire de la décadence
du Forum> s’élevoit une colonne très-
haute , dont le fragment mutilé eft au­
jourd’hui dégradé par la triviale dénomi­
nation de Pilier brûlé. Labafe de*■ cette
■ ^
co-
lonneétoitun piédeftal de marbre" blanc,
de vingt pieds d’élévation. Elle étoit
compofée de dix blocs de porphyre, cha­
cune de dix pieds de hauteur, 6c de trente-
trois de circonférence (4 5). La ftatue colof-
fale d’Apollon étoit placée fur le fommet
delà colonne, à cent vingt pieds de terre.
Elle étoit de bronze, 6c avoit été ap­
portée d’Athènes, ou d’une ville de Phry-
gie. On prétendoit qu’elle étoit l’ouvrage
de Phydias. L ’Artifte avoit repréientjé le
Dieu du jour , ou , comme on l’a fup-
pofé depuis, Conftantin lui-même, 'avec
un fceptre dans la main droite, le globe
du monde dans la gauche, 6c une couronne

(45) C ’eft Pocockequi donne la meilleure defcriptîon


de cette colonne. Defcription o f the Eaft. vol. 2f part.
2-.p. 131. Mais ce qu’il en dit eft confus 8ç peu fatif-
Îàifant fur plufieurs points.
de VEmpire Romain. C h AP. XVII. 3 5
de rayons étincelans fur Ta tête (46). L e
Cirque ou Hippodrome étoïc un bâtiment
magnifique ; il avoit environ quatre cents
pas de longueur, cent pas de largeur(47).
L ’efpace qui féparoic les deux bornes,
étoit rempli d’obélifques & de ftatues ;
&i Ton y remarque encore un fingulier
monument de l’antiquité ; les corps de
trois ferpens entrelacés forment un pilier
de cuivre. Leur triple tête Toutenoit au­
trefois le trépied d’or qui fut çoniàcré
dans le temple de Delphes par les G recs,
après la défaite de Xercès 6c leur vic­
toire (48). 11 y a déjà long-temps que i’Hip-
— — 1 ' -' - ' 1■ '*

(46) Ducange, Conltanr. 1. i, c. 24, p. 76, & fes


Notes ad Alexiad. P.38Z. La flatue de Conftantin
&. d’Apollon fut renverfée fous le règi?e d’Alexis
Comnène.

(47) Tournefort (Lettre x i l ) dit que 1*Atmeidan a quatre


cents pas de longueur. S’il veut parler de pas géomé­
triques de cinq pieds chacun ? c ’eft trois cents toifes de
longueur, c’eft-à-dire, environ quarante toifes de plus
que le grand Cirque de Rome. Voyez; d’A n ville, Me-
fures itinéraires, p. 33,

(48) Des témoignages fans nombre fe préfentent ici*


C ij
\

3 6 Hijioire de la décadence
podrome a été défiguré par les mains'bar-
barcs des Conquérans Turcs, Sous la
dénomination équivalente d }jitm éidan ,
il fert aujourd’hui d’emplacement pour
exercer les chevaux. Du trône d’où l’Em­
pereur voyoit les jeux du C irq u e, un
eicalier tournant (49) le conduifoit au
'■ 1 " ___;_____ 1

V oyez Banduri ad Antiquit. Confiant* p. 668- Gyllius


de Byzant. 1. i l , c. 13. i° . La confécration du trépied
& de la colonne dans le temple de Delphes 3 peut Te
prouver par Hérodote & Paufanias. 20. Le Païen Zo-
fime convient avec les trois Hiftoriens Eccléfiaftiques >
Eusèbe, Socrate, & Sozomènes, que les ornemens fa-
crés du temple de Delphes furent ,tranfportés à Conf-
tanrinople par ordre de l’Empereur , & il indique en
particulier les ferpens en forme de colonne, de l’Hippo-
drome. 3°.Tous les Voyageurs Européens qui ont exa*
miné Conftantinople, depuis Buon Del Monte jufqu’à
Pococke, l’indiquent dans le même endroit, Seprefque
de la même manière. Les différences qu’on remarque
dans leur defeription, font une fuite du? dégât qu’ont
fait les Turcs. Mahomet II lui donna un coup de fa hache
de bataille, St il brifa la mâchoire inférieure de l’un
des ferpens. T h éven ot, L 1. c. 17.

(49) Le nom latin Cocklœa fut adoptékpar les Grecs ,


& on le trouve fouvent clans THiftoire Byzantine. Du-
cange, Confiant. l . n , ç . i ? p. 104.
de VEmpire Romain. C hap . XVII. 37
Palais. C e magnifique édifice le cédok à
peine au Palais de Rome ; avec les cours,
les jardins & les portiques qui en dépen-
doient, il couvtokune étendue confidé-
rable de terrein, fur les bords de la P ro-
pontîde, entre l’Hippodrôme & l’égliie
de Sainte-Sophie (50). O n pourroit aufli
faire la description & l’éloge des bains.
Ils confervèrent le nom de Zeuxippe >
quoique la libéralité de Conftantin les eût
enrichis de luperbes colonnes de marbres
de toute eipèce ôc de plus de foixante
ftatués de bronze (51); mais le but que*3

(50) Trois points topographiques indiquent la fituation


du Palais, i^. L ’efcalier qui établiffoit la communication
avec FHippodrome ou YAtméidan ; 20. un petit pont ar­
tificiel fur la Propontide , d’où l’on mon toit ai fément
aux jardins du Palais par une rampe de marbre biaoc;
30. YAugufteum 9 cour fpacienfe, dont un des côtés étoit
occupé par le devant du palais 3 & un fécond par Fé-
glife de Sainte-Sophie.
(yi) Zeuxippus étoit une épithète de Jupiter , fk ces
bains faifoient partie de Fancienne Byzance, Ducange
n’a pas fenti combien il eft difficile de déterminer leur
véritable pofition. Les Hiftoriens femblent les réunir
à Sainte -Sophie & au Palais ; mais dans le plan crfi
C iij
28 Hifloire de la décadence
1*Auteur de cette Hiftoire s’eft propofé >
ne lux permet pas de décrire minutieu-
fement les bâtîmens & les différens quar­
tiers de la ville. Il fuffira de dire que tout
ce qui peut contribuer à la magnificence
& à la majefté d'une vafte capitale, & aux
jouiffancesde Ces riches habitans, fetrou-
voiten abondance à Conftanrinople. U ne
defcription qui fut faite cent ans après
fa fondation,en donne le détail fuivant.
Le Capitole, une école pour les fciences,
un ;cirque , deux théâtres , huit bains
publics , èc ceiit cinquante-trois bains
particuliers, cinquante-deux portiques ,
cinq greniers publics, huit aqueducs ou
réiervoirs d’eau , quatre grandes falle? oit
cours de Juftice où le Sénat s’aiTembloit, ~
quatorze églifes, quatorze palais, & quatre

glnal qu’a donné Bandurî, ils fe trouvent de l’autre


côté de la ville, près du havre. Quant à leur beauté,
voyez Chron. Pafcaî. p. , & Gyllius de Byzant.
1. i l , c. 7.. (Chriflodonis (Antiquit. Gonflant. 1. V il. )
compofa des infcriptions en vers pour chacune de ces
fiatues. Il étcit Thébain par font talent _ainfi que par fa
naiflance.
de P Empire 'Romain. C hap . XVII. 39
mille trois cent quatre-vingt-huit maifons
que leur grandeur 6c leur magnificence di£
tinguoient des habitations du peuple (5 2).
La population de cette ville chérie fut,
après ia fondation , l’objet de la plus fé-
rieuie
t attention de fon Fondateur. Dans
l’obfcurité des temps poftérieursàlatranf.
lation de l’Empire, les fuites prochaines
6e éloignées de cet événement mémorable
furent étrangement altérées 6c confondues
par la vanité des Grecs 6c par la crédulité
des Latins (53). On aiFura 6c on crut., que

(51) V oyez la Notïtïa. Rome ne comptent que xjS'o


grandes maifons ; mais le mot domus de voit lignifier un
très-bel édifice. Les Ecrivains ne difent pas qu’il y eut
des Infula à Conftantinople. L'ancienne capitale ren-
fermoit424 rues, & la nouvelle 322-
(53) Luitprand, Legado ad lmp. Nicephorum, p. 1^4*
Les Grecs modernes ont défiguré d’une manière étrange
les antiquités de Confian tin opîe* On doit exeufer les
erreurs des Ecrivains Turcs ou Arabes ; mais xi efi éton­
nant que les G r e c s p o u v a n t étudier les monumens
authentiques confervés dans leur Langue, aient pré­
féré la fiéfion à la vérité 5 & dlncertaines traditions,
aux témoignages, de THiftoire. Une feulé page de C o-
dinus offre douze erreurs impardonnables; la réconci-
C iv
a<5 tîijloire de là décadence
toutes les familles nobles de R om e, le
Sénat & l’Ordre Equeftre, avec le nombre
prodigieux de gens qui leur appartenoierit,
avoient fuivi leur Empereur fur les bords
delaPropontide; qu’il n’étoitreilé à Rom e
qu’une race ignoble d’étrangers & de Plé­
béiens , fie que les terres d’Italie, dont on
a fait long-temps après des. jardins, reliè­
rent fans cultivateurs
\
fie fans habitànsf
\
54).
Dans le cours dé cette Hiftoire, de pareilles
exagérations feront réduites à leur' jufte
valeur, Cependant, comme l’on ne peut
attribuer l’accroilfement de Conftantino-
ple à l’augmentation générale du genre
hum ain, ou de l’induftrie, îl faut bien
que cette colonie fe foit élevée ÔCenrichie
aux dépens des autres villes de l’Empire. Il

liation de Sévère & de Niger; le mariage de leurs en*


fans ; le liège de Byzance par les Macédoniens ; l’in*
galion des Gaulois, qui rappela Sévère à Rome ; les
foixante ans qui s’écoulèrent de fa mort à la fonda­
tion de Conftantinople, &c»
CH) Montefquieu, grandeur & décadence des Ro»
xnains, c. 17.
de V-Empire Romain. C hàp .XVII. 41
eft probable que l’Empe'reur invita; les
riches Sénateurs de Rome Sedes Provinces
orientales à venir habiter l’endroit fortuné
qu’il ayoit choifi pour en faire ià propre
réiïdence. Les invitations d’un . maître
font difficiles àdiftinguer de fes ordres, Si
l’Empereur y ajouroit des libéralités qui
obtenoient une obéiiïance prompte Sc
volontaire. Il fit préfent à iès .favoris des
palais qu’il avoit fait bâtir dans les diffé-
rens quartiers de la ville ;%il leur donna des
tqrres Sc des penfions pour .foutenir leur
rang (5 5); Sc il aliénales domainesduPont
Sc de l’A fie, pour leur afïurer des fortunes
héréditaires, fous la légère redevance
d’avoir leur principal domicile dans la

(55) Themifl. Orat. p. 48. Edit. Hardouin. Sozo*


mènes, 1. 11, c. 3. Zofm ie, L a . p. 107. Anonyme*
Valefian. p. 715. Si on peut ajouter foi à Codin (p.
10 .), Conftantinlbâtit des maifons pour les Sénateurs*
exaâement fur le modèle de leurs palais de Rome;
& il.leur ménagea ainfi le plaifir d’une furprife agréa*
ble ; mais fon récit eft plein de fiétions & d’incohé­
rences*
'4z Hifioire de la décadence
capitale (56). Çes encouragemens & ces
récompenfes devinrent bientôt fuperflus ;
ôe iis furent fupprimés peu à peu. U ne
grande partie du revenu public eft toujours
dépenfée dans la réfidence du Gouverne­
m ent, par le P rin ce, par Tes M iniftres,
par les Officiers de Juftice, 8c par les O f­
ficiers 8c les domeftiques du Palais.' Les
plus riches habitans des Provinces y font
attirés par les motifs puiiïans de l’intérêt
8c du devoir, delà curiofité 8c des plaifirs.
Une troifième claiTe encore plus nom-
breufe s’y forme infenfiblement ; celle
des domeftiques , des ouvriers, 8c des
Marchands, qui tirent leur fubfiftance de
leurs propres travaux 8c des befoins ou de

($6 ) La Loi par laquelle Théodofe le jeune changea ,


en 438, cet arrangement, fe trouve parmi Les N o­
velles de cet Empereur ? à la fin du Code Theodo-
ûen ? t. 6, Nov, 12. M. de Tillemont ( Hift. des Em­
pereurs ,t » 4 j p. 371. ) s’eft évidemment mépris fur la
nature de ces domaines .von acceptoit avec reconnoif-
fance une condition qu’on auroit jugée vexatoire fi. elle
eût porté fur des propriétés particulières ÿ & non fur
des domaines accordés par l’Empereur,
de l ’Empire Romain, X V II. 43
C h ap.
%
la fantaifie de leurs fupérieurs, En moins
d’un iiècle, Conftantinople le diiputoit à
Rom e m êm e, pour-les richeiFes &. pour la
population. D e nouveaux rangs d,e maifons
entaiïees les unes fur les autres, fans égard
pour la fanté, ou pour la commodité des
habitans, ne formoient plus que des rues
trop étroites pour la foule d’hommes , de
chevaux Sc de voitures. L ’enceinte devint
infuffifante pour contenir l’accroifTemenc
du peuple ; & les bâtimens qu’on pouffa
des deux côtés jufqu’à la mer, aüroient
feuls compofé une grande ville (57).
Les diftributions fréquentes èc. régu­ Privilèges,
lières de vin &: d’huile, de blé ou de pain,
d’argent ou de denrées , avoient prefque
difpenfé du travail les citoyens les plus

C57) Gyllius de Byzant. 1 .1, c 3 , a recueilli & lié


les paffages de Zofime , d’Eunapius, de Sozomènes, &
d’Agathias, qui ont rapport à l’accroiffement des édi­
fices & de la population de Conftantinople. Sidonius
Apolliparis ( & Panégyriq. Anthom. t. 6 , p. iÿO , édi­
tion Sirinond. ) décrit les moles qu’on éleva dans la
mer : on les conftruifit avec cette fameufe pouzollaae
qui ie durcit à l’eau.
44 Uijloirs de la decadence
pauvres de Rome. La magnificence des
premiers Céfars fut en quelque façon
imitée par le Fondateur de Conftantino-
pie (58); mais quoique fa. libéralité ait
excité les applaudiiïemens du peuple, elle
n’a pas obtenu ceux de la poflérité. U ne
nation de Légiflateurs & de Conquérans
pouvoir réclamer fes droits aux moiflons
de l’Afrique, qu’elle avoit achetées au prix
de fon fang ; & Augufte fe conduifit pru ­
demment en faifant perdre aux Romains
le fouvenir de la liberté, dans les fêtes
& dans l’abondance. Mais la prodigalité
de Conftantin ne pouvoit avoir pour ex-
cufe, ni fon propre intérêt, ni celui du
public. Le tribut annuel de blés, impofé
fur l’Egypte en faveur de fa nouvelle ca-

' :------------------- 7—-------:--------


(58) Sozomène, L n , c , 3 ; Philcftorg. I. n , c, 9 ,
Codîn. Anriquitat. Gonflant, p. 8. Un pailage de So­
1
crate ( , iij c. 13.) donne lieu de croire que l’Empe­
reur accordoit chaque jour à !a ville huit myriades de
erira} qu’on peut traduire avec Valois ? par. modii, de
hlé , ou appliquer au nombre de pains que le Prince
iaiioit diftribuer. '
de V'Empire Romain. C hàp. XVII. 45
pitale,, étoit répandu fur un© populace pa-‘
reileufe& infolente, aux dépens des culti­
vateurs d’une Province induftrieuiè (jy).
C et Empereur fit encore quelques autres
réglemens. moins blâmables ; mais péu di­
gnes d’attention. Il divifa Conftantino-
ple en quatorze quartiers (60), honora le
Confeil public du nom de Sénat (61), ac-.

(59)V o yez Cod. Théodof. 1. x m & x r v ; & Cod. Juf-


tinien. Edit 12 , t. 2 , p. 648 , édit. Genèv. Voyez auifi
la belle plainte de R om e, dans le Poème de Claudieu,
de B e llo G ild o n ic ü , vers 46-64. ;
Cum fubitt par Roma m ihi , divifaque JuQifît
Æquales angora togas ; Æ^yptia rata
ïn panan cejfire novam.

Oo) Le Code de Juftinien parle des quartiers de Cons­


tantinople , & la Notltia du jeune Théodofe en fait la
defcriptrion ; mais les quatre derniers n’étant pas ren­
fermés dans les murs de Conflantin, on ne fait il cette
diviiion de la ville fut l’ouvrage du Fondateur.
(61) Senatum conflitu.it fecundt ordinis. Cl a ko s vocavit.
Anonym, Valefius. p, 715. Les Sénateurs de l’ancienne
Rome étoièpt encore appelés Clariffîmi, V oyez une
Note curieufe de Valois fur Ammien Marcellin , x x ii ,
9. Il paroît, d’après la onzième Lettre de Julien , que
l’emploi de Sénateur étoit regardé comme un fardeap
plutôt que comme un honneur ; mais l’Abbé de la
a6 Uifioire de la décadence
corda aux habitans les privilèges des Ira-*
liens (61), & décora la nouvelle ville du
nom de Colonie & de fille aînée de Van­
cienne Rome. Celle-ci conferva la fupério-
rité légale ôc reconnue, que méritoient
fon rane & le fogvenir de fon ancienne
grandeur(63). CommeConftantinpreiToic

BietterieX Vie de Jovien, t. ï , p. 371. ) a fait voir que


cette Epître ne peut avoir rapport à Conftantinople.
Au lieu du célèbre nom de Bvì'tMTtoi?, ne peut-on pas
lire le vieil nom de BtravQtji/ôtç ? Byzanthe ou Rhœ-
deftus , aujourd'hui Rhodofte ? étoit une petite villë
mamitüe de la Thrace. Voyez Sthephan. Byzant. de
Urbibus , p. 22,5, Sa Cellarius Geog. t. i , p. 849*
(62) Cod. Théodofi. 1. x i v , 13* Le Commentaire
de Godefroy (t. 5 }p. 220.) eft long , mais confus, &
ôc il n’eft pas aifé de dire ce que pouvoit être le Jus
Italïcum, après quon eut donné à tout l’ Empire le
'droit de Cité. v *
(63) Julien (Orat. 1 , p. 8, ) dit que Conftantinople
étoit aufii fupérïeure à toutes les autres villes, qu’ elle
étoit inférieure à Rome. Son favant Commentateur
(Spanheim, p. 75 8C76. ) juitifie ces exprefïions par
divers rapprochemens des contemporains. Zofime , ainfi
que Socrate & Sozomènes, vécurent après que la divi-
fion de l'Empire > entre les deux fils de Théodofe ,
eut établi une parfaite égalité entre l'ancienne & la
nouvelle capitale.
de VEmpire Romain. C hap . XVII. 47.
les conftru£tions avec l’impatieiice d’un
am ant, les murs, les portiques, & lés
principaux édifices furent achevés en peu
d’années, ou, félon d’autres, en peu de
mois (64). Mais cette diligence extraor­
dinaire paroîtra moins incroyable, quand
on faura qu’un grand nombre de bâti-
mens furent finis fi à la hâte &C fi impar­
faitement , qu’on eut beaucoup de peine

(64) Codinus ( Antïquitat, p. 8. ) affure que les fon-


demens de Conftantinople furent jetés l’an du Monde
583 (A. D. 319. ) , le 26 Septembre, & que la dé­
dicace de la ville fe fit le 11 Mat 5838 ( A . D. 330.)*
Il lie ces dates à plufieurs époques remarquables ;
mais elles fe contredifent. L ’autorité de cet Ecrivain a
peu de poids , & l’intervalle qu’il afïigne doit paroître
infuffifant> Julien (Orat. 1 , p. 8. ) en donne un de dix
années ; & Spanheim s’efforce d’en prouver l’exaéfi-
tude (p. 69-75, ) , à l’aide de, deux pafiages de Themif-
tius!( Orat. i v , p. 58, ).& de Philoftorgius ( L u , c. 9. ).
Selon ce calcul, les fondemens furent jetés en 1724, &
la dédicace de la ville eut lieu en 1734. Les Critiques
modernes ne font pas d’accord fur ce point de chro­
nologie, 8c Tillemont (Hift. des Empereurs, t. 4 ,
p, 619-625. ) dtfcute très - bien leurs diverfes opi­
nions •
r

4g Hijloire de la décadence
à les empêcher de s’écrouler, fous le rè­
gne fuivant (65). Pendant qu’ils avoient
encore la vigeur & l’éclat de la jeuneiïè,
l’Empereur fe préparoit à célébrer la dédi­
cace de fa nouvelle ville {66).
Dédicace. On peut aifément fuppofer les jeux &
a. d. J5oou jes largeifes qui couronnèrent la pompe

de cette fête mémorable. Mais une cé­


rémonie fingulière, & qui fut plus du­
rable, mérite quelque attention. A chaque
anniverfaire de la fondation, la ftatue
de Conftantin, encadrée par fes ordres
dans un bois doré , étoit portée fur un
char de triomphe, tenant dans fa main
droite une petite image du génie de là
ville. Les G ardes, dans leur plus riche

(65) Themiftius, O rat.-n i, p. 47. Zofime 1. 11, p.


108. Conftantin lui-même laifte affez voir fon impa­
tience dans une de fes Loix (C od. ThéodoC 1. XV,
tit. i, ),
(66^) Cedrenus & Zonaras ÿ plus religieux que clair-
voyans, nous afiureat que Conftantinople fut confa-
crée à la Vierge 7 mère ¿z Dieu, comme i i , à cette épo­
que , on eût penfè de la même manière que de leur
temps* v- ,

appareil,
de l’Empire Romain. C hap . XVII. 49
appareil, portoierit des flambeaux de cire
blanche , & accompagnoient cette pro-
ceffion folennelle dans fa m arche, à tra­
vers l’Hippodrome. Quand elle arrivoic
vis-à-vis du trône, l’Empereur régnant
fe le v o it, faluoit avec l ’air du refpeôt ôc
de la reconnoiflance , ôc adoroit la mé­
moire de ion prédécefleur (67). A la fête de
ladédicace , un Edit, gravé fur une colon­
ne de marbre , donnoit à Conftantinople
le nom de fécondé ou nouvelle Rome (68).
Mais le nom de Conftantinople (69)

(67) La Chronique d’Alexandrie ( p. 285, ) donne la


deferìption la plus ancienne & la plus compiette de
cette cérémonie extraordinaire. Tillemont & les autres
amis de Conftantin , bleffés de Tair de Paganifme , qui
femble indigne d’ un Prince Chrétien, pouvoient la re­
garder comme douteufe j maïs ils ne dévoient pas la
pafTer fous iiUiice.
(¿8) Sozomêne, L 11, c. a. Ducange, C .P . l . i , c.
6. Vdut ipfius Rom& filïam ; c’eft l’expreiïion de St,
Auguftin , Civit, D e i , 1. v , c. i j .
(69) Eutrope, 1. x , c. 8. Julien . Orat. ï. p. 8. D s-
cange, C . P. 1. 1 , c. 5. Le nom de Conftantinople
fe trouve fur les médailles d$ Conftantin.
Tome I V .1 D
«O Uifloire de la décadence
nous a prévalu fur cette honorable épi­
thète, & après une révolution de qua­
torze fiècles, elle perpétue encore lare-
nommée de Conftantin (70).
Forme du La fondation d’une nouvelle Capitale
Gouverne­
ment. fe trouve néceflairement liée avec l’éta-
bliflement d’une nouvelle adminiftration
civile 6c militaire. Là connoîlTance du fyf-
tême compliqué de la politique introduite
par D ioclétien, iuivi par Conftantin, &C
perfectionné par fes premiers fucceffeurs,
offrira non-feulement à l’imagination le

(70) L’ingénieux Fontenelle (Dialogue dés M orts,


XII ) fe moque de la van ité, de i’ambition humaine,
& paroît triompher de ce que la dénomination vul­
gaire d’Iftambol (mot compofé par les Turcs de
trois mots grecs , uç rm ttoA/v) ne tranfmet plus le
nom immortel de Conftantin. Mais le nom primitif eft
encore employé, x°. par les Nations de l’Europe; 2°. par
les Grecs modernes; 30. par les Arabes, dont les
Ecrits font répandus fur la vafte étendue de leurs
conquêtes en Aile & en Afrique. V oyez d’Herbelüt,'
Bibliothèque Orientale, p. 275 ; 40. par les plu5 éclai­
res des T urcs, & par l’Ëmpereur lui-même dans fes
Ordonnances publiques. Hiftoire de l’Empire O tto ­
man par Cantemir., p. 51,
de VEmpire Romain, C hap . XVII. $ï
tableau intéreiïant d’un grand Empire ;
mais elle aidera en même temps à dé­
couvrir les caufes fecrètes de ion déclin
rapide. La recherche de quelques infti-v
tutions remarquables nous entraînera
fouvent à des temps plus éloignés de l’H if
, toire R om ain e, 5c nous ramènera quel­
quefois à des époques plus récentes ; mais
nous la renfermerons prefque toujours
dans les cent trente années qui fe font
écoulées depuis l’avénement de Conftantin
jufqu’à la publication du Code de Théo-
dofe (71). C ’eft dans ceC od e & dans la N o-
titia de l’Orient ôc de l’Occident (72) que

(71) Le Code Théodofien fut promulgué A . D„ 438-


V oyez les Prolégomènes de G od efroy, c. i , p . 18$.
(72) Pancirole , dans fon Commentaire , quii a tra*
vaille avec fo in , donne à la Notiti4 prefque la même
date qu’au/Code Théodofien; mais fes preuves, ou
plutôt fes conje&ures, font extrêmement foibles. Je
ierois plus difpofé à placer l’époque de cet utile O u­
vrage entre la divifion finale de l’Empire (A . D* 395)
& l’heureufe invafion de la Gaule par les Barbares
(A . D . 407)- V o y e z l’Hiftoire des anciens Peuples de
l’Europe, t, 7 , p, 40,
D i j
ci Tïijîoirt de la décadence
nous avons puiféleplus grand nombre de
nos remarques, & les détails les plus au­
thentiques fur l’état de cet Empire. Ces
éclairciiïèmens retarderont un peu la mar­
che de l’Hiftoire ; mais cette fufpenfion
ne déplaira qu’aux Lecteurs fuperficiels
qui ignorent combien la connoiiTance des
Lois & des mœurs eft im portante, & qui
ne repaiflent leur avide curiofité que des
intrigues paiTagères d’une C o u r , ou de
l’iiTue d’une bataille.
Hiérarchie L e fage orgueil des Romains , con ten t,
delà réalité du pouvoir, abandonnoit à
la vanité de l’Orient les formes & les
cérémonies de la repréfentation (73); mais
quand ils eurent perdu jufqu’à l’écorca
des vertus dont leur ancienne liberté avoit
été la fource, la iîmplicité de leurs manières

(73) Scilicet extern£ fuperbiœ fueto > non êrat notltia


noflri (peut-être noftrn ), apud quos vis Imperii valet,inania
tranfmittuntur). Tacite, Annales Xv , 3-1. Les Lettres
de Cicéron, de Pline & de Symmaqne , montrent
bien la gradation du ilyle de la liberté & de la iim-
plicité, à celui des formes Sc de la feryitude* J *■
d e T 'E m p ir e R o m a i n . C hap . XVTL $3
difparut infenfiblement ; & les Romains
s’abaiffèrent jufqu’à imiter la faftueufe
afïèétation des courtiians de TAfie. Les
diftinétions du mérite perfonnel, Ton in­
fluence ii brillante dans une République,
fifoible & fi obfcure dans une M onarchie,
furent abolies par le deipotifme des Em­
pereurs. Tous les rangs, toutes les dignités
furentailervîesaunefubordination févère,
depuis l’efclave titré, aflis fur les degrés du
trône , jufqu’aux plus vils inftrumens du
pouvoir arbitraire. Cette multitude de feir-
vireurs abjeéts étoient intéreiTés à main­
tenir le nouveau G ouvernem ent, dans Îa
crainte qu’une révolution ne détruisît leurs
efpérances , & ne leur enlevât le prix
de leurs fetvices. Dans cette divine hié­
rarchie , c’eft: le titre qu’on lui donne fou-
vent , chaque rang étoit marqué avec la
plus fcrupuleufe exaéfcitude, & chaque
dignité étoit aflervie à une quantité de
vaines cérém onies, dont il falloit faire
ion étude, ôc qu’on ne pouvoit négliger
D iij
$4 Hifloire de la décadence
dans commettre un facrilége (74). Là pu»
reté de la Langue latine ie corrompit en
adoptant une profufion d’épithètes en­
fantées par la vanité des uns & par la baf-
fefle des autres. Cicéron ne les auroit
point compris, 6c Augufte les auroit rejetés
avec indignation» L ’Empereur lui-même
traitoit infidleufement les principaux O f­
ficiers de l’Empire, de votre Sincérité, votre
G r a v i t e v o t r e Eminence , votre jîiblim e
Grandeur , votre illufke & magnifique A l-
* # ( 75 )-
Les c o d ifie s ou patentes de leur o f ­
fice étoient blafonnés & chargés d’em-
blêmes qui en expliquoient les fonctions
& la dignité ; on y voyoit lç portrait de
l’Empereur régnant, un char de triomphe,

(74) I/Empereur Gratîen, après avoir confirmé une


Loi fur la préséance, publiée par Valentinien p ère,
de fa divinité s continue ainfi ; Si quïs igitur indebitum
, ,
fibi locum ufurpaverit nulla fe ignoratione defendat fit-
que plane s a cri le Gir reus, qui divisa pmceptâ ne*
gkxeriu Cod* Theodof 1. v i , tit. 5 , Leg. 2.

(7 5 ) Confultez la Notitia dignitatum, à la fin du Code


Théodofien, p.
de VEmpire Romain. C hap . XVII. 55
le regiftre des Edks placé fur une table
couverte d’un riche tapis, & éclairée de
quatre flam beaux, la figure allégorique
des Provinces qu’ils gouvernoient, les
noms 8c les étendards des troupes qü’ilsfc-
commandoient. Quelques-unes de ces
enièignes officielles étaient expofées à la
vue dans leurs falles d’audience' ; d’autres
précédoient la pompe de leur marche ,
quand ils paroiííbient en public ; enfin,
dans toutes les circonftances, leur ma­
gnificence 8c celle de leur fuite nom-
breufe fervoient à infpirer le plus pro­
fond refpeét pour les repréfentans de
la fuprême majefté. U n Obfervateur
Philofophe auroit pu regarder le fyf-
tême du Gouvernement Romain com­
m e un magnifique théâtre rempli d’A c ­
teurs, qui, jouant différens rôles , répé-
toient les difcours 8c imitoient les paf-
fions des perfonnages qu’ils repréfen-
toient (7 6).

(76) Panciroltts ad notitian utriufquc Imperii, p. jçj.


jg Hijloire de la decadence
Trois rangs Toutes les Magiftratures allez impor­
d’iiomieurs*
tantes pour être infentes dans Tëtat gé­
néral dt l’Empire, furent divifées entrois
claflfes. i° . Les Illuftres; i ° . les Specla-
biles, ou refpe&ables ; 3 les Clarijjîmi,
qu’on peut rendre par, le mot honorables.
Dans les temps de la iimplicité R om aine,
on ne fe fervoit de la dernière épithète,
honorable , que, comme d’une expréflion
vague de déférence; mais elle devint à
la fin le titre particulier de tous les M em ­
bres du Sénat (77), & par conféquent de
tous ceux qu’on en droit pour gouverner
les Provinces. Dans des temps poftérieurs,
on accorda le rang de refpeclables à la va­
nité de ceux qui, par leur place, préten-i
doient à une diftinètion fupérieure à celle
d’un fimple Sénateur; mais on n’appeloic

Mais Tes explications font obfcures, & il ne clifKn-


gue pas affez les fymboles en effigie, & les emblè­
mes effsSif» des emplois.
(7 7 ) CUùffmus eft le titre ordinaire & légal du Sé­
nateur , dans les Pandeétes qu’on peut rapporter aux
règnes des Antonins,
U

de VEmpire Romain. C hap . X V II. 57


illujkes , que quelques perfonnages émi-
nens auxquels les deux ordres inférieurs
dévoient du refpedt & de l’obéilEance ;
1 aux Confuls & aux Patriciens ; ¿°. aux
Préfets du Prétoire, & aux Préfets de
Rom e & de Conftantinople; 30. aux Corn-
mandans généraux de la Cavalerie & de
s. l’Infanterie ; ÔC 4 0. aux fept M inières
f du P alais, dont les fondrions facrees
étoient de fervîr la perfonne de l’Em­
Î
|
pereur (78). Parmi ces illuftres M agif-
trats, qui étoient égaux par leur rang,
| l’ancienneté, étoit un titre pour pof-
; féder plufieurs dignités (79) ; &c par le
moyen d’un codicille ou brevet d’hon­
neur , les Empereurs qui aimoient à ré­
pandre des faveurs, pouvoient quelque-

(78) Pancirole, p. 12-17. Je n’ai pas indiqué les


deux titres inférieurs de PerfetliJJiînus St d’ü'grcglus ,
qu’on donnoit à plufieurs perfonnes qui n’ayoient pas
le rang de Sénateurs.
1
(79J Cod. Theodof, . v i 3 tit. 6. Les règles de la
préféance furent déterminées par les Empereurs avec
f exaftitude la plus minutieufe, St les Commentateurs
les ont éclaircies avec la même prolixité*

r\
cg Uijloire de la de'cadence
foisiarisfaire la vanité des courtifans (80).
ut conflits. Tant que les Confuls Romains furent
les premiers Magiftrats d’un pays libre ,
ils durent leur pouvoir légitime au choix
du Peuplej & tant que les Empereurs con-
iêntirent à déguifer leur defpotifm e, les
Confuls continuèrent d’être élus par les
fuffrages réels ou apparens du Sénat. D e ­
puis le règne de D ioclétien , ces vefti*
ges de liberté furent abolis , & lés heu­
reux candidats qui recevoient les honneurs
annuels duConfulat, afîèéloient de déploj
rçr l’humiliation de leurs prédéceiïèurs. Les
Cicéron Sc les Caton avoient été obligés
de folliciter les fuffrages des Plébéiens,
de s’affujettir aux formes difpendieuies
d’une élection populaire , & de s’expofer
à la honte d’un refus public. Ils fe félici-
toient de vivre dans un iïècle & fous un
Gouvernement où un Prince jufte & éclai­
ré diftribuoit les récompenfes au mérite
& à la vertu (81). Dans une lettre que
I - ' ■■ . H■ m< ■ m mm m i pi m in »

(8o) Cod* Theodof, 1* v i ^tit. at. ,


^(81) Aufbne (in Gratiarum aQàone) fctraîne
de l’ Empire Romain. C h Ap. X V II. 59
l’Empereur écrivoit aux deux C o n iu ls,
après leur éledtion, il leur déclaroit qu’iÎs
n ’avoient été nommés que par fa feule
autorité (8 z). Il faifoit graver leur nom 6c
leur portrait fur des tablettes d’iv o ire ,
qu’il envoyoit dans toutes les Provinces,
& dont il faifoit des préfens aux Villes, aux
Magiftrats, au Sénat 6c au Pèuple (8 3). Leur
inauguration fe faifoit dans le Palais Im­
périal; 6c pendant une révolution de cent
vingt années, Rom e fut confbamment

ment fur cet indigne fu je t, que Matnertin (Panegyr*


Vet* x i , 16 , 19) développe avec un peu plus de li-;
fierté & de bonne foi*
(82) Cum de Confuïïbus in annum creandis foins mecum
vohaarem........ te ConfuUm & defgnavi 6* declaravf &
priorem nuncupavi. C e font quelques-unes des expref­
ilons de l’Empereur Gratien dans fa Lettre au Poète
A u fon e, qui avoit été fon Précepteur*
(8$) Immanefque * ........ *. dentes
Qui fefli ferro in tabulas auroque micantes c.
Infcrïpd TUtilnm , celato Confule s nomen,
Per proceres & vulgus eant.
Claud, in 2 Conf. Stilichon. 456;
Montfaucon a donné la figure de plufieurs de ces
tablettes ou dyptiques. V oyez Supplément à l’Anti­
quité expliquée, t, 5, p. 220*
£o Hijloire de la décadence
privée delapréfence de Tes anciens M agis­
trats (84). Le matin du I er de Janviet, les
Coufuls prenoient les marques de leur di­
gnité. Ils portoient une robe de pourpre
brodée en foie 8c en o r , & quelquefois or­
née debrillans (8 5). Ils étoient Suivis, dans
cette cérémonie, par les principaux O f­
ficiers civils êc militaires en habit de Sé-
--------------— ----- ------------------ - - —---— ----------1------------ ^

(84) Confule l&tatur pofl plunma f&cula v 'ifo


lPallanteus apex ; agnofcunt roflra curules
Auditas quondam proavis : defuetaque cingtt
Regius auratis fora fafcibus ulpia Liclor,
Ciaudien. in v i , Confi Honora * 643;
Du règne de Carus a au fixième confulat de Hono­
rais , il y eut un intervalle de cent vingt ans, du­
rant lequel les Empereurs furent toujours abfens de
Rom e, le premier de Janvier. Voyez la Chronologie
de Tillemont, t. 4 & 5.

(85) Voyez Claudiea, in Confi Prob. & O lybr.


1^8 5 &c. & in i v , Confi Hçmorii 58$, &c. ; mais
dans le dernier paffage, il n’eft pas aifé'de féparer les
ornemens de l’Empereur de ceux du Conful. Aufone
reçut de k libéralité de Gratien une veflis palmata,
ou robe de cérémonie, ou T o n ayoit brodé la figure
.de 1 Empereur Confiance*
de l ’Empire Romain, C hap . XVÏÏ. St)
nateur; 6c des Liéteurs (86) portoient de­
vant eux les inutiles fàifceaux & les haches
iï reipeétées dans les premiers temps. L a
proceiîion ( 87) alloit du Palais au Forum
principal'marché de la ville. Là, les Confuls
montoient fur leur tribunal, s’aiïeyoiént
j dans une chaire curule, conftruite comme
* les anciennes, & y exerçoient un a£te
l.d e leur autorité, en aiFranchiiïant un
1 .efciave qu’on leur amenoit exprès. Cette
I .cérémonie étoit deftinée à rappeler l’ac-
I tion célèbre de l’ancien Brutus, l’auteur
f de la liberté 8c du C o n fu lat, quand il
! déclara Citoyen Romain le fidèle Vindex
qui avoit révélé la confpiration des Tar-

(86) Cernís & armorum proceres legumque potentes :


Patricios fumunt habitas ; & more Gabino
J Difcolor incedit lepió, pojitifque paruinper
*Bellorum Jignis fequitur vexilia quirinu
LiSíori cedunt aquiU ? ridetque togatas
Afiles ¿ & in mediis effulget curia cajlris** •'
Claud. in i v , Conf. Honorií,
Stritfafque procid radiare segures .
In Conf. Prol. 229.
C87) V oyéz Valfcrius#ad Aram, Marc. 1. x x n 3 c. 7;
Hijloire de là decadence
quins (SB). La fête publique continuoic
plufieurs jours dans'les grandes villes ; à
R om e, par habitude; à Conftantinople,
par imitation ; à Carthage, à Antioche
& à Alexandrie, par goût pour ces plai­
sirs & ces fpe&acles, qu’mipiroit l’abon­
dance (89). Dans les deux capitales, les
jeux du théâtre, du citq u e, & de l’am-
phitéatre (90) coutoient quatre m ille li­
vres d’o r , environ cent foîxantè mille

(88) Aufpïce mox lato fonuit clamore tribunalg


Te faflos ineunte quater ; folemnia ¿udii
Omina libertas : deduElutii vìndice morem *
Lex fervat, famulufque jugo laxatus herili
'tDuciwr y & grato remeat fecuriior ìEhi. .
Claudien, in v i , Corif. Honoril, 6ix*
(89) Celebrant quìdtm folemnes ìflos dies , otrines Utìque
urbes qua fub legibus agunt ; 6sRoma de more y & ConfiantU
nopolìs de ìmìtatìone, & Antiochia pro luxu , & dìfcinfta ,
Carthago, & domusfiuminìs Alexandria 9fed Treviri Primi
cipis beneficio.
Aufon. in grat. aàione.
(90) Claudien (in Cohf. M ail Theodori, 279-331.)
décrit avec de Fimagination & de la vivacité \çs di­
vers jeux du cirque , théâtre & de Famphithéatre*
que donna le nouveau Confuh Les fanguinairea
bats des Gladiateurs étoient déjà défendus*
f

de VEmpire Romain. C h a p . X V II. 63


livres fterlings. Quand cette- dépenfe fur-
pafloit les facultés ou la libéralité des
deux Magiftrats, le Tréfor Impérial y fup-
pléoit(^i). Dès.qpe les Confuls avoient
rempli ces devoirs d’u fage, ils pouvoient
[.rentrer dans l’obfcurité de la vie privée,
& jouir, tout le refte de l’année, du
Ipeéfcacle de leur oiiive grandeur. Ils ne
préfidoient plus aux Confeils de la N a-
îtion ; ils ne fe mêloient plus ni de la paix,
ide la guerre. Leurs talens n’étoient plus
d’aucune utilité, à moins qu’ils ne poiTé-
daiTent quelque autre emploi plus elïeébif;
ôc leur nom ne fervoit guère qu’à indi­
quer la date de l’année où ils s’éroient
aiïïs furie fiége desMarius 6cdes Cicéron.
O n conferva cependant un grand refpeét
pour ce nom fans autorité , même dans
les derniers temps de la fervitude ro­
maine. Il flattoit encore autant, & peut-
être plus, la vanité, qu’un autre titre avec
plus de pouvoir: celui de Conful fut conf-

(91) Procopius, m Hift, arcanâ, c. 26.


t

£a ffijloire de la décadence
raniment le principal objet de l’ambition
6c la récompenie la plus eftimée de la
fidélité 6c delà vertu. Les Empereurs eux-
mêmes, qui méprifoieâpd’ombre illufoire
de la République, croyoient ajouter à
leur majefté êc à la vénération du peuple,
toutes les fois qu’ils fe faifoient nommer
Confuls (91).
Ies Patri- La diftinétion la plus orgueilieufe qui
meos.
ait jamais exiffcé chez une Nation entre la
nobleffe 6c le P eu p le, eft fans doute celle
des Patriciens 6c des Plébéiens, telle
quelle fut établie dans les premiers temps
de la République , Les richeilès 6c les
honneurs, les dignités de l’Etat 6c les
cérémonies de la Religion étoient prefque
excluiïvement entre les mains des pre-

(92) In Confidatu konos fine labore fiufcîpitùr (Marner-


tin, in Panegyr. Vat. x i , 2.). Cette idée exagérée du
Confuíate ed tirée d’un Difcours ( 3 ^ . 1 0 7 . ) pro­
noncé par Julien j dans la Cour fervile de Confiance.
Voyez l’Abbé de la Bletterie (Mém. de l’Acad. des
Infcriptions, t. 24, p. 289.), qui fe plaît à fuivreles
traces de l’ancienne confîitution , & q u i les trouye
quelquefois dans fon imagination fertile.
jmers %
de l’Empire Romain. C hap. XVII. 6$
miers, qui, confervantla pureté de leur,
race avec une jaloufie infultante (93), te­
n d en t leurs clîens dans le plus humiliant
vaflelage. Mais ces diiHnéüons fi incom - Ut p«rl*
patibles avec le génie d’un peuple libre, cltw'
furent anéanties après de longs débats, par
les efforts conftans des Tribuns. Des Plé­
béiens a£tifs 8c induftrieux virent le fuc-
cès couronner leurs travaux ; ils acquirent
des richefïes, afpirèrent aux honneurs ,
méritèrent des triom phes, contractèrent
des alliances, & devinrent, après quelques
générations, auifi vains 8c aufli arrorans
que les anciens Nobles (94). D ’un autre

(93) La Loi des Douze Tables défendait les mariages


des Patriciens & des Plébéiens , & le cours uni­
forme de la Nature humaine peut atrefter que Tufage
furvécut à la Loi, V oyez dans Tite-Live ( 1. i v , i -6.)
l’orgueil de$ anciennes familles, Si la digWé de Thomme
réclamée par le Tribun Çanuleiys contre le Conful*
(94) V oyez le tableau animé que trace Sallufle (in
Bello Jug. ) de l’orgueil des N obles, & même <}u ver­
tueux Metellus ? qui ne pouvoit fe familiarifer avec
i’idée que les honneurs du Confulat dévoient être
accordés au mérite çbfcur 4e Manus fon Lieutenant
Tom e I V . E
66 * Hifloire de la décadence
cô té, les premières familles Patriciennes f
dont le nombre ne fut jamais augmenté,
tant que la République fubfiita, s’étei­
gnirent , ou par le cours ordinaire de la
Nature r ou par les ravages des guerres
civiles & étrangères ; ou bien elles dif-
parurent, faute de mérite & de fortune,
& fe mêlèrent infeniiblement à la maiTe
du peuple(95). lie n reiloitpeu quipuflent,
faire remonte'r clairement leur origine
aux premiers temps de R o m e , ou même

(c .6 4 .). Deux cents années auparavant, la race des


Metellus eux-mêmes étoit confondue parmi les Plé­
béiens de Rom e, & Tétymologie de leur nom de Cæ-
ctiius donne lieu de croire que ces Nobles hautains
tiroient leur origine d’un Vivandier.
(95) L ’an de Rome 800, il reilqit un très-petit nom­
bre 3non feulement des anciennes familles Patriciennes,
mais de celles qiii avoient été créées par Céfar & par
AuguAe (.Tacite, Annales x i , 25.)* La famille' de
Scanrus (branche de la famille Patricienne des Æraüius )
fe trouvoit dans un tel état d’abaiffement, que fon père,
après avoir été Marchand de charbon, ne lui laiffaque
dix efciaves & un peu moins de1 trois cents livres
fterlings (Yalère Maxime, L i v , c. 4 , n°. u . Aure-
lius Vi&orin Scauro.). Le mérite du fils rendit quelque
luitre à cette famille.
3
de l Empire Romain.CliAV. XVII. ëy
à l'enfance de la République, lorfqueCéfar
& Augufte , Claude ôc Vefpafien, firent
d’une partie des Sénateurs un nombre de
nouvelles familles Patriciennes, dans l’efi-
poir de perpétuer cet Ordre qu’on regar-
doit encore comme facré (96). Mais ces
nouvelles créations,dans lefquelles la fa­
mille régnante étoit toujours com priiè,
s’anéantiflbient rapidement par la fureur
des Tyrans, par les fréquentes révolutions,
par le changement des mœurs, & par le
mélange des nations étrangères (97), Le 9 7
6

(96) Tacitej Annales X i, 25. Dion Caflnis , 1. 52, p.


693. Les vertus cTAgricola , qui fut créé Patricien par
TEmpereur Vefpafien, honorèrent cet Ordre antique;
mais Tes ancêtres' n’étoient que dans la claife des Che­
valiers. , ’
(97) Cet anéantiffement feroitprefque irrtpoifible, fi,
comme Cafaubon le fait dire à Aurelius V id or (A d
Suet, in Cæf. c. 42. V o y . HiiL Aug. p. 203» & C a­
faubon, Comment, p. 220.)? Vefpafien créa mille fa­
milles Patriciennes en un jour ; mais ce nombre extra­
vagant excède même celui de l’Ordre entier des Sé­
nateurs , à moins qu’on n5y comprenne tous les Che­
valiers Romains qui avoient la permiffion de porter le
laticlave.
E ij '
6g Hijloire de la décadence
projet de former un Corps de NobleiTe qui
put contenir l’autori té du M onarque, dont
elle fait la fureté, ne convenoit ni au
caractère ni à la politique de Conftan-
tin; mais quand il feleferoit férieufement
propofé, il eût peut-être été au delTus
de fa puiflance de ratifier , par une Loi
arbitraire, une inftitution qui ne peut at­
tendre fa fanétion que de l’opinion & du
temps. Il fit revivre , à la vérité, le titre
de Patriciens; mais > comme une diftinc-
tion perfonnelle, 8c point héréditaire. Ils
.n e cédoieiît qu’à la fupériorité paflàgère
des Confuls, jouiÎToient de la prééminence
fur tous les grands Officiers de l’E ta t, 8c
de leur entrée libre chez le Prince, dans
tous les temps. C e rang honorable étoit
accordé à vie, 6c ordinairement à des
Miniftres8c à des Favoris quiavoient blan­
chi dans la Cour Impériale. Ainfi la vé­
ritable étymologie du mot fut corrompue
par l’ignorance & par la flatterie ; & les
Patriciens de Conftantin furent refpectés
• *

de VEmpire Ko main. C hap . X V II. 6 $


comme les pères adoptifs de l’Empereur
St de la képublique (98).
. Le fort des Préfets du Prétoire fut bien
différent de celui des Confuls St des P a­
triciens. Ces derniers virent leur ancienne
grandeur ie changer en un vain titre. Les Préfets du
Prétoire«
premiers au contraire s’élevant par degrés
du rang le plus m odefte, s’emparèrent à
lafin de l’adminill:ration civile fit militaire
du M onde Romain. Depuis le règne de
Sévère jufqu’à celui de D io clétien , les
•gardes 61 le palais, les Loix fit les. finances,
les armées fie les-provinces, furent confiés
à leur furintendance ; fie, comme les Vi-
firs de l’O rien t, ils tenoient d’une main
le fceau, 8t de l'autre l’étendard de l’Em­
pire. L ’ambition «des Préfets, toujours for­
midable; , St quelquefois fatale à leur M aî­
tr e , était fautenue par la forcé des bandes
Prétoriennes : mais quand Dioclétien eut
affoibli ces troupes audacieulès, fie que

C9S) Zofime , 1 .1 1 , p. n 8 , fit Godefroy-, ad Cod.


Theodof. 1. v i , tit. 6.
-7—1 * * ■
E u|.
70 Hijîoire de là decadence
iC

Conftantin les eut to u t- à - fa it fupprî-


mées, les Préfets ne furent point en­
traînés dans leur chute ; mais ils devinrent
des Minières utiles & obéiiTans. Quand
ils ne répondirent plus de la vie 8c de
la fureté de l’Empereur , ils abandon­
nèrent la jurifdi&ion qu’ils avoient ré­
clamée 8c exercée jufqu’alors fur les
départemens du Palais. Conftantin leur
ota tout commandement militaire dès
qu’ils eurent celle de conduire 8c de com*
mander à la guerre l’élite des troupes
Romaines. D ’après le plan de gouver­
nement inftitué par D ioclétien , les quatre
Princes avoient chacun leur Préfet du
Pré toire. Conftantin, ayant réuni fous
fa puiflance la totalité de J’Empire, conti­
nua de .nommer quatre Préfets, 8c leur
confia les mêmes provinces que leurs
prédéceiîeurs avoient gouvernées. Le Pré­
fet de l’Orient étendoit fa vafte jurifdic-
tion fur les trois parties du globe qui obéif-
foient aux Romains , depuis les catarac­
tes du Nil jufqq’aux bords du Phafe ;
de VEmpire Rofnain. C h ap . XVII. 7 1
&C depuis les montagnes de la Thrace
jufqu aux frontières de la Perfe. U n autre
commandoit aux importantes provinces
de la Pannonie, d e D a c e , de M acédoine,
8c de la G rèce, jadis confiées au Préfet
d!Illyrie. Le pouvoir du Préfet d’Italie
n’étoit pas reftreint dans cette pro­
vince ; il s*étendoit fur toute la R hétie,
jufqu’aux bords du D anube, fur les ifles
de la Méditerranée , 8c fur la partie
d’Afrique qui eft fituée entre les confins
de la Cyrène 8c ceux delàTingitane. Le
Préfet des Gaules comprenoit fous cette
dénomination générale les provinces voi-
fines de la Grande-Bretagne 8c de l’Ef-
pagne, 8c on lui obéilTbit depuis le mur
d’ Antonin jufqu au fort du mont A t-
las (99).

(99) Zofim e, 1. i l , p. 109 , 110. Heureufement que


nous avons le detail fatisfaifant de la divifion du pou­
voir & des provinces des Préfets du Prétoire. Sans ce
guide , nous ferions iouvent embarraiTés au milieu des
nombreux détails du C o d e , & des explications minu-
tieufes de la Notitia. *
E iv
fi Jiijhite de la décadence
Quand on eut ôté le cpmmandemenfc ^
militaire aux Préfets du Prétoire , les
fondions civiles qu’ils exercèrent fur
tant de nations foumifes, fuffifoient pour
fatisfaire l’ambition &C occuper les talens
des Mîniftres les1 plus confommés. Ils
avoient la fuprême adrmniftracion de la
Juftice &des Finances ; & ces deux objets
Comprennent, en temps de paix, prefque
tous les devoirs refpe&ifs du Souverain *
6c de fes peuples : des Souverains, pour
protéger les citoyens qui obéiflent aux
L o ix ; & des peuples, pouf contribuer,
à raifon de leur fortun e, aux dépeniès
indifpenfables de l’Etat. Les monnoies j
les grands chemins, les portes, les gre­
niers publics, les manufactures, tout ce
qui pouvoir intérefler la fureté ou la prof
périté publique , étoitNadminiftré par les
Préfets du Prétoire. Comme repréfentans
immédiats de la Majefté Impériale j ils
etoient autorifés à expliquer, à augmen*
t e r , 6c à modifier , au befoin, les Ré-
glemens généraux par leurs interpré-
de VEmpire Romain, C hap . XVII. 73
tâtions. Ils veill oient fur la conduite des
Gouverneurs **des provinces ; ils dépla-
çoient les négligens, Sc puniffoient les
coupables. Dans les affaires de quel­
que importance, foit civiles ou crimi­
nelles , on pouvoir appeler de toutes
les Juridictions inférieures au ’ Tribu-
%
nal du Préfet ; fie fa Sentence étoic
^définitive. Les Empereurs refufoient de
¡recevoir aucune plainte contre des hom­
mes auxquels ils accordoient une con­
fiance fi illimitée ( 100) ; leurs, appointe-
mens répondoient à leur dignité (101);

^ (100) Voyez une Loi de Cohiîantin lui-même. A


| Prœfi&is autem Pr&torio provocare non finimus. Cod.
\ JuiKn. 1. v u , tit. 62 y Leg. 19. GhariÎïus, Jurifconfulte
dii temps de Conftantin (Heinecç, Hift. JuriC Romani^
• * *_
P* î 4 9 -)> qui reconnoît cette Loi pour un principe fon­
damental de Jurifprüdence, compare les Préfets du
Prétoire aux Maîtres de la Cavalerie des anciens D ic­
tateurs. Pandedh L 1 , tit. it .
(101) Lorfque Juftinien , au milieu de l’épuiiement de
PEmpire, inflitua un Préfet du Prétoire pour l'Afri­
que , il lui accorda un falaire ^de cent liyres d’or. Cod.
ÎLiitinien. L t, tic. 2 7 , L^g. r.
•74 Hifloire de la décadence
$c û l’avarice étoit leur paiïîon domi­
n ante, ils ¿voient *de fréquentes occa-
iïons de la fatisfaire par d’abondantes
moiiTons de préfens, par des taxes\ &
par d’autres manœuvres coupables &
arbitraires. Quoique les Empereurs n’euf-
fent plus rien à craindre dè l’ambition
de leurs Préfets , iis n’en avoient pas
moins l’attention de contre-balancer le
pouvoir de cette grande charge , par la
brièveté & l’incertitude de fa durée (i en).
Préfets de Rome & C onftintinople, à raifon de
Rome 6c de
Conitantiûo- leur importance s furent les feules villes
ple»
fur îefquelles les Préfets du Prétoire n’eu­
rent aucune autorité. L ’expérience avoit
démontré que la marche ordinaire des
Loix étoit trop lente pour conferver

(io a ) Sur cette dignité, ainÇ.que fur les autres deTEm-


pi^e, H fuffit de renvoyer, aux «Commentaires ét&ndns
de Pancirole & de Godefroy 5 qui ont recueilli avec
foin 6c difpofé avec exa&itude & avec ordre , tous
les matériaux tirés de la L o i& 'd e THiftoire. LeDcfteur
Holwell (H iftory o f the World;, vol. a , p. M77*>
^ faitj d après ces Auteurs 3 un Précis très-net de Tétât
de l'Empire Romain. f \ ■ ■ 1
J

de VEmpire Romain. C ha p. XVII. J f


l’ordre &: la' tranquillité dans des villes
d’une fi vafte étendue, & elle avoit four-^
ni à la politique d’Augufte un prétexte,
pour établir à Rome un M agiilrat qui
contînt une populace licencieufe & tur~‘
búlente, par la terreur d’un pouvoir ÔC.
kle châtimens arbitraires
*
(103). Yalerius
’eíTala fut décoré le premier du tijtre
jjde Préfet de Rom e, afin que la réputation
giont il jouiflbit diminuât ce que fes
méfions avoient d’odieux. Mais ce ci-
;oyen diftingué \ 104) ne les exerça que*15

(103) Tacite, Ann. v i , j i . Eusèbe, In Chron. p.


155. Dion Caffius fur le Difcours de Mécenas ( L .
v u , p. 6 7 5 ,) , décrit les prérogatives du Préfet de la.
t ville, telles qu’elles fubfiftoient de fori temps,
f (104) Le mérite de Meiîala étoit encore au deiTus de
■ fa réputation. Dans fa première jeuneiTe , il fut recom-
: mandé par Cicéron à l’amitié de Brutus. Il fuivit Té?
tendârd de la République ^jufqn’à fa deilrüétio'n aux
champs de Philippe. Il accepta enfuite, & ï l mérita la
faveur du plus modéré des Conquérans, 8c dans la
Copr d’Augufte il montra toujours la nobïfcfte de fon-
caractère & fon amour delà liberté. Son triomphe fut
juftifié par la,conquête de TAquitainç. En qualité d’O-r
rateur , il difputa la. palme de l’éloqueAce à C kçron lui-
I 1' J.

j6 Hifloire de la decadenct
peu de jours i & il déclara , en quittant
ià place , comme il convenoit à l’ami
de Brutus , qu’on ne lui feroit jamais ac­
cepter une adminiftratiori incompatible
avec la liberté publique (105). A mefure
que le fentiment de cette liberté s’étei­
g n it, on devint plus jaloux de l’autorité;
Sc ,1e Préfet qui avoit femblé d’abord
n’etre deftiné qu’à contenir par la crainte
les efclaves & les gens fans aveu, fut au-
torifé à étendre fa jurifdiétion civile Sc
t criminelle,fur l’Ordre équeftre, & fur les
familles nobles de Rome.
Les Prêteurs qu’on choifiiToit tous les
ans pour juger d’après le$ Loix & l e -
quité , ne purent difputer long-temps la10 5

même. Il cultiva toutes les Mufes, & il fut le pro-


teâeur de tous les hommes de génie. Il paffoit
foïrées k converfer philoïbphiquemÆt avec Horace j
à table, il fe plaçoit entre DeJie & Tibuüe, & il amüfoît
fes loifirs en encourageant les talens pour la Poéfie que
montroit le jeune Ovide*
(105) încivHem effe poteflatem eontejlans, dit le Tra*
dufteur^d’Eusèbe* Tacite exprime d’une Autre manière
la même idée : Quajï nejcius exerccndu
i

de VEmpire Romain. C hap . X V II. 77


pofleffion du Forum % un M agiftrat puii?
Tant & permanent , qui avoit l’oreille
8c la confiance du Prince, Leurs Tribu-
naux furent déferts ; & leur nombre , *
qui avoit varié de douze à dix-huit ( j 06),
fut iniènfiblement réduit à deux ou
trois, dont les fonctions iè bornèrent à
la diipendieuie néceiïïté de donner des
fêtes au Peuple (107). Quand la di­
gnité de Conful ne fut plus qu’un vain
fimulacre, qui paroifloit rarement dans ■
la ville , les Préfets prirent leurs places
dans le S én at, 8c furent:bientôt regar­
dés comme les Préfidens de cette au-
gufte Âilèmbléé. Il leur venoit des ap­
pels des pays ’éloignés de cent milles j
& l’on reconnut , comme un principe10 7
6

(106) Voyez Lipfius, excurfusD. Ad r. lib. Tarit. Ann,


(107) Heinoecii Elément. Juris civilis fecund/ ordinem
Paodeft. t, î , p. 70- V oyez auiïî Spanheim de Ufu
Numifmatum, t. 2 , D iflert.x , p, ï L ’an 4^0, Mar­
xien déclara par une L oi, que trois citoyens feroient
créés chaque année Préteurs de Conftantinople, au
choht du Sénat j ,-mais''¿avec fon confentèmenti Cod,
jfuftin. 1«j ? tit, J9% Leg. a. ;
*
Hijïoire de la décadence
de Jurifprudence, qu’ils étoient les Chefs
de toute autorité municipale (108). Le
Gouverneur de Rom e avoir , pour l’ai­
der dans l’adminiftration de fes travaux
pénibles, quinze Officiers , dont les uns
¿voient été fes égaux , & les autres
fes fupérieurs. Les principaux dépar*
temens étoient relatifs à une nombreufe
garde , établie pour veiller à la fureté
contre les v o ls, les incendies, & les
défordres no&urnes ; à la' diftribution
que l’on faifoit au peuple , de grains ô£
de denrées ; au foin du p o r t, des aque­
ducs , des é g o u t s d u lit 6c de la navi­
gation du Tibre ; à l’infpeétion des mar­
chés , des théâtres , 6c des travaux pu­
blics êc particuliers. Leur vigilance étoit10 8

(108) Quidquid igltur intra urbem admittatur, ad P , ¿7.


videtur pèrtincre ; fed & f i quid, intra centefinum mlliarïum,
Ulpien, in Pandeét. L I, tit. 13 ^ 1. Il fe met en-
fuite à décrire lës diverfes fon ¿lions du Préfet, à qui
le Code Juftinien (L. 1, tit. 39, Leg. 3.) attribue la
prééminence & le commandement de tous les Magif-
rrats de la ville, fine injuria ac detrimento honoris alieni*
de VEmpire Romain. C h a p . X V IL 79
chargée des trois principaux objets 'd’une
police régulière : la fureté, l’abondance ,
&c la propreté. Le Gouvernem ent, pour
prouver fon attention à conferver la ma­
gnificence 8& les ' ornemens de la capi-?
tale, payoit un Infpeéfeur particulier pour
les ftatues : il étoit le gardien de ces
êtres inanimés , q u i , 'd’après le calcul ex­
travagant d’un ancien Ecrivain, n’étoient
guère inférieurs en nombre auX habi-
tans qui vivoient, à Rom e. Trente ans
après. la fondation de Conftantinople ,
on y créa un M agiftrat1de la même ef-
pèce ; &c il eut les mêmes fon&ions.
On établit une parfaite égalité entre les
deux Préfets municipaux , &C entre les
quatre du Prétoire#(io9). Ceux qui dans
la hiérarchie impériale étoient diiHngués
par le titre de Refpçclables, formèrent

(109) Outre nos -guides ordinaires , Félix Cantelorius


a écrit ,un Traité particulier , De Vr&feâourbis\ & on
trouve dans le quatorzième Livre du jCode Théodo-
fien, pluiiéurs détails curieux fur la police de Rome
& de Conftantinople*
8o , Hijloire de la de'cadence
une clalTe intermédiaire entre les illujîres
Préfets ,, ôc les honorables Magiftrats des
Provinces. Les Proconfüls de l’A fie , de
les ProCon * l’A ch a ïe , & de l’Afrique , réclamèrent
fuis, Vlcfc-
Préfets. ' la préféance dans cette cia (Te,: on l’ac­
corda au fouvenir de ;leur -ancienne di­
gnité ; 8e.l’appel de leurs Tribunaux à
ceux des Préfets, fu tîâ feule marque qui
refta de leu’r infériorité (i i o). Le Gouver­
nement civil de l’Empire fut diilribué en
treize grands diocèfes, qui contenoient
chacun l’étendue d’un grand Royaume.
Le premier de ces diocèfes étoit régi par
le Comte de l’Orient ; & nous pouvons
donner une idée de l’importance & du
nombre de fes fonctions , en obfervant
qu’il avoir fous fes otdres fîx cents A p­
pariteurs, qui compofoient ce que l’on
appelléaujourd’hui Secrétaires, MeJJagerS

(n o ) Eunapius affure que le Proconful d’Aiie étoit


indépendant cîu. Préfet;' ce qu’il ne faut adopter toute­
fois qu’avec quelque modification. Il eft sêr qu'il n’é-
toit point fournis à la jurifdiétion ,du Viçe-Préfet, Pan*
cirocius, p, 6x* ,
: m
de VE m p ir e R o m a in . C hap. XVII. 8 r
ou Commisi 111 ). La place de Préfet Auguf-
tal de l’Egypte ne fut plus occupée par un
Chevalier Romain ; mais on conferva fon
emploi, 8c l’on continua au Gouverneur
les pouvoirs extraordinaires que la fitua-
tion de la Province 6c le génie des ha-
bitans rendoient indifpenfables. Les' onze
autres Diocèfes , de l’Afie , du P o n t ,
-de la T h ra c e , de la M acédoine, d e l à
D a c e , 8c de la Pannonie ou ïllyrie O c­
cidentale , d’Italie 8c. d’Afrique , des
Gaules 8c de la Grande-Bretagne, furent
gouvernés par des Vicaires ou V ice-P ré­
fets ( i i z ). Leur nom explique fuiEfamment
leur rang 8c l'infériorité de leur place. O n
peut ajouter que les Lieutenans-Géné-
raux des armées R om aines, les Com tes

( n i ) Le Proeonful d’Afrique avoit quatre cents Ap­


pariteurs, & le Tréfor ou la Province leur payoit à
tous de gros falaires. V oyez Pançirol. p* 26, & le
pode Juftin. L x i i , tir. 56, 57.
( 112 )En Italie, on trouvoit aufix le ficaire de Rome,
On a beaucoup difpute pour favoir fi fa jurifdiôion
s’étendoit à cent milles de R om e, ou fi elle compre^
noit les dix Provinces méridionales de la ville.
Tome I V . F
81 . H ijîoin de la dlcadencé
*
Militaires Si les Ducs , donc on aura
occaiion de parler , eurent le^ rang Si le
titre de Rejpeclaèles.
les Gouver­ Comme refprit de jaloufie & de va­
neurs desPro-
vincei. nité prévaloit dans les Conièils de l’Em­
pereur, on mit la plus grande attention
à divifer le pouvoir fie à multiplier les
titres. Les vaftes pays que les Conqué-
ratis Romains avoient réunis fous-une
adminiftration iimple Si uniforme, furent
fi impitoyablement morcelés, qu’à la fin
l’Empire fe trouva diftribué en cent feize.
provinces, chacune defquelles étoit cruel­
lement rançonnée pour les frais de fon
gouvernement particulier. Trois furent
régies par des Proconfuls, trente-fept
par des Confulaires, cinq par dés Correc­
teurs, & foixante-'onze par des Préfidens.
Les dénominations de ces Magiftrats
¿toient différentes ; leur rang fe trou-
voit claiTé ; les marques de leur dignité
ne fe reifembloient point ; & leur fitua-
tipn devenôit plus ou moins agréable 8c
avantageufe , d’après -des circonftances
êe PEmpire Êom àm .C hàp . 3£Vfî. "t'ÿ.
accidentelles.'Mais ils étoient tous , èiS'
exceptant les Prôcotifuls, compris dans
la claffe des Honorables, amovibles à la
volonté du Prince ,6c en poiTeiîîoii dad-
miniftrer la juftice & les finances de leur
diilrîtb fous l’autorité des Préfets 8c de
leurs Députés. Les énormes volumes du?
Code 8c des Pandectes (113) nous fourni-
roient de grands détails fur le fyftême du
gouvernement des provinces ; mais l’Hif*
torien fe bornera au choix de deux précau­
tions fin p îp ces , deftinées à reftreîndré
l’abus de l’autorité. i ° . Pour conférver
l’ordre 8C la paix, les Gouverneurs des pro*
vincès étoient armés du glaive de la Ju£>
tice ; ils infitigeoienc des punitions cor­
porelles, 8c jugeoient à mort dans les
crimes capitaux. Mais ils ne pouvoient pas
accorder au criminel le choix du genre
de fon fupplice., ni prononcer la moin-

13) Le Recueil des Ouvragés du célèbre Ülpiert

« un Traité en dix Livres fur l’office de Proconûil*


les devoirs en plufieurs pbints eflentiels étoient
les mêmes que ceux d’un Gouverneur de province*
\

$4 Hijîoire de la décadence
dre Sentence d’exil. Ces prérogatives
étoîent réfervées aux Préfets, qui ordon-
noient feuls la ruinéufe amende de cin­
quante livres d’or. Les V ice - Gérens
n’avoienc le droit de condamner qu’à
quelques onces (114). Cette diftin& ion,
Oui paroît accorder une grande auto­
rité , & en refufer une m oindre, étoit
fondée fur des motifs très-raifonnables.
La moindre étoit infiniment plus fujette
à des abus. Les pallions d’un J\tagiftrat
Provincial pouvoient lui fairelëommettre
des acfes d’opprelfion, qui n’attaquoient
que la fortune ou la liberté des Citoyens,
quoique, par un m otif de prudence ou
d’humanité , il fut incapable de verfer
le fan?
^
innocent. On doit ' aulfi confidé-
A
rer que l’exil 9 les fortes amendes, ou le
choix d’une mort douce , ne regardoient14

(114) Les Préfidens & les Confulaires pouvoient im*


pofer une amende de deux onces; les Vices-Préfets,
de trois ; les Proconfuls, le Cdtnte de l’Orient
Préfet d’Egypte, deiix. Voyez Heitfec, ïur* C iv ^ p
1. p. 7 ï -. Îandeft. h x i v m , 1 . 1 9, n ,8 . CocL Jufiul
1* ï, rit, 54a Leg. 4*6»
de VEmpire Romain, C h a p . X V II. 85
guère que les Citoyens riches ou les N o - '
bles. D e cette m anière, les perfonnes les
plus expofées au reflentiment ou à l’avi­
dité d’un Magiftrat de province, fe trou-
voient à l’abri de fa perféfcution obfcure ,
& s’adreiToient auTribunal plus augufte &
plus impartial du Préfet. 2,0. Comme on
ièntoit que l’intégrité d’un Juge pouvoir
être corrompue par fon intérêt ou par
fès liaifons, des réglemeos les plus ré­
vères excluôient du gouvernement de
la province où l’on étoit n é , à moins
d’une difpenfe particulière de l’Empe­
reur (115) ; & il étoit expreiTément dé­
fendu aux Gouverneurs &c à leurs fils de
contraéfcer des mariages avec des familles
de leur arrondiffement (116) , ou d’a- 5 *

( i l 5) U t nülîi patri& fu& aàminifiratïo > fine fp ccia li


Principïs p eim ifiu , permïttamr* Cod. JufHn. 1. lj tit. 41,
L ’Empereur Marcus 7 après la rébellion de Caflius,
établit le premier cette Loi. (Dion Caffius, LXXJV)
On obferve ce règlement à la Chine avec la même
Rigueur & avec le même effet. ^
( j i 6> Pandeó. 1. xxm, tit, 2, n, 38, 37, 63.
*P *
r nj
Vili;

Hi/îoire de là décadence
cheter des efclaves, des terres ou des
maifons dans l’étendue de leur jurifdic-
tion (n?)- Malgré ces précautions ri~
‘ goureufes j Conftantin , après trente-cinq
ans de règne, déplore encore l’adminif-
tration vénale fie oppreflive de la Juftice,
fie fe plaint, avec indignation de ce que
les Juges vendent eux-mêmes ou font
vendre publiquement leurs rJ,udiences ,
leur travail, leurs délais, & -lfll^Senten'-
ces. La.répétition de Xoix &c de menaces
impuiffantes, prouve la-duréë , Si fans
doute l’impunité de ces défordres (n8).
V, ^
v ’ - j. ■ -T- -Il .i—1“*3 » . "T 1 " ■—1r ■ ■ ■ ■* 'J—!■ *—— Il I.-17

(117) Injure corainetur, ne qiiïs in adniiniftratione c'rnf-


iltutus aitquid compararet. Çod. Theo ciof. h v ili, tit»
i f , Leg* i* Cette maxime de la Loi commune fut con*
firmée par une fuite d’Edits (voyez le refte du Titre)
depuis Conftantin jufqtfà Jyftjn. Ils if exceptent quç
des habits & des provlfions, de cette prohibition qui
s'étendoit aüx derniers Officiers du Gouverneur» Ils
donnent cinq ans pour rentrer dans la chofe vendue,
& ils déclarent enfuite qu’après une information, elle
tombera au Tréfor.
i
(n8) Cejjent rapaces jam nunc ojjicialìum manus ; cef-
Jbnt % ïnquam nam Ji mòniti non cëjjferint, pladiis pr&ciì
4 mur %£ç. Çod, Thqodof, i X\ t iLy * h 1. Zétioit :o^

;
deVBmpire Romain. C h Ì>. X V II. S 7
Comme les Magiftrats civilis étoient;
pris parmi les Jur-ifconfultes, les célèbres
■ Inftitutes 4 ® Juftinîen s’adreflent à la
jeuneiTe de fes Etat^ qui fe dévoaoit
à l’étude de la Jurifprudence Rom aine;
le Souverain daigne animer leur zèle,
en promettant de récompenser leur in­
telligence Sc ieurs talens par des cha$|bs
dans le Gouvernement (119). Les élëmens
de cette fcience lucrative étoient' enfei-
gnés dans toutes les grandes villes de l’O ­
rient &i de l’Occident ; mais l’école la plus
fameufe étoic cèlle de Béryte(i 20), fùria *19

donna à tous les Gouverneurs de reÛer dans les pro­


vinces cinquante jours après Texpiratipn de leur office ,
pour y, répondre à toûtes lès accufations* Cod. Jus­
1 1
tin, . -11 ^ tit. 49 5 * i.
( 119) Sitmmâ igitur ope & alacri ftudio has Leges nof i
tras ûccïphe ; & yçfmenpjos fie eruditos . ojlendiie \ ut
fpès vos pulcherrima fbveat ; toto légitimé opere perfido,
pojje etiajtt Rempublicam nofiram tn partibus ejus vobis
credendis gubemarL Juftinien , in Proem. Inffitiïtionum*
(i2Q)Lafplëndèur dePécole deB éryte, qui conferva
en Orient la Langue & la Jurifprudence des Romains,
paroît s’être maintenue depuis le troiiième, jufqu’au mi­
lieu du iixième iiècle. Heinecc* Jur. Rom. Jîift. p, 351-
88 Uijhire .de la décadence
côte dePhénicie. Elle fleurit pendant plus
de trois fîècles après Alexandre Sévère v
qui fut. probablement f Auteur d’une inf-
titution fi avantageufe à fon pays natal.
Après un cours régulier d’inftruétion qui
duroit cinq ans, les Etudians fe difper-
foiént dans les provinces, pour y cher­
cher la fortune & les honneurs ; 6c ils ne
pouvoient guère manquer d’occupation
dans un grand Empire déjà corrompu
par une multiplicité de Loix „ d’A r ts , ôc
-de vices. Le Tribunal du Préfet du Pré­
toire de l’Orient èmployoit feul cent cin­
quante A vocats, defquels foixante quatre
jouiiToient de privilèges particuliers. O n
en choifiiïoit deux tous les ans, auxquels
on donnoit po.ur appointemens foixante,
livres d’o r , pour plaider les caufies du
Tréior. Pour premier eflai, on les faifoit
fervir d’AiTeiiëurs aux Mâgiftrats dans
quelques occafions , Ôt on leur faifoit fou-
vent occuper enfuite le Tribunal devant
lequel ils avoient plaidé. Ils obtenoient
le gouvernement d’une province , & par
de V Empire Romain. Ghap . X V II. 85)
leur mérite , leur réputation, ou la faveur,
ils arrivoient fucceffivement aux dignités
illuftres de l’Etat (izi). 9
*&

( ï2 i) Pâi indiqué à une époque antérieure, les emplois


civils & 'militaires qu’obtint ftfcceiïïvèmerçt Pertinax
& je vais parler ici des honneurs civils qu?on ac­
corda par degrés à Mallius Théodore. i°. Il fe dif-
tïngua par fon ^éloquence, lorfqu’ilpiaidoit à la,C o u r
du Préfet du Prétoire; i ° . il gouverna une des pro­
vinces de l’Afrique , en qualité de Prêfident ou de
Confulaire, & il mérita une ftatue d’airain 5 30. il fut
nommé Vicaire ou Vice-Préfet de la Macédoine; 4°^ Quef-
teur; Comte des facrées largeffes; Préfet
Prétorien des Gaules , & même alors il pouvoit pafferJ
encore pour un Jeune homme; 70. après une retraite,
peut-être une difgrace >de splufieurs années," que Mal-
îius (que des Critiques confondent avec le Poète Ma-
nilius, voyez Fabricius, Biblioth* lat, edir. Ernefti, t.
1 , t 18, p. y01 ) em ployai l’ étude de la Philofophie
grecque 3 on le fit Préfet du Prétoire de l’Îtalie , 1 ’au
397 > SQ. il exerçoit encore cette grande charge, lorf*
qLnl fut nommé C on fui pour l’Occidenr, en 399; &
fouvent les Fafies ne rappellent que fon nom , à caufe
de Ti-nfamie de fon C ollègue, l^unnque Eutropius ;
9e. en 408, Mallîtis fut nommé une fécondé fois Pré­
fet du Prétoire en Italie. Le vénal Claudien fait lui-
même entrevoir 5 dans foii Panégyrique, le mérite
de Mallius Théodore, q u i, par uu rare bonheur, fut
l'intime ami, de Symmaque & de S tint Augüftin. V oyez
Tilîem ont, Hifloijre des Empereurs, t. 5 , p. m o -
xi 14.
¿0 Hifîoire de la décadence
On ne pouvoit guère efpérer que des
hommes accoutumés , dans la pratique
du Barreau, a regarder le raifonnement
comme l’arme de la difpute, 8c à interpré^
ter les Loixau gré de leur intérêt, fe dé-
pouillaffent de cet efprit dangereux 8c
méprifable enpafTant àl'adminiftration pu­
blique. Il y a eu fans doute dans les temps
anciens 8c modernes, des Avocats qui ont
■ honoré leur' profeffion , en rempliffant
les poftes les plus importans avec autant
de fageffe que d’intégrité;.m ais dans le
déclin de la Jurifprudence Romaine , la
promotion ordinaire des hommes de Loix
ne pouvoit produire que honte ôcdéfordre.
La noble 6c féduifante éloquence avoit été
long-temps* le patrimoine particulier de
la Nobleffe; mais elle s’é to it. corrompue
dans la bouche des Affranchis & des Fié-
béïens ( i i i \qûi en faifoient un trafic fordi*
de 8c funefte. Quelques-uns d’eux ne cher-
"" J " ' .** *" 1 11 1' ■ —. ■ 1' 1 ~~ 1 "*

U%i) Mameninus,in Panegyr. Vet. x i , 20. Aflerins, ■


apud Photium, p . i joot
1de l’Empire; Romain. C h à î . XVÏÏ.
_ ^ __ _ 1 i

:<?r'
choient à faire des liaifons que pour fo­
menter la difcorde dans les familles. Ils
eneourageoient le.s procès, & fe prépa-
roient d’amples moififoos à eux Sç à leurs
confrères. D ’autres, enfermés dans leur re-
traite impure» n’alimentoient leur gra-'
vite magiftrale , qu’en fourniflant à de
riches çliens les moyens d’ohfcurcir la
vérité la plus évidente par les fubtilitës
de la chicane, & de foutenir les plus in-
juftes prétentions. Les plus diftingués des
Avocats étoient ceux qui faifoient re ­
tentir le Forum, de leur voix glapi Hante
èc de leur verbeufe rhétorique, Aiifli in-
différens pour leur réputation que pour
la juflice, on les peint la plupart comme
des guides infidèles, qui confommoient
la ruine de leurs clierts par des dépenfes
inutiles &Cdes délais concertés. Les procès
étoient interminables , &■ les malheu­
reux Plaideurs lés abandonnoient quand '
leur patience Se leur fortune étoient à
bout (i j 3),
, >
1
,

*' " ............ ■■■■ 1 i ..............■ ' — ^ ____


(ï?3) Lepaflage d'Anmiien(l. x x x , c, 4 ) , gui peint
t)î JJiJloire de ¿ 2 décadence
O fficie rs M i* Dans le fyftême politique d’ Augufte»
U faircs.
les Gouverneurs des Provinces Impériales
étoient invertis de, tous les pouvoirs de
la fouveraineté. Miniftres de la. paix &
de la guerre, eux feuls accordoient des
récompenfes, & infligeoient les punitions.
Ils portoient, fur le tribunal, la robe
civile du M agiftrat, ôt une armure com­
piette à la tête des Légions (1 24). L ’in­
fluence des richefle$, l’autorité de la L o i,
& le commandement m ilitaire, concou-
roient à rendre leur pouvoir abfolü ; &
quand ils étoient tentés, dé renoncer à*il

les mœurs des gens de Loi de fòn temps, eft curieux;


il offre un mélange bizarre de fens commun > de fauffe
rhétorique, & de fatire pouffée jufqu’à l’extravagance.
Godefroy ( Prolegomen. ad Cod. Theod c. i s p. i8 f,)
articule les mêmes plaintes , & rapporte des faits
authentiques. Dans le quatrième ffède. les Livres de
la Loi auroiem fourni la charge d’un grand nombre de
chameaux. Eunapïus, in Vit. Edefii, p. 71.
(124) La vie ¿’Agricola, & fur-tout aux ch. io > 2.1
en fournit un bel exemple. Le Lieutenant de la Bfe-
tagne étoit revêtu du. pouvoir que Cicéron , Procon-
ful de la Cilicie*, ayoit exercé au nom du Sénat &
du Peuple.
de VEmpire Romain. C h a fcX VIT. 9 3
\ ■' 1
l’obciiTance, la province 'fîdelle qui ié
trouvoit enveloppée dans leur révolte,
s’appercevoit à peine d’aucun change­
ment dans Ton adminiftration. Depuis
le règne de Commode jufqu’à celui de
Conftantin , .plus de cent Gouverneurs
ont levé, avec diflerens fuccès, l’éteridard
de la rébellion ; 8c quoique l’ombrageuie
cruauté de leur maître ait facrifié beau­
coup d’innocens, il eft opjîible qu’elle ait
auffi prévenu des defleinsotirnineis ( y1 j).
•Pour oter à ces formidables ferviteurs
tout moyen d’alarmer le P rin c e , ou. de
troubler la tranquillité publique , C o n f­
tantin réfolut de féparer le fervice militaire
de 4’adminiftration publique , 8c de faire
une profeilion diilinguée 8c permanente
de. ce qui n’ayoit été jufque-là qu’une12 5

(125) L*Abbé D ubos, qui'a examiné avec exaffîtude


( Hift. de la Monarchie Françoife v t. 1 , p. 4 1-100 , édit.
1742 , ) les inftitutions d'Augufte & de Confiantin ?
obferye que fi Otton eut été mis à mort la veille de
fa confpiration, îl paroîtroit dans THiftoire aufli in*
nocent que Corbulo.
■ ■ ; ■ .

