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La Mémoire Et Ses Troubles Memory and Related Disorders: R. Deschamps, A. Moulignier
La Mémoire Et Ses Troubles Memory and Related Disorders: R. Deschamps, A. Moulignier
http://france.elsevier.com/direct/EMCN/
MOTS CLÉS Résumé Dans cette revue générale sont détaillées les définitions des différentes mémoi-
Mémoire ; res et des processus d’acquisition mnésique et de restitution, les structures anatomiques
Mémoire à court terme ; (circuits de Papez et de Mishkin, région septale), les neuromédiateurs impliqués (acétyl-
Mémoire à long terme ; choline, noradrénaline, sérotonine, récepteur de l’acide gamma aminobutyrique [GABA]-
Mémoire de travail ; benzodiazépine), la potentialisation à long terme, et les différents instruments d’explo-
Hippocampe ;
ration clinique. Les étiologies principales, responsables de troubles mnésiques, et les
Circuit de Papez ;
Potentialisation à long
traitements sont abordés.
terme ; © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Syndrome de Korsakoff ;
Démence ;
Vieillissement cérébral ;
Acétylcholine
KEYWORDS Abstract In this review, the definitions of different types of memory and mnemonic
Memory; processes, as well as implied anatomic structures (Papez and Mischkin circuits and septal
Short-term memory; region) and neurotransmitters (acetylcholine, norepinephrine, serotonin, GABA-
Long-term memory; benzodiazepine receptors), long-term potentialization, and methods of clinical investi-
Work memory; gation are detailed. Principal aetiologies and available treatment are summarized.
Hippocampus; © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Papez circuit;
Long-term
potentialization;
Korsakoff syndrome;
Dementia;
Cerebral ageing;
Acetylcholine
D. Schacter et P. Graf ont proposé de distinguer • l’étude de patients comme H.M. qui n’ont
mémoire explicite et mémoire implicite. La pre- aucune difficulté pour les tâches mettant en jeu
mière se réfère à la récupération consciente, inten- la mémoire à court terme et sont incapables de
tionnelle et la seconde à la récupération incons- réaliser des tâches de mémoire à long terme.
ciente, non intentionnelle. Certains considèrent Cependant, la mémoire à court terme est main-
que la mémoire explicite est une propriété de la tenant considérée par de nombreux auteurs comme
mémoire déclarative alors que la mémoire impli- une partie de la mémoire à long terme et il s’agit en
cite est une caractéristique de la mémoire procé- fait d’une sous-unité qui se trouve à un instant
durale. La mémoire implicite peut être évaluée donné en état d’« activation ». Il faut ainsi distin-
grâce à des épreuves ne demandant aucun effort au guer « un système de mémoire dont la fonction est
sujet, et mesurant des modifications de performan- de maintenir à un certain niveau d’évocabilité les
ces à la suite d’un événement nouveau, sans que le informations pendant un temps restreint (mémoi-
souvenir de celui-ci ne soit nécessaire. C’est l’effet res transitoires) et un système dont le but est
dit d’amorçage (ou priming) : la présentation préa- d’organiser et de stocker ces informations pour
lable d’un stimulus modifie le traitement ultérieur les utiliser ultérieurement (la mémoire perma-
de ce même stimulus ou d’un item qui lui est nente) ».10
proche, en l’absence de toute récupération cons-
ciente. La distinction entre mémoire explicite (ou
Processus d’acquisition et de restitution
déclarative) et implicite (ou non déclarative) n’est
pas que théorique et semble impliquer des circuits
neuronaux différents : la mémoire explicite dé- L’élaboration et l’emploi d’une trace mnésique
pend, elle, du lobe temporal et des structures permanente supposent trois temps : l’encodage, le
diencéphaliques (hippocampe, cortex entorhinal), stockage et le rappel. Il s’agit là d’une distinction à
alors que la mémoire implicite ne dépend pas d’un valeur heuristique bien qu’artificielle, dans la me-
centre fixé où les souvenirs seraient stockés, mais sure où ces trois temps sont étroitement interdé-
emprunte les réseaux même impliqués dans la per- pendants à l’intérieur d’une modalité spécifique de
ception et dans le traitement des informations. traitement de l’information (visuelle, verbale
Enfin, W. Schneider et R.M. Shiffrin ont proposé écrite ou verbale auditive).
