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Home New series 31 Dossiers : Mortels ! Imaginaires ... La 9n de l’histoire, ou l’imagin...

Socio-anthropologie
31 | 2015
Mortels
Dossiers : Mortels ! Imaginaires de la mort au début du XXIe siècle

La fin de l’histoire, ou l’imaginaire


de la mort en BD
RENÉ NOUAILHAT
p. 23-35
https://doi.org/10.4000/socio-anthropologie.2096

Abstracts
Français English
La bande dessinée est un art de la représentation graphique qui exprime bien les fantasmes
humains, notamment ceux qui se déploient dans les représentations d’outre-tombe. Cet article
retient particulièrement le traitement de la mort chez Hergé et Jacobs, les grands classiques de la
bande dessinée imprimée du siècle dernier, dans le milieu franco-belge où elle s’est développée. Il
apparaît que, dans un monde où la sécularisation a peu à peu effacé les références religieuses
explicites, les représentations de la mort y restent fortement structurées par des schémas
mythologiques hérités de la Bible et par un référent chrétien. Les productions plus récentes de la
BD déclinent le thème de la mort de bien des manières, multipliant notamment les figures d’au-
delà, dans le merveilleux, le fantastique ou le surnaturel. L’inventivité graphique s’en trouve
stimulée. Cette thématique est surtout révélatrice des angoisses qui habitent l’imaginaire
contemporain.

The comic strip is an art of graphic representation that vividly expresses human fantasies, in
CATALOGUE
particular those involved in representations of what lies beyond the grave. This article
All
concentrates on how death is treated by Hergé and Jacobs, two classic twentieth-century authors
of printed comics in the Franco-Belgian context where comic books developed. In a world in
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which secularization has gradually effaced explicit religious references, it appears that OpenEdition
representations of death remain strongly structured by mythological schemas inherited from the
Bible and a Christian referent. More recentJOURNALS
comics develop the theme of death in several ways and
multiply representations of the afterlife in the realms of the marvellous, the fantastic and the
supernatural, thereby stimulating graphic invention. This theme is particularly revealing about
the anxieties that preoccupy our contemporary imaginary.

Index terms
Mots-clés : bande dessinée, imaginaire, fantasmes, mort, mort-vivant, mort de rire,
représentation, Bible, Hergé, Edgard Félix Pierre Jacobs, Mortimer, Tintin
Keywords: Comics, Imaginary, Fantasies, Death, Living Dead, Die with Laughter,
Representation, Bible, Hergé, Edgard Félix Pierre Jacobs, Mortimer, Tintin

Full text
1 Dans cette enquête sur les figures de l’imaginaire nées de l’angoisse de la mort, il peut
paraître étrange de s’attarder sur le champ de la bande dessinée, tant celle-ci est en grande
partie associée à la littérature de divertissement1. Nous privilégierons dans cet article les
grands créateurs que furent Hergé et Edgar-Pierre Jacobs2, dont les séries firent le succès
du journal Tintin. Leur production dessinée est d’autant plus intéressante que leur
investissement était total. «  Si je vous disais que dans Tintin j’ai mis toute ma vie  »,
confiait Hergé à la veille de sa mort3. Et Edgar-Pierre Jacobs titre ses Mémoires  : Un
Opéra de papier, les Mémoires de Blake et Mortimer4.
2 La BD est un genre de création qui a longtemps fait vivre des personnages fixés dans
l’atemporalité. Le seul fait de représenter par le dessin des personnages, réels ou fictifs,
comme on a pu le faire en gravure ou en sculpture, est une façon de les fixer hors du
temps. N’étant pas dans la « vraie vie », ils ne peuvent mourir « en vrai ». Mais, dans une
bande dessinée, ces personnages font partie d’une histoire. L’étrangeté est que cette
dimension temporelle, dans laquelle se déroule le récit, ne concerne pas les personnages
eux-mêmes. Héros et superhéros ne meurent généralement pas5. Ils ne vieillissent pas non
plus. Même quand tout change autour d’eux, que le trait du dessinateur évolue et que les
héros changent de posture6, ils sont fixés dans l’âge de leur première apparition, ou à peu
près  : aux dires d’Hergé lui-même, Tintin n’aurait pris que trois ans en quarante ans
d’aventures. Edgar-Pierre Jacobs dessinait les histoires de Blake et Mortimer dans
l’actualité des recherches scientifiques de son temps et des fictions qu’elles pouvaient
susciter7, mais ses deux héros ne changent pas. Tintin a traversé une grande partie du
XXe  siècle sans changer d’âge ni d’allure8 alors que les studios d’Hergé ont souvent dû
redessiner les décors de ses aventures pour leur redonner une nouvelle actualité au fur et à
mesure des rééditions des anciens albums9.
3 De nombreuses séries ont plus récemment introduit une dimension temporelle qui fait
vieillir les personnages et les fait éventuellement disparaître au profit de leurs
descendants, comme dans les grandes séries romanesques10, ou les faire réapparaître
après leur mort, comme Superman.

