Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
L'ETUDIANT
DE SALAMANQUE
D ESPAGNOL KX FRANÇAIS
PAR
R. FOULCHÉ-DELBOSC
PARIS
LIBRAIRIE H. WELTER
J9, RUE BONAPARTE, >9
I»93
L'ÉTUDIANT DE SALAMANQUE
MAÇON, PILOTAT FRERIS, I.VfRIMEl'RS
ESPRONCEDA
L'ÉTUDIANT
<< DE SALAMANQUE
D'ESPAGNOL EN FRANÇAIS
>AR
R. FOULCHÉ-DELBOSC
PARIS
LIBRAIRIE H. WELTER
59, RUE BONAPARTE, $9
1893
L'ÉTUDIANT DE SALAMANQUE
PREMIÈRE PARTIE
Tableau dramatique.
Personnages.
L'Ettiimnt it Satamuttqttt.
_ 18 —
SCÈNE I.
PREMIER JOUEUR.
La reine n'est pas encore sortie.
DEUXIÈME JOUEUR.
Quelle carte a-t-on retournée ?
PREMIER JOUEUR.
Le valet.
DEUXIÈME JOUEUR.
Voilà bien du bruit pour rien.
PREMIER JOUEUR.
J'ai perdu une fortune : par le Christ !
DEUXIÈME JOUEUR.
SCÈNE IL
Cavalier de noble prestance, la main gauche appuyée
sur le pommeau de l'épée, l'aspect mâle :
L'aile du chapeau relevée, de façon à dégager le front,
l'air vainqueur, — entra alors un gentilhomme.
PREMIER JOUEUR (à celui qui entre).
Don Félix, vous arrivez à propos.
DON FÉLIX.
Vous avez perdu ?
PREMIER JOUEUR.
L'argent que vous m'avez donné ainsi que cette maudite
bourse.
DEUXIÈME JOUEUR.
Don Félix de Montemar doit perdre. L'amour lui refu-
serait ses faveurs s'il le voyait gagner.
DON FÉLIX (dédaigneusement).
Maintenant j'ai besoin d'argent; je suis dégoûté de
l'amour.
(Aux assistants, avec hauteur.)
Je veux deux mille ducats, messieurs, pour cette chaîne.
(7/ ôte une chaîne qu'il porte à son cou.)
TROISIEME JOUEUR.
Voilà qui est taxé bien haut.
DON FÉLIX (avec hauteur).
Je la taxe au prix qu'elle vaut ; si vous avez d'autres
objections, parlez.
— ÎO —
(Aux assistants.)
Je la vends et la mets en loterie.
QUATRIÈME JOUEUR (à part).
Peut-on supporter un tel affront ?
DON FÉLIX.
Entre cinq, la somme est trouvée, c'est pour chacun,
si je ne me trompe, quatre cents ducats. A l'as de carreau I
Je commence.
(Il distribue des cartes que les joueurs prennent en silence.)
Une, deux...
(A celui qui a perdu.)
Je ne vous compte pas.
PREMIER JOUEUR.
Je n'en déplore que trop la cause.
TROISIÈME JOUEUR.
L'as! l'as! le voici.
PREMIER JOUEUR.
11 a gagné.
DON FÉLIX.
QUATRIÈME JOUEUR.
Qu'est-il sorti?
- -23
DEUXIÈME JOUEUR.
DON FÉLIX.
Combien donneriez-vous pour la dame ?
TROISIÈME JOUEUR.
Moi, la vie.
DON FÉLIX.
Je n'en veux pas. Voyez si vous pouvez me donner de
l'argent et elle est à vous.
TROISIÈME JOUEUR.
La bonne renommée que vous acquerrez entre les belles,
quand leur fierté découvrira que vous les captivez pour les
vendre ensuite I
DON FÉLIX.
Cela ne vous importe en rien. Voulez-vous la dame?
Je vous la vends.
TROISIÈME JOUEUR.
SCÈNE III.
SCÈNE IV.
Ut loueurs.
PREMIER JOUEUR.
Ce don Diego de Pastrana est un homme résolu ; il
n'est venu des Flandres que pour venger sa soeur.
DEUXIÈME JOUEUR.
Eh bien, il a commis là une jolie sottise ! J'ai le pres-
sentiment qu'il sera tué.
TROISIÈME JOUEUR.
Qui sait ? Parfois le hasard...
QUATRIÈME JOUEUR.
Je serais heureux qu'il le tuât.
QUATRIÈME PARTIE
Salio en 6n «te aquel estado, para caer ta
el dolor mas sombrio, en la ma* desalentada
desesperacion y en la mayor araargsre y
desconsuclo que pueden apodcrarse de este
pobrc corason hutnano, que tan positivamente
choca y se quebranta con los mates, como
con viicuedad aspira en algunoa moments»,
casi sicmpre sin conseguirlo, à tocar loa
Mené* ligéraniente y de pasada.