d’opposer une mémoire dite contrôlée, demandant
un effort d’attention, et ne traitant qu’une infor- Encodage
mation à la fois, à une mémoire automatique, ne L’enregistrement d’une information sensorielle né-
demandant, elle, que peu d’effort, capable de cessite tout d’abord que celle-ci soit transformée
traiter plusieurs informations, non contrôlable par sous une forme plus ou moins élaborée pour être
le sujet. La première est utile pour des situations mise en mémoire, c’est l’encodage. Il est fondé sur
inédites, alors que la seconde permet la réalisation les caractéristiques de l’information à enregistrer
de tâches habituelles et prévisibles. qui sont fixées avec elle ; on reconnaît des codages
contextuels (environnement contemporain), pho-
Lien entre mémoire à long terme et mémoire à nologiques ou sémantiques. La qualité de l’enco-
court terme dage initial conditionne directement la qualité du
Le premier modèle a considéré que la mémoire à rappel (principe de spécificité d’encodage de E.
court terme n’est pas qu’une simple sous-unité de Tulving). Cet encodage ne peut nécessiter aucun
la mémoire à long terme, mais un système auto- effort conscient mis en jeu (processus automati-
nome. Quatre arguments vont dans le sens d’une que) – c’est le cas de multiples données biographi-
distinction entre ces deux mémoires : ques ou contextuelles – ou au contraire exiger un
• l’existence d’un effet de récence, témoignant effort conscient et limitant la capacité de réalisa-
de la mémoire à court terme et de l’effet de tion simultanée d’autres tâches, c’est le cas le plus
primauté indicateur de l’état de la mémoire à fréquent des tests de laboratoire. Enfin, le
long terme ; contexte, au sens large, influence considérable-
• la limitation de la capacité de la mémoire à ment l’enregistrement des données. Il peut s’agir
court terme (l’empan proprement dit) alors que d’un indiçage volontaire (sémantique ou selon l’ap-
la mémoire à long terme a une capacité illimi- parence de la donnée) ou automatique (en particu-
tée ; lier environnemental : heure de la journée, lieu,
• l’existence d’un mode de codage différent (la environnement subjectif, humeur ...).
mémoire à court terme est affectée par la simi-
litude phonologique et est peu sensible à la Stockage
similitude sémantique : c’est l’opposé pour la La mémorisation des données visuelles est
mémoire à long terme) ; meilleure que celle des données verbales, suggé-
La mémoire et ses troubles 509
Récupération
La reconnaissance est toujours plus efficace que le
rappel et le contexte ne modifie que les performan-
ces de rappel et non de reconnaissance. En règle
générale, cependant, le succès de la récupération
dépend étroitement de la compatibilité entre la
donnée « annexe » (indice ou environnement) stoc-
kée initialement et les conditions du rappel (nature
de l’indice fourni et environnement), c’est le prin-
cipe de spécificité d’encodage de E. Tulving.
Plusieurs modèles tentent de rendre compte des
processus de récupération ; ils diffèrent essentiel-
lement par le nombre d’étapes distinctes postulées
pour le rappel.
Oubli
Il est primordial que toutes les données enregis-
trées ne persistent pas indéfiniment, comme l’ont
montré les études de sujets hypermnésiques. La
courbe d’oubli a été étudiée dès 1885, montrant
une décroissance initiale rapide des souvenirs puis
un aplatissement de la courbe. L’oubli est lié à
deux phénomènes : le déclin de la trace (ou sa
fragmentation telle qu’elle ne soit plus identifia-
ble) ou l’inaccessibilité du souvenir par interfé-
rence. La théorie de l’interférence postule que les
souvenirs récents peuvent employer les mêmes ca-
ractéristiques d’encodage que les anciens, et ren- Figure 1 Anatomie.
dent la récupération de ceux-ci plus difficile. On a A. Circuit de Papez. 1. Gyrus cingulaire ; 2. corps calleux ; 3.
également évoqué une incompatibilité progressive trigone (fornix) ; 4. noyau antérieur du thalamus ; 5. tubercule
mamillaire ; 6. stria terminalis ; 7. hippocampe (corne d’Am-
entre les conditions d’encodage et de récupération mon) ; 8. gyrus parahippocampique ; 9. noyau amygdalien.
par modification radicale du contexte subjectif B. Connexions du circuit de Papez. Noyau DM : noyau dorsomé-
(amnésie de l’enfance). dian du thalamus.
510 R. Deschamps, A. Moulignier
latéral. Le noyau central est tantôt considéré tive des souvenirs et l’hypothalamus, permet-
comme une troisième subdivision, tantôt considéré trait le stockage à court terme et le maintien à
comme faisant partie du complexe corticomédian. long terme de l’information dans le cortex ;
Les connexions du complexe amygdalien passent • le codage, replaçant l’information dans un sys-
par deux voies principales : tème d’indexation, serait sous la dépendance de
• la strie terminale émerge de la partie ventromé- la région septale élargie et surtout du cortex
diane du complexe, court à la limite interne du frontal ;
noyau caudé jusqu’à la commissure antérieure ; • le rappel serait le fait du cortex cingulaire et
elle contient la majorité des fibres afférentes et probablement du cortex frontal.