Tintin et la mort
4 Mais la mort était-elle réellement absente des bandes dessinées classiques d’Hergé ou
de Jacobs ?
5 L’exemple de la série Tintin montre qu’elle y a de multiples dimensions. Les aventures
du petit reporter commencent et finissent sous le signe de la mort.
6 Dès le début de la première de ses aventures, Tintin au pays des Soviets, Tintin s’endort
dans le train et rêve qu’il meurt dans l’explosion d’une bombe placée par un Russe qui ne
voulait pas qu’un petit reporter vienne dans son pays. Et à la fin de la dernière histoire,
L’Alph-Art, c’est sur la menace d’une mise à mort que Tintin est, pour la dernière fois,
dessiné par Hergé.
7 On compte vingt-quatre fois le mot «  mort  » dans Tintin au pays des Soviets, et
beaucoup plus si l’on compte les termes qui disent les situations de mort auxquelles
échappe sans cesse Tintin  : accidents, chutes, explosions, noyades ou fusillades. Pour le
héros, la mort est toujours de l’ordre du risque (« nous avons frôlé la mort », p. 115) ou de
la menace imminente (« c’est la mort à brève échéance », p. 10 ; « tâchons de mourir en
brave  », p.  81  ; «  ça y est, je suis mort  », p.  93 et  106), parfois de la ruse («  faisons le
mort  », p.  21 et  131), de l’apparence («  on dirait qu’il est mort  », p.  7, et Milou de
s’interroger : « Tintin, es-tu mort ? » p. 119). « C’est la mort sans phrase » (p. 24 et 89), et
souvent pour les gredins de toutes sortes la mort réelle  : à la vue de leurs cadavres
entassés, Milou dit «  ne pas supporter la vue d’un tel spectacle  » (p.  103). On voit à un
moment des têtes de mort et un squelette entier (p. 97-98). Dans la séquence où Tintin se
déguise en fantôme, cette apparition terrorise les méchants, car elle relève, écrit Hergé,
«  du royaume des ombres  » (p.  40) et du «  sabbat infernal  » (p.  71 et  78). L’histoire,
dessinée en noir et blanc, aligne des cases très claires : les lignes sont fines, dans le style
du dessinateur animalier Benjamin Rabier11. Les décors sont très blancs, le noir ne servant
qu’à en rehausser la blancheur, par exemple un ciel sombre dans un décor de neige.
Quelques rares cases toutes noires disent cependant le risque de mort qui menace Tintin
(p.  4, 42-43, 102)12. Le côté obscur est surtout dans le scénario qui multiplie les
cataclysmes. On apprend même vers la fin qu’un espion russe avait l’intention de « faire
sauter à la dynamite toutes les capitales d’Europe » (p. 138). Tintin risque sans cesse de
disparaître, mais il s’en sort toujours. La mort en sa menace permanente est le ressort de
l’aventure, elle rythme l’action, elle donne vie à l’intrigue.
8 Les albums suivants la déclinent sous d’autres formes. Dans Tintin au Congo, le héros
ne se sépare guère de sa carabine qui lui permet d’abattre les bêtes sauvages, buffles,
éléphants ou quinze antilopes en quinze cartouches  : l’hécatombe animalière allant
jusqu’au dynamitage d’un rhinocéros13 ! Les coups de feu fusent dans Tintin en Amérique
(1932) où bons et méchants, policiers et gangsters, avancent revolvers au poing.
9 La mort prend ensuite de nouvelles dimensions, des momies et des tombeaux des
Cigares du Pharaon en 1934 à la menace de la fin du monde dans L’Étoile mystérieuse en
1942 et à la malédiction du tombeau violé dans Les Sept boules de cristal en 1948. Le
passage dans l’au-delà est représenté pour la première fois avec la mort des bandits, noyés
en finale de L’Oreille cassée (planche 61 de l’album publié en 1937). Cette mort est
dessinée comme une entrée en enfer selon l’illustration religieuse des catéchismes de
l’époque14. Celle des «  mauvais  » dans On a marché sur la lune (1954) a des effets
bienfaisants, mais plus ambigus. Tout se passe dans la fusée qui revient de la lune et qui
n’a plus assez d’oxygène pour ramener tout le monde. Jorgen, le bandit qui voyageait
clandestinement pour tenter de s’emparer des commandes de la fusée et la ramener à un
pays ennemi, est tué accidentellement au cours d’une bagarre. Tintin et ses amis
considèrent que justice est faite et que celui qui lui a réglé involontairement son compte,
Wolff, n’a rien à se reprocher. Mais on apprend que c’est Wolff lui-même qui avait
introduit Jorgen dans la cale de la fusée. Il se repent de cette trahison et, pour payer sa
dette, se jette dans le vide. Sa mort sacrificielle sauve Tintin et ses compagnons qui auront
de ce fait juste assez d’oxygène pour revenir vivants. Le suicide de Wolff est finalement
une mort acceptable, et même une belle mort. Il n’empêche que la représentation d’un
suicide restait taboue dans la littérature de jeunesse et choquante pour les milieux bien-
pensants du lectorat de Tintin. Hergé chercha à atténuer ce destin tragique de l’espion
repenti en ajoutant une lettre écrite par Wolff avant de disparaître. Il y évoque un
« miracle » qui lui permettra peut-être d’être sauvé :

