TECHNIQUES RÉGLEMENTATION

REVÊTEMENTS DE SOLS SCELLÉS

UNE MISE À JOUR

RADICALE MAIS
NÉCESSAIRE
DU NF DTU 52.1

TEXTE : FRANCK GAUTHIER En raison d’un taux de sinistralité trop élevé, la

PHOTOS & ILLUSTRATIONS : JEAN-MARC LAUBY/
nouvelle version du NF DTU 52.1 exclut dorénavant la
AQC, THIERRY TOFFOLI/UNA MC–CAPEB)

pose scellée flottante et désolidarisée des carreaux céramiques (et assimilés)

en plancher intermédiaire des bâtiments d’habitation collectifs. En parallèle,
un groupe de professionnels et de scientifiques a pour mission d’analyser en
profondeur ces sinistres pour envisager des solutions préventives et un
éventuel futur retour de cette technique pour cet usage.
Photo © Thierry Toffoli/Una MC–Capeb

Exemple de sol extérieur réalisé avec des carreaux 60 x 60 cm.

60 QUALITÉ CONSTRUCTION • N° 182 • SEPTEMBRE / OCTOBRE 2020

C
haque année, les revêtements de sols
intérieurs ont le triste privilège de figurer
dans le trio de tête du nombre de sinistres
déclarés au titre de la garantie décen-
nale. D’après l’édition 2020 du Rapport de
l’Observatoire de la Qualité de la Construction, publié
par l’AQC, ils mobilisent à eux seuls environ 16 %
des coûts de réparation sur la période 2017-2019
en logements collectifs (1). La majeure partie de ces
sinistres provient des carrelages et notamment de
ceux qui sont scellés directement sur une sous-couche
acoustique en plancher intermédiaire de logements
collectifs. « Il s’agit d’une technique largement employée
depuis plusieurs dizaines d’années. Elle présente néan-
moins un retour de sinistralité élevé mais identifier
clai­rement la cause de ces sinistres demeure difficile,
faute d’éléments concrets sur les paramètres conduisant
à ces désordres », explique Mathieu Dumas, membre
de la commission de rédaction du NF DTU 52.1
Revêtements de sols scellés et directeur général de
la société M3-Mosaïlux. « Est-ce lié à un problème de
retrait du mortier de scellement, phénomène qui lui-
même serait amplifié par son emploi directement sur
une sous-couche isolante ? Ou bien cela provient-il de
la faible épaisseur des carreaux céramique employés
dans les parties privatives par rapport à ceux mis en
œuvre dans les parties communes ? En fait, iI est pro-
bable qu’un ensemble de facteurs soit à l’origine de ces
sinistres mais il reste difficile, à ce jour, de déterminer la
part de responsabilité de chacun d’entre eux », analyse
Nadège Ombé-Njiamo, secrétaire générale de l’Union
nationale des carreleurs, chapistes et projeteurs de
polyuréthane, au sein de la Fédération française du
bâtiment (UNECP-FFB).
« Toujours est-il que la situation était difficilement tenable
en l’état. Neuf ans après la réception d’un chantier, il
arrivait que certains syndics fassent réaliser un relevé
exhaustif des fissures présentes dans les différents
logements d’une copropriété pour ensuite faire jouer
leur assurance Dommages-Ouvrage, juste avant sa date
limite. Pour l’entreprise, cela peut alors se traduire par
des coûts de réparation très élevés puis de sérieuses
difficultés en matière d’assurabilité pour ses chantiers
futurs », signale Christophe Dufour, président du
GS13, vice-président de l’UNECPB-FFB et dirigeant
d’Aquitaine Céramique.
Restreindre
le champ d’application
« Les travaux de révision du NF DTU 52.1 ont commen­cé
dès 2014 et leurs résultats étaient attendus avec impa-
tience par l’ensemble de la profession. La démarche
logique était évidemment de chercher et de trouver
des solutions pour limiter de manière significative le
nombre de sinistres liés à la pose scellée en logement
collectif. Malheureusement, aucune solution claire n’est
