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La poésie
du XIXè siècle au XXIè siècle
Lycée Jean Perrin de Lambersart – 1G4
Victor Hugo, Les voix intérieures (1837), « À l'arc de triomphe », II, v. 1-24
II
Théophile Gautier, Émaux et camées, « L' Obélisque de Paris » (1852) [passage commenté (en
gras) : vers 49-72]
L'obélisque de Paris
Les aveugles
LE SOLEIL
L'aube spirituelle
Quand chez les débauchés l'aube blanche et vermeille
Entre en société de l'Idéal rongeur,
Par l'opération d'un mystère vengeur
Dans la brute assoupie un ange se réveille.
Le roman et le récit
du moyen âge au XXIè siècle
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Dans le livre I de ses Confessions, Rousseau avait évoqué les premières années de son enfance, qui
l'ont vu passer de tuteur en tuteur avec de plus en plus de difficultés. Le livre II est marqué par son
départ de sa Suisse natale. Rousseau a alors seize ans. Emerveillé par la beauté de Madame de
Warens qui le recueille et le convainc de se convertir au catholicisme, il est finalement envoyé à
Turin, dans un hospice pour catéchumènes. Il est accompagné dans son voyage par M. Sabran,
« manant » rencontré chez Madame de Warens, et son épouse.
Je m'acheminais gaiement avec mon dévot guide et sa sémillante compagne. Nul accident ne troubla
mon voyage ; j'étais dans la plus heureuse situation de corps et d'esprit où j'aie été de mes jours.
Jeune, vigoureux, plein de santé, de sécurité, de confiance en moi et aux autres, j'étais dans ce court,
mais précieux moment de la vie, où sa plénitude expansive étend pour ainsi dire notre être par
toutes nos sensations, et embellit à nos yeux la nature entière du charme de notre existence. Ma
douce inquiétude avait un objet qui la rendait moins errante et fixait mon imagination. Je me
regardais comme l'ouvrage, l'élève, l'ami, presque l'amant de Mme de Warens. Les choses
obligeantes qu'elle m'avait dites, les petites caresses qu'elle m'avait faites, l'intérêt si tendre qu'elle
avait paru prendre à moi, ses regards charmants, qui me semblaient pleins d'amour parce qu'ils m'en
inspiraient, tout cela nourrissait mes idées durant la marche, et me faisait rêver délicieusement.
Nulle crainte, nul doute sur mon sort ne troublait ces rêveries. M'envoyer à Turin, c'était, selon moi,
s'engager à m'y faire vivre, à m'y placer convenablement. Je n'avais plus de souci sur moi-même ;
d'autres s'étaient chargés de ce soin. Ainsi je marchais légèrement, allégé de ce poids ; les jeunes
désirs, l'espoir enchanteur, les brillants projets remplissaient mon âme. Tous les objets que je voyais
me semblaient les garants de ma prochaine félicité. Dans les maisons j'imaginais des festins
rustiques ; dans les prés, de folâtres jeux ; les long des eaux, des bains, des promenades, la pêche ;
sur les arbres, des fruits délicieux ; sous leurs ombres, de voluptueux tête-à-tête ; sur les montagnes,
des cuves de lait et de crème, une oisiveté charmante, la paix, la simplicité, le plaisir d'aller sans
savoir où. Enfin rien ne frappait mes yeux sans porter à mon coeur quelque attrait de jouissance. La
grandeur, la variété, la beauté réelle du spectacle rendait cet attrait digne de raison ; la vanité même
y mêlait sa pointe. Si jeune, aller en Italie , avoir déjà vu tant de pays, suivre Annibal à travers les
monts me paraissait une gloire au-dessus de mon âge. Joignez à tout cela les rations fréquentes et
bonnes, un grand appétit et de quoi s'en contenter ; car en vérité ce n'était pas la peine de m'en faire
faute, et sur le dîner de M. Sabran, le mien ne paraissait pas.
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Commencés en 1803, rédigés principalement de 1811 à 1822, et achevés de 1830 à 1841 , les
Mémoires d'Outre-tombe sont l'oeuvre majeure de Chateaubriand. Enfant, le jeune François-René
habite Saint-Malo avec sa mère et ses soeurs, tandis que son père vit au château de Combourg,
qu'il avait décidé de réinvestir après des années de semi-abandon. C'est cet endroit que la famille
rejoint en 1877, alors que François-René a 18 ans, après que leur demeure de Saint-Malo a pris
feu.
M. de Chateaubriand, retiré dans son château, appela sa femme près de lui : il fallut le rejoindre au
printemps. Le printemps, en Bretagne, est plus doux qu'aux environs de Paris, et fleurit trois
semaines plus tôt. Les cinq oiseaux qui l'annoncent, l'hirondelle, le loriot, le coucou, la caille et le
rossignol, arrivent avec des brises qui hébergent dans les golfes de la péninsule armoricaine. La
terre se couvre de marguerites, de pensées, de narcisses, d'hyacinthes, de renoncules, d'anémones,
comme les espaces abandonnés qui environnent Saint-Jean de Latran et Sainte-Croix-de-Jérusalem,
à Rome. Des clairières se panachent d'élégantes et hautes fougères ; des champs de genêts et
d'ajoncs resplendissent de leurs fleurs qu'on prendrait pour des papillons d'or. Les haies, au long
desquelles abondent la fraise, la framboise et la violette, sont décorées d'aubépine, de chèvrefeuille,
de ronces dont les rejets bruns et courbés portent des feuilles et des fruits magnifiques. Tout
fourmille d'abeilles et d'oiseaux ; les essaims et les nids arrêtent les enfants à chaque pas. Dans
certains abris, le myrte et le laurier-rose croissent en pleine terre, comme en Grèce ; la figue mûrit
comme en Provence : chaque pommier, avec ses fleurs carminées ressemble à un gros bouquet de
fiancée de village.