(La proiticwu d* un rnilrt ; novtla original
for D. Si'gutl d* lai San lot Alvartf),
SMRITl'S Ul'lDKM raoM»Tvs EST ; CABO
\1KO INFIRMA.
(5. Marc. Evang.)
Extase magique,
cantique idéal,
qui vague dans les airs
et en sonores rafales
va augmentant :
sublime et obscure,
rumeur prodigieuse,
-48-
sourd accent lugubre,
écho sépulcral;
musiques lointaines ;
roulement monotone
d'un tambour voilé de deuil ;
ouragan proche,
qui agite à peine
la cime de l'arbre
et brame déjà ;
vagues agitées
de la mer sauvage
dans la nuit sombre,
les vents en repos,
dont le rugissement
se mêle au gémissement
du mur qui trembleur
les sent arriver;
fracas effrayant,
présage infaillible
de la tempête.
Et en un rapide crescendo,
les sons lugubres
se font entendre de plus près
en un rauque bramement ;
comme un tonnerre qui dans les montagnes
va se répercutant,
comme rugissent les entrailles
d'un effroyable volcan.
Un bruit de voix, des cris,
un claquement d'os effilés,
un grincement de dents,
les fondations qui tremblent,
les dalles du pavé
qui vont s'ouvrant peu à peu
brisant leurs joints
en un éclatement effrayant,
- 49 ~
voilà ce qu'entend Montemar, et le bruit
croît plus proche, et en même temps
il entend se choquer des crânes
décharnés et séchés ;
la terre tremble autour de lui,
des vents en bataille beuglent,
les vagues en colère rugissent,
le tonnerre rauquc éclate,
des plaintes tristes s'exhalent,
des lamentations s'élèvent :
tout est en une furieuse harmonie,
tout est en un frénétique tapage,
tout est en un bouleversement confus,
tout est mêlé et divers.
Et bientôt le fracas augmente
confus et mêlé en un son
qui, rauque, dans les voûtes profondes
bourdonne et tonne furieusement ;
et un écho qui, aigu, semble
la voix de l'ange du jugement,
s'éleva en clameur stridente
effrayante et sonore;
il entendit â ses pieds, des tombes bouleversées,
les morts, entendant soudain
la haute volonté de Dieu,
claquer des dents avec fracas,
heurter les pierres de leurs crânes
en une rage et des efforts féroces,
essayant de briser la dalle
et de fuir de leur éternelle demeure.
Et tout à coup il sentit la salle
s'abtmcr dans une horrible explosion
et A ce bruit infernal
il vit cent spectres se dresser :
ils fixèrent sur lui les cavités de leurs yeux
et leurs doigts secs ;
L'Etudiant «V SaUmunatu. 4
- ^o -
puis se regardèrent entre eux
et le désignèrent de nouveau ;
et les mains gauches enlacées,
d'un geste de doute et d'effroi
le contemplant, et leurs mains droites étendues
avec étonnement vers l'audacieux mortel,
s'approchèrent lentement
et l'entourant, inclinèrent
leur tête desséchée, dont la grimace
immobile et ironique, indiquait la crainte.
i
Et ce vertige si continuel,
à ce charme si funeste,
à ce chant si horrible,
à cette lutte si terrible ;
entre les bras lubriques
qui le pressent prisonnier,
entre les mille caresses
du squelette hideux,
le courage jamais abattu
Montemar affaibli
sentit lui manquer
son corps déjà éreinté ;
et en même temps que son esprit
dément sa faiblesse,
_ 54 —
la matière flasque et vile,
commence à s'évanouir.
11éprouve un délire
confus, étrange,
une langueur, des nausées
et une angoisse excessive :
il voit des ombres et des lumières,
la salle qui tourne
et des esprits
qui vont et viennent.
Puis au loin,
tristement à son oreille
un écho dolent
et languissant résonna,
comme la mélodie
qu'une brise d'amour
et un souffle d'harmonie
ont formée la nuit.
Il sent bientôt
sa poitrine oppressée
et défaillante,
ses yeux troubles,
ses paupières lourdes,
tomber mollement :
sa tète s'incline
sur sa poitrine,
et malgré lui,
il sent ses bras
alanguis, faibles
tomber inertes.
Puis il voit
une flamme
qui s'enflamme
- 55 —
et meurt;
il entend l'écho
perdu
d'un gémissement
qui a expiré.
Telle, douce,
soupire
la lyre
que frappa,
en un suave
accord,
du vent
la voix
légère,
son
bref.