apparue pour le moment. D’où la décision radicale de
la commission de normalisation, mais nécessaire
pour arrêter l’hémorragie, d’exclure la pose scellée de
carreaux céramiques, directement sur la couche de
(1) Le Rapport 2020 de l’Observatoire de la Qualité de la Construction est téléchargeable sur le site Internet de l’AQC à l’adresse https://qualiteconstruction.com/
publication/rapport-observatoire-qualite-construction-edition-2020.
“La majeure désolidarisation et sur les sous-couches acoustiques et
thermiques des planchers intermédiaires de logements
partie de collectifs, de la nouvelle version de ce NF DTU », explique
ces sinistres Nadège Ombé-Njiamo.
« C’était pourtant la technique la plus couramment
provient des utilisée dans certaines régions de France, comme
carrelages l’Occitanie. Mais cette exclusion n’est pas une première :
la pose scellée des carreaux céramiques et assimilés
et notamment pour la réalisation des sols de certains locaux à fortes
sollicitations tels que les hypermarchés n’entre déjà plus
de ceux qui dans le cadre de ce NF DTU depuis plusieurs années »,
sont scellés rappelle Mathieu Dumas.
« Il faut bien garder présent à l’esprit que cette nouvelle
directement version du NF DTU apporte seulement une réponse
provisoire à ce problème. En parallèle, il faut essayer de
sur une trouver les causes ou conjonctions de causes vis-à-vis
sous-couche desquelles une solution technique et/ou méthodolo-
gique pourra être élaborée pour y remédier. Pour cela,
acoustique il faudrait déjà pouvoir réaliser des expertises plus
poussées au niveau des sinistres car il manque souvent
en plancher des informations essentielles, comme la présence ou
intermédiaire pas d’une sous-couche isolante, sa nature, etc. Bref, il
ne s’agit plus d’avoir des convictions mais des certitudes
de logements pour diminuer à l’avenir la fréquence d’apparition de
collectifs” ces pathologies », indique Jean-Luc Thomas, expert
conseil bâtiment de Socabat.
« Raison pour laquelle un groupe de travail, associant
des professionnels et des scientifiques, a été constitué
en 2019 pour trouver ce qui conduit à l’apparition de ces
désordres et y apporter une solution préventive efficace.
Cela permettra ensuite d’envisager une future nouvelle
version de ce NF DTU mettant fin à cette exclusion »,
commente Nadège Ombé-Njiamo.
« Plusieurs hypothèses existent pour tenter d’expliquer
cette sinistralité. Cela va être le rôle de ce groupe de tra-
vail d’identifier les raisons de ce problème. Aucun tabou
ne doit subsister et il faut aussi ne pas hésiter à se poser
certaines questions sur la qualité du carrelage mis en
œuvre, notamment. En logement collectif, la tendance à
toujours vouloir tirer les prix vers le bas à tous les niveaux
se traduit, dans certains cas, par l’emploi de carreaux
d’épaisseur trop réduite ou de carreaux dont la force de
rupture s’avère insuffisante », signale Thierry Toffoli,
président de l’Union nationale artisanale Maçonnerie
carrelage de la Confédération de l’artisanat et des
petites entreprises du bâtiment (Una MC-Capeb) et
dirigeant d’une entreprise de carrelage.
Du fait de la faible sinistralité enregistrée, la pose scel-
lée des pierres naturelles peut quant à elle continuer,
tout comme la pose scellée de carreaux céramiques
et assimilés dans les maisons individuelles ou sur les
planchers bas (hors planchers sur vide sanitaire) des
bâtiments d’habitation collectifs. www
SEPTEMBRE / OCTOBRE 2020 • N° 182 • QUALITÉ CONSTRUCTION 61
TECHNIQUES RÉGLEMENTATION

Recourir plus grands, si nécessaire », précise Mathieu Dumas.