04 Hiftoiredè la decadencè
fonction paiîagère ; il créa deux Maîtres
généraux, l’un pour la cavalerie, l’autre
pour l'infanterie , & leur donna, fur les
arm„ées de l’Empire, toute l’autorité qu’a-
voient exercée les Préfets du Prétoire,
Quoique, chacun de ces Hlujlres Officiers
fût plus particulièrement chargé de veiller
à la difçipline des troupes qui étoient
fous fes ordres immédiats il comman-
doit égalemei|t^^a guerre, tous les corps,
foie à pied, ïftfP a '' ch eva l, qui compo-
foient fon armée ( 1 2.6). Le nombre de
ces Maîtres fut bientôt doublé par la
féparation de l’Orient ’& de l’O ccident;
èc ils eurent chacun , pour département,,-
avec un titre & un rang égal j une des
quatre importantes frontières du R i i o ,
du Haut & du Bas^-Danube -, & -d e l’E uv
phrate. La défenfe de l’Empire Romain
fut à la fin confiée à huit Maîtres géné-*
i - -
( i i é i Zozime^ L n ÿ p. n o . Avant la fin du règne
de Confiance, les Magiflri militum étoient déjà au nom*
bre de quatre. V oyez Valefius, ad Anunian. 1. XVI,
7* . ' ' * * ■ ,

ri

■\
de VEmpiré Romain. Cha p . XVII. pf
raux de cavalerie & d’infanterie. Ilseùreiij:
fous leurs ordres trente-cinq Comman-
dans Militaires attachés aux Provinces ;
•trois dans la Grande-Bretagne, fix dans '
les G aules, un en Eipagne, un en Italie,
cinq fur le Haut , ôc quatre fur le Bas-
D anube, huit en Aile* trois en E g y p tef.
Ôc quatre en. Afrique, Les titres de Comtes
&; de Ducs (1 1 7 ), qui leur étoient parti­
culiers , ont, dans“nos langues modernes,
un fens fi différent, que je crains d’ex-
pofer à des erreurs, en en faifant ufage.
A u re fte , on doit fe rappeler que la
! fécondé de ces dénominations n’eil
qu’une corruption du nom latin que l’on
donnoit-indiftinftement a tous les Chefs
Militaires. Ces Commandans de pro­
vince étoient par conféquent connus fous12 7

(127) Quoique l’Hiftoire « les Codes parlent fou-


vent des Comtes & des Ducs Militaires, on doit re-:
courir à la Notitia, fi on veut avoir une connoîf-
fance exa&ç de leur nombre & de leur département*
au rang r aux privilèges des
en général 5 voyez Cod. Theodof. 1. y 1 ? tit,
iz - io v avec les Commentaires de- Godefroy*

\
96 H ijîo it e d e d ^ é c f ld e n c e

le nom de. Ducs. D ix feu lem en t obtin­


rent celui de Comtes, ou Comités : titre
d'honneur, ou plutôt-de faveur, récem­
ment inventé à la Cour deConftantin.,(
Un baudrier d’or étoit la marque dif-
tîn'élive dé-la dignité de Comte St de Duc.
On leurfaifoit, en outre dé leurs appoin-
tem ens, une forte peniion , pour qu’ils
éntretinilent.cent quatre-vingt-dix valets
61 cent cinquante-huit chevaux. Il leur
étoit expreffément défendu de fe mêler
d’aucune affaire relative à la JuiH ce,ou
aux deniers publics ; mais leur autorité
fur les troupes qu’ils commandoient, étoit
tout-àfait indépendante des Magiftrats.
Conftantin introduire la balance déli­
cate de l’autorité civile & m ilitaire, à
peu près dans le même temps qu’il, donna
une fanctibn légale à l’Ordre Eccléfiaili-
que. L’émulation ,*& quelquefois la dis­
corde qui régnoit entre deux profeilions
ii incompatibles d’humeur St d’intérêt,
produifit de bons & de mauvais
On ne pouvoir guère préfumer
Général
de VEmpire j^oot. C hap . XVÏL
Général & le Gouverneur civil d’une Pro­
vince s’uniroient pour fouiHer la difcorde*,
ou pour y maintenir la paix. Tandis que
l’un négligeoit d’pfFrir les fecours que
l'autre ne daignoit pas demander, les
troupes reftoient fouvënt fans ordres St,
iàns fubfiftance ; la fureté publique étoit
trahie, & les fujets, abandonnés de leurs:
défenfeurs , éto-iènt expofés aux incur-
fions des Barbares. Le partage de l’admi-
niftration qu’avoit fait Conftanrin, afïurà
la tranquillité du Monarque ; mais il
relâcha le nerf de l’Etat.
O n à blâmé avëc raifon Conftantia
d’une autre innovation qui corrompit la
difcipline m ilitaire, 'St précipita la. ruiné
de l’Empire. Les dix-neuf ans qui pré­
cédèrent fa dernière viétoire fur Licinius,
avoient été un temps de licence St dé
guerre civile. Les rivaux qui fe difputoient Dimnaûjü
de* troupes,
l’empire , avoient retiré la plus forte
partie de leurs armées des grandes fron­
tières, furies confins de leurs Etats, rei*
pe&ifs. Les principales villes étoient tem-
Torrié IV , G
aS Hijloire de la âëcadenct
pliesde foldatsquiregardoient leurs con­
citoyens comme leurs plus implacables en*
nemis. Quand la fin de la guerre civile eut
rendu les garnifons intérieures inutiles, ’
l’Empereur n’eut pas allez de fageiTe ou
de fermeté pour ramener la difcipline fë-
vère de Dioclétien , & fupprimer la fatale
indulgence à laquelle le Militaire avoiç
pris goût par habitude, & croyoit pref-
que avoir droit. Depuis le règne de C onf-
tantin , il y avoir une diftin&ion d’opi­
n io n , même une diftinétion légale,en­
tre les troupes Palatines (i 28), que l’on
nommoit improprement les troupes de
la Cour, & celles qui gardoient les fron­
tières. Les premières, fîères de la fupé-
riorité de leur folde & de leurs privilè­
ges, paiToient tranquillement leur vie au

(128) Zoiim e, L n , p. 3. Les Hiftoriens, les Loîx,


& la N o titia , indiquent d’une manière très-obfcure les
deux claffes des troupes Romaines. On peut coniulter
cependant le Paratitlan , ou Extrait étendu que Godefroy
a tiré du feptième Livre de Re militari y du Code
TheodoL L v u , tit. i 3 Leg. 18 ; Il v in * tiL ** Leg,
10.
de l*Empire Rom, Ghap . XVII. 99
centre de l’Em pire, à moins d’une guerre
extraordinaire ; & les villes les plus
riches étoient obérées par les frais de leur
fubfîftance. Les foldats perdoient infen-
fiblemenc l’efprit de leur état , & pre-
noient tous les vices de l’oifîveté , ou ils
s’aviliiToient par une induftrie balle &c
fordide , ou bien ils s’énervoient le corps
& l’ame par les bains & par les fpec-
tacles. Us négligèrent bientôt les exer­
cices militaires pour fe livrer à la parure
& à la bonne chère » & , tandis qu’ils
étoient la terreur de leurs concitoyens,
ils trembloient à la vue des Barbares (129)*
La chaîne de fortifications que D io ­
clétien & fes collègues avoient tendue fur
les bords des grandes rivières, n’étoic
ni entretenue avec le même foin , ni
défendue avec le même courage. Les

(129) Ferox eratïn fuos miles & rapax y ignavus verb in


kofm & fra&us, Ammien. 1. x x n , c. 4. Il obferye qu’ils
aimaient les lits de duvets & les maifons de marbre,
& que leurs coupes avoieht plus de pefantevir que leurs
épées*
ioo Uifîoire de la de'cadencè
troupes, connues fous le nom de Gardes
des frontières, . auroïent pu fuffire à une
défenfe ordinaire ; mais elles étoienc
découragées par d’humiliantes réflexions.
Tandis qu’elles étoient expofées , toute
1-année , aux travaux 6c aux dangers d’une
guerre continuèllê , elles n’obtenoiënt
que les deux tiers de la paye 6C des émo-
lumens qu’on prodiguoit aux troupes de
Cour. Les bandes , les légions même
qui jouiifoient à peu près du même fort
que ces indignes favoris, fe trouvoient
dégradées par le titre d’honneur qu’on
accordoit aux autres. C e fut en vain que
Conftantin menaça des plus cruels châti-
mêns ceux des frontières qui abandonne-
roient leurs drapeaux , qui favorifèroient
les incuriions des Barbares ou qui parta-
geroient'dans leur brigandage (130). Le
défordre qui fuit les démarches impru-*19

(130) Cod. Theodôf. 1. V il, tït. r i , Lèg, i. Vit. n *


Leg. i. Voyez Hobvell, Hiflory o f thc W^odd, vol. 2,, p.
19. Ce fa^irit Hiftorien , qui n’ eft pas affez connu, tâche
de juftifier le caraftère & la politique de Conftantin^
de VEmpire Roth. Çhab. XVII. km
dentes, fe corrige rarement par une injufte
févérité ; & quoiqu’une fuite de Princes
ayent fait chacun , dans leur temps , leur
poiïïble pour recruter & ranimer les gar-
nifons des frontières, jufqu’au dernier
moment de fa diffolution, l’Empire a
fouffert dé la bleifure mortelle que lui
avoit faite l’imprudente foibleiTe deConf-
tantin.
La même politique timide qui fépare
des légious#>
tout ce qui eft u n i, qui abaifle tout ce >
qui eft refpeCté, qui craint toute auto-
! rité aétive, & qui n’attend de la doci-
i lité que de la foibleiTe ièmble avoir
j été le Cyftême de pluiieurs Monarques y
& particulièrement celui de Conftantin.
L ’orgueil martial des légions, dont les
! camps victorieux av oient été ii fouvenc
j • le foyer de la révolte fe- nourriiïoit du
j fouvenir, de leurs anciens exploits , 8c
\ du fentiment -de lqurs forces pré fentes,
j Tant quelles confervèrewt leur ancienne
! comnof cion de fix mille hommes , elles-
' f é . foutinrent fous le règne de D io d e-
I G iij
ï oz Hifaire de là décadence
tien ; & chacune d’elles fut un objet ref-
peftable dans l’Hiftoire militaire de
l’Empire Romain. Peu d’années après ,
leurs corps nombreux furent réduits à
très-peu de chofe ; & quand Îept légions,
avec quelques auxiliaires , défendirent la
ville d’Amida contre les Perfes, toute la
garnifon , avec les habitans des deux
fexes, & les payiàns qui avoient déferté
la campagne, n’excédoient pas le nombre
de vingt mille ( 13 x).
D ’après ce fa it, & d’autres qui le
confirment, il y a lieu dè croire que la
conftitution des troupes légionnaires, à
laquelle elles dévoient en partie leur va­
leur fie leur difcipline, fut changéè par
Conilantin , & que les bandes d’infan­
terie Romaine qui en retinrent le nom
& les honneurs, n etoient plus compo-
féés que de mille à quinze cents hom-13

(131) Ammien, 1. xix , c. 2. Il obferve (c. f.)que


les forties défefpérées dç deux légions de la Gaule
produifirent l'cfiet d’un peu d’eau cju’oa jette fur un
grand incendie'.
3 e VEmpire Rom, C h a p . X V II. 103
jnes ( 13 r). On pouvoir aifément' arrêter
les complots de ces détachemens fêparés,
que le fentiment de leur foibleife. parti­
culière rendoit timides ôc incertains ; Sc
les fucceiïeurs de Conftantin pouvoienr
fatisfaire leur vanité par le plaiiir illufoire
de commander à cent trente-trois logions
infçrites fur l’étac de leur nombreuse ar-
m éè.X e reftede leurs troupes étoitdivifé,
l ’infanterie en cohortes, & la cavalerie
en efcadrons : leurs armes, leurs noms
& leurs enfeignes tendoient à infpirer
la terreur, & à faire diftinguer les, .diffé­
rentes nations qui marchoient j("pu? les
drapeaux de l’Empire. Il ne reftoit plus
rien de cette iimplicité févère , q u i, dans
les fiècles brillans de 1 viéboire & de li-
berté , diftinguoit une armée Romaine
de ce. ramas immenfe.Ôc confus de foldats
dont un Monarque d’Aiîe marchoit en­
vironné (133).2 13
(132) Pancirolus ÿ ad N otïtïa m , p. 96. Mémoires de
JfAcad. des Inscription, t. ay , p. 4&1*
(133) Romana acies unius propèforma erau & kominum
' G iv

/
î©4 Htfloire de la décadence
Un dénombrement particulier, tiré de la
N otiùa, pourroit occuper l’attention d’un
amateur de l'antiquité. Mais l'Hiftqrien
fe contentera d’obferver que les garni­
rons placées fur les frontières de l’Empire,
montbient à cinq cent quatre-vin^t-ti'ois i
$c-que, fous les fucceffeurs de Cqniïan-
tin , les forces totales de PétabliiTement
militaire étoient compofées dg Ex cent
quarante-cinq mille foldats (134).'Dans
les Eècles préçédehs, cet effort auroit
furpàÛe les befoins de l’F.mpire ; dans les
fuivans , il furpafla Tes facultés.
piflïeaWdM Daris chaque èfpëce de Gouverne-
iuto,ietnens différens rriqttfs fervent'1à . recru*
ter les armées. Chez les Barbares , le
goût de la guerre ; chez une nation libre,
t - ' 'S ' L ■ ■> ^ * - '

& armomm genere. — Régla actes, varia magïsJmultîs


gentibiLs diffimilitudlnc armorum aüxilioruîhque>érar, Titd-
Live, 1. x x x v i i j c. 39,40, Flaminius, avantuuç bataille*
avoit. comparé Farmée d'Antiochus àl un fouper ? ou
VhaWeté d’un Cuifinier* diverfifie l’apprêt de h chair
d’un v il animal. V oyez 1$. V ie de FJa^îniü^ dans PljL-3
t arque,

( * 34 ) Agathias , h $ a p. 157^ édit, du L o u v e t


de TEmpire Rom. C has . XVII. 105
le devoir & l’amour de la P atrie; dans
une M onarchie, le fentiment de l’hon­
neur ; mais les timides èc volupteux ha-
bitans d’un Empire fur le d éclin , ne
font attirés au fervice que par l’eipoir
du profit, & n’y font retenus que par
la crainte des châtimens. Les reffources
du T réfor Romain furent épuifées par
l’augmentation de la paye, par des gra­
tifications multipliées, par l’invention de
nouveaux émolumens , & par de nou­
veaux privilèges qui puilènt compenfer aux
yeux d’un jeune villageois, les fatigues &c
les dangers de la vie militaire. Cependant,
quoiqu’on fût devenu moins exigeant fur
la taille ( 13 5), quoiqu’on fermât les yeux13
5

(135) Valentinien ( Cod. Theodof. 1. v u , tir. 13 ,


Leg. j> ) fixe la ftature d ’un foldat à cinq pieds fept
pouces j c’efi^à-dire^ à cinq' pieds quatre pouces ,&
dem ie, mefure d’Angleterre (Le pied d'Angleterre efl
j plus petit que celui de France. ), — Elle avoit été autre­
fois de cinq pieds dix pouces, & dans les plus beaux
corps, -de fix^pieds, romains, Sed tune erat amplior mut-
: ùtudù, & plures fequebahtur mïlitiam. armatam, Yegetius ?
d p R e w lita r i, L j 5 c.$ ,
IQ6 M'^o'm)dedadécàdm<ie
far l’admiffion des efclaves, ces toléran­
ces ne fuffirent pas ; les troupes ne fu­
rent recrutées qu’imparfaitement, èc les
Empereurs furent obligés d'avoir recours
aux moyens de contraintes. Les terres
qu’on donnoit d’abord aux vétérans, en
toute franchife, comme une récompenle
de leur valeur, ne leur furent accordées
que fous une condition qui fut fans doute
la fource des redevances féodales ; leurs
fils n’en héritoient plus, à moins qu’ils
ne fe dévouaflent à prendre le métier
des armes, dès que leur âge le leur per-
mettroit. Leur lâche refus étoit puni par
la perce de l’honneur , de la fortune,
& même de la vie (136J ; mais, comme
les fils des vétérans étoient loin de fuffire
aux befoins du fervice, on fit de fré-13 6

(136) Vojnez les deux titres de Veteranis & de F'diis


Veteramrum y dans le feptième Livre du Code Théo-
dofien. L ’âge où Ton exîgeoit d’eux le ferviee mili­
taire, varioit de vingt-cinq à feize ans. Si les fils des
vétérans fe préfentoient avac. un cheval , ils ayoient
droit de fervir dans la cavalerie. Deux chevaux leur
donnoient des privilèges impo^ans* *
de lŒî7îpire;Rom. C ha $. XVII. 10 7

wuentes levées dans les provinces. Chaque


. propriétaire fut obligé de prendre les
armes , ou de payer un fubfticut, ou
de fe racheter par le payement d’une
amende confidérable. Le rachat , qu’on
réduifit à 42 pièces d’or , nous donne
une idée du prix exorbitant que iè ven-
doît un foldat, & de la. répugnance avec
laquelle le Gouvernement accordoit une
difpenfe (137).
Les Romains abâtardis aVoient une
selle horreur pour la profeiïion de foldat,
q u e, pour en être difpenfés , pluiieurs
jeunes hommes de l’Italie & des provinces
.. fe coupoient les doigts de la main droite ;
& cet abominable expédient fut d’un
ufage allez com m un, pour néceflîter la
févérité des Loix (138) , & un nom 13 7

(137) Cod. Theodof. 1. v u , tît. 13 , Leg. 7. Selon


THiftorien Socrate (V o y e z Godefroy , ad loc, ) , l’Em­
pereur Valens exigeoit quelquefois quatre-vingts pièces
d’or pour un foldat de recrue, La Loi fuivante énonce
très-obfcurément que les efdaves refero n t pas admis,
- inter optimas kÜïffunorum militum turmas.
(13 8) La perfonne & la propriété d’un Chevalier Ro-
io? Hiftoîre de ta décadence
particulier dans la Langue latine (13 ÿj,
O d augmente L ’admiffion des Barbares dans les ar­
le nombre des
B.irbaresauxî- mées devint de jour en jour’ plus com­
líairet.
mune, plus nécefïaire , Sc plus funefte.
Les plus hardis des Scythes , des G o th s,
& des Germains, qui aimoiènt la guerre,
trouvant plus de profit a défendre qu’à*13 9

main qui avoit mutilé les deux fils furent vendues à


¡Pencan par ordre ¿'Augnile ( Suetone, ih Àug. c. 271).
La modération de cet habile ufurpateur, prouve que
Pefprit du temps juilifioit la fé vérité. Ámmien diflin*
gue les Italiens efféminés, desrobuñes Gaulois ('L. X v f
c. la.-). Cependant , quinze années après, Valentinien,
dans une Loi adreffée au Préfet de la Gaule * çru£
devoir ordonner de brûler vifs ces lâches déferteurs
: ( Cod. Theodof. L v u , ti1 13 , Leg. 5.). Leur nombre
¡ en Illyrie étoït fi confidérable, que la Province fe
plaignoit de ne pouvoir y faire de recrues ( Id,
Leg, 10.)
(139) On Tes appeloît Murei, Murcidus eft employé
par Plaute & Feffus, pour défigner un homme paref-
feux. lâche, qui, félon Am ebe. 8c St. Augüffin*
étoit fous la proteélion immédiate de la D éefíe- Mur­
cia* Les Aureurs Latins du moyen âget fe fervent du
mo t Murcars., comme fy nonym e de: Muti lare y ■ d'a­
près ce trait iingulier de lâcheté; Vsoyez Lindenbro-
gius & Yalefiusy ad Ammian* Marcellin. L x y * c*
12, . \ '

t
rie P Empire Rom. Chap. XVII. 10.9
ravager les provinces, s’enrôloient, non *
feulement parmi les auxiliaires 4e leur na­
tion ; ils étoient encore reçus dans les
légions , & parmi les plus diftinguées
des troupes Palatines. Admis familière­
ment chez les citoyens, ils apprenoient
à méprifer leurs mœurs, & à imiter leurs
Arts ; ils fecouèrent le refpeét que l'or­
gueil des Romains n’avoit dû qu’à leur
ignorance ; & ils acquirent la poiTeiiion
des avantages qui foutenoient encore la
grandeur expirante de leurs anciens maî­
tres. Les foldats barbares qui.moncroient
des talens militaires, arrivoient aux poftes
les plus importans , fans exception. Les '
noms de Tribuns , de C om tes, de D u cs,
& même de Généraux, annoncent une
origine étrangère qu’ils ne confentirent
plus à déguifer. O n leur confioît fouvent
la conduite d’une guerre contre leurs
compatriotes ; & , quoique la plupart
préféraïfent les ,liens de la fidélité à ceux
du fang , quelques-uns cependant furent
ingrats, ou du moins foupçonnés d’ep-
I IO Hijìoìre de la decaderice
tretenir une correfpondance criminelle
avec les ennem is, de les favoriier dans
leurs incuriions, & de les épargner dans
leur retraite.
L e fils de Conftantin laiiToit gouver­
ner fon palais ôcfes camps par une fadtion
puiiTante de Francs, dont tous les mem­
bres avoient une Uaifon ferme Sc fuivie
entre eux , & avec leurs compatriotes, &
qui regardoient un affront fait à un des
leurs , comme une infulte nationale (140).
Lorfque le Tyran Caligulafut foupçonné
de vouloir donner la robe de Confai à '
un candidat d’une efpèce très-extraordi­
naire , le facrilége auroit excité prefque
autant de furprife, quand, au lieu d’un
ch eval, le C h e f le plus noble de la G er­
manie ou de la Bretagne auroit été l’objet
de Ion choix. La révolution de trois fiè-
cles avoit fait un changement fi confi-

( 14° ') Malarìchusy adhibitis Francis, quorum êâ umpeflau


in palano multïtudo florebat, ereStius jam loquebatur tumui-
tuabaturquc. Ammien Marcellin. L x v , c.
de VEmpire Rotn. C hàp . X V lI. iii
durable dans les préjugés du peuple , que
Conilantin fur approuvé des Romains ,
lorfqu’il donna l ’exemple à íes fucce£-
lèurs d’accorder les honneurs du C o n -
iulat aux Barbares qui méritoient par
leurs talens 62 leursfervices d’être claííés
dans le nombre des Romains les plus
diftingués (141). M a is, comme ces au­
dacieux vétérans, qui avoient été élevés
dans l’ignorance 'êc dans le mépris des
L o ix , n’étoient jamais admis à exercer
aucun emploi c iv il, l’eíTor de l’efprit
humain étoit arrêté par l’irréconciliable
féparation des talens êc des prpfeiîîons.
Ces citoyens accomplis des Républiques
Grecques êc Rom aines, dont le génie
brilloit également au B arreau, dans le 14

(141) B a rb a res om nium p rim u s. a d ufq ue f a j e e s a u xera t


& tr a b e s Ç o n fu la res . Ammien. 1. XX , c. 10. Euiebe (In
Vitâ Conilantini, L i v , c. 7 .) & Aurelius V iS o r
femblent confirmer cette afiertion; mais je ne trouve
pas le nom d’ un feul Barbare dans les trente-deux
Faites Coniulaires du règne de Conftantin. Je croi-
rois donc que ce Prince accorda aux Barbares les
ornemens plutôt que l’ emploi de Conful,
iïa Hifloire de la décadente
ISénat, dans les camps 6c dans les écoles,*
apprenoienc à écrire, parler 6c agir avec
la même habileté.
septMinif- IV , Indépendamment des Magiftrats
n U ltes du P a - - y—* . f - * i * i
lais* 6c des Generaux qui exerçoient loin de
la Cour l’autorité qu’on leur avoit donnée
fur les provinces ou fur les arm ées,
l’ Empereur accordoit le rang d ’ Illujlres
à fept de fes plus intimes ferviteuts,
auxquels il confioit la fureté de fa per-
fo n n e, celle de fes Confeils 6c de fes
tréfors. x°. L ’intérieur du palais étoit
gouverné par un Eunuque favori, qu’on
nommoit Prœpojùus ou Prefet de la charnu |
bre fa crée, où le Prince repofoit, Son
devoir étoit d’accompagner l’Empereur
dans fes Confeils, 6c dans fes parties de
p laiilr, d’être toujours près de fa per-
fon n e, 6c de lui rendre tous les menus
ferviees dont la Majefté Royale peut feulé !
faire la gloire 6c diiîîmuler la petiteiTe.
Le Chambel' Sous un Prince digne de régner , le Grand-

Chambellan, car nous pouvons le nom- !


mer ainfi, n’étoit qu’un ferviteur utile
de VEmpire Rom. Chap. XVlI. i i3
Sc m odefte; m ais, fous un Prince foible,
la confiance eft toujours la fuite de la
familiarité , & la complaifance donne
bientôt au ferviteur adroit un afcendant
qu’un mérite diftingué & une auftère
vertu parviennent rarement à obtenir.
Les petits-fils dégénérés, du grand Théo-
dofe , invifibles à la n ation , & méprifés
des ennem is, élevoient le Préfet de leur
! Chambre au deffus de cous les M iniftres
i

! du Palais ( 1 4 1 ), 6c fon Subftitut m êm e,


ch ef de cette pompeuie fuite defclaves
qui gardoient leur m a ître , avoir le pas
fur les refpeclables Proconfuls de la Grèce
I
Sc de FAfie. La jurifdîcUon du Cham­
s
bellan s’étendoit fur les Com tes ou Sut-
i intendans chargés des deux emplois im-
portans de la table ôc de la garde-robe
du Prince (143). z °. La principale admi-143
2

(142) CotL Theodof, L v i , rit 8.


(143) Par une fingulière métaphore empruntée du
cara&ère guerrier des premiers Empereurs, l’Intendant
de leur maiion fe nommoit le Comte de leur camp
(Cornes Caftrenfis). Caffiodore repréiemoit férieufer.
Tome I V . H
X14 Hijloïre de la decaden.ee
niftraiion des affaires publiques fut con­
fiée à l’intelligence 8c à l’aéHvité du
Le Grand­ Maître des offices (144) : fuprême Ma-
-Maître des
oiïïçes giftrat du Palais , il mfpeéfcoit la difi-
cipline des écoles civiles m ilitaires,
8c recevoit des appels de toutes les Pro­
vinces de l’Em pire, dans les affaires qui
.concernoient la multitude de citoyens
privilégiés q u i, comme valets de la Cour,
avoient pour eux 8c pour leurs fam illes,
le droit de décliner la jurifdiétion des
autres Tribunaux. Quatre Scrin ia, ou
Bureaux dont ce M iniftre d’Etat étoit lé
ch ef, conduifoient la correfpondanee du

ment au Prince, que fa réputation & celle de l’Em­


pire dépendoit de l'opinion qu’auroient les Ambaffa-
deurs étrangers de la profufion & de la magnificence
de la table royale. ( Variar. L v i , EpiftoLp).
(144) Gutherius(de OfKciis domus Auguftæ, I, il,
c. 20, 1. 3 , ) a très-bien expliqué les fondions,du
Maître des offices, & la conftitution des Scrinia qui
dépendoient de lui. Mais d'après çle$ autorités dou-
teufes , il effiye vainement de fair remonter à l’épo­
que des Antonins, ou à celle de N éron, l ’origine d’un
Magiflrat qu’on ne trouve pas dans rHiftoi.re avant
le règne de Conftantin.
de VEmpire Rom. C hap . XVII. 1
Prince avec Tes fujets. L e premier Bu-
reau s’occupoit des Mémoires , le fécond,
des lettres, le troifièm e, des demandes,
8c le quatrièm e, des ordres 8 c des ex­

péditions de toute efpèce. Il y avoir ,


à la tête de chacun, un fous-chef, de
l ’ordre des Rejpeclables ,• 8 c le nombre to ­
tal des Commis m ontoit à cent quarante-
huit : on les tiroit ordinairement du Bar­
reau, à raifon des extraits 8 c des rap­
ports qu’ils avoient fouvent occaiîon de
faire dans l’exercice de leurs fondrions.
Par une condefcendance q u i, dans les
iiècles précédens , auroit paru indigne
de la Majefté R om aine, il y eut un Se­
crétaire particulier pour la Langue G rec­
que, 8c l’on paya des Interprètes pour
recevoir les Ambaffadeurs des Barbares ;
mais le département des affaires étran­
gères, qui conftitue aujourd’hui une partie
il effentielle de la politique m oderne,
intéreffoit peu le G rand-M aître; il s’oc-
cupoic plus férieufement des portes 8 c
des arfenaux de l’E m pire; des compa-
H ij
4

11 $ Hijloire de la décadence
gnies d’ouvriers, placées dans trente-quatre
villes, quinze à l’O r ie n t, 6e dix-neuf à
l’O ccident, qui fabriquoient continuelle­
ment des armes offenfives ôc défenfîves, 6c
des machines de guerre que l’on dépofoit
dans les arfenaux, pour les diftribuer aux
le Quefteur* troupes dansl’occaiion. 30. Dans le cours
de neuf iiècles, l’office de Quefteur avoit
eiTuyé de iingnliers changemens. Dans
l’enfance de Rom e , le peuple choifif-
fo it, tous les ans, deux Magiftrats infé­
rieurs pour remplacer les Confuls dans
l’adminilfration délicate & dangereufe des
deniers publics (145). Chaque ProconfuI
ou Préteur, foit qu’il eut un commande­
ment militaire ou provincial, avoit pour
Afléileur un de ces Officiers. Am efure
que les conquêtes étendirent l’Empire,14 5

(145) Tacite (Annales X I , 22.) dit que les pre-


miers Quefteurs furent élus par le peuple s fbixante-
quatre ans après la fondation de la République ; mais
il croit quedong-temps avant cette époque 5 les Confuls
& même les Rois les nommaient chaquè année. D ’au­
tres Ecrivains conteftent ce point obfcur ¿^antiquité.
de VEmpire Rem. C h a p . X V II. 1 1 7
les deux Quefteurs furent multipliés au
nombre de quatre, de h uit, de vi
& enfin de quarante ( 146).' Les citoyens de
la première claile foîlicitoient un emploi
qui leur donnoit l’entrée du S én a t, 6c
l’efpoir fondé d’obtenir les dignités de
la République. Tant qu’Auguite affecta
de maintenir la liberté des élections, il
fe réferva le droit de préfenter , on pour-
roit dire de nom mer, un certain nombre
de candidats ; 8c il choififfoit ordinaire­
ment un de ces jeunes gens de diitiuc-
tio n , pour lire dans le Sénat fes Oraifons
&c fes Epîtres (147). L ’ufage d’Auguite
fut incité par fes fucceifeurs ; ils firent
de cette fonction particulière un office14
7
6

(146) Tacite (ibicf.) femble dire qu’il n’y eut ja­


mais plus de vingt Quefteurs ; & Dion (L* x l i i i , p.
374. ) infirme que ft le Diftateur Céfar en créa une
fois quarante, ce ne fut que pour payer avec plus
de facilité une immenfe dette de fervices ; mars que
fon augmentation du nombre des Préteurs fubfifta fous
les règnes fuivans.
(147) Sue ton in Auguft, c. 6 j . & Torrent. ad loc*
Dion C alïïu s, p. 35^.
H iij
118 Hijîoire de la décadence
permanent; & le Quefteur qui en fut
revêtu, iiirvécut fous un nom & un titre
plus brillans, à la fuppreifion de fes an­
ciens & inutiles Confrères (148). Com m e
les Oraifons qu’il com pofoit au nom de
l’Empereur (149) , acquéroient la force,

(148) La jeunette & l’inexpérience des Quefteurs, qui,


à trente-cinq ans , am volent à cet emploi important
(L ip f. excurf. ad Tacit* L u i , D O engagèrent Au-
gufte à leur ôter l’adminiftration du tréfor. Claude
le leur tendit ; mats Néron les fnpprima tout-à-fait
(T a c ite , Annales x x i i , 29. Sueron. in Aug. c. 36,
in Claud. c. 24. D ion , p. 696, 361, &c. Pline., Epift.
X , 20 ,& alibi. Dans les provinces du département de
PEmpire, les Procurateurs, ou , comme on les appela
enfuite, les Nationales, remplaçoient très-utilement
les Quefteurs (Dion C aflius, p. 707. Tacite , in Vit.
Agric. c. 1 5 , Hift. Aug. p. 130O ? mais on trouve , juf-
qu’au règne de Marc-Aurèle , une fuite de Quefteurs
dans les provinces du Sénat. (V o y e z les Infcriptions de
Gruter , les Lettres de Pline, & un faitrîëcifif dans
PHiftoire Augufte, p. 64O* Ulpien nous apprend (Pan-
deft. 1. 1 , tit 13O que fous le gouvernement de la Mai-
fon de S évère, leur adminiftration dans les provinces
fut fupprimée , Si qu’au milieu des troubles qui fuivi-
rent, les éledions annuelles ou triennales des Quef­
teurs durent cefter.
(149) Cum patris nomme & Epiftolasipfe ditfareï, &
de VEmpire Rom. C hap . XVII. 119
& , à la longue, la forme d’ordonnan­
ces abfolues , il étoit devenu le repré­
sentant du pouvoir légiflatif, l’oracle du
C o n fe il, & la fource de route la Jurif-
prudence. On l’inviroic quelquefois à {lé­
ger dans le Coniiftoire Im périal, avec
les Préfets du Prétoire & le Grand-M aî­
tre ; c’étoit à lui que les Juges inférieurs
s’adreilbient pour décider les queftions
douteuies. Com m e il ne s’occupoit pas
du détail des affaires ordinaires, il em -
ployoit fon loiiir & fes talens à exercer
ce ftyle d’éloquence admirable , qui ,
malgré la corruption du goût ôe du lan­
gage j *conferve encore la majefté des
Loix Romaines {160). O n peut com parer,*15
0

ediEta confcriberet etiam Qu^floris vice, Suet. in tit. c, 6*


Cet office dut acquérir unSiouvel éclat, puifque F hé­
ritier préfomptif de l’Empire l’exerça quelquefois.
Trajan donna la même commiffion à Adrien fon Q uef-
teur & foncoufm * (V o y e z Dodwell præle&ion. Carnb-
den, x x x i 5 p, 362 394.
(150) . . . » ...........Terris, editta datums )
Supplicibus refponfa ; — oracula Regis

H iv
I 20 Hijloire de la decadence
à quelques égards, l’office de Quefteur
Impérial j à la charge moderne de Chan­
celier ; mais l’ufage du grand fceau, donc
l’invention paroît appartenir à l’ignorance
des Barbarës, ne fut jamais introduit
dans les actes publics des Empereurs. 4 0.
tiTtéforfet Le titre extraordinaire de Comte des lar-
pUb C ë eJfes » fuc donné au Tréforier général
du revelhu , dans l’intention de perfua-
der peut-être que chaque payement étoit
un don volontaire de l’Empereur. Les
forces de l’imagination la plus vigou-
reufe & la plus étendue, ne fuffiroienc
pas pour concevoir les détails prefque
infinis de la dépenie annuelle & jour­
nalière qu’entraînent les adminiftrations
civiles & militaires d’un grand Empire.
La comptabilité feule occupoit plufieurs
centaines de Com m is,.diftribués en fept

Eloquïo creyere tuo ; nec dignihs unquartî


Majefias memînit fe fe Romana locutum,
Claudien, in Confuíat, Mail. T h eo d o f 53. Voyez
aufli Symmaque (Epift. x , 17. ) & Caffiodore, (Va-
ria r.v i, 3.),
de VEmpire Rom. C hap . X VII. i 21
différentes dafles, très-adroitement com­
binées pour fe contrôler réciproquement.
L e nombre de ces A gens tendoit tou­
jours à s’augm enter; & l’on fut obligé
pluiieurs fois de renvoyer d’inutiles fur-
numéraires, qui avoient déferté les ho­
norables travaux de la campagne pour
fe livrer avec ardeur à la partie lucra­
tive des finances ( 151 ). V in gt-n eu f R e­
ceveurs provinciaux , dont dix - huit
avoient le titre de Comtes y correfpon-
doient avec le Tréforier. Sa JurifdiCtion
s’étendoit fur les mines d’où l’on extrait
les métaux précieux, & fur les établif-
femens où ils étoient convertis en mon-
noie courante, ôc dépofés pour le fer-
vice de l’Etat. Le commerce de l’Em ­
pire avec l’Etranger étoit conduit par
ce Mmiftre ; il dirigeoit auffi les ma­
nufactures de toile & d’étoffes de laine,
dans lefquelles les opérations fucceffives

O? O Cod. Théodof. 1, v i, tit. 3q, Cod, Juftinien.


I. Xlîj tit. 14.
in Hijloire de lu de'cadence
de filature, 'de tiflùre 8c de teinture,
croient exécutées principalement par des
femmes de condition ie rv ile , pour l’u-
iage du palais & des foldats. O n comp-
toit vingt-fix de ces établilïemens dans
l’O ccid en t, où les Arts étoient plus ré­
cemment introduits ; & l’on doit en
fuppofer un plus grand nombre dans les
La Tréforier provinces induftrieufes de l’Orient (152).
particulier.
50. Outre le revenu public qu’un M o ­
narque abfolu peut lever 8c dépenfer à
ion gré, les Empereurs poiTédoient une
propriété très - confidérable , en qua­
lité des citoyens les plus opulens. Elle
et oit adminiftrée par le . Comte ou le
Tréforier du revenu particulier. Une
partie provenoit fans doute des anciens

(i ï 2) La partie de. la Notifia qui traite de l’Orient,


efl* très - défeélueufe fur les départemens des deux
Comtes du tréfor. On peut obferver qu’il y avoit
une caiffe du tréfor à Londres, & un gyneceum ou une
manufacture à Winchefter. Mais la Bretagne ne fut
pas jugée digne d’une fabrique de mon noie ou d’un
arfenaL La Gaule feule avoit des fabriques y des mon-:
noies, & huit arien aux*
t

de VEmpire Rom. C hap . XVII. 123


domaines des Rois , des Républiques
fubjuguées, Si de ce qu’y avoient ajouté
fucceffivement les différens Monarques
de l’Empire ; mais le principal de ce revenu
venoic de la fource odieufe Si impure
des confifcations Si des profcriptions. Les
domaines de l’Empereur étoient répan­
dus dans toutes les provinces depuis la
Mauritanie jufques à la Grande-Bretagne.
C e Prince fut tenté par la richeiTe Si la
fertilité du fol de la C appadoce, d’y ac­
quérir les plus belles poiTeffions (153);
& Conftantin ou fes fucceiïeurs faiiï-
rent l’occaiion de couvrir leur avidité
du mafque d’un zèle religieux. Ils lup-
primèrent le riche temple de Com ana,
où le Grand-Prêtre de la DéeiTe de la
guerre faifoit une dépenfe égale à celle
d’un Souverain. Ils s’approprièrent les
terres habitées par iix mille fujets ou
efclaves de la Divinité Si de ies M inif-
/

Cod. Theodof, I. vi, tit. 30, Leg. 2; Si


Godefroy, ad loc.
H4 Hijloire de la decadence
très (154); les hommes n’étoient pas les
plus précieux habitans de certe con­
trée. Les plaines qui s’étendent du pied
du mont A rgée aux bords de la ri­
vière de Sarus , nourrirent une race
de chevaux eftimés dans l’ancien Mon­
d e , iupérieurs à toutes les autres par
la beauté de leur ftru&ure & par leur
incomparable vîteiTe. Ce« fuperbes ani­
maux étoient deftinés au fervice du
palais &c des jeux impériaux (155). La15*
4

(154) Strabon , Géographie, 1, X ii, p. 809* L ’Au­


tre temple de Comana dans le Pont , étoit une co­
lonie de celui de Cappadoce. L, x n , p. 825. Le
Préfident de BroÎTes ( V o y e z fon Sallufte, t. 2 , p.
2 1.) conjefture que la Déeffe adorée dans les deux
temples de Comana étoit Beltis , la Vénus de FO-
rient, la Déeffe de la génération, qui feroit ainfi tout-
à-fait différente de la Déeffe de la guerre*
( r ï5) Cod. Theodof. 1. x , tit. 6* de Grege domi­
n é 0* Godefroy a recueilli tous les paffages de l'An­
tiquité relatifs aux chevaux de Cappadoce. Une des
plus belles races , la Palmatienne , fut confifquée
fur un rebelle, dont les domaines étoient placés à
environ feize milles de Tyana , près du grand chemin
de Conftantiiiople à Antioche.
de VEmpire Rom. C h ap . XVII. 1 1 j
Loi qui les déclaroit facrés , défen-
doit févèrement de les fouiller en.
les vendant à des particuliers. Les do­
maines de la Cappadoce étoient allez
importans pour exiger l’inipe&ion d’un
Conite (156 ); on plaça des Officiers d’un
rang inférieur dans ceux du refte de
l ’Empire ; les repréfëntans des T réfo-
riers publics & particuliers confervèrent
l’exercice indépendant de leurs emplois,
Bc furent protégés dans toutes les oc-
cafions contre l’autorité des Magiftrats
de la province (157). 6, 7. Les bandes Les Comtes
des domefti-
choiiies de cavalerie &c d’infanterie qui ques.

gardoient la perfonne de l ’Empereur ,


prenoient les ordres des Comtes des do-
meiliques. Cette garde coniîftoit en trois
mille cinq cents hom m es, partagés en
fept écoles ou troupes, chacune de cinq 15 7
6

(156) Juftinien (N ovell. 30.) fournit la province


du Comte de Cappadoce à l'autorité immédiate de
l’Eunuque favori qui préfidoit à la Chambre Sacrée*

(157) Cod. Theodof. U v i , tit* 3 0 , Leg> 4 , &c*


j z6 Hijloire de la decadence
cents ; & les Arméniens écoien t, en
O rien t, prefque les feuls en poiTeffion
de ce fervice honorable. L o rfq ü e, dans
les cérémonies publiques, on les ran-
geoit dans les cours 6c dans les porti­
ques du palais, leur haute ftature, leur
difcipline filencieufe, & leurs magnifi­
ques armes, brillantes d’or & d’argent,
préfentoient un fpe&acle digne de la
grandeur Romaine (158). O n droit de
ces fept écoles deux compagnies choi-
fies, moitié à p ied , moitié à ch eval,
defquelles on form oit les Protecteurs ;
l’ambition des meilleurs foldats le bor-
noit à obtenir une place dans cette
troupe d’élite. Ils montoient la garde
dans les appartemens intérieurs; & ce-
toien t eux que leur Maître chargeoit d’exé­
cuter, dans les provinces , les ordres15 8

(158) Pancirolus, p. 102-136. L’impofant appareil


de ces domt.ftiques militaires, eft décrit dans le Poème
latin de Corippus, D e laudibus Juftir.iani, 1. n i, 1.57-
179. P. 419, 420 de l’Appendix , Hift. Byzantin. Rom.
* 777'
de l ’Empire Rom. C h a p . XVII.' 127
qui demandoient du courage 8c de la
célérité ( r 55?). Les Comtes des domejli-
ques avoient fuccédé aux Préfets du Pré­
toire, & , du fervice du palais, ils aipi-
rèrent, comme eux, au commandement
des armées.
La communication entre la Cour 8c
les Provinces, fut facilitée par les conf-
truclions des routes, 8c l’inftitution des
Polies. D eux ou trois cents Agens ou
! M eiïagers furent employés, fous les ordres
i du G rand-M aître, a annoncer aux Pro-
\ vinces les noms des Confuls de l’année,
[ & le s victoires des Empereurs. A yant pris
g peu à peu la coupable habitude de rap-
I porter à la Cour tout ce qu’ils pouvoienc
I obferver de la conduite des Magiftrats 8c
l des particuliers, ils furent regardés comme
les yeux , les efpions du Prince (160), 8c 0
6
1*

(159^ Arminien Marcellin, qui fervit tant d’ années ,


n’obtint que le rang de Protecteur. Les dix premiers
de ces honorables ioldats avoient le titre de Clanf*
fimï.
(160) Xénophon, C yropédie, 1. y m , Briffon ? de
12-S Hifloîrt de la decàdence
le fléau des citoyens. Les craintes Sc les
foupçons d’un règne fo ib le , les multi­
plièrent jufqu’au nombre incroyable de
dix. mille. Ils méprisèrent les fréquentes
admonitions des Loix , ils exercèrent
dans la réiie
O des Polies les exaucions
les plus odieufes & les vexations les
plus infolentes. Ces efpions de Cour ,
qui avoient une correfpondance exaûe
avec le P alais, furent encouragés, par
des faveurs ôc des récom penfes, à veiller
attentivement fur tout ce qui' pourroit
tendre ou reflembler à des complots,
d’après des fympçbmes foibles & fourds •
de m écontentem ent, & de difpofîtions !
à une révolte ouverte. Ils couvroient du
mafque révéré du z è le , les faux rapports |
qu’ils faifoient par négligence ou par
perfidie, & Jançoient impunément leurs
traits perfides dans le fein du cri-

rcgno Perfico, î. I , n°. 190, p. 264. Les Empereurs


adoptèrent avec plaiiir cette métapnore , qui venoit de
la Perfe,

minel,
de VEmpire Rom. C hap . XVII. 129
mineÎ, ou de l'innocent qui.s’étoit attiré
leur haine j ou qui voit refufé d’acheter
leur iilence. U n habitant des provinces
les plus éloignées étoit expofé.à la crainte
au danger d’être traîné fous le.poids
des chaînes jufqu’à M ilan ou à Conftan-
tinople, pour y défendre fa vie contre les
aceiuiations iniidieufes . de ces délateurs
iés. L ’Adminiftr'ation adopta ces
cruels m oyen s, qu’une extrême, néceiïïté
pourroit feule rendre .moins abom ina'
bles; elle fuppléa aux défauts de preuves,

I
parades tortures dignes des tyrans qui les
ont inventées (16 1).

La trompéufe & féroce invention de v ufage d«i


t ’ 11 r • tom u es-
s la torture criminelle rut reçu e, mars
non pas approuvée par la Juriipiudence
I 1 ' ..... ; . '7 '
ïs - —■■■■■■—— '— ----- ---*■ - ■--------- ------ -
; • ' . • - • : ;• •
(161) V oyez fur les  g e n t t s m . r é b u s3 Ammien, K
X v ÿ ,c. 3 , 1, x v i , c. 5 s L XXII, ç, 7 f avec Jes Notes
1 curieufés d e . Yalois, Cod.
Tome I V . 48 3 29. D e tous les traits
dans fon Commentaire t 1e
de Libanius » dans fon Di
lien.
jio Hijioire de la décadence
des Romains. Ils en firent ulàge fur des
efclaves dont ces fiers Républicains pe-
ibient rarement l’infortune dans la ba­
lance de la Juftice & de l’humanité.
Mais ils ne confentirent jamais à violer
la perfonne iàcrée d’un C ito yen , à moins
que la preuve du crime ne fût évi­
dente {161). Les Annales de la tyrannie,
depuis le règne de T ibère juiqu’à celui
de D om itien, détaillent les fupplices d’un
grand nombre de viébimes innocentes.
M ais auili long-temps que la N ation eut
un foible fouvenir de là gloire & de ià
lib e rté , un Romain fut jufqu’à la mort
à l’abri d’une torture ignominieuiê 62

( i 62) Les Pandeftes ( L . X L V iiî,tit. iS*) indiquent


les opinions des plus célèbres îurifconfultes. fur la
torture. Ils la bornent rigoureufement aux: efclaves ?
& Ulpien lui-même avoue que Res eft fragilis & pt-
rlculofa & quâ, veritatcm fallai,
(16}) Lors de la cçnfpiration de P ifo n , Epichaiÿ
(libertina mulier ) fut feule mife à la torture* Les
autres Conjurés furent întadlï tormentis. II ieroit fu*
perflu d’ ajourer un exemple plus fo ib le, & il ferait
difficile d’en trouver un plus fort. Tacite', Annales
X V , 57.
de PEmpire Rom. C h ap . XVII. 131
le s Magiftrats des provinces ne fuivirent
ni les ufages de la Capitale , ni les ma­
ximes des Gens de Loi ; ils trouvèrent l’u-
fage de la queftion établi, non feulement
chez les efclaves de la tyrannie orientale,
mais auflï chez les M acédoniens, qui
n ’obéilïoient point à un defpote, chez
les R hodiens, 8c même chez les fages
A th én ien s, qui avoient foutenu 8c vengé
fouvent les droits de l’homme 8c de
l’humanité (164).
C e t odieux ufage les excita à demander
& peut-être à ufurper le pouvoir arbi­
traire, d’arracher des accufés, vagabonds
8c Plébéiens, par les tourm ens, l’aveu de
leurs crimes ; ils confondirent enfuite
peu à peu les diftinétions de r a n g , 8c
ils dédaignèrent les privilèges des C i-

(16 4 ) ÿ ic m d u m '* ......... d ein flitu tis Athenienjîum È R h o -


dîorum , detfiffimorum hominum , apud quos etiam ( id
q u o i acertijjimum efl} lïb e r i, civefque tôrquentur ( Cicéron,
c. 34.)* L’Hiftoire de Philotas nous
Partitions oratoires ,
inftruit de^ Pufage des Macédoniens, Diod, de Sicile,
h x v ii, p. 604. Quinte-Curce, 1, vi , c. 11.
jji Hijioire de là décadence
toy.ens Je Rome. Les fujets, effrayés fur
ce p o in t, follickoient, & Je Souverain
avcit foin d’accorder des exemptions
Spéciales qui approuvoient tacitem ent, &
même qui autoriioien^ l’ufage de la tor­
ture. Tous les hommes de la claffedes
lllujlres ou des H ■ notable s , les Evêques
& leurs Prêtres , les Profeifeurs des Arts
libéraux, les foldats & leurs familles, les
Officiers municipaux &c leur poftérité juf-
qu’à la troifième génération , & tous
les enfans au-deilous de l ’âge de puberté,
n’y croient point fournis (165). Mais. il
.s’introduiiît une maxime fatale , dans la
nouvelle Jurifprudence de l’Empire t: le
cas de trahifon, qui comprenpit chaque
elpèce de délit que la fubrilit.é cjejs gens
de Loi pouvoir déduire d ’une, intention
hojlile envers le Prince ou la Républi­
que (1 66), fufpendoit tous les privilèges

(165) Heineccius (Elements Juris -çivilis, pari. 7 *


p. 8 î .) a fait le tableau de ces exemptions*
(166) Cette définition du fagè Ulpien , Pande&es,
1* x t v n i y tit. 4,) paroît avoir été adoptée dans la
*

i■
de VEmpire Rom. Chap. XVII. ï 33
& rédùifoit toutes les conditions ait
mêmèni veau d’ignominie. Du moment ou
l ’on mit la fureté de l’Empereur au deifus
de toutes les confidëratîons de la juftice
& de l’hum anité, on fournit aux plus
cruelles tortures les vieillards & les en-
fans; & lesCitoyensprincipaux du Monde!
Romain avoient toujours à craindre qu’un
vil délateur ne les dénonçât comm e com ­
plices,,, &. même comme témoins , d’un
crirtte peut-être imaginaire (167).
Quelque terribles que ces maux puîf-
fent nous paroître, ils ne tomboient que
fur un petit nombre de fujets R om ain s, *16
7

Cour de Caracaîla, plutôt que dans celle d’Aléxandre


Sévëre* Voyez les Codes de Théodoiien & de Juf-
tinien. ad Legem Juliam Majèffàtis. ' *i
(167) Arcadius Charifuis efïJ le premier des Jurtf-
confultes cités dans les Pande&és , qui ; ait oie jufti-
fierTufage univerfel de la, torture dans tous les cas de
trahifon; mais plufieurs Loix des fucceffeurs de Conf-
tan tiri donnent de la force à cette maxime de tyran*
n ie, quAmmien admet avec effroi ( L . x j x , c* i* ,) .
V o y :z le Code Théodof. 1. %x, tit. 35. In Majeftatis
crimine omnibus iq u a cjl condiüo. 1 ,
134 Hifloire de la. décadence
dont les dangers étoient , en quelque
fa ço n , compenfés par les avantages de
laNature ou de la fortune qui les expofoit
à la jaloufie du Monarque. Ces millions
d’habitans obfcurs d’un grand Em pire,
ont moins à craindre de la cruauté que
de l’avarice de leur M aître. Leur humble
bonheur n’eft troublé que par l’excès
des impoiitions, qui pafijant légèrement
fur les Citoyens op ulen s, tom b en t, en
doublant de poids & de v îte ffe , fur la
claüe foible & indigente de la Société;
U n Philofophe ingénieux (168) a calculé
la mefure univerfelle des taxes publiques,
par les degrés de fervitude & de liberté >
& il établit comme une règle invariable
de la N atu re, qu’on peut lever des tributs
plus forts en proportion de la liberté des
fujets, & qu’on eft forcé de les modérer
à mefure que la iervitude augmente ; mais
l’Hiftoîre de l’Empire Rom ain ne con­
firme pas la vérité de cette réflexion, 16 8

(168) Montefquieu, Efprit des Lo«, 1.xui, c. ta*


de l’Empire Rom. Chap. XVII. 135
par le reproche qu elle fait à fes Empe­
reurs d’avoir en même temps dépouillé
le Sénat de fon autorité , & les provinces
de leurs richeiïes. Sans abolir les droits
fur les marchandises , que l’acquéreur
acquite comme un tribut volontaire
dont il peut ie difpenier, Conftantin 6c
fes fuccefleurs préférèrent une taxe fimple
& d irecte, plus conforme au génie d’un
Gouvernem ent arbitraire ( 1 ¿9).
L e nom 8c l ufage des Indiclions (170) Le tribut gé­
néral ou l ’in-
dont on fe iè rt pour fixer la. chronologie du diéiien.
moyen â g e , font tirés d’une coutume re­
lative aux tributs, Romains ( 171 ). L ’Empe-*17
0

£169) M. H um e(Eflais, voL r , p. 389*.) fait de&


remarques peu exaites fur ce point.
(170) ta. Cour de Rome fe fert encore* aujour-
tfkui du cycle des Indiflions^ dont L'origine remonte
au règne de Conftance, ou peut-être à celui de fon
père Conftantin ; mais elle a eu raîfon de fixer le com­
mencement de l’année au premier Janvier. V oyez
l’Art de, vérifier les dates * p. li & le Diâiônnaîre
raifouné de la Diplomatique tv 2. p.. 25 3 d cu xT rai-
tés qxafts que nous devons aux BénédiéHns*.
(171) Les 28 premiers titres, du onzième Livs®
I iv
iï<ÿ Hijloire de la decadence
reur fignoit de fa. m ain , de en cara&ères
de couleur pourpre, l’Edit folennel* ou In-
dicîion, qu’on expofoit publiquement dans
la principale ville de chaque D io c è iè ,
pendant les deux mois de Juillet & d’Août.
Par une Haifon d’idées très-naturelle , le
nom d'Indiclion fut donné à là meiùre du
tribut qu’il ordonnoit , & au temps de
l’année fixé pour le payement. ;C étte efti-
mation générale des: fubfides étoit pro*
portionnée aux befoins réels'de l’E ta t,
& à ceux qui n etoien t qu’imaginaires.
Toutes les fois que la dépenfe excédoit
la recette, ou que la recette rendoit moins
qu’elle n’avoit été évaluée, on y ajoutoit
un fupplément de ta x e , fous le nom de
fuperindiclion ; & les Préfets du Prétoire
jouififoient de tous les attributs de la
fôüvêraineté, dans certaines occafions où

tîü Code Théodofien font pleins de réglemëns dé­


taillés fur le fujet important des tributs ; mais ils fup*
pofehf une connûiffànce des principes fondamentaux
admis dans TEmpire, plus nette que nous ne pouvons
l ’acquérir aujourd’hui* v -
Je ¿’Empire Rom. C hap *XVIL 137
il leur étoit permis de prévoir & de
pourvoir aux befoins extraordinaires Sc
imprévus du fervice de l’Etat. L ’exécution
de ces L o ix , dont il- feroit trop faftîdieux
de fuivre les détails , confiftoit en dehx
y
opérations diftin£tes ; i ° . de réduire
l’impofition générale en particulière, Sc
de fixer la fomme que dévoient payer
chaque province, chaque ville, Sc enfin
chaque fujet de l’Empire Romain ; i ° . de
recueillir les différentes im pofitions, &c
...
h h i w i i i j k p u i i h. . .

de les verier dans les coffres de l'Empe­


reur. Mais comme le compte étoit tou­
jours ouvert entre le Prince le fujet,
ôc que la nouvelle demande venoit avant
que la précédente fût entièrement ac­
quittée , la lourde machine des finan­
ces étoit , pendant toute l’a n n é e ,
dans les mêmes mains. T o u t ce qu’il y
avoit d’important &. d’honorable dans
cette adm iniftration, étoit confié à la
fageffe des Préfets & de leurs Repré-
fentans provinciaux. U ne foule d’Officiers
d’un rang inférieur , réclamoit ces fonc-
138 Htjîoire de la décadence-
tions lucratives ; les uns dépendoient du
Tréforier , les autres du Gouverneur de
la province ; & , dans les inévitables
conflits d’une Jurifdi&ion incertaine ,
ilstrouvoient tous de fréquentes occafions
de fe difputer les dépouilles du peuple.
Les emplois pénibles, qui n’étoient fuf-
cepdbles de produire que la haine du
peuple, des reproches 6c des dangers,
étoient donnés à des Décurions dont
les communautés des villes étoient cora-
pofées, & que la févérité des L oix Impé­
riales avoit condamnées à foutenir le
poids de la Société publique (171). Toutes
les terres de l’E t a t , fans excepter le
patrimoine de l’Em pereur, étoient aiTu-
jetties à la taxe ordinaire , & chaque
nouveau Propriétaire étoit tenu dès dettes
de l’ancien. U n cens 6c un cadaftre exaft17
2

(172) Le Titre fur les Décurions (L . x i ï , tît. i.)


eft le plus étendu de tous ceux du Code Théodo- j
lien. 11 ne contient pas m oins, de cent quatre-vingt-
douze L o ix, qui,ont pour but de déterminer les de­
voirs & les privilèges de cette claffe utile de Citoyens.
de l ’Empire Rom. C h ap . XVII. 139
auroienc été (r 73) le feul moyen équitable
de fixer ce que chaque Citoyen devoir
pour fa contribution au fervice public;
& il paroxc q u e , depuis la trop fameuie
époque des Indiclions, cette opération fe
répétoit tous les quinze ans. D es Inf*
peéleurs envoyés dans les p rovin ces,
arpentoient toutes les terres. O n fti-
puloit dans les regiftres l ’efpèce de la
culture, co m m e, p ré , vigne^ ou bois ;
& l’on faifoit une eilim ation de la valeur
Im oyenne, d ’après le revenu de cinq ans.
O n comptoit, les efclaves, les chevaux,
Iles bêtes à co rn e, & c. Les Propriétaires
étoient contraints de déclarer tout ce
qu’ils poiTédoient, & d’affirmer par le fer-
fm e n t, la vérité de leur déclaration ; on
: faifoit les recherches les plus minutieuies,
! & la moindre prévarication étoit punie
comme un crime capitâl, qui joignoit le
I»-— ---------- - — .
! (173) Habcmus enirn & hominum numxmm qui delati
Junt 9 & agrâm modum, Eumenius, in Panegyr. V et.
Viu, 6* Voyez Cod, Theodof. L xm, tit. Vè & 11 s
»ycc le Commentaire de Godefroy,
140 Uijloire de la décadence
facrilége à la trahifon (174). U n e forte
partie du tribut devoit être payée en
eipèces, & l'on ne recevoir que la mon-
noie d’or (175). Le furplus étoit levé,
d’une manière encore plus vexatçire.
Le produit des différentes terres ou cul­
tures , comme le vin , l’huile, le blé , le
b o is , ou le fe r , devoit être Conduit dans
les magaiîns Impériaux par les Proprié­
taires , ou au moins à leurs frais. Les
CommiiTaites du tréfor étoient fouvent
forcés de faire de très-gros achats, malgré
le produit de l’ indiéHon ; il leur étoit ex-
preifément défendu d’accorder la moindre
remife fur l’impôt eh nature, ou d’en ac-

(174) S i quis facrilegâ vitam falce fuccident, ont fera-


cïum ramorum fœtus hebctavetlt > quod dèclinet fidem cen-
Juum y & mentiatur callïde paupertatis ingenium t mox
dctddus y capitale fubtbît exitium , & bona ejus in fifc1
jura migrabunt. Cod. Tlîeodof. L X liï , tit, 11 , Leg. i.
Quoiqu'on ait rendu cette Loi obfcure à tfeffein,
elle prouve affez clairement la rigueur des inquifitions
& la difproportion de la peine.
(17^ L^tonnement de Pline auroit ceffé. Equidem
miror P.: R. vifiis gentibus argentum femper imperiiajft,
non aurum. Hift. Nat. XXXIII, 15.
de l'Empire Rom. C hap . XVII. 141
Cep ter même la valeur en argent. C ette
méthode peut Cervir à recueillir,,dans une
petite communauté naiflante, des dons
prefque volontaires ; mais fufceptible à la
fois de beaucoup d’abus d’une p a rt, & de
beaucoup de rigueur de fa u tre, elle ex-
jpoiè , dans un Gouvernement deipotique
& corrom pu, à une guerre continuelle ,
entre la fraude & l’oppreffion (176). La
culture 4os-provinces -Romaines fut dé­
truite peu à.peu, les progrès du def-
potifm e, qui tend toujours à fa propre
ruine, obligèrent Couvent l’Empereur à Ce
faire un mérite , en remettant à fes*2 7

(176) On adopta quelques expédietis (V o y e z C od,


Theodof, 1. XI* tit. 2 , ad Cod, Juilinian, 1, x , tit.
2 7 , Leg. 1/ 2 , 3.) pour empêcher les Magiftrats
f idabufer de leur autorité, loriqu’ils exigeroient ou
r qu'ils achèteroient du blé; mais ceux qui ayoient aiTez
de lumières pour lire les Oraifons de Cicéron contre
Verrès (33 de frumento ) , pouvoient connoitre les di-*
"vers a b u s é e Faurôrité , relativement au poids* au
'prÏ3c, à la qualité Si aux tranfports des grains ; 8c dans
'tous les cas , la cupidité d’un Gouverneur qui ne favoit
*pas'lire; Tuppléoit à rignotance du peuple & de l’exem-
eple antérieur, : - .. -
141 Hifloire de la décadence
fajets des dettes ou des tributs quif
leur ¿toit impoffible de payer. Dans U
nouvelle diviiion de l’I ta lie , l’heureufe
Sc fertile province de la Campanie s’éten-
doit entre la mer & l’A ppenniti, depuis
le Tibre jufqu’au Silare. Elle avoit été le
théâtre des premières vi&oires Romaines;
fit un grand nombre de C itoyen s y jouif-
foient de retraites délicieufes. Environ
foixante ans après la mort de Conftantin,
on fut obligé, d’après une nouvelle inf-
peèlion , faite avec foin fur les lieux,
d’exempter de tout tribut trois cent trente
mille acres de terres incultes & déiertes. ,
O n ne peut attribuer cette affireufe dé-
folation qu’à la mauvaife admîniftratioa
des Empereurs R om ains, dans un temps !
où les Barbares n’avoient point encore pu i
pénétrer en Italie (177), Il

(177) Cod> Tlaeodof* 1, x i , rit, a i , Leg. a , pu-


bliée le 24 Mars A . D. 395 , par l’Empereur Hono*
rias, deux mois après la mort de fon père Théodofe. !
Il parle de 528,042 arpens romains, que j ’ai réduits
a la mefure d’Angleterre* Le jugerum contenoit 28>8®l
pieds carrés*
d e V E m p ire R om . Chap. XVII. 143
La répartition fembloit réunir, fqit Tribut a
forme de ca -
à deflèin, foit par hafard, les formes pitatkm v

d’une taxe territoriale, à celle d’une


capitation (178). Les comptes qu’en-
voyoic chaque ville ou chaque dif-
tri£fc, ipécifioient le nombre des fujets
tributaires, ÔC le montant des impo-
iîtions publiques. O n divifoit la fem m e
totale par le nombre des têtes ; on difoic
communément que telle province con-
tenoit tant de têtes de trib u t, & que
schaque tête payoit telle fomme. C ette
¡opinion n’étoit pas reçue du peuple feule-
jment, mais elle étoit admife dans le cal­
cu l fifcal. La valeur de ce tribut perfonnel
la fans doute varie avec les circonftances.
p la is on a confervé la mémoire d’un fait
¡curieux & d’autant plus frappant, qu’il
f
f""
h 1 -------------- - - - —■■■ 1 1 —
(178) G odefroy (C od. Thcodof. t. 6 j p. 116. )
montre de Férudition & de la jufteffe dans fes remar­
ques fur la capitation ; mais tandis qu’il explique le
caput comme une portion ou mefure de la propriété,
il exclut d’une manière trop abfolue l’idée d’une taxe
pèrfonnelle.
144 Hijîoire de la décadentc v v
s’agit d’une des riches provinces de l’Ein.
pire, aujourd’hui le plus puifTant Royaume
de l’Europe. Les Miniffcres de Gonftantin
avoient épuifé les richeiîes de la Gaule,
en exigeant vingt-fix pièces d’or pour le
tribut de chaque habitant. Mais la poli­
tique humaine de ion fuccelïèur réduifit
à fept pièces (179) cette énorme capi­
tation. En prenant Un terme moyen entre
la plus grande vexation & une indulgence
paiTagère, on peut évaluer le tribut ordi­
naire d’un G aulois, à fept pièces d’or , ou
neuf livres flerlings (1 80); mais ce calcul,

(17 9 } Quid profuerit ( Julianus ) anhdanttbus entrons


penuria G alits r hinc maxime clarete qubd primitas w
partes & ingreffus: ?. pro CAPITIBUS tfingulis trïbuii nomine
vicenos quinos áureos , feperit flagitari ; difcefèns veri}
feptenos tàntïim muñera univerfa cornplentes. A m m ien»
1. XVI , C. 5.
(18b):Lorfqu’il* s’agit de révaluation d’une fonime
d’argem fous Cooftantin & fes , fuceefleurs ^ on .peut
recotirir à Fercêllent Difcours de M, Greaves! fur le
Denarius. On y trouvera la preuve des principes fui-
vans : i° . que la livre romaifie , ancienne & mo­
derne , contenant 5,256 grains, tpôids de Troie v eft
d’environ un douzième moindre que la, livre an-
OU
de îEmpiré Rom. C hap . XVII. 145
I ou plutôt les faits fur lefquels il eft ap.-
[ puyé, offrent à la réflexion deux difficultés;
l on fera furpris &Cde l’égalité, & de l’énor­
mité de cette capitation. En eilàyant d’en
donner la raifon , peut-être jetterai-je,
quelque lumière fur le ta t où étoient
| alors les Finances de cet Empire à fort
i déclin.
I i ° . Il-eft évident que l’inégalité de
i.- fortune parmi les hommes eft l’effet de
É l’immuable conftitution de la nature hu-

gloife, qui contient Ç760 des mêmes grains ; 20. que

I
la livre d’or antérieurement divifée en quarantè-huii
aurd , donnoit alors à la mon noie foi’xanre-douze pièces
qui étoient plus petites, mais qui avoient la même
dénomination; 30, que cinq de ces aurei étoient l'é­
quivalent légal d’une livre d’argent , & qu’ainfi la
livre d’or s’échangeoit contre quatorzé livres huit onces
f- d’argent* poids de R o m e, ou contre environ neize li-
; v r e s , poids d’Angleterre ; 4°. que la livre d’argent #
| poids d’Angleterre, donne ibixante*deux fchelings à
| la fabrication. On p e u t, d’après ces élémens , évaluer
à quarante livres fterliugs la livre d’or romaine qu’on
| emploie ordinairement pour compter les grandes foin-
! mes, & par-là déterminer le cours de l’once à un peu
! plus de onze fchellings*
i
1
Tome IV*. K
ja .6 Hijîoire de là de'cadence
xnaine, & que tant qu’elle fubiîftera, ppe
taxe générale qui feroip impofée iqdiftipc-
ternent fur tous les habitant d’up Royau­
me , Si ne donneroip au Souverain qu’im
foible revenu, priyerqiç le plus grand
nombre de fes fujets; de la fubftftance.
La théorie dé. la C ap ita tio n Rom aine a
pu erre fondée fur ce calcul d’ég alité;
{pais dans la pratique , l’injùitice difpa-
roifloic, parce que l’impoiïtion étoit levée
comme réelle, & non pas comme perforn
nelle. Plufieurs pauvres citoyens réunis
ne formoient qu’uné tête , ou une part
de la taxe, tandis qu’un ri che propriétaire
repréfentoit, à raifon d e fa fortune, plu?
fieurs.de ces têtes imaginaires. Dans une
Requête p o étiq u e, adreifée à un des
derniers & des plus vertueux Empereurs
Romains qui a ië n f régnéfur les (3;aüleSj
S Ido p i us■A po 1lipaidS: pe rlon nifie fa :piarpdil
tribut, fous la figure-d’am triple monftïê ;
le 'Qériqn de là. Fable ; 6e il fuppjio lç
nouvel Hercule , de lui. fauver la vie eq
de l’Empire Rom* C hap . XVII,
lut abattent fes trois têtes ( 18 1). La fortune
de Siddnius étoic fans doute foire au defl'us
de celle id’uri Poëtè ordinaire ; mais ,
pour fuivte l'allégorie. , il au roi c fallu
qu’il peignît les N obles de la Gaule
fous la forme de l’Hydre qui déyafloh,
toute une province » 8c d évoroit, en un
jo u r , la fubftance de cent familles.
O n ne peut raifonnablement croire
que lafom m e de neuf livres ftérlings ait
été la melure proportionnelle de la Capi-
tation-des Gaules, & l’on en fentira mieux
l’im polfibilité, fi on examine le rapport
de ce même pays aujourd’hui riche , in -
duftrieux, &c aflë&ionhé à ion Monarque.
Il eft impoiîible de porter les taxés de la
France au deiïus de dix-huit millions

(181) Geryoncs nos èjfe puta, monJlwmqii*tributum,


H k c a p i t a , tu vïvdw > tu mïhï toile t r i a .
SidojùusApqlJin. Carni, x i n . . ■
D ’après la réputation du' Père Syrm ond, je rn'at-
tendois a trouver une- note plus fatisfaifame ( p. 14.4 y)
fur ce pai&ge’ remarquab-le,. te s mots fuo vel fuorum
nomine, annoncent l’embarras du Com m entateur."-'
K ij
148 ' Hijiôire de la décadence
fterlings , qui doivent être répartis entre
vingt- quatre millions d’habitans (182).
Sept millions d’entre e u x , foit pères,
frères, ou maris, acquittent le tribut du*S l

(182) ( Le calcul des contributions de la France que


fa it M . Gibbon3 n e f t p as très-exaB , mais fa remarque
eft jufle , & il ncft pas néeefaire de donner des détails
plus précis~ ) Note du Tradu&eur.
C e calcul de la population de la France eft fondé
fur les regîftres des naiflances, des morts & des ma­
riages, tenus par ordre du Gouvernement , & dépofés
au Contrôle général à Paris, L'année commune des naif-
fances, dans tout le Royaume , prife fur cinq ans
( de 1770 à 1774 inclufivem ent), eft de 475,649 mâles
Sl de 449,269 filles , en tout 928,918 enfans- La
province du Hainaut François donne feulé 9906'naif-
fances ; d’après ■ un dénombrement du peuple, Té-
péré annuellement depuis 1773 jufqu’en 1776, on eft.
sûr que le Hainaut contient 257,097 habitans. Si on
fuppofe que la proportion des naiffances annuelles à
la population totale eft à peu près de 1 à 26, le
Royaume de France contient 24^51,868 perfonnes
dé tout âge & de tout fexe; fi on adopte la propor­
tion plus modérée dé 1 à 25 , la population totale
fera de 23,232,950* Comme lé Gouvernement de
France s’occupe avec foin de, ces recherches, que FAn-
gleterrc deyroit im iter, il y a lieu d’efpérer un de*
gré de certitude encore plus précis fu r'ce fujet im­
portant.
de l ’ Empire Rom. C h a p . X V II. 149
refte, compofé de femmes Sc d’eftfans^
La contribution de chacun de ces fept
millions d’individus n’excède guère cin­
quante lchellings d’A ngleterre, ou envi­
ron cinquante-iix livres tournois ; 6c cette
fomme eft prefque quatre fois au. deflous
de celle que payoit annuellement un
Gaulois. C ette différence vient beau­
coup plus du changement qu’a éprouvé
la civilifation de la France , que de la
rareté ou de l’abondance relative des
efpèces d’or & d’argent. Dans un pays
où la liberté eft l’apanage de tous les.
fujets, la maffe totale des impôts fur la
propriété ou fur les confom m ations, peut
être répartie fur tous les fujets ; mais
la plus grande partie des terres de la Gaule
& des autres provinces R om aines étoiefffc
cultivées . par des efclaves , ou par des
Payfans dont l’état précaire n’étoit qu’un
çfclavage mitigé (183). Les pauvres travail-

C1^ ) Theodof, 1, v , tit. 9 * 10 8 ti i..C od, JiifH-


1* XI j tit* 63• CoÎQfti agpcllantuT qui conditÏQficfîi

K iij '
,i<o 'l Uijîoirç de la déçadençè'■■■,
loient pour íes riches & vivoient.à, leurs
dépens ; & comme l’on n’infcrivoit fur le
rôle des impofïtions que ceux qui avoient
une certaine propriété, le,petit;¡nombre
des contribuables explique & juítífie. ce
qui’ rparoiiroit injufte dansle taiix de leur
impôt; Gn fentira mieux la véritédecette
observation, à l’aide d’un exemple. Les
ÆdueiiSy xme des Tribus les. plus-puif-?
fantés & les plus civilifées deda Gaule,
occupoient les dehx dioeèfës '(¡184) .de*4 6
7
— •— r— “— ■ — TT.
Scient gehîtali folo 3 propur agriculturam fub dominio
poffejjofum. Aùgüftm. de C i v. D e l, 1. X*. c, -i .
, ( 184) L-ancienne Junfdiélion dp ( Augujlodunuîn} Au-*
tun en Bourgogne^ çoipprenoit le territoire adjacent de
(.Novîoâunum ) ïievers. "Voyez d’An v ille ', Notice de-
l ’ancienne G au le, p. 49i.^ Le diooèfe- d’Autufbeffaii-'
jûurd’hùi çpmpoie de, 6 i o , & celui; dpi R evers, de iéd
paroiffes. Le relevé des registres de onze années fur
476 paroiffes de la même province ~dé Bourgogne ? cal­
culé d’après la proportion inodér-éb d e-i : à i f (Vôyeà
Meffance, Recherches (fur la-population^ p,, .142«)*
nous àutorife à donner- pri nombre moyen de
personnes à chaque pafbiffe ; 1& fi bn^nïultiplie c e
nombre_ par 7 7 0^n o m b r e , . .diocfi^SL
de Nevers & d’A utun , 011 trouvera n 505,119 habî-
tans fur l’étendue de pays; qu’habitoient autrefois les
Ædbens. 'V,v ' ^ ;ï ; ! y
de VEtnpire -Rbin. C îîap . XVII. i 51
ÏVëvefs èc d’Àütim , donc la population.
iiftofnce aujourd'hui à plus dë cinq cent
ifiièlé habftaris ; & en y joignantiië cerCi-
tOite (185) de Cfrâloris & de M â co n , qüi
Y 'étoit probablement compris y alors Oh
‘trouve hait cént riiille âmes. Sans lé règne
tleGoriftantin, lés Æ daèns n'étoiënc eom-
'ptfis dans lés rôles qüO pour Eiënte^cihq
-rhiMé têtes de Capitation, & iept mille
fé‘èôié!nt exémpts de tout tribut, parcequ’ils
étoienc hors d’ëtat d’én payer (t#6).
C é s remarqués paroilTènc juMiier l opi-

(tê^) La population des cîiocefes de C halo ns ( Ca~


bïtloniLm') & de Mâcon {.Maiifco ) parôît être de
30 ï ,750 habitans , piiifquc fini a» io o <$£ l’autre 260
paroiife., Des railoiis - V è s~fp éci e nie s auf orj fe nt cette
addition* i ° , Châlons & Mâcon fe trouvaient incon-
■ tëÎÎablêmerit dans la jurifdfdion pririiitiVeCdëS' Ædiiehs
< Voÿezi clrAnville NOtieer p.J•r87“44;}.) ; 2?, la Nm tia
-de, la( Gaule ? les indique nop,, pas. cojume Qiv.itaies y
mais' comme Cajlra; 3P. ils ne devinrent j e fiége de
deux Evêques qu’au ‘diitiquiènie & atr fàdéme fiècle.
Au reile , un pa{fage, cfEumeniu s (Panegyr* Vet. v i n ,
s7,. )vVOUS arjçte aveçfprce ? lorfque vous voulez étendre
le diflrià des ÆÎduens / fous le règne de Coriftànrin t
le dong des-belles rives de la Saône.
( 1 B6) Eumehius, in Patregyr. Vet. v i t i , 11.
K iv
i cj füjioire de la décadence
nion d’un ingénieux Hiftorien (18 7), qui
prétend que l’Empire n ’a voie pas plus
de. cinq cent mille têtes ou contribua­
bles inicrits fur le's regiftres du Fifc ;
Sc fi dans- l’adminiftration ordinaire du
Gouvernement , les payemens annuels
pouvoient être calculés à quatre mil­
lions ôt demi fterlings, environ quatre-
vingt-huit millions tournois , il s’enfuit
q u e, quoique la part de chaque, citoyen
fût des trois quarts plus forte qu’aùjour-
d’h u i, la Gaule , comme province R o ­
m aine, ne payoit cependant qu’un quart
de ce que la France paye de nos jours.
Les- eXaétions de C onfiance portèrent
les tributs à fept millions fterlings , ou
centcinquante-quatre millions tournois;
ils furent réduits à deux millions fterlings,
ou quarante-quatre millions tournois, par
la fagefle ou l’humanité de Julien.
Mais cornme une nombreufe 5c opu­
lente clafte de citoyens fe trouvoient18
7

(187) L’Abbé D u b o s, Hiftoire critique cle la Mo­


narchie Françoife, t. i , p. 121. — -
de VEmpireRotn. C h a p . X V II. 153
exempts d’une taxe ou Capitation qui
ne frappoit que fur les Propriétaires des
terres, les Empereurs, qui vouloient aulïi
partager les richeiles dont l’A rt fie le tra­
vail eft la fource , Sc qui ne coniîftent
qu’en argent com ptant, impofèrent perr
fonnellement tous ceux de leurs fujets
qui s’occupoient du commerce (188). Ils
accordèrent à la vérité quelques exemp­
tions à ceux qui vendoient le produit de
leurs propres domaines, fie quelques fa-
! véur à la profeffion des Arts libéraux; mais
i toute autre efpèce de commerce ou d’in-
duftrie fut traitée rigoureufement par les
Loix. L'honorable Marchand d’Alexandrie
qui rapportoit dans l’Empire les diamans
fie les épices de l’In d e, le vil ufurier qui
droit de fon argent un revenu ignom i­
nieux, l’ingénieux Manufacturier, l’adroit
M écanicien, fie jufqu’au plus obfcur dé­
tailleur d’un village écartéj tous étoient
obligés de donner, aux Prépotés du Fifc , 18

(188) Voyez le Code Theodof. 1. xm, tit. x & 4.


i eq Hijtoire de la decadence
connoiilànce de leur fècêtte & dé leur
profit ; & le Souverain d’un grand Empire
confentoit à partager le gain honteux des
-infâmes profëffions qu’il tolérait. Comme
on fié, ievoit que tous les quatre ans, la
taxe aflife fur riiiduftrie, on l a txommoit
la contribution luftrale. O n peut lire les
-Laméntâtionsde l’Hiftorien Zofime (189),
fur l’approche de la fatale période , an­
noncée par les terreurs Sc par .les larmes
des. eitdyens, qui fe'trotfvoient fouvent
forcés d’ufet des relieur ces les plus hùmi-
liantes pour fe procurer la fomme qu?on
'iextorqueifeà leur mifère par la crainte des
châtiments. L e témoignage de^ Zofime
peut 4 à la Ivérité , paroi tire fuipe^ ; mais
la nature de ee tribut fuffit pour ;dé-
montrer que fa répartitionj dé voit être
arbitraire, <&c fa:'perception rigoureuife.