Lorsque vous trouverez ces lignes, j’aurai quitté la fusée. Moi parti, j’espère que
vous aurez assez d’oxygène pour arriver vivants jusqu’à la Terre. Quant à moi,
peut-être un miracle me permettra-t-il d’en réchapper aussi. Pardonnez-moi le
mal que je vous ai fait. Wolff15
10 Hergé regrettera cette pieuse échappatoire qu’il qualifiera lui-même de « sottise16 ». Il
saura mieux conjurer la mort dans Tintin au Tibet (1960), par une belle histoire d’amitié.
Tintin, envers et contre tout, veut croire que son ami Tchang, annoncé mort dans un
accident d’avion, est vivant. Sa foi soulèvera des montagnes, dans le grand décor blanc de
l’Himalaya qui rayonne de cette victoire sur la mort.
11 Benoît Peeters, auteur du Monde d’Hergé et de Hergé fils de Tintin17, a montré les
« forces de la nuit » qui sont détectables sous la fameuse « ligne claire » d’un dessin à la
parfaite lisibilité. Quelques grandes scènes cauchemardesques en révèlent en effet les
fantasmes18. La peur de la mort aussi, avec laquelle l’histoire joue constamment. Le héros,
pourtant, semble ne pas pouvoir la connaître, puisqu’il est toujours là, son immortalité
étant la marque de son héroïsme. Peut-il, dès lors, sortir de scène, ou est-il condamné à
l’éternel retour, à courir en boucle d’une aventure à l’autre ?
12 Pour Tintin, cette course s’est figée avec la mort de son créateur en 1983, et
curieusement dans une scène où il risquait encore une fois de disparaître pour de bon.
C’est sous la forme d’une marche à la mort qu’Hergé a emmené son héros. Sa dernière
vignette dessinée (Tintin et l’Alph-Art, p. 52) le représente sous la menace d’un revolver
tenu par un garde : « Allons, debout ! En avant ! L’heure a sonné de vous transformer en
César  » (César, du nom du sculpteur, «  l’homme des compressions  »). Il s’en serait
certainement encore tiré si Hergé n’était pas mort à ce moment-là, laissant en blanc le
reste de la page. Endaddine Akass, mage et magnétiseur, grand prêtre de l’Alph-Art,
expliquait juste auparavant en quoi allait consister cette mise à mort. Son commentaire
sonne comme une oraison funèbre qui est aussi celle de la création d’Hergé, muséifiée et
laissée aux mains des marchands d’art moderne.

Eh bien, mon cher, nous allons couler sur vous du polyester liquide ; vous
deviendrez une expansion qui sera signée César et sera ensuite authentifiée par
Zolotas, l’expert bien connu. Ensuite elle sera vendue soit à un musée, soit à un
riche collectionneur. Réjouissez-vous, votre cadavre figurera dans un musée. Et
personne ne se doutera jamais que cette œuvre, qu’on pourrait intituler
« Reporter », constitue la dernière demeure de ce petit Tintin. Méditez sur tout ça,
cher ami… Demain, Ramo Nash sera ici et vous transformera en César19 !

13 Tel est l’étrange épilogue de la série emblématique de la bande dessinée du XXe siècle : le


destin du « petit reporter » serait dans la galerie d’un musée ou d’un riche collectionneur.
Il disparaît avant d’être statufié, comme s’il devait rester vivant. Mais cette dernière
aventure finit dans le circuit du marché de l’art qui signe la mort de l’œuvre20.

La fin du monde
14 La saga Blake et Mortimer commence par des scènes de destruction massive, en pleine
guerre mondiale. On meurt par millions dans Le Secret de l’Espadon (1946), avec de
temps à autre des plans rapprochés sur une fusillade ou un égorgement. Cette histoire, qui
parut dès le premier numéro du journal Tintin, eut un succès tout de suite extraordinaire.
Dans la presse destinée à la jeunesse, il n’était pas habituel que des sujets si graves soient
traités avec des héros eux-mêmes adultes et engagés dans les drames du siècle. On compte
au moins cinq guerres mondiales dans cette série21, avec les hécatombes humaines qui
s’ensuivent, surtout dans le Piège diabolique (1960) où notre avenir est dépeint de la plus
tragique façon22. Le voyage dans le temps dans lequel est enfermé Mortimer a été concocté
par le redoutable savant qui préparait le sabotage de la défense occidentale dans S.O.S.
Météores (1958) ; mais il était déjà mort quand l’histoire commence : c’est sa vengeance
posthume qui s’exerce. En remontant dans le passé, Mortimer le retrouve. Étrange
rencontre d’outre-tombe où retentit le rire démoniaque de cette créature mortifère
(planche 58).
15 Un climat de mort s’étend sur Londres dans La Marque jaune (1953). Il règne dans les
tombeaux égyptiens du Mystère de la grande pyramide (1950), dans une Atlantide en
pleine guerre civile et au bord d’un nouvel effondrement (L’Énigme de l’Atlantide, 1955),
et jusque dans les carrières de Paris de L’Affaire du collier (1965)23. L’œuvre de Jacobs est
traversée par une tension dramatique qui rythme l’histoire, et se termine toujours en
scènes d’effondrement, de désintégration ou de déflagrations foudroyantes. Le thème
apocalyptique est porté par celui qui œuvre inlassablement au service des puissances du
Mal, celui qui en est perpétuellement le mercenaire, Olrik24.
16 Dans sa manière toute théâtrale de composer ses récits, Jacobs voulut signer l’ultime
sortie de scène de l’éternel ennemi de Mortimer. Il le fait mourir dans la seconde partie
des Trois formules du professeur Satô. Mais ce n’est pas lui qui dessina cette disparition.
Le récit, dont la première partie parut en 1971, resta seize ans en panne, jusqu’à la mort de
Jacobs en janvier 1987.
17 Son œuvre, comme celle d’Hergé, est donc restée inachevée, comme si l’auteur ne
pouvait se résoudre à écrire l’ultime mot «  fin  » qui terminait les épisodes précédents.
Jacobs avait pourtant écrit entièrement le scénario de sa dernière histoire, il en laissa les
dialogues au complet et des ébauches d’images en crayonnés sommaires25, mais ne put en
finaliser la réalisation. Il eut pourtant le temps de se mettre à la rédaction de ses mémoires
et à la reprise d’un ancien récit, entièrement redessiné26. C’est en Olrik qu’il investissait
son travail de scénariste. Le fourbe colonel était son faiseur d’intrigues, et donc son
double. La mort d’Olrik ne signait-elle pas dès lors la sienne ? Il pouvait bien programmer
celle de sa créature, mais non la réaliser, ni lui survivre. On ne saurait mieux voir dans
cette impossibilité de finaliser le terme annoncé de la saga l’extraordinaire investissement
d’un créateur dans sa création, fut-ce celle d’un « opéra de papier ».