à une technique alternative
« Face à la perspective de cette mise à jour du NF
DTU 52.1, différents types de réactions ont pu être
observés. Certains maîtres d’ouvrage se sont dépêchés
de passer leurs appels d’offres avant la date butoir pour
réaliser leurs derniers chantiers en pose scellée, de
peur de voir augmenter leur coût. Quelques entreprises
pensent continuer avec cette technique, via une demande
d’extension de garantie auprès de leur assureur, puisqu’il
ne s’agira plus d’une “technique courante”, mais cela
se traduira par un surcoût. Nombre d’entreprises qui
faisaient essentiellement de la pose scellée se sentent
aussi un peu pénalisées dans un premier temps. Mais la
plupart d’entre elles ont déjà compris qu’en raisonnant
dans le cadre d’un budget global, elles ne seront pas
perdantes au final. En effet, elles ne subiront plus le risque
d’avoir à payer des années plus tard le coût de réparation
d’un chantier. Celles-ci ont donc souvent déjà anticipé ces
mesures », précise Nadège Ombé-Njiamo.
En plancher intermédiaire de logements collectifs,
l’alternative est simple : le collage des carreaux
céramiques (ou assimilés) sur une chape, fluide ou
traditionnelle, coulée sur la sous-couche isolante. « Il
s’agit d’une réalisation en deux temps, contrairement à la
pose scellée. On réalise la chape en respectant le temps
de séchage préconisé puis on vient coller les carreaux.
On obtient ainsi un support lisse et propre, qui respecte
les tolérances du support décrites dans le NF DTU 52.2,
ce qui permettra de poser des formats de carreaux
Dans les régions de France où le coût de la construc-
tion est supérieur à la moyenne ou dans les projets
immobiliers de standing, la pose collée était déjà for-
tement employée. « Certains clients comprennent bien
que les prix augmentent un peu, ce qui est la contrepartie
d’une augmentation de la qualité, d’une amélioration de
la propreté sur les chantiers et de la possibilité de choisir
des carreaux de plus grandes dimensions. Les autres
n’étaient pas au courant du problème. Pour les projets
très justes au niveau des coûts, cela va dépendre de la
capacité de l’entreprise à modifier sa méthode de travail
et du promoteur à justifier au client final la meilleure
qualité des sols », explique Mathieu Dumas.
« Le collage sur chape intermédiaire engendre certes
un surcoût mais avec des avantages en contrepartie. Il
apporte une bonne réponse à la demande de carreaux
toujours de plus grandes dimensions. Le 60 x 60 cm se
banalise et la pose de carreaux de 80 x 80 ou 90 x 90 cm
n’est possible que par collage. De plus, le maître d’œuvre
qui dispose d’une chape désolidarisée peut modifier
son projet jusqu’au dernier moment : elle peut recevoir
aussi bien un sol souple qu’un parquet ou un carrelage,
sans que cela pose de problème sur le plan acoustique »,
précise Christophe Dufour.
« Cette exclusion était annoncée de longue date, tout
le monde en a donc logiquement entendu parler et a
eu le temps de se préparer au changement. Au niveau
de la réalisation des travaux, passer du scellement au
collage implique aussi une modification du planning du

“Le collage sur chape intermédiaire engendre certes un surcoût mais

avec des avantages en contrepartie. Il apporte une bonne réponse à
la demande de carreaux toujours de plus grandes dimensions”

ENTRETIEN

THIERRY TOFFOLI > Président de l’Union nationale artisanale Maçonnerie carrelage de la

Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Una MC-Capeb)

La nécessité de développer de nouveaux outils

« Dans les centres d’apprentissage,
les jeunes ne sont quasiment plus
formés à la pose scellée. En effet,
la tendance générale sur les chantiers
est d’effectuer de moins en moins de
pose scellée dans le neuf et quasiment
plus en rénovation. C’est notamment
dû aux carreaux de grand format qui
attirent l’œil des architectes et des
décorateurs, en particulier parce qu’il y
a moins de joints, ce qui permet de
chasser sur le terrain du béton ciré,
des sols PVC… En parallèle, l’offre
des industriels va dans ce sens.
Il serait donc logique qu’ils se mettent
à développer des outils facilitant leur
mise en œuvre. Car passer des anciens
petits carreaux 20 x 20 cm à des
carreaux 60 x 60 cm revient à
multiplier leur surface par neuf mais
aussi leur poids. Comme ils sont tenus
en extension à bout de bras, c’est une
opération physique et donc fatigante.
Pour améliorer les conditions de pose
des carreaux de grand format,
il faudrait peut-être se rapprocher
des fabricants de machines de pose
de vitrines qui produisent des
systèmes de ventouses à air
comprimé, par exemple. Ou pourquoi
pas envisager d’équiper les ouvriers
d’un exosquelette qui démultiplierait
leurs capacités ? Cela sous-entendrait
alors de sérieux investissements dans
la Recherche & Développement dans le
secteur du bâtiment. » n