(iS ÿ^ Z oÎim e , 1. I l , p. 1 i-f. Il parûît y iavûïr au­


tant de paillon & de prévention dans le reproche je
Zoiîm e, que dans la défenfe1laborieuse de la ritènioire
"de ' ^oiifbnti'n , "par le ’ ïél'ér fîoftetrr iîa lw e ll ( Htf-
- toty|0f/fhe W orld, voU *■'? -:VJ j
de PEmpire Rom. C hap . .XVII. r 5 $
Lës riéheííes' feerètes du commerce , &C
tes profits précaires du travail & de l’art ,
ne font fufceptibles que d’une eftimation
modéré©,' qui eft rarement déiùvantageufe
à ; l ’Etat. Le Comm erçant ’ ne pouvant
©íFrír peut caution de fon payement des
têrres & des récoltes à faifir, toute fa
folvabilité eonfifte dans fa petfonne ; SC
l ’An ne peut-guère le contraindre que par
des punitioHs-eôrporelles (190). Les cruau-1
tés qu’on eSerçoit furies1débiteurs infol-
vabjes, font atteftées par Conftantin lui-*
même dans* un Edit refpeétâble , où il1
profcnt Fufa-ge de$ fouets, & des tortures,'
êÊ leur accorde Une p ri fon fpàcieufe &c
aérée pour 1©lieu de leur détention. ,
- •"Ces tases* générales1’éfôtent impefées 8c
pètçiies pàt; tfâmjoMté abielde des Empe­
reurs j mais1les oíFrandes accidentelles des
couronnesfd?or , confervèrënr*toujours Je
nom ê£ l’apparence dé dons volontaires.
C é to it une ancienne* eoutUme «cüez, les'19

(199) Gbd. ThMdof. î. an. «k. 7.. L-eg, j.


H îjîo ir e de la d éca d en ce

alliés qui dévoient ou leur délivrance ou


leur fureté aux armées R om aines, même
dans les villes d’Italie, qui admiroient les
vertus de leurs Généraux,d’enrichir la pom­
pe de leur triomphe par Je don volontaire
d’une couronne d’or,que l’onplaçoit, après
la cérémonie, dans le temple de Jupiter,
comme un monument durable qui rappe-
loit à la poftérité le fouvenir de la victoire,
& celui du Vainqueur. L e zèle & l’adu­
lation en multiplièrent bientôt le nombre,'
& e n augmentèrent le poids. L e triomphe
de Céfar fut orné de deux mtille huit cent
vingt-deux couronnes d’or maflif, dont le
poids montoit à vingt mille quatre cents
livres d’or. Le prudent D idtateurfit fondre
immédiatement ce tréfo r, convaincu que'
les foldats en tireroient plus d’uiàge que
les Dieux. Son exem ple fut fuivi par iè$
fucceifeurs, & l’on convint de convertir
ces magnifiques ornemens en une fomme
’ d’argent., au coin de ;l’Empire {19.1 ).

' (191) Vo.ycs Lippus, dcmagnitudine Romanâ, I. n,


de VEmpire Rom. C h a p . X V II. 157
L ’offrande librè-futà la fin exigée com m e
une dette de rigueur ; & au lieu de la
reftreindre aux cérémonies d’un triomphe,
on lademandoit aux différentes provinces
&: aux villes de l’Empire , toutes les fois
que le Monarque daignoit annoncer ou
fon avènem ent, ou fon confulat, ou la
naiflance d’un P rin ce, OU la création d’un
C é fa r, ou une victoire fur les Barbares,
ou enfin quelque autre événement réel
ou imaginaire qu’il jugeoit propre à être
infcrit dans les annales de fon règne. L e
don particulier du Sénat Romain écoit
fixé par l’ufage, à feize cents livres d’o r ,
environ foixante-quatre mille livres fter-
lin gs, ou à peu près feize cent mille livres
tournois. Les citoyens opprimés fe féli-
citoient de l’indulgence avec laquelle le
Souverain daignoit accepter ce foible

* - *
c. L ’Efpagne Tarr^gonoife offrit à TEmperewr Claude
une couronne d’or qui* pefoit fept cents livres ? & la
Gaule lui en offrit une fécondé qui en pefoit neuf.
cents* J’ai filial la corre&ion raifonnablc de Lipfius.
témoignage de leur recp^notij(rance ,65 dfc
leur fidélité (19.2)1
U n Peuplé enflammé pat 1’orgueil, ou
aigri par le m alheur, eft rarènppnt fufcep-
tible de juger fainemenç fa propre fitua^
tion. Les fu jets de Conftantin h’apper-
cevoient ni le déclin du g é n ie ,. ni celui
de la vertu, qui les rendoit ii diflférens de
leurs ancêtres. M ais ils fentoient doulou*
reufement les vexations de la tyrannie ,
le relâchement de la difcipline, & l’àuge,
mentation énorme des, impofitions. L ’H if
torien impartial , en reeonnOiiTant' la
j 11ilice de leurs plaintes , obfetve avec
plaiiîr quelques précautions prifes âlors
pour adoucir leur efclavage. L ’irruptiea
menaçante des Barbares qui détr'uifirent
les fondemens de la grandeur R om aine,
étoit encore arrêtée ou repouflce fur lés
frontières. Les Sciences & les Arts étoient

(192.) Cod, Theodof. 1. x n ?*tit. 13. Les Sénateurs


paffoient pour affranchis dé i ’ aurkm coronarium ; mài$ t
l a u r i o b la tio , qu’ on exige oit d’ eux, étoit précifément
de la même nature.
de l'Empire Rom. C h AP. XVII. i y9
cultivés , & les habitans d’une grande
partie du globe jouifloient des plaifîrs
ieduifans de la foçiété. La forme , la
pompe & la dépenfe de l’Àdminiftration
civile j contribuoient à contenir la licence
des fold ats; ôc quoique les L o ix fuiïent
fouvent ou violées par le defpotifm e,
ou corrompues par l’artifice, les fages
principes de la Juriiprudence Romaine
maintinrent un fond d’ordre & d’équité,
inconnus aux Gouvernemens abfolus de
l’Occident. Les droits de l’homme étoient
encore protégés par la R eligion &: par
la Philofophie ; & l’antique nom de
liberté, qui n’alarmoit plus les fucceiïeurs
d ’A u gu fte, pouvoic encore leur rappeler
que tous leurs fujets n étoient pas des ef-
claves ou des Barbares (193).

Çiji’î) Le grand Théodqfe * dans les confeils Judicieux


qu’il donne à Ton fils (Claudten, in quartum Coniu-
latuniJionorii, 214 , & c * ), diftingue Tétât d’un Prince
Romain de .celui d’un Monarque de$ P arrhes, L 7un
avoit befom dç mérite, & la naiflauçe pouvoir fufiirç,
..ipàutrçi 1
1 60 Hiftoire de la décadence ‘
... ■/ ' . \ .
* >'. . -, / 1 3- ' . j,j v i ,

■Il I I ■■ « T ^
f;'■^ ■ '. ■ X. ' ■

C H A P I T R E X V I IL
't '

Caractère de Conflantin. Guerre des Goths.


„ M ort de Conflantin. Partage de VEm-
, pire entrefies,trois fils . M ort tragique de
Confidntin le jeune & de Confiance. Ufiur-
pation de Magnance, Guerre civile j
victoire de Confiance.

Caraâère L E caractère d’un Prince qui déplaça


Conilaatiiu. 1
le iiége de l’Empire , St qui introduiiit
de fi importantes innovations dans la
conilitution civile & . religieufe de ion
pays, a fixé l ’attention & partagé l’opi­
nion de la poftérité. La reconnoiiTance
des Chrétiens a décoré le libérateur de
l’Eglife de tous les attributs d’un Héros,
& même d’un Saint. La haine d’un parti
oppofé a repréfenté Çonftantin comme
le plus abom inable, des tyrans qui aient
déshonoré la pourpre Impériale par leurs
vices St par leurs cruautés. Les mêmes
paifions
de VEmpire Rom. C hap. XVIII. 1 t 6
paffîons iè font perpétuées chez les généi
rations fuivantes ; & le caractère de cet
Empereur eft encore aujourd’hui l’objet
de l’admiration des uns, & de la fatire des
autres. En rapprochant fans partialité
les défauts avoués de lès plus zélés parti«
fans, & les vertus que fes plus implacables
ennemis ne peuvent lui refufer, nous
pourrions peut-être nous fiatter de tracer
le véritable portrait de cet homme ex­
traordinaire, avec la candeur & la vérité
qui conviennent à l’Hiftoiré (i) j mais
en cherchant à fondre ënfemble des
couleurs fi contraires, allier des qua­
lités fi oppôfées , nous ne préfenterions
qu’une figure mcnilrueufe & inexplicable,
fi nous ne prenions foin de l’expofer
' 1 l ■"* 1 "M i — m i . i l . — i il i i.

(i) Oo ne fe trompera point fur Coiïftantin y en


croyant tout le mal qu’en, dît Eusèbe , &. tout le bien
qu’en dit Zoiime* F le u r y , Hift, Ecclefl t. 3 , p.
Eusèbe & Zofime font aux déux extrémités de la flat­
terie & de Tinveftive. On ne trouve les nuances
intermédiaires que dans ces Ecrivains, dont le zèle
religieux efi tempéré par leur caractère ou par leur,
pofition.
Tome IV. L
j 6z JJifioif.e de la decadence
' *H'
.dans fon vrai jfldP1? f û fépâtant atten­
tivement les diverfes périodes de fa
vie. ,
«us. La Nature avoir orné la perfpnne &
fefprit de Conftantin de fes dons les plus
précieux. Sa taille étoit h au te, fa conter
pancemajeftueufe, fon maintien gracieux.
J1 faifoit admirer fa force & fon agilité
dans tous fes exercices ; Sç depuis fa plus
tendre jeuneiîe jufqu’à l’âge le plus avance,
il conferva la.vigueur de fon tempérament
par la régularité de fes mœurs & par fa
frugalité, Il déppfpit avec plailir la fati?
gante majefté du P rin ce , pour fè livrer,
comme am i, aux charmes d’une conver-
fation familière ; & quoiqu’il lui échappât
.quelquefois d,es traits de. raillerie peu
convenables ,à. ia d ign ité, il gagnoit le
-coeur de tous ceux qui l’apptochoienr, par
6 fa courtoiiie & par fon urbanité. On l’ac-
eufé d’avoir trahi fam itié. Cependant
il a prouvé en différentes uccafions de
fa vie, qu’il n’étoit pas incapable d’un
attachement v if 6c durable. U ne éducation
de VEmpire Rom* C hàp . XVIII. i ¿3
négligée ne l’empêcha pas d’eftimer le
favoir -, fie d’accorder fa protection aux
Sciences Seaux Arts» Il étoit d’une aétivité
infatigable dans les affaires. U ne partie
de fon temps étoit employé à la leéture
à la méditation ; l’autre à écrire , à
donner Audience aux ambafladeurs, & à
recevoir les plaintes de ies fujets. Ceux
qui iè font élevés le plus vivement contre
fa conduite , ne peuvent nier qu’il ne
conçut avec grandeur, fie qu’il n’exécutât:
avec fermeté les deifeins les plus hardis,
fans erre arrêté , ni par les préjugés de
l’éducation, ni parles clameurs du peuple»
A la guerre, il faifoit des Héros de tous
fes foldats , en fe montrant lui - même
foldat intrépide fie Général expérim enté,
il dut moins à la fortune qu’à fes talens,
les viétoires fignalées qu’il remporta contre
fes ennemis Sc contre ceux de l’Etat.
Il cherchoit la gloire comme la récom -
penfe, peut-être comme le m otif de fes
travaux. L'ambition q u i, depuis l’inftant
ou il fut revêtu de la pourpre à Y o rck ,
L ij
/
i ga Hijioire de la.deeadertee
parut toujours être Ta paflîon dominante,
peut être juftifîée par le danger de
iituation, p arle cara&ère de fes rivaux,
par le Sentiment de fa fupériorité, Sc
par l’efpoir de rendre la paix à l’Em­
pire. Dans les guerres civiles contre Ma-
x e n c e 8c contre L icin iu s, il avoit pour
lui les vœux du peuplé, qui comparoit les
vices effrontés de ces Tyrans, aux règles de
juftice 8c de modération qui fembloient
toujoursdirigêr l’Adm iniftration de Conf-
tanrin (2).
swvie«. T elle eft l’opinion que Conftantin auroit
pu tranfmettre à la poftérité, s’il eût trou­
va le mort fur les bords du T ib re , ou dans
les plaines d’Andrinople. Mais la fin de
fa v ie , dit un Auteur de fon fiècle, le
dégrada du rang qu’il avoit acquis parmi
les plus refpectables Souverains de l’Em-

(2) Les vertus de Conftantin font atteftées par Eu-


irope'& le jeune V ifto r, deux Païens de bonne foi,
qui écrivirent après rextinftion de fa famille. “Zofimç
ïui-même & l’Empereur Julien reconnoiffoient fofl
courage perfonnel & fes exploits militaires*
de VEmpire Rom. C hap. XVIIÏ. îèf
pire Romain. Dans la vie d’Augufte,. nous
voyons le Tyran de la République devenir
par degrés le père de la patrie & l’honneur
de l’humanicé. Dans celle de Conftantin,
nous voyons le Héros qui avoit été long­
temps l’idole de fes fujets & la terreur
de fes ennemis , le changer en Monarque
defpotique & barbare , 6c , Ce cor­
rompant par fes fuccès , donner , après
fes viétoires, un libre cours aux v ic e s,
que jufqu’alors il avoit dilîimulés. L a paix a . d .
générale qu’il maintint pendant les qua- 557
torze dernières années de fon règn e, fut
plutôt une période de fauiïe grandeur,
qu’un temps de véritable profpérité ; ÔC

(3} V o yez Eutrope , X,t 6, In primo Impéril tem­


pore eptimls P rincipibus , ultimo mediis comparandus*
L'ancienne Verfion grecque de Poeauius (Edit, de Ha-
vercamp , p, 697*) me porte à croire qu’Eutrope avoit
dit v i x mediis , 8c que les Gopifles ont fupprimé à
deffein ce monofy llabe offenfant. Anrelius Viétor ex­
prime l’opinion générale par un proverbe qu’on répé-
toit fouvent alors , & qui efi obfcur pour ntms ; Tr a ~
CHALA de:cm ¿mais pr<z(ianüjjhiius ; duodecim fequen ~
tîbus l at ro ; dècem novijfimis pupi llc / s ^ ob immodi-
cas profiifiones*.

L iij
ié 6 Hifléire de là déçqdetict-
fa vieiîlefle fut avilie par l’avarice &c
par la prodigalité, vices oppofés qui mar*
chent -quelquefois enfemble.
Les tréfors immenfes trouvés dans les
t

palais de M axence de Licinius ,


furent follement prodigués ; &: les diffé-
rentes innovations qu’introduifit le Con­
quérant , multiplièrent les dépenfes. Les
bâtimens , les fê te s , la pompe de la
C o u r, exigeoient des reiTources puiE
fautes Ôc continuelles , que l’Empe­
reur ne pouvoit fe procurer qu’en
opprimant le peuple (4), Ses indignes,
favoris , enrichis par fon aveugle libé­
ralité, ufurpoient avec impunité le pri­
vilège de piller & d’infulter les ci­
toyens (5).. Les ornemens de fa parure4 5

(4) Julien, Grat. i , p. 8. ( C e Difcours flatteur fitt


prononcé devant le fils de Conftantin. )* & Cefars^p*
335. Zofim e, p. 1 1 4 , 115 . Les magnifiques bâtimens
de Çonftantinople, & c peuvent être cités comme une
preuve incontefeble de la profufiofi de cçlui qui les
éleva,
(5) L ’impartial Ammien mérite toute notre con-.
fiance. proximQrim jfeuces.. speruit prïmus omnium. Coup-
de VEmpira Rom. C h a p . X V III. 1 67
&' l’affeélarion de Tes manié r e s le rendi­
rent , fur là fin dé fa vie', l’objet du mépris*
général ; la magnificence Àfiatique que*
D ioclétien avoir a d o p té e, prît uri air
¿ ’afféterie dans la perforine dé Corif-
tantin. O n le repréiènte avec de faux
cheveux dé différentes couleurs, foigneu-
fement arrangés par les Coiffeurs les
plus renommés de fon temps. Il portoit
un diadème d’une forme nouvelle & plus
couteufe , des colliers de des bracelets
enrichis de perles & de brillans ; il étoic
vêtu d’une robe de foie flottante artif-
tement brodée en fleurs d’or. Sous cet
appareil, qu’on pardonrieroit difficile­
ment à la jeuneilè extravagante d’Elio-
gabale > nous chercherions en vain la fa-
geffè d’un vieux Monarque de la {implicite*

tantims, U x v i * e. 8. Eusèbe lui-même convient de


cet abus ( Vie. Conâantin* L i v , c. 29 , 54. ) 3 &. quel-
ques-unes des Loix Impériales en indiquent foible-
ment le remède. V o y e z les Notes 115 * u 6 r 1x 7
Ôc 118 du Chapitre précédent#
L iv
i ¿g Hijîoire de la décadence
d’un vétéran Romain ( 6). Son ame cor­
rompue par la fortune, ne s’élevoit plus
à ce fonriment de grandeur qui dédaigne
le foupçon, 8c qui oie pardonner. Les
maximes de l’odieufe politique qu’on
enfeigne dans les écoles , peuvent peut-
être excufer la mort de Maximien 8c
de Licinius ; mais le récit impartial des
exécutions, ou plutôt des meurtres qui
fouillèrent les dernières années de C onf-
tantin , donnera au Leéteur judicieux
l’idée d’un Prince qui facrifioit fans
peine à fes pallions, ou à fes intérêts, les
Loix de la Juftiçe 8c les mouvemens de
la Nature. Les fuccès qui avoient accom-
-pagné Conftantin dans fes expéditions
guerrières, le fuivirent dans le fein de 6

(6) Julien s’efforce , dans îes Cefars, de couvrir fon


onde de ridicule. Son témoignage fafpeét en lui-même f
cft confirmé toutefois par ïe favant Spanfreim, d’après
les médailles. (V o y e z Commentaire, p. 15 6 , 299,
3 Î 7 * 459. )■ Ensèbe (Orat. c. j , ) veut juftifier cette
fôtrife, en difant que Conftantin s’habilloit pour le
Public. Si on admet cette rai fon , le petit-maître le
plus ridicule ne manquera jamais d’excufe. '
d e l* E m p ir e R o m . C hap . XVIII, 1 6 9
Ça famille & de fa vie domeftique. Ceux
de fes prédécefleurs qui avoient eu le
règne le plus long & le plus profpère ,
Augufte ,,Trajan 8c D io clé tien , n’avoient
point laifle de poftérité , 8c les révo­
lutions fréquentes n’avoient permis à au­
cune des familles impériales de s’étendre
8c de multiplier à l’ombre du diadème.
M ais la race royale de Flavien , anoblie
par C lau d e, Ce perpétua pendant plu-
iieurs générations , 8c Conftantin lui-
même ne droit que de fon auguite
père fon droit aux honneurs héréditaires
qu’il tranfmit à fes enfans. C et Empe­
reur avoir été marié deux fois : M iner-
v in a , l’objet obfcur mais légitime de fon
attachement pendant fa jeuneife (7), ne
lui avoit laiiïe qu’un fils, qui fut nommé
Crifpus. Il eut de Faudra, fille de M axi-

(7) Zofirae. & Zonaras nous 'montrent dans Mi-


nervina la concubine de Conftantin ; mais Ducange
a rétabli l’honneur de cette femme, en citant un paf-
fage décifif de l’un des Panégyriques : Ab Ipfo fiite putri-
i u , te rnammon\l ¿egibus dedïftl.
j 70 ffijloire de la decadence
mien, trois filles & trois fils, connus fous Te
nom de Conftantin, Conftantius, ScCorif-
tans. Les frères indolens du grand C ônf-
tantin , Julius-Conftantius , Dalmatius ,
& Annibalianus (8), jouirent du rang le
plus honorable, & de la fortune quicon-
venoit aux frères d’un Empereur R o ­
main :1e plus jeune des trois vécut ignoré,
& mourut fans poftérité. Ses deiiÀ aînés
épousèrent des filles de riches Sénateurs ,
& multiplièrent les branches de la fa­
mille Impériale. Gallus &c Julien furent
par la fuite les plus ilfuftres des enfans
de Julius-Conftantius le Patricien. Les,
d'eux fils de Dalmatius, qui furent dé­
corés du vain titre de Cenfeurs, furent
appelés Dalmatius Si Annibalianus. Les
deux fœurs du grand Conftantin , Anaf-

(8) Ducange (Familiæ Byzantinæ , p, 44.) lui donne *


après Zonaras , le nam de Conftantîfi* Il n’eft pas
vraifemblable que ce fût en effet fon nom â pirifque
le frèrê aîné le portoit déjà. Celui d’Annibalianm
fe trouve dans la Chronique de Pafeal, & Tilfemont
Remploie Hift, des Empereurs, t* 4 , p, 5^7*
de FEmpire Rom. C h a p . XVIII. 17 1
rafia & E u tropia, furent mariées à Opa
tatus & Aneporianus, Sénateurs C on-
fulaires, &c de familles Patriciennes.
Sa troifième fœ u r, Conftantia, fut re­
marquable par fa haute fortune, & pâl­
ies malheurs dont elle fut fuivie. Elle
refta veuve de Licinius; elle en avoir am
fils, auquel, à force de prières , elle
conierva quelque temps la v|e j le titre
de C éfa r, & un efpoir précaire à la fuc-
ceffion de fon père. Outre les femmes
&c les alliés de la M aifon •Flavienne ,
onze ou douze mâles auxquels l’ufage
des Cours modernes donneroit le titre
de Princes du Sang , fembloient defti-
nés, par l’ordre de leur naiflance, à hé­
riter du trône de Conitanrin , ou à en
être l’appui ; mais en moins de trente
ans, cette nombreufe Sc fertile race fut
réduite à Confiance Si à Julien, qui
avoient ièuls furvécu à une fuite de
crimes & de calamités.
Crifpus , le fils aîné de C onftantin, & vert« &
l’héritier préfomptif de l’E m piré, eft te- Clifpus'
Hiflôire de la décadence
préfenté par les Ecrivains exempts é e
partialité , comme un jeune Prince de
la plus grande efpérance. Le foin de
Ton éducation ou de Tes études fut con­
fié à Ladance , le plus éloquent des
Chrétiens. Un. tel Précepteur étoit bien
propre à former le go û t, & à développer
les vertus de fon illuftre difciple (9). A
l’âge de di^-fept an s, Crifpus fut nommé
C é fa r, 6c on lui confia le gouvernemeut
des Gaules , où les invafions des Ger­
mains lui donnèrent de bonne heure
les occafions de fignaler (es talens m i­
litaires. Dans la guerre civile qui éclata
bientôt, le père & le fils partagèrent
le commandement; & j’ai déjà célébré
dans cette Hîftoire la valeur & l’intel­
ligence que le dernier fit paroître, en

(9) Jerorn. in Chron. La pauvreté de Laétance an­


nonce que le Phüofophe fut défmtéreffé, ou que fon
protefteur fut infenfible. Voyez Tillem ont, Mém. Ec-
cléiiaft. t. v i 3 part, i , p. 345. Dupin , Bibliothèque
Ecclefiaftique, t. r , p . 205. Lardnefs credibility o f the
Gofpel Hiftory, part. 2 , vol, 7 , . p ( 66.
de l'Em pire Rom. Ç h&p. X V III. 173
forçant le détroit de l ’Helleipont que
Ja fiotte fupérieure de Licinius défendit
avec tant d’obftination. Cette viétoire
navale entraîna' la fortune & termina
la guerre. Les joyeufes acclamations du
peuple d’O rient unirent le nom de C rif*
pus à celui de fon augufte père. O n ie
félicitoit de voîr'ifConftantin vainqueur,
& d’avoir un Empereur doué de toutes
les vertus ; on célébroi't fon digne fils,
le bien-aimé du C ie l, & la vivante image
des perfeélions de fon père. Les peuples
rendent rarement hommage au mérite
reconnu du Prince régnant; la voix de
la louange eft couverte par l’injuftice
& les murmures des mécontens ; mais
ils fe plaifent à attendre le bonheur pu­
blic & particulier des vertus; naiiTantes
de l’héritier de leur Souverain (10),

Cio) Eufeb. Hift. Ecclef. 1. x, c. Eutrope ( x ,


6.) l’appelle Egreglum virum, & Julien ( Orat. r. ) fait
clairement allufion aux exploits de Crifpus, durant la
guerre mile. Voyez Spai^ieim, Comment, p* ga.
174 lî i j h ir e d e la d é c a d e n c e ,
ÏAÎouÂe de Ce dangereux enthoufiafme excita l'at­
Oonftantin.
A. O. 514. tention de Conftantin. Com m e père &
ô£tüb. 10.
comme Empereur il né vouloir point
fouffrir d’égal. A u lieu de gagner la
confiance de fon fils en lui accordant
la fîenne , au lieu d’ailurer ià fidélité
par les refpectables liens de la recon-
noiffance, il réfolut d’Prêter fon efifor &c
de prévenir les fuites d e fon ambition,
Çrifpus eut bientôt a fe plaindre de ce que
fon frère, encore enfant, gouvernoit,
avec le titre de Céfar, le vafte département
des Gaules ( 1 1 ) tandis qu’oubliant fon
âge & fés ièrvices récens & diftingués,
l’Empereur le privoit du rang d’Augufte,

(il) Compare? Idatiüs & la Chronique de Pafcal*


avec Ammien ( 1. x ï v ,-c*.‘s O* L’année où Confiance
fut créé Céfar , parofi ;avoir été fixée d’uni; manière
plus exaéle par les deux Chronologiftes ; mais Affitto*
rien qui vivoit dans fa Cour > ne pouvoir ignorer le
jour de Tanniverfaire, Quant à la nomination du nou­
veau Céfar au commandement des provinces de la
Gaule, voyez Julien , Orat. 1 , p, ia, Godefroy,
Chronol* Legum , p, 26, & Blondel, de là primauté
de l’Eglife, p. 1*83* ^ _
de VEmpire Rom, Ç h ap . XVIII. 175
& le tenoit enchaîné* dans l’oifîve inu­
tilité de là Cpur. Expofé, fans crédit
& fans autorité, à toutes les calomnies
dont il plaifoit à fes ennemis de le noir-!
c ir , il eft aifez probable que le jeune
Prince n’eut pas toujours la fageile
de contenir fon reileptjm ent, & on ne
doit pas douter qu’il ne fût entouré d’un
nombre de courtifans toujours prêts à
l’irriter, & très-capables de le trahir. L ’Edit
qui fut publié vers ce temps-là par C onf­
ian t! n , annonce qu’jl çroyoit ou fei-
gnoit de croire à une çonfpiration for­
mée contre fa perfonne Sc contre l’Em­
pire. Il invite les citoyens de toutes les
claifes, en leur promettant des honneurs
Sc des r é c o m p e n f e s à acculer fans ex­
ception les M agiftrats, les M iniftres, Sc
jufqu’à fes plus intimçs favoris ; après
avoir donné fa parole royale, qu’il en-
1 tendra ■ lui - même les ¡dépolirions , Sc
qu’il fe chargera du foin de la ven-
, gean ce, il finit par prier l’Etre fuprême
176 H ijîo ir e de la d éca d en ce

de protéger l’Empereur ,‘ ôc de détourner


les dangers qui menacent l’Empire (12).
Difgrâce Les avides délateurs qui s’empreile-
5c mort de
Crifpus. rent d’obéir à cette invitation, étoient
A. D. jttf.
Juillet. trop initiés dans lès myftères de la C o u r,
pour ne pas eboifir les coupables parmi
les créatures Ôc les amis de Crifpus.
L ’Empereur tint religieufement la pa­
role qu’il avoit donnée, d’en tirer une
prompte 6c fanguinaire vengeance. Sa
politique l’engagea cependant a conferver
l’extérieur de la confiance & de l ’ami-
tié avec Grîfpus , qu’il commençoit à
regarder comme fon plus dangereux En­
nemi. On frappa les médailles ordinai­
res ; elles exprimoient les voeux pour le
règne long Ôc profpère du jeune Ce­
lar (13), ôc ceux qui ignoroient les fe-
crets du Palais, admiroient íes vertus

(11) Cod. Theodof. 1. i x , tit. 4. G odefroy iuf-


peile les motifs fecrets de cette Loi. Comment, t 3,
V- 9 -
(13) Ducange, Fam. Byzant. p. 18. Tjliem ont, tf
4? p> 610.
ÔC

.P'
'deP Empire Rom. C h ap , XVIII. 177
& refpe&oient fa gloire. U n Poëce exilé,
qui follicitoir fon rappel, invoquoit avec
une égale vénération la majefté du père
& celle de Ton digne fils (14). O n étoic
alors au moment de célébrer l’augufte
cérémonie de la vingtième année du
règne glorieux de Conftantin, & l’Em ­
pereur ie tranfporta avec toute la Cour
de N icom édie à R o m e , ou l’on avoir
fait les plus fuperbes préparatifs pour fa
réception. T o u t annonçoit le bonheur
& la joie publique ; Ôc le voile de la
diflïmulation couvrit un moment les pror
jets fanguinaires de la vengeance (15).
L ’Em pereur, oubliant à la fois la tenr-
dreffe d’un père & l’équité d’un J u g e,
fie arrêter, au milieu de la fête , l’in -

(14) C e Poëte s’appeloit Porphyrius Optatianus.


La date de ce Panégyrique, écrit en plats acroftkhes,
félon le goût du fiècle , eft déterminée par Scaliger,
ad Eufeb. p. 230, par :Tillem ont, t, 4 , p .6 0 7 , &
Fabricius, Biblioth. Latin. 1* i v , c. 1*
(15) Zofime, h i i , p. 103, G odefroy, ChronoL
Legum. p. 28.
Tome I V . M
jy8 jffijfoire de la âecadenct
fortuné Crifpus. L'inform ation & t courte
& fecrète (16) ; & comme on crut de­
voir cacher au peuple Romain le fort
du jeune Prince, on l’envoya, fous une
forte garde , à Pôle en lftr ie , où , peu
de temps après, il perdit là,vie. Les uns
aifurent qu’il fut décapité, 8c d’autres
croient qu’il périt par le poifon (17).
Licinius Cœfar , jeune Pxrince du plus
aimable cara& ère, fut enveloppé dans la

(16) A xpirvç, fans formes judiciaires. Telle efl l7ex-


preffion énergique & yraifemblablement três-ju ile
de Suidas. Viftor Taîné, qui écrivit fous le règne fui-
y a n t, s’énonce avec précaution : Natu grandior in­
certum quâ caufây patris judicïo, occidijfet. Si on COrt-
fulte les Ecrivains poftérieurs , E u ro p e , le jeune
.Viâor , Orofe, Jérôme , Zofime ? Philôftorgius 9
Grégoire de Tours , on verra que leur taflurance s’ac­
croît à mefure que les moyens d’initmétion dimi­
nuent ; remarque ïpi’on a fou vent occafion^ de faire
dans les recherches hiftoriques.
(17) Ammien ( L . x i v , c. u . ) emploieFexpreffion
générale pcrcmptum, Codinus (p. 34.) dit que le jeune
Prince fut décapité; mais Sidonius Appollinaris ( Epif-
tolà* v , 8. ) lui fait adminiftrer uii pjôifon froid,
peut-être pour que ce genre de mort format une ami-
thèfé avec le bain chaud de Faufta,
de VEmpire Rom. C h àp . XVIII. 179
ruine de Criipus (18). Là fombre jaloufie
deConftantin ne fur émue ni des prières,
ni des larmes de fa fœur favorite, qui
demanda grâce inutilement pour un fils
dont tout le crime étoic d’avoir eu pour
père Licinius. Sa malheureufe mère ne
lui furvécut pas long-temps. mL ’hiftoire
. de ces Princes infortunés, la nature Ôc
la preuve de leur crim e, les formalités de
'leur jugem ent, 6cle genre de leur m o rt,
furent enfevelis dans la plus myftérieufe
obfcurité ; & l’Evêque partial qui a cé­
lébré , dans un favant O u vrage, les ver­
tus 6c la piété de fon Héros, a eu foin
de pafler fous filence ces tragiques évè-
nemens (19). U n mépris fi marqué pour

(iS) Sororis filium ? commôdœ indoüsjuvenern. Eu-


trope X , 6, Ne peut*on pas conjecturer que Crif-
pus avoit époufé H élèn e, fille de l’Empereur Lïci-
nius 9 & que Conflantin accorda un pardon général,
lors de Theureufe délivrance de la Princeffe, 611312 ?
V o ye z D ucange, FamiLByzant. p. 4 7 , & la Loi ( L*
i x , tit. $7.) du CodeThéodofien ÿ qui a fi fort embar^
raflé les Interprètes. G odefroy s t. 3 , p* 267.
(19) V oyez la Vie de Conft^ntin> fur*tout au L i l ,
M ij
iSo Jiifîoiredela de'cadence
l’opinion publique , imprime «ne tache
ineffaçable fur la mémoirede Confrantîn,
& rappelle au fouvenir la conduite op-
pofée d’un des plus grands Monarques
de ce fiècle. Le Czar Pierre, quoique
defpotique 8c tout-puiflant, crut devoir
foumettre. au jugement de laRuff ie, de
l’Europe entière, & de la poftérité, les
raifons qui le déterminèrent à foufcrire
la condamnation d’un fils crim inel, ou du
moins indigne de lui (10). ,
l ’fmpéra- L ’innocence de Crifpus étoit Ci, géné-
tticefaufta. . .
râlement reconnue, que les Grecs m o­
dernes, qui révèrent là mémoire de leur
Fondateur, font forcés de pallier un
parricide qu’ils n’ofent pas excufer. Ils
prétendent qu’aufii-tot que Conftantin
eut découvert la perfidie qui avoir trompé
fit crédulité, il publia fa faute & fon
m * ' i i ................... 1— " i ^ | ■' ' ■' ■ < \ I■ — — p»

c. 19, 20» Deux cent cinquante ans après, Evâgrius


(L, i n , c. 41.) tiroit, du fiience d’Eusébe, un vain
argument contre la réalité du fait.
(10) Hiftoire de Pierre le G rand, par Voltaire,
part. 2 , ct 10» . /
de VEmpire Rom. C hâp . XVIII 1 &i
repentir ; qu’il parta lé deuil pendant?
quarante jours , durant lefquels. il s’abA
tint du bain & de toutes les com ­
modités de la vie j & qu’enfin , pour
ièrvir d’inftrudlion à la poftérité , il
fit élever une ftatue d’or qui repréfen-
toit Crifpus avec cette infcription : A
mon fils que f a i injujiement condamne' ( n ) .
C e conte moral & intéreiïànt auroit be-
foin d’autorités plus refpe&ables pour
obtenir la confiance. M ais fi nous con-
fultons les Ecrivains plus anciens & plus
véridiques, ils nous apprendront que le
repentir de Gonftantin ne s’eff manifefté
que par le meurtre 8c par la vengeance,
êc qu’il expia la mort d’un fils innocent
par le fupplice d’une époufe peut-être
«criminelle. Ils accufent Faufta du mal­
heur de fon beau-fils. Sa haine impla-
— ' —V ■ ' --- ;■ ■ ■ — T,,. ■ — ■ ■ ■*■ — ■ ■
v.

(2 r) Afin de prouver que cette ftatue fut élevée par


Conftantin , & enlevée enfuite par les A rien s, C o -
dinus fe crée tout à coup (p. 34.) deux témoins,
^Jiyppolite & le jeune H érodote, & iî en appelles
„avec effronterie à leurs Ecrits, qui n’ont jamais exiBé.
M iij
l iz Hiftoire de la décadence
cable, ou plutôt fou amour dédaigné,
renouvela dans le palais de Conftantin
l’ancienne & tragique hiftoire de Phè­
dre de Hippolyte (z'z). Com m e la fille
de Minos , la fille de M axim ien accufa
Crifpus d’avoir voulu attenter à la chaf-
teté de la femme de fon père ; & elle
obtint aifément du jaloux Empereur une
fentênee de mort contre un jeune Prince
qu’elle regardoit, avec raifon, comme
le plus formidable rival de fes enfans.
H élèn e, mère de Conftantin, quoique
fort âgée, vécut allez pour voir venger
la mort de Crifpus fon petit-fils. On dé­
couvrit bientôt, ou l’on prétendit avoir
découvert que Faufta fe livroit à une
familiarité criminelle avec un efelave ap­
partenant aux écuries impériales (13).

(as) Zofime, 1, i i , p. 103 5 peut être regardé comme


un Autenr contemporain. I/efprit des Modernes, aidé
de quelques mots échappés aux Anciens 5 a éclairé Si
perfe&ionné fon obfcure & imparfaite narration*
(23) Phiîoftorgiuss ]. n , c. 4,Zôfim e.3 1. n , p/104;
n ò * impute à Conftantin la mort de deux femmes:*
de VEmpire Rom. Chap. XVIII. 183
Son fupplicô fuivit jde près l’accnfation ;
on rétoufFa dans un bain pouffé à un
degrér de chaleur auquel il ëtoit impof-
ïible qu’elle réfiftât (24). L e Le£leuir
croira peut-être que le fôuvenir d’une
union de vingt ans, & l’honneur des
héritiers du trône, auroient pu adoucir
en faveur de leur mère l’extrême rigueur
de Conftantiri, & lui faire fouffrir que
fa criminelle épouie expiât fà faute dans
une prifon ; mais cet événement n’eft
point allez conftaté, pour mériter qu’on
en recherche les circonftànces ou qu’on
en exam ine'féquité. Les accufateurs &

de rinnôçehtë Fauita , & d’une époufe adultère, qui


fat la mère de fes trois fucceffeurs. Selon Jérôme ,
trois ou quatre années s’écoulèrent entre Ta mort de
Cri/pus & celte de Faufta. Vi&or; Faîne fe, taît pru­
demment. '
(24) Si Faufia Fut, mife à mort s il eft raisonnable
de croire qu’elle fut exécutée dans Fintérieur du pa­
lais. L ’Orateur Chryfoftome donne carrière à Ton ima­
gination;, il expefe l’Impératrice nue fur une moi>-
tagne déferte, Sc il te fait dévorer par des; bêtes iau*
vages. ■ . .:
M iv ^
184 Hifloire de la décadence
les défenfeurs de Çonftantin ont éga­
lement négligé deux Oraîfons pronon­
cées fous le règne fuivant. La première
célèbre la b eau té, la vertu & le bon­
heur de l’Impératrice Faufta, fille, femme,
époufe &. mère de tant de Princes ; la
fécondé allure en termes précis, que
la mère du jeune Ç onftan tin , qui fut
tué trois ans après la mort de fon père,
vécut pour pleurer la perte de fon
fils (15). Malgré le témoignage pofitif
de différens Auteurs facrés & profanes,
on trouve encore quelques motifs de
croire ou du moins de foupçonner que
l’Impératrice a échappé à la cruauté de
fon mari. Le meurtre d’un fils êc d’un
neveu , le maffacre d’un grand nombre

(iç ) Julien % O ràt I, ) femble l’appeler la mère de


Crifpus ; elle a pu prendre ce titre par adoption:
du moins on ne la regardoit pas comme fon ennemi
mortel. Julien compare la fortune de Faufta avec celle
de Paryfatis, Reine de Perfe. Uil Romain Tauroit
comparé plus naturellement à la fécondé Agrippine,
53 Et moi q u i> f ur le trô n e , ai fuivi mes ancêrres ;
Moi 3 fille, femme , fo eu r} fie mère de vos Maîtres
de l ’Empire Rom. Cjha p . XVIII. 185
d’amis refpeèfables 5c peut - être innû-?
cens (16 ), qui furent enveloppés dans
leur profeription , fuffirent pour juftifîer
le reflentiment du peuple R o m a i n , 5c
les vers injurieux qui furent affichés à
la porte du palais. Ils comparoîent en-
femble les deux règnes faftueux Si fan-
gjans de N éron Sc de Conftantin (27).
La mort de Crifpus iem bloit aiïurer Lcsfiisse
l’Empire aux trois fils de Faufta, dont coniuntin.
•nous avons déjà parlé fous les noms
de Conftantin , de Conftantius & de
-Conftans (28). Ces jeunes Princes furent

(26) Monod, in Conftantin. Jun, c* 4 , ad calçem


Eutrop. édit, de Havercamp. L ’Orateur l’appelle la plus
feinte & la plus pieufe des Reines.
(27) Inurfecit numerofos arnicas, Eutrop. X X , 6.
(28) Saturni aurea fic c a la quis requtrat ?
S u n t k<zc gemmeœ 4 f i d Neroniaria*
Sïdon. Apollinar. I. 8;
Il eft un peu iingulìer qu’on attribue ces vers non
pas à un obfcur faifeur de libelles, ou à un patriote
trompé dans fes efpérances, mais à Àblavius, premier
Mmiftre & Favóri de l’Empereur, On peut remarquer
que l’humanité, ainft que ,la fuperftition, difloit les
imprécations du peuple Romain. Zofim e, U U» p, tojy
i8tf H ijlo ir e d e l a d e c a d e n c e

fu ccelïîvement revêtus du titre de Cé-


fars ; Ôc les dates de leurs promotions
peuvent être fixées à la dixièm e, ving­
tième & trentième année du régné de
leur père (19). Quoique cette conduite
tendît à multiplier les maîtres futurs
du M onde Romain , la tendrefle pater­
nelle pourroit ici fervir d’excufe ; mais
il n’eft pas auiïi aifé d’expliquer les motifs
de l’Empereur , quand il expofa la tran­
quillité de fes peuples , & la fureté de
fes propres enfans , par l’inutile éléva­
tion de fes neveux Dalmatius 6c An-
nibalianus. Le premier obtint le titre de
C éfa r, & l’égalité avec íes çoufîns ; êc
Conftantin créa en faveur de l’autré,
la nouvelle & iîngulière dénomination
de NobiliJJîme (30), à laquelle il. joignit'
la flatteufe diftinètion d’une robe tiiTue

(19) Eusèbe, Orat, : in Conftantin. c. 3, Ces dates


font affez exaftespour juftifier l'Orateur.
(30) Zofinie, ], i i 5 p. 1 17. Sousjes prédéceffeurs
de Conftantin , le mot de NobiliJJîmus étôit une épi­
thète vague, plutôt qu’un titre légal: & -déterminé, ■
de l’Empire Æo/tz. C hap . XVIII. 187
de pourpre & d’or. Parmi cous les Prin­
ces de l’Em pire, Annibalianüs fut ieul
diftingué par le titre de R oi ; nom que
les fuiets de Tibère auraient dérefté,.
comme la plus cruelle infulte que pût
leur faire le caprice d’un orgueilleux
Tyran. L ’ufage de ce titre odieux' fous
le règne de Conftantin, eft un raie inex­
plicable & ifo lé, auquel il eft difficile de
cro ire, malgré les autorités réunies des
médailles impériales &:des Ecrivains con­
temporains (31).
Tout l’Empire prènoit le plus grand Leur éduca­
tion.
intérêt à l’éducation de cinq Princes re­
connus pour les fucceiïèurs de Çcmftan-
tin. On lés prépara, par les exercices; du
corp s, aux fatigues de la guerre 8c aux
devoirs, d’une vie dérive.. Ceux q u i, ont
1 ■ M , 1- - ,. ■ 1 ‘ — — - — '' ■■■*" - _■ \ - J_

(31) Adflruunt nummi vttercs àc finpdares. Spanheim s


de Ufu Nuitiiimatum. E>iflërtat. x n , y o l^ x ^ p . 357.
Ammien parle de ce Roi de£ Romains ( L. x i y , c.
1 , & Valeiius^ ad loc. ). Le fragment de Valois Tap*
pelle le R ôi des R ois; & la Chronique de Pafcal,
( P* * 8 6 .)'qui emploie le m o t F¿y#, acquiert le [poids
d ‘un témoignage latin, ■; ^ L-
i88 Uijloire de la décadence
eu l'occafion de parler de l’éducation 8C,
des talens de C onftantin, le repréfentent
comme très-habile dans les Arts gym-»
naftiques de la courfe '8c de la légéreté,
très-adroit à fe fervir d’un arc, à manier
un cheval & toutes les armes d’ufagé
pour la Cavalerie 8c pour l’Infanterie ^31).
O n donna les mêmes foins , mais peut-
être avec moins de fuccès, à la culture de
l’efprit des fils 8c des neveux de Conf­
tantin (33). Les plus célèbres Profeileurs
de la F o i Chrétienne, de la Philofophie
Grecque 8c de la Jurifprudence Rom aine,
furent appelés par la libéralité de l’Em­
pereur, qui fe réferva la tâche impor­
tante d’inftruire les jeunes Princes dans

(32) Julien (Orat. i , p, n ; Orat. il, p. 5^3.) donne


des éloges à fon habileté dans les exercices de a
guerre ; & Ammien ( L. X X I , c. 16. ) en convient
(33) Eusèbe , in Vit. Conflantini, L iv , c. yx.
lien, Orat 1, p. 11-16, avec le favant Commentaire
de Spanheim. Libanms, Orat; ni, p. 109. Confiance
étudioit avec ardeur; mais la pefanteurdefon ima­
gination l'empêcha de réuffir dans TArt de la Poéfie,
& même dans celui de la Rhétprupie.
de VEmpire Rom. Chap. XVIII. 189
Tart de connoître & de gouverner les
hommes. M ais le génie du grand Conf-
rantin avoit été formé par l’expérience,
par l’adverfité, & par le commerce fami­
lier d’une vie privée. Les dangers auxquels
il avoit été long-temps expofé dans la
C our de Galere , lui avoient appris à
vaincre fes pallions, à lutter contre celles
de lès égaux, & à n’attendre fa fureté
préfente Sc la grandeur future que de fa
prudence & de la fermeté de fa conduite.
Ses fucceiïèurs avoient le défavantage
d’être nés & élevés fous la pourpre im­
périale. Toujours environnés d’un cor-
tége^ e flatteurs, ils pafloient leur jeu-
nefle dans les jouilïànces du luxe & dans
l’attente du trône ; & comme les objets
les plus inégaux de la N atu re, vus d’un
endroit fort élevé, ne préfentent à l’œil
qu’une furface égale ôc u n ie, ainiï la
dignité de ces Princes les tenoit à une
trop grande diftance du relie des hom ­
mes , pour qu’ils pulfent découvrir la
différence de leurs caractères. L ’indul-
i^o 1Tijloiredeladécaâmci
gence de Conftantin les adm it, dès leur
tendre jeuneife, à partager Tadminîftra-
tion de l’Empire : mais ils s’inftruifoient
dans l’art de régner: aux dépens des peu*
•pies dont on leur donnoit le gouverne­
ment. L e jeune Conftantin tenoit fa Cour
dans les Gaules ; fon. frère Çonftantius
avoit échangé cet ancien patrimoine de
fon père pour les contrées plus riches
8c moins expofées de l’Orient. L ’Italie,
l’Illyrie occidentale, 8c l’A frique, obéif-
foient à C onftans, le troiiième des fils
8c le repréfentant du grand Conftafitin.
O n plaça Dalmatius fur les frontières de
la G othie, à laquelle on joignit l#Gou-
vernement de la T h race, de la Grèce SC
de la Macédoine : la ville de Cæfarée
fut choiiïe pour la réiidence d’Anniba-
lianus, 8c les provinces du Pont , de
la Cappadoce 8c de la Petite-Arm énie ,
compofèrent l’étendue de fon nouveau
royaume. Chacun de. çes Princes eut un
revenu fixe 8c convenable, un nombre
de Gardes, de Légions 8c d’Auxiliairçs
t
de VEmpire Rom. C h a p . XVIII. 15» ï
proportionné à leur dignité Ôc à la défenie
de leur département. Conftântin leur
avoir donné pour Miniftres & pour G é­
néraux , des hommes fur la fidélité def* N
quels il pouvoir com pter, & qu’il con-
noiiïoit capables d’aider & même de
conduire ces jeunes Souverains dans l’exer­
cice de l’autorité qui leurétoit confiée,
en augmentoit inienfiblement l'éten-
[ due, en proportion de leur âge & de
leur expérience. Mais il le réfervoit à
lui feul le titre d’Augufte ; & tandis qu’il
montroit les Géfats aux armées & aux
( provinces-, il maintenoit également t®u-
l tes les parties de l’Empire dans l’obéif-
- lance fupérieure qu’elles dévoient à leur
C h ef (34). La tranquillité des quatorze
dernières années de fon règne furent à -

(34) Eusèbe ( 1. i v y c. ï ï j 52.) qui veut exalter


l’autorité & la gloire de Conftântin, affure qu’il fit le
partage de l’Empire Romain , comme un citoyen au-
jo it fait le partage de fon patrimoine, On peut tirer
.d’Eutrope, des deux \ ï& o r s , & du fragment de Va­
lois, la divifion qu’il établit pour les provinces.
X
jqî Hijhire de la décadence
peine interrompues par la méprifable ré­
bellion de l’iilô dè Chypre (35), & la
part que la politique de Conftantin crut
devoir prendre à la guerre, des Goths ôc
des Sarmates.
Mcrrits des Parmi les diverfes branches de la na­
ture humaine, les Sarmates femblent
former une efpèce particulière qui réunit
les mœurs &i les ufages des Barbares de
l’Afie à la figure & à la couleur des an­
ciens habitans de l’Europe. Selon les dif­
férentes conjonéfcures de la paix ou de la
guerre, des alliances ou des conquêtes, les
Sarmates étoient reilerrés fur les bords du
Tanaïs, ou s’étendoient fur les immenfes
plaines qui féparentleTanaïs duVolga (3 6).

(35) Calocerus, le chef obfcur de cette rébellion,


ou plutôt de cette émeute, fut pris par les foins de
Dalmatius, & brûlé v if au milieu du marché deTarfe.
Voyez Vi&or l’aîné, la Chronique de Jérôme, St les
traditions incertaines rapportées par Théophane &
Cedrenus,. ' ' ■
(36) Ceîlarius a recueilli les opinions des Anciens
fur la Sarmatie d’Europe *& d’Aiîe ; & M* d’An-
vüle les a appliquées à la Géographie moderne 3 ayec
le

;
de l ’Empire Rom. C ha p. X VIII. 11>y
t e foin de leurs troupeaux, la chaile Ôc
la guerre, ou plutôt le brigandage, di­
rigeaient leurs couriès vagabondes. Les
camps ou les villes ambulantes qui fer-
voient de retraite à leurs femmes Ôt à
leurs enfans, n’étoient compofées que
de vaftes chariots, tirés par des bœufs,
& couverts en forme de tentes. Leurs
forces militaires ne confiftoient qu’en ca­
valerie,-Se l’habitude que chaque cavalier
avoir de conduire en main un ou deux
chevaux de rem onte, leur facilitoit les
moyens de fondre à l’imprévu fur des
ennemis éloignés , & d’éviter leur pour-
fuite par la rapidité de leur retraite (37).
Leur groffière induftrie avoir fuppléé
à l ’ufagedu fer dont ils m anquoient, par
l’invention d’une cuir aile qui réiiftoit à

la fagacité & rexa&itude qui ,diftinguent toujours cet


excellent Ecrivain.
(37) Ammienj 1. x v ii , c, 12. Les Sarmates conpôient
leurs chevaux, afin de prévenir les accidens que pou-
voient occafionner les paillions bruyantes & invinci-
blés des mâles.
Tome IV", N H
T04 Hîjîoire.de la décadence
l’épée SC au javelot. Elle' étoit faite de
corne de cheval , coupée én tranches
minces & unies, pofées avec foin les unes
fur les autres, fît coufue entre deux étoffes
qu’ils portoient fous leur vêtement (3 8).
Les armes offeniîves des Sarmates con-
fiftoient en un court poignard, une longue
lancé, un arc fort pefant, & un carquois
rempli de fléchés. Ils étoient réduits à
la riécefîîté de fe fervir d’os de poiffons
pour faire les ^ranchans & les pointes
de leurs armes. L ’ufage de les tremper
dans une liqueur venim eufe, qui rçndoit
les bleifures m ortelles, prouve allez leur
barbare ignorance. Un peuple qui auroit
eu quelque fentiment d’humanité, auroit
abhorré cette pratique odieufe , & une
nation inftruite dans l’art de la O guerre
auroit méprifé cette refïource impuif-

(38) Paufanias 3 l x y p. '50 , édit, de Khun. Ce


\oyagjeur, avide de connoiifances 5 a examiné avec
foin une cuiraffe de Sarmate 3 qu’on, confervûit dans
le temple d Efculape à Athènes*
de P Empire Rom. Ch ap . XVIIÎ. 195
fante (3 9). Lorfque ces Sauvages fortdient
de leur défert pour le livrer au pillage,
leur longue barbe , leurs cheveux hérif-
fés, la fourrure donc ils étoient couverts
depuis- la tête aux pieds, & le main­
tien farouche qui annonçoit la férocité
de leur am e, infpiroient l’horreur & l’é­
pouvante aux habitans civiliiès des pro­
vinces Romaines.
L e tendre O v id e , après une jeunefle
paiTée dans les jouiflances du luxe & de
la renom m ée, fut exilé , fans efpoir de
retour, fur les bords glacés du D an ube;
ôç expofç, prefque ians défenfe, à la fureur

(39) dlfpicis & mitti fub adunco toxica firro A


Et telum caufas mords kabcre duos*
Ovid, ex Ponto ? 1. i v , Epift. y3 v. 7.
V oyez dans les Recherches fur les Américains, t. 2,
p. 236*271, une differtation très-curieufe fur les flè­
ches empoifonnées. On droit communément le poifon
du règne végétal; mais celui qu’employoient les Scythes
paroit avoir été dré de la vipère & mêlé de fang hu­
main. L ’üfage des armes empoifonnées, qui s'eft ré­
pandu dans les deux M ondes, n’a jamais garand une
Tribu fauyage contre un ennemi rîifcipliné.
N ij
j a6 Hiftoire de la decadence
de ces monftres du défère. Dans fës la­
mentations pathétiques & quelquefois
trop efféminées (40,) il donne une excel­
lente defeription de rhabillem erit, des
mœurs, des armes Sc dèsincurfions des
Gètes 6c des Sarmates qui avoient fait
enfemble une alliance de brigandage 6c
de dçftruction. L ’Hifioire mous donne
lieu de penfer que ces Sarmates étóient
les defeendans des Jaziges, la Tribu la
plus nombreufe 6c la plus guerriere de
cette nation. L ’avidité du butin 6c de
l’abondance leur fit chercher un établit
fement fixe fur les frontières de l’Em-

(40) Les neuf Livres de Lettres en vers, qu’Ovide


compofa durant les fept premières années de ion exil,
ont un autre mérite que celui de l’élégance ôc. de la
poéfie, Elles offrent un tableau du cœur de Fhomme dans
des circonilances peu communes, & elles contiennent
des observations curieufes, qu’O vid e, le feul de tous
les Romains, avoit eu occalion de faire. Tout ce qui
peut jeter du jour fur l ’Hiftoire des.Barbares, a été
recueilli par le Comte du B u a t, dont les recherches
ont beaucoup d’exaélitude. Hiftoire ancienne des peu-*
pies de l’Europe, t. 4, c. 36, p. 186-317., • '
deVEmpire Rom, C hap . X VIIÏ. i 97
pire. Peu de temps après le règne d’A u -
gu fte, ils obligèrent les D aces, qui vi-
voient de la pêche fur les bords de la
rivière de TheiiTou T ib ifcu s, dé fe re-ti *
rer furies hauteurs, 6c d’abandonner aux
Sarmates victorieux, les plaines fertiles de
la Haute-Hongrie, bornée par le Danube
6c les montagnes de Carpath, aujourd’hui
monts Crapacs (41). Dans cette pofition
avantageufe , ils guettoient ou fufpen-
doient le moment de leurs attaques félon
qu’ils.étoient ouirrités par quelque injure,
ou appaifés par des préfens. Ils acquirent
peu à peu l’ufage d’armes plus meurtrières;
6c quoique les Sarmates n’illuftraifent
pas leur nom par des exploits mémo­
rables, ils fecouroient fouventd’un corps

(41) Les Sarmates Jazyges étoient établis fur les


bords du Pathiffus ou Tibifcus, lorfque Pline ( l ’an
79) publia fon Hiftoire Naturelle fV o y e z le Livre
i v 5 c. 25). Il paroîtqtfau temps de Straban & d’O ­
vide, foixante ou foixante-dix années auparavant, Us.
fe trouvaient au delà du pays des G êtes, le- Long;
de la côte de PÈuxim

N iij
j 478 'Hijloire de la décadence
nombreux d’excellente cavalerie, les
Goths & les Germains leurs voifînsà T o-
rienr & à l’occident (42). Mais quand ils
eurent reçu parmi eux un grand nombrede
Vandales fugitifs, que les Goths avoient
chailes devant eu x, ils choiiirent un R oi
de cette nationj & de l’illuftre race des
Aftingi qui avoit habité fur les rives de
l’Océan occidental (43). '
Guêtre des Ces motifs d’inimitié envenimèrent
Goths.
A, P* 35 t. fans doute les conteilations qui ne
peuvent manqper de s’éleveu fouvent fur
les frontières entre deux nations guer-

(4a) ■Principes Sarjnatorum Ja^tgüm penes quos civi-


tatis régimen........ Plebem quoque & vlm equitum quâ fold
valent, offerebanu Tacite , Hifh iii, y* Il parle de ce
qu’on avoit vu dans la guerre civile entré Vitellius &
Veipaiien*
(45) Cette hypothèfe d'un Roi Vandale donnant des
loix à d^s Sarmates, paroît indifpeniàble pour con­
cilier le Goth Jôrnanrîês aveé les Aüteufs Latins &
Grecs qui ont fait THiftoire dé Conftaritih. On peut
remarquer qu’Ifidore , qui vivôit èh Efpagne fous
la domination des Goths \ leur donné pour ennemis ,
«on les Vandales, mais les Sarmates. Voyez fa Chro­
nique dans Grotius a p* 70ÿi
de PJSmpm Rom. C h a v . X V IIL 199
rièrés, &c indépendantes. Les Princes
Vandales furent excités par la crainte 8c
par la vengeance, & les Rois dès Goths
afpirèrent à étendre leur domination
depuis l’Euxin jufques aux c o n fin s d e
la,Germ anie. Les eaux du Maros* petite
rivière qui fe jette dans celle de TheiiT,
furent fouvent teintes du fang des Barba­
res. Après avoir éprouvé la fupérioritédu
nombre & des forces de leurs adverfàires,
les Sarmates implorèrent le fecours du
Monarque Romain , qui voyo k avec
plaifir les difcordes des deux nations ,
mais à qui les fuccès des Goths dônnoient
de l’inquiétude. Dès que Conftantii||fe
fut déclaré en faveur du plus foible , le
préfomptueux A raric, R oi des G oths , au
lieu d’attendre l’attaque des légions R o ­
maines, paiTa hardiment le Danube , 8c
répandit dans toute la province de Moefie
la terreur Se la dévaluation. Pour repouf­
fer l’invafion de ces hôtes deftrucbeurs, le
vieil Em pereur parut lui-m êm e, dans la
N iv
200 Hiftoire cte la de'cadence
pleine; mais en cette occafîon, fon intel­
ligence ou fa fortune trahit la gloire qu’il
avoit acquife dans tant de guerres civiles
& étrangères. Il eut la mortification de
voir fuir fes troupes devant une poignée
de Barbares» qui les pourfuivirent juf-
ques à l’entrée de leur camp , èt les
obligèrent à chercher leur fureté dans
unie fuite prompte & ignominieufe.
L ’événement d’une fécondé bataille réta­
blit l’honneur des armes Romaines :
après un combat long & opiniâtre, l’art
& la difcipline l’emportèrent fur les
efforts irréguliers de la valeur. L ’armée
d||j Goths rom pue, abandonna en dé-
fordre le champ de bataille, la province
dévaftée , & le paffagé du Danube j 5c
quoique le fils aîné de Conftantin eut
tenu dans cette journée la place de fon
père , on attribua aux heureux èonfeils
de l’Empereur tout le mérite & l’hon­
neur de la viétoire. •
11 fut au moins en tirer avantage par
de l ’Empire Rom. Chap.XVTII. 201
Tes négociations avec les peuples guer­
riers de la Cherfonnèfe (44), dont la capi­
tale, iituée fur la côte occidentale de la
Crimée, coniervoit quelques veftiges d’une
Colonie grecque. Elle étoit gouvernée par
un Magiftrat perpétuel, aidé d’un Confeil
de Sénateurs qu’on appeloit avec emphaie
les pères de la cité. Les habitans du Cher-
fonnèfe étoient irrités contre les Goths
par le' fouvenir des guerres qu’ils avoient
foutenues dans le iiècle précédent contre
les* ufurpateurs de leur pays avec des
forces inégales. Liés avec les Romains

(44) Je dois me juftifier d’avoir employé fans fcru-


pule le témoignage de Conftantin Porphyrogénète , c 6
tout ce qui a rapport aux guerres & aux négocia­
tions des Cherfonnites. Je fais que c’étoit un Grec du
6
dixième iiëcje > c que ce qu’il dit des anciens évène*
6
mens efl fouvent confus c fabuleux ; mais fa nar­
6
ration eft ici bien liée c vraifemblable, & il n’eft pas
difficile de concevoir qu’un* Empereur a pu confulter
des monumens fecrets qui ont échappé aux recherches,
des autres Hiftoriens* Quant à la pofition & PHif-
toire de Cherfone , vo yez Peyffonel , des Peuples
Barbares qui oat habité les bords du Danube* c. 1 6 ,
p. *4*90,
20i Hijloire ckt la decadmce
par les avantages d’un commerce d’é­
change, ils recevoient des provinces
d’Afie , des blés &: des ouvrages de
manufaétures, & les payoient avec le
produit de leur f o l , qui confîftoit en cire,
ën fel & en cuirs. D ociles à la réqui-
fition de Conftantin , ils préparèrent, fous
la conduite de leur M agiftrat D io gèn e,
une nombreufe armée, dont la principale
force confiftoît en chariots de guerre &
en arbalétriers. Leur marche prompte
èc leur attaque intrépide partagèfent
l’attention des G o th s , & facilitèrent
les opérations des Généraux de l’Empire.
Les Goths, vaincus dé tous les cô tés, fu­
rent chaifés dans les montagnes. On fait
monter à cent mille le nombre de ceux
qui périrent de faim ôc de froid dans le
cours d’une feule campagne. La paix fut
enfin accordée à leurs humbles Suppli­
cations. Araric donna fon .fils aîné pour
otage, & Conftantin eftaya de prouver
aux C h efs, en les comblant d’honneurs
& de récompenfes, que l’alliance dçs
I

de P Empire Rom. Chap. XVIII. 203


Romains valoit mieux que leur inimitié.
Plus magnifique encore dans les preuves
qu’il donna de fa reconnoiffance aux
fidèles Cherfonnites, il flatta l’orgueil de
la nation par les décorations brillantes Ôç
prefque royales dont il revêtit leur M a-
giftrat & fes iucceiTeurs. Leurs vaifleaux
de commerce furent exempts de tous
droits dans les ports de la mer N o ir e , 8c
on leur accorda un fobfide régulier de
fe r, de b lé , d’huile, & de tout ce qui
peut être utile dans les temps de paix ou
de guerre. Mais on jugea que les Sar-
mates étoient fufîîfamment récompenfés
par leur délivrance du danger preiTant
qui les menaçoit; 8c l’Em pereur, pouflant
peut-être trop loin l’économ ie, déduifit
•une partie des frais de la guerre de la
gratification qu’on avoit coutume d’ac­
corder à cette nation turbulente.
Irrités de ce mépris apparent, les Sar- Expulím a

mates oublièrent avec la légèreté ordi-


naite aux Barbares, le fervice qu’on ve-
noie de leur rendre , & les dangers qui

/
a04 Hijloire de la décadence
les menaçoient encore..D e nouvelles in-
curiions fur le territoire de l’Em pire,
décidèrent Conftantin à les abandonner
à leurs propres forces ; 6c il né s’oppofa
plus à l’ambition de Gerberic , Capitaine
renommé, qui é.toit monté fur le trône
des Goths. W ifum ar, R oi Vandale ,
quoique feul 6c fans fecours, défendoit
fon royaume avec un courage intrépide;
une bataille déciiive lui enleva la victoire
avec la v ie , 6c moiifonna la fleur de la
jeunette Sarmatienne. C e qui reftoit de
la nation, prit le parti défefpéré d ’armer
tous leurs efclaves, compofés d’une race
hardie de pâtres &c de chafleurs. A l’aide
de ce ramas confus de troupes indifcipli-
nées, ils vengèrent leur défaite, 6c cliaf-
fèrent les ufurpateurs de leurs confins.
Mais ils s’apperçurent bientôt qu’ils n’a-
voient fait que changer d’ennem is, 8c
qu’ils s’en étoient donné un plus dan­
gereux 6c plus implacable que celui dont
il les avoit délivrés. Se rappelant avec
fureur leur ancienne fervitude, 6c s’ani-
de VEmpire Rom. C h ap . XVIII. 205
mantparla gloire qu’ils venoienc d’acqué­
rir, les efclaves, fous le nom de Limigan-
tes, prétendirent à la pofleffion du pays
qu’ils avoient fauve, & l’ufurpèrent. Leurs
M aîtres, trop foiblespour s’oppofer aux fu­
reurs d’une populace effrénée, préférèrenir
l’exil à la tyrannie de leurs efclaves. Quel­
ques Sarmates fugitifs iollicitèrent une
protection moins ignominieufe fous les
drapeaux de la nation qu’ils avoient re-
pouffée. U n nombre plus considérable fe
retira derrière les montagnes de Sarm ath,
chez les Q u ad i, leurs alliés germains,
St ils furent admis, fans difficulté, à par­
tager le fuperflu des terres incultes S>c
inutiles. Mais la plus grande partie de
cette malheureufe uation tourna les yeux
vers les provinces Romaines. Implorant
l’indulgence ôt la. protection de l ’Em­
pereur , ils promirent folennellem ent,
comme fujets en temps de paix, & comme
foldats à la guerre, la plus inviolable fi­
délité à l’E m pire, s’il daignoit les rece­
voir dans fon fein. D ’après les maximes
2o6 Hiftoire de la decadence . - .
adoptees par Probus & par fes fuceef-:
leurs, on n’héfitaf point à recevoir les.
offres des Barbares; êc Van partagea une
quantité fuffîfante des terrés' des provins
ces de Pannonie * de Thrace-, de M a­
cédoine & d’Italie, entre trois cent mille
Sarmates fugitifs (45),.
En châtiant l’orgueil des Goths 8c en
acceptant l’hommage d’une nation fup-
plianté , Conftantin aiTura la gloire de
l’Empire R om ain , & les AmbaiTadeurs

(45) Les guerres des Goths & des Sarmates font


racontées dvune manière fi imparfaite & avec tant de
lacunes, què j’ai été obligé de comparer les Ecrivains
cités à la fin de cette N o te , qui s’appuient , fe cor­
rigent & s’éclairej^mutuellement. Ceux qui prendront
la même peine, atffont le droit de critiquer mon récit»
Voyez Ammien 3 1. x v n , c. 12. Anonyme Valefian,
p* 7 1?* Eutrope, x , 7. Sextus Rufas , de Provinciis,
c. 26. Julien , Orat. 1. p* 9 , & le Commentaire de
Spanheim, p* 94. Jérôm e, in Chron, Eufèbe, in Vit.
Conilantin. L i v , c. 6. Socrates, 1 .1 , c* 18. Sozo-
mënes, 1. 1, c 8. Zofîm e, I. 11, p. 108. Jornandès,
de Rébus Gaticis 5 c. ¿2» Ifidorus, in Chron. p.709;
in Hift. Gothorum Grotii. Conljantin Porphyrogénète,
de AdminiftratLCne Imperii, c* 53 , p. 208, édit, de
Meurfuis.
f

de V'Empire Rom. C hap . XVIII. ¿07


de l’Ethiopie, de la Perfe & des pays
les plus reculés de l’Inde , le félicitèrent:'
fur la paix .& fur la profpérité de ,fon
règne (46). En e ffe t, fi l’on comptoit la
mort du fils aîné de l’Empereur , de fon
n e v e u , & peut-être de fa fem m e, au
nombre des faveurs de la fortune, effec­
tivement il a joui d’un cours continuel
de félicité publique £c perfonnelle jufqu’à
la trentième année de fon règne ;\ avan­
tage qu’aucun de fes prédécefleurs n’avoit
eu depuis l’heureux Augufte. Conftantin
furvécut environ dix mois à cette pom-
peufe cérém onie, 6c à l’âge de foixante-
fix ans, après une courte indiipofition,
il termina fa mémorable vie au palais
d’Aquyrion dans les fauxbourgs de N i-

(46) Eusèbe (in Vit, Conftantin. 1, iv , c. )


feit trois remarques fur ces Indiens; i 9, ils venoient
des côtes de l’Océan orienta}; ce qui peut s'appliquer
à la côte de la Chiné & à celle de Coromandel ;
2°. ils offrirent à Conftantin des pierres précieufes &
des animaux inconnus; 3Q. ils affurèrent que leurs
Rois avoîent élevé des ftatues pour repréfenter îa
majefté fupréme de Conftantin,
2o 8 Hijloire de la decadence
comédie, où il s’étoit retiré par rapport
à la falubrité de l’air, SC dans l’efpérance
de ranimer fes forces épuifées par le trop
fréquent ufage des bains chauds. Les ex-
ceifives déraonftrations de douleur, ou du
moins de d eu ilfu rp afsèren c tout ce qui
avoit eu lieu jufqu’alors en pareille oc-
cafion. Malgré les réclamàtions du Sénat
Ôc du peuple de l’ancienne R om e , le
corps du défunt Empereur'fut tranfporté,
félon fes ordres, dans la ville deftinée à
perpétuer le nom ëc la mémoire de fon
fondateur. Orné de vains fymboles de la
grandeur , revêtu de la pourpre &c du
diadème, on le dépofa fur un lit d’or,
dans un des appartemens du palais qu’on
avoit, à cette 6 ccafion, meublé & illuminé
fomptueuiement. Les cérémonies de la
Cour furent ffcriélement obfervées; chaque
jour, à des heures fixes , les grands Offv
ciers de l’E ta t, de l’armée &: du palais,
s’agenouilloient auprès de leur Souverain,
& lui offroient gravement leur refpec-
tueux .hommage, comme s’il eût été
encore
de VEmpire Rom, C h ap . X V ÏÏI. xo ÿ
encore vivant. D es raifons d e politique
firent continuer pendant qu'èlque temps
cette repréfentation théâtrale, & l’ingé-
nieufe adulation n’échappa point l’occa-
fion de dire que Conftantin avoit régné'
après Ta mort par une faveur particulière
de la Providence, dont il étoit le feu!
exemple (47).
Mais ce prétendu règne n’étoit qu’une Fa&ions à
la Cour.
comédie ; &c l’on s’apperçut bientôt que
le plus abfolu des Monarques fait rare­
ment reipeéter les volontés dès que les
peuples n’ont plus rien à efpérer de la
faveu r, ou à craindre de fon reflenti-
ment. Les Miniftres’ & les Généraux qui
avoient plié le genou devant les relies
inanimés de leur Souverain, s’occupoient

(4 7 ) Funus rdatunt in urbem f u i n om in is, qttod fa n e


Aurelius Viâor. Conftantin avôit
P . R . égregium tù liu
préparé un magnifique tombeau pour lui dans l ’églife
des Saints Apôtres. Eusêbe, L xv ? c* 60. Le meilleur
^écit, & prefque le feul que nous ayons de la ma­
ladie, de la mort & âçs funérailles, de Conftaiitïn,
fe trouve dans le quatrième Livre de fa vie par
Eüsèbe,
Tome I V . O
u o M ijloiredeladë'cadm çe
fecrèteinent des moyens ' d’exclure les,
neveux Dalmatius Se Hannibâlianus, de
la part qu’il leur avoir aifignée dans la fuc-
ceffion de l'Empire. N ous n’avons qu’une
connoiiïance trop imparfaite de la Cour
de Conftantin, pour pénétrer les motifs
réels qui déterminèrent les Chefs de cette
confpiration ; à moins qu’on ne les fup-
pofe animés d’un efprit de jaloufle &
de vengeance contre le Préfet Ablavilis,
favori orgueilleux qui avoir long-temps
dirigé, les Confeils ôe abufé de la con­
fiance du dernier Empereur. Mais on con­
çoit aifément les argumens qu’ils durent
employer pour obtenir le concours du
peuple Se de l’armée. Ils en trouvèrent
dont ils pouvoient fe ièrvir avec autant
de décence que de vérité, dans la fupé-
riorité de rang due aux enfans de Conf­
tantin , dans le danger de multiplier les^
Souverains, Se dans les malheurs dont
la République' étoit menacée par la dif-,
corde inévitable de tant de Princes ri­
vaux , qui nétoient point liés pat la
de TEtnpir& Rom. C h â *. X V III.
*■ _^ v- r j\ '■ ] '

ivmpathie de l’aflfeéHon fraternelle. Cètté"4


intrigue * conduite avec- zèle, fut ténue*"
fecrète jufqu’au moment où l’armée dé­
clara d’une voix unanime qu elle ne fouf-^
friroit pour Souverain dans l’Empire que
les fils de leur dernier Empereur (48). }
L e jeune D alm atius, auquel on ac­
corde une grande partie des talèns du
grand Conftantin, étoit lié avec fes cou-*
fins autant par l’amitié que par l’intérêt, '
Il ne fèmble pas qu’il ait pris en cette*
occafion aucune mefure pour foutenir
par les armes les droits que lui Sc- fon
augufte frère tenoient de la libéralité
de leur oncle. Etourdis 6c accablés par
les cris d une populace en fureur * ils
ne pensèrent ni. à faire, réiîftance, ni à.
s’échapper des mains de leurs implacables
ennemis. Leur fort demeura incertain
jufques à l’arrivée de C onfiance, le ie-

(48) Eusèbë (X. i v , c. 6.) termine, fon récit par ce


témoignage de h fidélité des troupes * & il a foin de
&&XG le maifacre qui fuivit*

O ij
iiïr -JS^oire 'dé. la d éca d en ce
cond fils & peut-être le phis, favorifé de
Conftantin (4 f)>;
M a fTacre . voix de l'Empereur m arrant avoir
dei Princes/
recommandé le foin d§ fes funérailles,
àr la piété de: G oiiftanceii ÔÇ ce Prince,
par ja proximité de fâ. réfid^çice, pouvoir
aifëment prévenir l’arrivée, de- fes frères,
dont l’un éroit en Italie l’autre dans,
. les Gaules.. Quand il eut pris poilèffion
du palais de ConftancinQple, fon premier
foin fut do tranquillifer fes coufins en fe
rendant caution de leurlfureté par un
ferment folennel, 8t le . fécond fut de
trouver un ^prétexte fpéçieux qui pût
fantorifer à-y tfnariquer. La. perfidie vint
feçonrs de, la cruautéy :M le plus

. uir0PlUS Ç % >9*3 a fait qn portrait avàrïtageux/


en péù de mots/ dèr I>aïibâritiéH
jHpjfeernmâ mèjpu&pâxruo aBfimilï$y h a v £>Mu l i Ù^
pqst , oppreffus ejl facüone militari, Jérôme & la Chro-
d'Alexandrie ■ indiquent" fo tTtrïffèffle* afinée dit
^ re commença quku%13^ouju ^Septembre
4 * % 3 37 ; ii..f
plus de quatre mois,' * ‘ /s
de l*Empire Rom. 113 ;
- odieux mènfonge fut a tte lé |>at l’h &mmei
;le plus vénérable par la fainteté de foji
miniftèré. Confiance xeçut un ddrijeiïe
i rouleau; des mains de : BEyèque de isJi-
. com édie, & le Prélat affirma qu’il con~
tenoit les dernières volontés de Ton père.
- L ’Empereur y arinonçoit ie iôùpçori d’a­
voir été empoiibnné .par^fâs frères ; il
-conjuroit Tes fils de venger fa m ort, &:
. de pourvoir à leur pioppe sûreté par le
j châtiment des coupables Les >rai-
- fons que ' ce* malbëurfiï-?:'#rlnoesii.aUé-
• guèrent pour défendre lëu t honneur 8c
leur vie contre une accufation auflî peu
croyable, ne furent point écoutées. Les
clameurs des fold.ats leur imposèrent
* filence , & ils furent *à 4 a fois leurs

(jo) J’ai rapporte cette finguliére anecdote d’après


Philoftorgius 1.‘ ï ï , c. 16. -Màîs îi Cotiftantin &~ tes
adhérens firent jamais valoir un pareil prétexte- jls
J renoncèrent avec mépris dès qu’ils eut rempli,. leur
^déffein immédiat. Athanafe3 t. j , p. 8f è , parle du
ferment quavoit fait Goniiüntiii fur la sûteté ■de fes
;parens. tt ■-, ■ .
1 i. /.