Le référent chrétien
18 Chez Hergé et Jacobs, le référentiel de la mort est principalement biblique et chrétien.
Ces deux artistes, comme la majorité des auteurs de bandes dessinées belges de cette
époque, avaient appris leur métier dans un milieu professionnel catholique et fier de l’être.
La première imprégnation des histoires dessinées imprimées au milieu du siècle dernier
relevait largement d’une pastorale de l’Église catholique alors audacieuse pour diffuser de
la sorte, en Belgique comme en France, l’exemplarité de la morale chrétienne. Les
premiers héros dessinés étaient des saints et leur engagement pour le Bien était celui des
valeurs de l’Évangile27.
19 Dans un contexte de sécularisation et de délitement des institutions religieuses, ces
références ont peu à peu disparu, mais la tonalité est restée catho-laïque, y compris dans
les parodies de la religion ou ses détournements romanesques ésotériques du type heroic
fantasy28. Michel Vovelle pouvait constater en 1978 : « la littérature populaire de la mort
n’explicite plus le recours à Dieu. La BD se garde de toute intrusion incongrue dans le
domaine des valeurs officiellement reçues29 ». Les temps ont bien changé, les dieux sont
revenus, ils ont recours aux hommes et les « valeurs officiellement reçues » sont revisitées
de bien des manières.
20 Les repreneurs de la série Blake et Mortimer n’hésitent plus, par exemple, à faire
intervenir Dieu quand il s’agit de châtier l’impie. Dans La Malédiction des trente deniers
(tome 2, La Porte d’Orphée, 2010), Blake et Mortimer se retrouvent face à Olrik dans la
grotte où repose le cadavre de l’apôtre Judas, et où sont les deniers gagnés pour avoir trahi
Jésus. Olrik y a conduit l’infâme Von Stahl qui voulait mettre la main sur cette fameuse
bourse, pour lui gage de protection de ses machiavéliques projets. Mais le cadavre de
l’apôtre se ranime pour appeler à la vengeance du Seigneur : « Que la malédiction divine
retombe sur toi, ô être impie ! Entre tes mains sacrilèges se trouve le sang des péchés du
monde, et ce sang se fera feu pour te punir de tes crimes  » (planches 49 et 50). Olrik
assiste, médusé, au tremblement de terre et à la foudre qui s’abat sur Von Stahl suite à
cette prière de Judas ainsi pardonné. Cette irruption du surnaturel fait s’exclamer
Mortimer : « Dieu tout-puissant… je rêve ! »
21 Chez Jacobs, le fantastique puisait toujours dans la réalité ; c’est son hyperréalisme qui
le rendait fascinant. Le décor n’évoquait guère le monde religieux, il restait totalement
sécularisé, même si les récits étaient structurés par de grandes thématiques religieuses,
manichéennes ou apocalyptiques30. Leur reprise aujourd’hui se fait dans des
représentations qui ouvrent les arrière-mondes. Le scénariste de La Malédiction des
trente deniers, Jean Van Hamme, n’est pas gêné pour jouer sur les thématiques
chrétiennes. Il le fait en bien d’autres de ses séries qui connaissent les plus forts tirages de
la bande dessinée de ces dernières décennies. Le Plan de Dieu et l’économie du Salut
chrétien sont, pour cet auteur, un formidable filon scénaristique. Dans l’univers
théologico-féérique où se déploient ses récits, ils redonnent sens à la mort31.
22 D’une façon générale, la bande dessinée s’inscrit dans une histoire de l’art séquentiel
illustré qui, en Occident, a son référentiel culturel privilégié  : la Bible et l’histoire du
christianisme, où la représentation de la mort est centrale32. Elle y est racontée dans les
cryptes, sur les sarcophages, par tout ce qui s’est exposé dans les églises, sur les tympans
et les chapiteaux, les vitraux et les retables ou les quatorze stations des «  chemins de
croix  ». Les enluminures des psautiers, des missels et des manuscrits de textes sacrés
multiplient les images (une Bible pouvait avoir au Moyen Âge plus de cinq mille
vignettes).
23 Les scènes de crucifixions étaient sans doute inimaginables aux premiers temps du
christianisme. Elles furent longtemps impossibles33. Elles sont sans doute aujourd’hui
banalisées par leur omniprésence et le faste du mobilier liturgique qui les enveloppe,
comme les pierres précieuses des reliquaires cachent la réalité des pauvres restes des
saints, morceaux d’os ou têtes de mort, exposés à la vénération des fidèles. Mais le corps
nu et ensanglanté de Jésus agonisant cloué sur la croix reste bel et bien au centre de tout
lieu de culte chrétien.