62 QUALITÉ CONSTRUCTION • N° 182 • SEPTEMBRE / OCTOBRE 2020

chantier. Au lieu d’une pose en continu, à l’avancement,
la première étape consiste à couler la chape sur tout un
plateau, ce qui sous-entend qu’il ne soit pas encombré.
Quelques semaines plus tard, l’entreprise revient pour
coller les carreaux. Entre ces deux étapes, certains
corps de métiers, comme les peintres par exemple,
peuvent évidemment intervenir, et même avec leurs
échafaudages », rappelle Thierry Toffoli.
Un domaine d’emploi mieux défini
Publiée en février 2020, cette nouvelle version rem-
place donc celle de novembre 2010 (qui elle-même
succédait à celle de 2003). Elle comporte les clas-
siques trois parties : un Cahier des Clauses Techniques
types (CCT), un volet Critères Généraux de choix des
Matériaux (CGM) et un Cahier des Clauses adminis-
tratives Spéciales types (CCS).
Depuis le 1er mai, ce NF DTU s’applique à tous les
marchés, aussi bien publics que privés.
Les supports visés par ce document sont à base de
ciment. Ils doivent être neufs ou mis à nu. Dans la
partie P1-1 de ce document, deux tableaux détaillent
l’âge minimal du support en fonction de la nature des
sollicitations du local et du mode de scellement prévu.
Cela va de deux semaines pour un dallage sur terre-
plein en pose désolidarisée ou flottante, à six mois
pour un plancher constitué de dalles alvéolées (en
béton armé ou précontraint) avec dalle collaborante
rapportée en béton armé, par exemple.
La pose scellée sur les Planchers rayonnants élec-
triques (PRE) ou sur les ouvrages intérieurs étanchés
par un Système d’étanchéité liquide (SEL) n’est pas
visée par ce document.
Ce NF DTU concerne les sols à sollicitations faibles,
modérées ou fortes. Pour le classement des locaux,
on pourra se référer au classement UPEC du Cahier
du CSTB n° 3782_V2. Les locaux à faibles sollicitations
(assimilés aux locaux P2 ou P3 du classement UPEC
des locaux) sont ceux à usages pédestres et destinés
aux activités humaines usuelles, tels que les locaux
d’habitation, les bureaux, les boutiques, les salles
de classe… Les locaux à sollicitations modérées
(assimilés aux locaux P4) sont les locaux à usages
pédestres et subissant des sollicitations méca-
niques de roulages, tels que les mails, les galeries
commerciales… Les locaux à fortes sollicitations
(assimilés aux locaux P4S) sont ceux soumis à des
charges statiques ou dynamiques importantes. Sont
exclus les sols dont les caractéristiques de roulage
dépassent celles indiquées dans la partie 1-1 du
NF DTU (hypermarchés, par exemple).
Pour les pierres naturelles, le classement des locaux
repose sur la norme NF B10-610 qui distingue les
locaux à usage individuel de ceux à usage collectif
modéré (bureaux, boutiques, halls d’entrée, salles de
classe…) ou à usage collectif intensif (mails, galeries
commerciales, aéroports, gares…).
Les sols extérieurs sont également concernés, qu’il
s’agisse des balcons, des loggias, des terrasses pri-
vatives ou bien des circulations piétonnes des locaux
d’habitation ou d’activité. Ce document est applicable à
toutes les zones climatiques ou naturelles françaises,
à l’exclusion des ouvrages extérieurs dont le terrain
naturel est situé à plus de 900 m d’altitude. www
CE QUE RÉVÈLE
L’ÉTUDE DES
PATHOLOGIES
L’étude publiée en novembre 2019
par Jean-Pierre Thomas, expert
spécialiste carrelage du réseau
Eurisk, pour le compte de l’AQC,
portait sur plus de 400 dossiers
d’expertise. Il en ressort que
la fissuration des carreaux (64 %
des dossiers) est la pathologie qui
apparaît la plus tardivement après
la réception du chantier (délai
moyen de réclamation 7,5 ans).
Dans plus de la moitié des cas,
des fissures coupantes mettent
en cause la sécurité d’usage des
locaux. La dimension des carreaux
ou la présence d’un plancher
chauffant n’a pas d’incidence sur
la fréquence d’apparition de cette
pathologie. En revanche, le mode de
pose (lorsqu’il est précisé) joue un
rôle majeur : cette pathologie affecte
trois fois plus la pose scellée que la
pose collée. Certains paramètres
constituent des facteurs
aggravants : les contraintes
thermiques devant les baies
exposées à l’ensoleillement, la
présence d’angles rentrants ou
l’absence de fractionnement au
niveau des seuils de portes ou
l’absence de joints souples
périphériques (1).
Cette pathologie apparaît
essentiellement dans les parties
privatives des bâtiments résidentiels
(86 % des cas de cette pathologie).
Elle proviendrait majoritairement
du lent phénomène de retrait
différentiel du mortier de
scellement (86 % des causes) lors
de son séchage qui se prolonge
dans le temps en raison du faible
échange d’humidité avec
l’atmosphère ambiante, dû à la
présence du revêtement carrelé.
(1) L’étude Sols carrelés : points de vigilance (novembre 2019) est téléchargeable sur
le site Internet de l’AQC à l’adresse https://qualiteconstruction.com/publication/sols-
carreles-points-de-vigilance.
SEPTEMBRE / OCTOBRE 2020 • N° 182 • QUALITÉ CONSTRUCTION
L’existence d’une sous-couche
isolante sous-jacente, de par son
caractère compressible, accentue
logiquement la sensibilité du
revêtement à la fissuration.
La différence observée entre les
parties communes des bâtiments
d’habitation collective, qui sont très
peu affectées par cette pathologie,
et les parties privatives pourrait
aussi provenir du type de carreaux
utilisé : respectivement avec 7 mm
d’épaisseur minimale pour les
locaux classés P3 et 4 mm pour
ceux classés P2.
L’explication dominante de
l’apparition de la fissuration des
revêtements carrelés en pose
scellée se réfère à un effet « bilame »
qui résulte du retrait différentiel du
mortier de pose (favorisé par son
épaisseur importante). Celui-ci
génère un effort de cisaillement
entre les carreaux et le support. Le
raccourcissement en partie
inférieure du mortier, en pose
scellée désolidarisée, est libre et
non bridé, alors qu’il est contrarié
par l’adhérence aux carreaux en
partie supérieure. Ce retrait
différentiel conduit au cintrage du
mortier de scellement et du
revêtement puis à sa fissuration.
Cet effet est accentué par la sous-
couche isolante, le cintrage
générant le poinçonnement de cette
dernière. Un surdosage en ciment
ou en eau (humidité du sable utilisé,
surtout s’il est fin) peut amplifier ce
phénomène de retrait. Raison pour
laquelle les dosages en ciments
avaient déjà été réduits dans la
version 2010 du NF DTU 52.1,
en vue de limiter ce phénomène en
locaux P2 et P3. n
63
TECHNIQUES RÉGLEMENTATION