O iij
: a14 Hïftoire de la décadence
ennem is, leurs Juges & leurs bourreaux,
¡tes Loix & toutes les formalités de la
Juftice furent continuellement violées
dans le maflacre général qui enveloppa
les deux oncles dé Confiance & fept
de fies confins , dont les plus illuftres
étoient D'almatius. &c Hannibalianus, le
j ¡Patricien O ptatus, qui avoit époufé la
:fœur du dernier Empereur , & le Pré­
fet Ablavius, qui, par fa puiiTance 8ç par
fes richefïes, avoit conçu l’efpoir d’ob­
tenir la pourpre. Nous pourrions ajou­
t e r , fi nous ¡ybulions augmenter l’hor­
reur de cette fcène fanglante, que Conf­
iance avoit époufé lui - même la fille
de fon oncle: Julius, & qu’il avoit donné
fa fœur en mariage à Hannibalianus.
Ces alliances , que la politique de Conf-
tantin, indifférente pour le préjugé du
¿peuple , avoit formées entre les diffé­
rentes branches de la M aifon Impériale t
prouvent feulement que ces Princes
étoient auflî infenfibles à l’affeéHon con­
ju gale, qu’ils étoient fourds à la voix
de VEmpire Rotti C hàp. XVIII. f t y
du fang & aux fupplicatìons d’une jeunffè
innocente (51). D ’une fi nombreuie fa^-
m ille G a llu s & Ju lien , les deux plus
jeunes enfans de Julius C onftantius,
échappèrent ièuls aux féroces ailàflins.
O n les fauva, dansTefpérance que leur
fureur fe ralentiroit quand elle fer oit raf-
faiiée de carnage. L ’Empereur Coni-
tance, qu i, pendantl’abiènce de fes frè-

(51) Conjugia fobrinarum diu ignorata, tempore addito


ptrcrebuijfe. T a cite \ Annales x i i , 6 , & Lipfius , ad
loc. La révocation de l’ancienne Loi & un ufage de
cinq cents années ne fufFirent pas pour détruire les
préjugés des Romains, qui regardoîent toujours un
mariage comme une efpêce d’incefte entre les confins-
germains (Auguftin. de C iv ita te D e ix v ,6 . & Julien,
que la fuperfiitîon &rie relTentimentrendoient partial,
donne à ces alliances Fépïthèfe ignominieufe de ytipcw
(Ûrat. 7 , p. 228. ). La Jurifprudence C a ­
nonique a depuis ranimé & renforcé cette prohibition ,
fans pouvoir l'introduite dans la L o i C ivile & la Loi
commune de l’Europe* Voyez* fur ces mariages T a y -
\ùws Civil L a m / p . 33Ï. Bronèr, de Jure Connub*
T. i l , c. xi. Héricourt ,^des Loix Eccléfiaflaques, part,
riii, et 5. Fleury , Inftitution du Droit Canonique, t,
i , p . 351. Paris 1767 ; fic Frapaolo-IÎkn'îa-del C on­
cilie Trident. 1. v in . . * \ v
O iv , A:
z 16 Hijîoirc de la decadertce
res, ie troüvoît chargé du crime & du
reproche, fit paroîtrç dans quelques oc-
cafions un remords fojble & paiTager
3es cruautés que les perfides confeils de
fes Miniftres & Ta violence irréfiftible
*
des foidats avoient arrachées à fa crédule
jeuncfle (52).
Diviiïoü de L e maflacre de la race Flavienne fut
rEmpirfi*
A. D. 557* fuivi d’une nouvelle divifion des pro­
Sept. :i*
vinces , ratifiée dans une entrevue des
trois frères. C onftantin, l’aîné des Cé-
fars , obtint , avec une. certaine préé­
minence de rang , la poiïèffion de la
nouvelle capitale qui portoit fon, nom
èc celui de fon père. La Thrace & les
contrées de l’Orient furent 'le patrimoine

(?2) Julien (A d S. P, Q . Athen. p, v?o. ) reproche


à Confiance, ion coufin, le maflacre dans lequel il
manqua de perdre la vie. Athanafe, qui, par des; rai-
ions très-différentes, avoir autant d’inimitié pour Confi
tance ( T . i , p. 856* ) , confirme cette aflertion, Zofime
fe réunit -à eux dans cette .açcufatipn ; majs les trois
Abrévîateurs, Eutrope & les deux V iâors ,diient : » 5 i-
' * nent,e podus quant juhente ce. , ** Incertum quo fi***
» fore u .,,, « f'ï militum te,
de PEmpire Rom. C hap. XVÎTI. *17 ■
de C onfiance, êc Confiant fut reconnu
légitima Souverain de l’Italie, de l’A r :
frique, Sc de l’Illyrie occidentale. L ’ar­
mée foufcrivit à ce partage, & après
quelques délais, les trois Princes dai­
gnèrent recevoir du Sénat Romain le
titre d’Augufle. Quand ils prirent en
main les rênes du Gouvernem ent, l’aîné
.étoit âgé de vingt SC un ans s. le fécond i
de v in g t, Sc le troifième de dix-huit (53),
Tandis que les nations belliqueufes Sdpor>Roi
de l’Europe fuivoient les étendards de A , D .3 1 0 c
fon frère, Goiiflance , à la tête des
troupes efféminées de l’A fie , étoit chargé
de tout le poids de la guerre de Perle.
A la mort de Conflantin, le trône étoit
occupé par Sapor s fis d’Hormoux ou
Hormifdal > St petit-fils de N arrés, q u i,
après ja victoire de, G a lè re , avoir re-
'*■■!-'. 1——r- —r— ---- ---------- -
(5,3) Eusèbe j in Vit; Conflantin. L i v , ç . £¡9. Zo-
Îm e , 1. 11, p. n y . Idat. in Chron. V oyez deux No­
tes dé Tülem ont, Hiftoire des Empereurs , t. 4 , p. :
*1086-1091; La Chronique d?Alexandrie fait feule men­
t o n du règae du frèrp aisé à Çonftantiabplç.

i
aiS Hijîoire de la décadence
connu la fupériôrjté des Romains. Quoi­
que Sapor fût dans la trentième année
de Ton règne, ii étoit encore dans route
la vigueur de la jeuneiïè ; un fait aiTez
iînguîier avoit rendu la date de fon avè-
nement antérieure à celle de fa nai {Tance.
La femme d’Hormoux étoit enceinte
quand fon mari mourut, & l’incertitude
de l’événement & du fexe de l’enfant
qui devoit naître , excitoit les ambi-
tieufes efpérances des Princes de la Mai-
fonde Saiian; mais les Mages firent à la
fois ceffer leurs prétentions & les craintes
de la guerre civile dont on étoit me*
nacé, en aiTurant que la veuve d’Hor-
moux étoit enceinte 8c accoucheroit
heureuiement d’un fils. D ociles à la voix
de la fuperftition, les Perfans. préparè­
rent fans différer 1a cérémonie du cou­
ronnement. La Reine parut publiques
ment dans fon palais , couchée fur un
lit magnifique ; le diadème fut placé fur
d’endroit où l’on fuppofoit le futur hé­
ritier' d’Artaxercès, 8c les Satrapes prof
de l ’Em pire Rom. »Chap, XVIÏÎ. 219 '
ternés adorèrent la majefté inviiîble de
leur imperceptible Souverain (54). Si Pon
peut ajouter foi à ce conte iurpreriant, qui :
paroît moins incroyable d’après les mœurs
de la nation 8c la durée extraordinaire
de ce règne, nous ferons forcés d’ad­
mirer également le bonheur 8c le génie
du R oi Sapor. Elevé dans l ’enceinte fo
litaire d’un haram , le jeune Prince fentit
- l’importance d’exercer la vigueur de fon
corps 8c celle de fon efprit, & il fut di-
gn e, par fon m ériteperfonnel, d’un trône
; fur lequel on Pavoit affis avant qu’il puç
connoître les devoirs 8c les dangers du
pouvoir abfolu. Sa minorité fut expo fée
aux calamités prefque inévitables de dif-
corde inteiline ; fa capitale fut furprife
" ■' 1 11 ---------------- ' ---------------- '■ ' — -- ~~“Jn / - > I

0 *4) Agathiâs v qui


yîvoît au fixicme iiècle, rap­
porte cette hiftoîre ( L , i v , p, 135, édit, du L ou vre.).
Il Ta tirée de quelques extraits des Chroniques deP erfe,
que : Finterpréte^Sergîus s^étoit procurés & avoit tra­
duit' durant fon ámbaífade à certe Cour. Schikard
(Tarikhrj p; n 6 , ) , & d’Hsrbelot (Bibliothèque Orien-
talc j p. 763, } , p a rlâ t auÎÇ du eoftroûnemènt de la
jnère de ¡Sapor*
: " i i ,r •-' , -V ...: i î - i , - * - - - .■■£' !

' izo Hijîoire de l à décadence


6c pillée pat T h a ïr , puiflant R oi d’yé­
men ou d’Arabie ; Sc la majefté de la
Famille Royale fut dégradée par la cap­
tivité d’une Princefïè , ibeur du dernier
..Roi (5 5). Mais aulft-tbt que Sapor eut at­
teint l’âge de v irilité , le préfomptueux
T h aïr , fa nation & ion royaume fuc-
combèrent fous le premier effort du
; jeune Guerrier, qui profita fi habilement
de fa viékoire, que par-un judicieux mé­
lange de clémence 6 c de rigueur., il ob-
•tint de la crainte Ôc de la rècônnoiffance
des Arabes y le furnom de Doulacnaf ou
j Proteébeur de la nation (56).
Etat de la
Mcfopotamic
Le Monarque Perfan , dont les enne-
& de l’Ermé
aie* é" mis reconnoiffent les talens politiques

(y ï) D ’Herbelot, Bibliothèque Orientale, p. 764.


H

(56) SextusRufus dans cfette occafien,


■, n'eft pas une autorité méprifable, affurç que les Per-
fans demandèrent en vain la p a ix , 6t que Conftantm
fe préparait à jnarcher contre eux. Mais lé témoi­
gnage d’Eusèbe, qui a plus de poids, nous obligé à
admettre les préliminaires # finon la ratification du
. : traité ( Vpyçfc T üleinont, Hift. dés Empereurs » t, 4>
P* 4*o)« / .
de P Em pire R om . Chap. XVIII. n i,
& m ilitaires, avoit la haute ambition.V'
de venger la honte de fes ancêtres, ô£
d’arracher aux Romains les cinq pro-|
vinces fituées au delà du Tigre. La briln
lante renommée de Conftantin , & les*
forces réelles ou apparentes de fes Etats ^
fufpendirent Tentreprife ; Ôc tandis que
ià conduite irrégulière éxcitoit le ref-‘
fëntiment de la Cour Impériale, il par-
Venoit à Je calmer par des négociations
artificieufes. X a mort de Conftantin fut
le lignai de la gu erre, & l’état de né-;
gligence dans lequel étoient les frontiè-.
res de Syrie & de M éfopotam ie, fem-.
bloit promettre aux Perfans de riches
dépouilles & une conquête facile. Les
maiïàcres du palais avoient répandu l’ef-
prit de licence &c de fédition parmi les
troupes de l'O rie n t, qui n’étoient plus
retenues que par une obéiflançe d’ha-r
bitude pour leur vieux Commandant.:
Confiance eut la prudence de retour­
ner fur lesbords de l’Euphracë, auiîî-tôc
après fon entrevue avec fes frères en
Jfjfîoire-âê ta. dk'cm&ieè
Pannonie, & les iégions. rentrèrent. peti
à peu dans ieur devoir;*
profité düm ofnent d’anarchie pour for--
iner le fiége. de Nifibis., èc s’emparer
des plus imporcantes .places.de la Méfo-.
potamie -(57^ E n Arménie s-de;lfaftìèuXi
Tiridate >jouiiToit depuis iong-tem ps dei
la paix ÔC de la gloire que méritpient fai
valeur & fa fidélité : pour;, les Romains.!
Sa fol.ide alliance avec 5Gonftaritin lui'
avoir procuré uù avantage infiniment;
préférable au fuccès de. les armés. La
eonverfion de Tiridate ajbutoit le nom,
de Saint à celui de H éros, & la Foi
Chrérienne, prêchée & établie depuis*
l'Euphrate. jufqu’aux rives de la mer
Cafpienne, attachoit l’Arménie à l’Em­
pire par le double lien de la politique
& de- la Religion ;, mais la tranquillité
publique étoit troublée par quelques no­
bles Arméniens qui refufoiént encore d’a-
bandonnefoleurs D ieux iSc leurs femmes.*
. , .. î . . î. |_ ' ■'1

- r- ■ ( , '■
(î 7) JuUea, .Orat* i , p. 20. ’• •' :
de V EmpireÆn/Sj*. C h a ,î . X V III. 113
Cette fa&ion turbulente infultoit à laÎÇl:
caducité du M onarque, fit attendoit im ­
patiemment l’heure de fa mort. Il cefla
de vivre après un règne de; cinquante^;
fix ans , & la fortune du royaume d’Ar*
ménie fut enièvelie avec Tiridate. Son
, * * . -r -

légitim e héritier fut banni; les Prêtres


Chrétiens furent ou im m olés, ou chaiTés
de leurs églifes; les barbares tribus d’A l­
banie forent appelées, fit les deux plus
puiiïans Gouverneurs, ufurpant les lignes
de la royauté , implorèrent l’affiftance
de Sapor, ouvrirent les portés de leurs
villes, fit reçurent des garnifons Per-,
fanes. Le parti Chrétien fous la conduite
de l’Archevêque d’Artaxata , fucceileur
immédiat de Sainte Grégoire l’Illum iné,
eut recours à:< la piété de Confiance. '
Après des défordres qui durèrent trois
ans, Antipchus , un des Officiers de
l’Em pire, ,>exégut|j avec foepès jja ;çom-
miflSoji qubduiduticopfiée ^ de, remettre
Chofroès * fils de. T irid ate, fur le .trône
<r%

2.14 ' '


liffoiré
de les pires:* de ’ HiftHÎSiièr ; ¿fës ïtôniiëttr^
ëc des rëcompènies âux fidètes ferviteurs
de la Màiftm d’ÀrfaCé-, & de publier
Une ahîniftie générale ¿ ;quirfut acceptée
par la plus grande partie des Satrapes
rebellés.- Mars lés RôtôaînS tirèrent plus
d’honneur que d’avantage de cette ré-
volutïoni Chofroès, Prince d’une petite
ta ille, ayoit; le corps foibÎe •& l?èlpriï
pufillaüime ; incapable de* füppdrter les
fatigues dé dà guerréj & déteftabt la io-
c ié té f il quitta fa capitale;-'& fé retira
dans un palais qù’il bâtit1ait’ milieu d’un
bocage;épâis\'&/fqlitairé;i.-di& i l crécré<>ii
fa mépriiàblè' apâthié' par ¿butés les dif­
férentes cfpècès de chafle, tantôt avec
des chiens, S£ tantôt,'éVéc dèirfbiiéaux.
Pour s’en ménager le lotfîr y i f accepta
les conditions déip^jt qu ’il plüt^à Sàpor
de lui impofer , ôc'coniehtant'a payer
Un tribut arihüély i f lÛf-iÉîitua llâ ffcÈe
provincé d’At£opâtèfoe;;é|déi;Ià yàleut de
Tiridate “ôc ‘ !«ie
..V---* Galère
de V Empire J?on3^CiHAi>. X V IIÏ. xiyj
<5âlëre avbient atifleiÊéë k
: A rm én ien n e* (5 8). ' : ^
Pendant la ¿onffüé datée du règne
, a 0 4 Perle. ;
• Confiance * les pfovinGês de 1 O r i e n t 3*7*
eurent beaucoup à foftflrir de la gtiérre
contre les Perfans. Les ihcuriïofis d e i
croupes légères femoient le ravage & la
terreur au delà du T igre & de l’Euphrate* .
des portes de Ctéiiphon à celles ,d’A n ­
tioche. Les Arabes du déièrt écoient-
chargés de ce ierviee a£bif. Divifes d’in ­
térêts & d’afïè&loBS;, quelqüës-uKs de
leurs Chefs indépepdans tenoient pour le
parti de Sapor, & d ’âutrés avoient engagé
, *
f " ...... >
■■■ »■ -' i < j*.

(58) Julien, Orat. r , p. 20 , z i . M ofes, de Chorene,


î. Il c, 8<l; 1. 3 > c, 1-9, p .,226*240. L ’accord par-*
fait qu’on remarque entre le$ mots vagues de l’Ora­
teur contemporain, & le récit détaillé de i’Hiftorierv
national, jette du jour fur ' les paftages concis^,de FO-
rateur , & ajoute du poids aux détails de FHiftorien. Il
faut obierver , à l’avantage de Mofes , qu'on trouve le
nom d’Àntiochus^ peu d’années auparavant, dans la
lifte de ceux qui exerçoierit un emploi c iv ild ’un rang
inférieur. V o y e z G od efroy, Cod. Théodoft t. 6 , p*
3 î< * .........
IV 4P
■ -'■ ixé 'B ifloin dt la décadence
à l’Empereur leur douteufe fidélité (59).
Les opérations de guerre plus férieufes &
plus im portantes furent conduites avec une
égale,vigueur, & les armées Perfanes &
Homainesdifputèrent lé terrein dans onze
journées fanglautes, prefque toujours dé-
Batail'cde favorables aux Romains (6q). Confiance
Singara.
A. IX 348* - '

(59’) Ammlen ( x i v , 4 :) fait une defcription ani­


mée de là vié errante de ces voleurs Arabes, -qu’on
trouvait d,es confins de l’Arabie aux catara&es du
Nil* Les aventures de Malchus s racontées par Jé-
rôme d’une manière fi agréable, font croire'que ces
voleurs infefioient le grand ^chemin entre Bèrée &
Eddie. Voyez Jérôme,-1. 1 , p. 256.
(60) Eutrope ( X , 10 .) nous donne une idée gé­
nérale de la guerre : A Perfis enim multa & gravta
p erpc(Jils j Jœpe captis oppidis , obfejjzs urbïbus 3 c&fis mer-
cifibus y nidlumque tï contra Saporem projperum prdium
fu ît, niJI quoi apud Sîrtgaram , 8tc. Cette afiertion im­
partiale fe trouve confirmée par quelques !mots d^Am-
mien, de Rnfus & de Jérôme. Les deuk premiers
Difcours de Julien & le troifiême de Libaniüs pré-
fentenf un tableau plus flatteur j maisMa rétraflation
de ces deux Orateurs, après la mort de Confiance,
avilit leur cara&ère & celui de l’Empereur, en même
temps qu’elle rétablit la vérité.' Spanheînl a été" pro­
digue d’érudition dans fon Commentaire fur lé pre-
èt VEmpirt'MùA. GhapIX V lIt %i^:
commanda deux fois ,en perfonne j & »
la bataille de Singara, la valeur indocile
de fes foldats donna une victoire prefque
complète &C déciiïve à fon ennemi* Les
troupes qui occupoient Singara iè retirè­
rent à l’approche deSapor» C e Monarque
pada le^Tigre fur trois p o n ts, Sc campa
près le village de Hilleh dans une poiition
avantageufe. Ses nombreux Pionniers
l’environnèrent, en un feul jo u r ,,d ’un
fofle Ôc d’un rempart» Lorfque fes innom­
brables foldats etoient rangés en bataille,
ils couvraient les bords de la rivière, les
hauteurs voiiines, & t o ute l’étendue d’Une
pleine de douze milles qui féparoit. lés
deux armées. Elles déliraient le combat
avec une ardeur égale ; mais après une
légère réiiilance, les. Barbares prirent la
fuite qp défordre, foit qu’ils ne puiïènt pas
foutenir le choc des Romains , ou dans
l’intention de fatiguer les pefantes légions,
' . *' ï
rV ' ^* ' 1 '* ' ' ' ' 111 -*■ ' 1■" '■ -*~jt
mier DUctiurs.de Julien. V o y e z aufli les obfervatioijs
judicieufes de^Tillemont, Hift. des Empereurs t. 4 ÿ
p, 656. :
p ij
■ iz S Hijloire .de la décadence
qui, accablées par la jfoif Qc par la chaleur,
les pourfaivirent dans la plaine, 8c dé-
‘ firent entièrement un corps dè cavalerie
armée de toutes pièces, pofté devant la
porte du camp pour protéger la retraite.
' Confiance, entraîné lui-même dans la
pourfuite, tachoit inutilement (¿arrêter
rimpétuofité de lès foldats, en leur repré-
fenrant les dangers de la nuit qui appro-
ch oit, 8c la certitude de compléter leur
fuccès au point du jour. Se fiant plus à leur
propre valeur qua l'expérience ou à l’ha-
bileté de leur Chef, ils impofèrentfilence
parleurs clameurs à fes luges remontran­
ces , s’élancèrent dans le fo lle, 8c fe répan­
dirent dans les tentes pour y réparer leurs
forces épuifées & jouir du fruit de leurs
travaux. Mais le prudent Sapofguettoic le
moment de la viéïoire. Son airméq, dont
la plus grande partie, fecrétement portée
fur les hauteurs , ¿toit reftée fpédatrice
du com bat, s’avança en filence à la faveur
de l’obfcurité ; 6c lès Archers Pérlàns,
guidés par là clarté du cam p,¡lancèrent
àe P Empire Rom. C h a p . X Y I I I . %
line grêle de traits fur cette foule errante
Sc défarmée. Les Hifloriens (61) avouent
qu’il y eut un grand carnage de Romains *
& que le refte des légions fugitives
n’échappa qu’en s’expofanc à des peines
& à des fatigues intolérables. Les Pané?
gyrlftes même conviennent que la gloire
de l’Empereur fut obfcurçie par la défo-'
béiflance de fes foldats ; & ils rirent le
voile fur les détails de cette retraite
humiliante. Cependant un de ces Orateurs
mercenaires, fi jaloux de la renommée de
Confiance, raconte avec |a plus froide
indifférence une action fi barbare, qu’au
jugement de la poflérité, elle doit impri-
■ œê fur l’Empereur une tache infiniment
plushonteufe que celle de fa défaite. Le
fils de Sapor & l’héritier de ia. cou­
ronne avoit été pris dans le camp des
Perfes. C e jeune infortuné, qui auyoit
obtenu la compafliqn de l’ennemi le

(61 ) Acerrim a noàum â concertdtione pugnatum e fl, nof-


trorum copiis ; ingenti ftrage confoj/is, A m m ie n , X V tri ^
ï . Voyez auffi Eutrope, x r 10 , & S. Rufiis c.
P iij
\

: jio Hijîùîre de Mde'cad&nèe


plus fauvage, fut fuftigc, mis à la torture,
& publiquement exécuté par les Barbares
Romain (6
Quelques avantages .que Sapor eut
obtenus par neuf vi&oires confécutives
qui avoient répandu chez les nations la
la renommée de fa valeur & de fes ta*
lens m ilitaires, il ne pouvoir cependant
efpérer de réuffir dans fés defleins, tandis
que les Romains conferveroient les deux
Villes fortifiées cte la M éfopotam iê, ôc.
fur-tour l’amaciene & forte cité de Nifi*
Aa. o.ni. kiS' Dans l’efpace de douze ans, Nifibis,
î4«>, ¡s°- regardee avec rai ion, depuis le temps dè
iu cu llu s, comme le boulevart de l’Orient,
foütint trois fiéges mémorables contre
toutes les forces de Sapor ; & le M o­
narque hum ilié, après, avoir inutilement
renouvelé fes ' attaques pendant 6ù >
. 80, & 100 jours , fut contraint de fe
retirer trois fois avec perte & igno*

(62) Libanins, Orat. ui , p. 133 ; & Julien , Orat-,


l,-p v 24; & le Commentai^ de Spanheim,|r. 175*. >
de l'Empire Rom. C hâp. XVIIL i j t
minie (63). C ette ville vafte & peu-;
plée étoit iîtuée à deux journées du
T ig r e , dans le milieu d’une plaine
agréable & fertile, au pied du m ont Ma-
iius. U n foiTé profond défendoit fa tri­
ple enceinte conilruice en briques (64I,. ;
& le courage indomptable des citoyens *
iecondoic la réiiftance intrépide du
Com te Lucilianus & dé la garnifon.
Les habitans de Nilîbis étoient animés
par les exhortations de leur Evêque (65 ) ;

(63) V oyez Julien, O ra t* ;i, p* 27; Qrat. i l , p*


6 2 , &c. avec le Commentaire de Spanheîm , p. 188'
202 , qui éclaircit les détails & fixe l’époque des
trois fiéges de Nïfibis. Trllem ont'( Hifl. des Empe­
reurs, t, 4 , p. 668, 671,, 674.) examine auffi les
dates de ces lièges. Zofime ( L . m , p. 151. ) & la
Chronique d’Alexandrie, ; p. 29a , ajoutent quelques
faits fur ces différens points.
(64) Sallufte, Fragment LXXXtv , édit, de Etoffes*
& Plutarque, in Lucull. t. 3 , p. 184. Nifibis n’a plus
aujourd'hui que cent cinquante maiioris. Ses terres mai
récageufes proÎbifent du riz-, Çc fes fertiles prairies
jufqu’ à Moful & jufqu’au Tigre r font couvertes de?
ruinés de villes & de villages* V oyez Ntebuhr, V o y a ­
ges, t*. 2 , p. 300-309. .
(6j) Les miracles que Théodofet (L* i f , c. $o.ÿ
P iv
%it ■ ■-lïtjlpjirç-efe ta décadent ' :

endurcis à la fatigue des armes par l’ha­


bitude du danger , 8c perfuadés que
l’intention de Sapor étoit de les em­
mener captifs dans quelque pays éloi­
gné, 8c de repeupler leur ville d’une
colonie de Per fan s. L ’événement des
deux premiers fiéges avoir augmenté
leur confiance v & irrité l’orgueil du
grand R o i, qui avec toutes les forces
réunies de la Perfe 8c de l’Inde , sa-
vançoit une troifième fois pour atta­
quer 'Nifibis. L ’intelligence fupérieure
des Romains rendoit inutiles toutes les
machines ordinaires , inventées pour
battre ou pour iaper les murs ; 8ç bien
des jours s’étoient paffes fans fuc-
c è s, quand Sapor prit une réfolution
digne d un Monarque Oriental, qui croît

attribue à Saint Jacques, Evêque tfEdeffe^ fe Etentdu


moins pour une digne caufe-, pour îa*défenfe de iotf
pays* U parut fur les murs fous la figure d’un Empe­
reur Romain. Il lâcha dès millions de coufms, qui pi­
quèrent les éléphans & mirent ea déiroute Tannée du
nouveau Sençackèrüu r : r
de P E n ip ire Roty- C hap. XVTII» 233s
que jufqu’aux .éléittpns •.doivent obéir s
jfes ordres. Dans la faifon où les neiges
de l’Arm énie comm encent régulièrement;
à fondre tous les a n s l a rivière de M ig -
donius, quifépare la ville de Nifihis de la
p lain e, form e, comme le N il (<?<>) , une
inondation fur les terresadjacentes. A force
de travaux, les Perfans arrêtèrent le cours
de la rivière au deilpus de la ville j &c
de fojides montagnes de terre furent éle­
vées pour retenir de tous côtés les eaux.
Sur ce lac artificiel, une flotte de vaif-,
féaux armés , chargée de foldaçs & de
machines qui lançoient des pierres du
poids de cinq cents livres, s’avança en
ordre de bataille, 8t copabattit prefque.
de plain-pied les troupes qui défendoient,
les remparts. La force irréfiftible des eaux

(6if) Julien ? Grat. t , p, 27. Quoique Niebyhr ( T .


p. 307.) donne une étendue confidérable au M yg-
donius fur lequel ib vit un pont de dou^e arches / i l
eft difficile cependant d*imaginer qu'il a eu raiion de.
comparer cette petite» rivière à un grand fleuve, II y
a piufleurs détails obfqurs & prefque inintelligibles
dans ces immenfes travaux fur le lit du Mygdonius^ L
134 Hijloirc de la décadence.
fat alternativement fatale aux deux par­
tis. Le mur ne pouvant foutenir un poids
qui aügmentoit à chaque inftant, fut
renverfé, ô£ préfenta une énorme brè­
che de cent cinquante pieds de longueur.
Le Perian commandoit l'aflaut,. 6c l’évé­
nement de cette journée devoit décider
du deftin de Nifibis. L a cavalerie , pe-
famment armée , qui conduifoit la tête
de la co lon n e, s'embourba dans le li­
mon des terres délayées, & un grand
nombre fut englouti dans des trous re­
couverts par les eaux. Les éléphans, fu­
rieux de leurs bleflüres, augmentoient
Je défordre, & écrafoient fous leurs pieds
des milliers d’Archers Perfans. Le grand
R o i, qui , de la hauteur ou l’on avoir
placé fon trô n e , contemploit avec in­
dignation le mauvais fuccès de fon en-
treprife , fit à regret donner le iîgnal
de la retraite, & fufpendit l’attaque jus­
qu’au lendemain. Mais les vigilans ci­
toyens profitèrent avec activité des om­
bres de la nuit , ôc le lever de l’aurore
de FEmpire Rom. C hap. XVIII.
découvrit un nouveau mur déjà haut Hé
lïx p ied s, qu’ils continuoient à élever
pour remplir la brèche. Trom pé dans
Ton efpéranee , Sapor ne perdit point lé
courage; &" malgré la perte de. vjffgt
mille hom m es, il continuoit le fiégé de
Nifibis avec une obftinarion qui ne pou-
voit céder qu’à la néceiïîté de défendre
les province? orientales de la Perfe con­
tre la formidable invafîon dès M'aiTagè-
tes (67). Alarmé de cette n ou velle, 'il
abandonna lë liège précipitam m ent, 8c
courut avec rapidité des bords du T igre
à ceux de l ’Oxus. Les embarras 8c lé
danger d’une guerre contre les.Scythes,
l'engagèrent bientôt à conclure ou du
moins à obfêrver une trêve avec l’Em­
pereur. Elle fut également agréable à
l’un 8c à l’autre de ces Monarques, C onf-
-■ "■
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(67) G*eft Zonaras (T< i , 1. xm , p. zi,) ¿|uî ra­


conte çette invaiion des Maffagètes , laquelle eft bien
Raccord avec la férié générale des évênemens,, que
THiftoire interrompue d’Ammièn fait, entrevoir d1üue
Manière ofefçurc* , .
ty 6 Hifîoire de la décadence
tance fut férieufemerit occupé, après la
mort de fes deux frères, des révolutions
de l’Occident 6c d’une guerre'civile qui
demandoient 6c fembloient furpaiTer les
plus vigoureux efforts de fes forces réunies.
Guette ci­ Trois ans s’étoient à peine écoulés
vile, & mort
de CoxffUii* depuis le partage de l’E m p ir e ,^ déjà
tia.
f A* D. *40. les fils de Conftantin t. inhabiles à gou­
Mari»
verner leurs vaffes E tats, fembloient im­
patiens de prouver - qu’ils ne .fiiff foient
point à lçur ambition. L ’aîné de ces
Princes fe plaignit qu’il n’ayoit pas allez
profité du meurtre de les couiins, & qu’on
avoir fait de lçurs dépouilles une répar­
tition inégale ; il ne réclamoit rien de
Confiance, qui avoir à les yeux le mérite
-de l’exécution ; mais il exigeoit de Conf­
iant la cefilon des provinces d’A fri que,
comme un équivalent 4es jpc&es contrées
4e Çrèçe 6c de .Macédoine j qui! avait
obtenues. 1 la mort 4 e Palwatius- Irrité
du peu de fincérité d?une longue & inu­
tile négociation, Conftahtin fuivit les
confeils de fes favoris, qui jtâcbQtdnt *lé
: ■ ■ ; " - ■ .. ■- ' ' ->
' '■ -■ . -■ ■ V;'
. ■ : -■! -U;;

de VEmpiré JRom. Chàp.XŸIII. -t 3fflc


lui perfoader que fon honneur & =forint
intérêt lui défendoieàt également d’a - | ; ! J:f :
bandonner cette réclamation. A la tête1 t _ .. ,

d’un mélange confus de foldats tumul- (


tuairement aflettiblés' * il fondit for ï e ÿ ■)■■'
Etats de Confiant $ §t fit tomber for les
environ^ d’ Aqüiléê» lés premiers ' effets*-,
de fou rëflentimént. t é s meforfes* dé"
C o n fian t, qui réfidoit alors èn D a c ie ,
furent dirigées avec plus de fageifo &c
d’intelligence; Ayant appris l’invafion de
fon frère , il détacha un corps choifi &C:
difciplinéde troupes Illytiennés, qu’il fe!
propofoit de foivrè lui-même avec le rëfle
de fes forces. Mais la conduite de fies -
Lieutenans termina êette querelle déna- '
turée*. En feignant artifieiëüfoihènt de fuit
devant Conftantin5-ilsl’attirèrent^ ns une
embufeade àu milieu d’un he>is, £ è jeune
Prince matifocéinpagné fut fo rp ris,e n - : '
vironné, èt paya de fa tête fa fatale im­
prudence. 'Q u an d ori eut retiré fort corps
des eaux boürbeufës de l’A lf a , on le
dépofa dans un fépulcre impérial y mais
13 8 Hifioire de la décadente
íes . provinces reconnurent le vainqueur
pour maître, & firent le ferment de fidé­
lité à C onfiant, q u i, refufant de partager
fes nouvelles acquifirions avec fón frère,
pofTéda fans conteftation plus des deux
tiers de l’Empire Romain (68). La punition
de fon forfait fut fufpendue pendant dix
an s, & la mort de fon frère fut vengée
par la main ignoble d’un fèrviteur perfide.
Meurtre La mauvaife adminiftration -des trois
éjeConfiant.
An* D* 35°'. Princes , les vices & les foibleflès qui
Février
leur firent perdre l’eftime & TafFeeHoR
des peuples, étoient vifiblement une
fuite du fyflcme pernicieux introduit par
Conftantin. L'inapplication & l’incapacité
de Confiant rendoient ridicule & infup-
portable l’orgueil que'Jui donnoient des

(68) Les Hilloriens racontant avec beaucoup ffém*


barras & cle contradictions. les .caufes & les effets
de cette guerre civile. J*ai fiiivi principalement Zo*
naras & le jeune V-iâor. La M q n à d te { A d Calum Eu-
trop. edit, d e . Hàvercamp. ) prononcée; à la roôrt de
Conftantin , auroitpu être inftruftive, mais la prudence
& le mauvais goût ont jeté l’ Orateur dans de vagues
déclamations, " ^ ' i ■-> ‘
de FEmpire Rom. Ghap. XVIII.
fuccés qu’il n’avoic pas mérités. Sa par­
tialité pour quelques captifs Germains qui
n avqient d’autre mérite que les grâces
de leur figure, étoit un iujet de fcandale
& de mécontentement (6 y). M agnence ,
foldat ambitieux^ d’extra&ion barbare, fut
encouragé par le cri public à foutenir
l’honneur du nom Romain (70). Les ban­
des choifies des Joviens & des Hercu-
liens tenoient toujours la place d’hon-

(69) Quarum (G
entium) obfides pretio qusifitos pue*
,
ros venujîiores quod cultius habutrat, libidine hujufmodi
arcijfe, pro certo habetur■ Si les goûts dépravés de
Confiance n’avoîent pas été publies * Viétor rainé,
qui exerçoit un emploi coofidérable fous le régne
de fou frère, ne fe feroit pas exprimé* d’une ma­
nière fi pofifive*
(70) Julien, Orat. i & n. Zofime','1. n , p. 134;
Viétor 5 in Epitome, ■ Il y a lieu de croire que Ma-~
gnence avoit reçu le jour au milieu d’une de ces
colonies de Barbares , établies par Confiance Chlore
dans la Gaule (V$yez fon Hifioire , c. 13 de cet
Ouvrage,)* Sa conduite nous rappelle le Patriote
Comte de Leicefter* le fameux Simon de Montforr,
qui vint à bout de perfuader au bas peuple d’An­
gleterre-, que lu i, François de naifianec, avoir pris les
armes pour les délivrer des favoris étrangers*
u 4.Q tiifià ir e de la décadence
1/
neui* dans le camp impérial, l ’âmitié de
Marcellinus, Com te des lafgeflès facrées,
fuppléoii libéralement aux moyens de
féductions. O h vin t à bout de periuader
aux foldars que la République les fom-
moit de brifer les liens d1une fervitude
héréditaire, '& de récdrripéhier par le
choix d’un Prince aétif & vig ilan t, les
mêmes vertus qui de J e tâ t de citoyen,
avoient élevé les ancêtres du méprifable
Confiant fur le trône du M onde, Quand
on crut avoir fuffîfamment préparé les
efprits , Marcellinus, fous le prétexte de
célébrer le jour de la naidance de fon
fils , donna une fête'magnifique aux per-
fonnâges les plus diitîngiiés de la Cour
des Gaules , qui réfidoit alors à Autun.
L e repas fomptueux fur prolongé avec
adreile bien avant dans ria n u it, ôc les
convives, livrés à une confiance dange-
reufe, fé permettoient les propos les plus
coupables & les plus offenfans : tout
d’un coup les; portes, s’ouvrirent avec fra­
cas ; vM ignénée ^ ïjtiï s étoit retiré.
de l’Empire Rom. C hap .
depuis quelques inftans ., rentra revêtu-Jl
la pourpre Ôc du <Hadêmë.#Les cbrïfpi^
rareurs fe levèrent à l’inftant, & le ia-
luèrent fous les noms d’Augufte 6É
d’Empereur. La, furprifë, la frayeur ,
l’ivreflè, les efpérançes ambitieufes, &
l’ignorance du refte de l’Aflemblée^contri­
buèrent à rendre l’acclamation unanime.
Les gardes fe hâtèrent de prêter le fer­
m ent de fidélité. On ferma les portes de
la ville, & avant le retour de l’aurore,
Magnençé fe trouva maître des trou­
pes , du tréfor , du palais , & de la
ville d’Autun. Il eut quelques efpérançes
de. fe rendre maître d e . la perforine „de
Confiant avant qu’il, fût inform é de la
révolution. C e Prince s’am u foit, à fon
ordinaire, à courir la chafle dans la forêt
voifine , ou prenoit peut-être quelque
plaiiir plus coupable ou plus honteux ;
mais la Renom m ée aux cent bouches l’a-
voit averti ; il eut le temps de fuir ,
c’écoit fa feule reffource,. puifque la dé-
fertion de fes troupes & l’infidélité de lès
Tome l V t Q
24 j H ijloire d t la ,decadence
fujets ne lui laiÎToicnt aucun moyen de
réfiftançe. Ayafit . Pu atteindre à
un port d’E fpagn ç, où il fe propofoit de
s’embarquer ( 7 1 ) , il fut arrêté auprès
d’Hélène aux pieds des Pyrénées , par un
parti de cavalerie lé g ère, dont le Com­
mandant , fans refpeét pour J a fainteté
d’un Temple , exécuta fa commiffion en
aiïaffinant le fils de Conftantin (71).
Magneccc Àuifi-tpt que la mort de Confiant
Ôc Vétranio
p read ent la eut affermi cette facile & importante
pcuipre,
A- È>* j jo* révolution, l’exemple de la Cour d’Autun.
Mais j*
fut fuivi par toutes les provinces de l’Oc­
cident. Les deux grandes Préfeétures

(71) Cette ancienne ville avoit été floriflante fous


, le nom dlllibens( PomporiiusMela^ ir , ; Coniforitm
lui rendit de l’éclat?, & lui donna le nom de fatnère* He-
lena (elleeft encore appelé Elna) devint le fiége d’un Evê­
que, qui, long-temps après, transféra fa réfidence à Perpi­
gnan, càpitale aâuelle du RouflUlon. V oyez d’Anville,
Notice de l’ancienne G aule, p, 380. Longuerue, Def-
cription de la France, p. 22.3 , & le Marca Hifpanica,
1. 1, c, i l " r ' ’■ ‘ v’ •'
(72) Zofime, 1, 11, p. 119 ï ¿0. “Zbnaras, t 2 , 1*
p» t^ jj& yle^Abréyiateur^: - ^ ,
J e E E m p ire E m . t ai». XVIII. 1 #
dès Gaulés & ^Italie: recohnurent 1 aütcK
rité de M agnerice, 6c l’Üfufpatèur Ÿ oc­
cupa d u ffin d’amaflèr par toutes fortesf
d’exaébioris un tréfor qui pût fuffire aux
immenfes libéralités qu’il avoir prom ifes,
6c aux frais d?\me guerre civile. Les con­
trées guerrières de riliyrie depuis le D a ­
nube à l’extrémité de la Grèce , obéif-
foient depuis long-temps à Vétranio ,
vieux Général qui avoir fu plaire par
fa douceur &C par ion ingénuité, 6c dont
l’expérience 6c les fervices militaires1
avoient obtenu quelque confidération (7 3 ).
Affe&ionné par habitude, par devoir 6c
par reconnoiflance, à la Maifon de Con£
tan tin, il donna fur le champ les plus fortes
afiurances aufeul fils’q u freftoitde fon an-

(73 ) Eutrope ( x ^ $q. ) fait le portrait •de V étranit»


avec plus de modération & vraifemblafilement avec
plus de jufteffè que Tun ou Fautre des Vi&ors. Vé­
tranio étoit né d’une famille obfcure, dans les can­
tons fauvages de la Méfie, & fon éducation fut fi
négligée j apprit à lire lorfqu’iLfut .dans les em-
¿44 Hifloire de la décadence
cien m aître, qu’il expoferoit avec une in­
variable fidélité ia perfonne & les troupes
pour l'aider à prendre de l’Ufuirpateur de
la Gaule une jufte ôc l'évère vengeance.
' Mais fes légions furent plus féduites qu’ir­
ritées par l’exemple dés Gaulois ; leur
Commandant manqua bientôt ou de fer­
meté ou de fidélité, &c Ton ambition s’au-
torifa de l’approbation de la Princeife
Conftancina. Cette femme ambitieufe &
cruelle, qui avoit obtenu <jiu grand Conf-
tantin fon père le titre d’A uguice, plaça
de fes propres mains le diadème fur la
tête du Général d’Illyrie ,. 6c fembloit
attendre de fa victoire l’accompliiTement
des efpérances quelle ayoit perdues par
fa mort d’Hannibalianus. Mais ce fut peut-
être fans l’aveu de Conftantina que le,
nouvel Empereur fit une alliance hon-
teuie, quoique néceiTaire avec l’ufutpa-
teur de l’O ccident, dont là pourpre avoit
été teinte fi récemment du fang de fon
. frère (74). " ' •v ' .
— .---- , ' , __ r . ' ~ . . ’h / . - .1

(7 4 ) La conduite incertaine & v i a b l e de/VétianiG*


de F Empire Rom. C h ai *. XVIIL * j;
Des événemens de cette importance
, 6c qui ineàaçoient fi rérieu fement l’hon- ^^eaetra^
neur 6c la fureté de la M aifonrlm périale, A ° ^
rappelèrent les armes de Confiance de ;ÿ
la guerre de P erfe, où elles avoient perdu; _
beaucoup de leur réputation. Laiflant à. ”t i
les Lieutenans le foin des provinces
orientales , qu’il confia bientôt après à
fon coufin Gàllus , il marcha vers l’Eu­
ro p e, agité par la crainte 6c par l’efpé-
rance, par la douleur 6c par l’indigna- v
tion. Arrivé à Héraclée en T h r a c e , il
donna audience aux Ambafladeurs de.
Magnence 6c de Vétranio. L e prem ier,
auteur de la conipiration M arcellinus,
qui avoir en quelque façon donné la *
pourpre à fon nouveau maître,- fe char­
gea infolemment de cette dangereule
çommiffion ; 8c fes trois- collègues furent^
choifis parmi les perfonnages les plus
* *1 111 '*++*^*~ 1 ----- ; •-,-- ^-'i ■ rVfriT-
"'LT
cil décrie pair Julien dans fon premier Difeonrs , &
ifxf of«e exaflitude par Spanheim , qui difpuie la
poiition & la conduite de Conflantina.
¿ ¿ .S - ?H ijfa ir e fk ta d é c a d e n c e v
illuftres.deji’JEfat .6c,.; de. donnée ; on leur
recommanda d’adoucir Conftance fur le
pafle , & de l’çpquvanmr fur l’avenir. Ils
écoienr autorifés à lui offrir l’alliance
& l’amitié des Princes d’O c c id e n t, à
cimenter leur union par ' un double
mariage de Conftance avec la fœur
de M agn en ce, ôc de M agnence avec
J’ambîtieufe Conftantina ; & à recon­
naître par un traité, la prééminence de
l ’Empereur d’Orient: Dans le cas où-fon
orgueil ou une délicateffe mal placée lui
feroient refufer des conditions fi équi­
tables , les Députés avoient ordre de lui
repréfenter qu’il courroit, inévitablement
a fa ruine, s’il provoquât le reflentiment
desrSouverains de l’O ccid en t, ôc les obli~
geoit à employer contre lui leur valeur,
leurs talens militaires, 8c les légions qui
avoient fait triompher tant de fois le
grand Conftantin, Ces propofîtions, ap­
puyées de tels argumens, méritoient une
attention férieufe, 6c Conftance différa
fa réponfe jufqu’au lendemain. Après avoir
de VEmpire Rom. C h à >. X V I ï L ^47
rëheclri aux moyens ’dg juftifier dfiis To^
pinion du peuple lés horreursd,ü i^ gd éfi,e ;
c iv ile , îf tint le difcours fuivant à fon
^ p j ' ' • * * * '
(Jotifeil, qui l’entenditavec une crédulité
.'réelle ou afîêélée.
» C êtte nuit, l’ombre du grand C o n f­
is tantin m’eft apparue : il ténoit embraiTé
« le corps fanglantde mon frère ; j’ai re-
« connu ia voix , elte crioit vengeance:
« M on père m’a défendu de déieipèrer .
» de la République , & m’a promis que
les armes couronneroient la juilice de
m ma caùfe d’un prompt fuccës 2c d’une
« gloire immortelle J.
L ’autorité de cette vifî on, ou plutôt
celle du Prince qui la raco n to it, fît taire
les doutes Ôc ceiïèr les négociations. Les
conditions ignominieüfes de la paixFurent
rejetées avec mépris ; on renvoya un des
AmbaMdeurs après lui avoir fait; une
réponfe fière Ôc dédaigneufe; les trois
autres furent mis aux: fers comme indi­
gnes de jouir de leurs privilèges, Sç les
Q iv :
f

248 . ffifloire de la décadence • '


Puiflartces rivales fe préparèrent à' une
guerre implacable (75).
Confiance Telle fut la conduite » & tel éttoit peut-
Wi-poicVccra-
être le devoir du frère de Confiant
A . D 3fo.
Uécembt, i j . vis-à-vis de TUfurpateur des Gaules. Le

caractère & la fituation de Vétranio


admettoit plus de ménagemens ; la po­
litique de l’Empereur d’Orient s’occupa
de défunir fes ennem is, & de priver les
rebelles des forces de rillyrie. Il réuf-
lit aifément à tromper la franchife ôc
la {implicite de Vétranio , qui ^ obéiflant
alternativement à la voix de l’honneur
6c de l’intérêt avoir découvert la foi-
bleiTe de fon caractère, & s’étoit infen-
fiblement engagé dans le piège d’une
négociation artifîdeufe. Confiance le
reconnut pour fon collègue légitime Si
fon é g a l , à condition qu’il renonceroit
à la-honteuie alliance de M agnence,
Si qu’il choiliroit un endroit fur les fron-

(75) Voyez Pierre île Patricien-} dans les E'xcerpüt


LegatiQnufy* £,¿27,
de VEmpireRom. C ha P. XVIII. *49
tières de leurs provinces reipecHves, oti
ils puflent aiTurer leur amitié d^ns une
entrevue, par un ferment de fidélité jn ^
tu elle, &L régler les opérations de la
guerre civile; En coniéquence de cet ar~ j
rangement, Vetranio s’avança vers la ville
de Sardica (76), à la tête de vingt mille
chevaux, & d’un corps d’infanterie plus
nombreux* Ces forces étüient fi fupé-
rieures à celles de C onfian ce, que 1‘Em-
pereur d’Ulyrie fembloit avoir à fa dif-
pofition la fortune 8c la vie de fon rival,
qui, comptant fur le fuccès de íes lourdes
négociations , avoit féduit les troupes &
miné le trône d e ; Vétranio. Les Chefs
qui avoient fecrétement embrafle le
parti de Confiance , préparoient en fa
faveur un ipeétacle propre à éveiller fie
à enflammer les paillons de la multi­
tude (77). Les deux armées unies s’af- .

. (76)Zonaras. t. 2. L x i i i , p. 16. La pjpfition de


Sardique, près de la ville moderne de Sophia, paroît
plus propre à cette «ntreyue, queNaiflus & Sifmiumï
10Ù elle eft placée par Jérôme, Socrate & Sozomènes*
(77) Voyez les deux premiers Difcours de Julien t
* co Jdïjloirèr de la décadence '
femblerent dans une vailé plaine à la
proximité de la ville ; on éleva dans le
cen tre, félon les Loix^ de l’ancienne dis­
cipline , un tribunal ou plutôt un écha­
faud, d’oh les Empereurs avoient coutume
de haranguer leurs troupes dans les oc-
caiïons folennelles ou importantes. Les
Romains 8t les Barbares régulièrement
rangés, l’épée nue à la m ain, ôu la lance
en ’arrêt , les eicad ron s'd e cavalerie
8c les cohortes d’infanterie diftingués pat
la variété de leurs armes 8c.de leurs
enfeignes, formoient un cercle immenfe
au tour du Tribunal ; tous1gardoierit un *
lilence attentif, interrompu quelquefois
par un cri général d’applaudiflement. Les
deux Empereurs furent appelés pour
expliquer la lituation des affaires publi­
ques , en préience de cette formidable
affemblee. O n accorda la préieance du

fuMout p. 3 i j St Zofime , I. n , p. m . La narration


de i’Hiftorien,, qui eft nette, éclaircit les defcriptioni
vagses de ^Orateur. > i -,

\
de l ’Empire Rôtît. Chap . X V III. z f l k
rang à lamaiffance royale de C onfiance;
& quoique peu verfé dans l’art de la
Rhétorique, il mit dans fou difcours dé
la ferm eté, de l’adrefïe ôc de l’éloquencei
La première partie ne- fembloit attaquer
Tyran des G aules; mais apres
avoir déploré* le meurtre de C o n fian t, ,
il infinua que fon frère avoit feul le droit "
de réclamer fa fuçceffion ; ôc s'étendant
avec complaifance fur lés aérions glorieu*
fes de la race Im périale, il rappela aux
foldats, la valeur s les triomphes Ôc la
libéralité du grand C onflantin, dont les
fils avoient‘reçu leur ferment de fidélité,
qu’ils n’avoient rompu que par la fé-
ducrion de fes plus intim es favoris. Les
i Officiers qui environnoient le Tribunal,
inilruics du rôle qu’ils devoiept jouer dans
cette fcène extraordinaire , parurent en­
traînés par. le pouvoir irréfiiHble de la
juilice ôc de l’éloquence ; ÔC ils faluèrent
l’Empereur Confiance comme leur lé­
gitime Souverain. Leur exemple entraîna.
les foldats ; le fentiment-. du repentir ré'
tfî Ìfìjkirè de la d'écádetice
veilla celur de ta fidélité ; il fe‘;répandit
dans rous tes rangs * & b ien tô t‘la plaine
de Sardica retentit de Pacclamation una­
nime de b meurent les ufmpatèurs , vive
le fils de Cpnjlaruin ; ce n’ ejl que f o u s
>) Jes drapeaux que nous voulons com~
, » battre , & vaincre ou mourir «. Le cri
üniverfel, les geflfes menaçanS & le
cliquetis des armes fubjûguèrent 1e cou­
rage étonné de Vétranio ^ qui contem-
ploit dans un filençe ftupide , la défec­
tion de fon sarmée. A u lieu d’avoir
recours au dernier refuge- d’un généreux
défefpoir, il fe fournit docilement à fon
fort , & fe dépouillant du diadème à
la vue des deux: armées, il fe profterna
aux pieds de fon vainqueur. ‘ Confiance
«fa de la victoire avec Une prudente
-modération, & relevant, lui - même le
vénérable fuppliant qu’il afïè&.ûit d’ap­
peler du doux nom de p ère, il lui prêta
la main pour defcendre du trône. La
ville de Prura fut affîgnée pour retraite
■ au M onafquéidétrôné, qui syi vécut fei
de VEmpire %5^
ans dans l’opuïencè Sc dans la tranquil*^ ;ii
lité. Ilfe# félicito it fouvent des bontés
de C on fian ce, & çonfeilloit à ion biens • ^
faiteu f, avec une airaableiîm plicité, de
quitter le fceptré du M o n d e , & de
chercher, le bonheur dans une obfcurité ;
paifible , qui pouvoir feule la procu­
rer (78). ' ;
La conduite de Confiance dans cette Faic laguerre
occaiîon mémorable , fut célébrée avec
une apparence de juftice ; & fes cour-
tifans comparèrent les difeours étudiés
de Périclès & de Demofthène adreifës
à la populace d’Athènes , avec l’élo­
quence yi&orieufe qui avoit perfuadé à
une multitude armée d’abandonner Sç de
dépofer l’objet de fon propre choix (79).

(7S) Le jeune Viâor appelle emphatiquement l’exil


de Vétranio volupturium otium. Socrates (L* n, ç. 28. )
attelle la correfpondance avec ^Empereur , & fon ré-
cit femble prouver que Vétranio ctoit en effet prope
flultitiam Jzmplïçiffimus. # î

^ (7 9 ) £ u m Conflarnius. *.♦ fa c u n d u v i dejc&um* im*


perio in privatum otium remov'u. Qu& gloria , p o ft natum
im ptrium , fa li procejjit cloquio , ckm entïâquc , & c . A u *
Bìftqìfé de h j&àdéfìce*
L ’entreprife de ■ Magneriee étòic plus
dangereufe ÿ ?la - ^KÌtoire ietiffi; "pouvoir
en décider. L ’Ufurpateur s’avançoit, pat
des. marchés rapides $ à la tête d’une àr*:
mée nom breufe, compofée d’Efpagnols,
de Gaulois j de iPfailes j de Sax-oos, de
Provinciaux donc on recrut oit le&lëgions,
& de Barbares qu’on regardoit-comme
léà plus formidables ennernis-deda Répu-
biique. Les plaines ferrilès - (8 g) de la
Baiïè - Pannonie , entre la Dirave , ; Ja
Save^Ôc le Danube , offroient un vafte
théâtre ; mais les opérations de la guerre
civile languirent perdant- les rnois de

reluis Vi&or. Julien & Themiftius (Orat. m & lv»)


chargent cet exploit de toute renÎumiuure de leur
rhétorique.
(Bp) Busbaquius (p. 112.) traversa la Bafle-Hôngrie &
rEfclavonie dans un temps on les hoftilités récipro­
ques des Turcs & des Chrétiens avoient rendu ces
deux contrées preique 'déferres. Toutefois il parle avec
admiration de rinxioniptabIe:fertintë du fol 5 il obferve
que l’herbe y étoit allez haute ppur fauflraireà la vue
u n clranot Tchargé* ^Voye£/ au0 i les Voyages de
Browne-^-'«laus'la-.-;Çol'ÎjeS±oj|ii''dê Harris,^vol/ïi> p. j 6 i y
de VEmpire Rom< C h aîv X V I ïï . %55/
l’-écé * par l’intelligence ou par la timidité
des combatcans (Si). Confiance avoit
annoncé; fon intention de décider la
querelle daps les plaines de Cibalis *
dont le nom animeroit fes troupes par
le fouvenir de la viétoire de Coriftan-
tin fon père, remportée fur le même
terretn. ' Cependant les fortifications
inattaquables donc fon camp étoit envi*
ron n é, annonçoient plus l’envie d'éviter
que de chercher la bataille. L ’objet de
M agnence étoit d’obliger fon adver-
faire, par la rufe, pu par la fo rce, à quit*
ter cette pofition avantageufe, & il y
employa les différentes marches, évo­
lutions & Îlratagemes que la connoif-
fa n ce. de l’arc militaire pouvoit fug-
gcrer a un Officier expérimenté. Il em ­
porta d’affaut l’importante ville de Sir-

(8^3 Zofime raconte longuement la guerre & les


négociations ( L. n , p. 123-130.); mais comme il n’an-
nonde pas des connoiffances bien sûres touchant l’art
mïlitair^m la politique, il faut examiner fon récit avec
foin , & ne l'admettre qu'avec précaution*
îü jlo ir e de la d éca d en ce

mium qui étoit •fituée derrière le camp,


eflTaya de forcer un paflage au deffus
de la Save pouii encrer dans les pro­
vinces orientales de l’illyrie , & 'tailla en
pièces un gros détachement qu’il avoir
attiré dans les défilés d’Adam e. Pen­
d a n t prefque tout l’é té , l’Ufurpateur des
Gaules fut le maître de la campagne.
Les troupes de •C o n fian ce?étoient ha-
taiTées & découragées ; il avoit perdu
leur confiance , & fon orgueil defcendic
à folliciter un traité de' paix qui auroit
aiïtiré à l’aflàffin de Conftans la fouvc-
r aine té des provinces au delà des Alpes.
Philippe, l’AmbaiTadeur Impérial, appuya
ces propofitions de toute ion éloquence:
le Cônfeil & l’armée de Magnence
confentoient à les accepter ; mais le
préfomptueux Empereur- méprifant les
confeils de lès amis , fit retenir.Phi-
lippe en captivité j ou du moins en otage,
tandis qu’il envoyoit un Officier repro­
cher.. à. Confiance la foiblefle de fou
règne, MîlÎui, un pardon infultaot,
s’il
d e V E m p ir e R o m . C hat . XVIII. 257
s’il quittoit fans héfîter la pourpre 62
l’Empire. Sa réponfe fu t, qu’il m ettoit
fa confiance dans la juftice de fa cauiè,
& dans un D ieu vengeur. Il fentoir ii
vivement le danger de fa fituation ,
qu’il n’ofa pas fe venger fur l’infolenc
Envoyé de M agnence, de la détention
de fon Ambafladeur. La négociation
de Philippe ne fut pas- cependant inu-
- t i le , puifqu’il engagea Silvanus le Franc,
Général d’une réputation diftinguée, à
déferter avec un corps confidérable de
cavalerie , peu de jours avant la bataille
de Murfa.
L a ville de Murfa ou EiTek, célèbre
dans les temps modernes par un pont
de bateaux de cinq milles de longueur
fur la rivière de la Drave & fur les
j marais adjacens (82) , avoir toujours été

(8 a) C e pont remarquable * qui eft flanqué de tours ;


& qui repofe fur de grandes piles de bois* fut conf-
truit* À. Dt 1566, parle Sultan Soliman* pour faciliter
la marche de fes troupes en Hongrie* V o yez les
Voyages de Browne .y & la Géographie de Bufching ,
yoU a , p. 90*
Tome I V . R
ac8 H ijîoire de la de'cadence
considérée comme une, plape ipiportaptjS
dans les guerres de Hongrie. Magneticen
dirigeant fa marche fu r M urf^, fic-mettre
le feu aux portes, & par un aflaut préçi-,
pité, eflaya d’efcalader. les murs. La:vigi­
lante garnifon éteignit les flammes. L’ap­
proche de Confiance n e lui laida pas
le temps de continuer, le liège, & 'l'Em­
pereur détruifît bientôt l ’obilacle qui
gênoit feul les mouvemens de fon armée,
en forçant un corps de troupes qui avoic
pris polie fur une .hauteur voiline en for­
me d’amphithéatre. Le champ de bataille .
qui environnoit M urfa, étoit une plaine;
unie 5c aride. L ’armée de Confiance
s’y rangea en bataille ; elle avoir à fa
droite la Drave ; 6ç fa, gauche, foit. à
raifon de l’ordre de bataille ou de la
fupériorité, en cavalerie, dépafl'oiç de
beaucoup, la droite des ennemis (83),
Les deux armées relièrent impatiemment

(83) Julien ( Orat. 1 , p. 36*) décrit . nettement ,v


m^is en peu de mçts* cette pôfition & les èYi?ht-
tions fubféc[uentes.
d e V Ê m p ir e R o m , C h ap . XVIII, 259
une pardè' de là matinée fous les armes ;
St lé fils de Conftantin, après avoir
animé Tes foldats par un difcours élo­
qu en t, Te retira dans une églife à quel­
que diftance du champ de bataille, ÔC
remit k Ces Généraux la conduite de cette
journée décifive (84). Us fé mtaagèrent
dignes de fa confiance par lë^ W aleur
& par leurs fa vantes manœuvres. Us
engagèrent fagement l’aéHon par la gau­
che ; & avançant une aile entière de
cavalerie fur une ligne ob liq u e, ils la
tournèrent précipitamment fur le flanc
droit de l’ennem i, qui n’étoit point pré­
paré à foutenir l’impétuoixté de leur
attaque. Mais les Romains* de l’O cci­
dent fe rallièrent bientôt par l’habitude

{84) Sulpicius' Sevenis, 1. ir , p. 405. L ’Empereur


paÏÏk la journée:en prière avec l'Arien Valens, Evêque^
de Murfa * qui gagna fa confiance en prédifant le
fuccès de la bataille. M. de Tiilemont (Hift* des Em­
pereurs , t. 4 , p. 1110.) remarque, avec raifon, le fílente
de Juftinien fur la valeur perfonnelle de Confiance,
à la bataille de Murfa. Le filence de la flatterie équi­
vaut quelquefois au témoignage le plus pofitif.
R ij
zôo Hifloivc de la décadence
de 1 a difcipline , & les Barbares de la
Germanie foutinrent la réputation de
leur intrépidité nationale. L'affaire devint
générale, fefoutint avec des fuccès variés,
& finit à peine avec le jour. Q n accorde
à la cavalerie l’honneur de la victoire
éclatante que Conftance remporta. Ses
C u ird ra ^ fo n t repréfentés comme autant
de corwlnes d’acier maffif, leurs armures
brillantes éblouiiToient les légions; & ils
rompoient leurs cohortes ferrées, avec
des lances d’une énorme pefanteur. Dès
que les légions furent en défordre, la
cavalerie légère pénétra dans leurs rangs
le fabre à la main , & acheva la déroute.
Tandis que les gigantefques Germains fe
trouvofent expofés prefque nus à la
dextérité des Archers Orientaux , des
troupes entières de cës Barbares fe je-
toient, de douleur & de défefpoir, dans
le cours large & rapide de la Drave (85).

(85) Jlüien, Orar. i , p. 3 6 , 3 7 ; & ©rat. il, p. 59,


6 0 . Zonaras, t. a , 1. x i i ï , p. 17. Zofim e, 1.11, p.
130-133, Le,derni®r de ces Ecrivains donne des é!o-
de PEmpire Rom. C hap . XVIÏI, 161
O n fait monter le nom bre'des morts à.
cinquante-quatre m ille, & la perte des
vainqueurs fut fupérieure à celle des vain­
cus (85 ). Cette circonftance prouve l’a-
çhamement dû com bat, & juftifie l’ob-
iervation d’un ancien Ecrivain, qui pré­
tend que la bataille de Murfa avoit énervé
les forces de l’Empire par la perte d’une
armée de vétérans, fufceptible de défendre
les frontières & d’y ajouter de nouvelles
'conquêtes (87). Malgré les ferviles invec-
----------------------- -- ------------ • — - ; — 1— ;---------------------- -
;ges à la dextétiré de T Archer Ménélâs , qui lançoit
trois flèches en même temps; avantage qui, dans
fon ignorance fur l'art militaire * lui paroît avoir con­
tribué beaucoup à la viftoire de Confiance.
(86) Zonaras dit que Confiance perdit trente mille
hommes, fur les quatre-vingts qui compofoient fon ar­
mée ÿ & que Magnence en perdît vingt-quatre mille
fur trente-fix*r Les autres détails dé fa narration pa-
roiflent probables & authentiques* mats l’Auteur ou
les Copifles doivent s'être trompés fur le nombre dés
troupes, du Tyran, Magnence avoit raffemblé toutes
Jes forces de l’ Occident,1 les Romains 8c les Barbares,
, 8c il en avoit formé une armée redoutable qu’on ne
j>eut eftimer à moins de cent mille hommes. îulieiv,
Orat. I*,p- Î4s 3J*
*
(87) In te n te s R . J . vires eâ d im ica tio n e c o n fu m p tt fn n r
R iij
x 2. H ifio ir e de la d e 'c a d c n c e

tives d’un méprifable Orateur * on ne


trouve aucun m o tif de croire que Ma-
gnence ait déferté fes drapeaux dès le
commencement de la bataille- Il paroît
au contraire qu’il s’acquitta de fon devoir
comme Capitaine & comme foldat juf-
qu’au momenB où fon camp fu t au pou­
voir des ennemis. Penfant alors à fa sûreté
perfonnelle, il fe dépouilla des ornemens
impériaux, & ce -ne fut pas fans peine
qu’il échappa aux détachemens de cava­
lerie légère qui le nourfuivirent depuis
les bords de la Drave jufqüés aux pieds
d es Alpes (88).
L ’approche de l’hiver fourme à l’in-

ad qu&hbet btlla exterrici idone<i, qu& multum triumpho-


mm poffcnt -, fecuritaüfque conferre. E utrope, X , 13-
jeune Vi&or s'exprime de la même matiiére.
(88) On, doit préférer ici le témoignage nort fufpeâdé
Zofim e& de Zonaràs , aux affertioris flatteufes de Julien.
Magnence a un cara&èré fiogulier fous la plunae du jeune
■ V i& of : Sermonïs acer y anïmi tumidiy & immodicè tïmi*
dus ; artifex tenax ad occuîtandam aùdacu fpecie fir*
Mais fa conduite lors de là bataille de Mnrfa*
fut-elle l’effet de la Nature} ou celui dé rAft ? J^doptCî
sois la fécondé explication. . / ;'
f

de VEmpite Rom. C h a p . X V III. 1 6y


dolence de Confiance des prétextes fpé-'^ Canqtiêtet
cieux de diféohtihùer la guerre jufqu’au a. d. 3;».
■ printemps. Magriérice avoit fixé fa réfi- , ,
denée dans la ville d’A quilée, & parois
doit réfolti de difputér le paflage des mon­
tagnes de des :marais qui défendoient
l’approche du pays Venaiilin ; i l n ’auroit
pas meme quitté iT talie, lorfque les Im­
périaux fe furent emparés, parunemarche
'fècrète , d’une fortereffe fituée- fur les
Alpes , fi fa caufe eût été foutenue par la
^faveur du peuple (89). Mais le fouvenir
'des cruautés que fe s Miniftres avoient
exercées après la malheureufe révolte
*dê Népotian , imprimoit un fentiment
de haine de d’horreur dans fam e des
Romains. C e jeune im prudent, fils d%
la Princefle Eutropia, de neveu de C onf-
■ tantin , avoir vu avec indignation un Bar­
bare ufürper le feeptre de l’Occidenr.

£8^) Julien ^ Orat. r , p* 38 * 39, Au refte, en cet


èndroit, ainfi qufe daris le Difcours n , p. 9 7 , il laide
chtrevòir da difpóiition générale du Sénat, du. peuple
& des foldats de Tltalie, en fayeur de l'Empereur*
R iv
¿{Sa. Hijlmre de la décadence .
Suivi d’une troupe d’efclaves Sc de gla­
diateurs , il Ce rendit aifément le maître
de la foible garde qui faifoit la police
à Rome pendant la paix- Il rqgut l’hom-
mage du Sénat, prit le titre d’Augufte,
Ec le porta pendant un règne précaire Ôc
tumultueux , qui ne dura que vingt-huit
jours. La marche de quelques troupes
régulières mit fin à fes efpérances; la
révolte fut éteinte dans le fang de Né-
potian, de fa mère Eutropia, & de tous
fes partifans. On étendit même la profi
criprion fur tous ceux qui avoient con-
traité la mpindre alliance avec la famille
de Conftantin (90).' Mais dès que Confi
tance, après la bataille de M urfa, devint
Je maître de la côte maritime de la Dal-

(90) V iâo r rainé décrit en termes pathétiques la


malheureufe poiition de Rome : « Cujus ftolidum inge-
» nïiim ade.o P+ R . Patribufqut exïtio fu ît, ‘utïpajfim do~
?> mus , fora, v u , templaque, cruore * cadaveribufque op*
» plerentur bufîorum modo «. A'thanafe ( T . i , p- 677- )
déplore Je fort de -plufieurs illuftres viétimes; &
lien COrat, ï ï , p. '54. ) chatge d'imprécations la cruauté
dejyiarcellinus, l’implacable ennèmi de la Maifon de
Conflantia. / v ■
de l ’Empire Rofa. Cnkv. X y ill.
. marie} une trompe d'illuftres exilés, qui 1
avoient équipé une flotte dans un port
de la mer A driatique, vinrent chercher
protection St vengeance dans' le camp
du vainqueur. C e fut par la fecrète in­
telligence qu’ils entrenntenc avec leurs
concitoyens , que Rom e St les villes
d’Italie déployèrent fur leurs murs l’éten­
dard Impérial de Confiance. Les V été­
rans, enrichis par les libéralités du père,
fignalèrent leur reconnoiflance 8c' leur
fidélité pour le fils. La cavalerie, les lé&
gions & les auxiliaires d’Italie renouvelè­
rent leur ferment d’ôbéiilance à Confian­
ce: St ryfurpateur, alarmé par la défertion
générale, fut forcé de fe retirer dans les
G aules, au delà des A lp e s , avec le petit-
nombre de troupes qui lui rejfloient fidèfes.
' Les détachemens qui reçurent ordre
d’arrêter ou de pourfuivre Magnence
dans fa fuite, fe conduiflient avec la né­
gligence trop ordinaire dans le fuccès ;
ils lui fournirent l’occafion de faire face
à ceux qui le fuivoient, St de fatisfaire
i 6<5 Hijîoire de la âecadetice
DemïifeJi* fa fureur par le carnage d’une vi&oire
faite &mort
deMagnea- m u tile (9 I )•
a. d. 3«- L ’orgueilleux M agnence » par-tout
malheureux 6c par-tout abandonné , fut
forcé de demander la paix & de la de­
mander en vain. Il envoya d’abord un
Sénateur dont les talens avoient obtenu
fa confiance , & enfuite plufîeurs Evêques.
-L’offre, qu’il faifoit de quitter la pourpre
& de dévouer les reftes de fa vie au iërvice
, de l’Em pereur, lui faifoit efpérèr que
ces Prélats lui obtiendroient une réponfe
plus favorable. Mais quoique Conftarice
iè réconciliât facilement avec ceux
qui avoient levé l’étendard de la rebel-
' lion (92), il déclara ion inflexible réfo-
lution de punir un perfide aiïaffin qu’il
alfoit accabler de tous côtés par,l’effort
■— i m. . ■- ■ »—

(91) Zofîme , 1. u , p* 135. V iâ o r , in Epitomt.


^ Les Panégyrïftes de Conftance oublient * avec leur
bonne foi ordinaire, de faire mention de cette de-,
faite.
(^ ¿ Z o n a ra s, t* a , L x x n , p, 17. Julien: s’arrête;
en plufieurs endroits des deux, Difcours, fur la clé­
mence de Confiance envers des rebelles»
de Vampire Rom. Ç h ap /XVIÜ.. 167
de Ces syprnes vidfcorieuies. U ne flo tte ;
Impériale prit aifément poiïèffion de l’A ­
frique & de l’Eipagtfe, raflura la fidélicé .
chancelante des nations M orefques, &
débarqua des forces coniîdérables qui pas­
sèrent les Pyrénées & Rapprochèrent de
L yo n , où M agnence trouva fon dernier #
refuge 6c la mort (93). Dans cette ex­
trém ité, HJfurpateur, naturellement en­
nemi de la clém ence, fut obligé d’em­
ployer tous les genres d’oppreflion dans
I les G aules, pour fe procurer des reiTour-
ces (94). Mais la patience des peuples „
étoit épuifée; & Trêves,, le liège du
Gouvernement Prétorien, donna le lignai
de la .révolte en fermant fes portes à
-■ J.- 1 — »■ ' 1 n11 m Jt i li nm H I i l " Il *"!■ ■

(93) Zofime» 1* i ï , p. 133, Julien^ Q ra t.a , p. 40»


11 > P* 7 4 - t
(94) Arnmien, X v , 6* Zofïme, 1. n , p* x 13, Jti-
Jien qui ( Orat* 1 , p. 40. ) déclame contre les cruels
effets du défefpoir du T yran , parle (Orat. 1,33. 34#) }
, des Edits veaatoires que lui di&erent fes befoins ou fon
avarice* Ort obligea les fujets à acheter les domaines
rie l’Empire» efpèce de propriété incertaine & dange-
ixeufe, .qui» dans une révolution, pouvoir être prêt
fentée comme un crime de tràhifom .
2fiS H'ißoire de la décadence
Decentius , que Ton frère avoit élevé au
rang de Céfar ou d’Augufte ,(9 5). De Trê­
ves Decçn tius fut obligé de Te retirer à Sens,
où il futenveloppé par une armée de Ger­
mains , que les artifices de Confiance
avoient intéreflee aux diiTentions des Ro­
mains (9 6). Dans le même temps, les trou-
dés Impériales forcèrent les paiTages des
Alpes C ottiennes, êc le combat fanglant
-du mont Séleutus ne lai fla plus deipérance
au parti de^Magnence (97). Il n’avoitplus
d’armée à oppofer, fes gardes paroiffoient
r—-— ~ t----- ï ;----- — ------^ —
, (95) Les médailles de Magnence célèbrent les vic­
toires dès deux Au’gufles & du Céfar* Le Céfar étoit
un antre frère appelé Dindarius. V o y e j Tillempnt,
HiiL des Empereurs , t, 4 , p. 577-
(96) Julien , Orat. i , p* 405 i l , p. 74; & Span-
hçirn, p. 263. Lé Commentaire de c e dernier jette \
du jour f u r les opérations de la guerre civile. Mons
Seiend étoit une petite place fituée dans les Alpes Cot­
tiennes, à peu de milles dë Vapïnemn ou de Gap,
ville épifcopale du Dauphiné. V o y e z d’Anyille, Notice
de la Gaule , p* 464 ; & Longuem e, D e fc rip tio n de
la France, p ..527, . »
. (97) Zofim e, î. i i ? f p. 134. Libanius * Orat. x , p*
,268, 269. Le dernier, accufé d’un ton véhément cette
politique cruelle & pérfonnelle de Cônftance.
de V E m pire R om . Chap. XVIII. 269.
prêts à l'abandonner ; &c quand il paroi£|
foie en public , o n le faluoic d un » vive/
l’Empereur Confiance ! « Convaincu que
Ion réuifiroit à mériter le pardon & des
récompenfes par lé facrifice du principal
coupable,il trompa leur attente, & tom­
bant fur fa propre épée (98), il évita du
moins des tortures &; une mort ignomi-
nieuie, dont la vengeanceauroit joui fous
le mafque de la piété fraternelle. Marcel-
linus, premier auteur d elà çonfpiration,
avoit péri à la bataille de M urfa(99),
& l’exécution du refte des Chefs aiïura

(98) Julien, Orat, i , p. 40. Zofim e, 1, n 5 p, * 3 4 -


Socrates, 1. 11, c. 32. Sozomènes, h 4, c. 7. Le
jeune Vi& or décrit ainfi la mort du Tyran : Tranf-
fo£ ° latere, ut erat vajU corporls ÿ villnere mribufque
ex ore cruorem effundens, expiravit. Si nous pouvons ajou­
ter foiàZ on aras, le Tyran ,* avant d'expirer, eut le
I plaifir d’affafiiner de fa propre mairt fa mère & fon
frère Defiderïus. * .,
(99) Julien (Orat. J , p. çS , 59-) paroît embarraffè
de dire s’il s’infligea lui-même le châtiment de fes cri*
m es , s’il fe noya dans la D ra v e , ou fi les Démons
vengeurs le portèrent du champ de bataille au lieu
!.«ii il devoit fubir des tourmens éternels.
jíijlo ife d é la d & ü d é tó c e

la tranquillité' publique; O n fftf une' te-


cherche févère de tous ceux qui avoîent
pris part à la révolte, ou volontairement,
ou par néeeffité. ‘P au l, furnommé Catena
en rai fon de fës talens barbares dans'
l’exercice Juridique de la tyrannie, fut
"chargé de découvrir les reftes- obfcurs de
la conipiration dans la province éloignée*
d e 'B retagne. O n fit paflfer Th ono rabie
indignation de Martin , Vice-Préfet de
î’Jile , pour une- preuve complexe de
. fon crime , Ôc cet eilimable Gouverneur
fut forcé de plonger dans fon propre'
fein , l’épée dont i l avoir frappé dans fa'
colère le Miniftre des vengeances impé­
riales. Les citoyens les plus innocens fu­
rent expofés à l’e x il, à la confiscation,,
aux tortures & à la mort ; & comme la'
timidité eft toujours barbare, Time de-
Conftance fut jnacceiïible à la-pitié(ioo).

(x oo) Ammien, X i v , j j x j a , 1 6.
de P Empire Rorft. C h a î . XIX. 171’

C H A P I T R E X IX . ,

Confiance feul Empereur. Elévation &


more de Gallus. Danger & élévation
de Julien. Guerre contre les Perfes &
contre les Sarmates. Vi&oires de Julien J.
dans les Gaules.