Vivants, morts et morts-vivants


24 Le thème de la mort est repris par des histoires dessinées plus récentes. Beaucoup
traitent du «  royaume des morts  » comme d’un monde aux strates multiples que
traversent dieux, demi-dieux, anges, esprits, fantômes, passeurs ou errants en transit du
monde des dieux au monde humain, ou superhéros investis d’une mission spéciale. Les
aventures de Thorgal en sont une illustration particulièrement réussie, sous la plume de
Van Hamme et avec le dessin de Rosinski34. Quantité de séries exposent de multiples
figures d’outre-tombe, ghosts, spectres errants, fantômes et morts-vivants35.
25 Ce phénomène déborde largement l’univers franco-belge qui a marqué la BD
européenne. Dans le monde des superhéros à l’américaine, on joue constamment avec la
mort ou l’immortalité. Certains meurent et reviennent (Superman), d’autres meurent pour
de bon (Captain Marvel, Captain America), d’autres ne peuvent pas mourir (Batman). La
série Walking Dead, écrite par Robert Kirkman et dessinée par Charles Adlard36, met aux
prises des morts-vivants et des vivants. Ces derniers, survivants de l’ancienne espèce
humaine réduite à la précarité et à l’anarchie, sont devenus terriblement dangereux pour
les zombies qui les recherchent pour s’en repaître. Ces histoires, ultra-violentes, sont
dessinées tout en grisaille. J.  Michael Straczynski raconte, dans une veine assez proche,
l’histoire de Norrin Redd devenu le superhéros Silver Surfer. Esad Ribic la dessine dans
Requiem (Delcourt, 2007) qui signe la mort du héros qui était chargé par le «  dévoreur
des mondes », l’immortel Galactus, d’une mission salvatrice. Ce récit, divisé en séquences
aux titres liturgiques (Kyrie, Sanctus, Benedictus, Agnus-Dei), se déploie dans un univers
galactique tourmenté, entre ouragans cosmiques et scènes apocalyptiques. Le sacrifice de
Silver Surfer est ainsi évoqué : « Quand il sera mort, coupe-le en petites étoiles et il rendra
la face du ciel si splendide que tout l’univers sera amoureux de la nuit. » La tragédie de la
mort est, dans ces récits, tout autant celle des immortels voués à être de perpétuels
errants.
26 Les fantasmes mis en bandes dessinées puisent aux mêmes sources mythologiques
bibliques et se heurtent aux mêmes interrogations existentielles. Ces histoires ouvrent
d’autres voies à résonance métaphysique et, de ce fait, à d’autres inventions graphiques
pour les exprimer37.
27 Dans les récits historiques, la mort est traitée de façon plus réaliste. L’auteur de
référence reste, dans cette veine, Jacques Tardi. Dans une œuvre militante, farouchement
antimilitariste, il n’hésite pas à dessiner de façon très réaliste des mourants et des
cadavres38. À l’occasion des commémorations du centenaire de la guerre de 14-18, nombre
d’auteurs de BD, et parmi les plus talentueux, ont aussi abondamment illustré la Grande
Guerre ces dernières années39. Rien qu’en 2014, on compte plus d’une centaine de titres,
près de deux cents depuis dix ans, soit beaucoup plus de la moitié de ce qui avait été
publié sur le sujet depuis cent ans40.
28 Ajoutons que la parodie macabre et l’humour noir restent des genres convenus pour
tourner l’angoisse en dérision et pour faire rire de ce qui fait peur41.

29 La mort ne peut pas ne pas inquiéter. En racontant des histoires qui ont une fin, même
si les personnages donnent l’impression d’y échapper en s’immortalisant en figures
d’imagination, la BD parle de la mort et aide de ce fait à en parler42. Par son extraordinaire
créativité et son aptitude à jouer avec nos représentations et nos fantasmes, elle relève des
arts du divertissement. Mais justement parce qu’elle joue de nos fantasmes, elle aide à
affronter la mort en son mystère. Par les manières d’en traiter, de la mythologiser, de la
moquer, de l’historiciser, elle en conjure la peur dans l’imaginaire fabuleux du vivant. Ce
qui aide finalement à la rendre vivable.
30 Un mot encore, en écho à une actualité tragique. Sous la menace de mort qu’ils avaient
maintes fois reçue, les caricaturistes de Charlie Hebdo avaient su la tourner en dérision.
C’était leur manière de résister à l’intolérable et de vivre l’inexorable. Apprenant
l’assassinat de Cabu, Charb, Honoré, Tignous et Wolinski le 7 janvier 2015, un dessinateur
signait le jour même l’épitaphe qui aurait pu être gravée sur leurs tombes  : «  morts de
rire ». Le cercueil de Tignous fut recouvert de caricatures comme un signe de victoire du
dessin sur la mort. L’un des dessins publiés par Spirou fait dire au tueur cagoulé qui serre
sa kalachnikov en tremblant et en montrant le cadavre de celui qu’il a abattu : « Il… il m’a
menacé avec son crayon43 ! » Ce à quoi semble répondre, dans un dessin de Piem, le mort
qui se hisse hors de sa tombe pour crier : « C’était pour rire44 ».