efférentes du complexe corticomédian ;
• la voie amygdalofuge ventrale émerge de la
partie dorsomédiane du complexe, traverse la Pharmacologie de la mémoire5,7,15–19
région sous-lenticulaire et l’espace perforé an-
térieur et contient le plus grand nombre des La mémoire est le résultat d’une coopération entre
connexions du complexe basolatéral. La strie les systèmes hiérarchisés opérant à différents ni-
terminale se projette vers l’hypothalamus et la veaux de l’organisation cérébrale. Les travaux de
région septale. La voie amygdalofuge ventrale recherche se caractérisent par la diversité des ni-
rejoint le cortex entorhinal et le noyau dorso- veaux d’analyse (biochimie, électrophysiologie, gé-
médian du thalamus. Des connexions récipro- nétique moléculaire, etc.). Nous nous limiterons à
ques s’établissent par l’intermédiaire des décrire les hypothèses actuelles de travail visant à
noyaux dorsomédians du thalamus avec le néo- un débouché thérapeutique.
cortex et le cortex cingulaire. La destruction
bilatérale des noyaux amygdaliens ne semble Acétylcholine
entraîner que très peu de troubles mnésiques ;
mais elle est souvent associée aux lésions hippo- C’est le neuromédiateur qui paraît le plus impliqué
campiques dont elle aggrave les conséquences. dans ces processus :
• un déficit cholinergique dans les démences de
Région septale type Alzheimer est désormais démontré avec
une atteinte précoce des neurones cholinergi-
Elle comprend l’aire corticale, l’aire septale 25, ques corticaux et aussi des principaux noyaux
gyrus paraterminal et gyrus diagonalis (hippocampe cholinergiques au premier rang desquels le
précommissural) et les noyaux du septum à la face noyau basal de Meynert et avec une efficacité
interne du lobe frontal comprenant un groupe nu- clinique grâce aux inhibiteurs de l’acétylcholi-
cléaire latéral, un groupe médial et le noyau de la nestérase, enzyme de dégradation de l’acétyl-
bandelette de Broca, auxquels est rattaché le nu- choline ;
cleus basalis de Meynert. • les récepteurs muscariniques ont une densité
La jonction septohippocampique et hippocampo- élevée dans l’hippocampe ;
septale est de grande importance et ses connexions • les anticholinergiques perturbent l’apprentis-
avec le tronc cérébral, l’hypothalamus et le cortex sage et la mémoire chez l’animal, effets qui sont
sont, pour la plupart, à double sens. renversés par les anticholinestérasiques ;
Il y a de grandes difficultés à attribuer à une Les centres cholinergiques sont situés à la base
structure nerveuse déterminée un rôle mnésique du cerveau et dans le tronc cérébral et se répartis-
bien défini. Le schéma suivant proposé par Signoret sent en six groupes.
et Mishkin résume les éléments décrits : Deux voies cholinergiques assurent l’innervation
• les informations atteignent le cortex sensoriel des structures anatomiques impliquées dans la mé-
et le cortex associatif, en particulier préfron- moire, l’hippocampe et le néocortex cérébral :
tal ; • les fibres cholinergiques issues du noyau septal
• elles sont probablement transmises au système médial et de la bandelette diagonale de Broca
limbique avec son centre hippocampal par l’in- empruntent le fornix et la fimbria pour attein-
termédiaire de l’interface que constitue le cor- dre l’hippocampe et le gyrus denté, la strie
tex limbique (parahippocampique et cingu- thalamique pour rejoindre les noyaux habénu-
laire). Cette interface fonctionnera dans le laires et se projeter sur les noyaux interpédon-
rappel ; culaires et l’aire tegmentale ventrale ;
• l’hippocampe, intégré dans un vaste système • la voie basalocorticale, issue du noyau basal de
comprenant le cortex préfrontal, la région sep- Meynert, est un relais entre le système limbique
tale, l’amygdale apportant la coloration affec- et le néocortex. Les fibres cholinergiques issues
512 R. Deschamps, A. Moulignier
de ce noyau projettent sur le cortex cingulaire, processus de mémorisation chez l’animal, à l’ex-
le cortex frontal et préfrontal et le système ception des antagonistes 5-HT2A/2C. Les médica-
limbique. Une augmentation de l’activité choli- ments connus pour accroître la transmission séroto-
nergique dans l’hippocampe et le cortex frontal ninergique cérébrale altèrent les performances
est nécessaire à la mémorisation. Cette aug- mnésiques lors de certains tests. Des résultats ex-
mentation assurerait la consolidation des infor- périmentaux montrent que l’accélération du turn-
mations. Cependant, les effets de l’acétylcho- over de la 5-HT améliore les capacités mnésiques et
line dans le système nerveux central ne sont pas que les taux de 5-HT sont plus faibles dans le
univoques ; ce neurotransmetteur agit tant au système nerveux central (SNC) des rats âgés que
niveau postsynaptique que présynaptique. Il des rats jeunes ou adultes. Seuls certains sous-
existe des colocalisations intracellulaires de types de récepteurs sérotoninergiques sont altérés
l’acétylcholine avec d’autres neurotransmet- au cours du vieillissement : 5-HT1 (plus particuliè-
teurs, ce qui rend encore plus complexe son rement le sous-type 5-HT1B) et 5-HT2. Enfin, chez
rôle. l’homme, si une diminution de l’innervation séro-
toninergique corticale est aujourd’hui connue au
Noradrénaline cours des démences de type Alzheimer, l’efficacité
des inhibiteurs de la recapture de la sérotonine
Le système coeruléocortical pourrait contrôler l’at- n’est pas démontrée.