L es provinces divifées de l’Empire fil- Pouvoirde*


renr réunies par la viétoire de Confiance ; Elinu<,lK5'
mais comme ce Prince foible n’avoit
de talens perfonnels ni pour la paix ni
pour la guerre, comme il craignoit Tes
Généraux & Te méfioit de les M iniftres,
le fuccès de fes armes ne fervit qu’à éta­
blir l’autorité des Eunuques fur le M onde
Romain. Ces êtres difgraciés, ancienne
production du defpotifme (1) & de la

(1) Ammian (L . X i v , c. 6*) prétend que l'origine


de l'opération pratiquée fur les Eunuques remonte au ^
règne de Sétniranris , qui inventa cette pratique odieufe
plus de dix-neuf cents ans ayant la naiÎTance d« Jéfus-
zy2 XffiJhbv'-dçlfc’ili&tàetKe-'"&•
jaloufie orientale, firent: introduits en
. Grèce & à R om e , par la coutagion du
luxe Aiïâtique (2^ Leur progrès fut rapi­
de , & les. Eunuques qui au temps d’Au-
gnfte avoicrit été abhorrés; comme' le
cortège monftrueux d’une Reine d’Egyp­
te (3 ) s’introduifirent infenfiblement
dans les maifons des M atrones, des Séna-

Chriiï. L ’ ufage des Eunuques a- été connu en Egypte


& en Afie dans ^antiquité la plus reculée. On en
parle dans la Loi de Moïfe, Deutéronome, x x i i i , 1*
V o y . Goguet, Origine desLoix, & c#J part* 1, l/i,
(2) Eunuckum porro dixti vdle te ;
Quia foU utuntur his R$gin&,
Térence , Eunuch, Aéjte 1 , fcène 2, *
Cette Comédie eft traduite de Ménandre, Çt Pori-
ginal doit avoir paru peu après les conquêtes orien­
tales d’Alexandre.
(3) Miles Spadonibus . , .,
Servire rugoris potefl,
Horace ÿ Carmen 9. v ÿ 9 ; & Dacier, ad loc.
Par le mot Spado%les Romains exprïmoieot fortement
leur horreur de ceti:e efpèce mutilée. Le nom d’£üj
nuque, adopté par les Grecs , prévalut infenSblement;
il choquoit moins Toreille, préientoit un fens plus
obfçùr. : ‘ , . k : .V
- teurs1
de l’ Empire Rom. C hAP. X j X . ijy
teurs, & même des Empereurs (4). R e k
treints par les ievères Edits de D o n a­
tien & de Nerva (5), chéris de l'orgueil^
leux D ioclétien , réduits à un état ohicur,
par la prudence de Çonftantin (6 ) , ils
fe multiplièrent dans les palais de Tes fils , 4
6
5

(4) Il fuffira de citer Pofide, Affranchi & Eunuque;


de Claude , auquel l’Empereur proiUtua les récom-:
penfes les plus honorables de la valeur militaire* V o y 4
Suétone, in Claudio , ch* 28. Pofide dépenfa une '
grande partie de fes riche (Tes en bâtlhens* ■
U t Spado vïnccbat capltalia nojfra
PoJïdeSt
îu vén al, Sat. 3UV; -
(5) Caflrari mares vernit. Suétone, in Domitiart, c. 7*J
V o y e z Dion CaiTius^ L LXViï , p, *107^ 1, JLXViii/
p* xi 19* ;, .
(6) Il y a un paflage dans PHiÎloire d'Auguffia (p .
137) dnas lequel Lampridius, en louant Alexandre Sé*
vére & Çonftantin d’ayoir mis des bornes à la tyran­
nie des Eunuques , déplore les, malheurs dont ils ont *
été caufe fous d’autres régnes. H u e accedit quod E u*
nuchos m e.. in Confdiis > m e in M ïn ijie n is h a b u h , qui
Joli P rincipes perdant , dum e x mare gentium aut Regum
Pcrfarum volunt vivere ; qui à populo etiam am i-ijfîm um
ftm ovent ; qui intcreuncïi fu n t # qiiu â quàm refpondetur
referente* ; elaudenîts' Princïpem frnrn , ô* agentes ante
oftmia ) ne quïd fe ia t •

Tome î V. S
*74 HiJIôire de la décadence
acquirent peu à peu la connoiiTance &
enfin Ja direction des conièils les plus
lecrecs de Confiance. L e mépris & l’a-
vérfion qu’on a toujours eus pour cette
efpèce dégradée, iem ble les avoir rendus
auffi incapables qu’on les en ftippofoir,
de toute action noble * & de tout fenri­
ment d’honneur & de générofité ,(7) ; mais
les Eunuques étoient inftruits dans l’art
de l’intrigue & de l’adulation ; & iis
gouvernoieril alternativement Confiance
■ ■ ____ _ _ ___ !>'. i

(7) Xénophon ( Çyropæ dia, 1. v i n , p. 540*) a dé­


taillé les motifs qui engagèrent C yrus à confier la
garde de fa perfonne à des Eunuques. Il avoit re-*
marqué que la même mutilation pratiquée fur les ani­
m aux, les rendoit plus dociles fans diminuer leur force
ou même leur courage, & il s*imaginan£fnruneefpèce
bâtarde , féparée de tôut le refte du gertïeîiumain, fe* '
rôit plus inviolablemenfc attachée à Fort bienfaiteur
Mais une longue expérience a démenti le jugement
de Cyrus. Il peut iè trouver quelques exemples bien
rares d’EutruqueS qui fe font diftingués par'leur ta* *
letit, par leur Valeur Sc par leur fidélitè ; mais en exa- .
minant rHiftoire générale de la P erfe, de FIrtde & dt
la Chine * ort remarqué <que la ptnffance des
qüés annofiçoit tovi5dfiis fë' déëKft & la chute de chaque
Dynaftie. * * ' , ' Ji ^
1

de l ’Empire Rofn. Chap, XIX. ï j f


pàr íes terreurs, par fon indolence & par
ik"vanité (8). Tandis qu’il con tem ploie
dans lin miroir trompeur l’apparence illu-
foire de la profpérité publique, fa non­
chalance leür permettoit d’intercepter les
plaintes dés provinces opprimées, d’ac­
cumuler d’immenies tréfors par la vente
de la juftice & des,honneurs , d’avilir
les plus importantes dignités par l'éléva­
tion des hommes obfcurs qui achetoient
d eu x les moyens d’oppreffion (9), & d é
fatisfaire leur reflentiment contré quel*
ques ames fermes qui refufoient cour a-

.(8). V oyez Ammian Marcellin, 1. X X ï, c. î 6 ; 1.


x x x i, c* 4* Tout le cours.de cette Hiftoire impars
tiale fert à juftlfier les inve£lives de Mamertin, de
Libanius, & de Julien lui-même, qui ont déclamé
contre les vices de la Cour de Confiance.
(9) Autclius Viftor blâme la'néglîgence que fon Sou­
verain a mife dans le choix de Tes Gouverneurs de
J>roviftte 6t des Généraux dé Tes armées, & finit fon
tliftùire par une obfervation très-hardie , qu’il eft moins
dangereux, fous un règne foible, d’ attaquer lajjerfonne
du Monarque, que celle de fes Miniftres.
* w Un vtro dbfolvam b rep i, n i Impcratorc ip fç ctarius ha
h appariiorum pUrifque iHâgis azrox n ik il «,
x i6 Hijîûire de la décadence
geufemenr de faire leur Cour à des en­
claves. Le plus diftingué d’entre eux étoit
l’Eunuque Eufèbes, qui dirigeoic fi def
potiquement l’Empereur fie ion palais,
que Conftance, au rapport d’un Ecrivain
fatirique , mais im partial, avoir quelque
crédit auprès de ce favori impérieux^ to).
C e fut par fes intrigués artificièfefes que
Conftance fouferivit la Sentence de l’in­
fortuné G allus, & ajoutace crime à la
longue lifte de meurtres qui avôient
déjà déshonoré la M aifon d e Conftan-
tin.
Education
de Gallus &£
Lorique les deux neveux de Conftan-
deJulien* rin, Gallus &c Julien , furent fauvés de la
fureur des foldats ; le premier avoit en­
viron douze ans, & Julien en ayjûit à peu
près fix. Comme l’aîné pafïbit pour être
d’une fanté foible & valétudinaire,* ils -

obtinrent moins difficilement de la feinte


pitié de Conftance une exiftence obfc
i . , - . kî . î

. ( i o ) Àpud quem {fi verè dici debeat) mtdtàm Cwf*


tantius pqfuit* À n u iü â n . 1* X Y H I , c . 4,
de VEmpire Rom, C ha p . XIX. 277
cure & précaire (11). Différentes villes^
de l’Ipnie & de 1a Bithynie furent fuo-,
celftvement choifies pour le lieu de leur
téfidence, ou plutôt de leür exil , pendant
le temps de leur éducation. Mais dès que
leur âge fut fufceptible d’éveiller la ja-
loufe inquiétude de l’Empereur, il les
renferma dans la fortereiTe de Macel-
lum , près la ville de Cacfarée. La con­
duite que l’on tint avec eux pendant une
captivité de fix ans, fut tantôt celle d’un
gardien v ig ila n t, & tantôt celle d’un
tyran foupçonneux (11). Leur prifon étoit

(11) Grégoire de Nazianze ( Orat. m , p* ?o. ) re­


proche àTÀpoftat fon Ingratitude pour Mark, Evêque
d’Àrhétufè, qui avoit aidé à lui fauver la v ie ; &
nous apprenons, quoique d’une autorité moins ref-
peâable (T iilem on t, Hift, des Empereurs, t. 4 , p*
916.)» que Julien fut caché dans le fanâuaire d*une
églife.
(12) I/Hiitoire la plus authentique de l’éducation
& des aventures de Julien, eft contenue dans une
Epître ou Manifefte qu’il adrefla lui-même au Sénat
& a u peuple d’Athènes.— Libanius (Orar,. ParrataKs.)
du côté des Païens, & Socrate ( 1- i n , cv i . ) du
côté des Chrétiens, ont confervé différentes circonf»
tances fort intéreffantes*
xyZ Uijîoire de la deçàdence
^%n ancien palais que les Mois de Cappa-
doce avoient habiti. l a fituatièm étoit
riante \ les bâtimens Vaftes èc fomptueux.
Ils firent leurs ^üdes & tous leurs exer­
cices fous la conduite des maîtres les
plus célèbres ; & la nombreufe fuite ou
garde qui compofoit la maifon des ne­
veux de C onftantin, n’étoit pas indigne
de leur naiflance; mais ils ne pouvoient
pas fe diifimuler que leur fortune & leur
vie dépendoient au Tyran qui les privoit
de la liberté, qui les tenoit éloignés de
tous ceux auxquels ils auroient pu ac­
corder leur eftime ou leur confiance,
ôc les deftinoit fans doute à palier une vie
obfcure, avec des efclaves dévoués à Tes
/

Gaiii'j dé- ordres. Les embarras de l’Etat obligèrent


Ccfiir
a . d . ¡ f i'. cependant l’Empereur ou plutôt les Eunu-
* quesà revêtir Gallus du titre de.Céfar dans
la vingt-cinquième année de ion âge;
Ôc ils cimentèrent cette alliance politique
en lui faifant époufer la PrincelTe Conf-
tantina. Après la .cérémonie d’dne entre­
vue dans laquelle les deux Princes firent
de VEmpire Rom. Ç h ap. X I X . ,279
le ferment mutuel de ne jamais rien en­
treprendre au préjudice l’un de l’autre ,
ils iè retirèrent chacun dans leur ré-*
fidence ; Confiance continua ,ia mar­
che vers l’O ccid en t, & Çallus iè fixa
dans la ville d’A ntioche, d’où , avec une
autorité fubordonnée , il gouverna les
cinq grands diocèies de la Préfecture
Orientale (13). Dans cet heureux chan­
gement de fortune , il n’oublia pas fon
frere Julien, qui-obtint les honneurs de
fon ran g, la liberté, & la reftitution d’un
ample patrimoine (14).

(15) Relativement à la promotion de Gallus, voyez


Idatius, Zozim e, & les deux Viétors. Selon Philoftor^
gius ( 1* iv , t. i . ) > Théophile , Evêque Arien , fut
témoin , & , en quelque façon, garant de cet engagement
folenneh II ibutint ce caraâêre avec fermeté ; mais
Tillemont (Hift. des Empereurs, t. 4 , p. i i î q .) croit
qu’il n’efi point du tout probable qu’ un Hérétique ait
eu de fi grandes vertus.
(14) Julien eut d’abord la liberté de iuivre fes études
à Confiantïnople ; mais la réputation qu’il acquit ex­
cita bientôt la jaloufie de Confiance, & on confeilte
au jeurie Prince de fe retirer dans les contrées moins
brillantes de l’Ionie ou de k Bithynie,
S iv
28o Hijîoire de ta décadence
CruautéU Les Hiftoriens lés plus indulgens pour
Imprudence
de Galiui. la mémoire de Gallus, & Julien lui-même,
\
qui défiroit tirer un voile fur les foibleiTes
de l'on frère, avouent que ce Céfar étoit
incapable de régner. Tranfporté d'une
prifon fur un trô n e, il n’avoit ni génie,
ni application , ni docilité, pour com-
penfer le défaut de théorie & d’expérience.
La folitude 8c l’adverfité avoient plus
aigri que corrigé fon caractère fo i^ re
& violent ; & le fouvenir de ce qu’il
avoit fouiFert, endurciiToit fon ame au
lieu de la difpofer à la compaffion. Les
violens accès de fa fureur extravagante
furent fouvent funeftes à ceux qui appro-
choîent fa perfonne ou qui dépendoient
de fon autorité (15). Conftantina, fon

(iy) V oyez Julien, ad S. P. Q . A . , p. 27t. Jérôm*


in Chron. Aurelius Viftor. Eutrope X , 14* Je copierai
les expreffions littérales d’E utrope, qui a écrit Ton
abrégé environ quinze ans apres la*mort"de Gallus#
lorfqu’ il n’exiftoit plus aucun motif de louer ou de blâmer
fon caraÛére ; >7 M u ltïs in civil}bus fceflis G allus CijjT'—
m Vir n&turâ fero x , & ad tyra&nidem p ron ior, f i fuo pttc
» m pcrare Ucuijfct
de VEmpireRùm. Chap . X IX . zS r
¿pouiê, que l’on dépeint non pas comme
une fem m e, mais comme une furie tou­
jours altérée de fang humain (i 6 ) , au lieu
d’employer l’influence quelle avoic fut
Gallus, pour le contenir dans les bornes
de la prudence & de l’humanité, irritoit
fans ceiTe la férocité de fes pallions. Quoi-»
qu’elle eût renoncé aux vertus de fon fexe,
elle en confervoit la vanité1. U n bijou
propre à la pâture lui paroifloit l’équi­
valent du meurtre d’un innocent dè la
première diftinétion (17). Gallus, de fon
co té, manifeftoit quelquefois fa cruauté
par des exécutions fanglances 8c arbi­
traires fur le peuple 8c fur les foldats-

' (16) MegAra qiiidem mortails , ïnftam matrix f&vïentu


ajjldua, humant crtioris avida , &c. Ammien Marceilin*
L xtv , c. 1. La fincérite d’Anunien ne lui permit pas
de dégu fer le> Lits ou les cara&éres ; mais fon goût
pour les ornemens lui faifoir fouvent hafarder des ex-
preffions véhémentes & peu naturelles.
(17) Il fe nommoit Clematius d'Alexandrie , & tout
fon crime fut de ne pa> vouloir fatisfaire les déûrs
de fa be le-m ère, qui fofkita fa mort par un dépit
amoureux, Ammien, 1. xiy , c, x.
ï 8z hijiotfé de la de'cadekce
Quelquefois il la déguifoit fous le malque
trompeur des formalités de la Juftice. ¿es
endroits publics & les maifons des parti­
culiers étoient afïîégés par une troupe
d’efpions & 'd e délateurs ; Sc Céfar lui-
même, déguifé fous un habit Plébéien,
s’abaiifoit * à jouer, ce rôle odieux &
méprifable. Tous lès appartenons du
palais étoient ornés d’inftrumens de mort
& de torture , 5c la capitale de Syrie
ëtoit dans la confternation. S’avouant
fans doute qu’il étoit aufîï haï qu’il étoic
peu digne de régner, le Prince de l’Orient
choîfiiToit fes viétimés parmi les provin­
ciaux accufés de quelque trahifon ima­
ginaire , ôc parmi fes propres courtifans
qu’il foupçonnoit, avec plus de raifon,
d’irriter contre lu i, par leur correfpon-
dance iècrète, le timide èc foupçonneux
Confiance. Mais il ne réfléchiffort pas
qu’en fe faifant déteiler des peuples , il
perdoit fa feule reiïource ; tandis qu il
fourniiToit à la haine de fes ennemis, les
*
armes de la vérité, & à T Empereur un
de PEmpipeRom. Cha p. XIX. 183
prétexte équitable de le priver de la pour­
pre & de la vie (18).
ÀulÏÏ long temps que la guerre civile Ma fiacre
r r 1* if, \ ‘ ^ & . des M iniftre»
luipendit 1 evenement qui devoit fixer t*EmPe-
1 1 ^ reur.
le fort du M onde R om ain, Confiance A* m *
feignit d’ignorer la conduite de Gallus
& les atrocités de fa foible adminiftra-
tipn. La découverte de quelques aflaflîns
que le Tyran des Gaules avoit envoyés
fecrètement à Antioche, fervit à perfuader
ïiu Public que l’Empereur & le Céfar
étoient unis d’intérêt , & pourfuivis par
les mêmes ennemis (19). Mais dès que
Confiance eut obtenu la victoire , fon
collègue fubordonné cefia de lui être

(18) V oyez dans Àmnnan ( L . x r v , c* 2 , p. 7 .)


un ample détail des cruautés de Gallus* Son frère Ju­
lien (p, 272*) infinue qu'il s’érrut formé fecrètement
une confpiration contre lui; & Zozime nom m e.(L*n,
p. 135.) le* perfonnages qui avoient confpiré; un
Mjniflre d'un rang diftîngué, & deux agens obfcurs qui
cherchoient à faire fortune*
(19) ZonaraSjI. x i i i , t* 4 , p* 1 7 , 18. Les affaffiris
a voient féduît un grand nombre de légionnaires ; mais
leur deiTein fut découvert & révélé par une vieille
femme, dans la cabane de laquelle Us s’étoient retirés.
2.84 ffiftoire de la décadence
u tile , Û de lui paroître formidable. On
examina févèrement fa conduite ; on pefa
chacune ¡de íes aétions , & il fut réfolu
de lui oter la pourpre * ou de l’éloigner
au moins de la m olle oifîveté de l’Aiîe,
en l’expofant aux fatigues èc aux dan­
gers de la guerre en Germanie. La mort
de T h éop h ile, Con fulaire de Syrie, qui
avoir été maiTacré dans un moment de
difette , par le peuple d’Antioche, de
connivence avec G allu s, ou plurot par
fon inftigation , fut repréfentée non feu­
lement comme un trait de barbarie, mais
comme une infulte dangereufe pour la
majefté fuprême de Conftance. Deux
Miniftres d’un rang illu ftre, Domkien,
Préfet Oriental, & M ontius, Quefteurdu
palais, reçurent lacommiffion de vifiterles
provinces d’O rient, & d’en réformer l’Ad-
miniftration. O n leur recommanda de le
conduire refpeétueufement avec Gallus, St
de l’engager, par là perfuafion, à céder
aux dé (irs de fon frère ôe fon collegue.
L a témérité du Préfet dérangea ces
de /*Empire Rom, C ha p. XIX. 28y
mefures prudentes , 8c hâta en même
temps fa propre ruine & celle fde fon
ennemi. En arrivant à A n tio ch e, D om i-
tien palla dédaigneulèment devant les
portes du palais, & fous le léger prétexte1
d’une indifpôfition, refta plufieurs jours
enferm é, pour compolèr un mémoire
fanglant, qu’il fit palier à la Cour Impé­
riale; Cédant enfin aux preiTantes folli-
citations de G allu s, le Préfet cónfentii
à prendre fa place dans le Confeil ; mais
fa première démarche fut d e 1lignifier
avec arrogance au Céfar, un ordre de
partir fur le champ pour l’Italie, 8c une
infoiente menace de punir lu i-m êm e
la réfiftance ou le délai, en fulpendanc
le payement de fa maifori. L é neveu
8c la fille de Conftantin pouvoient diffi­
cilement fouffrir d’un fujeccettè violence.
.Enflammés de Colère, ils firent arrêter
par leurs gardes le Préfet Üomitien.
L ’affaire étoit encore' fufceptible d’accom­
modement ; mais il devint impraticable
pat l’imprudence de M ontius, dont le
. t8 6 H ifloire de la âecadence
fougueux eara&ère avoir çerni en plusd’une
occafion les taîens & l’expérience (10).
L e Qufteur témoigna fa furprife à Gallus,
dans les termes les plus offenfans, de
ce qu’étant à peine autorifé à dépofer
un M agiftrat m unicipal, il avoic la haf-
dieile de faire arrêter un Préfet du Pré­
to ire, & ayant aifemblé tous les Officiers
civils ôc militaires , âl leur ort^onns^ au
nom du Souverain , de, défendre la per*
forme la dignité demies repréfentans.
C ette dangqreufe déclaration de guerre
força l’impatient Gallus d’adopter les
reiTourcçs lès plus violences. Il fit prendre
les armes à fes gardes, afTembla le peuple
d’A n tioch e, &: leur confia le foin de fa
vengeance 6$ dé fa sûreté. Ses ordres
— ■ ■/ ~ * ■-* ; y-* : j .i <j ■-)
^ i
T T - j.
‘ 1 - ,iy-y
i ,i-_- *
■ —.v ^ ~ - ■ - ^

(20) £>ans le d A n ^ é n * pou? liions, afp?*


quïdtm, fe d ad hnitatem propejijîor ; ce qui eonffituc
une phrafe^çontradi&oire ££ ridicule. A IWe d’un
viétix tnàîiàiertt * Valefius ^ re&Îfié 4 â prerhiêfé dé céi
fautes » & jîou s appercevons un rayon de lutnièrè jïat
la fubftitution du nîot vafer. S i nous hafardons dechan­
gé? Unit aient en “ levi'tatem 3 cette njütatidn d’unô ftülé
lettre rend tout le paiïage elairC&'conféquent*

/
' de VEmpire Rom. C hap . X lX . 28;*
furent cruellement fuivi$; la populace
iâiiît le Préfet 6c le Quefteur, 6c aprèsr
leur avoir lié les jambes avec des cordes,
les traîna dans les rues en accablant de
coups 6c d’injures ces malheureufes victi­
m es, dont elle précipita les corps morts
8c déflgurés dans le fleuve de l’O -
ronte (21).
Après s’être porté à cette extrém ité, ttengercnfct
Gtu.k ion de
quels que fuflent les defleins de Gallus , Gallus*

ce n’étoit que dans un champ de bataille


qu’il pouvoit efpérer de défendre fort
innocence avec Yuccès, Mais l’ame de
ce Prince étoit un mélange de foiblefle
8c de violence. Au lieu de prendre le
titre d’Auguite, & de s’aiïurèr des troupes^
6c des tréfors de l’O rie n t, il fe laifl'a-
tromper par l’arriftcieuiè tranquillité de-
------- --- ■ -f. . - Y _--------------------------- *

(ai) Au lieu d’être obligé de puifer ça & U' dans


des fragmens imparfaits, nous avons àipréfent le fe-
cours de rHiftoire fuivîe d*Ammien, & nous pouvons
rénvoyer aux fçptiêtne & neuvième Chapitres de fou
quatorzième Livre* Cependant Philûf^r^üs * quoi*
quun peu partial en faveur de Gajlus t ne doit pas
être tout-àrfàif rejeté* ' - ^ ~ ,f -
*88 H ifto irc de là décadence
C o n ftan ce, q« i, lui laiflant le fade
illufoire; de fa C o u r , rappela les vieilles
légions des provinces d’ Àfie. Comme il
pouvoit être encore dangereux d’arrêter
Galjus dans là capitale, on* fe fervit avec
fuccès du moyen lent St sur de la
ditiimulation. Conftance lui écrivoît
Souvent, & T exh ortoir, par des expref-
fions de confiance & d’am itié, à rem­
plir les devoirs de fon rang ; à décharger
fon collègue d’une partie des foins pu­
blics , & à protéger l’Orient par fa
préfence, par fe s confeilsu& pat fes armes.
Tant d’injures réciproques auroienc dû
éveiller les craintes & les foupçons de
Gallus; mais il avoit négligé les occa-:
fions de la fuite &> de la réliftance, & il
s’étoit iaifle féduire par les difcqurs flat­
teurs de Scudilo, Tribun militaire, qui,
fous l’apparente franchife d’un foldat,
cachoit l’adrefle perfide d’un courtifan.
Gallus comptoir fur le crédit de fon
cpoufe Conftantina, dont la mort fatale,
dans la circonftance préfente, co n fo n d
de VEmpire Rom. Chap. XTX. 489
la ruine de ion mari, verstaquélle îesim -
pétueuiès paifions de cette PrincefleTa-
voient précipité ( n ).
Après un long délai, lé Prince partît Bifgraceflte
moù deÙû*
avec inquiétude pour la Cour Impériale. lus.
A. D.
Dépuis Antioche jufqu’à A drianbple, Décembre*
il traverfa la vafte étendue de Tes Etats
avec une fuite nombreufe &c brillante.
"Pour cacher fes craintes aux peuples & le
4e$;diifi mulet peut-être à lui mêritié, il
fk célébrer lés jeux dit cirque à. 4oonf-
tantittoplê. Le cours de fom voyage auroic
<34 l ’avertir du danger' dont ' il étoit;
ïnenaeé j dans les vides- principàlës ete foû
^aiîàge' , ' il trouvait dés MiniftreS de
-confiance envoyés exprès pour Ce iàifîr
ale,,radmimûiration, obièrver tous fes
mouvemens * & prévenir les excès de
’violence' auxquels on craignoit qu’il
$ e Ce livrât . dans fon défefpoir. Les
Députés chargés désem parer du gôhVer.
•^iti ~
i1‘ *" — - -J' ■* ^ ‘ ■- - ■ ‘ •r 1I
* _ -*’ ' - / + , 1.
v ( i l ) -Ëllô avôit jprêçédê ion m^rî; mais elle mou­
r û t fcti rtfuté d’un accès dé fièvre, dans une petite
ville de Fithÿnié 9 nommée Cànàm &ailicanum<
Tome IF . T
jo o Jìifioire de la décadence
nement des pròvinces, le faiuoîent froi­
dement à fon paflage , quelquefois
même avec l’air du dédain, & l’on /I *
gnoit, foigneufem ent, avant, fon arri-
v é e , les troupes qui fe trouvoient placée®
fur fa route, de peur qu’elles ne fuîTenc
tentées d e lui offrir leurs fèrvices (13),
Gallus ayant obtenu la liberté de fe re-
pofer pendant quelques jours à Adm -
n o p le , il y reçut un mandat d’un ftyle
dur & abfolu , qui lui ordonnoit de
lai (Ter dans, cette ville fa nombreuse ef-
c o r te , èç de fo hâter, d’arriver avec dix
chariots de polle au plus à Milan, où
étoit alors la réfidenee Impériale. Dans

: ( î ?) légions de Thèbes qui étoient en quartier


à Adrianople , envoyèrent une députation à Gallus
pour lui . offrir leurs feryiees, Ammien> 1. Xiv, c,
n . La Hùtiùa (f. 6 y 20, 38, édit, l’Abb* f fait men­
tion de trois légions Thébaines. Le zèle -de M-
dé Voltaire pour là deffruétion d’une légende jpé«
prifable quoique célèbre, l’a engagé à n ier, fans U
moindre autorité, l’exiftence d’une légion Thébaine
dans lés armées Romaines, Voyez les Œuvres de
Voltaire , t. i j , p, 414, quatrième édition*
de l1E m pire R om . C hap . XIX.
cette courfe rapide, le refpeéfc du au frère
& au collègue de Confiance le chan­
gea en une infolente familiarité. Gallus*
qui appercevoic, à la contenance de les
ferviteurs, qu’ils fe regardoient déjà
comme les gardes . & qu’ils fèroient
-peut-être dans peu fes bourreaux-, com-
mençoit à s’acculer d’imprudence* ôc ne
penfoit pas fans remords à là conduite
inhumaine; qui lui avoir attiré fon in for­
tune. O n cefla toute drffimulation à Pe-
-totio en Pannonie ; il fut conduit, à un
.palais dansies fa u x b o u r g s o ù le Général
Barbario, üiivL d’une croupe de foldats
(choifb*:aùffi;inacceffibles auxrécompenfes
qu’à la p itié , attendoit-1’arrivée de fon
illuftre, viétime. O n rarreta au commen­
cement» de-la nuit, &C après l’avoir igno-
minieulement dépouillé des ornemens
de G éfar, on le tranfporta à Pôle en
Iflrie, dans la prifon qui avoir été li
récemment teinte du fang royal. Sa
terreur fut" bientôt augmentée par l’ap-
p arîtio q d efo n implacable ennem i, l’Eu-:
T **
l]
3t * Idißam edeM dcca^e^ice .
Eusàhus ; q u i, :¿n préfeaæe d’un
JSTocaire & d’unT.ribun, .commença fon
¿merrogatoire relati-vemàik à Kadmiai&rg-
iîoaHed'jQrieîït. ;Le Géiar/uccorabant fous
le ,poid sd ü c rjugver ¡Scadeva honte v confefla
$asK££^sJtâwh&'
♦ *
38__ c îtous 1le
J
s deflêins eri«
•ioiîlel^ «dont i l jétoit ‘a ccuféi Eh les -impu-
$an£5 ^uXi^C(^!%ak ixle.iâa', Pritfoejifei fon
¡¿pobièr* ¿1 àuginaeora è’ihàignpdôn sdp
'Caònfianse, qai lueloikmÊipeaiàtfiiiiiùte
«d/éifcbrpúichrisjióáániel; E’Emperdiir,-«©.â-
^iécftijqafe dfasçrapi^ ■ snrejd:éfcbkán¿ora-
atfee. \%j^iej .de ion :doajiià,y
l a jfentence def jaiert 'ÿ.' Se niSe «neVeu de
Idcraftantin, lesm^átiBijémiacñésQjíídos,
ibé décollé .dans. &. iprifon comme un
•v il. M a ifä ic ß U E ;f2 4 )/ : G é h x . aqmJËon&pbités
•à- «gxoafer Ih : cruauté ;d s d 6bflftaôce,
V-d J, *

. in l-F ey # . A® tyL?°m h& ^


jjno^tde Gallus, dans*Anupien (L ^ x i x ? c.
lien le pîaint "que f o n i t è r e ’ai é fé Lex^iiité fans avoir
è ïè îwgév-it tibiae de jd(K fien öü du m ü x i : d j^ x p ^ ^

il fumble convenir qu’on auroit pu Je priver ^


-la1pourpre aVeè~jiâHfce* ^^ ^i ï ¿-■ =* ^-- *»-*■ '-**■ '''*
de PMmpire'Roih. G h à p . X IX . 29-3*
affûtent qu’il fé repentie promptemerity?
& qu’il révoqué 1-ordre fanglanti ; mai»
qtte les E énuqués retinrent' le Courtier*
chargé- dé la grâce. Ils redonroiéne 1©
ëara&èrë emporté de Gallufc , & défier
roierit réunit fous leur autorité les12 *
provirices' opulentes' dé l’Orient (ly p
D é éotite la noiébrëafe poftéritédé'
Confiance C h lo ré , il rie reflroir qu é
Julien après l’Empereur régnante L é ’
malheur de fa naifTance royale l’avoir en-:
veloppé dans la difgrace de Gallus: De*
fà: retraite dans' l’heareufe contrée de)
l’Iom éÿ oal le coriduifity fous üde farte?
garde’, a la Gouti dé;Milan« oir il lan-*;
guié environ' £ept m o is y: dans l'atteint©
afïreufe d’uri fupplice pareil à !ceux5qtf ih
voy oit infliger-tous-les-jours aux-amis Se­
aux adhérensde'far'fa-rnille,Ses regard sy les

(aç> Philuflorgïus, L t v 3 c* i. Zonaras; l. x iir , t.


2 , p* 19. Mais le premier é toit partial stria vêtir d’un
Monarque Afien , 6c l’autre traaferivolt fans -choix St
fans difeernement tout te trouvoit dans les écrits
ifcs Anciens,
A

jg4 . :. Hijloire âe ladecadénce


gelles y & jufqu’à fon iile n cë , étoient-
cxaminés avec l’œil vigilant dè la plus
maligne curioiité. Il étoit fans cefle
affiégé par des ennemis qu’i l n’avoit
point offenfés, 6c par des artifices qui
lui étoient inconnus ( i 6 ). Mais à l'école
de l’adverfité, Julien acquit peu à peu
du courage ôc d e là difcrétion. Il défendit
fon honneur & fa vie en évitant les
pièges adroits des Eunuques* qui m e t-
toient tout en œuvre pour lui faire
trahir fes fentimens. Renfermant avec
foin fon relTenriment & fa d ouleur, il
ne s’aviliifoit point à*flatter le T yran ,
par l’approbation de fa cruauté. Julien
attribue dévotement fa délivrance4 mira-
culeufe 4 la protection des Dieux, qui
■ i .V , y- ■ y
(26) Voyez Ammtèft'Marcell; L x v , c. i , j , 8.'
Julien lui-même, dans fon Epître aux Athéniens, fait
uo tableau frappant de fon propre danger & de fes
ftntîmens. II montre cependant un penchant* à exa­
gérer ce qu’il a fouffert* e n ; infinuant, quoiqu’en ter-*
mes obfcurs, que fes itidheüfs durèrent une année en­
tière ; ce qu’il e fl impôÆbie de concilier àyec la vé*
rité de la Chronologie* *::: ^ J
de PEmpire Rom. C hap . XIX. 19J
avoient excepté fan innocence de la
fentence de deitruélion prononcée par"
leur ju ftice, contre la Mai Ton impie de-
Conftantin (17). Le moyen vî&orieusr
dont la Providence s*eft ièrvie, e ft, dit-
i l , la ferme & généreufe amitié d’Eu-
feb ia (i8 ), Princeilè auffi diftinguée par
fon mérite que par fa beauté* C e fut par
fon interceffion que l’Empereur con*
ièntit à voir Julien. Il plaida fa caufe
avec une noble aifurance ; Sc il fut
écouté favorablement. L ’indulgence d’Eu*
febia prévalut dans le C o n fe ii, malgré

(27} Julien a décrit les crimes & les malheurs de


U famille J e Conftanün dans une Fable allégorique p
lien imaginée, & rendue avec grâce. Elle fe trouv»
à la fin .de îa fepriéme O raifon, d’où elle a éré dé­
tachée & traduite par TAbbé de la Bléterie. Vie de
Jovien , t. 2 , p. 385-4°^-
(28) Elle étoit née à Theflalonique en Macédoine,
d’une famille noble , fille & fûeur de Confuls* Elle
époufa TEmpereur, dans Tannée 352, dans un temps
fie faéfion* Les Hiftoriens de tous les partis rendent
juftice à fon mérite. V o y e z les témoignages raflem-
blés par Tillem ont , H ilJ, des Empereurs, t. 4, p4
J- Ï *
7 0 7 4
T iv
y
2q£. ffiJlM & d%la,d&ad€fi&:‘ '
les ©Cotes des Ejunuqqes^ Rs tâchoienç,
ï. de démontrer qu’il étoit dangereux do
laiflTer un veogeqr du fang de Gallus#,;
5c craigant l’efFet d’une fécondé entre- ;
vue , ils engagèrent1 Julien, à ,fe retirer
îülicn eft dans) les environs de M ilam, jufqulaiï
envoyé à.
Athènes. moment où l’Ifmpereur: lni affigna .la,’;
A»D- îff.
Mai. ville d’Athènes, pour le lieu, honorable
de. fqn e x il If 5avait m ontré, dès fa:
tendre jeunefTe, un goût ou plutôt uns
paillon pour, la langue »c lés, mœurs, la«,
fçience, & pour la Religion des Grecs,
S c il obéit avec plaifir à un nrdre; fi cqik

forme à fes défirs. Loin du tumulte des,


armes. Ôc de la perfidie des Cours* il
paiTa fix mois au milieu des bocages!
de l’A c a d é m i e & dans la converfation
familière dqs; Çhilpfiophes.du iiècle-, qui,
travaillèrent à cultiver Ingénie-, àiexciter •
la vanité, Sc a etifiammer la dévotion dè
leur augufte. élève, Julien çonferva invip-
JaJalementi pour Athènes;, là ifenÀêflft!'
qtrune i^uj
au' fouvénir de rèndrcut/ou^ïîè a*y^
de l ’Empire Rom. C haæ .; X Ï X . 29,7*
Hââcee & briller les- premiers rayon%
dej ton génie. X a douceur. ,$û: l.’aiia***
bjlîcé qu’il tenoit de la. N ature , ¡8L qpe
fa-fituationTulim pofoit, lui gagneienC'
l ’amitié des Etrangers & des cicoyerts-,
qjait eonverfbient- avec lu*. Quelques-unsÊ,
de Tes. compagnons d’étude le> voyoient
peut: être moins favorablqmtenç ; mais’
Jalieot acquit dans 'les écoles- d’Athènes •
une eftimeîgénéralepourTes fcaJ.e&sSû pour
Tes. vertus-,, & il jpuît bientôt,, dans tout
le M onde R om ain, de cette honorable
réjpÉat-iea (rç>)i -
Tandis que dans la- retraite Julien em -
pîoÿoit fan, temps à s?in{fcruire , Tlmpé- *&

LîSanms & Grégoire dé Nàzîarize ont épuiÆ


l'art Stf la* fbrc-ç de leur éloquence; poiir- répréfemeï'
Julien comme lé premier- de&Hero#ôu, le* plus odieux*/
des ty ra n s* Grégoire fut fon* condWcïple à Athènes*
& lés ŸÎcVs ,qu’il lui "reproche iiAamèrement fe rédui'
fentJû quelques* îfaperfeéfcions corpore^es*;: & à quel*
quçs fiagçdaritéV dans- féi manièresr&-dsns A l façott.
de parler. Il p**otefte cependant qu’iL prévit dès ce-
ternes-là* tons lés malheurs de l’Eglife ¿¿ dé rËràpirev
fiféffofosrt <teJfaziaaxe ^Q tat, rv:r ]

&
aa g Jii/lùire de la décadence
ratrice, réfol ue d’achever fa généreufis'
entrepriie, n’oublioic pas le foin de fat
fortune. Par la m ort du dernier Céfar,
Confiance fe trouvoit chargé feul du
coinm andem ent, & il fe fentoic accablé-
du poids de ce vaile 8 c puiiTant Empire.
D es foules de Barbares dévaftoient les’
G aules, êc les Sarihates ne refpe&oient'
plus la barrière du Danube. L ’impünité
avoir augmenté l ’audace d’une troupe de ’
julien«a Sauvages Ifauriens. Ces brigands defeen-
' doient de leurs montagnes efcarçées
pour ravager le pays voifin ; & ils avoîenf
eu l’infolence d’affiéger, mais fans fuccès,?
l ’importante ville de Séleucia, défendue ;
par trois légions. D ’un autre coté, le Roi.
de Perle donnoit en même temps des
inquiétudes plus férieufès ; enorgueilli t
par les viéloir^ , il m enaçoit de nouveau
lès provinces de l’A f ie , & la préiènee de
l’Empereur devenoit également indif s
pénfable fur les frontières orientales & ’
fur les confins de l’O ccident. Pour la-
première fo is, Confiance reconnut fincè*-1

î*
de VEmpire Rom. Chap. XIX. t y f
rem en c que des foins iî variés & iï éten­
dus étoient au deffus dq íes forces (3 o)!<
En vainffca voix de fes flatteurs voulut ie:
faire entendre, ¿c lui perfuader que fes
vertus , fon courage, & ion expériéËbe
aidée de la faveur du C iel, pouvoir encore
fuñiré à tout ; il fe rendit à l'avis d’Eu-
ie b ia , qui fatisfaifoit fon indolence fans
WefTer fa vanité. S’appercevant que le
fouvenir de Gallus donnoit des craintes
à l’Empereur , cette PrînceiTe lui pré-
ientoit avec adreflè les cara&ères oppo*
fés? des deux frères, qu’on avoit com­
paré^ dès leur enfance, à ceux de Titus
SC de Dom itien (31). Elle accoutùmoitfon

(30) Succumbere tôt n ccefiltatibus , tamque crebris unum


f e quod ntinqium fice r a t apertè demonflrans, Ammien, L
X V , c* 8- Il rapporte dans leurs propres’ ternes les
affurances fiatteufes des Courtifans.
(31) Tantom à W nperatis moribîts J u lio ni dijferens.
fr a tr is , quantum inter Vefpafianvfi.Uos fu it 3 Domitianum
Tiutm , Àmrnien, L xiv , c*
. Les épreuves

l'éducation des deux frères eurent une fi grande ref-
femblance, qu’elles foumiflcnt un exem ple frappant
de la différence d#s caraâéfes.
*oo .• T'.
mari à. êQJftfidéretf JjbKem itonfrme un jeune
prince modeifè §£■ fattèam bition,, dont là
pôurpre afïureroit la feconhoríG(ice:&. id
fidélité, &ide®&íe8 t»âfen§ *,fiîicepribiésdé
jefÉMi? avec l^tt$eui>q®S‘piaGe du fecondr
ra n g .fcù k g e m ié st! ÎÎk ip e ie à « d’uneik»*
finjté- deifoiln^,: ^ns-rjaiñáís! raivalifér ived
Ini iïp c w & '^ c k e : owp à u b k commandes
mtents L ’afcendant) d ftl’Rnpéramee l’èni^
porta fur ladongue & fëèrète oppoikioii*
d^S: Eùtiuqiles' , fa^ortsv ôC: tl fut réíolu
que JuUeà iroiç a ^ cV ie titre de Géfaé
gouverneriez- peuples» ati; delà5des Alpesd
dé»; quon* ^auroit celebre fo ir nias?iagq
avec la-Prieçeflè Hetehe-'y fesiir de Cefefv
tance (3 z). Quoique l’ordre qui le rap-
peloit à la Cour fut fans douté accom­
pagné. de quelque avertiiïWnent fur fa
prbdïftiaâ'grasndeur ¿Jfdittp prît le pëupli
d’Athènes jjoü'r térfi'olif "‘dèp-fë- dÔlrf’èiïF
iincère M des larmes q u ll ré]
■Tgv' T'-'

(3-4) Aimai«!}* 1. xv ,,ç: & Zafim^U in * p» iffl


138.
)

1
de lŒmpire. Uam. C waV î^ I X ,
« 0 ia r r â c h a » malgré iuïj'idé fâ^rêtraitb
ciierie (3 3). Ü!"<craignoit ¡poiii? ia;' vîè ^
p ouf faigLoire, èc ¿même vertu, '
l'once fa. 'confiance étôit -datas" la- per-
fùàûon qn®-Minerve dirigeait Tans celle *
fa conduite, &c qu’il iétdk‘ fous la psrcr-
te&ion immédiate d’une légion Ü’Âriges
invifiblesj'éue ëètté Déëffè lüi étroit expé­
diée dir4Soleil ‘ &ï' !idevla ’ LtinéV !i i if ap ­
procha pa#1Tainshorreur "dtf jfàîaié de
Mifew ÿ’ &È rfi|i^4 Héigiiiafôt)tt'1!fbt •:riflw»w?
' v . — t F-«/? V * t F- »* , —• f~ Îr f l *

il ; ‘i&pit0 les ^rêfpëéïs^ perfides 5c


éërvilés' âë§ -âftïaffih$1de-J f a ; fâtfnilë: E if*
ièoià -étoié ‘ëtïèhantée *d?âvoir rëiiflr 'dans
iÔtëKprojet ^ riérêu x ; X%mfoéàifeht avec
ià tëttdvel^d’uHê^éetir , Jéfle !tâcka:, ' pat
Îé$ êàféftesliées) pîUs^flattÆfêsi, dé bannir
% 4 eJ s
fiamme. Mais la cérémonie de lui rafer
-¥■ rh ^ r%;■ f-t^" ' rrr^ rwTiiii^Tr

i ($ 5-) JV£Üéiï y &d P* 4 -). A . p.~ ^75V 276, Libaniiis;’


O r à t .X , p- itfS* Julien ne céda point qùé les DleiA
peTui^uiTaftt 'fait-connoître leur volom é pat des vi-
Æqns fc,des^:')^iii^^,'Sÿ'*piité;1ot!'iercDcl!t alors de
leur xéiifter. v ;
■ s o* * Hifiotre de la décadence
¡fa longue b a rb e , 8c fion: maintien em­
prunté quand il fallur trkâquer le man­
teau d’un: Phileiophe G rec pour l’habit
.militaire: d’un Prince Rom ain , axnufa
pendant quelques- j ours la légèreté de la
Cour Impériale (34). -
. Les Empereurs du fî^ple, de Conftan-
tin ne daignoientplus ^ p iu lter le Sénat
dur le choix d’un collègue; mais^l^ayoîenç
/ôin de faire ratifier la : nomination par
l’armée. Dans cette occafion folennelle,
les gardes & toutes les troupes qui étoiqnt
pm . environs ^de^.^M^^^ism^ut^fous
les armes ; .Con{U nceÀ;ir^ta.tfut X©4
tribunal , tenant par la ioain |bn eoufin
Julien, qui accom plifloit ce jour-là fa
vingt,-cinquièm e; année (3.5)* Pans un
■k *" r ■
1 » ■■■■? » . " 1 L ■ '1 ■ ■ ■ ¿i» ^ 1 ■ P
; (34) /«lien raconte lin-même ( p; 274/); d’une ma­
nière aflesÉ plaifantÇj les circonftances de cette méta*
piorphofe, fes regards baiffés, & fon maintien cm*
barraffé, lorlqu’ii ie trouva tranfporté Sans un mondo
nouveau;, où chaque objet liü paroiffoit, dangereux ou
au moins étranger- j ^
* (33) V oyez Ammien-Marcell, 1 . X T , c, 8.Zofinie,
b 111 ? ;p- ^39* Aurelius Viftor, .Vi^Qnjpiior, ip Epi*
tom* Eutrop. x , 14, ■
de l’Empire Rom. C h ap . XIX. 303
difcours bien conçu & débité avec di­
gnité, l'Empereur repréfenta les differens
dangers qui menaçpîenc la profpérité de
la République, la nécedité de nommer
un Céfar pour gouverner 8c défendre
l’O ccident, 8c fon intention de récom-
penièr par la pourpre , s’ils y confen-
toien t, les vertus qu’annonçoit le neveu
de Conftantin. Les foidats témoignèrent
leur approbation par un murmure ref-
peébueux : ils contemploient l’air mâle de
Julien, 8c ils obfervoient avec plaifîr la
modefte rougeur qui tempéroic le feu de
Les regards. Dès que la cérémonie de fou
inveititure fut term inée, Confiance s’a-
dreflànt à lui du ton d’autorité que fon âge
& fon rang Fautorifoient à prendre,
l ’exhorta à mériter par fon courage 8c
par iès vertus ce titre immortel 8c fâcré,
8c lui donna les plus fortes aÏÏurances
d’une amitié à laquelle ni le temps ni
l ’éloignement ne porteroient jamais at­
Julien
teinte. Après ce difcours , lès foidats no mmi
Céfar.
frappèrent de leurs bouclier« fur leurs A. D jçf,
Nuyesubrc
aj34 Jlifinri dtladécmience ;
■ 'iggQ&at, àea-fîgnfi 4 appiaudáíTeimens^^
a& les. Officiers q u ie n ç o ’urGïeât ]e ;'n>
:jbunal fikprnrtèrenc 4 fec-ú ae decente r¿-
iteüvie. leor, ëftime
d e Go'nftance. >- •••
• ir^coeraérent au palais
dans le même char ; Ôc pendant lejcoons
áde cetííedenfie procedían^ Jolieatiferé,.
spécoit;. h ■ Im -atèfàéî univers d’Hfjsoère,
■ qui pouvoir également is'appliqu^ à;.fes
scraintes ':Bé i à (a forcune; (3,7). le s vingt?-
jquatre jours qu’il paflTa dans. le palais
idè Milâtr après fon; úiwéftitufe y »8c -4 «
¿premiers; jïiôïs >de io n .iègne dans &
-GauleSy'fnrent; aceompàgiiës d’une faf*

f (3 6 ) m Uitares omnes torrcndo fragore fi uta


Hlïdentes V-' yuod projpçritàus ïndmum plénum; mm
ctmtw cum kajlisrdypti fori^nt^r^r^ docmmntm efî fy
dolorïs** Am mien ajoute par une fubtile*djftm£*
lion : EiiTûqüc, }ut potion revtrehtiâ fervafctur ncc fugra
modum làadabant, necinfia quam -deoebaU
¿û®»*
'd’une épiii^èj:^ vague »maisqui. en ftrycâtibuveiui la
ihbn;?Tüt appliqué très- juftement5paf Julien, auxob­
jets-de fc$ ciaiates &* des Angersredontpjf.
■ tueufe,
de P Empiré Rom. C b a v . X ï X, 30f!i
tueufe-, mais févère captivité, té s hon- '
neufs qu’il avoit acquis n e iom pènfoientf
pas la perte de fa liberté (38). On ne
lui laiflaque quatre de feS anciens domei-
trques ; deux P ages, foti M édecin, Ôc font
Bibliothécaire ; ce dernier etoit lé gar*^
dien d*üne précieufe colleétioh de livres!
reçus en prêtent dé i’Îm p ërarriceau flV
attentive à Satisfaire les inclinations*
de fon ami ,- 'q u ’à: 'défendre f e s : irfë’
térêts. A u lieu ’d e fés; ^fidèles -ferviteursy
fa rnâifôh fut compofee convenable-*-
mènt^à1 là d ^ n ^ é1de Céfar , 1mais reih^
plie ^dîtti»éi*foule-'' d*Éfcîavës dénués "êtî
peut-être incapables dcitiachemeniLpéuc
leur nouveau Maître, ? auquel iis étoient
"i i 1 \ T. W * - —
L ■^ ^ --*1 t ^

*-— r y rrrg- *------------------------- : -rm }


<.C3S); ÎÎ Tacante de la manière ìa plus pa*hétcq«e '( p„r
277. y iè ètaUger d e ia noa vei lerûtuatien. Cependant
fa tafflé 'Êtoit ^fervisi avec tairt ^de^Iuxè & ptofti^
fron * qiïe le jeunePhilofoph ei la
rejeta avec ’dédains
Quum iegeret ììbillù m a jjid u è q u e m >Coriftjntw s Uâ'pri*'
viguuni" àd flu d ia m ittens, ' m à n û fu â çôn fcripfiraty predi*
cknter difp&nèns quid jn vconvìvi# C & fin s im pendi dèbefet"^
~&hafidÀuni\ & vulvam & fiim ett exig i vernit & inferri**.
Àmihieó-Marcpllin. 1, X V I , ci ^

Tome I V . V ,
\ ■

Hifioire de la décadence
pour la plupart, ou inconnus, ou fuipe&s.
Son défaut d’expérience pouvoir exiger
un Confeil compoië d’hommes fages &
intelligensj mais rétîquette minutieufe-
qui régloit le fer vice de fa table, & la.
diftribution de fes heures, çonvenoienc
plus à un adolefcent encore fous la dif-
erpline de fes Inftituteurs^ qu’à un Prince
auoue.1
<, ' I 1 .*J-*: tS- i
on confioit
> *
la conduire Jd’une
', i : . ■ ■ 11
guerre /importante. Àfpiroit.-il.à mériter
Teiliin.Ç' des peuples ?; ; il étoit arrêté par,
l a ‘çjrainte de déplaire au Souverain., Les>
fruits de fon mariage lui furent .enlevés
par k/.,.jalQU.(içvj.batpaîte-.j t y f (}?h
i
i I f\ i■
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i , 1 ; ' ■ - ■ ■*
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,i , ^ ‘ ; \i ‘1 _*'’ ; ;; ; J ’ J: ^^1i' ‘ 'T '1 )
. J. - -■

(39) Si nous nou$ rappelons que Conftantin, père


en^Yô7rdirx-hait ans ayant, danr
un )ag« ^rés-avancé , .iil pÈrottra. probable que [la fillef
qu0iqni^^r.ge,,:; n’éMt]pas;dfori j«üne an moment de
fort vinarkJge.E lie accoucha: bientôt d’uni fiis^qui-mou­
rut ;i/nj^èdi?tejnent faprès ;;êtfe Ÿênu: ftu^tnondô.,Quàdf
ckfktrix y\Cÿrrupla rnercede, ttiox natUfn, prdfcSko plus
con^tnefat; umHlko, ¿tcàyitex Elle, aççpnrpagfia l’Smpe-
reu rik Tlmpératrice dans leur Voyage. à R$mc ï ^ ^
d e r n i è r e ..... qu&fitum vtnenum biberâ^perfid^dem- ^ exit*
ut qu9ikjc^nquc conc'epijjfet^ ipimututum ¿bjiGtftL f

/
de VEmpire Rom. C hap . XIX. 307
elle-même, qui, en cette feule occaiïon,-
parut oublier la fenfibilité de Ton sexe
& fa généroiité naturelle. Te fouvenir de
fon père & de fes frères avertiifoit Julien
de fon propre danger j & Tes craintes
etoient encore augmentées par l’injufte
& récente condamnation de Syîvanus.1
Pendant l’été qui avoir précédé fon élé­
vation , le Général Syîvanus, choifî pour
délivrer les Gaules de Pinvafiûn des Bar­
bares ¿ e u t bientôt lieu de s’appercevoîr
que fés plus dangereux ennemis étoient
reibés à la Cour Impériale. U n déla­
teur adroitément periidë, foucenu par plu-
iieurs des principaux M i ni (très, ayant
obtenu de lui quelques îétcres de recom­
mandation , en effeça tou t, excepté la
iignature ; & remplit à fon gré le par-
cbeniin d o defleîns SC de complots cri­
m inels.-Ta' vigilance & le courage des
,. .• ’ *■ , : ; i. ' ■'
******""1 ^ M
Ammïen > 1. x v x j c. io. Nos Médecins décideront fi
un tel. poifon exifte* Quant à moi \ fincline à croire
que la méchanceté du Public imputoit des accidens
r^türefc AiJÎ crimes fuppofés de Ilmpér^tricé Euiebia*
V i)
a o S li i f t a i r e d e la d e ç a d e n c e

amis du Général firent bientôt décou­


vrir la fraude. U n C o n fe il, compofé d’Of-
nciers civil?. f wiUtaires , reconnut
■ publiquement l’innocence de Sylvanus,
en préfence de l|Einpereur. Mais la-dé­
couverte arriva trop tard. ; le bruit de,
Ja calomnie & l.a /aijfie; de fes biens
excitèrent^ l’indignation: du C hef; £c
dans l’excès de là co lère, ;il s’étpit porté-
à.la révolte dont on liavoit fi injuftement
acçufé. Sylvanus prit la pourpre auprès
de Cologne , à la tete de fon armée. Sa ,
puifTance àérive menaçoit d’enyahir l’I->
taire dafliéger Miljan. -Dans. çette cir-;
confiance ,Urfiiricus.;, Général du même
ra n g , regagna par trahifon la faveur qu’il,
avoit perdue par d’éminens fer vices rea-,
dus dans l’Orient. Feignant d’avoir épçou^
vé une injuftice femblable à,celle;qu’on,
ayoitfaite à Sylvanus , & de partager fou :
reifentim ent, il_ fe hâta de_Je joiodre...
avec quelques cavaliers, & de trahir Ton
crédule ami. Après ;ün >règnèJ deyingt-
hpit jours, Sylvapuà f u t â f l a i f i n é J es.
de T Empire Rom. Cha p. XIX. 309
ibldats qui avoient fuivi iàns réflexion
l'exemple de leur Commandant, rentrè­
rent dans l’obéiffance. Les flatteurs de
Conftance célébrèrent la fagefle & le
bonheur du Prince, qui venoit d’éteindre
uneguerre civile fans verièr le fangde Cés
fujets (40).
La défenfe des frontières Rhœtiennes, Confiance
va à Roms,
& la perfécurion de la.foi Catholique , A* D*
Avril 18.
retinrent Conftance en Italie plus de
dix-huit mois après le départ de Julien.
A van t de retourner dans l’O rien t, l’Em­
pereur fatisfît fon orgueil & fa vanité,
en vifîtant l’ancienne Capitale (4r). Il
alla de M ilan à Rom e , par les voies
Æmiliennes 8c Flaminiennes ; mais quand

(40) Affîîtîien ( XV ç. ) étoit parfaitement-informé


de la conduite & du fort de Sylvanus. 11 iuf lui-
même un de ceux qui fuiviront Urfinicus dans1 & dan*
~gereufe entreprife, f
(41) Relativement ai$x particularités de la vifite que
Confiance fit à R o m e, v à y c z Ammien y L x v i * c*
10* Nous ajouterons feulement que Themiftius fut
nommé Député de Conftantinopîe, & qu’il compofa
fia quatrième G ra ü o u à roccalion de cette cérémonie,
V iij
ï

rîio H ijloirëde la décadence


j l en fut à quarante m ilieu, çe, Prince,
dui. n a y d it jamais Vaincu un enpemí
-étranger, im ifà U pompe & tous les at­
tributs d’une marche triomphale ; fan
cortège Sfaftuetix étoit cbmpofé de tous
¿lès M i niftres de te s ,plaifirs ; 8c quoi qu’en
pleine paix , il étoit environné des nom-
breux eficadrons: de tes gardes & de fes '
cuiraffiers. Leurs étendards dé foie, char- ;
gés de dragons >en boite d’o r , flottoient ;
.¡au tour;de LEmpereutv Confiance étoit
,;affisfeuljdans im char très-élevé, incrufié
d’ór & de diamans, & affeétoit un. main-
; ■ tien fiereSt r q i d e q u i iteflembloit à l’iiu-
; mobilité dinne ftatué,..excepte iorfqu’il
:iîbaiiFoit';la;tête pour pafíer fous les por- !
-tes des villes, Les-Eunuques avoient in-
1.traduit dans le palais Impérial la fevère
' difcipíine P e rfin e , 8c l’Empereur s’y étoit
fi bien conform é, qué,pendant unemar-
; che lente, par uné; chaleur infupportablc,
on ne le vit jamais pqrter fes mains- a .,
}fqn. yilqge, ni mième tourner fis YêU?
à droite ou à : gauche. Les Magifhats ^
de l*Empire Rom. C h a t . X I X . 311
Je Sénat de Rome reçurent l’Em pereur,
qui examina avec beaucoup d’attention
les différentes dignités de la République,
& les portraits confuiaires des familles
diftinguées. Les rues écoient bordées
d’un peuple immeniè ; des acclamations
répétées annonçoient la joie de pofTé-
der la perfonne facrée du Souverain ,
après en avoir été privé pendant trente-
deux ans ; Confiance parut étonné de
Je voir entouré en un inftant d’une fi
nombreufe multitude. L e fils de C ons­
tantin fut logé dans l’ancien palais
d’A ugufte; il préfida le S én at, harangua
le peuple dans la tribune de C icéro n ,
affifta aux jeux du cirque avec complai-
fan ce, & accepta les couronnes d’or &
les panégyriquespréientés par les Députés
des villes principales. Il n’y refta que
trente jours, qui furent employés à vifi-
ter les fuperbes monumens répandus fur
les iept collin es, Ôc dans les Vallées qui
les féparént. Il admira l’impofante ma-
jefté du G apitole, la vafte étendue des
Y iv
312 Hißoire de là décadence
bains de Caracalla ôt de Dioclétien :
la févère fimplicité du Panthéon, la inaf­
fi ve grandeur de l’amphithéâtre de Titus»
Parchi testure élégan te du théâtre de Pom­
pée St du temple de la P aix, 'St par-deffiis
t o u t , la magnificence du Forimi & la co­
lonne deTrajan, avouant que, la Renom­
m ée, fi fujette â inventer ôt a amplifier,
ne .vantoit point aflèz la métropole du
M onde. Le voyageur qui a contemplé
les ruines de l’ancienne R o m e , peut con­
cevoir une idée imparfaite de l’impreffion
que la vue de' fes monumens devoir fane
éprouver, quand ils élevoient leurs tétés
fuperbés dans toute la fplendeur de leür
première beauté.
TJn ob eitf- Confiance fut fi fatisfak d ece voyage,
que tranfpot-
té à Rome qu’il eut ,l’ambition de faire aux Ro­
par l’ordre de
ConlUoce, mains un prélént.qui perpétuât .le fou-
.venir: ;de fa reco#nnifiancef ôt de fa gé-
nérofité.' Sa première idée fut d’imiter
la ftafùeî éqneftreL& colqlïal^,qu’il-avoit
vue daos;l£ Forjün^de Tràjan j mais quand
-il eut;;m%en$é)3& pefé„les diSfeufiés dé
iL
f
v _ ‘ ''
'
de VEmpire Rom. C h a p . X I X . -j t j
Jl

l ’exécution (42), il préféra d’embellir, la


ville par le don d’un obélifque d’Egypte.
Dans les fiècles reculés, mais déjà poli­
cés, qui femblent avoir précédé l’inven­
tion de l’alphabet, les anciens. Souve­
rains d’Egypte élevèrent un grand nombre
de ces obélifques-dans les villes de Thèbes
. & d’Héliopolis. Us efpéroient fans doute
que la (implicite de leur ftru&ure & la
: dureté de leur fubftance les mettroient à
l ’abri des injures du temps , Sc de la vio­
lence (43). Plufieurs de ces étonnantes

(40) Horntifdas, Prince fugitif de la Perle; obfèrva


à l'Empereur que s’il faifoit conflruire un pareil cheval,
il lui fa! loi t aufîî une femb labié écurie, ïaifant alïufion
au Forum de Trajati, On rapporte uri autre bon mot
«THormifdas : La feule chofe qui lui avoir déplu, di*
foît-il, c'étoit de voir que les hommes mouroient à
Rome tout comme ailleurs. Si nous adoptons dans le
texte d’Ammien ( difpÜcuiffe * au lieu de placuijfe ) , nous
pouvons regarder cette plaifanterie comme un re­
proche .qu'il faifoit aux Romains de leur vanité. Le
feus contraire feroit la penfée d’un Mifanthrope,
(45) Lorfque Germanicus vifita, les anciens monu-
*ïnens de T hèbes, le plus ancien des Prêtres j^ui ex­
pliqua le fens des Wéroglyphes. T a c it Annal. . u , c.
J - ,v
■„V:-

314 ffijla ire delà-M cadéncc


i colonnes avoien t été EranfpQrtées à R om e
«par Augufte & par fes iuccefleurs, comme
les monumens les plus durables de leur
-puiflance & de leur v id o ire (44). Mais il
reftoit üii rie ces obéU fques,quî, Toit qu’il
;parue plus refp ed ab le, ou plus difficile
à tranfportpr, avoir échappé long-temps
■f’f-

à l’orgueilleufe avidité des Conquérans.


:Conftantin la deftinant à embellir fa nou­
velle cité (45), la fit déplacer de dèflus
-fon piédeftal* qui étoit pofé devant le
¿temple du Soleil à H éliopolis, & des­
cendre fur le Nil jufqu a Alexandrie. Xa
mort de Conftantin fuipendit l ’exécution
* 1T * 1■ | ^ ^ <' * ■ ' *: *J ■ r" '
^ 1*' ........ ■ « n

60* Mais-U paroît probable qu’ avant l’invention d®


l ’alphabet, ce$ lignes arbitraires on naturels fervdïèht
xle caraftères aux Egyptiens. V oyez W arbim qn, rJ,e-
■ giflation divine de MOffe, t.Htn , p. 69 , 2434
(44) V oyez Pline, Hift/ Nàtar. L x x x v i c. 14,
; *. " ; : , '■ ■■ ;": "v
(45) Am m i^M arçeliiq y "1, x v u , ç. 4. Il donne urte
interprétation grecque des hiéiwglyphés, & LinÎérifird*
giu s, fon Commentateur, ajoute une infcriptlon la-
Trine, qui , en vingt vers'du fiëcîe de" Coriftancè j^con-
"tienrune ‘Kiftoîre àbrégéb de l’ o&elifipie. * ) :F

1
de VEmpirc Kom. C h a p . X I X . 3T5
(iâeice projet* & fon fils réiolut de ftùre^ '
*préfpnt de c e t obelifque à l’ancienne ca-
m itaîe’ de l’Em pire*, O n conftruifit un
<vaifleau d’une grandeur & ;d’une force
.convenables pour tranfporter des bords
td ip N îl à ceux du T ibre cette ma.lïe énor­
m e de gran it, d ’environ cent quinze pieds
, ;d e longueur. ’ L ’obélifque dé Conftapce
4fut débarqué à peu près à une lieue de
lia v ille , èç élevé, à force d’art & de tra-
; v a il, dans le grand cirque de R om e (46).
v Confiance apprip une nouvelle alar- G«wre «ai-'
.m a n te , qui lui fit quitter R om e 'avec pré- &Ti«
“cipitation. Les provinces d’Illyriç étoient
. 3dans- l e danger le plus prefFant. Les em -
i barras de là guerre civile , la fleur des j
; ^légions m oiiïbnnées k là bataille funefte
>de Mrçrfa, avoient expofë Cés contrées
' ■-.V.,1- ■ ' 1
■' -
m il 1 ii~

--- - ■
t 1 1 ■ —.
T ■

X V o yez D o n a t- R o m a a n tig u a , 1. n i , c. 14 ; 1.
ÎA & )
ï v , c. 12 , & la DiiTertacion favan te, quoiqu’obf-
‘ cure, dé Bargæus fur les obélifques, inférée dans le
^quàtnèoie volume de G rœ viu s, Antiquités Romaines,
^p; 1Ç97-r9 DifTertatioa çft dédiée au Papé
3
éléva Fobéliique de Confiance rîafes
la place * en face; de l’égiifc de St* Jeandç Latraj|i/
3 16 Hijloire de la décadence
prefque fans défenfe, aux çourfes de la
cavalerie légère des Barbares, & parti­
culièrement aux incur fions des Q uadi,
nation puiilknte Sc féroce de Germ anie,
qui, depuis leur alliance avec les Satinâtes
fu gitifs, fembloient s’être formés dans
la manière ;de combattre & dans la dif-
cipline militaire (47). Les garnifons de
la frontière ne fuififôient pas pour les
arrêter; & l’indolent Monarque fut enfin
obligé dé rappeler des extrémités de
fes Etats , l’élite des troupes Palatines,
& de le mettre lui-même à leur tête.
Cette guerre .l’occupa férieufement pen­
dant une campagne entière , durant
l'automne qui la précéda, & le printemps
dont elle fut fum e. L ’Empereur palïà le
Danube fur *un pont de. bateaux , tailla
en pièces tout ce qui fe.préfenta devant
lu i, pénétra dans le "coeur du pays des
Q uadi, leur rendit.avec ufuré les màüx

C47) Les événemens de; la~guerre des Sarmates &


Quades font racontas,par Airanian, x v i , ip, xvh,
y* $9 {3u ;>:?■ ■■■'.' .-v- ..... ^ rl
»
de VEmpiré Rom. C haï». XIX. 317 >
dont ils avoient affligé les provinces R o ­
maines. Les Barbares épouvantés,furent: _
bientôt forcés de demander la paix. E n
réparation du p a fle , ils offrirent la ref-
titution de tous leurs prifbnniers , & les;:
plus diftingués de leur nation pour otages
8c pour garans de leur conduite à l’avenir, i ' v
L a réception favorable 8c flatteufe qu’ob­
tinrent les plus diftingués de leurs C h ief-
tain s, encouragea les plus timides .ou les
plus obftinés à ,-fuivre leur .exem ple : le;
camp Impérial: fut rempli d’une foule
de Princés 8c d-AmbàiFadeurs des .Tribus :
< les plus élo ign é# ,, quioccupoient les pliai- *
nés de la petite P o lo g n e , & qui aùroient ■;
punie ¿croire e n Ju tété derrièretla chaîne
efcarpée des ;montagnes Garpathjennes. ;
En faifant laloiaux BarhatésquihahitpienE
au delà du Danube. j Conftàneejparüt fen- i
fible au malheurjdes Sarrpates, qui^ chaifés:.
de;4 eur paÿs;parr;leurs efclavfshré^oltés
s’étojent réfugiés chez les Q u ad i, doncr
ilsstavôient coniîdérablejiient;< augmenté:
318 Hijloire de la décadence
la puîiTance. L ’Empereur, embraffant um
fyftême de politique prudente 6c gêné-*
reufe, tira les Sarmates de cet état dei
dépendance - humiliante. Par un traité'
i'éparé, il les rétablit en corps de .nation?,
amie 6c alliée de la République , fous?
le gouvernement d’un Monarque ; en:
déclarant qu’il avoit réfolu de fouteniri
la juftice de leur ca u fe, 6c d’aiTurer la;
paix de leurs provinces, par la deftracw
lio n ou' du moins par le banniflemeric,
des Limigàntes * qui confervoient tous
les vices 6c toute la baffeile de leur mé*d
prifable origine. L ’exécution de ce deC4
fein offrit m oin sd e gloire que de ait-;
iicultés; Le cerntoire des Limigantes étoit?
défendu du côté des Romains par leDa-<
nube , éd p a rje T h e iff du côté des IBhiriÆ
bares. Le ter rein marécageux qui féparoitn
ces deux* rivières y en étoit fréquemment!
inondé';'-il' préfentoit tin< défert- dan^e^b
reux 6c. inabordable à ceux qui n’em con«
noiffoient- pas les * fentiers 6c les fortes?
reffes inacceifibles, A l’approche de Conf*
de l ’ Empire Rapi. Ç h a f . X J X . 3, i 5^
taficp, les Lim igantes ¡eurent, alternati-i^
vement .recours aux fupplieatipns, aux.
armes, fie à la. perfidie. Il çejeta; les pre^v
migres , fie après avoir .éventéfleurs ftra-^
tagerpes grofliers, U repouira.-les effprts|
irréguliers de leur^ yal^ r pap.jjne 'Cpnri
duitpj prudence,.fiç courageprev jt[ne aes*
plus guerrières, ^ , vdeurs ■ Tri^us?,s,é to it)
fixée,dans une, petite iile, au. confluent: .
du TÇheifiÇ<&du fDanube, Elle_^voit con-
fendU à'pailpft la¡ t r i è r e , Ions lqpjrétexce,
diun^ft^Conférence-ramical^ pendant la-v
«jubile ils- ie' prppofpienc de iè faifir de.
l!J|gipêreur;, qu’ils- ne foupçonnoipnt pas
d’ftrevfo f iè y gardesTi M ais, les ,tcàître&
futènd- viéHrue^ dpjleut entreprife^ :envi-,
r.qimps 4 e-toiwes:^pa;rtSs. écraies par les,
<&eyâux de |a cavalerie., hachés par les
légions, fie dédLatg^ant de demander quar-.
tjér,, dis péri0oienc le s farmçs^Ja, m ain,
fiÇ;:copip|v,oiep,t jpfqu’au .dggpçp ioupiq
leüri,maintjfîirfia^ouche,
v fiç{ lair^de
-1 ‘ ■ ... féro*
.J' ^
c^éiu Après,iççrçe, <pxpéditipUrr; un., corpa
ÍOiifidérable de^Q m aiqs pa|Fa
*■ *' +■ *,jL T**u tla1 -rive!
--
i J
320 iîifioirt de là décadence •
oppoféé du D an ube. Les Taifalæ , T rib u 1
des Gohts qui s’étoient engagés au fervice*
dé l’E m pire, Jeritoürèfént; les Limigantes*
de i aUti'é' côté de la- rivière de ThéifF. 1
Leurs* "abéiens maîtres encouragés par1
refpoir rdë, là'? vengeance gravirent T és1
montagnes 4 & pénétrèrent "dans le coeur
d u r pa'ys?‘ qui-leur avôit appartenu- Un?
incendié5^érréràl h ir découvrir lës huttes1
dëé Barbares^ & lé ioldat combattit a v e c:
intrépidité1fur un terréiri m aréçagéuxy
où i’ôtf'côu roit à chaque pas le danger1,
d^tre englouti. Lés'! plus \ bravés • 'dëS>
Lirhigàhtes aVoienc néfolù dè * ifci rdiM
fendre 'jufqu’à la mort ; mais l'autorité’
dés vieaHards fit prévaloir Un avis moins'
violent; Une fou le‘âëifùppîiahs te rëndi-5
rent au campdes Romains , fùivi$deîëUré}
femmes' & de leurs' onifem , pour ap-d
prendre* :deTa *bouche de l’Empereur le»
fort qudfÎéuT’réfervditl Après avoir:fafë
l’éloge d e J*fà propie':iêiéhiéïÿcë q ü i de^
portoitr!à; pardonner leurs érimë$>muîifip
pliés, isé'à fâÙvèfdès^ëftes'^d’urié nation?*
coupable ,
* ' ;

de VEmpire Rom. C h ap .X IX . 5.2..k


coupable , Confiance leur ailîgna pour. vj
exil un pays éloigné , où ils auroient pu |
jouir d’un repos honorable. Les L im i­
tantes obéirent avec répugnance. Mais. :
avant d’avoir atteint à cette ’nouvelle
P a trie , ils revinrent fur les bords du
D an ube, déplorèrent le malheur de leur
iituation j & conjurèrent l’Em pereur, en.
lui jurant une fidélité à toute ép reuve,
de leur accorder une' habitation tran­
quille dans quelque canton d’une pro­
vince Rom aine. Conftancé oubliant les
preuves récentes de leur perfidie , écouta
fes flatteurs , qui s’emprefsèrent de lui
repréfenter l’avantage qu’il tireroit d’une
colonie de ioldats , dans un temps où,
les iùjets de l’Empire accordoienc plus
facilement des contributions d’argent que
des fervices <militaires. O n permit aux
Limigantes de pafler le D a n u b e, éc l’E m ­
pereur leur donna audience dans une
vafte plaine près la ville m oderne de
Buda. Us entourèrent ion trib u n al, &£
tandis qu’ils fem bloient écouter avec re£
Tom e I V . X '
î x% H ijîo ir e d e la d éca d en ce

pe£t un difcours rempli de douceur &c


de dignité, un dès Barbares lançant en
Pair une de fes fandâjes, cria d’une voix
terrible : Marha , M arha ! cri de guerre
& d’alerte, qui fut le lignai de la plus
horrible' confufion. Les Barbares s’élan-'
eèrent avec violence pour enlever l’Em ­
pereur. Ils pillèrent fon trône &c fipn
M it d’o r ; mais la courageufe fidélité de
fes gard es, qui reçurent la mort fes
pieds, lui donna le temps d’échapper de
icette fanglante m êlée, SC de s’éloigner
rapidement fur un de fes meilleurs çoim
fiers. Le nombre & la difcipline des
Romains tirèrent une prompte vengeance
de cette odieufe trahifon ; le. combat
ne fut terminé que par l’extinétion du
nom ôc de la nation des Limigantes.
O n remit les Sarmates errans en pofi-
felfion de leurs anciennes terres. C o n f­
iance efpéroit ' que la reconnoifiance
les rendroit à l’avenir plus fidèles à leur
bienfaiteur ; ' il avoit remarqué la taille
majeftueufe & la docilité de Z iza is, un
del*Êmpire Roty.CHA.v\lilX. y%$. ■
* '' wf f ‘i
de leurs Chefs les plus diftingués, & il
| le fie R oi des Sarmates. Zizais prouva ,
! par fon inviolable attachement pour: l’Em-
! pereur, q u il étoit digne de fon choix ;
! & C o n fia n ce , après ce fu ccè s, fut fur-
j nommé le Sarm atique, aux acclamations
de fon armée viétorièuie (48).
Tandis que l’Empereur Rom ain & le
M onarque Perlan défendoient a' m ille ^o,^cpecle’
lieues l’un de l’autre les limites de leurs
Etats contre les Barbares des rives du
j Danube & de T O xu s, leurs confins inter-
{ médiaires étoient expofés aux vieilli-.
| tudes d'une guerre langui liante &: d’une
| crève précaire. D eu x des M inières.Orien^
I taux de Confiance , le Préfet P réto -
■ rien M u fon ian , dont la duplicité te r-
i niiToit les ta le n s, & Caffiari, D u c de
M éfop otam ie, vétéran intrépide, enta-

(48 ) G en ti Sarmatqrum magn$ dècori cenjîdens apud


| eàs Regem dediu A u r e liu s V L â o r . D a n s u n e p o n a p eu ïe
O r a iib n p ro n o n c é e p a r C o n fia n c e lu i- m ê m e , il c é lè b r e
fe s p ro p re s e x p lo its a v e c b e a u c o u p d 'o r g u e il & un
p eu d e v é r ité .