Fournir les données

essentielles à l’entreprise CE QU’IL FAUT
Pour la bonne exécution des travaux, certaines don- RETENIR :
nées essentielles doivent être fournies, en amont, à
• La pose scellée des carreaux
l’entreprise pour préparer son chantier : les carac-
céramiques directement sur
téristiques des supports et des éventuels ouvrages
une sous-couche isolante
intermédiaires, la position et la nature des joints et sur une sous-couche de
de dilatation et de leurs décaissés éventuels, la désolidarisation est dorénavant
définition et la position des points singuliers (siphon, exclue pour les planchers
réservations…), les pentes éventuelles du support à intermédiaires des bâtiments
respecter (sous forme de plans avec leurs valeurs), d’habitation collectifs.
les sujétions particulières d’une étanchéité éventuelle • Le lot « Carrelage » ne peut
et le rapport de mise en chauffe (dans le cas des commencer ses travaux
planchers chauffants). qu’à l’issue d’une
reconnaissance du support
Si une sous-couche isolante est prévue, ses carac-
contradictoire avec l’entreprise
téristiques doivent également être renseignées : son
de gros œuvre et le maître
efficacité vis-à-vis des bruits de choc (si une isolation d’ouvrage/maître d’œuvre.
acoustique est recherchée) ou sa performance ther- • L’épaisseur minimale
mique (si une isolation thermique est visée). des carreaux passe de 4
Le maître d’ouvrage devra aussi communiquer à 7,5 mm (classement P3
l’épaisseur du mortier de scellement souhaitée. Le minimum) en sol intérieur.
nouveau NF DTU harmonise d’ailleurs l’épaisseur • En pose extérieure, la surface
maximale du mortier de scellement à 8 cm, quel maximale des carreaux
que soit le mode de pose (désolidarisée, flottante ou céramiques passe de 2 200 cm2
à 3 600 cm2 pour la pose
adhérente).
scellée mais uniquement
En ce qui concerne le jointoiement des carreaux, la
lorsque le support n’a qu’une
largeur minimale du joint dépend des éléments de seule pente.
revêtement choisis. Cela va de 2 mm pour les pierres • Des joints minces de 2 mm
naturelles dont les éléments ont une surface infé- sont possibles avec carreaux
rieure à 120 cm2, à 6 mm pour les carreaux en terre certifiés « QB32 UPEC.D+ »
cuite ou les carreaux étirés. Sur prescription spéciale, qui sont plus réguliers en qualité
pour certains travaux de marbrerie n’excédant pas et en calibrage. n
une surface de 25 m2, des joints dits marbriers de 1 Photo © Thierry Toffoli/Una MC–Capeb