tention sélective dont le rôle, dans les processus
mnésiques, est essentiel. Le locus coeruleus envoie Récepteur GABA-benzodiazépine
des projections vers l’ensemble du néocortex ;
elles rejoignent le gyrus parahippocampique et la Les benzodiazépines sont connues pour entraîner
région hippocampique par les stries longitudinales des amnésies antérogrades. Les b-carbolines, ago-
de l’indusium gris, la strie terminale et le fornix. La nistes inverses des récepteurs GABA, améliorent
déperdition des systèmes catécholaminergiques l’apprentissage mais ont des propriétés anxiogènes
avec l’âge est certaine chez l’homme. Une interac- et convulsivantes qui rendent leur emploi clinique
tion entre les systèmes noradrénergique et choli- problématique. L’impact physiologique exact du
nergique au niveau de l’hippocampe et au niveau récepteur GABA sur les phénomènes mnésiques
de la région septale a été décrite. L’administration n’est pas connu.
d’un antagoniste noradrénergique dans la région
septale reproduit les déficits mnésiques observés Potentialisation à long terme (PLT)
lors du vieillissement chez le rat.
Par ailleurs, les systèmes catécholaminergiques En 1949, D.O. Hebb émit l’hypothèse que l’activité
interviendraient tout particulièrement lors des ap- corrélée de neurones interconnectés pouvait modi-
prentissages d’événements chargés émotionnelle- fier les connexions synaptiques entre ces neurones,
ment. La noradrénaline libérée (principalement par modification qui serait la base cellulaire de notre
le loecus coeruleus, par exemple au décours d’un mémoire. Le phénomène de potentialisation à long
stress) au niveau du groupe basolatéral de l’amyg- terme (PLT) découvert en 1973 par T.V.P. Bliss et T.
dale potentialiserait l’activité des neurones de Lomo vint confirmer ce postulat. Ce terme décrit
l’amygdale dans les heures qui suivent un appren- une augmentation durable de l’efficacité synapti-
tissage, permettant ainsi une consolidation de la que après stimulation tétanique des afférences ex-
trace mnésique, ces neurones du complexe amyg- citatrices des circuits hippocampiques : de brefs
dalien facilitant ensuite à leur tour la plasticité trains de stimulation à haute fréquence du faisceau
synaptique d’autres structures cérébrales et no- perforant, entrée synaptique majeure de l’hippo-
tamment temporales. campe véhiculant des informations sensorielles en
provenance du cortex entorhinal, induisent une
Sérotonine (5-HT) augmentation importante et durable de la force de
transmission synaptique mesurée par une augmen-
Les liens entre mémoire et systèmes sérotoninergi- tation des potentiels évoqués postsynaptiques
ques restent mal connus. Plusieurs sous-types de (PPSE) des neurones cibles. Le mécanisme de la PLT
récepteurs ont été impliqués dans les processus fait intervenir une libération de glutamate, qui se
mnésiques mais avec des actions variables. Par fixe sur des récepteurs N-méthyl-D-aspartate
exemple, les agonistes des récepteurs 5-HT1A per- (NMDA), couplés à des canaux calciques. L’ouver-
turbent l’apprentissage et les agonistes 5-HT2A/2C ture de ces derniers entraîne un afflux massif de
et 5-HT4 l’améliorent. La plupart des antagonistes calcium dans la cellule, ce qui induit une cascade
des récepteurs 5-HT testés ne modifient pas les de réactions : activation de protéines kinases qui
La mémoire et ses troubles 513
notamment vont entraîner le déblocage d’autres crétée et principal composant des plaques séniles
récepteurs au glutamate, synthèse de protéines qui en cas de démence de type Alzheimer), montre le
vont par un mécanisme de biofeedback modifier la rôle de cette neuropathologie dans l’altération de
libération de glutamate au niveau présynaptique. la plasticité synaptique hippocampique.