Au douzième siècle, les cantons de Fougères, Rennes, Bécherel, Dinan, Saint-Malo et Dol, étaient
occupés par la forêt de Bréchéliant : elle avait servi de champ de bataille aux Francs et aux peuples
de la Dommonée. Wace y raconte qu'on y voyait l'homme sauvage, la fontaine de Barenton et un
bassin d'or. Un document historique du quinzième siècle, les Usements et coutumes de la forêt de
Brécilien, confirme le roman de Rou : elle est, disent les Usements, de grande et spacieuse
étendue ; « il y a quatre châteaux, fort grand nombre de beaux étangs, belles chasses où n'habitent
aucune bêtes vénéneuses, ni nulles mouches, deux cents futaies, autant de fontaines nommément la
fontaine de Bélenton, auprès de laquelle le chevalier Pontus fit ses armes. »
Aujourd'hui, le pays conserve les traits de son origine : entrecoupé de fossés boisés, il a de loin l'air
d'une forêt et rappelle l'Angleterre : c'était le séjour des fées, et vous allez voir qu'en effet j'y ai
rencontré ma sylphide. Des vallons étroits sont arrosés par de petites rivières non navigables. Ces
vallons sont séparés par des landes et par des cépées de houx. Sur les côtes, se succèdent phares,
vigies, dolmens, constructions romaines, ruines de châteaux du moyen âge, clochers de la
renaissance : la mer borde le tout. Pline dit de la Bretagne : Péninsule spectatrice de l'Océan.
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Beau midi, tu me plais, mais je ne t'aime pas. Tu me séduis parce que tu brilles, parce que ton soleil
irrésistible chauffe mes épaules d'une caresse rude, me rend plus active qu'un lézard qui court en
rond sur une pierre chaude, et joue sur la mer qui s'anime et pâlit à son gré… Mais je ne t'aime pas.
Tu fleuris, Midi trompeur, Midi empressé, et ta jonquille, ta violette, ton amandier rosé n'attendent
pas le vrai printemps, – mais qu'ai-je à faire de fleurs sans feuilles, sans leurs feuilles tendres,
enroulées en cornet et pointues comme deux petites oreilles de faune ?… L'herbe, sur tes pentes,
verdit, mais pique et ne saigne pas quand je l'écrase, ce sang pâle et sucré dont le parfum grise…
Tes verdures éternelles, palmiers et cactus, aloès et rosiers hivernants, blessent la main, déchirent la
robe… Enfin, Midi menteur, tu fleuris et n'embaumes pas. Vraiment, sous le banal parfum de tes
fleurs, mon âme forestière quémande ici l'odeur même de la terre, la souveraine odeur du sol vivant,
fertile, humide… Le geste amoureux qui me penche, narines ouvertes, vers un pré arrosé de pluie
tiède, n'a point ici sa récompense ; et tu n'es que poudre blanche et que rocs fleuris.
Il y a moins de printemps parmi ces roses, sous ces orangers lumineux d'oranges mûres, que dans un
seul jour de dégel, là-bas, en mon pays aux collines voilées !… Joli Midi menteur, je donnerais
toutes tes roses, toute ta lumière, tous tes fruits, – pour un tiède et frais après-midi de février où,
dans le pays que j'aime, la neige bleuâtre fond lentement à l'ombre des haies et découvre, brin à
brin, le jeune blé raide, d'un vert émouvant… Sur l'épine encore noire, un merle verni glougloute
mélodieusement, égoutte des notes limpides et rondes, – et le parfum de la terre délivrée, l'arôme
sûr qui monte du tapis de feuilles mortes macérées quatre mois, triturées par le gel et la pluie,
emplissent mon coeur de l'amer et incomparable bonheur printanier…
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Elle refusait régulièrement aussi de prêter géraniums doubles, pélargoniums, lobélias, rosiers nains
et reines-des-prés aux reposoirs de la Fête-Dieu, car elle s'écartait – baptisée, mariée à l'église – des
puérilités et des fastes catholiques. J'obtins d'elle la permission de suivre le catéchisme entre onze et
douze ans, et les cantiques du « Salut ».
Le premier mai, comme mes camarades de catéchisme, je couchai le lilas, la camomille et la rose
devant l'autel de la Vierge, et je revins fière de montrer un « bouquet béni ». Ma mère rit de son rire
irrévérencieux, regarda ma gerbe qui attirait les hannetons au salon jusque sous la lampe :
- Crois-tu qu'il ne l'était pas, déjà, avant ?
Je ne sais d'où lui venait son éloignement de tout culte. J'aurais dû m'en enquérir. Mes biographes,
que je renseigne peu, tantôt la peignent sous les traits d'une rustique fermière, tantôt la traitent de
« bohème fantaisiste ». L'un d'eux, à ma stupeur, va jusqu'à l'accuser d'avoir écrit des œuvrettes
littéraires destinées à la jeunesse !
Au vrai, cette Française vécut son enfance dans l'Yonne,son adolescence parmi des peintres, des
journalistes, des virtuoses de la musique, en Belgique, où s'étaient fixés ses deux frères aînés, puis
elle revint dans l'Yonne et s'y maria, deux fois. D'où, de qui lui furent remis sa rurale sensibilité, son
goût fin de la province ? Je ne saurais le dire. Je la chante, de mon mieux. Je célèbre la clarté
originelle qui, en elle, refoulait, éteignait souvent les petites lumières péniblement allumées au
contact de ce qu'elle nommait « le commun des mortels ».
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Colette, Les Vrilles de la vigne, « De quoi est-ce qu'on a l'air » (p.217-218)