X ij
314 Hijioire de la décadence
mèrent fecrétement une négociation
avec Tamfapor (49)- Ces ouvertures de
paix, traduites en Langue perfane, &
rédigées dans le «yle flatteur Se fer­
vile de TAfie , furent portées dans le
camp du grand R o i, qui réfolut de faire
favoir aux Romains , par un Am bafladeur,
les conditions qu’il daignoit leur accorder.
N arsès, qu’il revêtit de ce cara& ère, re­
çut toutes fortes d’honneurs dans le cours
'de fon voyage depuis Antioche jüfqu’a
Conftantinople. Arrivé à Sirmiurh après
une longue route , il reçut fa première
audienfce, Sc «développa le voile de foie
qui couvroit la lettre hautaine de fon
orgueilleux Souverain. Sapor, Roi des
R o is, frère du Soleil Se de la Lune, féli-
citoit fon frère Conftance C é fa r, de ce
qu’il avoir puifé de la fagefle dans l’ad-
veriité. Comm e légitime fuccefleur de
Darius Hyftapes, Sapor . afluroit que la
rivière de Strymon en M acédoine étoit

(49) Amtnien, x v i , 9.
de tEmpire Rom. Chap. X IX . 3 %f
^ancienne & véritable borne de fôn
Empiré ; mais que par ün excès de m o­
dération ,11 fe contenteroit des^provinces
d’A rm énie & de M éfop otam ie, qu’on
avoit frauduleufeiment enlevées à fes
ancêtres : ajoutant que fans cétte refti-
tution , il étoit impoffible d’établir une
paix folide entre les deux E m pires, &
que fi Ton AmbaÎïadeur ne rapportoit
pas une réponfe fatisfaifante, il étoit pré­
paré à foutenir, dès le printemps fu ivan t,
la juftice de ia caufe par la force de
Les armes invincibles. N a rsè s, doué du
caractère le plus affable & lé plus con­
cilian t, tâcha d’ad o u cir, autarit que fon
devoir le lui-perm ettent, la hauteur dé
cette propofi'tion (50). L e C onfeil Im ­
périal , après avoir mûrement pefé le

( j o ) Ammien ( xvit, 5..) tranfcrit cette lettre hau­


taine. Themiftius ( Oraifon i v , p. 57^ édit* P e ta v .)
fait méntion de Penycloppe de foie. ïdatiüs & Zo-
tiaràs parlent du v o y a g e de PAmbafladèür* & Piérfè
le Patricien rend compte de fa conduite conciliante^
in Excerpt* Légat, p. 28.
X -..
llj
Hijloire de la décadence
ftyle Si le contenu de la le ttre , renvoya
l’Ambafladeur avec la réponie fui vante.
» Quoique Confiance pût lé'girime-
5, ment defavouer des Miniftrés qui
» avoient entamé une négociation fans
>5 fes ordres , il fe prêtoit à conclure un
»5 traité jufte & honorable. M ais il re-
« gardoir comme indécent & ridicule de
53 proposer au victorieux poifeiTeur de tout
33 l’Empire R om ain , des conditions qu’il
>3 avoir rejetées avec indignation, dans
»3 un temps où fa puiifance fe renfer-
33 moit dans les limites étroites de l’O -
33 rient «. Le fort des armes étok fans
doute incertain ; mais Sapor ne devoir
pas oublier que ii les Romains avoient
perdu quelques batailles dans le cours de
leurs nombreufes guerres, ils les avoient
cependant terminées toutes par la vic­
toire. Peu de jours après le départ de
N arsès, on envoya trois AmbaÎïàdeurs à
la Cour de Sapor, qui étoit déjà revenu'
de fon expédition de Syrie dans fa réiî-
dence ordinaire de Ctéfiphon, U n C om te,
d e V E m p ir e R o m . C h a p . X I X . 3 27

un N otaire & un Orateur furent char­


gés de cette im portante çommiiEon; $ç
Confiance , qui déflroit fecrètem ent la
conclufion de la paix , efpéra que ,1e,
rang du premier , l’adreiTe du féco n d ,
& l’éloquence du troifième (5 1), obtien-
droient de Sapor un adouciflèment, &
fes prétentions. Mais leur négociation
échoua par l’influence d’A n ton in u s, fujet
Rom ain (52). Forcé de fuir de la S yrie,
il avoir été admis dans les' Confeils. de
Sapor , & même à fa table royale > o ù ,

(^i) Ammien '} x v n , 5 ; & V alefiu sy ad loc. Le So-


phifte ou Philofophe (dans ce fiècle * ces deux noms
étoient fyn o n ym es), le Sophifte étoit Euitadie de
Cappadoce, difciple de Jamblichus,. & trami de St.
Bafile, Eunape (in Vit. E defiï, p. 44-47.) 'Attribue
à FAmbaiTadeur Philofophe la gloire d’avoir enchanté
le Roi Barbare par les charmes perfuafïfs de l’éloquence
& de la raifôn. V o y e z Tiilem ont , H iih dés Empereurs ,
t. i v , p. 818-1132.
(52) Ammien, X v m , 5 , 6 ., 8. La conduite décente &
refpeétueufê d’Àntonin vis-à-vis du Général Romain , le
prêfente dans un jour très-favotable , & Ammien lui-
même ne peut s’empêcher de parler du traître avec
eftime & compaiîiom
X iv
3i 8 iHijîoire de la decadence
felon Pufage des Perfans , il dîfcutoic
les affaires les plus importantes (53). L ’a­
droit réfugié fe m énageoit la faveur
de fon nouveau M aître , & fatisfaifoit
en même temps fa propre vengeance.
Il preffoit Sapor de profiter du moment
où l’élite des troupes Palatines étoient
occupées avec l’Émpereur a com battre
fur les bords du Danube , où les
provinces épuifées de l’Orient offroient
une conquête facile à fes nbmbreufes
armées de Perfans, & aux redoutables
Barbares avec lefquèls il venoit de faire
des alliances. Les Ambafladeurs Romains
fe retirèrent fans fuccès, ceux qui leur
fuccédèrent, quoique d’un rang fùpérieur,
furent mis en prifon fit menacés de

( j j ) Cette anecdote , telle qu’ elle eft rapportée par


Annnîen, fert à prouver la véracité d’Hérodote ( L l
ï , ç. i j y & la confiance des Perfes à conferver leurs
ufages. Dans tous les fiècles, les Perfes ont. été adon-
"" . i ' - F . - j

nés à Tintempérance & à la débauche, & les vices


de Shiraz ont toujours triomphé des Loix de Maho­
met. Briffon, de Regno Perf. 1, n , p, 462*472* &
Chardin , Voyages en P e rfe , u m , p* 90.
de tEm pire Rom. C b â i *. X ïX . \ ty
perdre la vie ou de la paiTer dans un
douloureux exil.
L ’Hiftorieti M ilitaire (54) > chargé IoraÆon de
la Mefbpoia-
d’obierver lui-même l’armée des Perfans, mie pat Sa-»*
1

tandis qu’ils conftruifoient üh pont de A. 3^ *
bateaux fur le T igre , monta fur une
co llin e, d’ou il contem pla toute la plaine*
d ’A fly rie , couverte de foldats, d’armes
8c de ch evau x, 8c Sapor à leur tê te , vêtu
d’un habit de pourpre éclatante. A fa
gauche , la place d’honneur chez les
O rien taux, Grum bates, R o i des C h io -
nites, préfentoit le maintien auftère d’un
guerrier vénérable par fes an n ées, &
célèbre par fes exploits. À la droite de
S ap o r, le R o i d’A lbanie conduifoit la
nombreufe bande qu’il a voit, amenée
des rives de la mer Cafpienne. L es Sa­
trapes & les Généraux étoiënt placés
félon leur rang , & en outre de la foule
immenfe de femmes 6c d’efclaves qui
fuit toujours les armées orien tales, on

(î4) Amnrien, L xvm , 6* y > 8, xo,


i
-Y ï'
330 Üijîoire de la décadence
comptoit plus de eent mille combattans
effe&ifs, cous exercés à la fatigue., fie
choiiî parmi les - plus braves nations de
l ’Afie. L e transfuge R o m a in , qui diri-
geoit en grande partie le Confeil de
Sapor, lui avoit recommandé fagement
de ne pas perdre la belle faifon à en­
treprendre des lièges longs fit difficiles \
mais de marcher vers l’Euphrate, Sc de
s’emparer fans délai de la foible fie opu­
lente capitale de Syrie. A peine entrés"
dans les plaines de M éfopotam ie, les
Perfes s’apperçurent qu’on avoit pris
toutes les précautions propres à retarder
leurs progrès fie à déconcerter leurs
deiTeins. Les habitans fie leurs troupeaux.
étoient
v ^
retirés dans des fortereiïes :? les
fourrages verds avoient été brûlés iur
pied ; des pieux ferrés fie pointus déferi-
doient les gués des rivières ; on avoit
garni la rive oppofée de machines de
guerre, Ôc la crue périodique des eaux
de l’Euphrate ne permettoit point aux
Barbares de tenter le paflage fur le
de VEmpire Rom. C h ap . X IX . 331
pont de Thapfacan. L ’intelligent A n to-
ninus changea Ton plan d’opérations, èc -
conduifit l’armée par un long d étou r,
mais à travers des territoires fertiles,
vers la fource de l’Euphrate ^ ou le peu
de profondeur de fes eaux offre un paf-
fage facile. Sapor eut la prudence de
ne point, s’arrêter devant Niiibis ; mais
en paffant fous les murs d’A m id a , il
voulut eflayer il la garn ifo n , intimidée
par fa préfence , ne fe rendroit pas à
difcrétion. U n trait q u i, lancé au hafard ,
' vint effleurer fon diadèm e, le convain­
quit de fon erreur ; ÔC le M onarque
indigné n’écouta plus qu’avec impatience
l’avis de fes M in iftres, qui le conju-
roient de ne pas facrifier à fon rellen-
timent tout le fuccès de fes armes &
de fon ambition. L e \ lendemain ;* Grum-
bâtes s’avança fous la porte de la ville
avec un corps de troupes ch o iiîes, èc
fomma la garnifon de fe rendre à l’in£
ta n t, ii elle vouloir éviter la vengeance
éclatante de l’injure qu’elle avoit eu la
t

332 HiJIoire de là décadence


iacrilégé audace de faire au Souverain,
des Perfans. O n répondit à cette pro­
portion bar une grêle de traits, & un
javelot lancé d’une Ealifte traverfa le
cœur du fils unique de Grumbabes, jeune
Prince également remarquable par fa
valeur & par fa beauté. L e fils du R o i des
Chionïtes fut inhumé avec toutes les cé­
rémonies d’ufage chez cette nation; 8c
Sapor adoucit un peu la douleur du
vieux guerrier , en lui jurant que la
ville d’A m id a , réduite en cendres avant
qu’ils la quittaflent, ferviroit à expier
la mort 8c. à perpétuer la mémoire de
fon fils.
Stfgc (i'A-
Jr.iJ.i.
L ’ancienne ville d’Am id ou Am ida (5 5),

(5ï) PoLr la description d’Amida ^ v o y e z d’Herbc*


lo t , Bibliothèque Orientale, p. 108; Hiftoire de T i­
mur Bec par Cherefeddin A li, L m , c* 4 1 ; Ahmed
Arabfîades, t. i 3 p- 3J ï ? c. 4 3 ; Voyages de T a ­
vernier, it. i n p. jo x ; Voyages d’Otter , t. i T , p .
17 3 ; & les Voyages de Niebuhr, t, 2 , p* 324-328*
L e dernier dé ces V oyageurs, Danois favant & e x a ft,
a donné le plan d’Am ida, qui éclaire les opérations
i du Îiége*
de l ’Empire Rom. C h a p . X I X . 333
qu’on appelle quelquefois D iarbekir (5 6),
du nom de la p rovin ce, en: fituée avan-
tageufement dans une plaide fertile ar-
rofée par le cours naturel du T i g r e , 6c
par des canaux artificiels qui form ent
un demi - cercle autour de la partie
orientale de la ville. L ’Empereur GonA
tance lui avoit récem m ent accordé
l’honneur de porter fon nofn , 6c l’a-
voit fortifiée de nouveaux murs , dé­
fendus par un .grand nom bre de tours.
L’arfenal étoit muni de toutes les ma­
chines de guerre propres à la défenfè,
6c fept légions com pofoient la garni-
fo n , quand la place fut inveiKe par les
armées de Sapor (57), C e Prince fo n -
■ I II l l l ll 1 ^ I M M >■ i l ■ I

(56) D iarbekir, que les T urcs nomment Amid oxi


Kara Amid dans leurs E crits, contient plus de feize
mille maifons. Elle eft la réfideiïce d’un^ Pacha à trois
queues. L ’èpithète de Kara vient de la couleur noire
d’une pierre particulière, dont les murs d’Amida ont
été très-anciennement confiants.

(57) Les opérations du fiége d’Amida foàt décrites


dans le plus grand détail par Ammien ( X I X , 1 -9 ) , qui
334 Hifioire de la décadence
doit Ton premier 8c principal efpoir
dans un affaut général. Les différentes
nations qui fuivoient Tes drapeaux, pri­
rent leurs poiles ; la nation des Vertæ
au m idi, au nord les Albaniens , à l’o­
rient les Ç h ion ites, impatiens de venger
la mort de leur Prince , & à l’occident
les Ségeftans, guerriers intrépides , dont
le front de bataille étoit couvert d’une
ligne formidable d’éléphans (58). Les
Perfans fecondoient leurs efforts, 8c les
■ ~ ------ ------------- ■ -■ ....

combattit pour fa tjéfenfe , & s’échappa avec peine,


quand la ville fut emportée par les Perfans*
(58) Les Albaniens font trop bien connus, pour
exiger une description ; les Ségeftans habitoient un
pays pfer & v^afte , qui porte encore leur n o m, arn '
fud du Khorafan , & à ¡’occident de Tlndoftan (V o y .
Geographia Nnbienfis, p. 133 ; D ’Helrbelot, Biblio­
thèque Orientale, p. 797*)* Nonobftant la vi&oire
vantée de Bahram ( t. r , p, 410* ) , les Ségeftans
furent connus plus de quatre-vingts ans après pour
une nation libre 6c alliée de la Perfe* Nous ignorons
où habitoient les Vertes & les Çhionites; mais j’in-
clinerois à croire que ces deux nations , ou au moins
la dernière irruption occupoit les confins de l’Iiide 6c
jle la Scythie, V o y e z Ammien, x v i , 9,
de F Empire Rom. C hap . X IX . 33 5
animoient à braver le danger. Sapor
lui-m êm e, fans égards pour fon ra n g ,
hafardoit la propre vie &c fe livroit à
l’impétuofité d’un jeune foldat. Après un
combat opiniâtre, les Barbares furent
repouiTés. Ils revinrent à la charge , &c
le carnage fut affreux j mais les R o ­
mains les forcèrent encore à fe. retirer.
D eux légions reb elles, qui avoient été
reléguées fur les frontières de l’O rie n t, fe
fignalèrent par une fo rtie, & pénétrèrent,
à la faveur de la n u it, dans le ^Étiip des
Perfans. Pendant une de ces attaques meur­
trières & in u tiles, Am ida fut trahi par
un déferteur qui indiqua aux Barbares
un efcaÜer fe c r e t, taillé dans le creux
d’un rocher fur le bord du T igre. Soi­
xante & dix archers de la garde royale
montèrent en filence au troilième étage
d’une tour très-élevée quîv com m andoit
fur un précipice, & y attachèrent l’é­
tendard ro y a l, lignai de confiance pour
les allàillans, & de défefpoir pourries
alfiégés. Si cette petite troupe avoit pu
le maintenir dans fon pofte quelques
336 H ijloiredelà décadence
inftans de plus , peut-être auroient-ils
afluré la réduélion de la place par le
facrifice généreux de leur vie. Après
avoir eilayé fans fuccès les aflauts Ôc
les itratagêmes , Sapor eut recours
sus opérations plus lentes v mais plus
sûres, d’un liège régu lier, dont les tra­
vaux furent dirigés par des déferteurs
Romains. On ouvrit la tranchée à une
diftance convenable , Sc les foldats defti-
nés à ce fervice , s’avancèrent couverts
de fortes claies, pour remplir le foffé Sc
laper fiPmiur dans fes fondemens. D es
tours de bois, pofées fur des roues, s’a­
vancèrent , ec mirent les foldats en état
de combattre à une hauceur égale avec '
ceux qui défendoient les remparts. T o u t
ce que le courage Si l’art pouvoient exé­
cuter, fut employé à la défenfed’A m ida,
& le feu des Romajns détruifit fouvent
les ouvrages de Sapor -, mais les ref-
fources d’une ville a’iîîégée ne font pas
inépuilables. Les rerfans réparoient leurs
pertes, & ferroient de près la place ; les
belle rs
de VEmpire Rom. C jhap. X IX . 337
beliers firent une large brèche, êc la gar-
nifon, réduite & ép uifée, ne put réfifter à
l’impétuofité d’un nouvel ailaut. Les fol-
dats , les cito yen s, leurs femmes & leurs,
enfans, enfin tous ceux qui n’eurent pas
Je temps de fuir par la porte oppofée,
furent inhumainement égorgés par les
vainqueurs.
M ais la ruine d’Am ida fauva les pro­
vinces Romaines. Quand les premiers
traniporrs que donne la victoire furent
calmés , Sapor dut réfléchir avec re g re t,
que pour châtier une cité indocile, il avoir
perdu l’élite de fes troupes, & la faîfon
la plus-favorable pour les conquêtes (59).

Çfp) Àmmien a marqué la chronologie de cette an- '


née par trois figues qui- ne qüadrent parfaitement rii
Fun avec T autre, ni avec le cours de FHiftoire. i ° . L e
blé étoit mûr lorfqüe Sapor fit linvafion de* la M ê r.
fopotairiie': » cùm jam jîîpuld jîaveme turgerent «. Cette
circonftancé dans la latitude d’A le p p o , nous rejette-
roit au mois d’À vril ou de Mai. V o y e z les observa­
tions d’Harmer fur l’Ecriture, V. i y p . 41 ; les V o y a -
gesde Shaw , p. 33:5 yéd iti^ ^ /i9. Les progrès de Sapor
furent arrêtés par le débordement de l’Euphrate,’ qui
Tom eir. Y '
*3 8 Hijîoire de la décadence
U n fiége de foixante-treize jours lui
enlevoit trente m ille de Tes vétérans
tombés fous les murs d’Amida. Trom pé
dans fon e fp o ir, le M onarque retourna
dans fa capitale en cachant fon repentit
fous un extérieur triomphant. Il eft plus
que probable qu’une guerre qui avoit
préfenté des obitacles Sc des dangers
inattendus , dégoûta l’inconftance de
fes alliés Barbares, & que le R oi âgé des
Ç h io n ites, après avoir favouré le plaiiir
de la vengeance , s’empreiTa de quitter
le pays funefte où il avoit perdu le;
foutien de fa vieilleflè l’efpoir de fa,
famille & de fa nation. Les forces & le.

arrive ordinairement dans les mob de Juillet ou


d ’Août. Pline, Hift. Natur. v. a t. Viaggi dî Piètre
délia V aîle, t- i , p, 696, 30. Quand Sapor fe fut rendu
maître d’A^iida, après un fiége de foixapte* treize jours*,
l ’automne était fort avancée. » Autompo pracipiti h»-*
dorujm^ue improbo fidere exorto «. Pour concilier
ces. contradiftions frappantes* il faut fuppofer quel-,
que délai du Roi de P erfe, quelques inexa&itudes dçf
rHiftorieqtq u quelque défordre extraordinaire dans le%
irions*
deVEmpire Rom. C hap.^XIX. 339
courage de l’armée avec laquelle Sapor
étoit entré en campagne l’année précé­
dente, ne pouvoient plus remplir íes vues
ambitieuiès. A u lieu d’entreprendre la
conquête de l’O rient, il fallut fe contenter
de réduire deux villes fortifiées de laM éfo -
potam ie, Singara 5c Bezabde (60), fituées
l ’une dans le milieu d ’u n d éfertd e fables,
& l’autre fur une petite péninfule en­
tourée prefque de tous cotés par le fleuve
rapide & profond du T ig re. C in q légions
du nom bre de celles que Conftantiti
àvoit réduites à m o itié , furent laites /'ri-
fonnières, & envoyées en captivité fur les
confins les plus reculés de la Perle. Après
avoir démantelé Sin gara, le conquérant
quitta cette ville éloignée 5c folitaire.
M ais il répara foigneufem ent les forti­
fications de B ezabd e, la pourvut abon­
damment de tous les moyens de dé-
fe n fe , 5c m it dans cette place im por-
... — -- —a f'
(¿o) Aaiwlen ( x x , 6 , 7. ) fait le récit de crt
lièges.
Y ij J
2.40 H if lo ir e d e la d é c a d e n c e

tante une garnifon ou. colonie’ de vété­


rans , dans l’honneur & la fidélité d e s­
quels il a v o ir la plus grande confiance.
Vers la fin de la cam pagne, il reçut un
échec en eiIVyant d’enlever V irtha ou
T ecrit, une ville forte des Arabes indé-
pendans, qui avoir pafîe pour imprena-
ble jufqu’au règne de Tamerlan (61).
Conduite des La défenfe de l’O rient contré les ar­
Romains*
mées de Sapor exigeoit un Général ,ex­
périm enté, & auroit donné fuififamment
d’occupation à fes talens militaires. C ’é-
rbit un bonheur pour l’Etat que cette
province fe trouvât confiée, dans cette
circonftance, au brave U rfinicus, qui
méritoit la confiance des peuples & deS
foldats. Mais au moment du danger (62),
1 ‘ ................. .. ........ .... .. ■ ■■■ ' >"■ nf 1- , m

(61) Pour l'identité de Viftha & de T é c rlt, v o y e z


d*AnviUe, Géographie ancienne, t. 2 , p. 20 t. Pour
le fiége de ce château par Timur Bec ou Tam erlan,
voyez "Chsfereddin , 1. n i , c. $3, Le Biographe
Perfan exagère le mérite & la difficulté de cette ex­
pédition , qui délivra les caravanes de Bagdat d*une
troupe formidable de voleurs.
Cia) Ammien ( x v i l l , ç , < S , x i x , 5 , XX, 2.)
de VEmpire Rotn. C hap. XIX. 541'
les intrigues des Eùnuqués firent rappe­
ler Urfinicus, & le commandetnerit1rhili-
raire de l’Orient fut donné , par la même
influence, àS ab in ien , riche & ru févété­
ran , qui avoit atteint aux infirmités dé là
vieilleiïè fans en acquérir l’expérience. U ii
fécond ordre émané de ces mêmes Corn
foils, préfidés par des efclaves jaloux & iri^
confttans, renvoya Urfinicus fur la fron­
tière de M éfo p o tam ie, Si le condamna
aux travaux d’une guerre dont les hon­
neurs étoient réfervés pour fon indigne
rival. Sabinien plaça fos troupes _fous
les murs d’Edefle, tandis qu’il réeréoit
fon indolence par la vaine parade d’exer­
cices militaires , & qu’il faifoit danfor les
foldats au fon des flageolets , l’ancien
Général de l’O rient défendoit feu! là
province par fes talens ôe par fon acti­
vité. M ais lorfqu’Urfinicus préfentoit un
' r......... ' ---- - ■ - -•■■■■ - ■ •
parle du mérite & de la difgrace d’Ufinnicus avec la
circonfpeétion qui convient à un foldat relativement
à fon Général, On peut le foupçonner d’un peu de
partialité j mais fon récit parok affez probable* ,
y iîj
34 ^ Mifloire de la décadence
plan vigoureux d'opérations, quand il
propofoit de tourner autour des monta­
gnes avec un corps de cavalerie & de
troupes légères pour enlever les convois
des ennem is, fatiguer par des attaques
la vaile étendue de leurs lig n e s , & fe-
Courir la ville d’A m ida; le Com m andant,
timide &, envieux, répondoit qu’il avoit
des ordres pofitifs de ne point expoiêr
les troupes. Am ida fut p rife ; ceux de
fes braves défenfeurs qui échappèrent au
fer des Barbares, tombèrent dans le
camp des Romains fous* celui des bour­
reaux ; & Urfinicus même fut puni par
la perte de fon rang m ilitaire, après
avoir été chargé , par une information
partiale, des fautes de Sabinien. M ais
le G énéral, injuftement condamné, ofa
dire à l’Empereur que fi de pareilles ma­
ximes contfnuoient à prévaloir dans les
C on fiais, toute fa puifiance fuffixoit dif­
ficilement à chafier les ennemis des pro­
vinces orientales > Sc Confiance éprouva
bientôt la vérité de cette prédiéUon.
de V E m p ir e R o m . C hap. XIX. 343
Z orique l’Empereur eut fubjugué ou pa­
cifié les Barbares du D a n u b e, il avança
par des marches lentes vers l’O rie n t, Êc
après avoir dôuloüreuièment contem plé
les ruines encore fumantes d’A m id a , il
form a le fiége de Bezabde avec une ar­
m ée puiflante. L ’effort des plus énor­
mes beliers fut em ployé contre fesm urs,
& la place étoit réduire à la dernière
extrém ité : mais la garn ifon , patiente &
intrépide, ne penfoit point à capituler ; elle
iè défendit jufqu’au m om ent où l’appro­
che de la faifon pluvieufe obligea l’Em ­
pereur de lever le fiége, & de ie retirer
.honteufement dans les quartiers d’hiver
à A ntioche (63). L a vanité de C onfiance

(63} Àminicn , X X , 11, Omijfovano incepto , fiiema*


turns Antiochl& redit in Syriam arumnofam, perpejjus &
ulctrum fed & atrocia, âihqm deflenda. C ’eft aïnfi que
Jacques Gronovius a rétabli un paffage obfcur $ & il
penfe que cette feule correâion auroit mérité une
nouvelle édition de fon A u teu r, dont on peut à pré-
fent deviner le fens* J*efpérois trouver quelques nou­
veaux éclairciflemens dans les recherches récentes du
{avant Ërneftus (L ip fiæ , 1773)*

Vf
344 Hijlóire dé la decadence
& le zèle de les Courtifans cher choient
en va in , dans la guerre de P eriè, un
évènement qui pat flatter l’Empereur,
tandis que Julien , à qui il avoir con­
fié les G aules, çtoit comblé d’honneur
par le récit fimple & n aïf de fes exploits.
TnfiCloa de
Ja Gaule par
Dans l’aveugle acharnement de la dis­
les ¿«irnains. corde civile , Confiance avoit abandonné
aux Barbares de la Germanie les contrées
de la Gaule qui obéiffoient encore à fon
rival. U n nombreux effaim de Francs
& d’Allemands furent invités à pafïer
le R hin, par des préfens , des promeflès,
l ’efpoir du pillage, & le don de toutes
les terres qu’ils pourroient envahir (64).
Mais l’Em pereur, qui, dans un embarras
momentané, avoit eu l’imprudence^ d’at­
tirer ces hôtes deftrucleurs , fentit bien­
tôt combien il étoit difficile de faire

(64) On peut trouver dans les Ouvrages de Julien


(O rat, ad S. P. Q . Athen, p. 1 7 7 ) les ravages des
Germains & la détreffe des Gaules. Dans Am m ien,
x v , u ; Libanais, Orat. x ; Zofim e, i. « i , p» 140;
Sozomçne, 1. tu, c, i t
de VEmpire Rom. C hap. X IX . 345
renoncer des alliés fi dangereux à des
contrées dont ils connoiffbient larichefïè^
Indifférens à la diftinéhon de révolté
ou de loyauté , ces voleurs indifciplinés
traitoient comm e leurs ennemis naturels
tous les fujets de l’Empire dont ils con-
voitoient les pofleflions. Quarante-cinq
villes florifiantes, T o n g r e s , C o lo g n e ,
T rê v e s, W ormes , S p ire, Strasbourg, 8C
un grand Inombre d’autres villes 8c vil­
lages, furent ravagés 8t la plupart réduits
en cendres. Les Barbares de la Germ anie,
fidèles aux ufages de leurs ancêtres , ne
fe renfermoient jamais entre des m urs,
qu’ils nom m oient, avec horreur , des fé-
pulcres & des prifons. Ils habitoient
les bords des rivières, da Rhin , de la
M eufe & de la M o fe lle , & ne connoif­
foient d’autres fortifications dans les m o-
mens de d an ger, que des arbres qu’ils
coupoient 8ç croifoient les uns fur les
autres dans les routes qu’ils vouloient
fermer. Les Allemands s’étoient fixés dans
l’A lface 6c dans la Lorraine j les Francs
34<» H ijîo ir e d e la d eca d en ce

occupoientl’iÎle des B a ta v e s& to u t le Bra­


bant connu alors fous le nom de T o xa n -
drie (9 5), & qu’on peut regarder comme le
berceau de la M onarchie Françoife ( 66 ).
D es fources du Rhin jufqu’à ion embou­
chure, les conquêtes des Germains s’éten-
doient à quarante milles vers l’occident de
cette rivière ; mais les pays qu’ils avoient

. (67) Ammien ( x v i , 8.)* C e nom femble dérivé


de la Toxandrie de P lin e, & on le trouve fréquem­
ment répété dans les Hiftoires du moyen âge* La
Toxandrie étoit un pays de bois & de marais , qui s’é*
tendoit depuis les environs de Tongres au conflux du
Vahal & du Rhin. V o yez Valefius, Notit. Galliar* p.
558.
(66) Le paradoxe du Pcre Daniel » qui prérendoît
que les Francs n*avoient jamais obtenu d'étabUflemeiït
fixe fur ce côté-ci du Rhin avant le règne de C lovis ,
eit réfuté trés-favamment fît avec beaucoup de bon
fens par M. B ie t, qui a démontré, par une chaîne de
preuves évidentes, que les Francs ont poffédé fans in­
terruption la Toxandrie pendant cent trente ans avant
Tavènenient de Clovis, La diiTemtion de M. Biet a
été couronnée pnf l’ Académie de SoiflTons en 1736 ,»
& femble avoir obtenu une jufle préférence fur le
Dlfcours de fon célèbre concurrent, l’Abbé le Boeuf,
Antiquaire, dont le nom exprime âffez heureufement
les talens. -
de VEmpire Rom. C h ap. X IX . 347
dévaftés étoient trois fois plus étendus que
leurs conquêtes. Jufques à une diitance
beaucoup plus élo ign ée, toutes les villes
ouvertes des Gaulois étoient défertes ,
&c les babitans,Venferm és dans les villes
fo rte s, ne pouvoient plus recueillir des
grains que fur les terres enclofes dans
l’enceinte de leurs murs. Lés légions fans
paye & ians v iv re s, fans armes ôc fans
difcipline, trem bloient à l’approche Ôç
même au feul nom des Barbares.
C e fut dans ces temps malheureux Conduite
de Julie».
qu’on choiiït un jeune (Prince ians ex­
périence pour délivrer 6c gouverner les
(
provinces de la Gaule ; ou plutôt, com m e
Julien le dit lui-m êm e, pour repréfenter
la vaine image de la grandeur impériale.
Son éducation fcholaitique & folitaire
l’avoit beaucoup plus familiarifé avec les
livres, qu’avec les armes, avec les Auteurs
de l’antiquité, qu’avec les mœurs des hom­
mes de fon fiècle. Il ignoroit parfaite­
ment: l’art deftru&eur de la guerre, Sc
la fc ie n c e infidieufe du Gouvernem ent.
348 Hiftoirè dg la dëcâèenct
Quand il répétoit gauchement quelque
exercice militaire qu’il ne pouvoit pas fe
difpenfer d’apprendre, il s’écrioit en l'em­
pirant : » O Platon ! Platon ! quelle o c­
cupation pour un Philbfophe « ! C e ­
pendant, cette philofophie fpéculatîve,
méprifée de prefque tous les hommes
livrés aux affaires, avoir rempli l’imagi­
nation de Julien des exemples les plus
refpe& ables, fît Ton ame des, préceptes
les plus généreux. Elle y avoir empreint
l’amour de la vertu , le défir de la gloire,
& le mépris de la mort. L ’habitude de
la tempérance & de la frugalité, fi recom­
mandées dans les écoles , font bien plus
eflentielles encore dans la difeipline fé-
vère d’un camp. Julien ne prenoit de Ta
nourriture Ôc du fom m eil, que ce qu’exi-
geoientles befoins delà Nature. Rejetant
avec dédain les mets délicats deftinés pour
fa table, il fatisfaifoit Ton appétit avec
la ration grofiière que recevoit le m oin­
dre des foldats. Dans la G au le, durant
l’hiver le plus rigoureux, il ne foufîroic
de l'Em pire Rom. C,hap . X I X . 349
jamais qu’on allumât du. feu dans la cham­
bre où il couchoit. Après avoir donné
quelques inftans au repos , il le levoit
fouvent au milieu de la nuit de deffùs un
tapis étendu fur le plancher, foit pour
une dépêche preliée, pour viiîter Tes ron­
des , ou pour ménager un moment à
fes études. favorites (<37). Lçs préceptes
d'éloquence qu’il çxerçoic précédemment
fur des fu jets de pure imagination , furent
employés plus utilement à exciter ou à
calmer les pallions d’une multitude ar­
m é e ; & quoique plus fam iliarile, dès fa
jeunelFe, aux beautés du langage des G recs
par la Littérature & par la converfation,
il avoir cependant acquis une connoif-
lânce fuffifante de la Langue Latine (6S).

(67) La vie privée de Julien dans la G a u le , &


difcipline févère à laquelle il s’affujettit, font décrites
par Ammien ( x v i * 5 .) qui prodigue les louanges *
& par Julien lui même qui affeÛe le ridicule (M ifo-
pogon ± p* 140. ) ; conduite q u i, dans un Prince de
la ’Maifon de Conftantin^ a droit de iurprendre.
(6 8 ) A d era t latïnè quoqtie diffirentl fufficiens fermo* A n >
iftien* xvi j 5. Mais Julien , élevé dans les écoles de
3 ja . U ìjbire de la décadence
Julien n’ayant jamais été deftiné à o c­
cuper ni là place d’un Juge, ni celle d’un
Légiflateur, il eft probable qu’il s’étoit
peu attaché à l’étude de la Jurifprudence
Romaine : mais fes études philofophiques
lui avoient donné un refuedfc î
inflexible
pour la Juftice, la connoiiTancè des prin­
cipes généraux d’évidence & d’équité ,
fic la faculté de démêler avec patience
les queftions les plus embarraffantes. L e
fuccès de fés deffeins politiques & de
íes opérations militaires dépendoit des
circonftances, & du génie de ceux aux­
quels il avoir affaire. L ’homme inftruit,
qui manque d’expérience, eft fouvent
embarraffé dans l’application de la m eil­
leure théorie ; iríais il acquit cette fcience '
indifpenfable par la vigueur a& ive de
fon propre génie, & par la fage expé­
rience de Sallufte, qui s’attacha tendre-

la Grèce , ne regarda jamais le langage des Romaine


que comme un idiome vulgaire & étranger, dont H
pourroit être obligé de fe ie m r en certaines oçca*
ÎÎOJlSi ' '
d e VE m p ir e R o m . C haf . X IX . 351
ment à un Prince fi digne d’être aimé.
C e t O fficier, diftingué par Ton mérite
& par Ton rang , joignoit à une inté­
grité incorruptible, l’heureux talent d’ôter
à la vérité ce qu’elle avoir de défagréable,
fans jamais la déguifer (69),
D ès que Julien eut revêtu la pourpre Première
Campagne de
à M ila n , on l’envoya dans la Gaule avec Julien dans
les Gaules.
une foible fuite de trois cent foixante A. D. j 56*
foldats. Dans l’hiver qu’il pafTa défagré'a-
blem entà V ienn e, au milieu des M iniftres
que Confiance avoit chargés de diriger la
conduite de fon neveu, il apprit le fiége
& la délivrance d’Autun : cette ville an­
cienne 5c v afte, dont les murs étôiene
en ruine, 5c la garnifon fans co u rage,

(69) Nous ignorons la, place qu’ occiipoit alors cet


M inière à qui Julieir donna depuis la Pré-
feâure de la Gaule. La ptloufie de l’Empereur rappela
bientôt Sallufte ; & nous pouvons encore lire un D if-
cottF£«affe2 bien fait, mais pédàntefque (p . 24 0 -252.),
dan? te ç ie l Julien déplore la perte d’un ami fi pr&*
ciqux , auquel Ü fe yeconnoît redevable de fa réputa­
tion. V o yiçi laB letterie, Préface de la Vie de Joyien,
P*
351 H ijioire de la décadence
fut fauvée par l'intrépidité de quelques
vétérans qui reprirent les armes pour
défendre leurs foyers. En partant d’A u -
tun pour traverfer les provinces Gau-
loifes, Julien faifît la première occafion
de ÎÎ2;naler fon courage. A la tête d’un
petit corps d’archers 6c de cavalerie pe-
fan te, il choifit de deux routes la plus
courte, mais la plus dangereufe, & tan­
tôt en évitant, tantôt en repouffant les
Barbares qui étoient maîtres de la cam­
pagne , il fe rendit fans accident au
camp près de R eim s, où les troupes
avoient ordre de s’ailèmbler. La pré-
fence du jeune Prince ranima le cou­
rage expirant des foldats, & ils marchè­
rent de Reims à la pourfuije de l’en­
nemi avec une confiance qui penfa leur
être fatale. Les Allem ands, qui connoif-
foient parfaitement le pays , raiïèmblè-
rent leurs forces difperfées, & , profitant
d'une nuit obfcure Sc pluvieufe, ils atta­
quèrent avec impétuofité l’arrière-garde
des Romains. A vant d’avoir pu réparer^
le
de $i f
le défordre inévitable dans é e tte fu rp fife,
Julien perdit deux légion s, qui furent
taillées en pièces; Se il apprit pair fa
propre expérience, que dans l’art de là
guerre, la vigilance 6e la circonfpeéHon
font deux préceptes importans. U n e "fe­
conde aétion plus heureufe rétablit l’hon­
neur de fes armes ; * mais comme l’agilité
d e s , Barbares les m ettoient à l’abri de
la pourfuite, ia victoire ne fut ni fan-
glante ni, déciiîve. Il s’avança cependant
jufqu’aux bords d u ’ R h in , 6e réfléchit>
en contem plant les ruines de C ologne ,
fur les malheurs 8c «fur les dangers de
la guerre. .A l’approche de l’h ive r, il
fe retira m écontent de la C o u r, de fon
arm ée, ôé de fes propres fuccès (7 °>-
La puiiïance de l’ennemi n’étoit point
ébranlée. A peine Julien avoit féparé

(70) Anunicn (XV!* % , 3.) paroît plus content de


fa première campagne ? que Julien lui^même, qui avoue
naïvenlent qu’il n’a rien exécuté d’intéreflant, qu’Ü
a élfcé forcé de fuir devant les ennemis,-
Tome TV. Z
*4
354 * Uijloire de la décadence
fes troupes & gris Tes quartiers à Sens
dans le centre de la G a u le , qu’il fut
environné & afiïégé par une multitude
de Germains. Réduit,, dans cette extré­
mité , aux reffources de Ton propre gé­
nie , il fuppléa, par fa prudente intrépi­
dité, à la foibleiïe de la ville & de la
garnifon; Si les Barbares Te retirèrent
irrités de leur peu de fuccès, après trente
jours d’efforts inutiles. #
Seconde La fatisfa&ion intérieure que Julien
campagne de
Julien éprouvoit de ne devoir fa délivrance
A. O*
qu’à Ton ép ée, étoit envenimée par la
douleur de fe voir abandonné & trahi
de ceux q u i, obligés par les loix de
l’honneur & de la fidélité à le défendre,
méditoient peut-être fecrètement fa def-
truéfcion. M arcellus, Maître général de
la cavalerie dans les Gaules, interprétoic
à la rigueur les ordres de la Cour. In­
différent à la dangereufe fituation de
Julien , il avoit défendu aux troupes
qu’il com m andoit, de donner aucun fe-
cours à la ville de Sens. Si le Céfar eût
âé VEmpiré C hàp. MJ
foufFert en filence une infulte fi dange»
ren ie, fa perfonne 8c. fon autorité fe-
roient devenues l ’objet du mépris gé­
néral ; fi cette a& ion criminelle
n ’eût pas été p u n ie, l’ Empereur attroit
confirmé les foupçons des Princes de la
M aifon Flavienne, que fa conduite paf-
fée n’avoit que trop autorifés. O n rap­
pela Marcellus (71)» & le Commande­
m ent de la cavalerie fut donné à ■ Sévère,
qui joignoit la valeur & l’expérience à
la fidélité. M odefte & refpectueux dans
les Confeils , aéfcif èc zélé dans l’exécu­
tion , il céda fans peine à Julien l’au-
. torité fupérieure que' l’Impératrice E u-
fcbia lui fit enfin obtenir fur les armées
de la Gaule (yz). O n adopta pour la

(71) A m m ien 4T x v i * 7. Libartitis parle plutôt avatt*


tageufement des talens militaires de Marcellus (O ra t,
X , p, 2 7 1 0 » & Julien fait entendre que l'Empereur
iiel*äuroit pas rappelé il légèrement 4 s*il n 'y a vo ltp a s
eu à la Cour d'autres griefs contre lui. .p» 278*
(72) Severus} non difiors * non arrogdns ^ fidtonpiâ
milïtiA frugalitate çontpertus ; & eum retfa pr&eunttm fi*

1
* Hijîoirede ta décadence '
campagne iuivante un plan fage d’opéra*
tions. Julien lui-même , à la tête du refte
des vétérans '& de quelques nouvelles le- .
vées que la C o u ra vo it perm ifes, pénétra
.hardiment dans les retraites des G er-
/ i - ¥ i i,

mains J: il rétablit
\ avec foin les fortifi-
cations de Saverne , dont ' la pofition
avantageufe pouvoit également arrêter
les incuriions 6c la retraite de l’ennemi.
D ’un autre c ô t é , Barbarie), Général
d’infanterie, s’avançoit de M ilan avec
une armée de trente mille hommes; 6c,
après avoir paile les m ontagnes, fe pré-
paroit à jeter un pont fur le R hin au x .
environs de Bajîl. O n devoit s’attendre
que les Allemands , ferrés des deux
côtés par les armées R om aines, feroient
bientôt forcés d’évacuer les provinces de
la G a u le , 6c s’em preilèroient à marcher
au iècours de leur pays natal; mais l’ef-
poir de la campagne fut perdu1 par l’in^

cuturus, ut duttorem morigerus miles. Ammien, XVI*


i i . Zcfime, 1. iii, p. 140.
de VampireRom. C hap . X IX . $57
capacité, la jaloufie, ou par, les inftrùc-
tions myftérieuies de Barbario , qui ie
comporta com m e s’il eut été l’ennemi
de Céfar 8c l’allié fecret des Barbares.
O n peut attribuer à Ton manque d’in­
telligence m ilitaire, la facilité avec la­
quelle il laiilà palier êc repaiîer une
troupe de bandits prefque devant les
portes de fon camp ; mais la perfidie
qui lui fit brûler un grand nombre de ba­
teaux & toutes, fes provifions fuperflues,
dont l’armée des Gaules avoit le plus
* .
grand b e fo in , eft une preuve évidente
de fes crim inelles intentions. Les G er-
» mains méprisèrent un ennem i qui n’o fo k
pas les attaquer, 5c la retraite ignom i-
nieuie de Barbario priva Julien d’un £e-
cours fur lequel il avoit “compté. Il Ce
vit abandonné à lui-même dans ühe po-
fition où i l ne pouvoir refter iàns dan­
g e r , 6c dont il étoit difficile .de foitir
fans honte (73).

( ? î) Relativement à la jondion projetée de BatbarLo


* * •

Z ni
3j 8 ffijloirè de la décadence
Les Allem ands, délivrés de la crainte*
' - * ■ r V-

d’une inyafion, Te préparèrent à châtier


le jeune R o m a in , qui prétendoit leur d if-.
puter la poffeffion d’un pays auquel ils
avoient droit par des traités précédés de
la conquête. Ils employèrent trois jours
Se trois nuits à faire pafTer le Rhin à
leur armée. Le féroce Chondom ar , fe-
couant l’énorme lance dont il s’étoit
viètorieufement fervi contre le frère de
M agnence , conduifoit l’avant-garde dès
Barbares, Se modéroit, par fon expérience,
l’ardeur martiale qu’il infpiroit par fon
intrépidité (74). Il étoit^fuivi de fix autres
R o is, de dix Princesd’extraélion royale,

avec Julien , & à la retraite de ce Général, voyez


Àmniien, x v i, 113; Orat. x , p. 273.
X 7 4 ) Ammien ( x v i , 12/) décrit avec fori éloquence
ampoulée * la 'figure & le cara&ère de Chnodomar* ‘
A udax 6’ fidens ingenti robore la certorum t ubi ardorpr&lìì
fperabatur ìmmanis, equo fpum antc , fuhlìm tor , ertElus
in jaculum formìdandA vaflltatis , armorumque nitore conf-'
picuus ; antea flrenuus & miles & m ilis prêter cAteros
duÜor, \ . * Vecentium CAfarem fupçravh' tquo marte cm~
$re£us>
de VEmpire Rom. C h ap . XIX. 3 35»
d:une noml^reuie troupe de vaillante No?
blefle, & d e trente-cinq mille des plus bra*
ves foldats de la Germ anie. La confiance
qu’ils avoîent en leurs propres forces, fuc
augmentée par la trahifon d’un déier-
te u r, qui déclara que*le Céiàr occupoit,
avec une foîble armée de treize m ille
h om m es, un pofte environ à vingt milles
de leur camp de Strasbourg. A v e c ces
forces inférieures, Julien réfolut de cher­
cher ôc d’attaquer les Barbares. Le ha-
fard d’une aétion générale lui parut pré­
férable à celui d’une multiplicité de
combats qui m inoientla petite armée (ans
rendre aucun iervice aux provinces qu’il
<
-vouloir délivrer. Les Romains marchè­
rent ferrés fur deux colonnes , la cavalerie
à d ro ite, Sc l’infanterie à gauche. L e
jour étoit fi avancé quand ils apperçu-
rent les ennem is, que Julien propoia de
d ifféflr la bataille jufqu’au lendem ain,
& de réparer par de la nourriture & du
.repos, les forcesépuifées des foldats. C é­
dant néanmoins avec répugnance à leurs
Z iv
6
y o . Hytoire delà décadence
clameurs & à l’avis de Ton C o n fe il, îl
exhortâmes troupes à juftifier par leur
ValeuMHndocilité de leur impatience, qui,
s’ils écoient vaincus y paÎFeroit pour de
l ’imprudence & de la préfom'ption. Les
trompettes fonnèæ nt, le cri de guerre
fît retentir la plaine , 6c les deux ar­
mées s’élancèrent l’une contre l’autre
avec une égale;!impétuofiçé;. Le Céfar
qui conduifoic ]ui--même> l ’aile: d ro ite,
aiV-oit m is La coâfiance dansdladrellè:, de
Les ^arckers -.¿te. dans % Lorca?, naaflîve- dë
fes cuiraffiersr; ornais Tes; rangs furent
rompus par un "mélange iroiifus de ca­
valerie & d’infanterie légère, & il eut
la douleur de voir fuir fix cents de Les
meilleurs cuiraiîiers (75'). Julien, oubliant
le foin, de fa propre v i e , fe jeta au de-r
vant d’e u x , ôc en leur rappelant leur

, (71)) Après la bataille , JulieneiTaya de rétawir l’an­


cienne difcipline dans toute Ta rigueur , en expofant
les fugitifs aux ri fées du camp , habillés en femmes. Ces
troupes réparèrent leur faute & leur honneur- dans la
campagne-fuivante, ZpTime , 1. n i, p.: 142* :
de PEtnpireRom. C hàp. XIX. 361
ancienne g lo ir e , en leur peignant l’in­
famie .dont ils alloient Te, couvrir , il
parvint à les rallier & à tes ramener
contre les ennemis vi& orieux. L e com­
bat entôe .(les: deux lignes. d’infanterie
étoit fanglant Se obîfinë. Les Germains
a.voient, la fupériôrité de la force èc de
la taille ; les R om ain s, celui de la dis­
cipline & du fan g froid : mais comm e
les- Barbares , qui com battoient fous les
drapeaux , de l’E m pire, réuniifoient tous
ces avantages, leurs formidables effo rts,
dirigés par un C h e f h ab ile, décidèrent
le fuccès de ?la ' journée. Les Romains
perdirent quatre Tribuns & deux cent
quarante-trois ibldats dans la m ém ora­
ble bataille de Strasbourg, fi glorieufe
pour le jeune„Céfar (76), èc fi heureufe

(76) Julien lui-même (ad S, P . Q* Athen. p* 279. )


parle de la bataille de Strasbourg avec modeftie,
Zofnïie la compare à la yiétoire d’Alexandre fur
Darius , & cependant nous n’avons pu découvrir an­
gine de ces drcbnftances qui atteftedt le génie mi­
litaire d’un Général > & qiii fixent 'Ttfttention de la'
Poftémé fur la conduite 8c le fuccès d’ime bataille*
:$6 z Uijloire de la décadence
pour les provinces opprimées- 5 ix mille
Allemands perdirent la v ie , fans com pter
ceux qui furent noyés dans le R h in , ou 1
percés de dards taridis qu’ils tâchoient
de le pafler à la nage {77). <3hnodo-
mar lui-même fut entouré & pris avec
trois de fes braves compagnons d’ajrmes
qui avoient fait vœu de partager le fort
de leur C h iefta in , & de ne pas lui fur-
vivre. Julien le reçut militairement* dans
un Confeil compofé de fes Officiers ,
lui montrant une pitié généreufe , il diffi-
mula le nfépris intérieur que lui donnoit
la bafle foumiffion de fon captif. A u lieu
de donner le Roi vaincu des Allemands

{ 77) Ammien, x v i , 12. Libaniiis augmente de deux


, * mille le nombre des morts (Orat. X , p. 2.74.) ; mais
ces foibles différences font peu de chofe en compa-
raifon de foixante mille Barbares que Zofime facrifie
h la gloire de fon Héros (L m , p. 141.)- Nous
pourrions accufer, de cette extravagance la négli­
gence des Copiâtes, û cet Hiftorien crédule ou par­
tial n’avoit pas converti l'armée des Allemands, qui
ifétoit que de trente-cinq mille combattans, en une multi^r
tude innombrable de Barbares* Nous ferions coupa­
bles, d'après cette découverte, de donner trop légè­
rement notre confiance à de fembiables récits.
de P Empire Rom. C hap . XIX. 36 3
en ipeéfcaçlê aux villes de la G a u le , le
jeune Céfar fit un refpèéfcueux hom mage
à l’Empereur de ce trophée de fa vi& oire.
Chnodom ar reçut un traitem ent honora-
rab lej mais l’impatient Barbare ne furvé-
eut pas long-tem ps à fa d éfaite, fa capti­
vité & fon exil (78),
Lorfque Julien eut repoliflfé les A lle­ Julien
fubjugue lq^
mands des provinces du H au t-R hin , il Francs.
A* P* î f ï *
tourna íes armes contre les F ran cs, ii-
tués plus près de l’Océan fur les Confins
de la Gaule & de la G erm anie, que leur
nombre & plus encore leur valeur intré­
pide faifoit confidérer com m e les plus
formidables des Barbares (79), Quoique,
très-adonnés au pillage , ils aim oient en­
core mieux la guerre r ils la regardoient
comme l’honneur & la félicité fuprême
du genre humain. Leurs ames & leurs
corps étpient fi parfaitement endurcis
par une activité con tinu elle, q u e , félon

(78) Ammicn, X V I, 12, Libanius, Orat* x, p, 276.


(79) Libanais (O ra t. m , p. 157,) fait un portrait
frappant des moeurs des Francs*
3 64 H ijh ifè de la decadence
la vive expreiïïon d’un O rateur, les neiges
de l’hiver ayoient autant de charmes pour
eu x , que les fleurs du printemps. Dans le
mois de Décem bre qui fuivit la bataille
de Strasbourg, Julien attaqua fix cents
guerriers de cette nation , qui s’étoîent
jetés dans deux châteaux furlaM eüfe(8o).
A u milieu de cette' dure faifo n , ils fou­
rnirent avec une confiance indomptable
un liège de cinquante-quatre jours. Epui*
fés par la; faim , convaincus que la
vigilance avec laquelle l’ennemi rompoit
les glaces de la rivière, ne leur laifloic
aucun efpoir de s’échapper, les Francs
.consentirent, pour la première fo is , à fe
- difpenfer de l’ancienne L o i, qui leur or-
donnoit de vaincre ou de mourir. Julien

(8o) Ammieiij xvn ÿ 2. Libanius, Orat, x, p« 278-


X ’ O. ateur Grec > en inrerpr^aat mal un paffage de
Julien , représente les Francs comme une troupe de
mille combattans; & comme il avoit la tête remplie
.de la guerre du Péjoponrièfe , il. les Compare'aux La­
cédémoniens ■ qui forent affiégés & pris dans Hile de
Sphaâerie*
de VEmpire Rom. Chap. XIX. 3
envoya immédiatement fes captifs a la
Cour de Confiance ; l’Empereur les ac-\
cepta comme un préfent précieux (8 1),
&• les incorpora dans l’élite des gardes
de fon palais. La réiiilance opiniâtre de
cette poignée de Francs, fit prévoir à Ju­
lien les difficultés de l’expédition qu’il le
propofoit d’entreprendre au com m ence­
ment du printemps contre le corps entier
de la nation. Sa rapide diligence furprit
& déconcerta l’aélivité des Barbares ;
ordonnant à íes foldats de s’approvifion-
ner de bifcuit pour vingt jo u rs, il planta
fes tentes auprès de T o n g re s , tandis que
les ennemis le croypient encore dans
fes quartiers de P aris, dans l’attente des
convois qui arrivoient lentement de l’A-
1
* -
(81) lu lien , ad S. P. Q . Athen. p. 280. Libanius,
Orat. x ï ? p- 2.78. Selon Texpreffion deLibanius, l’Em-
pereur , que la Bletterie (V ie de Julien, p. 118 .) re­
garde comme un aveu n a ïf, & Valefius ^ad Ammian*
x v iiY ) comme un détour pour obfcurcir la v é ­
rité. Dom Bouquet ( Hiftorien de France, t. 1 , p. 73^3.)
en fubfHtuant un m o t, évite la difficulté en changeant
le fens du pafîage.
ySS Hifloire de la decadencè
quitaine. Sans donner aux Francs le temps
de fe réunir ni de délibérer * il étendit
fagement fes légions depuis C ologn e
j u{qu’à TO céan ; 8c par la terreur autant
que par le fuçcès de fes arm es, il réduiiit
bientôt les Tribus fuppliantes à implorer
la clémence , ôc à fubir la lo i de leur
vainqueur. Les Chamaviens fe retirèrent
docilement dans leurs anciennes habita­
tions au-delà du Rhin ; mais les Saliens
conferv.èrent *ieur nouvel établiiTement
de Toxandrie , comme fujets & auxiliai­
res de l’Empire Romain (82). L e traité
fut ratifié par des fermens folennels, &c
on nomma des Infpeéteurs pour réfider,
parmi les Francs, &. faire exécuter ilric-
tement les conditions. O n rapporte une
anecdote iiitéreffante par elle-m êm e, ÔC
■ qui ne dément pas le cara&ère que l’on

(82), Ammien. x v n , 8* Zofime, L m , p. 14^-


150. Son récit eft obfcurci par un mélange de fables,
& Julien, ad. S. P. Q* Cette différence ferr à con­
firmer que les Francs Saliens obtinrent la permiffioü
de conferyer leur établiiTement ¿m s la Toxandrie*
de VEmpire Rom. C h a p . X IX . 3¿7
donne à Julien. Il arrangea & conduifit
ingénieuiem ent jufqu’à ia fift cette efpèce
de tragédie. Quand les Chanvaviens de­
mandèrent la p aix, il exigea le dis de leur
R o i pour o ta g e , com m e le feul qui pût
mériter fa confiance. U n fîlence lugubre,
interrompu par des larmes & de longs
gémiiTemens, peignit d’une manière ex-
prelfive l’embarras & la douleur des Bar­
bares. Leur C h e f, vénérable par fes che­
veux blancs, d é p li a dans un difcours pa­
thétique fa perte perfonnelle, quidevenoic
une calamité publique. Tandis que les .
Chamaviens reftoient profternés aux pieds
du trô n e, le jeune Prince ca p tif, dont
ils pleuroient la m o rt, parut devant eux.
D ès que les tranfports bruyans de la joie
furent aiïez appaifés pour ie faire en­
tendre , Céfar leur tint le difcours fui-
vant: « Contem plez le Prince qui faifoit
» couler vos larmes , c’eft par votre
■ m faute que vous l’aviez perdu ; D ieu èC
» les Romains vous le rendent. Je le
>3 garderai, j’éleveraifa jeunefîe, plutôt
:'3 TJißoire de la décadence
» comme an monum ent de ma propre
» vertu , que comm e un gage, de votre
» finoérité. Si vous violez la foi que vous
» m’avez ju rée, les armes de la Répu-
« blique vengeront votre perfidie fur les
»3 coupables , & non pas fur l'innocent
‘ Les Barbares fe retirèrent pénétrés de re-
connoifl’ance & d’admiration (83).
julienfait C e n eto it pas allez pour Julien d’avoir
trois expedi- 1 t
"°“s.a“ dl(li chalTé des Gaules les Barbares de la
du Rhitiu
A. D. j 57(
J j 8 » 31?.
Sermanie ; il afpiroiwà imiter ou à fur-
paifer les premiers ôc les plus illuftres
. des Empereurs. A leur exem ple, ileo m .
pofa fes Commentaires de la guerre G ai-
liqùe J84). Céiar a raconté avec orgueil

(8-3) Eunape (in Excerpr. Legatiorium , p. 15 , 16 ,


17./ raconre cette Hiftoire intéreflante, que Zofrnie a
ab/égêe , & il l’orne de toute l'amplification d’un Rhé­
teur Grec ; mais le filence de Libanîus 3 d’Ammien &
de Julien lui-mêmer, end ce. récit fort douteux.
(84) Libanius, ami de Julien, donne clairement à|
entendre ( Orar. i v 5 p. 178. ) que fon Héros a écrit
une Hiftoire de fes campagnes dans la G aule; mais
Zofime (1, 111 ? p. 140, ) paroît n’aYQÎr puifè fa rela~
la
de PEmpire‘Rom. C h'ap -X ïX. $ ? 6
là manière donc il paffa deux
Rhin. Julien pouvoit fe vanter qu ’avant
de prendre le titre d’Augùfte il avoit
conduit les aigles Romaines au delà de
ce fleu ve, dans trois expéditions égaler
m ent couronnées de fuccès (85)#- La conf-
.ternation des Germains après la bataille
•de Strasbourg» encouragea fapremière ton;
tative ; & la répugnance des troupes céda
•bientôt à l’éloquence perfuafive; de leup
Com m andant , qui partageoir les fatigues
& les dangers qu’il im pofoit à fes içldats.
X é s villages des deux côtés du M ein
abondamment approviflonnés de grains SC
de troupeaux , eiFuyèrent tous les maux
•qui accom pagnent l’invaflon d ’une ar-
rméë. Les principales maifons conftruites
*avèc qu elq ue imitation de l’élégance- R o-
1
„ ,---- — ■ ----- —---------------- — ------- ---- — ........ ..... ................. ... ..... 1 l — 1 M

' tion qüe dans les Oraifqns & dans les/Epîtres de Jij-
;lien* L e Difcours adreffé aux Athéniens contient un
jécit. ex-aéfc de la guerre contre les Germains,
C8 0 "; V o y e z Ammien , X V iï, i , i <j ; x ^ ï i i , a ;
f*,

ÎtZoTiin, L 111, p. 144* Julien j ad S . P* Q . Athen,;ju


<f ,’Î t S o » \ ' " i ; ~ {

Tome I V . À-a
j 70 ffijîeire de la âe’càdenee
maine , forent la proie des flammes ;
'& Céfar avança hardiment dans l’efpace
de dix m ille s, où il fut arrêté par une
forêt ibmbre & im pénétrable, minée de
paflages fouterrains qui menaçoient à
chaque pas l’aftaillant d’embûches fecrètes,
& la terre étoit déjà couverte de neige.
Julien, après avoir réparé un ancien châ­
teau bâti par T rajan , accorda une trêve de
dix mois aux Barbares confternés. A l'ex­
piration de la tr ê v e , Julien entreprit une
-fécondé expédition au delà du R h in , pour ,
Jiumilier l’orgueil de Surmar & d’O rtaire,
deux Rois qui avoient combattu à la
bataille de Strasbourg. Us s’étoient en­
gagés à rendre tous les prifonniers R o ­
mains 'qui exiftoient encore \ &c Céfar
~e’étant procuré dans les villes 8c danS
•les villages de la Gaule une lifte exaéte
des habitans qu’ils avoient perdus, dé-
couvroit toutes les tentatives qu’on faifoîc
pour le tromper , avec une promptitude
$i une facilité qui foi donnèrent prefque
la réputation d’une intelligence furnacu*
de VEmp ire X om C H A P . X IX . 5 7 1
relié. $a troifième expédition fut encore
plus brillante Ôc plus utile que les deux
précédentes. Les Germains avoient raf-
femblé toutes leurs forces, & longepienc
les bords oppofés de là riviè re, dans lp
deiïein de détruire le pont, Sc de s’op-
pofer au pailage des Romains ; mais ce
fage plan de défenie fut déconcerté pat
une favante 'diverfion. Trois cents foldats
armés à la légère, partagés dans quarante
petits bateaux, descendirent‘la rivière en
iile n e e , $c eurent ordre de débarquer à
.une petite diftance des poftes de l ’ennemi.
Ils l’exécutèrent avec tant d’audace &
île célérité, que les Chefs des Barbares,
plongés dans la iécurité de l’ivreiTe , furent
fur le point d ’être iurpris au retour
d ’une fête noéturne. Sans répéter les
horreurs m onotones & affligeantes du
carnpge.êc de la dévaluation, il fuffira«
de, dire que Julien di& a fes conditions
:de paix à fix des plus puiilans R ois des
Allem ands. O n permit à trois d’entre eux
•d’examiner la févère difcipline Scia pompe
A a ij
37 ? 1 .;
martiale- cftm Romain. Suivi d&a
-vingt mille (¿attifei’^délivrés de leurs
châîhes'-, le Céfar repafla le R h in , après
avoir terminée une guerre dont le fuecès
•a été^ comparé àuït: célèbres vi&oires
remportées fu r rles-î tim b res :èc fur lès
Carthaginois. V .. *

1?';jJC^'que-Jülieàrf;piâif*fe'valeur & par fon


‘intelligencë, eût alluré un intervalle dè
paix ÿri l occupa foh;:Joifîr d. un- ouvrage
v^ittê^làfïs’iïU fei^l^^^tâm àïaité'ite fa ptu-
4 of 6 pKie. Les Giflés;de 4a Gaulë^dé^aûées
•par lés 'Barbares IfUrënt promptèmènt ré­
parées; Julien fit reconilruire & fortifier
lèpt poftes importans entre M etz ôt fem -
-bouchUre du Rliîn'^Sô). Les^iGèrinâihs

r\ . i

Am m ten,: x v n i , L i b a n i u s * Qrat. x , p,
^ 7 ^ , ,2Slo, D e ces fept ; pofles , quatre, font aujour-
".<1lïiu “des vi !les affez confidérabl es , Bingen , i£jjà.uder-
<.u acli^Bonn, & N uy ff. L esn ro is autr es/Tri c eftmæ * Qua-
^driburgium , Caitra. Heîiculis. ou Héraclée , ne fuli-
Cftent plus; mais ü ÿ a lieu 3 e croir^ que, ipt1 le
*terrein de Qüadributgrum y lès Kolîandois ont coniftruir
fort-.de Sèheuk ¿ dont; Ie Tu->xn bleÆo Lt il yioiemment
de Vampire Rôtn. C hâÆÎXIX.
vaincus* s’ètoiên t fournis >à la. i j'ufte ?5p-',
humiliante coadiribn de îpréparer êC; d e
tranfporter les .matériaux. L e zèle actif*
d e Julien prèiTa fbuvrage ; .& tel è to it
l’eiprit' qu’il avoit répandu ; pàrm ikiès
troupes , que les auxiliaires , renonçante
à l’exemption des travaux, entreprènpiént
lès plus fatigans avec .ardeur, i 6c les
exécutoient avec autant d’activité que
les foldats Romains; Les foins du jeune
Çéfar ne fe bornèrent point à la sûreté
des peuples; 6c des garnifons, il fallut,
encore pourvoir a leur fub.iiftance.. La
défertjon .des uns , 6c la révolte des
autres, auroienc été la fuite fuueftfe 6c
inévitable d’une famine. L a culture dea
provinces Gauloifes avoit été interrompue
par . les calamités de la guerre mais
les foins paternels de Julien firent fup*t
pléer l’abondance de rifle voiiîne à la
difette du continent. Six cents barques-,
^
M i ■ »i J 1. ' — "T1 1 . ■, ' ' \ 1 ' >■ 11 ■ 1 — » " i " i mt m ,

l ’oreille. délicate de Boileau, -Voyez d’An v ille , Notice


de l’ancienne G aule, p, i8 j ; Boileau, Epkre- iV j Sc
lesîÎOte 5. i . v .:>? ‘
A a iij
374 E tijloire âe îa âécadm çz
conftruites dans la forée dés A rd en n es,
revinrent pluiieurs fois des côtes de la
'Grande-Bretagne chargées de grains, SC
les diftribuèrent dans lés villes fie les fo r-
tereiTes ii tuées for les bords du Rhin (87).
Les vi&oires de Julien rendoient à la
navigation la sûreté: que Conftance
avoit offert d’acheter par le tribut an­
nuel Si honteux de deux mille livres
d’argent. L ’avarice de l’Empereur refu-
foit à fes foldats les fommes que &
lâche timidité accordoit aux Barbares ;
Julien eut befoin de toute fon adreiï©
Si de toute fa fermeté quand il ouvrit
la campagne avec une armée q u i, pen­
dant les deux dernières, n’avoit reçu ni

£87) Nous pouvons en croire Julien lui-même, Orat. ad


$. P. R. Athen, p. 2S0. Il fait un récit très-circonftancié
de cette expédition. Zofime ajoute deux cents vaif-
féaux de plus, 1. n t , p. 145. En évaluant le port de
chacun dés fix cents vaiiTeaux à foixame-dix tonnes,
ils pouvaient en exporter quarante-deux mille. V oye*
les poids 8t mefures d’Arbuthnot, p, 237. Le pays
qui pouvoit fiipporter une pareille exportation R e v o it
avoir atteint à un degré de culture bien floù&mte.
'de tE m p ir e R em . C hap. XIX. 37$
paye ni gratification (BS).. L e f o in d u
bonheur & de la paix de íes fujets ré*
g lo it ou ièm bloit régler radminiilratioiji
d e Julien (S 9). H s’o c c u p o k , pendant fies Acímítdftfí*
tïon civile 4*
quartiers d ’h iver, du gouvernem ent pi v il, Julien*

Sc afièdtoit de préférer aux fon d ion s


d ’un Général celles d’un Magiftrat. E»
entrant en cam pagne, il remit aux G o u ­
verneurs des provinces les caufes publi­
ques &: particulières qu. ayoient été por­
tées à fon Tribunal ; mais à ion retour ,
i l examina foigneùïem ent toutes leurs
procédures , adoucit la rigueur de la L o i ,
& prononça ion jugem ent fur la con­
duite des Juges. Supérieur à la foibleffe
d e s hommes vertueux, dont le zèle ar­
dent pour la juitice eft trop fouvent
■ pouiîé jufqu’à l’indifcrétion , il réprima
par une réponfe pleine de iageiTe & de

<•88) Les troupes fe multiplièrent au moment ou


elles alloient paffer le Rhin pour la fécondé fois,
Am m ien, x v ï i , 9 ,
(89) Ammian. xvi, 5; xvm* 1. Mamertius, jjl
tanegyr. y et. X ï, 4.
A a iv
6
; : £*7 ' H foire de la décadence.
dignité , la chaleur d’un A vocat qui ac3
cufoit dè concuifion le Préfident de la
province Karbonnpiiè %JSyil ne fau t que
nier, s’écria Delphidius avec véhém ence,
qui jamais fera trouvé coupable ? & s 'il
fuffit 4 ’affermerr répondit Julien , qui ja ­
mais fera déclare' innocent ?
- D ans radminiftration générale , de la
paix ôc de la guerre , l'intérêt du Sou­
verain £c celui de fes peuples eft ordi-
,iïairement le même ; mais Confiance
fe feroit cru violemment ofFenfé, fi les
^vertus de Julien l’avoient privé de la m oin­
dre^ partie du tribut qu il arrachoit À
une province épuiféc, Le Prince qui por-
toit. les orneméns de la royauté, - pou­
voir, quelquefois prétendre à corriger
l ’infolente avidité des Agens inférieurs',
à éclairer leurs artifices, à, introduire
une répartition & une colleéte plus égale
& plus facile ; mais daprès les fenti-
mens de C o n fian ce, l’adminiftration
des finances étoit bien plus folidément
remife entre les mains de F lorendus,
p r é fe t ,du Prétoire des Gaules , tyrân
¥
de V'SmpkfRom.-CHAi.'XîX. 577
effém iné, également incapable de re-
• mords & de compaffion. C e Miniflrre
orgueilleux le plaignoit hautement de
là réclamation la plus m odede tandis
que Julien fe reprochoit à lui-même la
foibiéffe de fon oppofition. Le Céfar
avoit rejeté avec horreur l’Edit d’une
taxe* extraordinaire , pour laquelle le
Préfet lui avoit demandé fa fignature ;
.& le, tableau frappant de la mifère pu­
blique, qu’il avoit été forcé ;de faire
.pour* juftifier fon refus, offenfa la Cour
de, Confiance. O n lira fans doute avec
.plaiiîr les fentimens de Julien, exprimes
avec chaleur & liberté dans fa lettre
-adreflee à un de fes intimes amis. Après
lui avoir expofé fa conduite -, il continue
-en ces termes : » E toit-il poffible à un
\îj difciple d’A riilo te & de Platon de
» le conduire autrement? Pou vois-je aban-
53 donner les malheureux iujets confiés
3* à mes foins ? N ’étois-je pas obligé de
33 les protéger contre ces voleurs impi-
* .toyables ? Un Tribun qui déferre de
H ijh ir e d e la décadence
» Ton p o lie , eft puni de m o rt & privé
» des honneurs dè la fépulture. C o m m en t •
« oferois-je prononcer fa fentence 9 ii
.« au m om ent du danger je négligeons
w un devoir plus facré & plus im portant?
» D ieu m’a placé dans c e poils élevé ,
» fa providence, fera m on guide & m on
« foütiên. Si je fuis condam né à fouf*
» frir, je trouverai m a confolation dans
« la pureté de m a con fcien ce. Plût an
« Ciel que j’eufie en co re un C onieit-
« 1er com m e Sailuüe L Si on juge à
« propos de m ’envoyer un fucceiïèur , je
» m e ioum ettrai (ans regret ; & j’aimô
» mieux faire le bien à mes rifques pen-
» dant quelques inftans, que d’être iorig-
« temps coupable avec impunité (90) «.
X ’autorité précaire Sc dépendante de Ju ­
lien faifoît briller fes vertus & cach o it

(90) Ammian. x v i i , 3. Julian. Epift. x v , edit*


Spanheim* Une telle conduite juftifie prefque l’éloge
de Mamertius. Ita ïllï anrit fpatia divifa fu n t, ut oui
Barbares domitet, aut clvïbus jura refittuât ; perpetuum
profifiks, aut contra hofiem , aut contra vicia , xxrtatntn*
de VEmpire Rom. C hâp. XIX. 37$
Ces défauts. L e jeune H éros qui fou*
tenoir dans la G au le, le trône de C o n f*
tance , n ’éto it pas autorifé à réfor*
m er les vices du G ouvernem ent ; m ais
il avoit le courage de foulager ou d e
plaindre le m alheur des peuples. L a paix
ou m êm e la conquête de la G erm anie
ne pouvoir pas lui donner un eipoir rab
ibanable d’aifurer la tranquillité publi­
que m oins qu’il ne parvint à rani­
m er l’eiprit m artial des R o m a in s, ou* à
policer les nations Sauvages, & à in tro­
duire ch ez elle les arts Ôc linduftrie. C e -
pendant les victoires de Julien fuipen-
dirent un peu les invafions des B arb ares,
&c retardèrent la ch ute de l’Em pire
d’O ccid en t. îl rétablit la paix & la sû­
reté dans les villes de la Gaule qui
étoien t depuis fî lo n g -te m p s déchirées
par les difcordes civiles , par les B ar­
bares , & par la tyrannie. O n vit renaître
l’efprit d’induftrie avec l’efpoir de la
jouiiïance. L ’ag ricu ltu re, les m anufac­
tures 3c le com m erce iioriiToient fous
3^b ■ - M ijlbifè àe faâécaM hce \'ù
la p rëtçftÎ6h vâes' L o ix ^ 'êc le s' charges
municipales fuieiit remplies par des hom ­
mes 'utiles & ; tëfpë6tablësi; L a jeunefle
ne rejetott plus le m a r i a g e & les m é-
jhages n’étoientp lu s défunis p a rla crain te
d’u n e ; pdftéritë.; L é s1fêtés publiques ÔC
partiçülières fe célébroient avec la pompe
ordinaire i' êê4 a libre circulàtion des pro­
vinces prëfentoit l’image du bonheur
national (91). U n e am e com ine celle
de Julien devoit jouir délicieufement
de là profpérité dont il éto it l’auteur ;
mais il avoir une affedfcion particulière
pour la ville de Paris (91) , o ù , durant
l’h iver, il faifoit fa réfidence. C e tte fu-

' f ' - ^ 4 ' • J.

(91) Libanius, Ûrat. Parental, In Imper. Julian, c.


38, In Fabrïcii Græc. Bibliothec, f: y f p ; ¿ 63 , "264.
(92) V o y e z Julien, in Mi/opogon.~ p, 340, 3 4 1.l/an^
cienne Îkuatioa de Paris efl dcérité par Henri Vàlefius
( ad Aijnriian* x X , 4 . ) , par fon frère Adrien Vale-
fiusr ou de VaÎois , & par M* dJAnville ; dans leurs
Notices, furrrancienne G.aule, dans l’Abbé de Lon-
guerre ,,y Description de la F r a n c e ,/ r .-i, 12 , .1
& j^. Bonamir dans les M ém oiréfde l’Académie tdes
, p. 656 691. 4/
T ? 1
âe VEtnpireRom. C ha^ ^CIX. 3f 1
ÿ c rb e capitale 'Çott^renjsL aç^oBr-!-'
d ’hui un ter^einr imtnîen^ Îuc les deux
rives; de la S ein e, n ’opcupôit-alprs qu? une
p etite iile m i tpiliea de.-la rivière qui
iournifibic ¡une eau pure faiutaire à
Xes h a b jta n s..L a . Seine b aignait le pied
des; murs, ôc ,on ne pouvoit entrer dans
Ja ville que par-deux ponts de bois. U n e
(épaiiiè forêt, cou vrait le nord de le ri­
v i è r e ; mais le f u d , qui; porte aujour­
d'hui, le nom, d’JJniverfité,,' :fut inferXible-
jrneût bfâti .èç. orné dL’ijn p alp s* d’un am -
nhiçhéaite,, d’un. aqueduc- de bains, Sc
d ’un c h a m p . ¡ p o p ^ - e x e r c e r les
-troupes.. L a rigueur d n clim at o to it-te m -
jpçree par.. le yoiiînage <Je l’o c é a n ; &ç
^ayee quelques précautions„.,que d’expé­
rien ce avqit, en ièig n ées, ^ia-yigoe & les
figuiers s’y cultîvoient avec fuccès. D ans
quelques h ivers, la Seine le glaçoit pro-
XôridéîhéhCs ‘ W - lès"''éhbtftffeS1 ih'bfceaux
de glace qui Hottoient inr t les eaux*
auraient pu être- com p atis p a r.u n A fia-
$81 H ifio in d e la d éca d en ce

tiq u e, aux blocs de m arbre b l a n c q ü é


l’on tïroit des carrières de la Phrygîe.
¡La licence & la corruption d’A n tio ch é
rappelèrent au fouvenir de Julien les
mœurs iïmples & auftères de fa chère
L u tèce (93), ou lés théâtres & leurs
fpé&aclés éto ien t inconnus & méprifés.
Il com paroît avec indignation les Sy­
riens efféminés , à l’honnête $c bravé
rüfticité des Gaulois , auxquels il né
connoiffoit d’autre vice que Fjn tem ­
p éran ce', qu’il éto it tenté de léur pardon­
n er (94). Si Julien rev en ait aujourd'hui
dans la capitale d e 4a F ran ce * il y tro ù -
veroit des hommes' ïavans des génies
capables d’entendre & d’inftruiré lin d is­
ciple des G recs, Il excuferoit fans doute
l’agréable folie d ’une nation dont les

C93) Julian, in Mifopogon. p, 340. Leucetja ou .La-


tetîa, étoit Panden nom de la cité qui, dans le
trième fiécle, prit celui de P a rifiL
(9 4 ) JuEan, m Mifopogom p. 359 » 3604 * :
d e V E m p ire R om . C hap. XIX. 383
jo u iiT a n c e s d u lu x e n o n e ja m a is é n e r v é
r é ip r ît m a r tia l; & il fe r o it; f o r c é d ’ap ^
p la u d ir à la p e r f e é lip n de c e t A r t in e f »
t i m a b l é »qui a d o u c i t , ép u re &c e m b e l l i t
le c o m m e r c e d e la S o c ié té

?
■Æ s
(iw itcdEtüdêcddehtt

*4 -4V
*• * *d'. £.
9
;J?i -J,*1i ' ^ v
/; • '■ * ***. i"7* 'Jt’ %rr,-F'
C H, A P I T R E T X f * ,
;:3 . . Î ;r ' : i =: ■ ' : =
. : A - ., l ~ ‘

Les motifs^ tft&frvghès-j- ù lééi'*èffisià éU


la converfonde Confantin. EtâbliJJbment
ù conjhtution de VEglife Chrétienne ou
Catholique. •

Dite rie la L ’é t a b l i s publ i c de la Foi


converfîon
de C qûîU u- Chrétieniî^ ieü tfJrèêégaid A com m e une
tin.
de ces ih ïp d ^ n tô s^ -i^ ^ t^ S n s qui. ex-
cite la cnr-iüfîpé là-p]uÿ^iv;e, 8ç qui offre
la plus utile' inftruclion. Les viéfcoires SC
la politique de-iporiftantin n’intéreiïent
plus l'état de l’E urope, mais une portion
coniidérable du G lobè conferve les im -
preifions qu’elle a reçues par la converfion
de cet Empereur ; &c Tes inilitutions ec^
cJéiiaftiques font encore liées, par une
chaîne indiffoluble , avec les opinions,
les pallions & les intérêts de la générai
tion préfente.
En réfléchiffant fur un fujet que l’on
peut
de VEmpire Rom. C hap. X X . 3Sj
peutdifcuter avec im partialité, mais qu’on
ne peut examiner avec indifférence, U
s’élève d’abord une difficulté d’une efpèce
fingulière ; celle de fixer l’époque réelle
& précife de la converfion de Conftantin,
L ’éloquent Laitance, au milieu de la Cour
Impériale (1), paroît impatient d’annon­
cer à l’Univers le glorieux exemple du
Souverain des Gaules , qui, dès les pre^
raiers jours de fon règne, reconnut &c
adora la majefté du vrai D ieu (2). L e favant

r.

(i) La date des Înftitutions divines de Laitance a


'¿té favamment difeutée ; on a propofé les difficultés
& les folutions, & imaginé l’expédient de deux édi­
tions originales , l’une publiée durant la perfécution da
Dioclétien* & l'autre pendant la perfécution de Liei-
nins. Voyez Dùfrénoi * Préface, p. 5. Tillemont, Mém*
Eecléiiaft, t* 6, p. 465-470. Lardner^ fes Prpbabi-
lités , part 2 , t. 7 , p. 78-86. Quant à moi, je fuis
prefquè convaincu que Laitance a dédié fes Inftitutions
au Souverain de la Gaule, dans le temps où Galère,
Matfiifre, &mèrrié Ltcinius, perfécutèrênt les Chrétiens *
t ’eÆ-à^dire, eitfre l’année 306 &311.
{2 ) L a é ta n c e , D iv in , In ftitu t. I. 1. vu , 17,
jn ier & le p lu s im p o rta n t d e ces paÛ ages éi
la v é r it é dans v in g t-h u it m a n u ic rits ; m ais il fe tri

Tome I F B b
J

385 JJiJloire de ta décadence*


i'.usèbe attribue la foi de Conftantin au
ligne miraculeux qu’il apperçut dans le
c i e l , lorfqu’il préparoit fon expédition
d’Italie (3), L ’Hiftorien Zofim e allure
malicieufement que l'Empereur uvoic
trempé fes mains dans le fa n g d e fo n fils
aîné, avant de renoncer* aux '
D ieux r de
Home èc de fes ancêtres (4); Conftântin
a donne lieu lui-même , par fa conduite,
aux doutes que font naître ces diffe­
rentes autorités. Selon la rigueur du laii^
gage eccléfiaftique, le premier des Em­
pereurs-Chrétiens ne mérita ce nom.qu’au

■. t f

dans dix-neuf. Si nous balançons l'autorité refpeéHve de


ces manufcrits, nous pouvons citer en faveur ¡du paffage
un manufçrit de neuf cents ans * qui tft dans Ja Biblio­
thèque du Roi de France ; mais ce même paflage ne
fe trouve point dans ie manufçrit çorreéfc àç Bologne,
que le Père Montfaucon fuppofe écrit dans fixiêine
ou feprième fiècle (Diarium Italie, p. 409.,). La plur
part des Editeurs, excepté Ifæ us, ont reconnuje ftylo
de La&ance. V o yez Laitance. ’
% édit* ■D ufrénoi.
■ ■ ■ -■ f 11/'
t. 1:
.

RHHplfeb. in V it. Çonftant. 1. 1, c. *7-34. ;


1. U , p, X04. . v;
de l 3Empire Rom. C h ap. XX. 387.
' « ^ ,* - ,ji
moment de fa m ort , puifque ce fut dansK
là dernière maladie , que comme Cathécu*
m èn e, il reçut l’impofition des mains (5),
& qu’on l’admit enfuite au nombre des
fidèles par la . cérémonie d’un baptême
initiatoire (6). L ’on doit accorder à la

(y) O obfervoit toujours cette cérémonie en fai-


r

fant un Catéchumène, V o y e z les Antiquités de Birt-


gham , 1. x , c. i , p, 419. Dom Chardon, Hifb des
Sacremens, t. 1 , p. 62; & Conftanrin le reçut pour
la première fois , immédiatement avant fon baptême
& fa mprt, Eufeb. in V it. Confiant. 1. i v * c* 6i*
D ’après la liaifon de ces deux faits, Valefius (ad loc.
E u feb.) tire une conclufion que Tillem ont admet avec
répugnance ( Hift, des Empereurs, t. i v , p. 62,8. ) ;
& Mosheim la réfute par des argumens très-foibles,
p* 968*
+.