Notes
1 Les bandes dessinées existent depuis que les hommes représentent ces figures de l’imaginaire
sous forme graphique et narrative, et les scènes de mort ou d’outre-tombe s’y trouvent depuis
toujours  : voir les rouleaux de papyrus du Livre des Morts des anciens Égyptiens ou le Bardo
Thodol (Livre des Morts du bouddhisme tibétain). Nous prenons ici la bande dessinée au sens
actuel du terme, de récit en images et imprimé.
2 Depuis leur mort dans les années 1980, ces deux créateurs bénéficient d’une notoriété qui ne
fait que croître et les analyses sur leur œuvre n’en finissent pas de se multiplier : une dizaine de
livres par an pour Hergé et quantité d’études sur Jacobs. Pour ce dernier, bien que datées dans les
années 1950, les aventures de Blake et Mortimer prennent une nouvelle actualité «  dans le
contexte sociologique, économique, idéologique et technologique actuel  », écrit Stéphane
Thomas. «  Le monde vit à nouveau dans la peur d’un anéantissement provenant de nouvelles
menaces terroristes, ésotérico-religieuses ou politico-financières  » (Thomas S., La revanche
d’Edgar P. Jacobs, Andrésy, GOMB-R Éditions, 2012, p. 66).
3 Propos rapportés par Benoît Peeters, «  Tintin l’aventure continue  », Télérama hors série,
janvier 2003.
4 Gallimard, 1981.
5 Ce serait même une raison de la fascination qu’ils exercent  : le rapport à un temps immobile
traduisant, chez le lecteur, une sorte d’inconsolable nostalgie de l’origine et le désir d’y demeurer.
Voir Benoît Peeters, «  La vie rêvée des cases fantômes  », Philosophie Magazine, hors série 15,
septembre 2012, p. 93.
6 Ainsi de Tintin reporter qui court tout le temps à un Tintin plus zen, voir Sylvain Bouter,
« Tintin à la revue de détail », Communication et langages, 98, p. 88-92.
7 Voir Michel Daubert (coll.), Les personnages de Blake et Mortimer dans l’histoire. Les
événements qui ont inspiré l’œuvre d’Edgar P. Jacobs, Paris, Sophia publications/Historia, 2014.
8 Ce n’est que dans sa dernière aventure que Tintin apparaît en jeans et non plus dans le pantalon
de golf marron qu’il portait depuis 1930. Ses multiples déguisements ne modifiaient jamais son
allure première, pas plus que la bonne Bécassine n’a pu quitter sa coiffe et son tablier blanc ou le
groom Spirou sa livrée rouge. Sous le crayon de leurs créateurs, certains aspects ont changé (le
marin en perdition Haddock devient châtelain respectable), mais leur identité reste inchangée
(Tintin toujours au service du Bien, Haddock toujours colérique et généreux, etc.).
9 Parfois le décor peut être entièrement redessiné, comme dans L’Île noire (1937, version
modifiée en couleur en 1943, modernisée en 1965), ou l’essentiel des dialogues réécrits, comme
pour Tintin au Congo (initialement Tintin dans la brousse). D’où les multiples changements de
découpage, parfois de format : Le Temple du soleil fut édité en strips noir et blanc en 1943 dans
Le Soir, en bandes horizontales en 1946 dans le premier numéro du journal Tintin (réédité sous
cette forme en 2003), en pages album depuis 1949. Ces reprises pouvaient aller jusqu’aux
changements de références historiques comme dans Au pays de l’or noir : histoire commencée en
1939, reprise et terminée en 1948, les kidnappeurs juifs de Tintin devenant arabes en 1971 pour
suivre les changements de l’actualité (depuis la création de l’État d’Israël en 1948, il était devenu
anachronique de présenter des organisations juives luttant contre la tutelle anglaise).
10 C’est une caractéristique des «  repreneurs  » des séries classiques  : on retrouve Blake et
Mortimer vieillis dans L’Aventure immobile de Convard et Juillard (Dargaud, 1998, réédition
dans Le dernier chapitre, Dargaud, 2009) ou rajeunis dans Les sarcophages du 6e continent ou Le
bâton de Plutarque de Sente et Juillard (Éditions Blake et Mortimer, 2003 et 2014).
11 Hergé lui rend hommage en faisant intervenir ses célèbres bêtes, « la vache qui rit » comprise,
p. 124-126.
12 Seules quelques paroles ressortent de ces images d’enfermement où l’on ne voit plus rien  :
«  On va nous laisser mourir de faim  » (p.  4), «  À mort  !  » (trois fois répété, puis plus rien,
uniquement un carré noir, p. 102).
13 Image remplacée dans les éditions ultérieures par un dessin plus « soft ».
14 L’histoire, alors intitulée Tintin chez les Arumbayas, parut d’abord dans Le Petit Vingtième en
1935 puis dans l’hebdomadaire catholique Cœurs Vaillants. Dans la vignette qui suit celle de leur
noyade, Ramon et Alonzo, les deux bandits, sont conduits à coups de fourche par trois diablotins
en Enfer. La scène parut trop osée, trop « satanique », pour l’abbé Courtois. Elle fut supprimée.
Hergé la remplaça par une image de Tintin murmurant : « Dieu ait leur âme ».
15 On a marché sur la lune, p. 55.
16 Dans Numa Sadoul, Tintin et moi. Entretiens avec Hergé, 1975, réédition Casterman, 2000,
p. 171.
17 Le Monde d’Hergé, 1983, réédition Casterman, 1991, Hergé fils de Tintin, Paris, Flammarion,
2002.
18 Les personnages créés par Hergé révèlent, au-delà de la caricature qui en fait des marionnettes
comiques (les distractions du savant Tournesol, les colères du marin Haddock, la présence
envahissante de la Castafiore, la bêtise des Dupont-Dupond, etc.), les aspects complexes de la
personnalité de leur créateur, «  homme à secrets  » selon Serge Tisseron, Tintin chez le
psychanalyste (Calmann-Lévy, 2004) et Tintin et le secret d’Hergé (Presse de la Cité, 1993).
19 Tintin et l’Alph-Art, p. 48.
20 Le journal qui porte son nom, Tintin, disparaît quant à lui le 29  novembre 1988. D’autres
périodiques suivront, plus éphémères, mais, à quelques rares exceptions (Spirou a fêté ses 75 ans
en 2014), c’est aussi la fin d’un certain type de publication avec ses parutions en épisodes «  à
suivre ».
21 Deux dans Le Secret de l’Espadon (la guerre de l’Empire jaune suit la Seconde Guerre
mondiale que reprend Le bâton de Plutarque en 2014), la guerre froide qui se conclut en vaste
offensive en finale de S.O.S. Météores et deux dans le Piège diabolique (situées en 2075 et en
5060). L’étrange rendez-vous des repreneurs Jean Van Hamme et Ted Benoît (2001) en annonce
plusieurs autres à partir du XXIe siècle (planche 36).
22 Au point que la parution de l’album ait été interdite en France «  en raison des nombreuses