Cette plasticité synaptique, induite en quelques
milllisecondes, peut durer de quelques heures à
plusieurs semaines. La plupart des synapses gluta- Instruments cliniques1,10,11,20,21
matergiques, neuromédiateur excitateur, des
structures corticales et sous-corticales, et notam- Méthodes d’évaluation des plaintes
ment l’hippocampe, ont cette propriété.
Celle-ci a été démontrée par E.R. Kandel et al. Ces échelles d’évaluation sont de deux types. Il
chez l’aplysie, lors de l’étude des réflexes d’habi- s’agit soit de questionnaires de plainte mnésique
tuation ou de sensibilisation, puis pour un appren- explorant les difficultés rencontrées dans la vie
tissage plus complexe, le conditionnement classi- quotidienne (la Cognitive Difficulties Scale de Mc-
que, qui sont tous des modèles de mémoire non Nair et Kahn et sa version française par C.
déclarative. Ces auteurs ont de plus démontré Desrouesne en 1995, le questionnaire MAC-Q de
qu’une seule série de stimulations tétaniques en- Crook et Larrabee), soit des questionnaires éva-
traînait une modification du réflexe mais de ma- luant la connaissance qu’ont les sujets de leur
nière transitoire alors que plusieurs séries de stimu- mémoire (le QAM, questionnaire of self assessment
lations entraînaient une modification beaucoup of memory performance de M. Van der Linden). Ces
plus profonde et durable. Dans le premier cas, différents questionnaires ont une validité faible,
modèle de mémoire à court terme, les modifica- avec une corrélation souvent imparfaite entre
tions synaptiques sont uniquement fonctionnelles d’une part les performances mnésiques aux tests et
au sein de la synapse avec changement transitoire d’autre part les capacités réelles dans la vie quoti-
de la conformation des récepteurs glutamatergi- dienne.
ques postsynaptiques, modifiant ainsi soit directe-
ment, soit par l’intermédiaire de réactions enzyma- Méthodes d’étude de la mémoire
tiques, l’entrée des ions et entraînant l’excitation ou
l’inhibition transitoire des neurones postsynapti- Les tests habituellement utilisés pour l’examen de
ques. Dans le second cas, exemple de mémoire à la mémoire ont été construits dans un dessein dia-
long terme, les conséquences sont fonctionnelles et gnostique. Ils se présentent comme des batteries
structurelles : la stimulation répétée des récep- fournissant des mesures globales de la mémoire
teurs glutamatergiques entraîne une cascade de verbale ou visuelle, de rappel ou de reconnaissance
réactions enzymatiques, mais aussi géniques par et permettent de situer un sujet par rapport à un
l’intermédiaire de facteurs de transcription (avec groupe de référence (données normatives). Il existe
au premier rang la protéine CREB-1), avec, en aussi des tests à visée explicative plus adaptés à
conséquence, des modifications structurelles dura- l’exploration de chaque modalité (visuelle, ver-
bles pré- et postsynaptiques (changements de la bale, mémoire rétrograde ...). Pour la plupart des
forme et de la taille des épines dendritiques et des tests cités, plusieurs modalités d’administration
boutons terminaux, activation de synapses alors sont possibles et seule celle habituellement utilisée
silencieuses, alignement de récepteurs, augmenta- sera rapportée.
tion du nombre de synapses...). Les batteries d’évaluation psychométrique, ex-
Les études pharmacologiques ont confirmé le plorant de manière plus globale les fonctions cogni-
rôle crucial de la plasticité synaptique. Par exem- tives (WAIS, échelle de Mattis, la BEC 96 ...) ne
ple, en présence d’un antagoniste sélectif des ré- seront pas décrites ici.
cepteurs NMDA, les neurones de l’hippocampe ne
modifient plus leur activité pendant un apprentis- Batteries d’évaluation globale
sage. Pour l’apprentissage spatial en piscine, tâche
utilisée comme modèle animal de mémoire décla- Échelle clinique de mémoire de Wechsler
rative épisodique et qui est sévèrement affectée (ou Wechsler Memory Scale)
par des lésions de l’hippocampe, des déficits ma- Dans la forme initiale, les différents sous-tests me-
jeurs ont été mis en évidence après blocage des suraient l’orientation, le contrôle mental, la mé-
récepteurs NMDA ou chez les souris mutées n’expri- moire immédiate, la mémoire des récits, les ap-
mant pas une sous-unité du récepteur NMDA. Enfin, prentissages verbaux et la mémoire visuelle. Le
l’étude de souris qui surexpriment l’APP (protéine résultat final était fourni sous forme d’un quotient
précurseur du peptide amyloïde, anormalement sé- mémoire noté sur 100.