1 mm de largeur minimale peuvent être réalisés pour

des dalles en pierres naturelles.
« La nouvelle version de ce NF DTU prend en compte u
les carreaux certifiés “QB32 UPEC.D+” qui sont plus 1 Exemple de réalisation
réguliers en qualité et en calibrage. Ce sont les seuls d’un sol scellé avec des carreaux
à répondre aux exigences requises pour envisager des en terre cuite.
joints de type réduit de 2 mm », signale Thierry Toffoli,
qui est également président du comité particulier 2 Exemple de sol intérieur

QB UPEC carreaux céramiques. réalisé avec des carreaux certifiés

« QB32 UPEC.D+ » permettant des
Pour favoriser l’écoulement des eaux, le support doit joints minces de 2 mm de large.
présenter une pente minimum d’au moins 1 % dans
les locaux intérieurs équipés de dispositifs d’évacua-
tion (siphon, caniveau…). Pour les sols extérieurs,
la pente chargée de faciliter l’évacuation des eaux
pluviales sera de 1,5 % minimum ou, dans les Dépar-
tements d’outre-mer, de 2 %. Des schémas illustrent
les différents cas de figure rencontrés. Celui décrivant
le cas d’un sol extérieur sur terre-plein a été rendu
plus explicite au niveau du décrochement de 5 cm par
rapport au terrain naturel (voir illustration n° 2 page
ci-contre). Certains ouvrages, comme les plages de
piscine, par exemple, peuvent nécessiter une pente
plus importante.
Pour les sols extérieurs, la surface maximale des
carreaux passe de 2 200 à 3 600 m2, à condition que
la surface revêtue n’ait qu’une seule pente. www

2 Photo © Thierry Toffoli/Una MC–Capeb

64 QUALITÉ CONSTRUCTION • N° 182 • SEPTEMBRE / OCTOBRE 2020

 Illustrations © Jean-Marc Lauby/AQC

“Pour favoriser l’écoulement des eaux,

le support doit présenter une pente
minimum d’au moins 1 % dans les
locaux intérieurs équipés de dispositifs
d’évacuation (siphon, caniveau…)”