violences qu’il compte et de la hideur des images illustrant ce récit d’anticipation  », selon les
termes de la Commission de surveillance et de contrôle de la presse enfantine du 25 juin 1962.
23 Planche 39, les policiers qui s’enfoncent dans les galeries souterraines évoquent non sans
malaise la disparition de ceux qui s’y sont aventurés : « Dites donc, dit l’un d’eux, vous n’avez rien
de plus drôle à raconter  ? ».
24 J’ai essayé de saisir les ressorts de cette étrange figure du « méchant » dans Olrik ou le secret
du mystère Jacobs, Saint-Egrève, Mosquito, 2014.
25 Textes et crayonnés rassemblés dans le Dossier Mortimer contre Mortimer, Bruxelles, Éditions
Blake et Mortimer, 1990.
26 Le Rayon « U », réalisé en 1943 et entièrement recomposé en 1974 (Bruxelles, Éditions Blake
et Mortimer, 1998).
27 Dans la tradition des catéchismes illustrés, la Bible, la vie de Jésus, l’histoire de l’Église et les
vies de saints ont constitué les thématiques de ces publications pour la jeunesse. Hergé a
commencé sa carrière en 1927 comme illustrateur dans le quotidien catholique Le Vingtième
siècle dirigé par l’abbé Wallez ; il y créa le personnage de Tintin à la suite de son petit Totor, chef
de la patrouille des Hannetons, qu’il dessinait l’année précédente dans Le Boy-Scout belge. Par sa
générosité et dans ses engagements pour les valeurs d’amitié et de justice, Tintin est resté le type
du «  héros catholique  », selon le titre du quotidien du Vatican, L’Osservatore romano du
7  novembre 2011. Et la série Blake et Mortimer est au catalogue des Éditions du Triomphe,
spécialisées dans la BD catholique. Voir Roland Francart, La BD chrétienne, Paris/Québec,
Cerf/Fides, 1994.
28 J’ai essayé de montrer comment un référentiel chrétien structure la plupart de ses
productions, si éloignées paraissent-elles de la vision chrétienne traditionnelle. René Nouailhat,
Les avatars du christianisme en bandes dessinées, les nouvelles aventures des “bons pères” aux
quêteurs de sens des années 2000, Fernelmont, EME, 2014.
29 Michel Vovelle, « La mort et l’au-delà dans la bande dessinée », L’Histoire, 3, 1978, p. 34.
30 René Nouailhat, Jacobs. La marque du fantastique. Mythologie, politique et religion dans la
bande dessinée Blake et Mortimer, Saint-Egrève, Mosquito, 2004.
31 Van Hamme (scénariste de Thorgal, XIII, Largo Winch, etc.) parle lui-même du scénario du
Grand pouvoir du Chninkel en termes de « marketing théologique ». Ce récit en dix chapitres et
134 planches, en noir et blanc (1986, réédition en couleur en 2001), baigne dans un climat
biblique ; la fin du Chninkel est carrément christique. Comme Jésus sur la croix, enchaîné les bras
en croix à l’aérolithe qui figure la Parole du « Maître Créateur des mondes ». Dans sa souffrance,
son dernier sentiment est de pardon pour ceux qui le mettent à mort et d’abandon  ; il revit en
quelque sorte les dernières paroles du Christ en croix : « Père, pardonne-leur car ils ne savent pas
ce qu’ils font  » (Évangile selon Saint Luc, 15, 34) et «  Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu
abandonné ? » (Évangile selon Saint Matthieu, 27, 46).
32 Voir Régis Debray, La Bible, Ancien et Nouveau Testament à travers 200 chefs-d’œuvre de la
peinture, Paris, Presses de la Renaissance, 2004  ; François Boespflug, Dieu et ses images. Une
histoire de l’éternel dans l’art, Paris, Bayard, 2008.
33 Voir André Grabar, Le premier art chrétien, Paris, Gallimard, 1956.
34 Série commencée en 1977, aujourd’hui déployée en sous-séries. Parmi tant d’autres, citons
aussi, par exemple, la série du Grand Mort qui mêle monde apocalyptique et conte fantastique
(Glénat, depuis 2007), Les Anges visiteurs ou Mourir n’a jamais tué personne (Sandawe, 2015).
35 Voir René Nouailhat, «  Mourir en bande dessinée  », dans Daniel Faivre (dir.), La mort en
questions. Approches anthropologiques de la mort et du mourir, Toulouse, Ères, 2013, p. 394-
419.
36 Depuis 2003 aux États-Unis et 2007 en France, vingt et un livres déjà parus chez Delcourt.
37 Voir par exemple Exauce-nous, écrit par Pierre Makyo et dessiné par Frédéric Bihel
(Futuropolis, 2008). Un grand nombre de publications s’attache aux interrogations portées par la
BD  : ainsi des analyses publiées par Philosophie magazine hors série, 2013, «  Spécial bande
dessinée », titré « La vie a-t-elle un sens ? ».
38 Jacques Tardi illustre le thème de la Première Guerre mondiale depuis longtemps (Adieu
Brindavoine suivi de La fleur au fusil, 1979 ; Le trou d’obus, 1984 ; La véritable histoire du soldat
inconnu, 1991 ; C’était la guerre des tranchées, 1995 ; Putain de guerre, 2008). La guerre apparaît
dans son absurdité et sa monstruosité tout au long de ces récits et l’horreur de la mort s’expose
dans Le Cri du peuple (adaptation du roman de Jean Vautrin, 1999).
39 Dans cette large production, citons Hugo Pratt (Les Celtiques, 2011), Jean-Pierre Gibrat
(Mattéo, 2008-2014), Le Naour (pour le scénario des Taxis de la Marne, de La faute au midi, de
François Ferdinand, 2014), Frank Giroud pour le scénario du Soldat inconnu, 2005 et Quintett,
2007), Patrick Cothias, Patrice Ordas et Alain Mounier (L’ambulance 13, 2013), Guillaume
Bertheloot et Patrick Deschamps (La bataille de la Marne, 2013), Manu Larcenet (La ligne de
front, 2004), les deux tomes de 14-18 (2014), etc.
40 Luc Révillon, La Grande Guerre dans la BD. Un siècle d’histoires, Issy-les--Moulineaux, Beaux
Arts éditions, 2014. En 241 pages, Luc Révillon inventorie tous les genres sur le sujet depuis les
récits illustrés contemporains de la guerre aux plus récentes publications.
41 Par exemple la série de Raoul Cauvin et Marc Hardy, Pierre Tombal, dans le journal de Spirou
depuis 1983  : trente albums de gags sur les mésaventures d’un fossoyeur et de la mort (avec sa
faux et sa robe noire), Histoire d’os, La pelle aux morts, Squelettes en fête, etc.
42 À partir du conte, du récit ou de l’image, voir H. Lethierry (dir.), Parler de la mort… et de la
vie. Un tabou dans l’éducation ?, Paris, Nathan, 2004.
43 Spirou, 16 janvier 2015, p. 38.
44 La Croix, 13  janvier 2015, p.  9. Piem avait rassemblé ses pensées et dessins d’humour sur la
mort dans Au revoir et encore merci (Le Cherche midi, 1993).