514 R. Deschamps, A. Moulignier
L’absence d’épreuve de rappel différé et l’insuf- résultats répartis en classes et indices s’avèrent
fisance des épreuves visuelles ont conduit à cons- finalement peu évocateurs de l’efficience mnési-
truire une batterie plus complète, le Wechsler que du sujet.
mémoire-révisé ou WMS-R. Cette forme révisée
comporte un questionnaire d’information générale Tests « à visée explicative »
portant sur l’orientation et l’identité du sujet, des
épreuves d’empan visuel et verbal, et de grandes Avec matériel visuel
séries de tests explorant la mémoire verbale et Figure de Rey (ou « Rey-Osterrieth complex fi-
visuelle. Plus récemment, une 3e révision a été gure test » [CFT]). Il s’agit de la reproduction,
proposée, la MEM III, incluant en plus une épreuve après 3 minutes puis différée après un délai de 30 à
de reconnaissance verbale, une épreuve de recon- 40 minutes, d’une figure complexe, préalablement
naissance des visages et une épreuve d’exploration réalisée en copie pour évaluer les praxies construc-
de la mémoire de travail plus complexe. Sa passa- tives. Ce test rapide permet de mesurer les capaci-
tion dure de 45 minutes à 1 heure. tés de récupération et donc le taux d’oubli d’un
matériel visuel complexe, mais uniquement en
Batterie d’efficience de J.-L. Signoret (BEM 144) l’absence de tout trouble visuoconstructif.
Elle est plus complète, mais aussi plus complexe et Test révisé de rétention visuelle de Ben-
nécessite 90 minutes. Son intérêt majeur est ton (BVRT-R). Ce test est composé de 10 planches
d’avoir été conçue à partir de l’observation de où figurent des dessins abstraits de complexité
patients amnésiques. Elle permet de mesurer l’effi- croissante, présentés pendant 10 secondes. L’évo-
cience mnésique verbale et visuelle de façon dis- cation peut se faire soit en rappel libre, par repro-
tincte et strictement parallèle. La présentation du duction immédiate du dessin, soit en reconnais-
matériel est unique pour certains items, sérielle sance parmi quatre dessins. Le nombre et le type
pour d’autres. Les modalités de récupération alter- d’erreurs sont notées (persévérations, omissions,
nent selon quatre types de rappel : évocation libre erreurs de taille...). Les résultats sont corrélés au
immédiate, évocation libre différée, épreuve de niveau d’intelligence. Ce test est d’utilisation fa-
reconnaissance et rappel libre indicé. Elle témoi- cile et rapide (5-10 minutes).
gne d’un réel effort pour contrôler les modalités « Brief visuospatial memory test - Revised »
d’acquisition et de rappel des informations qu’elles (BVMT-R). Ce test est une adaptation du sous-test
soient verbales ou visuelles. Les critères de nota- d’évaluation visuelle de l’échelle clinique de mé-
tion tiennent compte de l’âge du sujet et de son moire de Wechsler. Sa réalisation dure de 15 minu-
niveau culturel. Représentés sous forme graphique, tes à 40 minutes selon la longueur du temps de
les résultats finaux permettent d’obtenir deux pro- rappel différé.
fils (visuel et verbal) très évocateurs des capacités
mnésiques du sujet selon les grands processus (rap- Avec matériel verbal
pel immédiat et différé, apprentissages sériels, Les 15 mots de Rey (Rey auditory-verbal learning
apprentissages associatifs, reconnaissance). Ce- test RAVLT). La version la plus utilisée explore
pendant, elle ne comporte pas d’épreuve de mé- l’apprentissage verbal de 15 noms lus par le testeur
moire rétrograde et elle ne dispose pas d’une tra- à haute voix cinq fois de suite. Après chaque lecture
duction et d’un étalonnage pour les pays doit suivre un rappel libre. Apres le 5e rappel, une
anglophones, ce qui limite son intérêt dans le cadre liste interférente B de 15 mots est présentée, et un
d’un travail de recherche. rappel libre de cette liste est alors demandé. Immé-
diatement après, puis 20 minutes après, un rappel
Batterie de L. Israel (BMP2A) de la première liste A est demandé. Finalement, une
Cette batterie, construite spécifiquement pour les histoire utilisant les mots de la liste A est présentée,
personnes âgées de plus de 65 ans, est constituée oralement ou par écrit, et le patient doit reconnaî-
d’un ensemble de subtests simplifiés issus de diffé- tre les mots. Ce test dure environ 30 minutes.