SEPTEMBRE / OCTOBRE 2020 • N° 182 • QUALITÉ CONSTRUCTION 65

TECHNIQUES RÉGLEMENTATION

« En effet, plus le carreau est grand, plus on doit procé- en délaissant un peu la règle de deux mètres et passer
der à des découpes dans les angles, s’il y a plusieurs aux appareils de mesure électroniques pour vérifier la
pentes. Et plus il y a de découpes, plus il y a de risque planéité du support », confirme Thierry Toffoli.
de fissurations ultérieures… En tout cas, cet aspect de Au cas où l’état du support conduit l’entreprise à
la mise à jour du NF DTU est vraiment le bienvenu. À le refuser parce qu’il ne permet pas la réalisation
la demande d’un nombre croissant d’architectes, de des travaux prévus, elle doit le notifier au maître
plus en plus de carreaux 60 x 60 cm étaient posés en d’ouvrage en exprimant ses réserves et en proposant
extérieur, hors NF DTU, en n’étant donc pas couvert par les modifications nécessaires sur le plan technique
l’assurance. Ce n’est heureusement maintenant plus le et éventuellement en termes de coûts supplémen-
cas », indique Thierry Toffoli. taires, si les adaptations relèvent de sa compétence.
Dans le cas où le support présente des anomalies
Un rapport contradictoire (défaut de planimétrie, canalisations horizontales
obligatoire apparentes, pente non conforme, etc.), la réalisation
Depuis le 1er mai 2020, le lot « Carrelage » ne peut d’un ouvrage intermédiaire est indispensable. Une
commen­cer ses travaux qu’à l’issue d’une reconnais- canalisation ou un fourreau situé horizontalement
sance du support en présence du donneur d’ordres. au-dessus du support ne doit pas être noyé dans le
Un rapport contradictoire, dont un modèle figure en mortier de scellement du revêtement, par exemple.
annexe A du NF DTU 52.1, doit être établi par le lot Pour obtenir un nouveau support plan, l’épaisseur
« Revêtement de sols scellés » puis signé par l’entre- du ravoirage nécessaire et les modalités de sa mise
prise de carrelage ainsi que par la maîtrise d’œuvre en œuvre dépendent des sollicitations du local, et
et/ou d’ouvrage. sont précisées dans la partie P1-1. Les dosages et
Avant toute intervention touchant à la préparation des la composition des ravoirages sont détaillés dans la
supports et avant la mise en œuvre des revêtements partie P1-2 du NF DTU.
de sols, l’entreprise titulaire du lot « Revêtement Toute modification des travaux, notamment ceux liés
des sols » doit notamment effectuer un contrôle de à la reprise du support, devra faire l’objet d’un nouvel
la planéité et de la pente du support. « Comparée à ordre de service corrigeant le planning prévisionnel.
d’autres corps d’état qui sont plus techniques et ont plus « C’est une réelle avancée car cela permet à l’entreprise
de moyens, la pose de carrelage n’a pas vraiment évolué de notifier au maître d’ouvrage ou à son représentant qu’il
depuis les 30-40 dernières années. Certaines habitudes y a des opérations à entreprendre avant son intervention :
sont tenaces sur le terrain comme l’évaluation de la ravoirage, correction d’une pente non conforme au pro-
planéité de la chape à l’œil nu plutôt que le recours au jet… Cette étape, formalisée de manière contractuelle,
niveau laser. Cette absence de précision peut pourtant ne peut qu’améliorer la qualité finale des ouvrages »,
être à l’origine d’imperfections, bref de non-qualités. souligne Nadège Ombé-Njiamo.
Ce rapport détaillé de reconnaissance du support va « La pente du support doit normalement être réalisée
permettre de relever le niveau d’exigences », analyse par le gros œuvre, sinon un rattrapage est nécessaire.
Mathieu Dumas. « Il faut savoir vivre avec son époque Dans un passé encore récent, certaines entreprises

“Depuis le 1er mai 2020, le lot Carrelage ne peut commen­cer ses

travaux qu’à l’issue d’une reconnaissance du support en présence
du donneur d’ordres”

DES TOLÉRANCES PLUS RÉALISTES

Au moment de la réception finale du
chantier, le désaffleurement entre
carreaux (1) est observé de près.
L’ancienne version du NF DTU 52.1
misait sur une tolérance particulièrement
stricte : 0,5 mm + 1/10e de la largeur du
joint, soit un total de 0,9 mm pour une
largeur de joint courante de 4 mm. « Or, au
niveau de la fabrication, la tolérance pour un
carreau de 60 x 60 cm est de +/- 0,5 % au
niveau de la planéité, soit +/- 3 mm. Ainsi, un
carreau “tordu”, présentant un écart total de
planéité pouvant atteindre jusqu’à 6 mm,
peut s’avérer conforme aux normes
européennes et à la certification UPEC.
Autrement dit, sur le terrain, le carreleur
devait faire mieux que le fabricant… »,
explique Thierry Toffoli, président de
l’Union nationale artisanale Maçonnerie
carrelage de la Capeb (Una MC-Capeb).
« Le tir a depuis été corrigé avec cette
nouvelle version, pour se rapprocher du
“monde réel”. Désormais, ce qui est
admissible est toujours un désaffleurement
de 0,5 mm augmenté de 1/10e de la largeur
du joint, mais maintenant augmenté de la
tolérance admise pour le carreau. » n
(1) L e désaffleurement est l’écart entre les rives
de deux éléments adjacents mesuré
perpendiculairement au support.