. (6) Eufeb, in Vit. Confiant. L i v , c. 6 1 , 6 2 , 63;


Ea légende du baptême de Conftanfm à R o m e , treize
ans avant fa m o rt, a été fabriquée dans le huitième
fiècle, pour fervir de m otif à fa donation. T el a été
le progrès graduel des lumières qu’une hiftoire, que le
Cardinal Baronius n’a pas eu honte d’affirmer ( Annal.
Ecclefiaft. A . D , 3 ^4, n°. 43-49. ), paffe aujourd’hui pour
peu certaine, même à Rome. V o y e z les Antiquités (chré­
tiennes, t. 2 , p, 232, C e t Ouvrage a été publié k
Rome avec fix approbations, dans l’année 1 7 4 1 , par
le Père Man^achi> fayant Dominicain.
3 J?8 H ijlo ir e d e ta d é c a d e n c e

foi He Conftantin un fens plus vague âc


moins complet ; Bc ce h’eft que par la
plus févère exaébitude, que l’on peut don­
ner une jufte idée des gradations lentes
Bc imperceptibles qui ont conduit le M o ­
narque à fe déclarer le prote&eur , Bc
enfin le profélyte de l’E glife. H lui fal­
lut du temps pour renoncer aux habi­
tudes & aux préjugés de fon éducation,
pour reconnoître la divine toute-puif-
lance d u C h rift, & pour comprendre que
l i vérité de fa révélation •étoit incomr
patiblé avec le culte des D ieux. La peine"
qu’il eut fans doute à vaincre fes propres
fentimens y lui apprit à préparer aveceir-
conipeétion le changement du culte nation
n'al. Pendant tout le cours de fon rè g n e,
la Foi Chrétienne fe multiplia dans une*
progreiîîon modérée ; mais elle fut quel­
quefois paifagèrement arrêtée par des cir-
conftances politiques j par la prudence ,■
Si quelquefois peut-être par le caprice;
du Souverain. Il permettoic à fes diffé­
rent M iniilres d’annoncer fes ordres dans
de l 3Empire Rom, Chap. X X . 3B9
le ftyle qui convenoit le mieux à leurs
principes (7) ; 6c il balançoit avec art la
crainte & Teípoir de íes fu jets, en pu­
bliant dans la même année deux E d its,
d on t l’un recommandoit d’obferver relî-
gieufem ent le D im anche (8), & l’autre
régloitles cérémonies qu’il falloir obferver
en confultant les Arufpices(5>). Tandis que
ce tte importante révolution reftoit incer-

(7) Le Quefteur qui a rédigé la Loi du C ode Théo»


Moflen, fait dire à fon Maître avec indifférence ;
minibus fupradiéia Religionis ( 1. X V I , L i i , Leg. i , \
L e Miniftre des affaires ecdéûaftiques écrivait d’un
ftyleplu s refpeétueux & plus dévoti ms wha-py *£ w/tv-
wccTyç K&ÔoÀtKtfç ôpq&jittic&ç ; le légal ô* trks-faint culte Catho­
dique* V o yez Eusèbe, Hift* EccléfïaiL l . x , t , 6 *

(8) Cod* T h e o d o f L i ï , tit, v m . Leg, i*C od. de Juf-


tinien, 1. n i* tit* 1 2 , Leg* 3. Conftantin appelle Je
jour du Seigneur, dies Solis* C e nom ne pouvoir pas
bleffer l’oréille de fes fujets Païens.
(9) Cod. T heod. 1. x v ï , tit. 10 , Leg, i, G o d efro y,
en qualité de Com m entateur, tâche (t. 6 , p* 257,)
4 ’excufer Conftantin ; mais Baronius, .plus zélé ( AnnaJL
Éccléfiaft, Â t D . } 2 i , nQ. 18. ) f blâme fa conduite avec
àîgretiÇi
3 5>o Hijloire de là decadencs
tairie, les Chrétiens & les Païens ex am­
miri oient avec attention ,la conduite de
Conftantin * mais avec des difpofîtions
bien différentes ; les uns , par un mou­
vement dè zèle & de van ité, exagéroiènt
les* preuves de fa faveur ôc l’évidence, de
fa f o i; les autres au con traire, jufqu’au
m om ent où leurs craintes fe changèrent
en haine & en défefpoir , tâchoient de
cacher au p u blic, & de fe diffimuler à
eux-mêmes que les D ieux de R om e ne
pouvoient plus compter le C h e f de l’E m ­
pire au nombre de leurs adorateurs.
Chacun* d’eux fe livrant à fe s pallions
St à fes préjugés différens , fixoit la
profeffion de foi de Conftantin à la plus
brillante ou à la plus honteüie époque
de fon règne.
sopcrfiitîon Quelques indices que les difeours ou
païenne de _ 1
conttamin. les actions de Conftantin aient pu don­
ner de fa piété chrétienne , il n’en per-
févéra pas moins jufqu’à l’âge d’environ
quarante an s, dans la pratique de l ’am
de ItEm ptre Rom . C hap. XX. 391
tienne R eligion (10) j & là conduite qui^
' dans la Cour d eN ico m éd ie, pouvoit être
motivée par fes crain tes, doit être re­
gardée comme la volonté libre ou poli­
tique du Souverain des Gaules. Il réta­
blit les temples des D ieux , & les enri­
chit de Tes libéralités. Les médailles frap­
pées dans fes monnoies impériales étoient
toujours empreintes des figures & des
attributs de Jupiter & d’A p o llo n , d’Her-
cule & de Mars ; & fa piété filiale aug­
menta le Confeil de l’Olym pe par l’A -
pothéofe de fon père Confiance (11). 10

(10) Théodore ( 1. 1 , c. 18.) înfinue qu’Hélène


fit ¿lever fon fils dans la Religion Chrétienne; mais
nous pouvons certifier s d’ après l’autorité d’Eusèbe ( in
V it, Confi. L i n , c. 47*)., quH élène elle-même n’eut
connoifiance du Chriftianifme que par les foins de
Conftantin.
(xi) V o y e z les médailles de Confiantes dans D u-
cange & Bauduri, Comme peu de villes avoient con­
ferve le privilège de battre monnoie 5 prefque toutes
les médailles fortoient de la monnoie qui ¿toit immé­
diatement fods l’autorité impériale
B h iv
Hijloire de la decadente
^Mais Conftanrin avoit une dévotion par*
ticulièrê pour le génie du S o le il, T A -
pollón de la M ythologie G recque Ôc R o ­
maine. Il aimoit à fe voir repréfenter
avec les fymboles du D ieu de la lumière
ôc de la poéfie. Les flèches redoutables
de cette D iv in ité , le feu de fes regards,
ià couronne de lauriers, iay beauté im-
m ortelle, Ôc toutes fes perfections, fem-
bloient le défigner pour le protecteur
d’un jeune Héros. Les autels d ’-Apollon
furent fouvent couverts des magnifiques
offrandes de Conitantin. La multitude
crédule fe laiifoit perfuader que l’E m ­
pereur avoit eu l’honneur de contem ­
pler la majefté vifible de leur D ieu tu­
télaire , ÔC qu’il en avoit reçu l’heureux
préfage d’un règne lo n g ôC victorieux.
O n adoroit univerfellement le Soleil
comme le guide ôc le proteéfeur invin­
cible de Conftantin ; ôc les Païens pou-
voient raifonnablement croire que 1^
D ie u , irrité contre fon fa v o r i, feroit
de VEmpire Rom. C hap. X X . 39$
éclater fa vengeance fur fon ingratitude i

& fon impiété ( 1 i).


Tandis que Conftantin n’eut dans Coaftantîh
protège lei
les Gaules qu’un pouvoir limité , Ces Chrétiens de
laG aule,
fujets Chrétiens furent protégés par
'l’autorité , & peut - être par les Loix
d’un Prince qui laiiToit fagemerit aux
D ieu x le foin de venger leur injure.
S i nous pouvons en croire Conftantin
lui-mêm e 9 il avoit été tém oin avec in­
dignation, des horribles cruautés que les
foldats Romains exerçoient fur dés ci­
toyens dont la R eligion faifoit tflïit le
crime (13). Dans l’O rient & dans l’Oc* 12
3

( 12) Le Panégyrique ( v u , inter Panegyr. Vet.)


qui fut prononcé peu de mois avant la guerre ¿’Italie ?
eft une preuye évidente de la fuperftition païenne de
Conftantin , & de fa vénération particulière pour Apol­
lon ou îe Soleil. Julien y fait aüufion, Orat. vu» p. 28*
iîîroAÊ/?râîvirf. Voyez les Commentaires de Spanheim fur
les Céfars, p«3t7*
(13) Conftantin. ©rat. ad S an âo s, c, 23; mais il
feroit facile de prouver que le Tradu&eur Grec a am­
plifié le fens de l’original latin; & l'Empereur5 dans
fa vieilleffe ? pouvoir fe rappeler la perfécution de Dio­
clétien avec une horreur plus vive qu’il ne Pavoit
fentie lorfqu’il çtoit jeune Sc profeffoit encore le Pa-
ganifme.
394 Hifloire de la décadence
cid e n t, il avoir été à même -de con-
noître les différens effets de l ’indul­
gence & de la févérité. L ’exemple de
G alère, fon implacable en n em i, lui ren-
doit la dernière plus: odieufe, 8c il étoit
invité à la première par 1’autorité de
fon père, q u i, au moment de la m ort,
lu i en avoir recommandé l’imitation. Le
fils de Confiance fufpendit immédia­
tem en t, ou annulla les Edits de perfé-
cution ; tous ceux qui s’étoienj: déjà
déclarés membres de l’E g life , obtinrent
le libre exercice dé leurs cérémonies
religieufès ; & , ils eurent bientôt lieu
de compter également fur la faveur 8c fur
la juftice de leur Souverain , qui çom -
mençoit à fençir fecrêtement un iref-
peél fincère pour le nom de Chrift 8c pour
le D ieu des Chrétiens (14}.14

(14) V o y ez Eusèb. Hift. Eccléfiaft. l . ' V l i l , 13; I.


î x , 9 , & dans la Vie de Confiant, 1. î , c. 16,. 17.
Laâanc* Divin. Inftit* 1. I. Cœcilius , de Mort. Perr
fecut. c. 25,
d e V E m p ir e R o m >C hap. X X . 39 y
Environ cinq mois après la conquête Edit de
ïdilan.
de l’I ta lie , l’Empereur fit de fes fenti- A*D.
Mats.
mens une déclaration folennelle ' & au­
thentique par le fameux Edit de^Milan,
qui rendit la paix à l’Eglife Catholique.
D ans l’entrevue des deux Princes de l ’O c ­
cident, Conftantin, par l’afcendant de fa
puiilànce & de fon g é n ie , obtint l’ap-
probation de Licinius ; leurs noms 8c
leur autorité réunis défarmèrent la fu­
reur de M axim ien; & après la m ort du
tyran de l’O rie n t, l’Edit de M ilan fut
reconnu pour une loi fondamentale dans
tout le M onde Rom ain (15). La fagefle
des deux Empereurs opéra la reftitu-
tion des droits civils 8c religieux dont
on avoir fi injuftement privé les Chré­
tiens. O n ordonna que fans difcuifion,-
fans' délais & fans frais, ils feroient re-15

(15) -Cæeilius (de Mort. Perîecur. c. 48.) a iuivi


l'original latin, & Eusèbe (Hift. E cdef. 1. x , c* 5 .)
a donné une traduâion grecque de cet Edit perpétuel
qui ren roye à^des régiemens provisoires.
396 Hifioire de la décadence
mis en pleine pofleifio» de leurs égliies, 3c
des terrés qui avoietit été confifquée's.
C ette injonéfcion rigoureufe fut adoucie
par la promefle d’indem nifer, du tréfor
im périal, ceux qui auroient payé la valeur
de leurs acquittions. Les fages règlemens
relatifs à la future tranquillité des fidèles,
font fondés fur les principes d’une égale
¿tendue de tolérance ; 6c cette égalité
devoir être regardée par une fe£te foible
&: nouvelle , com m e' une diftinâdon
avantageufe & honorable. Les deux Em ­
pereurs déclarent à l’Univers , qu’ils ac­
cordent aüx Chrétiens 6C à tous autres
la liberté de fuivre 6c de profefler la
R eligion qu’ils préfèrent, que leur cœur
leur d icle, ou qu’ils trouvent plus con­
form e à leur inclination. Ils expliquent
foigneufement tous les mots iufcep-
tibles d’am biguité, rejettent toute excep­
tion ,— 6c ordonnent
* aux Gouverneurs
des provinces de fe conformer ilriéte-
ment au fens clair 6c fimple de l’E d it,
par lequel ils prétendent établir 6c af-
de PEmpire Rom. C hai».' X X . 397
furer, fans aucune reftri& ion, les droits
de la liberté religieufe. O n trouve dans1
l ’Ordonnance le détail des puiflans m o­
tifs de cette tolérance univerièlle, le
défit bienfaifant de rendre le peuple heu­
reux & tranquille , êc le pieux efpoir d’ap-
paiier par cette conduite Sc de rendre
propice le D ieu qui fiége dans le Ciel.
Lés Empereurs déclarent avec recon-
iîoiilànce qu’ils éti ont déjà reçu les plus
précieux bienfaits, & efpèrent quJil con­
tinuera d’afïurer, par fa protection, la
profpérité du Prince Ôc des fujets de
l’Empire. C es exprelfions vagues de1
piété donnent liêu à trois fuppoiitionsy
q u i, quoique d’une nature différente , ne
fon t pas incompatibles. L ’efprit de C o n f-
tantin flottoit peut-être encore entre la
R eligion Païenne & celle des Chrétiens.
Ên fuivànt les complanantes opinions
du Polychéifme , il pouvoir reconnoître
le D ieu des. Chrétiens pour une des
•Divinités qui com pofoient la hiérar­
chie cé le fte , ou il croyoit peut-être
T ,
i
3.3g "■ '■ Hifioirit "de:la âécàtknce ",
comme çértains Philofophes amis-de l’hu-
nianité , q u e , malgré la différence des
n o m s, dès .idées & des cérém onies,
tous les hommes adreflent également
leur hommage ail Père & au Créateur
unique de l’Univers (16).
M ais les Confeils des Princes ont plus
ordinairement en vue des avantages tem­
porels, que des confidérations abftraites
fur des vérités ïpéculatives; & to n peut-
raifonnablement croire que l’eftime de
Gonftantin pour la morale C hrétienne,
& la perfuaüon où il étoit que la pro-
pagation de l’Evangile encourageroitr
l’exercice de toutes les vertus , ièrvirent

(16' Un Panégyrique de Conftantin, prdnoncé fèpt


ou huit mois après l’Edit de Milan ( V o yez Gothofred.
Chronolog. Legum , p. 7 , & T illem ont, Hift. des
Empereurs , t. 4 , p. 246.) . fe fe'rt d e l’expreffion fui-
vante & remarquable : » Summe rerum fator, cùjus toi
if nornina faut , quoi linguas genthwi ejfe voluifli, quefti
w enim te ipfe dici v élis y fcire non pojfumus Panegyiv
Vet. i x , 26* En tendant compte des progrès de ConiV
tantîn dans la Foi Chrétienne , Mosheim (p, 9 7 1, &C.};
«fl ingénieux > fu b til, & prolixe*

\
de l'Empire Rom. CHAP. X X . 35)9,
beaucoup à augmenter la faveur qu’i l
accordoit à fes profélytes. Quelque li­
berté qu’un M onarque abfolu puîilè ré-,
clamer pour lui-même Ôc pour íes paf-
lio n s , il eft évidemment de fon inté­
rêt d’inlpirer à tous Ces fujets une ref-
peéfueufe obéiiTance pour les L oix natu­
relles ÔC pour les engagemens civils de
la Société. M ais l’influence des meilleures
Lois: eft foible & précaire ; elles donnent
rarem ent la v e rtu , elles n’arrêteht pas
toujours le vice.; Leur autorité ne peut
ni em p êch er, ni même punir tout ce
qu’elles condamnent. Les Législateurs de
l’Antiquité avoient appelé le fecours de
l ’éducation ôc de l’opinion ; mais tous
les principes qui ont maintenu la gran­
deur & la pureté de Sparte ôc de R om e,
S’étoient anéantis depuis long-temps dans
la décadence d’un Empire defporique.
L a Philofophie exerçoit encore fon doux
empire fur les efprits ; mais la caufe de
la .vertu d roit un foible fecours de la
fuperftition des Païens. Dans ces cir-
400 Hifloïre de la décadence
confiances décourageantes, un fage M a-
giftrat pouvoir voir avec plaifirle progrès
d’une R eligion qui répandoit parmi les
peuples une morale pure, bienfaifànte,
& qui recommandoit aux hommes de
tous les états l’exaékitude dans leurs de­
voirs, comme la volonté d’un D ieu dont
les hommes vertueux obtiendroient des
récompenfes infinies, & qui puniroit les
méchanspar dès fuppliçes éternels* L ’Hif*
totre des Grecs fie des Romains ne pou*
voit pas apprendre a l’Univers à quel
point la révélation divine influeroit fur
la réforme des mœurs nationales ; & le
zèle de l’éloquent La& ance devoit na­
turellement obtenir la confiance de C c n i-
tantin. C et habile Apologîfte paroifToit
convaincu, & ofoit aiTurer à fon Sou­
verain , que rétablifÎem ent de la F oi
Chrétienne ramèneroit l’irmoeence &
la félicité du premier âg e; que le culte
du vrai D ieu anéantirok les guerres &
les difcuffions parmi ceux qui fé regar-
deroient tons com m e defcendans du
m êm e
de VEmpire Rom. C hap . X X . 3.0I
* - -,

même père ; que «toutes les paillons cor*


rompues, tous les déiîrs im purs, tous 7
les vices enfin diiparoîtroient à la lec­
ture de l’Evangile ; Si que les M agiftrats
n ’auroient plus befoin du glaive de là
Juftice chez un peuple dont l ’équité, là
piété , la m odération, & une tendreiïé
fraternelle, dirigeroient tous les fenti-
m e n s(i7 ).
L ’obéiiïànce paffive, qui porte hum- théorie &
1 1 1 - pratique d’o-
blem ent le joug de l’autorité, & qui le béillanccpivC«
foumet fans réiiftance à l’oppreiïïon, pa­
rut fans doute à un M onarque abfolu
• la plus utile & la plus ëftimable des vertus
évangéliques (i'8), Les premiers C h ré­
tiens ne croyoient pas que l ’infHtution 17 8

(17) V oyez l’élégante defcription de Laâance (D i­


vin* înftit. V , Il eft beaucoup plus clair ¡& plus
affirmatif qu’il ne convient à la difcuffion d’un Pro­
phète* '.
(18) Le fyftême politique des Chrétiens eft explique
par G rotiu s, de Jure belli & pacis, L i , c. 3 » -4.
Grotius étoit Républicain & exilé ; mais la* douceur de
fon caractère le difpofoit à fe foumettre à Tautorité
établie.
Tome I F . C c
\ 402 Uijlaire de la décadence
primitive du Gouverne/nent.civil eût été
fondé fur le confentem ent des peuples.
Ils attribuoient fon origine aux décrets
' de la Providence. Q uoique l ’Empereur
régnant eût ufurpé le fceptre par le meur­
tre 5c . par la perfidie, il prit immédia­
tement le titre facré de Lieutenant de
la D ivinité. 11 ne devoir com pte qu’à
elle dé l’abus de fa pu iflance, & fes fu-
> jets fe trouvoient indiifolublement liés,
' par leur ferment de fidélité, à un Tyran
qui avoit violé les L oix fociales & celles
de_ la Nature, Les •humbles Chrétiens
étoient envoyés dans ce monde comme 4
des brebis au milieu des loups ; $£ puif-
qu’il leur étoic défendu d’employer la
vio len ce, même pour la défenfe de leur
H eligion , il leur étoit encore moins per­
mis de répandre le fang humain pour
la confeirvarion dé vains privilèges, ou
pour les miférables poileflions d’une vie
rranfitoire. Fidèles ,à la doétrine de l’A ­
pôtre qiîi prêchoit, pendant le règne de
N é r o n , une foumiffion a v e u g le , les
d e V Empire Ü oot. C hap. X X . 493
Chrétiens des rrois premiers iiècles ne
tachèrent la pureté de leur conicience, n i
par des révoltes , ni par des confpita-
tions , & ils fouffrirent les plus cruelles
perfécutions fans eflayer de s’en défen­
dre en prenant les armes, ou de l’éviter
en. fuyant dans des climats éloignés ôC
moins barbares (19). O n a fait «ne corn-
paraifon odieufe de la conduite oppofée
à celle des premiers Chrétiens, qu’ont te­
nue les Proteftans (2.0) de la F ra n ce , de
l ’Allem agne de l’A n g le te rre , quand,
ils ont dçfendu avec intrépidité leur li- 19 0
2

(19) TertulKan, Apolog. c. 32, 34* 3 3 , 36. Tu-


mtn nunquam AUnnïarâ, me ffigriani, vtl Cajjlani ïm
veniri pomerunt ChrîJlianL Ad Scapulam , c. 2* Si cette
aifertion eft ftnâement vraie * elle exclut les Chré-
tiens de çe fiêçle de tous les emplois civils & raili*
laires, qui étoient fufceptibles de forcera prendre parti
dans les révotees des Gouverneurs* V o y ez les O u­
vrages de M oyie* v o l 2 , p* 349*
(20) Bo.fftiet (H iiE des variations des Eglifes Pro*
tenantes t t. 3, p. 210-258; &: B a y le , t. 2 , p. 620,>
Je nomme Bayle * parce qu’il eft certainement TAuteut
de l’Avis aux Réfugiés- Confukez le D iâion , crit, do
Çhauffepiéîfc t, 1 ? part- 2, p. *4Ï- .
1- -
404 Hijloir? de là décadence
beirté civile & feligieufe. Loin de mé­
riter des reproches, peut-être devroit*ôn
quelques louanges à nos braves & judi­
cieux ancêtres, pour avoir fenti les pre­
miers que la R eligion ne peut pas anéantir
lesj droits inaliénables de la nature hu­
maine (zi). O n pourrait auiïï attribuer
Ja patience de la primitive Egliie autant
à fa foiblefle qu’à fa vertu. U n e Seéte
compofée de. Plébéiens timides , fans
C h e fs , fans arm es, &c fans place fo rte ,
aurait été inévitablement détruite, s’ils
avoiént hafardé de faire une imprudente
& inutile réiîilance contre le M aître des
légions Romaines. M ais les C h rétien s,
foit qu’ils cherchaflent à calmer la co ­
lère de D ioclétien , ou à obtenir la fa­
veur de C onftan tin , pouvoient avancer
avec la confiance que donne la vérité,
qu’ils avoient été fidèles pendant trois 2 1

(21) Buchanan eft le premier , oiï au moins le plus


célèbre des Réformateurs, Qui ait juftifié la théorie
de la réfiftance. V o y e z fon Dialogue , De Jure Regnî
% apud ScQtos, r. a , p. 28-3$, ¿dit. fol* Ruddimaiv.
de VEmpire Rom. C hap. X X . 405
fiècles aux principes d’une aveugle & in ­
variable foumiifion. Ils pou voient ajouter
que le trône des Céfars auroit été iné­
branlable , fi tous leurs fujets euffent
appris , en recevant la Foi Chrétienne,
à tout endurer fans réfiftanee.
Ceux qui rapportent tout à la P rovi­ Droir divin
de Conftau-
dence, regardent généralement les Princes tin-

Ôt les Tyrans com m e envoyés du C ie l ex­


près pour conduire ou pour châtier les N a­
tions. Mais l’Hiftoire facrée prouve par un
grand nombre d’exemples fam eux, que la
D ivinité a fouvent interpofé fon autorité
d’une manière plus immédiate en faveur
de fon peuple chéri. Elle a confié le
fceptre 6c l’épée dans les mains de M o ïie ,
de Jofué , de G éd éo n , de David 6c des
M acchabées ; les vertus de ceS Héros
furent ou le m o tif, ou l’effet de la faveur
divine. Leurs victoires dévoient achever
la délivrance ou le triomphe de l’Egliie.
Si les Juges d’ifraël étoient des M agif-
trats paffagers, les Rois de Jydah riroient
de l’onftion royale 6c de leurs ancêtres
'4ô<5 Hijloire de la décadence -à
tin droit héréditaire &C indélébile , qui
ne pouvoir être effacé ni par leurs propres
vices , ni par le caprice de leurs fujets.
C e tte même Providence qui n’étoit plus
circonfcrite dans lés lim ites étroites de la
Judée , pouvoit choifîr Conftantin & fa
famille pour les protecteurs du M onde
Chrétien ; & le dévot LaCtance annonce
d’un ton prophétique la gloire future d e
ion règne long & univerfel (ai). G alère
& M a x im e, Liciriius & M axence par­
tagèrent avec le favori du C iel les pro­
vinces de l’Empire ; les morts tragiques
de Galère & de M axim e fatisfirenc bien­
tôt la haine &c les efpérances des Chré­
tiens. Le fuccès de Conftantin contre
Licinius & M axence le débarrafsèrent de
deux puiÏÏans compétiteurs qui retardoient
le triomphe du féco n d D avid ; & fa caufe
pouvoir avoir befoin du fecours particti-
.» * ! ■ . I 1 ■ -■ ' H "■ I H ' l * l,..—'. I . hd — — , i 1

(la ) La&ance, Divin* ' Inftitut. L, L Eusêbe, dans


fon HiÎtoire5 dans fa V i e , & dans fes Harangues, tâ­
che continuellement de prouver le droit divin de Con£
tantln à rÈmplreÿglfc
de l*Etîïpirs R oîHêC hap. X X 407
liar de la Providence. Les vices du Tyran
des Romains Jf^radoient la pourpré ë t
la nature hum aine; 6c quoique les» Chré­
tiens obtinflent fa faveur, ils n’en étoient
pas moins vi& im es, avec le refte de íes
fujets, de fon extravagante & capricieufe
cruauté* La conduite de Licinius décou­
vrit promptement la répugnance avec
laquelle' il avoit adopté les réglemens
iages & pacifiques de l’Edit de M ilan.
Il défendit dans íes Etats la convocation
des Synodes provinciaux ; i l renvoya igno-
minieufement tous fes-'Officiers qui pro-
feiToient la Foi Chrétienne; & quoiqu’il
évitât le crime ou plutôt le danger d’une
perfëeution générale , fes vexations par­
ticulières ne rendoient pas moins odieufe
Tinfraétion d’un engagem ent folen n el
LJ -s

& volontaire (X3). Tandis que l’O rien t, 13


*

(13) Nous Savons qurune connoifiance imparfaite


de la perfécution de Licinius ^ tirée d'Eusèbe t Hift
Eccléfiafb L x , c. 8, V it. Ccmftantin* 1. i , c, 49-
56; 1 . 11, c* z , Aurelius V iâ o r parle en général
de fa cruauté*
C e iv
V

40 8 jtiijîoite de la decadence
felori Fexpreflion d’Eusèbe, étoit enve­
loppé dans les ombres’Wè l’obfcurité in­
fernale , lés rayôns brillans de la lumière j
célefte éclairoient êc échauffoient les
heureufes contrées de l’Occident. La piété
de Conftaritin légitim oit tons fes fuccès,
êc l’ufage qu’il fit de la victoire démontra
facilement aux Chrétiens que leur Héros
étoit conduit & protégé par le D ieu des
armées. Là conquête d’Italie fut fuivie
d’urt Edit général de tolérance : & dès que
la défaite deLiçinius eut donné à Confi
tantin la fouveraineté entière de l’Empire y
il exhorta tous lès fu jets, par des lettres
circulaires, à recevoir les divines vérités
de la Foi Chrétienne (24). La perfuafion
il où étoient les Chrétiens que la gloire de
Conftantin ièrvoit d’inftrument aux dé­
crets de la P rovidence, imprimoit dans
leur imagination deux idées qui fervoient
Loyauté & également à faire réuflîr la prophétie. Leur
chrétien! fidélité active épuifoit en fa faveur toutes 2
4

(24) Eufebt in Vit, Confiant, 1. n > c. 2 4 , 4 2 , 48 ,


60 *
de VEmpire Rom. C hap. XX. 409
les reflources de l ’induilrie humaine ; 6c
ils étoient intimement convaincus que
le C iel Teconderoit leurs ëfforts par un
ièçours miraculeux. Les ennemis de C o n s­
tantin attribuent fon alliance avec l ’E-
gliie C atholique, à des motifs intérefles,
parce qu’elle a femblé contribuer aux fuc?
cèsd e fon ambition. A u com m encem ent
du quatrième fiècle, les Chrétiens corn-
pofoient encore un bien petit nombre
relativem ent à la population de l’Em pire;
mais parmi des peuples dégénérés, qui
regardoient la chute ou l’élévation d’un
nouveau maître avec l’indifférence des
efelaves , le courage 6c l’union d’un par­
ti religieux pouvoit contribuer aux fuc-
cès du C h e f aucmel
Â.
ils facrifioient leurs
perfonnes ôc leurs fortunes par principe
de confeience (25). Conftantin avoir
S?"

(15) Au commencement du dernier fiêcle, les Papilles


de TAngieterre ne. compoibient qu’une trentième partie
de la nation , & les Proteftans de la France ne formoient
que la quinzième partie des hâbitans de Ce royaum e,
& cependant*ce nombre peu considérable en impofoit
ri •

410 Hìjlòìre de la décadence


appris, par l’exemple de'Ton père, àeftim ef
6c à récompenfer le mérite des Chrétiens;
6c dans ladiftribution des offices publics,
il avoit l’avantage d’affermir fon-Gouver­
nement par le ch o ix 1de. M iniftres Ôc de
Généraux qui m éritoient tónte Ta con­
fiance. L ’influence de-Millionnaires ii dif-
tingués devoir multiplier les profélytes
de la nouvelle dottrine à ia Cour ôc dans
les armées* Les Barbares de la Germ anie,,
dont la principale partie des légions étoit
fo rm ée, fuivoient fans réfiftance 6C p ref
qUefans examen, la R eligion de leur C o m ­
mandant ; 6c on peut raifonnablenlent
fuppofer que quand elles pafsèrent les
Alpes , un grand nombre de foldats
avoientdéjà confacré leur épée aufervice
du Chrift ôc de Conftantin ( 1 6). L ’exem - *2
6

aux deux nation?, & faifolt redouter fa pniffance Sc


fon courage. V o yez les Relations que Bentivogîio ,
alors Nonce à Bruxelles, & depuis C ardinal, a en­
voyées à Rome» (R elazion e, t. a , p. z i 1-241.) Ben-
tivoglio étoit curieux & bien informé; mais il eft un
peu partial.
(26) Cette indifférence des Germains fe manifeiVe dans

/
de VEmpire Rom. C hap. XX. 411*
fie & le zèle d elà R eligion diminuèrent
înüetifiblement l’horreur que les Chré­
tiens avoient il long * temps confervée
pour le meurtre & les Combats. Dans
les Conciles qui s’aiTemblèrent fous la
protection de C onftantin, les Evêques
ratifièrent par leur autorité l’obligation
du ferment m ilitaire, & infligèrent la
peine d'excommunication atix foldats
qui quittoient leurs armes durant la paix
de l’Egliie (z 7). Tandis que Conftantin
augmentoit dans fes Etats le nombre êc
le zèle de fes fidèles partifans, il fe
procufoit une faction puiflante dans les
provinces qui obéifloient encore à fes
rivaux. U n e méfiance un méconten- 17
*

l’íííto ire de la converfion de toutes leurs Tribus. Les lé­


gions de Conftantin étoient recrutées de Germains (Zo-
fim e, 1 . n , p. 86. ) , & la Cour‘de fon père avott été rem­
plie de Chrédens. V oyez le premier Livre de la Vie-
de Conftantin par Eusèbe.
(17) D e his qui arma projiciunt in p ace, p la ça it eos
abjlinere à communionc, Concil. Arelan Canon n i. Les
plus favans Critiques rapportent ces mots à la p a ix
de l ’ E g life.
4 ii Hifloiredelà décadence
tement fecrets fe répandoient parmi les
fujets Chrétiens de M axenee & dé. Li-
cinius ; & le reiTentiment que ce der­
nier ne chercha point à cach er, ne fer-
vit qu’à augmenter leur attachem ent pour
fpn compétiteur. La correfpondance ré­
gulière qu’entretenoient les Evêques des
provinces les plus éloignées, leur don-
noit la facilité de fe cofnmuniquèr leurs
déiîrs & leurs deileins, & de faire palier
fans danger des avis utiles ou des con­
tributions pieufes à Conftantin1, qui avoir
déclaré publiquement qu’il ne prenoit
les armes que pour la liberté de l’E -
glife (28).2
8

(28) Eusèbe confidère toujours lafecondç guerre civile


contre Licinius, comme une guerre de Religion ou une
croifade. D'après l’invitation du T y r a n , quelques
ciers Chrétiens rentrèrent dans le fervice militaire, & en­
coururent la cenfure du Concile de Nicée ( douzième C a­
non du Concile de Nicée ) ÿ fi Ton peut s’en rapporter à
cette interprétation particulière, au lîeudufens obfcur &
général des Tra:lu¿leurs Grecs Balfamon , Zonaras, &
Alexis Arifthène. V o y e z Beveridge. Pandsâ. Ecclefiaft.
Gra;c. t. 1 , p, 72 ; t, 2 , p. 78. Annotation*^
de l ’Empire Rom. C hap. X X . 413
L ’enthóufíafme des troupes, que l’Em­
pereur partageoit peut - être , animoîc
leur courage & iatisfaifoit leur con s­
cience. Elles marchoient au co m b at,
convaincues que ce D ieu qui avoit Ou­
vert un paflage aux Ifraéütes à travers
les eaux du Jourdain, qui avoit fait
tom ber les murs de Jéricho au fon des
trompettes de Jofué, déploieroit fa puiS
fance 6c fa majefté vifîble en faveur de
Confian tin. L ’Hiftoire Eccléfiaftique af­
firme que ces efpérances furent juftifiées
par un miracle adm irable, auquel on at­
tribue unanimement la converfion du
premier Empereur Chrétien. La caufe
réelle ou imaginaire de cet évènement
demande &c mérite toute l ’attention de
la poftérité ; 8c je tâcherai d’apprécier
impartialement lafam eule vifionde Conl-
tan tin , en confidérant l’un après l’autre,
l’étendard, le fon ge, 8c le ligne célefte ;
en féparant l’hiftorique, le naturel 8c
le merveilleux de cette hiftoire extraor­
dinaire.
414 Hijîolre de la de'cadencè
te îabnrum i ° . L ’inftrument des tortures que îo n
ou éteftdard
dç la Croix, n’infligeoit qu'aux enclaves & aux étran­
gers , devint un objet d’horreur pour les
citoyens de R o m e ; & l’idée d’une croix
étoit irréparablement liée avec celle de
crim e, de tortures , & d’ignom inie ( 15).
L ’Empereur , farïs doute par un m otif de
piété, abolit dans les Etats le fupplice que
le Sauveur du M onde avoit daigné fouf-
frir (30). Mais Conftantin étoit par,venu

(19) Nomen ipfum crucis abjit non modo à corport


cïvium Romanorwn , fed etiam à cogitationç , oculU , au~
ribus, Cicero pro Raberio , c, 5, t e s Ecrivains du Chrif-
tiânifme, Juftin, Minutius Félix , Termllien , Jérôme,
& Maxime de Turin 5 ont fait avec afiez de fuccès
des recherches fur la figure ou la forme de la cro ix,
qu3ils ont prétendu rencontrer dans les objets de la
Nature & de l’Art * dans Finterfeâtioh de l’équateur &
du méridien, dans la figure humaine , dans un oh
feau qui vole , dans un homme qui nage 7 dans un
mât de vaiïïeau, une v e rg u e , une charrue, & dans
un étendard , &c. V o y e z Lipfius , de C ru c e , h i,
c. 9..
(30) V oyez Àurelius V ifto r , qui regarde cette Loi
comme une preuve de la piété de Confiantin. ÆJn Edit
fi honorable' pour le Chriftianifine, méritoit de renir
nne place dans le C ode de Théodofe ? au liçu d'être

/
de VEmpire Rom. C hap. XX. 415
à vaincre les préjugés de fa propre édu­
cation , 8c à mépriier ceux de fes iujets,
quand il fit élever au milieu de R om e
là ftatue portant une croix dans la
main droite , avec une infcription qui
attribuoic fa viétoire 8c la délivrance
-de R o m e , à la vertu de ce ligne falu»
taire ; le véritable fymboîe de la force
8c de la valeur (31). L ’Empereur fanc-
tifia, par ce même fym b o îe, les armes
de.iès foldats.*La croix brilloit fur leur
cafque. Elle étoit gravée fur leurs bou­
cliers , 6c brochée fur leurs étendards. Les
emblèmes façrés dont l’Empereur ie
décoroit lui-même , n’étoient diftingués*3 1

cité <Tune manière indirefte , qui femble réfulter de la


-comparaifon des cinquième & dix'huitième Titres du
neuvième Livre,
(31) Eusèbe, in V it, Confiant, I, i , c, 40. Cette
ftatue, ou du moins la croix & rinfcriprion peuvent
être attribuées avec plus de probabilité à la fécondé o
même à la troifième vifite que Conftantin fit à Rome iràt
médiatement après la défaite de Maxence. L'efprit déf
Sénateurs & celpi du peuple n’étoient pas encore fui?
fifaminent difpofés à recevoir un pareil monument
jp B t lijlo ir e d e la d éca d en ce

que par le fini du travail & par la ri-


chefTe des ornemens ( 3 1 ). L e principal
étendard qui atteftoit le triomphe de la
Croix , étoit connu fous la dénomina­
tion de Làbarum, (33) nom obfcur & fa­
meux , dont on à cherché vainement
l’étym ologie dans toutes les langues du
M onde. Le laburum eft dépeint comme

( p ) Agnofcas Regina lìbens mea $gha lucejfe efl^


In quibus effigie* crucis aut gemmata refidget
Autlongts [alido ex auro prsfermr in haflis,
Hoc figno ìnvìEtus, tranfmijjts Alpìbus Ultor
Servìtìum [alvit miferabiU Conflantinus

C h rìflu s purpureum gem m anti te x tu s in auro


S ig n a b a t labarum , clypeorum ìn fig n ìa C h rifta s
S cr ip fer a t ; ardebat fum m is crux a d d ita c r ijlis .

Prudent, in Symmachum, 1. l i , 464-486*


(33) L ’origine & 'le fens du mot labarum ou labo*
rum qu’emploient Grégoire de Naziance , Ambroife
& Prudence, font encore inconnus, malgré les ef­
forts qu’on a faits inutilement pour lui extraire une
^^^tyniologie du latin * du g re c , de l’efpagnol, de la
“Vf ~‘~gue celtique j teutonique 9 illiryqu e, arménienne,
&c. & c. V o yez D ucànge, in Gîoff. Med. & Infini.
Latiuitaç. fub voce [ abarum*7 & G o d e fro y , ad God*
Theodof. t.-a , p. 143.
une
de V E m p ire R om . C h af .X X . 417
une longue pique croifée par -une plus
courte qui form oit la croix (34). Sur
l ’étoife de foie qui pendoit de Ja tra-
v e r f e , on voyoic la repréfentation de
l’Empereur &c celle de fes fils riche­
m ent travaillées. La tête de la pique étoit
furmontée d’une couronne d’or qui ren-
ferm oit le monogramm e myftérieux de
la croix &: des lettres initiales du nom
de Chrift (35). Cinquante gardes d’une
valeur & d’une fidélité éprouvée veil-
lo ien t à la fureté du labarum; ils jo u if
ioien t d’une forte paye dans ce pofte
de diftin&ion ; êc des événemens heu­
reux fervirent à perfuader que les gardes

(34) Eufebe* in Vit. Confiant, 1, i , c, j a , 31. Ba-


ronius (Annal. Eccléfiaft. A . D , 3 1 2 , n*. 26.) a
gravé une repréfentation de la croix,
(53) Tranfverfâ X H uera , fum m o capite circum flexo ,
Chriflum in fc u tis notât , Cæcilius , de M . P. c, 44. C u-
per (ad M, P. in Edit. Laftant. t. 2, p. 300.) & Ba*
ron, ( A . D* 3 1 2 , n°* 2 3 ,) ont gravé, d^près les an­
ciens monumens, plufieurs figures de monogrammes qui
devinrent très à la mode dans le Monde Chtétiên,
|plles que celles-ci, Ç ou Jfc*
Tom e I V , V i
t

418 Mifioire d elà décadence


du labarum étoient invulnérables dans
l'exercice de leurs foriétions. X a fé­
condé guerre civile apprit à Licinius
à co n n o itre 6c à craindre l’influence de
cet étendard fà cré , dont la vue avoit
animé les foldats de Conftantin d’un
entHouilafme invincible au moment du
d an g er, Sc frappé en même temps les
légions oppofées d’épouvante (36). Les
Empereurs Chrérians , qui refpeéhoient
l’exemple de C onftantin, déployèrent l’é­
tendard facré de la croix , dans toutes
leurs expéditions militaires 3 mais quand
les fucceiTeurs dégénérés de Théodofe
cefïèrent de paroître en perionne à la
tête de leurs arm ées, le refpeétable la­
barum fut dépofé dans le palais de
C onilantinople, comme une relique inu-*Il

(ï/y) Eufeb. in Vit, Confiant. 1, n , c. 7 , 8 , 9 *


Il p a re du labarurri comme exiilant avant l'expédition
d ’Ita ;e ; mais fon récit fe uble indiquer qu’il ne parut à
la tète d^s armées que plus de dix ans après, lorfque
C ô n im tin fe déclara l'ennemi de Licinius & le Jibé-
de rEglife*
âe VEmpire Rem». C h a p vX X . 41^
tile (37). Les médailles de la Famille
• Flavienne attellent encore les honneurs
qùMn lui rëndoit. Leur f>ieùfë reconnoif-*
faace a décoré du nom du Ghrift tous
les fymboles dés Romaiiis, Lés bril­
lantes épithètes de fûreté de la Répu­
blique , gloire des arm ées, réftauratiori
du bonheur p u b lic, font égalem ent'ap­
pliquées aux trophées religieux- & mi-.
, litaires. 11 exifte encore une ' médaille
-de TEmpéreur C o n fia n ce , où l’étendard
du labarum efl inferit de cës paroles
mémorables, p a r c e s i g n e t u o b ­
tie n d r a s L A V I C T O I R E (3 8).
'*y. '
■ Yp— — — — -* ■ ■ ;— « — ■ ■ 1

(37) Voyez Cod. Théodofi 1* v i , tir. 15* Sozomeni


i i , c. 2. Théophan. Chronoph. p. 11, Théophanes
vivait vers la fin du huitième' fiècte p près de cinq
cents ans après Confiantiru Les Grecs modernes ne
furent point difpôfés à déployer dans la. plaine l’éten­
dard de l’Empire & du Chrîffianifme , quoique fuf-
CepttbleS ' dé fonder leur défenfe ibr toutes fortes d’i­
dées fuperftitieufes* La promefle de la yiâoire leur au-
toit paru trop hardie.
(38) L’Abbé du Voifin ( p . .-103, & c, ) parle de dif-:
férentes médailles, & cite une Differtation fur ce iu*
jet r d» I$re GainvUle* Jéfuite*
D d ij
4 zo B ifloî/e de la décadence
a,0. Dans les dangers & dans les cala­
m ités, les Chrétiens avoient coutume de
fortifier leur corps & leur efprit par
le ligne de la croix. C ette pratique leur
étoit familière dans les cérémonies de
f Eglife, & dans toutes les occaiions parti­
culières de la vie. Ils s’en fervoient com m e
d’un préiervatif infaillible pour éloigner
toutes les efpèces de maux fpirituels on
temporels (39). L ’autorité de l’E glife
fuffifoit pour juftifier la dévotion de
C o n ftan tin , q u i, par des gradations pru­
dentes, reconnut la v érité, & adopta les
fymboles de la F oi Chrétienne. M ais
le témoignage d’un Auteur contem po­
rain donne à la piété de c e t : Em pe­
reur un m o tif plus fublime & plus
admirable , dans un T raité deftiné à 3
9

(39) Tertullien, de Coronâ, c. 3. Athânafe, t rj


,p. iojf Le favant Jéfuire Petave (Dogmata Theolog.
L X V , c. 9 , ï o ) a raffemblé beaucoup de paflages
femblables fur les vertus de la croix, qui ont fort
embarraffé les Argumçntateurs Protçftans du derqfcj
Ûe VEm pire R om . C h a p . X X . 411
défendre la caufe de la R eligion. Il af­
firme , avec la plus parfaite confiance,
que dans la nuit qui précéda la der­
nière bataille contre M axen ce, Conftan-
tîn reçut dans un fonge l’ordre de
peindre le ligne célefte de D ieu , le
facré monogramme du Chrift , fur lé
bouclier de fes foldats, & que fa pieule
obéiiTance aux commandemens du C iel
fut récompenfée par une victoire déci-
five. Quelques réflexions pourroient faire
foupçonner de manque de difcerrie-
menc ou de véracité, un Orateur dont
la plume s’étqit dévouée par zèle ou par
intérêt au fervice de la fa& ion dom i­
nante (40). Il paroit qu’il a publié fon 40

(40) Cæcilius y de M. P, c* 44. Il paroi t certain que


cette déclamation hiftorique a été compofée & publiée
lorfque Licinius, Souverain de l’Orient, jouiffoit encore
de Famitié de Conftantin & de la faveur des Chrétiens*
Tout Leâeurinftruit doit appercevoir que le ftyle eft fort
différent & fort au deffous de celui de La&ance; & tel
efl: le jugement de le Clerc &de Lardner (Bibliothèque
ancienne & moderne* t. 3 , p. 438* Vérité de YE*
yangile, fitc. part* a-, vol. 7 , p. 94,). Les partifans
Dd iij
■V UiJîoÎre dc la débaderice ■ /
O uvragé fur la m ort des perfécuteurs de
l ’Eglife à N ic o m é d ie , environ trois ans
.après la viéfco’ire de Conftantin. M ais
:1a diftancé de plus de trois cents lieues, .
èc l’intervalle de trois -ans * peuvent
avoir donné lieu aux inventions d’une
foule de déclam ateurs, avidement reçues
¿pat une crédulité partiale .èc approuvées
'tacitem ent par l’Em pereur, qui éçoutoit
peut-être avec cqmplaifance un conte
dont le merveilleux ajoutoit à fa gloire
■ &c fervoit fes deifeins. L e même Auteur
prétend que L icin iu s, quidiffim uloit én?
cote fon animofîte contre les C hrétiens,
eut fa part de la vifîon. U n A n ge lui pré­
senta une' formule de prière, qui fut ré-
f e ie ë par toute Tarinée ayaht d’engager
&
de . Laitance ont prbduit trois argiimens dü titre de
ce L iv r e , & fous les noms de Donatus & de Cæci-
lins.- V o y e z le Père L efto cq , t- L p; 46-60.; .Chacune
de ces preuves eft eh elle*mçméLcîble &.,défeftueufe}
mais leur enfemble eft d’un grand, p b id rjJ jd iouvent
flotté.dans mon opinion ; je fui vrai/docilement l’exem­
ple de Colhett .JVL S* 3 & j’appellerai l’A u teu r, quel
qu’il fo it,. Gæfi^qs*
àèVMfn^Wmk
■■ T ^ '*
■ I - ' 1 ■' ., A -, —•< •■•

Jë cdmbât \ contre Mf axim e. L a fi*é- 1


;’ ' 1 t\ ■ -. , -■* . L 41- J■ ;
“otfe'ftte "ïëpétitfôir. Eëÿ* miracles-■ irrite
ï’efprit, quand elle^në'fiihjugue:.;pas:: la
raifon (41). O n peut expliquer'" naturel­
lem ent lë fonge idë^'C^ni^rinv^ai^'Îk
politique ou pat fon ënthoufiafmé; À.
la veille d’un jour -qui devoit décider
du deftin de l’Èm pïtey fi fa vive inqüié-’
tude fut fufpendue par quelques in f-‘
tans d’un fom m eil agité , il n’eft pas-
bétonnant que là*? form e vénérable du
C h r ift, 2c les* fymboies connus de fa
R eligion , fe fdiënfe1 préfentés à l’im a­
gination tourmentée y d’un Prince qui
révér’o it le nom & im ploroit peut-
être en fecret-îë fecours du jpieu des
Chrétiens. d • : r j •’*lo
< - f '
- «■>
—iH*
(41) Cæcilius, de M: P. 0^-46, Voltaire paroît fondé
dans ibn.obferyation ( CEpvres, t. 14 > p* J07,)* lorf-
qu’il attribue auxiuccès (Je Conftantin la renommée
de fon labarum , & ia Supériorité fur l’Ange de Li-
cinïusn Cependant l'apparition jde cet Ange eft adoptée
par Pagi, Tillemont, Fleurj^ ôte., qui parpiiTent ja-;'
lo x de multiplier les miracles.
D d iv
414 H ijlm r?4 e l â é?'cadence _ -
U n politique- habile pouvoit égale» s
ment fe fervir d’un ftratagême m ili#
taire, d’une de ces fraudes pieufes que)
Philippe & Sertorius avoient employées;;
avec adreiïe , & fucCes (41). T outes lefc
nations de l’antiquité adm ettoient l’ori­
gine furnaturelle des fonges , 81 une1
grande partie de l’armée Gauloife étoit
déjà' dipofée à placer ià confiance dans
le figue falutaire de la R eligion C h ré­
tienne. L ’évènement pouvoit ieul cotH f
tredire la vifion fecrète de C o n fta n tin ,
■- • ■ * >'■

èc le Héros intrépide qui avoir paiïë les

(42) En outre de ces exemples très-connus , Tollius


( Préface de Boileau , traduâion de Longin*) a décou­
vert une vifion d’Antigone, qui affura fes troupes
.qu’il avoit vu un Pentagone (le fymbole de la sûreté)
avec ces mots : » Par ceci tu obtiendras la viftoire * i mais
Tolîîus inexcusable de n’avoir pas cite fon autorité, &
. fa réputation en Morale, auili bien qu’en Littérature, n’eft
point exempte de reproche* (Voyez Chauffepié, Dic­
tionnaire critique, t. 4 , p* 460. ) En outre dïi filence
de Diodore, Plutarque , Juflirt, 8cc. oh peut obferver
quePolyaenus, qui a raffemblé dix-neuf ilratigémes mi­
litaires ^d’Antigone dans un chapitre féparé , !, r v , c*
Ô, ne parle point du tout de cette vifion*
de VEmpire Rom, Chap. XX. '425^
Alpes & l’A p en n in , ëto k capable de ré­
fléchir avec iang froid aux fuites d’une
défaite fous les murs de R om e. L a plus'
vive alégrefle s’empara du peuple 6c du
Sénat, Ils iè félicitoient également d’a—,
voir échappé à un Tyran détefté ; mais
en avouant que la viétoire de C o n f-
tantin furpaiToit le pouvoir des m ortels,
ils n’oierent pas infinuer que l’Empe­
reur en étoit redevable au fecours des
D ieux. L ’arc triomphal qui fut élevé
environ trois ans après , . annonce en.
termes obfcurs que Conilantin avoit
fauvé R om e par la grandeur de fon
propre co u ra g e , & par une fecrète
impuîfion de la D ivinité (43). L ’Orateur
P a ïe n , qui a faifl plutôt l’occaiion de
célébrer les hautes vertus du Conquérant,
fuppofe que l ’Empereur étoit admis
feul à un com m erce intime Sc fami-

(43) Infliniïu Divinitatïs , mentis magnitudïne. Tout


Voyageur curieux peut encore voir rinfçripiion de
l’arc de triomphe de Cooftacdn >.copiée par Baronius *
Cru ter, fcc. &cf
426 Hijloire de la decadence
lier avec l’Etre fuprêm e, Êc le refte. des
humains confié, au foin des Divinités
inférieures. Il donne , par ce m oyen,
aux fujets un m o tif plaufible pour fe dé­
fendre reipe& ueuiem ent, d’embraiTer la
nouvelle R eligion (44).
Apparition 3 0. L e Philofophe qui exam ine avec
d*une croix
4ans le ciel. un doute tranquille les fonges & les pré-
fa g e s, les miracles & les prodiges des
Profanes, & même ceux de l’Hiftoire
Eccléfiaftique •, ^conclura' probablement
que fi la fraude à quelquefois trompé
les yeux des fpeciateurs , le bon ièns des
lecteurs a été bien plus fouvent infulté
par les fiéhions des Ecrivains qui ont
attribué inconfidérément à l ’aéHon im-
médiate de la D ivinitélf tous les évène-
mens ou les accidens qui fembloient
s’éloigner du cours ordinaire de la Na­
ture. La multitude épouvantée a fouvent

(44)' Habes profeso aliquid cum illa mente Divina fe*


cretum ; qUéidelegata noflrâ Dits minoribus cura uni fe Ùbl
dig/iatur ofenderé, Panegyr, Vet. IX 3 à.' —
s

de P Empire Rom. C hap .XX. 4 17


donné la forme & lat couleur, le mou­
vement & la voix aux météores qui
flottoient extraordinairement dans les
airs (45). N azare &c Eusèbe font les
deux plus célèbres Orateurs qui ayent
eflayé d’îmmortalifer dans leurs Pané-
\ J* * ^ +
lyriques adroits , les vertus de C o n f-
tantin (46). N e u f ans après fa victoire.,
N azare a décrit une armée de Guerriers
céleiies, qui fembloient tomber des cieux.
Il remarque leur beauté , leur côurage ,
leur taille gigantefque, les étincelles bril­
lantes qui forroient de leurs armures
divines * l’indulgence qu’ils avoient de
fe laiiler voir par les m ortels, & de leur

(4j) M. Freret (Mém. de FAcad. des Infcrip. t. 4 ,


p. 411-437) explique par des caufes phyfiqxies un grand
nombre des prodiges de Fantiquitò; & Fabricius., rU
diçulifé par les deux partis, effaye en vain de placer
la croix céleiïe de Conilantin parmi les taches ou
cercles du foleil. Bibliot. Græç. t. 6 , p. 8*29,
(46) Nazarius inter Fanegyr. Ver* X , 1 4 , 15. Il
eft inutile de nommer les Auteurs modernes qui ont
adopté Tans difcernement les idées païennes de Na­
zare,
428 Hijloire de I&décadence
i ‘ | t

parler ; enfin la déclaration qu’ils avoient


faite du iecours qu’ils apportoîent du
C iel au grand Conftaatin. L ’Orateur
Piaïen, en parlant aux G a u lo is, les cite
eux-mêmes com m e témoins de ce pro­
dige , & fem bie efpérer qu’un évène­
m ent fi récent & fi public forcera les
incrédules à croire aux anciennes appa­
ritions (47). La fable pieufe d’E usèbe,
mieux inventée & plus éloquemment
écrite, parut vingt-fîx ans après le fonge
dont il veut établir la vérité. Il raconte
V'

que Conftantin étant en marche à la


tête de fou arm ée, vit de fes propres
y e u x , dans les airs, le fignelum ineux de
la croix , accompagné de cette légende :
Par ce -figue tu obtiendras la victoire.

(47) Les apparitions de Caflor & P o llu x, & parti*


culièrement pour annoncer la viftoîre des Macédo­
niens , font atteftées par les Hiftoriens & par des mo-
numens publics. V o y e z Cicéron., de Natura D eoru iji,
n» a» n i , 5 , 6. Florus, 11, ia . Valère Maxime, L
i 7 c. B , n°, 1. Cependant la plupart des miracles les
plus récens font omis & niés indireâement par Live*
XLŸ, X*
àe VEmpire Rom. C hap . X X . 419
C ette farprenante apparitiou furprit les
foldats 5c l’Empereur lui-m êm e, qui étoit
encore incertain dans le choix d’une R e­
ligion. M ais la vifion de la nuit fui~
vante fit fuccéder une foi fincère à fon
étonnement. L e Chrift lui apparut ; 5c
déployant le même ligne célefte qu’il
avoit vu dans les cie u x , il daigna dire à
Conilantin de reprélenter la croix fur
un étendard, 8c de marcher avec con­
fiance à la viétoire contre M axence 8c
contre tous fes ennemis (48). Le favant
Evêque de Céiarée paroît fentir que la
tardive découverte de cette anecdote
m erveilleuiê pourroit trouver des incré­
dules parmi les plus dévots de fes lec­
teurs. C ependant, au lieu de raifembler
&i de rapporter les témoignages de tant
de perfonnes qui avoient été les témoins
oculaires de ce m iracle, Sc qurexiftoient

(48) Eusèbe, 1. i , c, 28» 2 9 , 10. Le iîlence de


même Eusèbe, dans fon Htftoire EccîéfLftique, a
fait une profonde impreffion/à ceux, des partifans des
¡pjiraçl^ qui ftç font pas tout-à-fait aveugles.
'430 îlifioire de la$ecadeftçje v
en co re, au ’ lieu de fixer les dates pré-
cifes de temps & de lieu qui peuvent
également fervir à éclairer le menfonge
ÔC la vérité (49) ; Ëusèbe- fe contente
d’aiTurer, après la m ort de Conftantin,
que cet Empereur lui avoir certifié par
le ferment le plus authentique , la vé­
rité de cet évènement extraordinaire,^ o).
La prudente reconnoiflance dn^cÎocte
Evêque ne lui permit pas de foupçon-
ner la véracité de fon victorieux Sou­
verain ; mais il donne clairement à en­
tendre que toute autre autorité lui auroit
paru infuffifante pour conilater un fait
auifi miraculeux. C e m o tif de confiance
devoit naturellement difparoître avec la

I , / ..
(49) Le récit - de Conflantîn iemble indiquer qu’il
apperçut la croix dans le ciel avant de pafFer les Al­
pes , lorqu’il pOurfnivoit Maxence. La vanité patrio­
tique a placé la fcène à T r ê v e s , à Beiançon , & c. &c.
(V e y e z Tillem ont, Hift des Empereurs, t. 4 , p. 573,
(50) Le pieux Tillemont (M ém . Eaciéiiaft. t. 7 , p,
; 1317-) rejette en foupirant les aftes d’Artem ius, Vété­
ran & M a rtyr, qui attefte que fes propres yeux ont
été témoins de la vifton de Conftamin.
de VEmpire Rom. C hap . X X . 431
puiiïànce de la famille F lavieh n e, Ôc ce
ig n é célefte que les Infidèles auroient
pu mépriler ( j x) , fut négligé par les
Chrétiens du iîècle qui fuivit la conver­
sion de Conilantin (51). Mais les Eglifes
Catholiques de l'O rient ôc de l'O ccident
ont adopté un prodige qui favorife ou
femble favorifer le cult% de la croix.
La viiîon de Conilantin conferva une
place diiHnguée dans la légende des fu-
perftitions, jufqu’au moment où refprit
éclairé de la critique ofa réduire la gloire
Ôc éclaircir la véracité du premier Empe­
reur Chrétien (53).

(51) Gelaûus Cyfic* in A â . Concil. Nicem 1* i 9


c. 4.
{52) Les partifans de la vifion ne peuvent pas pro­
duire en fa faveur un feul témoignage des Pères du
quatrième & cinquième Îiècîe5 qui ont célébré le triom­
phe de PEglife & de Con|^ntin dans tous leurs Ecrits
.volumineux. Comme ces vénérables perionnages n V
voient aucune antipathie pour les miracles , nous pou­
vons foupçonner qu’aucun d’eux n’eut connoiffance de
la vie de Conilantin par Eusèbe , & ce foupçon eft
confirmé par Tignorance de Jérôme.
Î53) G odefroy fur le premier qui, dans Tannée 1643
I

431 Hijîoire de ta decadencé


La coûver- Les Proteftans & les PhÜofqphes de
ûonAe Conf-
* tantin poti- ce fiècle feront diipofés à croire qu’au
v o it être iïn~
«ère. fujet de fa co n verh o n , Conftantin fou-
tînt une fourberie préméditée par un
parjure folennel. Ils n’héfiteront point
à prononcer que fes deiïeins ambitieux
le guidèrent feuls dans le choix d’une
R eligion ; Sé^que félon l’expreffion d’un
P oète Profane (54) , il fit fervir les

(N o t. ad Philoftorgium, 1. i , c. 6 , p. 16 ) , ofa mon­


trer du doute fur un miracle défendu avec un zèle égal
par le Cardinal Baronius & par les Centuriateurs de
Magdebourg. Depuis ce m om ent, plufieurs Critiques
Proreftans ont incliné vers le doute & la méfiance.
M . Chatiffepié a préfenté des objeftions d’une grande
force* Di&ion. crit. t. 6 , p. 6~i z. Et dans Tannée 1774 »
T A b tê du V o ifin , D o re u r en Sorbonne * a publié une
apologie dont on ne peut trop louer l’érudition & la
modération.

(y4) Lors Conflantîn dit ces propres paroles:


J’ai renverfé le c# te des idoles;
Sur les débris de leurs temples fumans,
A u Dieu du C iel j'ai prodigué Tencens.
*■. Mais tous mes foins pour fa grandeur fupréme
N ’eurent jamais d’autre objet que moi-même,
C e Poëme peut être lu ayec plaifir > mais la décence
défend de le nommer*
a u t e ls
de VEmpire Rom. C hap . X X . 43 3
autels de marche-pied au trône de l’E m ­
pire. C e jugement hardi & abfolu n’eÎV
pas juftiiîé par la conpoiflance que nous
avons du pœur hum ain, du cara&ère de
Cônftantin , & de la F oi Chrétienne,
Dans les temps de ferveur religieufe,
pn obferve communément que les plus
habiles politiques éprouvent une partie
de i’enthoufiafjne qu’ils tâchent d’ins­
pirer. Les perfonnages les plus pieux èc
les plus orthodoxes ont eu fouvent la
dangereuie imprudence de foutenir la
çaufe de la vérité par la rufe &c par
le menfonge. L ’intérêt perfonnel qui
dirige nos aétions, influe auflî fur nos
fentim ens; & les motifs d’avantages tem­
porels qui déterminoient Cônftantin dans
fa conduite publique 3 devoientle difpofer
inÎèniiblementàembraiTerune Religion fa­
vorable à fa gloire & à la fortune. ïi aimoie
à fe croire envoyé du C iel pour régner
fur la terre : cette idée flattoit fa vanité *
le fuccès de fes armes avoit juftiiîé fon
titre divin , 6c ce titre étoit fondé fuç
Tom e I V . .Ep
434 Hijloire de la décadence
la vérité de la révélation chrétienne,
Com m e on voit fouvent germer; la vertu
au milieu des applaudiflemeifs précoces
qui l’ont fait naître ; de même la piété
apparente de C ô n ftan tin , en fuppofant
qu’elle ne fût d’ abord qu’apparente
peut avoir pris de profondes -racines
dans ion cœur , & s’être changée, en
une dévotion fervente & fincère. Les
Evêques 8c les Prédicateurs de la Seéfe
nouvelle, dont les mœurs 8c le coftume
fembloientpeu propres à l’ornement d’une
C o u r , écoient admis à la table de l’Em­
pereur, Ils l’accom pagnoient dans ies
expéditions ; 8c les Païens attribuoient
l ’afcendant que l’un d’entre e u x . Egyp­
tien (55) ou E lp agn ol, acquit fur l'efpric

(55) C e Favori étoit fans doute le grand Oftus,


Evêque de Cordava , qui préféra le foin paftoral de
toute TEglife , à celui d’un diocèfe particulier, Arha-
nafe (t. i , p 70$ ) peint magnifiquement fon ca~
raftère, quoique d’une manière concife. V o y e z Tille-
mont, Mém. Eccléfiaft. t. 7 , p. 5*4-561, Ofius fut
acculé, peut-être injuftement, de s’être retiré de la
Çour ayeç «ne grande fortune,
d e V E m p ir e Rom, C hap , X X , 431
de C onftan tin, à l'effet de la magie (56),
C e Prince vivoît dans la familiarité la plus
intime avec L a & an ce, qui avoit orné de
toute l’éloquence de C icéro n , les précep­
tes de l’Evangile (57), & avecEusèbe, qui
a confacré l ’érudition & la philofopbie des
Grecs au fervice de la R eligion (58), Sans
ceffe avec leur Souverain dont ils avoient
évalué la pénétration , ces habiles maîtres
de controverie pouvoient guetter l'inf?
tant favorable , & employer à la per-
fuafîon des arpimens convenables à ion
caractère ôc proportionnés à fon intel-?
ligence- L a converiîon de Conftantin

(ç£) V oyez E usêbe, in Vit* Confiant. pafEm 9 &


Zofim e, 1. u j p. 104.
(57) La foi de Laélance étoit plus morale que myfté-
rieufe. « Eratpéne rudis } dit l’orthodoxe Bull * difciplïn&
« Chrijlinlarw ? & in Rhetoricâ médius quant j n T/icolvgid
» verfatus Defenfio Fidei Nicenæ* feéh z , c* 14.
t.

(j£) Fabricius a ralTemblé avec fon activité ordinaire


une lifte de trois ou quatre cents Auteurs cités dan$
la Préparation Evangélique d*Eusèbe. V o yez 5 iblipt>
Q r & c f 1, V , c* 4 ? t. 6 j p. 37-56*

L e ij
43 C Hijloíre de'la decadcn.ee
contribua beaucoup fans doute à la pro*
pagation de la F o i ; mais ce Souverain,
diftingué, par la pourpre, ne furpaiToit ni
en difeernement , ni en vertu , des mil­
liers de íes fujets qui avoient embraifé
de bonne foi la doctrine Chrétienne ;
2z il n’eft point du tout incroyable qu’un
fold^t ignorant ait adopté une opinion
fondée fur les preuves q u i, dans un (îècle
plus éclairé, ont fatisfait & fubjugué la
raifon d’un G ro tiu s, d’un L o c k e , &C
d’un Pafcal. Occupé t<|pt le jour du
foin de fon E m p ire, Conftantin em-*
ployoit ou affeéboit t d’employer une
partie de la nuit à lire les faintes E cri­
tures & à compoier des difeours théo­
logiques, qu’il prononçoit enfuite devant
des •aiTemblées nom breufes, dont l’ap-
probacion & les applaudiiTçmens étoient
toujours unanimes. Dans un très-long dif­
eours qui exifte en co re, l’augufte Prédi­
cateur .s’étend fur les différentes'preuves
de la fainte R eligion ; mais il appuie
avec une çomplaifance particulière, fiir
âe VEmpiré Rom. C hap . X X . 437
îes vers de la Sibylle (59), ôc fur la
quatrième Eglogue de V irgile (60), Quad­
rante ans avant la naiiTance de JéTus-
C h rift, le Chantre de M a n tô u e, com m e
s’il eût été infpirë par la main célêfte
d’Ifaïe, avoit célébré avec toute la pompe
de la métaphore orientale, le retour de
la V ie r g e , la chute du Serpent, la naif-
fance prochaine d’un Enfant divin , né
du grand Jupiter , qui effaceroit les
crimes des m ortels, ôc gouverneroit en
paix l’Univers avec les vertus de fon Père»
ïl avoit annoncé la naiiTance ôc la propa­
gation- d’une race célefte qui repeuple­
ront le M onde e n tie r , ôc ramèneroit

(59) V oyez Confiant. Orat. ad SanÛos, c. 19 , 20*


Il fe fonde principalement fur urt açrofliche m yilé-
rieux* compûfé dans le fixième fiède après le déluge,
par la Sibylle E rythræ e} & traduit en latin par Ci*
céron. Les lettres initiales des trente-quatre vers grecs
forment cette fentençe prophétique : J é s u s - C h r i s t #
F il s 'dè D ie u , Sa u v eu r ou M onde .
{66) Dans fa paraphrafe de ^Virgile, YEmpereur
ajoute fréquemment au fens littéral du texte latin. V o y e ^
Blondel des S ib ylles, L 1, c. 14, 1 5 , 16*
* ■ *

E e nj
*f.j§ Mïjloire de ta deeadênëé
l'innocence & les félicités de l’âge d’or.
X e Poëte ignofoit peut-être le fens myf-
térieux defes fublimes prédictions, qu’on
,ii ignoblem ent appliquées au fils nouvel­
lem ent lié d’un Sénateur ou d’un Trium-
vir (éi)j M ais fi l’interprétation plus
brillante & vraiment plus plaufible de
la quatrième Eglogue a contribué , à la
f*
converfion de Conftantîn , V irgile mé-
rite d’obtenir un rang diftingité parmi
les plus habiles Millionnaires de l’Evan­
gile (6 2);

pf>
rivéilè
vogti6
esllde O n cachoit aux étrangers , & même
èc

CtmAaniin. aux Catéchum ènes, les myftèresr impo-


fans du culte &C de la foi des Chrétiens*

(61) Les différentes réclamations d'un fils aîné &d*ufr


fiecond fils de Pollion, de Julie , de Drufus $ de Mar*
cellus, font incompatibles avec la Chronologie, l’Hif-
toire , & le bôn fens de Virgile.
(62) V o y e z Lowth * de Sacra Poefi Hebr&orum Pr&-
le é h ^ x x i, p, 282-293. Dans l’examen de la quatrième
Églogüe * le refpeflabie Evêque de Lotfdres a déployé
îirie èfudition , un goû t, une candeur, & un jônthou-
fiafme modéré, qui exalte foh imagination faits aveu*
gler fou jugement*
de l ’Empire Rom. C hap , X X. 43 9
avec une cireonCpe&ion qui exdcoic leur
étonnement & leur curîofité (63), M ais
les règles de difcipline févère, que la
prudence des Evêques avoit introduites,
furent relâchées par la meme prudence 3
en faveur d’ün profélyte couronné , qu’tl
étoit important d’attirer dans le fein de
l’Eglife ; & Conftantin jouiflfoit au m oins,
par une permiflîon tacite, de tous les
privilèges attachés au Chriftianifme, avant
d ’avoir contracté aucune des obligations
du Chrétien. A u lieu de quitter l’Eglife
quand la voix du D iacre âVertifloit la
mulcitude profane qn’ellefdevoit fe retirer,
il prioît avec les F idèles, difputoit avec
les Evêques fur les fujets les plus fublimes

(£3) La diftinâicn entre le culte public & fecret du


Service divin >M l (fa Catechumenorum , & MiffaFiddïum ,
& le voile myftérieilx que la piété ou la politique avoit
jeté Tuf la dernière j fe trouvent judicieufeinent expli­
ques par Thiers , Expofmon du Saînr Sacrement, 1*
c. S - i l , p. ^9-91. Mais comme j relativement à ce fujet,
où peut raifonnablement fe méfier des Papilles , un Lec­
teur Proreftant s’en rapportera plus volontiers au fa-
vant Bingham. Antiquités, 1. x , c. 5.
E e iv
44<3 H ijloüè de la de'cadencé
& les plus abftraits de la T h é o lo g ie , céte^
broît les cérémonies Îàcrées de là veillé
de P âqu es, & né fe contentant pas de
participer aux myftèreS de là Foi Chré­
tienne, il fe déclaroit en quelque façon
le Prêtre & le Pontife de fes autels (64).
L ’orgueil de Conftantin exigeoit fans
doute cette diftinétÎon extraordinaire *
& les fervices qu’il avoit tendus aux
Chrétiens le méritoient peut-être* U n e
févérité mal placée aüroit pu ralentir les-
progrès de fa coftverfion\ & fi les portes
de l’Eglife n’euifent pas été éuverres au
Prince qui avoit déferré les autels des
D ie u x , le Souverain de l’Empire âuroit
été ‘privé dé l’exercice de tous les cultes
religieux. Dans fon dernier voyage à
R o m e , il déclama avec une pieufe véhé^
inencé contre le culte des faux D ie u x ,
*
Âl I l ’ii*» » ^ r ii ' . - l ' ‘ ■— tw ■ I ■ ' ' f - I i' " « — ' — ~ ' ' l— ^ r

(64) V oyez Eusèbe , iri Vit. Confiant, 1, i v , c. i f -


^ 2 , & toute la teneur Fdu Sermon de ConAaritin. Là
foi & la dévotion de ¡’Empereur ont fourni à Barô-
nids un argument èfl faveur de fon baptême antw
tipé*
de VEmpire Rom. C hap<Ü£X. 44Ì
6c renonça publiquement aux füperfti-
tions de fes ancêtres, en refufant de con­
duire la pfoceflîon militaire de l’Ordre
équeftre, ôc d’offrir des vœux à Jupitei
Capitolin (65). Long-temps avant fon bap*
téme & fa m o rt, il avoic annoncé à l’Unir
Vers que jamais à l’avenir fa perfonne
facrée n’entreroit dans un temple de
l’idolâtrie, ôc qu’il défendoit même qu’on
y plaçât fon portrait. Il fit en même temps
diftribuer dans toutes les provinces de
l ’E m pire, des médailles Sc des peintures
où il étoit repréfenté dans la pofture hum­
ble Ôc fuppliante de la dévotion chré-1
tienne (66).
O n ne peut pas aifément expliquer ou Remife dé
foa baptême
excufer l’orgueil qui fit refufer à C onf- au tnomcuc
tic fa mute.
tantin la qualité dé Catéchumène ; mais
on explique aifément le retard de fon
baptêm e, par les maximes ôc la pratique
eccléfiaftiques de l’antiquité. Les Evêques

(65) Zofime , 1. ii , p. 105.