References
Bibliographical reference
René Nouailhat, “La fin de l’histoire, ou l’imaginaire de la mort en BD”, Socio-anthropologie,
31 | 2015, 23-35.

Electronic reference
René Nouailhat, “La fin de l’histoire, ou l’imaginaire de la mort en BD”, Socio-anthropologie
[Online], 31 | 2015, Online since 10 September 2016, connection on 12 April 2023. URL:
http://journals.openedition.org/socio-anthropologie/2096; DOI: https://doi.org/10.4000/socio-
anthropologie.2096

About the author


René Nouailhat
René Nouailhat, docteur ès Lettres HDR, est historien des religions, spécialisé dans la
constitution du discours chrétien au temps de la christianisation de l’Empire romain. Il a fondé en
1996 à Dijon l’Institut de formation à l’étude et l’enseignement des religions (IFER), au Centre
universitaire catholique de Bourgogne. C’est dans ce cadre qu’il a étudié dernièrement le fait
religieux en bandes dessinées. Il a publié entre autres Le spiritualisme chrétien dans sa
constitution (Desclée, 1976), Les premiers christianismes (Errance, 1988), La genèse du
christianisme de Jérusalem à Chalcédoine (Le Cerf/CNDP, 1994, rééd. 1997), Enseigner le fait
religieux, un défi pour la laïcité (Nathan, 2004). Et dans le domaine de la bande dessinée :
Jacobs, la Marque du fantastique (Mosquito, 2004), Olrik ou le secret du mystère Jacobs
(Mosquito, 2014), Les avatars du christianisme en bandes dessinées (EME, 2014).

Copyright

Creative Commons - Attribution-NonCommercial-NoDerivatives 4.0 International - CC BY-NC-ND


4.0

https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/


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