66 QUALITÉ CONSTRUCTION • N° 182 • SEPTEMBRE / OCTOBRE 2020

 TABLEAU N° 1

DÉLAIS DE MISE EN SERVICE DU

REVÊTEMENT DE SOL
Nombre de jours 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16
après la pose du revêtement

Locaux intérieurs Circulation piétonne de chantier

(objets lourds et échafaudages * **
et extérieurs
roulants exclus)
à faibles
sollicitations Mise en service normale ***

Circulation piétonne de chantier

(objets lourds et échafaudages
Pose intérieure
roulants exclus)
flottante
Mise en service normale

Circulation piétonne de chantier

Locaux intérieurs
et extérieurs
à sollicitations
modérées et à fortes
sollicitations(1)
(objets lourds et échafaudages
roulants exclus), zone après zone
Circulation lourde de chantier
ou mise en service normale
zone après zone

Interdiction de circulation
(*) En période froide ou dans le cas d’utilisation de ciment à maçonner, délai de 3 jours au lieu de 2 jours.
(**) Dans le cas d’utilisation de chaux hydraulique, délai de 7 jours au lieu de 2 jours.
(***) Dans le cas d’utilisation de chaux hydrauliques, délais de 10 jours au lieu de 5 jours.

(1) Il est rappelé que ce document ne vise pas les locaux dont les caractéristiques de roulage dépassent celles indiquées dans le NF DTU 52.1.

Source : NF DTU 52.1 Revêtements de sol scellés – Partie 1-1 : Cahier des Clauses Techniques types (février 2020)

de carrelage se sentaient obligées de prendre à leur
charge la réalisation de la forme de pente, mais parfois
à leurs dépens car elles en supportaient ensuite la
responsabilité de fait et souvent le coût. Ce rapport
permet aussi de contrôler la bonne implantation des
cloisons pour pouvoir corriger le tir, si nécessaire, avant
la pose du revêtement de sol carrelé. Les rôles et les
responsabilités de chacun sont clairement définis. Ce
rapport contradictoire, établi en présence de l’architecte,
constitue en quelque sorte une réception de chantier
pour le support », ajoute Mathieu Dumas.
« Ce rapport assure une meilleure traçabilité au niveau
des différentes étapes du chantier. En cas de sinistre
éventuel, l’expert aura accès à l’ADN de l’ouvrage, ce
qui n’est pas le cas actuellement », indique Nadège
Ombé-Njiamo. « Cela ne veut pas dire que tous les
sinistres disparaîtront à l’avenir mais quand il s’en pro-
duira un, ce rapport permettra de réaliser des analyses
bien plus riches en informations pour en déterminer
les causes. À court terme, cette traçabilité a aussi pour
but de faire prendre conscience à chacun que le respect
des caractéristiques du support doit vraiment corres-
pondre aux attentes », explique Jean-Luc Thomas.
Le tableau ci-dessus rappelle l’importance du délai
à respecter entre la pose du revêtement et la mise
en service des locaux. Cela varie de deux-trois jours
(circulation piétonne dans des locaux intérieurs ou
extérieurs à faibles sollicitations) à seize jours pour
une circulation lourde de chantier dans des locaux
intérieurs ou extérieurs à sollicitations modérées
ou fortes.
L’annexe (informative) consacrée à la maintenance et
à l’entretien des ouvrages carrelés a été complétée
par un chapitre nettoyage de fin de chantier, qui
peut être mécanique ou manuel. « Pour l’entretien
courant, il convient d’employer les bons produits, les
bons équipements et les bonnes méthodes. Il arrive que
nous soyons appelés sur un chantier ne donnant pas
pleinement satisfaction sur le plan esthétique au bout
de quelques mois. En y faisant une “tâche propre”, nous
démontrons que la situation n’est due qu’à un entretien
pas suffisamment efficace », confie Thierry Toffoli. n

SEPTEMBRE / OCTOBRE 2020 • N° 182 • QUALITÉ CONSTRUCTION 67