(<j6) Eufeb* in Vit» Confiant. 1. i v , c. 15 , 16*
44i ÎJijloire de la decadencè
adminiftroient régulièrement eux-mêmes
le Sacrement de Baptêm e (6 7 ), avec
l’affiftanee de leur C le r g é , dans la ca­
thédrale de leur diocèiè , durant les
cinquante jours qui l'épatent la fête de
Pâques de celle de la Pentecôte ; &
cette iairite fai fon faiioit entrer un grand
nombre d’enfans êc de perfonnes adultes
dans le giron de l’Eglife. La difcrétion
des parens fufpendoit fouvent le bap­
tême de leurs enfans jufqu’au moment
où ils étoient en (état d’apprécier les
obligations que ce Sacrement leur im-
pofoit : la févérité des Evêques exigeoit

(67) Dom C hardon, Hift. des Sacremens, f. i } p,


3 - 4 0 5 * explique très au long la théorie & la pratique
de r antiquité relativement au Sacrement de Baptême.
Dom Martenus , de Rîtihus Ecclefiæ antiquis, t. i j &
Bingham dans le dixiéme & onzième Livre de fes Àfl-
tiq ailés Ch rétiennes. On peut ohferver une cireonf-
tance dans laquelle les Eglifes modernes diffèrent efiem
tiellement de la coutume ancienne. Le Sacrement de
Baptême étoit immédiatement fuivi de la Confirma­
tion & de là fiùnre Com m union, même lorsqu’on Lad-
miniÎtroir à des enfans.
d e V E m p i r e R o r ft. C hap . XX. 443
tin noviciat de deux ou trois ans, des
nouveaux convertis, 6c les Catéchumènes
eux-m êm es, par différens motifs tem­
porels ou fpirituels , s’empreiîoient rare­
ment d’acquérir la perfection du caractère
iacré de Chrétien. L e Sacrement du
Baptême afluroit l’expiation abfolue de
tous les péchés ; il réintégroit les âmes
dans leur pureté prim itive, 6c leur don-
noit Un droit certain aux promeiïes d’une
éternelle félicité. Parmi les proféiytes de
la Foi C h rétien n e, un grand nombre
tegardoit comme très-imprudent de préci­
piter Un fecours faluraire qu’on ne pouvoit
recevoir qu’une fois , £c de perdre un
privilège ineil'imable qu’il étoit imposa­
ble de recouvrer. Au moyen de ceretard,
ils fe livroient fans inquiétude aux plai-
firs de ce monde 6c à la voix de leurs
paillons (68). La fublime théorie de l’E-

(68) Les Pères de l’ Eglife qui ont blâmé ce délai,


rie nioient pas cependant Fefficacité du baptême au lit
de la itiorti La Rhétorique ingénieurs dy Chryfoflome
444 ÎJiJloire de la de'càdencê
vangile avoit fait moins d’impreflîon fut
le cœ ur de C onftantin, que fur Ton efprit*
il pourfuivit le grand objet de fon am­
bition à l travers les fenders obfcurs 6c
fanglans de là guerre & de la politique* ô£
après Tes victoires, il abufa fans modé­
ration de fa puiflance. Loin de faire écla­
ter là füpériorité de fes vertus chrétiennes
fur l’héroïfme imparfait de*Trajan &
des A h to n in s, Conitantitt perdit* dans

ne put trouver que trois argutttens contre la prudence


dés Chrétiens -qui différoient leur baptême. i° . Q ue
nous devons aimer & pratiquer la vertu par amour
pour elle , & non pas pour en obtenir la récompenfe ;
2°. que la mort peut nous furprendre au moment où
nous n’avons aucune poffibilité de nous procurer le
baptême >3°. que, quoique placés dans le C iel , nous n’ÿ
occuperons qu’une place très inférieure à celle qu’oc-
çuperont ceux qui auront pâiTé Îeut vie dans l’exercice
de la piété & des vertus-. C hryfoftom e, in Epift. ad
H ei-ra o s, Homil. 13 , apud Chardon , Hift. des Sacre-
^men t. i,p . 49. Je crois que ce delai du^baptême, quoi­
que l. fource des abus les plus pernicieux, n’a jamais été
condamné par aucun Concile général ou provincial t
ni par aucune déclaration authentique de l’Eglife* Le
zèle des Evêques s’eft enflammé pour des objets heaür
coup moins iinportans.
de VEmpire Rôm. C h a p . X X . 445
la maturité de Ton âge, la réputation qu'il
avoir acquife dans fa jeuneiïe. Plus il
s’inftruifoit dans la connoiiTançe des fain-
tes vérités , moins il pratiquoit les vertus
quelles recom m andent, Si dans la même
année on le vit aiTembler le Concile de
N icée , & ordonner le fupplice, ou plutôt
le meurtre de Ton fils. C ette date feule
fuiïït pour réfuter les malignes ôc fauiles
réflexions de Zozim e (69), qui affirme
qu’après la mort de Crifpus, les remords
de fon père acceptèrent des Miniftres
de l’Evangile l’expiation qu’il avoit en
vain follicitée des Pontifes du Paganifme,
Lorfque Crifpus m ourut, l’Empereur ne
pouvoir plus héfiter dans le choix d’une
Religion ; il ne pouvoit plus ignorer l’in­
faillibilité du remède que l’Eglife p o f-
fédoit., quoiqu’il ait différé de s’en fervir

£69) Zofime, I* n , p. 104* Cette infigne fauifeté


•mérita & lui fit éprouver le mépris & les inventives
de tous les Ecrivains Eccléfiaftiques, excepté le C ar­
dinal Baronins (A . D. 324, nQ. qui eut
occafton d’employer l’Infidèle contre Eusèbe l ’Arien.
446 Hijloire de la décadence
jufqu’au moment où l’approche de la mort
le mit à l’abri de la tentation & du
» danger d’une rechute. Les Evêques qu’il
appela auprès de lui pendant fa dernière
m aladie, furent édifiés de la ferveur avec
laquelle il demanda & reçut le Sacre­
ment du Baptême , du ferment qu’il fit
d’être jufqu’à fa m ort un D ifciple fidèle
du C h rift, Sc de l’humilité pieuie avec
laquelle il refufa de reprendre la pourpre
Si les ornemens royaux , après avoir
revêtu la robe blanche d’un N éophyte.
L ’exemple 6c la réputation de Conftantin
firent prévaloir l’ufage de retarder la
cérémonie du Baptême (70). Les Tyrans
qui vinrent après lu i , s’accoutumèrent à
penfer que le fang des innocens qu’ils
auroient verfé, que tous les crimes qu’ils
auroient commis durant un long règne,
feroient expiés par les faintes eaux de

(70 Eusèbe (L . i v , c. 6 1, 6 2 , 63. ) annonce avec


la pais grande confiance le falut Si la béatitude éter?
«elle de Conftantin.
de P Empire Rom. C har. XX. 447
la régénération ; aîniî l’abus de la R eli­
gion détruifoit les bienfaits de fa morale
&c les fondemens de la vertu.
La reconnoiiTance de l’Eglife a excufé Propagation
0 du C b tiilu -
les foiblefles St préconifé les vertus de uirnie*
fon généreux protedbeur, qui a placé
JaFoi Chrétienne fur le trône du Monde
Romain ; St les Grecs qui célèbrent la
fête de ce faint Em pereur, prononcent
rarement, le nom de C onftan tin , fans
y ajouter le titre d ’ égal aux Apôtres (71),
C ette comparaifon paroîtroit impie St
ridicule, il elle avoit en vue la réputation
St les vertus de ces divins Miiïionaires ;
mais fi ce parallèle ne fait allufton qu’au
nombre de leurs victoires évangéliques,
le fuccès de Conftantin en ce genre a
peut-être égalé ceux des Apôtres. Ses
Edits de tolérance firent difparoître les

(71) V o y e z Tillemont , Hift. des Empereurs , t. 4 ,


p. 429. Les Çrecs* les Ruiles > & , dans des temps
plus éloignés , les Latins eux-mêmes fe font env
preiTés de placer le nom de Conftantin dans ie ‘ Ca~
falogue des Saints.
448 Hiftoire de la décadence
dangers temporels qui retardoient le
progrès de la C a th o licité, Sc les Minif-
tres aélifs de la Foi Chrétienne furent
autorifés & encouragés à employer en,
fa faveur tous les argumens qui pouvoient
fubjuguer la raifon ou exciter la piété,
La balance égale entre les deux Religions
ne dura qu’un inftant ; l’oeil perçant de
l’avarice & de l’ambition découvrit biem
tôt que la pratique de la R eligion C hré­
tienne contribuoit autant au bonheur du
préfent, qu’à' celui de l’avenir (71). La
fo if des richeiTes &. des honneurs , l’ap­
probation de l’Epnpereur , fon exemple
èc fes exhortations répandirent rapide­
ment le zèle & la conyiétion parmi la
foyle avide & vénale qui afliégoit conf-
tamment fon palais. O n récompenfa par
des privilèges municipaux & par des
dons coniîdérables, les villes qui ligna-

(72) V oyez le troifième & le quarrièîne Livre de fa


Vie. Il avoir coutume de dire qu e, foir que la Foi du
Chrift fut prêchee du cœur ou feulement des lèvres4
il s’en réjouiroit toujours. L* n i 5 ç, $8,
Joien|
de l’Empire Rom, C hap. XX. 449
Ioient leur zèle par la deftruètion vo­
lontaire de leurs temples ; & la nouvelle
capitale de l’Orient s’enorgueillifloit de .
ce que Conftantinople n’avoit jamais été
profanée par le culte des idoles (73 )*
Par-tout les dernières claiTes de la; So­
ciété fe conduifent à l’imitation des
G rands, ôc la convention des citoyens
diilingués par leur naiiTançe, par leurs
riche îles, ou par .leur puiflance , fut
bientôt imitée par celle de 'to u s les
êtres dçpendans , qui .craignoient. de
perdre ou qui vouloient obtenir (74). Le
I ^ ■' ■ > - I' ■w ■■■■-■ --p » "in — ^ — < f

(73) Tillemont ( Hift. des Empereurs, t. 4, p* ’ 374
6x6.) a défendu avec efpnt & avec force la pureté de
Conftantinople contre quelques tnfmuationsmalignes du
Païen Zoiîtne.
(74) L'Auteur de f Histoire politique & phÜofophî-
que des deux Indes ( T . i , p. 9. ) condamne une Loi
de Conftantin , qui donnoit la liberté à tous les ef*
claves qui embraiToient le Chriftiarrifme. L'Empereur
publia effeéhvemènr une Loi qui ¿éfendoit aux Juifs
de circoncire, & peut-être de garder aucun efclave
Chrétien. Voyez Eusèbe , îïi Vit. Gonflant. I. i v , c.
1
2 7 , & lç C od. T heodof . x v i , tit. 9 , avec les
Commentaires de G odefroy, t. 6 , p, 247. Mais cette
Tome I V . Ff
t
45 o Hiflôire de ta de'cadence
falut du peuple s’achetoit à. bon marché,
s'il eft vrai que dans une ’h nnée douze
m ille hom m es & un nombre propor­
tionné de femmes & denfans furent
baptifés à R o m e , & qu’il n’en coûta
qu’une robe blanche &c vingt pièces d’or
pour chaque converti (75X La puiflante
influence de G onilàntin n’étoit pas cir-
confcrite dans les limites étroites de fa
vie ou de fes Etats. L ’éducation qu’il
donnoit à fes fils 8c à. fes n eveu x, fem-
bloit devoir affiner à l’Empire une

exception ne regardoit que les Juifs, & la généralité


des efclaves qui appartenoit ou à des Chrétiens ou à
des Païens, ne changeoient point d’état en changeant
de Religion. T ignore par quelle autorité l’Abbé
Raynal â été induit en erreur, & le manque total de
notes & de citations eft un défaut impardonnable de
fon intéreffant Ouvrage.
(75) V oyez AÛa Sanûi Silveftri., & FHift, Eccléfiaft»
Nicéphor. Callift, I. v i n , c. 34. ap. Baronium, An­
nal Eccléfiaft. ,A- T). 3 2 4 , n°. 67, 74. Ces autorités
ne font pas bien refpef^ables 3 mais les circonftances
font il probables en elle^-raêmes, que le favant Doc­
teur Howell (H iftoire du M onde, vol. 3, p. 14-)
n’a pas H^fité de les adopter.
de VEmpire Rùm. C hap . XX. 451
race de Princes donc la foi feroic d’au-
tanc plus vive 8c fincère, qu’ils en avoient
reçu les principes dès leur plus tendre
jeuneiïe : le commerce 8c la guerre
répandoient la connoiflance de l’Evan­
gile au delà des provinces Romaines ;
8c les Barbares qui avoient dédaigné
une Seéte profcrire £c humiliée, refpec-
tèren® une R eligion adoptée par le plus
puilFant Monarque du M onde 8c par les
peuples les plus civilifés (76). Les Goths
8c les Germains qui s’enrôloient fous les
drapeaux de l’Em pire, révéroient la croix
qui brilloit à la tête des légio n s, 8c ils

(76) Les Ecrivains Ecctéfiaftiques ont célébré la con-


Verfion des Barbares fous le règne de Conftantin.
V o y e z Sozomen. 1. n , c. 6 ; & Théodoret, i> i , c,
2 3 , 24. Mais Rufin, le Traducteur Latin d’Eusëbe,
doit être confidéré comme une Autorité refpeélable.
Il a tiré fon rapport d’un des compagnons de TApotre
d'Ethiopie , & de Bacnfius, Prince Ibérlen , & en même
temps Comte des Domeftiques, Le Père Mamachi a
donné une ample compilation des progrès du Chrif-
tianlfme dans les premier & fécond volumes de fou
grand & défe&ueux Ouvrage.
4y i Hijloire de la décadence
répandoient parmi leurs féroces compa*
triotes dés principes de R eligion & d’hu­
manité. Les Rois d’Ibérie & d’Arménie
ado.roient le D ieu de leur prote&eur.
Leurs fujets, qui onrinvariáblém ent con­
servé le nom de C h rétien s, formèrent
bientôt une alliance perpétuelle & fa-
crée avec les Catholiques Romains. On
accufa les Chrétiens de la Perfè devoir
facrifïé, pendant la guerre, les intérêts
de leur pays à celui de leur R eligion j
mais tandis que la paix fubfifta entre
les deux Empires , la perfécution des
M ages fut toujours arrêtée par l’inter-
pofition de Conftantih (77). La lumière <
de l’Evangile brilloit fur les côtes des
Indes. Les colonies de Juifs qui avoient
pénétré daqs l’Arabie & dans l’Ethio­
pie (78), s’oppofoient aux progrès de

(77) Voyez dans Eusèbe (In Vit. Confiant. 1#iv ,


c. 9.) la lettre prenante & pathétique de Conftantin
en faveur de fes frères Chrétiens de la Perfe.
(78) Voyez Bafnage, Hifl. des Juifs, t. 7 , p. 182;
t* 8 , p. 333 i t, 9 , p. 810. L ’aftlvité infatigable de
âç l ’Empire Rom. C h ap. X X . 45 3
la Foi Chrétienne j mais la connoiflance
de la révélation mofaïque facilitoit en
quelque façon les travaux des Miffioir-
naires ; ÔC l’Abyfïïnie révère encore la
mémoire de Frum entius, qui dévoua fa
v ie, du temps de C ohftantin, à la con-
veriîon de ces pays éloignés. Sous le
règne de Confiance , fon fils T h é o ­
phile (79), Indien d’extraélion, reçut la
double dignité d’Evêque ÔC d’Am bafïa-
deur. Il s’embarqua fur la mer Rouge
avec deux cents chevaux de la meil-

cet Ecrivain pourfuit les Juifs- jufqu’à ¡’extrémité du


globe.
(79) Théophile avoit été donné, pendant fon en­
fance, en otage par les habitans de Hile de D iva, les
compatriotes, & avoir été inftruir par îes^ Romains
dans ies Sciences & dans la Foi Chrétienne. Les Mal­
dives, dont Malé ou D iva eft probablement la capi­
tale, forment un amas de tgoo ou 2000 petites iiles
■ dans l'Océan Indien. Les Anciens ne connurent qu’im­
parfaitement les Maldives ; mais elles font décrites
. dans deux Voyageurs Mahométans du neuvième iiècle ,
publié% par Renaudot. Geograph. Nubieniis, p. 30, 31.
D 'H erbelot, Bibliothèque Orientale, p. 704. H ift.gé­
nérale des V o y a g e s, t. 8.
F f iij
454 Hijîoire de là décadence '
ieurie race de Gappadoce , que l’Empe-
reur envoyoît au Prince des Sabéens 8c
des Homérites. Théophile étoit chargé
de beaucoup d’autres préfens utiles 6c
curieux, au m oyen defquels on efpéroit
excitèr l ’admiration 8c fe concilier l’a­
mitié des fBarbares. L e nouvel Evêque
fit avec fuccès, pendant plufieurs an-
liées , des vifites paftorales aux êglîfes
de la Zone Torride'(8o).
Les Empereurs Romains déployèrent
naiionaiç. le u r puillance irréfiftible dans le chan­
gem ent de la R eligion nationale. L a ter­
reur qu’infpiroient' des armées form i­
dables , réduifit au filence les foibles
murmures _des Païens , 8c il y avoic
lieu de croire que la foumiiïion vo­
lontaire des Eccléfiaftiques 8c du peuple
Chrétien fèroit la fuite de leurs prin­
cipes 8c de leur reconnoiiTance. Les

(8a) Philoftorgius, ; L n i , c. 4 , 6 , avec les


Gbfcrvations du favant G odefroy. Le récit hïftorique
fait bientôt place à un examen relatif à Fêtât du Pa-*
radis j à des monilre& extraordinaires,; &ç* Ôte.
t
I

de VEmpire Rom. C hàp. X X . 455


Romains avoient adopté depuis long­
temps comme une maxime fondamentale
de leur conititution, quetous les citoyens,
quels que fuflent leur rang ôc leurs dignités,
dévoient également obéir aux L o ix , & .
que les foins Ôc la police de la Religion
appartenoient aux Magiftrats civils. Il
ne fut pas aifé de perfuader à C o n s­
tantin & à fes fucceiTeurs qu’ils avoient
cédé, par leur converfion , une partie
des prérogatives impériales , ôc qu’il ne
dépendoit plus d’eux de faire la loi à
une Religion qu’ils avoientprotégée, éta­
blie & profeilee. Les Empereurs continuè­
rent à exercer leur jurifdidtion fuprême
fur l’Ordre Eccléiiaftique ; & le feizième
livre du Code de Théodofe détaille fous A. D*111*
458.
un grand nombre de titre s, l’autorité
qu’ils exerçoient fur l’Eglife Catho­
lique.
Les Grecs & les Romains libres n’a- Diftinftioa
i entre la puif-
voient jamais connu la diftin£tion entre fan ce lplri-
tu elle Sc la
pmifaoce
la puilTance fpirituelle & la tempo- tgnpoielle*
F f iv
45 £ tìijloire de la decadendè
relie (81 )•; mais èlle fut introduite &c con­
firmée par Tétabliilèment légal de la Re­
ligion Chrétienne, La dignité de fu-
preme P o n tife, toujours exercée depuis
Numa jufqu’à Augufte par les plus.il-
luftres des Sénateurs, fut enfin unie à
la Couronne Impériale. Le premier Ma-
giftrat faifoit lui - même les fonctions
facerdotales , toutes les fois que la fu-
perdition ou la politique les rendoient
iiéceüaires (8 z) ; £eil n’exiftoit ni a R om e
nidans les provinces, aucun ordre de Prê­
tres, qui réclamaflent un caractère plus
facré que celui des citoyens, ou qui pré-
" ■■* J-J ■■■■’■M° . X. ■—- -M—

(81) V o y e z PËoîtrè d’O fiu s, Ap. Âtbanr.fîunï, vol.


t 3 p. 840. La remontrance publique qu’ii fut forcé
d ’adrefler au fils, contçnoit les mêmes principes de
gouvernement civil & ecçléfiaftique , qu’il aVpit fe-
CrètemCnt tâché d’infpirer à fdn père* * .
(82) M* de la Baftie (Mémoires de PAcadémie dès
Inicriptions, t. 15, p. 38-61*) a prouvé, avec évi­
dence , qu’Augufte & fes fuccefleurs oftt exercé en
pèrfonne toutes les fondions façrées He Tuprêrrie Pon~
fife ou Grand-Prêtre dé l’Empire Romain*
de V E m p ite R ôm . C î î a p . XX. 45^
tendiflenc à une communication plus in­
time avec les Dieux. Mais dansTEglifb
Chrétienne, qui confie le fervice des au­
tels à une fucceflîon de Miniftres con-
facrés, le Souverain, dont le rang fpirituel
eft moins vénérable que celui du moin­
dre D iacre., ie trouvoit placé hors du
fan£fcuaire, & confondu avec le peuple
des fidèles (83). O n pouvoir regarder
l’Empéreur comme le père de fes fujets;
mais il devoit un refpeét &c une obéiffance
filiale au père de l’Eglife ; la vénération
que Conftantin n’avoit pu refufer aux
vertus des Saints èc des Confefleurs ,
fut bientôt exigée comme un d r o it,
par la vanité de l’Ordre Epifcopal (84).

(8 3 ) Q u e lq u e c h o fe d ’ap p ro ch a n t s’é to it déjà in tr o ­


du it dans i’E g iiie d e C o n fta n tin o p le ; m ais le r é v è r e
A m b r o lfe o rd o n n a à T h é o d o f e de ie retirer du fan c-
tu a ir e , & lui fît fen tir la d ifféren ce d’un M o n a rq u e à
un P rê tre . V o y e z T h é o d o r e t , 1. v , c. 18.
(8 4 ) A la table de l ’E m p e re u r M a x im e , M a r t in ,
E v ê q u e de T o u r s , re ç u t la co u p e de ce lu i qui la p ré-
f e n t o it , & la rem it à un P rêtre d o n t il ¿ to it a c c o m ­
p agn é j avan t de p erm ettre qu ’ e lle pafsât dans le s m ains
■ *

45 8 Hiftoire de la décadence
La fourde ¡animofité qui régnoit entre
les Jurifdicliqns,eccléiiaitiques &c civiles^
embarraiFoit ie Gouvernem ent Romain.
Les Empereurs craignoient de fe rendre
"odieux & coupables en attaquant des
privilèges facrés. La diftinétion des L aï­
ques & du Clergé avoir eu lieu chez beau­
coup de nations anciennes. Les Prêtres
des Indes , de la Perfe , de l’AiTyrie 4
de la Judée , de l’Ethiopie , de l’E ­
gypte ôc de là* G au le, prétendoient tous
tirer d’une origine célefte leurs puif-
fance &c leurs poiièffions tem porelles,
& ces refpeétables inftiturions s’étôient
infeniiblemerit adaptées aux mœurs &:

d e l’E m p e re u r. L ’ Im p é ra tric e f e r v it M artin à table.


S u lp iciu s S é v è r e , in V it . S a n â t M a r t in i, c. 2 3 , & le
D ia lo g u e 11 j 7 , C e p e n d a n t o n n e fait fi ces honneurs
e x tra o rd in a ire s é to ie n t re n d u s à la q u a lité de Saint ou
à c e lle d’E v ê q u e . O n p e u t t r o u v e r dans les A n tiqu ités
d e B in gh a m ( 1. 1 1 , c. 9 .) S i dans V a le r s ( a d Tfreo-
d o re t, 1. I V , c. 6 .) les d iftin â io n s a cco rd ées aux
E v ê q u e s ,- V o y e z le c é ré m o n ia l q u e L é o n c e , E v ê q u e de
T r i p o l i , e x ig e a de lT m p é r a tr îc è , T i î l e m o n t , H if t des
E m p ereu rs, t i v , p , 7 5 4 . P a tre s A p o f t o l o s , t.
P- J 79‘
de VEmpire Rom. C hap. XX. 459,
au gouvernement de ces difFérens peu­
ples (85). Mais la difcipline de la pri­
mitive Eglife étoit fondée fur une réfif-
tance dédaigneufe à l’aucorité civile.
Les Chrétiens avoient été obligés d’éfire
leurs propres.M agiftrats, de lever & de
diftribuer un revenu particulier, St de
fa ir e , pour régler la police intérieure
de leur République, un Code de Loix
ratifié par le confentem ent du peuple Sc
par une pratiqué de trois cents ans. Lorf-
que Conftantin embrailà la foi des Chré-*
tien s, il fembla contrarier une alliance
perpétuelle avec une fociété indépendance,
8c les privilèges accordés ou confirmés
par cet Empereur 8c par fes fuccefleurs,
furent acceptés, non pas comme des
grâces précaires de la C o u r, mais comme
les droits juftes & inaliénable de l’Ordre
Eccléfiaitique.

( £ ç ) P lu ta rq u e n o u s a p p r e n d , dans fb n T r a it é d’ Iiis
& d 'O f ir is , qu’ on in itio ir les R o is d ’E g y p t e a u ffi-tô t
ap rès le u r é le £ io n dans T O rd re S a c e r d o ta l, lo rfq u ’ ilc
n 'é to ie n t pas P rê tre s.
4<jô Uijloire de la décadence
£tafc des Evê­ L ’Egîifë Catholique étoit gouvernée
ques fous les
Empereurs par la JurifdiéHon fpÎrituelle 8c légale
Chrétiens*
de dix-huit cents Evêques (86), dont
mille étoient répandus dans la G rèce, 8c
huit cents dans le Pays Latin. L ’étendue
8e les bornes de leurs difEérens diocèfes
dépendirent d’abord du fuecès des M il­
lionnaires , 8c varioient relativement à
leurs fuccès, au zèle des peuples, 8c à la
propagation de l'Evangile. O n conftruifit
des églifes épifcopales fur les rives du
.N il, fur les côtes d’A friq u e , dans le Pro-
confulat.de l’A fie , 8c dans toutes les pro­
vinces orientales de l’Italie. Les Evê­
ques de la G a u le , de la Thrace 8c du

(8 6) L e C a ta lo g u e o rig in a l & le s a n c ie n s Ecrivains*


n e fix e n t p o in t le u r n o m b r e . les liftes partiales des
E g life s de r O r i e n t fo n t re la tiv e m e n t très-m od ern es. La
p a r u n te a â iv iié de C h a r le s , d e S a n â o P a o l o , de
L u q u e s H o lfte n iu s , & de B in g h a m , a iab orieu fem en t
re c h e rc h é to u s d es fié g e s é p ifc o p a u x de l ’ E glife C a ­
th o liq u e , qui c o m p r e n o it p re fq u e to u t P E m pire R o ­
m ain. L e n e u v iè m e L iv r e des A n tiq u ité s C h ré tie n n e s
eft u n e C arte" t r è s - e x a â ç d é G é o g r a p h ie E cclçfia f-
tiq u e. *
de l'Empire Rom. C hap. X X. 461
P on t gouvernoient un vafte territoire,
& envoy oient leurs SufFragans dans les
campagnes , pour remplir les fon&ions
iubordonnées du devoir paftoral ’(87).
U n diocèie chrétien pouvoir compren­
dre toute une province , ou être ré—
*duit à un v illa g e; mais tous les Evê­
ques avoient un rang égal & indé­
lébile. Ils étoient tous cenfés fuccef-
ièurs des Apôtres ; le peuple èc les Eoix
leur accordoient à tous les mêmes pri­
vilèges. Tandis que Conftantin féparoit
par politique les profeffions civiles ôi
militaires, il foufïroit la naiflance d’un
ordre perpétuel dè Miniftres Ecclé-
liaftiques , toujours refpe&ables , & fou-

(8 7) A u fu je t des E v ê q u e s d e cam p agn e o u Chore-


jfifcopi , qui v o to ie n t dans le s S y n o d e s fit c o n fè ro ie n t
les O r d r e s in f é r ie u r s , v o y e z T h o m a ffin , D ifc ip lin e
d e PEgliife, t. 3 , p. 4 4 7 , C h a r d o n , Hift*
de^ S a c r e m e n s , t. 1 , p. 393 5 & c . O n n’ en en ten d
p o in t p a rler a v a n t le q u a trièm e f i è c le ; & c e c a r a â è r e
équivoque , qui a v o it e x c ité la ja lo u fie des P r é la ts , fu t
ab o li a v a n t la fin du d ixièm e fiè c le d a n s T O rie n t fit dans
l ’ O c c id e n t, '
461 Hijlôire de'la décadence
vent dangereux. O n peut confidérer
leurs principale? immunités, fous les
fept chefs fuivans : 1. éle& ion dù peu-,
p i e ; '2. ordination du C le r g é ; 3. pro-;
priétés ; 4. jurifdicfcion Civile ; 5. cen-
fures fpirituelles; 6 . prédication publique;
7. privilège d’aflemblées légiiïatives.
E leÛ iott La liberté des élections fubiifta long­
des E vêques
p a t le peuple* temps après rétabliiïem ent de la Foi
Chrétienne (88) ; & les fujets de Rome
jouiiToient dans l’Eglife , du privilège
qu’ils avoient perdu dans la R épublique,
de choiiir les Magiftrats auxquels ils
s’engageoient d’obéir. Auffi-tot après,
a m ort d’un Evêque * le M étropolitain
donnoit à un de fes SufFragans la com*
million d’adminiftrer le diocèfe vacant,

(88) Thomaiïïn (D ifcipline de l’E glife, t. 1. n ,


c. i* 8 , p* 675-721*) a détaillé longuement les élec­
tions des Evêques, durant les cinq premiers lïècles,
dans TOrient & dans l’Occident ;* mais il fe mon- #
tre très - partial en faveur de l’Ariftocratie Epif-
copale. Bingham ( 1. i v , c. 2.} fait preuve de mot
dèration; & Chardon (Hift. des Sacremens, t* 4 , p.
108-128.) eft très-clair & très-concis.
de VEmpire Rom. C h a p . X X . 463
& de préparer, dans un temps lim ité,
la future élection. Le droit de fuffrage
appartenoit au Clergé inférieur, qui étoit
à portée de reconnoître le mérite des
Candidats, ausi Sénateurs ou N obles de
la ville , à tous ceux qui avoietît un
rang ou une propriété, & enfin à tout
le corps du peuple, qui accouroit en
foule, au jour de la cérém onie, de l’e x ­
trémité du diocèfe (89) , & impofoit
quelquefois iilence, par fes tumultueufes
acclamations, à la voix de la raîfon 8ç
aux Loix de la difcipline. Il pouvoir
bien fixer par hafard ion choix fur le
plus digne des concurrens, fur un ancien
C u r é , fur un M oine pieux, ou fur un
Prêtre féculier, recommandable par fes

(ßy) Incredibilis multitudo, non foihm ex eo oppido


(T o u r s ), fid etïam ex vicinis urbibus ad fuffragîa fe~
rendit convenerat, &c. Sulpkius Severus, in Vit. Mar*
tip. ç. 7. Le Concile de Laodicée (Canon 13.*) dé*
fend le tumulte & les attroupemens ; & JuiHnien ré*
ferve le droit d’éieéHon à la feule Nobleffe. Novelh
CXXIIÏ, I.
4¿4 Hijloire de la decadence
vertus. Mais en général la chaire épif-
copale écoit plus recherchée pour les
avantages donc elle faifôit ~jouir dans
ce m o n d e, que com m e une dignité fpi-
rituelle. Les vues intérefféès des paffions
les plus m éprifables, les artifices de la
diffimulation , de la perfidie ,• de la cor­
ruption, & jufqu’aux violences ouverres
& fanglantes qui avoient déshonoré les
ële&ions des Républiques de la Grèce
& de R o m e , lervirent trop fouvent à
élever les lüeceffeurs des humbles A p ô ­
tres. Tandis qu’un Candidat vantpit le
rang de lès a ïeu x , un autre îsâchoit de
féduire fes Juges en leur offrant les d é­
lices d’une table fomptueufement fervie.
U n troifième plus coupable, promettoit
de partager les dépouilles de l’Eglife
avec les complices de Tes efpérançes
faeriléges (510). Les L o is eccléfiaftiques
— ... ■— ■ ■■ ■ 1----- ■■ ■ » '
*
(90) Les-Epîtres de Sidonius Àpollinans ( i v , 2.5 ;
VU, 5-9.) détaillent quelques ,fçundîdes de l’EgUfe de
èç
de l'E m p ire Rôm . ..Châp.XX.
& civiles s’occupoient :4 e : concerih
primât ces défordres. .en excluant li
pulace du droit de fuffrage ; les C ad
nons de l’ancienne difcipline arrêtèrent;
en partie le caprice aveugle des Efbc-
ceurs, 'en fixant la g e Sc le rang des Cati-’
dida®. X autorité des Evêques vdLe;rrlaÎ
province, qui s’aflembloienc dans l’égliies
> vacance pour confacrer. le choix du
peuple , fervit à modérer leur em porte­
ment ôc à éclairer leurs erreurs1. .Les
Evêques pouvoient refufer l'ordination
à un Candidat qu’ils en jugeoient in-r
digne , & la fureur, des factions, op-
pofées acceptoient ; quelquefois leur
, médiation. La foumiffion 6c. la réfiC?
tance du peuple & du Clergé - dans
plufieurs occafions, donnèren#Iieuà des
précautions qui peu à peu fe changè­
rent en uiage &c en Loix p oiitives,
" ’ .■ "'J
la Gaule 3 & la G aule1étoit moins policée ^Ctbeatieoup
.moins corrompue que les provinces de r O w â t - O
Tome IF'. . .Q-gti.
gs4££ Mifioirt de lâ décadence
diiFérences provinces (91). M ais ce
Tlrat par-tout une L o i Fondamentale de
la police religiéu ie, qu’un Evêque ne
pouvoir pas prendre pofleiflon d’une
chaSre Chrétienne fans avoir été agréé
par les membres de cette Eglife> Les
Em pereurs, com m e prote&eurs de la
tranquillité publique , comm e premiers;
citoyens de R om e 6c de C onftantinbple, 1
avaient fans doute une grande influence
quand ilsd éiign o ien t le choix d un M é -
' tropolkain : mais ces Monarques abfo-
Xus refpe&oient la liberté des élections
eccléfiaftiques ; ,6c taudis qu’i ls . diftri-
buoient Sc reprenoient à leur gré les
dignités civiles 6c m ilitaires, ils fbuf-
froient çjue les fuffràges librfcs du peuple
faomrriaiï^ftt dix-rhûic cents Magiftrats

(9O* Ün compromis avoit lieu quelquefois, foit au


moyen <fune Eoi ou par le confentement des Evêques
& du peuple ; run de$; deux- "partis choififl&it trois
Can^éatiy & l’autre avoit Le droit de nommer celui
des trois auquel il donnent la préférence,
*

de VEmpire Rom. Chap. X X . 4^7


perpétuels à des ^piplois imporcans (9*).
H paroi iloit jufte que ees Magiftrafci
n’euflènt pas la liberté de quitter des
poftes honorables dont on ne pouvoir
pas les priver. L a fagefle des Conciles
eiTaya, fans beaucoup de fuccès, à les1
forcer de réfîder dans leurs diocèfes , SC
à les empêcher d’en changer. Mais 'le s
paillons qui avoient néceffité les précau­
tio n s, les rendirent infufifantes. Les re-
proches que des Prélats irrités lancèrent
l’un contre l’autre avec véhém ence, nd
fervirent qu’à publier leurs fautes ré*
ciproques & leurs mutuelles impru­
dences.
II. Les Evêques étoient feuls enpoÎIèf- Ordînatio*
du Cierge*
l jfion de la génération fpirituelle ; &
ce privilège compenfoit en quelque fa-

(92) Tous les exemples cités par Thomaffin ( D is­


cipline de'^Egliie, t* a, 1. il, c. 6 , p. 704-714.) pa-
roiflent des ailés ^autorité extraordinaires, ou plutôt
d'oppreffioïi. ta nomination de l'Evêque d'Alexandrie
fut confirmée d'une manière plus régulière* Philof*
torgius* Hift. Eccléûaft, 1, 11, 11.
G g i]
.- 4^8 -;'^ ^ J^ re::deyîk:ii4cadtric6
çon les: privations* d p i célibat (9 3 ),-qui
fut d?abord recommande com m e une
v e rtu , enfuite comm e tin devoir, &
enfin im p o fé. co m m e , une obligation
abiftlueK Les R<eligipns 1 de l’antiquité,
qui ont établi un ordre de Prêtres d is­
tingué des citoyens , dévouoient une

race Sf lfacrée
* ï '■'
.. une \tribu. ou une famille
7 ~\ t

au fe,tyiçe: perpétuel des D ieux (94).


'"'A -* . * ■'-ai. -- . 'V, >-

j i(9 3)‘-Lu "célibat du C le r g é , durant les: cinq ou fix


fiècles, efi un objet de difcipliner & en
mêmè temps de controverfe, qui a été examiné foi-
gnèùfeinehtl V oyez Thomaiïin Difeiplirie de l’E glife;
M ïU lû d ïj c. 6 b ; L x i , p. 886-902 ; & les Antiquités
de Bixtgham » 1. i v * c. 5. Chacun de ces Critiques
iavans expofent une moitié de la vérité , & cachent
' ’ '■ 'v ' ' 1
X94 ) Diôdore de. Siciîé àttéfte 8c approuve la fuc-
ç^iÇoa héréditaire, de là prêtrife chez les Égyptiens,
les Chàldéens. & les Indiens. L . i 3 p. 84; U II* p*
142-153., édit. Weneling. Ammien parlé des Mages
comme dhine famille très-nombreufe : « ■Perfœcûla milita,
v ad pjAfens unâ cademque projhpid mulùtudo creataf
^ Æèoru/n cultibus dedicuta. lîXilI- 6. «. Aufoniüs célèbre
l££iprivilèges des Dru'idès :(D e Profeffdrib. BurdigaL
*y -.-.)4 imais la remarque d« Céiar ( v i , 13. ) :femblev
'N ■

âë TÊntpirè Rem. C h â 'p-.XX.


D e telles i n fti tu tio its é t o ien t plutôt déf-
w 4 ife 7 j ,

txnées à% ne poflèlSen traè^uillé ,<qu’âii


zèle ardent de la coriquête fptritueHe.
L es ■;enfans des -Prêtres , plongés dans
une orgueîlleuie' indolence, jouifFoient
de leur faint héritage avec fecuricé j & t
la turbulente ardeur de rènthbüiîaim e
s’éteignoit dans ' les douces jouiflances
de la vie domeftiquë. .Mais le fanétuaire
de l’Eglife Chrétienne s’ouvroit à. tous
les Candidats ambitieux qui afpiroient
aùx récompenfes du C ie l, ou à des pof-
feiïîons dans ce inonde. Les emplois du
C lergé é to ie n t-e x e rcé s com m e ceux du
M ilitaire & de la M a g iftra tu re , par des
hom m es qui fe fentoient appelés, par
leurs talens & par leurs difpofitions,
à l’état eccléfiaftique, ou qui avoienc
été choiiîs par un Evêque in telligen t,
commé propres à étendre la gloire fic
les fuccès de la Foi Catholique. Jufques

indiquer qu’il reilott dans l’hiérarchie Celtique une porte


ouverte au choix & à Témularion.

G g n) .
470' H ijlo ir e de- la décad en ce
au m om ent ou les abus furent réprimés
parla prudence des L o ix , les Evêques (96)
jouirent du droit de contraindre les
opiniâtres & de défendre les opprimés.
O n obtenoit pour ia vie les privilèges
les plus avantageux de la fbçiété civile,
par la" feule impofition de leurs mains.
Les Empereurs avoientexem pté le Corps
entier du C le r g é , plus nombreux peut-'
être que celui des légio n s, de tout fer-
vice public ou particu lier, des offices
jmunicipaux , de toutes les taxes ou
contributions personnelles qui écrafoÎeni '
leurs concitoyens. Les devoirs de leur
fainte profeffion étoient cenfés remplir
fuffifamment toutes leurs obligations en-

(95) Le füjet de la vocation , de l’ordination, de


l'obédience., &c. du C le rg é , eft laborieufement difeuté
par Thomafïin , DifcipL de l’E g life , t. 2 , p. 1 83,
& par Bingham dans le quatrième Livre de fes Anti­
quités, principalement dans les quatre, fix & fep-
tième Chapitres. Quand le frère de Saint Jérôme fut
ordonné en C h y p re , les Diacres lui tinrent la bouche
fermée , de peur qu’il ne fît une proteftatipn qui au-
soit rendu nulle la fainte cérémonie*
de P Empire Rom. C hat . X X . 471
vers la République (96). Chaque Evêque
-acquéroic un, droit indeftructible & ab-
folu à l’éternelle obéiiTance des Prêtres
*
qu’il avoir ordonnés. Le Clergé d’une
cgii le épjfcopale & des paroifles dépan-
dantes form oit »une fociété régulière ÔC
permanente, 8c les cathédrales de C o n s­
tantinople (97) ÔC de Carthage (98)
entretenoient un établiilem ent particu-

(96) La Charte de* immunités que le Clergé ob­


tint des Empereurs Chrétiens , fe trouve au feizième
Livre du Code de Théodofe* Il eft expliqué avec
afiez de bonne foi par G o d efro y, dont les préjugés
oppofés d’ un D ofleur & d’un Proteftant balançoient
l ’opinion,
(97) JTuftinïen, Novell, cm, Soixante Prêtres, cent
Diacres, quarante Diaconefles, quatre vingt-dix Sous-
Diacres ; cent dix Le&surs, vingt cinq Chantres, ëc
cent Gardes des portes ; en tout cinq cent vingt-cinq»
C e nombre modefte fut fixé par l’Empereur pour dé­
charger l’Eglife des dettes qu'un établiffement beau­
coup plus nombreux lui avoit fait comra&er*
(98) Unïvtrfus Clerus Eccîejïœ CarthaginUnfis. *. * feri
quingenti vel amplius ; inter quos quant plurimi erant
Le&ores infantuli, V iftor Vitenfis, de Perfecur* Vandal.
V , 9 , p. 78 * edit, Ruinarr. C e refte <Fun Etat plus
floriflant fubfifta même fous Toppreffion des Vandales.
G g iv
1
4 *7 Ilijloire de ta de'cadertce
lier.de. cinq cens Miniftces EcçIéiiaÆiqüës.
X eur rang (99) leur nombre furent
multipliés par la fuperftiticn des temps;
elle (introduliit dans l’E glife les cérémo­
nies fafbueufes des Juifs & des-Païen& Üne
longue fuite de Prêtres > de D iacres, de
SouSiDiacrès , .-d’A c o ly te s , d?Exorciftes,
de L e& eu rs.,’ de; Chantres , & de Por­
tiers » contribuèrent, dans leurs différons
poftes, à augmenter la pompe. ôC l’har­
m onie1f
du ^culte,’ -religieux.
pfe !' ' O n accorda
■t ‘ V .* \ 1 1 1
le nom de C lerc &. fes privilèges, à des
confréries piéüfes qui aidoient dévote­

m e n» t, au foutien
f t-. . . . . . .
du trône - -eccléfiafti-
1 1 .
que ( io q ). Six cents Parabolani; où

(99). ïyC. nombre de fept Ordres a été 6xé dans


l’Egliie Latine excluiivcment à la dignité d>*Evêque;
mais les quatre rangs, inférieurs , ou les Ordres mineurs,
font réduits aujourd’hui à un vain nom , à des titres
inutiles. , . _* .
’ O p o ) V oyez Cod,t Theodof. 1. x v i , tit. æ , Leg.
42^4. Les Commentaires, de G o d efro y, & THiflolre
Ecçléfiaffîque tfÀlexandriei, montrent le danger de ces
pieufes^inftitntions , qui troublèrent fojrvenj: ; la tran-
quUbté de cette capi^le turbulente.
de VEmpire Rom. C h ap . XX. 473
-Aventuriers, vifitoient les malades d’A ­
lexandrie i onze cents Copiatæ ou Fof-
foyèurs enterroient les morts à Coni-
tantinople, S c i e s nuées de Moines qui
s’élevoient des bords du N il couvraient
& obfcurcidbient la furface du Monde
Chrétien.
• III. L ’Edit de Milan aiTura un revenu & Propriétés
A . D . 3x3
la paix à T E g lifa ( 1o 1 ). Les Chrétiens ne
.recouvrèrent pas-feulement les terres ôc
les maifons qûe les L oix du persécuteur
D ioclétien leur avoien't arrachées ; mais
ils acquirent un droit légal à toutes les
p o déifions dont ils ne jouidoîent en-
icq re-q u e par d ’indulgence du M agif-
traç." A udi-tôt que l’Empereur Sc l’Em­
pire eurent embrâde la Religion Chré­
tienne, il parut jufte de donner une exif-

• ( i o i ) L ’Edit de Milan ( D e M. P. c. 48) recon-


nolt qù’ii exifloit une propriété en terres : Ad jus cor-
paris eorum ? id ejly Ecclejîamm, non hominum finpdorum
pertinentia. Une déclaration û authentique du Magis­
trat fuprême, doit avoir été reçue dans tous les T ri­
bunaux comme une maxime de Loi civile*
474 ‘ B ìflo ìre de la decadente
tence décente & honorable au Clergé na­
tional. L e payement d’une taxe annuellè
auroit pu délivrer le peuple des tributs
abondans & abufifs que la fupe riti t ion im-
pofe à fes profélytes. M ais les dépenfes
& les befoins de l’Eglife augmentoient
avec fa profpérité; l’Ordre Eccléfiafti-
qiie recevoir toujours les oblations vo­
lontaires des fidèles , ôc réclamoit
peut-être des dons qui l’enrichififoient.
Huit ans après l’Edit de M ilan d Conftan-
tin permit à tous fes fujets de léguer
leur fortune à la fainte Eglife C atholi­
que ( i o i) ; & leur devòte libéralité, qui
avoit été retenue pendant leur vie par
le luxe, ou par l’a v a ric e , ie Hvrôit » au
m om ent de leur m ort, à l’excès de la
prodigalité. Les Chrétiens opulens étoient

( io V ) H abeat ümtfquifque thentiam fanHiJJtmo Catkàtici


(Ecclefiae) vm tra b d iqu e C o n cilïo , décedens bonorum q u o i
cptavit rd in q u trt ,
Cod. Theodof* 1. X V I , tit. 2, Leg.
4. Cette Loi fut publiée à Rome (A. D. 321) dans
un tsinps où Conilantiif pouvoir prévoir une guerre
avec l’Empereur de FQrient*
de V'Empire Rom. C h ap . X X . 475
encouragés par l’exemple de leur Sou­
verain. U n M onarque abfolu qui eft
riche fans patrimoine, peut être chari­
table fans m érite, & Conftantin crut trop
aiiement qu’il obtiendroit la faveur du
C iel en faifant fubiifter l’oifiveté aux dé­
pens de Tinduitrie, en répandant parmi
les Saints les richefles de fes Etats. L e
M eilager qui porta la tête de M axence
en A frique, fut chargé, par l’Empereur,
d’une lettre pour C é cilie n , Evêque de
Carthage. Le M onarque lux annonce
qu’il a donné ordre aux Tréforiers
de la province de lui payer trois mille
fo lle s , ou environ dix-huit mille livres
fterlings, èc de lui fournir le furplus
dont il pourroit avoir befoin pour fe-
courir les Egîifes d’A frique, de Numi­
d ie , êc de Mauritanie (103). La libé-

ÇJ03) Eusèbe (H ifo Eccléfiafl, I, X , 6 ; in Vit,


1
Confiant, , i v > c . 28, ). Il s’étend avec fatîsfaâîon
& plufleurs fois fur la libéralité de fou Héros * que
l ’Evêque avoit eu oecafioo de oounoître ôt d'éprouvsr
perfonnellemem.
47 £> ' HiJÎoire de la décadence
ralité de Conftantiri- croiffoit dans une
jufte proportion avec fa fèrvëur 8c avec
Tes vices. Il fit faire au Clergé de toutes
les villes une diftribution régulière dé
grains, pour fuppléer ' aux fonds de la
charité éccléfîaftique, 8c les perfonnes
des deux fexes aüj.
f embrafidient la vie
m onaftique, devinrent les favoris parti­
culiers de leur Souverain. Les temples
Chrétiens d’A n tioch e , d’Alexandrie, de
*- 1
Jérufalëm , de Conftantinople, 8cc. at-
teftoient la faftiieufe piété d’iin Prince qui
ambitionnoit -, dans le déclin de fon % e5
d’égaler les plus fuperbes monurnens de
l ’antiquité (104).La forme fimple 8c oblon-
gue de cés pieux édifices étoir Couvent or-

- • ê
(104) 1
Eusèbe , Hift. Eccléfiaft. . X , c. 2, 3 , 4 .
L ’Eyêque de. Céiarée qui étndioit & flatroit le,goût
de ion Maître ^ prononça publiquement une defcrlp-
tion curieufe de l’Eglife de Jérufalëm ( In Vit. Conf.
1T iv* c, 46;)- E[le n’exîfte plus mais il a inféré dans
la Vie de; Conftantin ( L . 111, ç. 36.) un état abrégé
de PArchiteéïure & des orriemens. Il fait aufti mention
1
de î’églife dès Saints Apôtres à Conftantinople, <i v *
c. 59.
de V'Empire Rom. C haf .X X . 477
née d’un dôme, ou s’étendoit par deux bra$
en forme de croix. On fe fervoir pref-
que toujours des cèdres du Liban pour
les bois de charpente, fie de tuiles ou
quelquefois de cuivre doré pour la cou­
verture ; les colonnes, les murs fie le pavé
étoient incruftés d’une fuperbe variété des
marbres les plus rares ; l’a rg e n t, l’or
& les diamans brilloient en profufion fur
les autels; fit cette magnificence avoit
pour bafe folide une vafte propriété de
terres inaliénables. Dans l’efpace de deux
fiècles, depuis le règne de Conftantin juf-
qu.’à celui de Juilinienj les dix-huit cents
églifes de l’Empire Romain s’enrichirent
des dons m ultipliés, fie toujours inalié­
nables , du Prince fie de fes fujets. O n
peut .évaluer à fix cents livres fier-
lin <rs , ou environ douze à. treize mille
livres tournois, le revenu des Evêques
placés à une diftance égale de l’opu­
lence fie de la pauvreté (105) ; mais il

(105) Voy.Juftinien, N ovell, c x m , 3. Il ne parle ni dw


478 H ijlo ire de la décadence
augmenta infenfiblement en proportion
avec la puilTance fie les richeiïes des
villes qu’ils gouvernoient. O n trouve
dans un regiftre authentique, mais im­
parfait ( i o 6 ), le détail des maifons,
boutiques , jardins, fie des fermes iïtuées
dans les provinces d’Italie , d’Afrique
fie d’O rie n t, qui dépendoient des trois
baiîliques de R o m e , S. P ierre, S. P a u l,
fie S. Jean - de - Latran. Elles produi-
fo ie n t, outre une réferve d’h u ile, de
t o i l e , de papier 6c d’arom ates, un re­
venu net de vingt-deux mille pièces

revenu des Patriarches , ni de celui des plus riches Pré­


lats. La ppis haute évaluation du revenu d’un évê­
ché eft pertée à trente livres d 'or, & la plus baffe;
à deux livres ; la moyenne feroit à peu près feize li­
vres : mais toutes ces évaluations font fort au deffons
de la valeur réelle.
(106) V o y e z Baronius (Annal Eccîéfiait. A . D . 3 *4 Ï
n°. 58 , 65, 70 , 71.). Tous les aâes qui fortent du
Vatican font juftement fufpe&s. Cependant ces regif-
tres ont un air d’antiquité & d’authenticité ; & il ell
évident que s’ils ont été forgés, ce fut dans un temps
où l’avidité des Papes fe contentoit de petites pof-
felïïons, & n’ambitionnoit pas encore un royaume.
de ¿’Empire Rom. C h a p . X X . 479
d’o r , environ douze mille livres iler-
lings , ou à peu près deux cent cinquante
m ille livres tournois. Dans le fiècle de
Juilinien, les Evêques ne poifédoient
plus & ne méritoient plus peut être la
confiance aveugle des citoyens & du
Clergé. O n divifa les revenus eecléfiaf-
tiques de chaque diocèfe en quatre parts ;
la première pour l’E vêque, la fécondé
pour le Clergé inférieur , la troifième
pour les pauvres, la dernière pour les
dëpenfes .du culte public ; & les abus
furent fouvent & févèrement répri­
més (107). Le patrimoine de l’Eglile
étoit encore aiïujetci à toutes les impo-
fitiôns publiques (108). Le Clergé de

(107) V o yez Thomaiîin 5 Difcîpîine de TEglife, t.


3 # 1. i l , c. 13, M s 15 , P' 7°^* ^ parou que la
divifion légale du revenu eccléfiaftique n’a pas été
établie du temps d’Ambroife & de Chryfoftome. Sim­
plicius & G e la fe , fucceflïvement Evêques de Rome
à la fin du cinquième fiècle, en patient dans leurs
Lettres paftorales, comme d’une Loi générale déjà
confirmée par l'ufage dans l’Italie.
(108) Ambroife s le plus zélé prote&eur des pri-
480 Hifloire de la decadence
R o m e , d’A lexandrie & de Theflaloni-
q u e, obtenoient quelques exem ptions de
faveur ; mais le fils de Conftancin re-
pouifa la tentative prém aturée du Con­
cile de R im in i, qui tendoit à obtenir
pour tous les biens eccléfiaftiques une
franchiie entière ôc univerfelle (1 0 9 ). •
TV. Juridif- L e C lergé L a tin , dont Iç Tribunal s’eft
ticn civik.
élevé fur les ruines de la L o i civile &

viléges eccléfiaftiques > fe ioiiinit fans murmure à payer


la taxe des terres. » S i \tributum petit Imperator, non
33 negamus; agri Ecclejîa folvant irïbutum;Jolvimus qu&furJ
u C&faris C&fari > & qua funt DeiDeo : tributum C¿Juris
x c jl , non negatur «. Baronius tâche de préfenter ce
tribut comme un don volontaire plutôt que comme un
devoir (Annal. Ecclé&ift. A . D . 387. ); mais, l’inten­
tion ou du moins les expreffions font expliquées plus
naïvement par Thomafîïn , Dliciplme de T E glife, t. 3 ,
1. 1 , c. 34 j p. 268.
(109) In Ariminenfe Synodo fitper Ecclejiarum & _Cle-
ricomm privilegûs traElaîû habita , ufque eo dijpojitio pro~ '
grffa ejl y ut juga qua viderentur ad Ecclefiarn pertinere,
a publicâ funÆone ceffarent inquietudine dejijlente ; quad
nojlra videtur dudum fanbho repidfffc. Cod. Théo do f*
1. X v i , tit. 2 , Leg. 15. St le Synode de.Rim inv eût
emporté cet article, une pratique fi méritoire auroit
pu expier quelques hcréiies ipéculatives.
générale j .
de P Em pire Rom, C hap. XX. 481
générale , a m odeftem ent reconnu pour
un don de Conftantin ( n o ) , la Jurif-
diéfcidn indépendance, q # fu t le fruit du
tem p s, du hafard, & de Pinduftrie. M ais
les Eccléftaftiques jouirent bientôt léga­
le m en t, par la libéralité des Em pereurs
C h rétien s, de privilèges honorables qui
aiTuroient Sc ennobliiïoienc les fon&ions
fàcerdotales ( 111).

(110) Eusèbe, in Vit. Co«ftanr. 1. i v , c. 1 7 , & S o zo -


mène t 1 .1 , c, 9 , nous affurentqueConftnntin étendit &
confirma la JurifcUérion Epifcopale ; mais la fauffeté du
fameux Edit, qui ne fut jamais inféré clairement dans le
Code de Théodofe (V oyez t. 6, p. 303* ), eft démontrée
par G odefroy avec évidence. Il eft étonnant que M. de
Montefquieu, Jurifconfulte autant que Philofophe, ait
cité cet Edit de Conftantin (Efprit des L cix , 1. X X IX ,
c. 16. ) fans marquer le plus léger foupçon.
( ï ï i ) La queftion de la Jurifdiâion Eccléfiaftique a
été obfcurçie par la paflion, le préjugé, & l’intérêt
perfonnel. Les deux Livres les plus imparrials qui me
foîent tombés dans les mains, font les Inftituts de la
Loi Canonique, par l’Abbé de Fleuri, & PHiftoire
civile de Naples, par.Giannone* Leur patrie a con~
tribué à leur modération autant quê leur caractère*
F leu ri, Eccléfiaftique François, refpeâoit l’autorité
des Parlemens ; & Giannonne, Jurifconfulte Italien ,

Tome I V . Hh
4S i Hijîolre de la décadence
i ° . Sous un G ouvernem ent defpotique,
les feuls Evêques ob tinrent Se confer-
vèrent le prîviÜge ineftimable de n’être
jugés que par leurs Pairs : m êm e dans
une accufation capitale , un Synode de
leurs confrères les déclaroit innocens ou
coupables. U n T ribunal ainfi com pofé
devoit être favorable ou m êm e partial
pour l’O rdre Eccléfiaftique, à moins qu’il
ne fût enflammé par un reflentim ent
p erion n el, ou par la difcorde religieufe.
M ais Conftantin fem bloit convaincu
qu’une impunité fecrète étoit moins dan-
gereuiè qu’un icandale public ( i i 2 ) j &

redoutoit le pouvoir de l'Eglife. Je dois obferver ici


q u e , comme les propoimons générales que j’avance
font le réfultat d’un grand nombre de faits particu­
liers & peu sûrs, je me trouve forcé de renvoyer
le Leûeur à ces Auteurs modernes qui ont traité ce
fujet clairement, ou de multiplier les Notes de cet
Ouvrage au point de le rendre fatigant & désa­
gréable,
(112) Tillemont a recueilli chez R ufin, Théodo-
ret, & les fentimens & les expreiïions de Confiait*
tim Mém, Eccléfiaft» t, j , p. 749-750*
de rEmpire Rom. CnKV. X X . 4S3
le C oncile de N icée fut édifié de lui
entendre déclarer publiquem ent, que s’il
trouvoit un Evêque en adultère , il cou-
vriroit le faint pécheur de fon manteau
impérial. z °. L a Jurifidi&ion domeftique
des Evêques fervoit égalem ent de privi­
lège &C de frein à l’O rdre Eccléiiaftique,
dont les procès civils fie term inoient fians
l a «participation du Juge fiéculier. Leurs
fautes légères n’entraînoient ni un juge­
m ent , ni une punition publique, & les
Evêques les traitoient avec la prudente
fiévérité d’un père qui corrige l’inexpé-
rienc&de fon fils. M ais lorfiqu’un M em bre
du Clergé fie rendoit coupable d’un crim e
qu’on ne pouvoir pas fiuffifiainment expier
en le dégradant de fion O rd re , le Magifi-
trat tiroit le glaive de la Ju itic e , fians
aucun égard pour les immunités ecclé-
iîaftiques. 3 0 . La décifion des Juges avoit
la fianétion de la L o i , êc les Juges exé-
cutoient fians appel & fians délai les dé­
crets épifcopaux , dont la validité dépen-
doit encore du confientement des deux
H h rij
484 Hijloire de la deçadence
Parties. L a converfîon des M agiftrats &
de ;'tout l’Em pire diminua fans doute peu
àr peu les craintes 8c les fcrupules des
Chrétiens ; mais ils s’adreiToient toujours
de préférence au Tribunal de l’E vêq u e,
dont ils refpeéboient l'intelligence 8c l’in­
tégrité. L e vénérable Auftin fe plaignoit
avec com plaifance d’être fans ceiTe in ­
terrom pu dans fes fonctions fp iritu ellts,'1
par des citoyens qui rem etto ien t à fon
jugem ent la poiTeffion de leur o r , de leurs
terres 8c de leurs troupeaux. 4 0 . L e pri­
vilège ancien des Sanétuaires fut transféré
aux Eglifes C h rétien n es, 8c la pieufe li­
béralité du fécond T h éo d ofe l’étendit à
toute l’enceinte du terrein confacré ( r 13).
Les fugitifs 8c m çm e les crim inels pou-

t
1 >... ■ 1 ■ 1» 1 ■■ 1 . - ■ ■ ■ - - *i '*1 1— •• 11

(113) V o y e z Cod. Theodof. 1. i x , tit. 45, Leg.


4. Dans les Ouvrages de Fra-Paolo ( T . 4 , p. 19 1, & c.)s
on trouve un excellent Difcours fur Toriglne, les
droits, les limites & les abus des Sanâuazres. Il ob-
ferve judicïeufenient que Fariciertne G rèce contenoit
quinze ©11 vingt Afiles ou Sanâuaires, & «que ce nom­
bre fe trouveroit aujourd’hui dans l’enceinte d’ une feule
ville d’Italie.
de VEmpire Rom. Chap. XX. 48 5
voient implorer la juftîce ou la m iféri-
corde de la Divinité ou de Tes Miniftres ;
la rigueur du defpotifme Te trouvoit iuf-
pendue par l’interpofinon de PEglife, &
lapuiflante médiation des Evêques pou­
voir défendre la fortune & la vie des plus
illuftres citoyens.
V . L ’Evêque étoit le cenfeur perpé- V. CenfureS

tuel des mœurs de fon peuple C hrétien. P


L a difcipline de pénitence form oit un fyf-
têm e de Jurifprudence Canonique ( 1 1 4 ) ,
qui définiffoit avec foin les devoirs pu­
bi ics & particuliers de la confeilion, les
règles de l’évidence, les degrés des fautes,
6c la mefure des punitions. L e Pontife

(114) La Jurifprudence de la Pénitence fut fucce/IL


ment perfe&ionnée paries Canons des Conciles; mais il
reiloit encore beaucoup de cas à la décifion des Evêques*
A l’exemple du Préteur Romain , ils publièrent dans
chaque circonftance les règles de difcipline qu’ils fe
propofoient d’obferver* Parmi les Epîtres Canoniques
du quatrième fiècle , celles du grand Bafde font les
plus célèbres* Elles font inférées dans les Pande&es
de B e v e r id g e (T , 2, p. 4 7 - 1 5 1 .) , & traduites par
Chardon* HiiL des Sacremens, t* 4 , p. 219**77.
H h ii]
486 Ilijloire de la décadence
C h rétien auroit mal rempli la tâche de
ce tte cenfure fpiritu elle, l i , en püniiTant
les fautes obfcures de la multitude , il
eû t refpe&é les vices brillans & les
crim es deftru&eurs du M agiftrat ; mais
il n’étoit pas facile de blâm er la co n ­
duite du M agiftrat, fansinculper en même
temps l’Adm iniftrateur du G ouvernem ent
civil. D es conlïdérations de R eligion ou
de fidélité , de refpeét ou de c ra in te ,
m ettoien t la perfonne iacrée des E m ­
pereurs à l’abri du zèle & du reftentim ent
des Evêques ; mais les Prélats cenfu-
ro ien t & excom m un ioient hardim ent les
T yrans fubordonnés qui n’étoien t point
décorés de la pourpre. Saint Athanafe
excom m unia un M in iftred e l’Egypte ; il
prononça co n tre lui l’interdit du feu &c
de l’eau. C e d roit fut folennellement
tranfmis à l’Eglife de Cappadoce ( ” 5)-

(115) Buiîl, Epiftol. 47. dans Baronius (Annal. Eo


clefiaft. À . D . 370, n?. çi*)» qui raconte ce fait ex­
près, dit-il, pour prouver aux Gouverneurs qu’ilsn’é-
de l'Empire Rom. C hap. XX. 487
Sous le règne du fécond T h éo d o fe, l’élo­
quent & illuftre S y n èfe, un des defcen-
dans d’H ercule ( 1 1 6 ) , remplit le Siège
Epifcopal dé Ptolém aïs 3 près des ruines
de Tancienne Cyrène ( 1 1 7 ) , ôc le P rélac

toient point à l’abri d’ une fentence d’excommunica^


tion. Selon lu i, le Monarque lui-même pouvoir être
atteint par les foudres du Vatican ; & ce Cardinal
raifonne beaucoup plus conféquemment que les Jurif-
confultes 8c les Théologiens de i’Egîife Gallicane.
(116) La longue fuite de fes ancêtres jufqu’à Eu-
ryftènes , le premier Roi Dorique de Sparte, & le
cinquième defcendant d’Hercule , étoit infcritc fur les
regiftresde C y rèn e, ColonieLacédémonienne. Synère,
Epift. L V II , p. 197, edit. Petav- L ’Hiftoire du Monde
entier ne préfente point un fécond exemple d’ une fi
illuftre filiation de dix-fept cents ans, fans compter les
ancêtres d’Hercule.
(117) Synèfe (D e Regno , p. 2,) déplore pathé­
tiquement l’état obfcur Ôc malheureux dans lequel C y ­
rène eft réduite, FtcXii EMifHÎ , ira*¡¿(o? oyepa erifww ,
fp tfihi ftuptx raijr TTccX&i <rc(p&v. N ur oritfjç k* tctzTyipfiç , kJ ftty.ai

tuantev. Ptolémaïs, nouvelle cité, à quatre-vingt-deux


milles à l’occident de C yrèn e, obtint les honneurs
métropolitains de la H aute-Libye, qui furent tranf-
férés depuis à Sozufe. V oyez WeiTeling Ilinerar, p.
6 7 , 68, 732. Cellarius, Geograph. t. 2, part. 1 , p.
72-74. Charles à Sanfro P aolo, Geograph. Sacra, p.
H h ïv
488 Hijîoire de la decadence
Philofophe fournit avec dignité un ca­
ractère qu’il avoic revêtu avec répu­
gnance { 1 1 8 ) . Il vainquit le m o n tr e de
L ib y e , le Préiîdent A n d ro n iq u e , qui,
abufant de l’autorité^d’une charge vénale,
inventant chaque jour de nouvelles
tortures & de nouveaux m oyens d’exac­
tion , aggravoit le crim e de l’oppreiîion
par celui du facrilége ( 1 1 9). Après avoir

273. D ’A n v ille , Géographie ancienne, t. 3 , p. 43 ,


44. Mém. de TAcad. des Infcrija. , t- 37» p. 363*391.
(118) Synèfe avoit repréfenté combien il ¿toit peu
propre à FEpifcopat. Epift. c. 5 , p. 246-250. Il aimoit
les Sciences & les plaiiirs profanes , ne pouvoît fup-
porter les privations du célibat, avoit une foi fort in­
certaine , en conféquence de laquelle il n’étoit pas dif-
pofé à prêcher au peuple des vérités dont il n’étoit
pas convaincu, & vouloit conferver au moins Ip droit
de cultiver chez lui la Philofophie^ Théophile, Pri­
mat d'Egypte , qui connoiffoit le mérite de Synèfe,
accepta cette convention extraordinaire. V o y e z Vie
de Synèfe dans T illem ont; Mém. Eccléfiaft. t. 1 2 , p.
409-554.
(119) Lifez les inveftives de Synèfe , Epïft. 57,
p. 191-201. La promotion d’Andronique étoït illégale,
puifqu il étoit né à Bérénice dans la province ou il
commandûit. Les inftrumens de torture font foigneu-
de l ’Empire Rom. C hap. XX. 489
inutilem ent eilayé de corriger le M a-
giftrat par des rem ontrances pîeufes &C
m od érées, Synèfe lança la dernière ien-
ten ce de la Juftice Eccléfiaftique ( 1 2 0 ) ,
qui dévoue A n d ron iq u e, íes com plices
&L leurs fam illes, à la haine de la T erre Sc
du Ciel. L*es pécheurs im pénitens, plus
cruels que Phalaris ou Sennacherib, plus
deftruéteurs que la g u e rre , la pelle ou
une nuée de fauterelles , font privés du
nom & des privilèges du C h rétien , de
la participation aux Sacrem ens, & de
1’eípoir du Paradis. L ’Evêque exhorte le
C le rg é , lesM agiftrats & le peupflf à ceiler
toute fociété avec les ennemis du C hrift,
à les exclure de leurs tables &c de leurs

fement détaillés : les s o u preffes, les


Iss ft'ùJ'ofpttSti , les pivaàaŒfç, les earetypa., & les #ifAar/)o*
<pm i qui preffoient ou étendoient les doigts, les pieds,
le n ez, les oreilles , & les lèvres des victimes.r
(lao) La fentence ¿^excommunication eft écrite en
ftyle claffiquc ou de Rhétoricien (S yrèn e, EpiiL $8,
p. zo i-2 0 3 * ) L ’ufage injufte de comprendre des
familles entières dans les interdits, fut pouffé jufqu’à
envelopper une ville ou une nation entière.
490 Hijioire de la décadence
m aifons, à leur refufer tous les befoins
de la vie & tous les honneurs de la fé-
pulture. L’Eglife de Ptolém aïs, ii peu con-
iidérable q u elle puiiTe paroître , écrit à
toutes les Eglifes du M onde Tes fœurs,
ô£ les profanes qui ne reçoivent pas
fes décrets avec une fourmilion refpec-
tueufe , partagent le crime &C le châti­
ment d’Andronîque & de fes imitateurs
impies. U n com pte adroitement rendu à
la Cour de Byzance augmenta les terreurs
fpirituelles, & le Préiident épouvanté
implora la miféricorde de l’Egliiè. Le
descendant d’Hercule eut la fatisfaéfion de
relever de terre un Tyran profterné ( i %i).
D e tels principes , de pareils exemples
préparoient inleniiblem ent l’orgueil des
Pontifes à fouler aux pieds les plus fiers
des Souverains.
V I. Liberte V I. Le pouvoir de l’éloquence , ou ac-
de prêcher.
quife, ou infpirée par la N a tu re , s’eftfait

(121) V oyez Synèfe , Epift. 4 7, p. 186-1875 Epifl.


7 2 , p. 230-131.
de V E m p ir e R o m . C hap . X X . 491
ientir dans tous les Gouvernemens popu­
laires fe lle anime l’ame la plus froide , &
laplus faine raifoneif ébranléepar la com ­
munication rapide de l’impulfion générale.
Chaque Auditeur eft agité par fes propres
pallions ôc par celles de la multitude qui
l’environne; mais dès que la liberté civile
fut totalement détruite , les.Démagogues
d’Athènes èc les Tribuns de Rom e ont
été réduits au fiîence. L ’ufage de la pré­
dication , qui conilitue une partie de la
dévotion C h rétien n e, ne s’étoit point in­
troduit dans les Tem ples de l’A ntiquité,
& les oreilles délicates des Monarques
n’avoient pas encore été frappées par le
fon choquant de l’éloquence populaire,
quand les Chaires de l’Empire fe trou­
vèrent occupées par de pieux Orateurs qui
iouilToient de pluiîeurs avantages incon­
nus à leurs prédéceiTeurs profanes ( m ) .

(122) V o y e z TJiomaffin, Difcîpline de l'Eglife , t.


1
2 , . III, c. 83 , p. 1761-1770; & les Antiquités de
1
Bingham, vol. i , . x i v , c. 4, p. 66S-717. La pré­
dication étoit confidérce comme la fonûion la plus im-
49 z 'Hijloire de la décadence
Les argumens des Tribuns ne reftoient
pas fans réponies ; d’habiles Antagoniftes
avoient la liberté dé *fe faire entendre, .
8c comhattoient à armes égales. L a caufe
de la juftice 8c de la vérité pouvoir con-
ferver fon équilibre entre les efforts
oppofés des différens partis. L ’Evêque oii
le fimple Prêtre auquel il délègue avec •
précaution les pouvoirs de prêcher , ha­
rangue, fins crainte d’une réplique ou
meme d’être interrom pu, une multitude
foum ife, dont l’efprit a été préparé 8c fub-
' jugué par les cérémonies révérées de la
' R eligion. T e lle étpit la fubordination fé-
vère d e l’Eglife C ath o liq u e, qu’un Prim at
de Rome; ou d’Alexandrie pouvoir faire
retentir en un inftant des mêmes paro­
les toutes les Chaires d’Egypte ou d ’Ita­
lie (12.3). L e deilein de cette inflitution

portante de PEpifcopat ; mais on la confioit quelque­


fois à dé Amples Prêtres, tels qug - Ghryfoftôm e &
Auguilin.
(123) La ReineyElifabeth ie fervoit de ce moyen
quand elle avoit envie de difpofer Pefprit du peuple *

f
de VEmpire Rom. C h a p . X X . 493
étoit louable fans doute ; niais les effets?
gjgfBfent pas toujours falutaires. Les Pré*
dicateurs recom m andoicnt la pratique des
devoirs
,
d e là S o cié
(
té , mais ils exaltoient
1
la perfection de la vertu monaftique ,
auffi pénible à l’in d ivid u , qu’inutile au
genre humain. Leurs charitables exhor­
tations tendoient vinblement à donner
au Clergé le droit de diipofer de la for­
tune des fidèles opulens , fous prétexte
de foulager l’indigence. Les plus fublimes
repréfentâtions des L o jx divines 6c de
fes attribu ts, étoient défigurées par un
mélange de iubtilites m étaphyiiques, de
cérémonies puériles, Ôc de miracles fa­
buleux ; 6c ils appuyoient avec le zèle le
plus ardent fur le pieux mérite d’obéir
aux M iniftres de l ’Eglife , 6c de détefter
faintem ent tous fes adverfaires. Lorfque

en faveur de quelque innovation dans le G ouverne­


ment. Ces dangereufes trompettes donnèrent bien de
rembarras à fon iucceffeur, dont fils fut leur vic­
time. V o y e z la Vie d’Hélène, par l'Archevêque Laud,
P* ! 53 *
'4.94 Uifloire de la décadence
la tranquillité publique fut troublée par le
fchifme & par l’héréfie, ils firent éclateii^É
trompette de la difcorde ou peut-être delà
fédition.' Le my itère régnoit dans leurs
aflèmbléés ; ils fe livroient aux plus vio­
lentes invectives, & fortant en foule des
Tem ples d’A ntioche ôc d ’A lexan drie, ils
donnoient Ou recevoîent le martyr*
avec

une égale fureur. L a corruption du lan­
gage 8c du goût ie fait fortem ent fentir
dans les" déclamations véhémentes des
E v e q u e S . d i f c o u r s élo-
quens de G régoire & de Chryfoftôm e
ont été comparés aux plus fublimes m o­
dèles tic l’A ttique ou du moins de Î’A*
fie (114). - ■
VII. PtivilA* V I L Les repréfentans de la Répu­
g es d ’ Aifem -
blées légifla- blique Chrétienne s’affembloient régu­
tives.
lièrement tous lès ans dans le prin­
temps ôù dans l’au tonm e, ôc ces Synodes

(12.4) Ces Oîateurs rtiodeftes reconnoiflbient, hum­


blement qu’ils n’fvoient point le don *des m iracles,
& [qu’ils tâchoient d’y fuppléer par J’ art de l’éio*
quence* \ .
de l ’ Empire Rom. Ç h a p . X X . 49 5
répandoient l’efprit de la difcipline & de
la légiflation eccléfiaftique dans les cen t
vingt provinces qui com pofoient le M onde
Rom ain (115). L ’Archevêque ou M é tro ­
politain étoit autorifé par les L o ix à
faire comparoître les Evêques fuiTra-
gans de fon d io cèie, à examiner leur con­
duite, à la cenfurer ou à l’approuver, à dé­
fendre leurs droits , & à; pefer le m érite
des Candidats que le peuple & le C lergé
avoient choifis pour occuper les Sièges
vacans du C ollège Epifçopal. Les. Primats
de R o m e , d’A lexandrie | d’A n tio ch e, dç
C a rth a g e, & enfuite d eC on ftan tin op le,
qui exerçoient une Ju rifd ;|^ ^ f étendue,
afïem bloient tous les Evêques dépen-

( i a j ) Le Concile de N icée, dans les quatrièm e,


Cinquième, fixième & feptième C an ons, a fait quel­
ques Réglemens relativement aux S y n o d e s, aux M é­
tropolitains & aux Primats. L ’intérêt perfonnel a
füccefïiveroent falfifié & défiguré les Canons de ce C o n ­
cile. Les Egliïes Suburbicarïennes, aiîignées (par Rufin)
.. k l’Evêque de R o m e , orit été l’objet d’une contro­
verse violente. V o y e z Sirmond. O p éra , t. 4* p.
6 Uijloire de là décadence
dans de leur diocèie mais l ’Empe­
reur feul avoir le droit die Convoquer
extraordinairement, les Conciles géné­
raux. Quand les a flaires de TEglife
le x ig e o ie n t, le Souverain ajoura oit les
Evêques de toutes les provinces. On
leur paÿoit la dépenfe de leur v o y a g e ,
& les Polies impériales, recevaient un
ordre -¿de. leiït qui
le u r. :les pre-
m ie r s ^ ls j^ éta it plu-
tôt rojfe 1yte de
* u les dé-
bats religieux ,.dei'Epfnque ,par '.le. C o n ­
cile d’j^ ^ M B rfeá 'ivíéq u el les Evêques
d’Y o r c k d e T reves , de Carthage & de
M ila n , vin ren t, com m e amis êc com m e
frères , diicuter en fèm b le, dans leur Lan­
gue nationale, les intérêts généraux de
glife Latine ou O ccidentale (126).

(126) Nous n’ayons que quarântê~fepvfignamres épif*


copales^ mais Ado * dont l’autorité n’eft pas à la vérité
bien refpeéhble ? compte fix cents Evêques au C on A
eik? d’Arles, T ilîem on t? Mém, Eccléfiaft. t. 6 ? p* 412-
O n ze
de l ’Empire Rom. C h ap . X X . 497'
O n ze ans après, il fe tint une aiïèm -
blée plus nombreufe à N icée en Bithy-
n ie , pour anéantir, pdflune fentencç dé­
fin itive, les queftions fubtiles qu’on avoir
élevées en Egypte au fujet de la Sainte
Trinité. Trois cent dix-huit Evêques fe
rendirent aux ordres de l’E m pereur, ô£
on fait monter à d e u x , m ille quarante*
h u it , le nombre des Eccléiiaftiques de
tous les ra n g s, de „tous les ordres, §c
de toutes les dénominations qui s’y trou-t
vèrent (127). Les féafices continuèrent
pendant deux m ois, ôc l’Empereur les
honora fouvent de la préfençe. Il lajfs
foit fes Gardes-à la p o rte , ôc s’aiïeyo it,
avec la permiffion du C oncile , fur un
petit tabouret au milieu de la fallu,-
Hl' ^ ffl» 'Il 'I ■ I I . I I I 1 -v m -m m I. I tm

(12,7) V oyez Tillem ont, t, 6 ? p* 915 ; & Beaufdbre*


Hiftf du Mamchéifme , t. 1 „ p. 529» E e nom çTÇy^r
que donné par Eutychius aux deux mille quarante»
huit Eccléfiafiiques <A n n al,, t. 1 , p. 440, verf, Po*
ç o c k * )f s’étend fort au delà des limites d’pne ordir
nation orthodoxe ou même épifçopale.
Tome I F \ Ii
Hijtoire de la decadence
Conftantin écoutoit avec patience, Si
parlolt avec m odeftie ; Sc tout en diri­
geant les op in iéH i, il proteftoit Hum­
blement que les' fuceeffeurs des Apôtres
étoient les m aîtres, qu’il ne vouloir être
que leur M iniftre , SC ne prétendoit
p o in t à juger des Prêtres que D ieu
avoir établis pbùr régner fur la terre
5c lui donner des loix (118). U n fi
profond réfpeèE de la part d’un M o ­
narque ■ petit nom bre
desfes fujets foibles SC défiirm és, ne
pëut fe comparer qu’à la vénération
qu’avoient pour, le Sénat les Princes
Romains qui àdoptoient la politique
d’Augufte, : En confidéiant les’ étranges
vicifiitudes des cfiofes humaines , un
fpeflateur PhilofopUe auroit pu , dans
Ja révolution d'un dem i-fiècle, comparer
Trajan dans le Sénat de R o m e , à C o n f-

(128) V oyez Eusèbe, in Vit. C on ferir, L 1 1 1 -, c. 6*


a i, Tillemont^ Mém. Eccléfiafiiques, t, 6 , p. 6697
7 *9*
dé VEm pire Rom. C h a p * X X . 499
tan tin dans le C oncile de N icée. L es
Pères dü Capitole & ceux de FEgliie
avoient égalem ent dégénéré des vertus
de leurs prédécelTeurs * mais comm e les
Evêques étoient plus profondément
enracinés dans Fopinion publique , "ils
Soutinrent leur dignité avec plus de
décence , 6c s’opposèrent quelquefois
avec vigueur aux volontés de leur Sou­
verain* L e laps du temps & les pro­
grès de la lupecftition jpnt feît oublier
les foi bielles , l’ignorance Si les pallions
qui déshonoroient ces Synodes Ecclé-
fi^ftiques } & le M ond e Catholique s’eft
Unanimement fournis (119) aux décrets
t - ,

(129) Sancîmiùs igituf vicerti Leguiti oitlnere qui à


quatuor Sanclis Conciliis expofit a fùnt aut firmati* P n -
di Elarum enirti quatuor Synodorum dogmata f i eut fanElas
Scripturas & régulas ficut Leges obfervamus. Juftinien ,
N ovell. tX'XXî. Beveridge ( A d Pandeft. Prolegr p. i .)
remarque que les Empereurs n’ont jamais fait de Loi’
en matière eccléfiaffique % & Gîannone , au contraire,
obferve que les Empereurs donnoient la ianélion lé­
gale Aux Canons des Conciles- Iftoria C ivile di Napolî ,
t 1 , ps 136-
506
i /* *i 1 *

:( ijô ) V oye% l’Article Concile dans ^Encyclopédie *


t* 3 , p» 668-6795 édit, de Luccfues. Le DofEeur Bou-*
chaud a difcuté # d’après les principes de l’Eglife Gal­
licane , les principales quéftions relatives à la forme
& à là *conÎlituupn des Conciles provinciaux & na*
tionaüx. Les Editeurs (V o y e z Préface, p. 16*) ont
ïaifon de vanter cet Article , T u n des meilleurs de
leur immenfe^ c^ p îlatid h * ; v

.y1-»,. -yk .V
TA B L E
p e s M a tiè r e s c o n te n u e s d a n s c e q u a tr iè m e
V o lu m e .

JL h À N d ’ une n ouvelle c a p ita le .


3 A. D . 314»
S itu a tio n d e B y za n ce* 5
D e fc r ip tio n de C o n jia n tin o p le , 6
L e B o fp h o r e , • 7
L a P roponude. 11
L ’H ellefp o n t. H
'A van tages de la J itu a tio h de C o n jia n tin o p le, 19
F o n d a tio n de là v ille . za
Etendue^ de C o n jia n tin o p le, *5
P ro g rès des tra v a u x , 29
E d ific e s .
35
P o p u la tio n , 59
P riv ilèg es, 45
D é d ic a c e * 48 A. D.

Form e du G ouvernem ent * _ ou 3H-



H iérarchie de l ’ E t a t . 52
Trois rangs d ’honneur , 56
Zej C on fu ls, 58
L e s P a tr ic ie n s . 64
P r éfets du P r é to ir e l 69,
P r é fe ts de R o m e & de Conftantineple* 74
1 * 'M
i uj
I

50% T a b l e
4
Les P roco n fu ls ¿ V ic e - P r é fe t s . So
L e s G ouverneurs des P ro v in ces. 8z
O fficiers M ilita ir e s .
91
D ijîin c lio n des troupes. 97
R é d u é lio n des lég ion s. lo i
D if f ic u lt é des enrôlem ens. 104
O n augm ente le nombre des B a rb a res a u x ilia ir e s .
. 108
S ep t M in ifir e s d u P a la is * 112
L e > G f$ n d -M a ître des O ffices* ï 14
L e Q u e fie u r . 1.16
L e T réforier p u b lic* 110
L e Tréforier. '■ fiarûciftur*r; ;7 I2 Z
L e s Com tes dés â o m efiiqu es « IZ5
A g e n s ou E /p io n s de l à Cour* 1 2j
L ’ ufage des tortures* 119
L e trib u t général ou VindtÛion* ns
T r ib u t en form e de ca p ita tion 143
'\ Im p ô t f u r le commerce * U in d ü firie , 151
D o n s g ra tu ù s* ns
C araSèrê de C o n ß a n tin , 16 0
S es vertus, 16 2
S e s vices , 1 64
V e n u s de C rifp u s* 171
A* D* sitf.
Oftohr. io. Jaloufie de C o n ß a n tin * !74
A- D- í 16
Juillet.
*
D îfg r a ce 0 mort de C r ifp u s ï 176
L T m p é r a tr ic e F a u fla * 180
L e s f i l s & les neveux de C o n ß a n tin * 1 S5
/

d e s ' M a t i è r e s , 5°3
JLcur éducation. 18 7
M œ u r s des S arm ai es. 191
G u erre des G o th s . 198 A. D. $3j*
E x p u lfio n des S a rm â tes. 20} A* D* 33 4«
F a ctio n s à la C our . 2O5)
M a jfa cre des P r in c e s . 2 12
D iv ifio n de V E m p ir e . 2 l6 A* D. 337,
Sept,11,
S a p o r 5 R o i d e P e r je . 217
A. D, 3xo*
E t a t d e la M é fo p o ta m ie & de VArtriênie. 220
A. D. 337-
G u erre de P e r je . 215 360.
B a t a ille de S in g a r a . 2 1 6 A. D. 34S.
S ièg e de N iJ ib is. 2 }0 A. 0.33?,
34^»3 f 0,
Guerre civ ile j & m ort de C ô n fla n tin . 236 A. D. 340.
Mars.
M eu rtre de Confiant., 238 A D.3ço*
Février.
M a g n en ce & V étra n io prennent la pourpre. 242 A* D. 3fo.
Mars 1.
Conjlance refu fe de traiter. 245 A. D. 350.
Confiance dépofe V étra n io. * . 248 DA. D.
tcem br. z
F a it la guerre à M a g n en ce. 253 A. D.3$1.
Conquête d ’I t a l i e . 263 A, D. 351.
D ernière d é fa ite & m ort de M agnence. 266 A. D. ; f 3.,
Aoüc jo«
Pouvoir des E u n u q u e s. 271
E d u cation de G a llu s 0 de J u lie n . 27 6
G a llu s d écla ré Céfar. 278 A. D. 3j r.
Mars
Cruauté & im prudence de G a llu s . 280
M ajfacre des M in ijlr e s de V E m p ereu r. 283 A. D. 3$4.
E an g ereu fe J îtu à tio n de G a l l u s . 287
D tfg ra ce & m ort de G a llu s . 289 3
A .D . H*
Décembre.
i v:; : 504 - T ablé
A.d . 5çf- J u lie n efi envoyé à A th è n e s . 20 5
Mai‘ J u lie n e jl ra ppelé à M ila n , - 298

V. J u lie n ef i n0m m é Céf a r' ■ ‘ 5° 3


37
A D «' í . Confiance va à H om e. , ■ ■ ‘ ? 4 309
A vril 28.
U n ob elifq u e tra n fp o rté à R o m e p a r V ordre d e
C on fia n ce . 3 12
G u erre contre les Q u a d i & le s S a r m a te s. 3 15
lïé g o c ia tio n avec S a p o r , R o i de P e r je . 3*3
A .D , 3 <¡$i Invafion d e la M éjo p o ta m ie p a r S apor. 3l9
S iè g e d *A m id a ., ■[ v 33 2
A , D, 360* D e S in g a r a ï 337
V--'/ C on duite"deé^ périam s^ é l I ; i 340
•; - Invafion de la G a u le p a r les G e r m a i 344
-;\v C onduite de J u lie n . 347
A.d . 3yf* ^ P rem ière cam pagne : de J u liè n ^ à n s les G a u le s .
.r : " ■ ; '■ ^■ " p'" : - ;
;
,v . 35»
a . d . J57. Seconde cam pagne 'êe^ fiip U e/^ §ÿ - ■■■ rv-.-; .5 5 +
A: D; B a t a ille de Stra sbourg . ; ; ■ ^
Août. ■ " ; O \ v:". ;r ;v' ' ■ " ’ ; > 358
a . d . 558. J u lie n fu b ju g u e les Francs. : 363
a . d . 3ï7 v J u lie n f a i t trois e x p é d itio n s au d e là du R h in ;
3 S8 ? 3S?» ^ f‘ ■
3 6$
J u lie n répare les v ille s de la G a u le* 372
À à m in iflra tio n civ ile dè Ju lieru 375
D e fc n p tio n de P a r is . 379
JDate de la converflon de C o n fla n tin . 384
Superflition païenne de C o n fla n tin . 39°
Confiantin protege le s C hrétiens de la G a u le .

393
» es M a t i è r e s . 505
E d it d e M ila n , A , t >* $
395 Macs*
Théorie & p ra tiq u é à*obéijfance pajpve. 401
D r o it divin de C o n jla n tin . 405
L o y a u té & ¡(èle dit p a r ti C hrétien . 408
■s
L e L a bo ru m ou étendard de la C r o ix . 4 ' 4-
A p p a ritio n d ’ une c r o ix dans le ciel. 42 6
L a converjton d e C o n jla n tin pouvait être fin cère.

, . - - ÿ ■; ; - -,v 43 *
D év o tio n ù p riv ilè g e s de C o n jla n tin , 4 3 *■.
R em ife de fo r t baptêm e au m om ent de f a m ort.
441
P ro p a g a tio n d u C h r ijlia n ijm e . - ■ 447
Changem ent de la R e lig io n nationale. . 45 4
D ijlin é lio n entre la p u iffa n ce J p ir it i telle & la
puijfance tem p o relle. 45 5
E ta t des E v ê q u e s f o u s Ig ffd m p ereu rs C hrétiens.
460
I . E le â io n des E v ê q u e s pia f le peuple. •' 461
IJ. O rdination du C lerg é, 467
I I I , P ro p riétés. - 475
I V , J u r ifd ié lio n civ ile. 480
V , Cenfures fp ir itu e lle t:, 485
V I . L ib e r té de p rêcher. 1 490
V I I , P riv ilèg e d ’Â Jfem blées lég ijîa tiv es. 494

Fin de la Table des M atièeres,


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