rents instruments préexistants. La passation n’ex- « California verbal learning test » (CVLT)
cède pas 40 minutes. Elle comporte trois formes (adaptation française par B. Deweer). Cette
parallèles, ce qui permet des évaluations longitudi- épreuve comporte l’apprentissage en cinq essais,
nales des capacités mnésiques, mais uniquement suivis chacun d’un rappel libre et rappel indicé à
pour les apprentissages visuels et les listes de mots. court terme, d’une liste de 16 mots. Cette liste est
Les scores de rappel immédiat et différé sont addi- constituée à partir de quatre catégories sémanti-
tionnés pour l’indice de mémoire globale, incluant ques définies, présentées dans un ordre pseudo-
également les performances verbales et visuelles, aléatoire, le nom de chaque catégorie sémantique
non dissociées. La cotation est complexe et les constituant l’indice de rappel. L’analyse porte sur
La mémoire et ses troubles 515
la capacité d’organisation spontanée du sujet. On y long terme (nombre de mots rappelés à tous les
ajoute l’apprentissage en un essai d’une liste inter- essais suivant le rappel initial) et la récupération au
férente de 16 mots dont huit appartiennent à deux hasard. Ces indices sont intéressants, mais rien ne
catégories sémantiques de la première liste et huit permet, dans ces procédures, de connaître le mode
autres à deux catégories sémantiques différentes. d’organisation utilisé par le sujet pour mémoriser.
Ce test permet d’évaluer de nombreux aspects de
la mémoire : stratégies d’apprentissage, difficultés Tests explorant la mémoire rétrograde
des processus de récupération ou d’encodage par « Boston retrograde amnesia test ». Cette batte-
comparaison entre les performances en rappel li- rie est composée d’un test de reconnaissance de
bre, en rappel indicé et en reconnaissance, phéno- visages célèbres et de deux questionnaires, l’un en
mènes d’interférences, intrusions et répétitions. Il rappel, l’autre en reconnaissance, couvrant la pé-
s’agit d’un test riche en information mais long et riode de 1930 à 1970, répartis par décennies. Cela
exigeant en attention. permet la mise en évidence d’un gradient tempo-
Test de E. Grober et H. Buschke (adaptation rel, avec relative préservation des souvenirs les
française par M. Van der Linden). Il s’agit d’un plus anciens.
apprentissage fractionné d’une série de 16 mots Test de Crovitz. On demande aux sujets de rap-
appartenant à 16 catégories sémantiques différen- porter une expérience personnelle en précisant la
tes. Dans un premier temps, les mots sont présen- date, à partir d’un mot stimulus ; 10 ou 20 mots
tés quatre par quatre sur des fiches divisées en concrets sont proposés. Le problème est l’absence de
quadrants. Le sujet doit pointer le mot correspon- contrôle de la répartition temporelle des souvenirs.
dant à la catégorie sémantique énoncée par l’expé- Test « mort ou vif ». À partir d’une liste de
rimentateur. Le nom de la catégorie sémantique personnalités célèbres, le sujet doit déterminer si
sert ensuite d’indice pour rappeler immédiatement elles sont mortes ou vivantes, en précisant com-
les quatre mots. La procédure d’identification et ment et quand pour celles décédées.
de rappel indicé est renouvelée en cas d’échec pour Questionnaire semi-dirigé de Kopelman ou
un item. La première phase de ce test permet ainsi « autobiographical memory interview »(AMI)
de s’assurer que l’ensemble des 16 mots a donné (adaptation française par M. Van der Linden). Ce
lieu à un encodage profond. Plusieurs scores de questionnaire explorant plus particulièrement la
rappel libre, de rappel indicé et de reconnaissance mémoire autobiographique est composé de deux
sont obtenus après des délais plus ou moins longs. parties : un inventaire coté sur 27 dit d’incidents
Ce test permet donc d’analyser les performances autobiographiques, précisant des événements aussi
en manipulant systématiquement le mode de récu- spécifiques, détaillés et précis que possible (par
pération tout en maîtrisant la situation d’enco- exemple : rappel d’un incident survenant à l’école,
dage. Par opposition, ce contrôle de l’encodage lors du premier emploi, pendant les vacances des
empêche une étude des capacités d’encodage cinq dernières années ...), et un inventaire de
spontané du sujet. Le score de sensibilité à l’indi- mémoire sémantique personnelle, coté sur 63, où il
çage au cours du rappel est un critère pertinent est demandé au sujet de rappeler des faits précis
permettant de différencier vieillissement normal et de sa vie (écoles fréquentées, noms des profes-
maladie d’Alzheimer. seurs...). Les deux inventaires sont divisés en trois
« Selective reminding » et « Restrictive remin- périodes de vie : l’enfance, les premières années
ding » de H. Buschke et P. A. Fuld. Contrairement de la vie d’adulte, et la période récente. La durée
aux techniques standards, la liste de mots à ap- est de 20 à 30 minutes.
prendre n’est pas représentée entièrement à cha-
que essai. Après le premier rappel immédiat, seuls Tests explorant la mémoire à court terme
les mots oubliés sont représentés, le sujet devant et la mémoire de travail
rappeler la liste entière. Cette procédure est répé- « Empan digital » (Digit span). Disponible dans
tée plusieurs fois. Dans le « Restrictive remin- plusieurs des batteries d’efficience globale (Mattis,
ding », après la première lecture de la liste de mots MEM-III), qui propose des séries de chiffres dont le
et le rappel immédiat, toutes les présentations nombre varie de 2 à 9, avec rappel immédiat, dans
suivantes sont limitées aux mots qui n’ont pas l’ordre annoncé ou à rebours.
encore été retrouvés. Cela est répété jusqu’à ce Paradigme expérimental de Brown-Peterson
que le sujet ait nommé chaque mot au moins une (ou « Auditory consonant trigrams » [CCC]). Il
fois. Plusieurs mesures ont ainsi été définies, per- propose le rappel d’informations (consonnes, mots
mettant de distinguer le stock à court terme et le unisyllabiques ou séquences visuospatiales) après
stock à long terme (nombre de mots rappelés deux un délai variable (généralement de 0 à 320 s)
fois consécutives), la récupération « consistante » à concurremment à une tâche interférente (compter
516 R. Deschamps, A. Moulignier
tallation est souvent rapide, après une encéphalo- cours de pathologies plus diffuses : encéphalite
pathie aiguë de Gayet-Wernicke. Il est consécutif à herpétique, encéphalite limbique paranéoplasique,
une atteinte diencéphalique et se manifeste par anoxie et intoxication au monoxyde d’azote (CO).
une amnésie antérograde massive, avec désorien- Certaines maladies d’Alzheimer débutent par une
tation temporelle totale, difficultés importantes amnésie de type hippocampique. Enfin, certaines
dans la capacité à acquérir de nouvelles informa- atteintes vasculaires bilatérales touchent le terri-
tions comme le montrent les tests de rappel libre, toire des artères cérébrales postérieures.
indicé et de reconnaissance. Des capacités sont
préservées : la mémoire à court terme est conser- Amnésie thalamique23
vée (empan, récence), mais le paradigme de Principalement retrouvée en cas de lésion vascu-
Brown-Peterson est perturbé du fait d’une sensibi- laire (infarctus tubérothalamiques et infarctus pa-
lité anormale à l’interférence proactive, possibilité ramédians), elle est faite d’une amnésie antéro-
d’apprentissage notamment en mémoire épisodi- grade majeure (essentiellement par trouble de
que biographique (des événements récents peuvent l’encodage) avec peu de fabulation, d’une anoso-
être évoqués spontanément par les patients, insé- gnosie et d’une amnésie rétrograde peu marquées.
rés dans une fabulation ou présentés comme le Elle peut s’associer initialement à des troubles de
récit d’un rêve), en mémoire sémantique et en la vigilance, à des troubles l’humeur de type apa-
mémoire implicite dans plusieurs dimensions
thique et soit à des troubles du langage en cas
(amorçage sémantique, apprentissages moteurs,
d’atteinte à gauche, soit à une héminégligence
lecture en miroir). Il existe de plus une amnésie
spatiale pour les lésions à droite.
rétrograde souvent étendue avec gradient tempo-
rel (les souvenirs anciens sont mieux préservés),
Syndrome de l’artère communicante
avec parfois des lacunes au milieu de plages préser-
antérieure24,25
vées. Ces caractéristiques permettent alors que
pour les patients avec amnésie par lésions tempo- Cette amnésie est attribuée à l’atteinte des régions
rales, l’amnésie rétrograde semble plus circons- basales frontales, secondaire le plus souvent à une
crite avec un gradient moins net. Autre différence rupture d’anévrisme de la communicante anté-
avec les amnésies bihippocampiques, les patients rieure et/ou à l’ischémie par spasme artériel post-
Korsakoff présentent un déficit de la métamé- saignement. Elle se caractérise par des troubles du
moire, avec une connaissance limitée des straté- rappel libre et, à un degré moindre, du rappel
gies pouvant aider au fonctionnement de la mé- indicé mais avec reconnaissance respectée, la pos-
moire, donnant ainsi à ces patients l’impression sibilité de confabulations, toutefois avec une am-
d’être moins concernés par leur déficit. nésie rétrograde modeste, et par l’existence d’un
Le syndrome Korsakovien comporte également déficit associé aux épreuves sensibles à un dysfonc-
des signes associés avec confabulations, fausses tionnement frontal. L’atteinte mnésique peut être
reconnaissances, et anosognosie. Les fabulations sévère initialement avec un syndrome amnésique
sont des productions de faux souvenirs émises en de type axial, pour le plus souvent régresser mais
réponse aux questions plutôt que spontanément. incomplètement. Contrairement à l’atteinte bihip-
Les fausses reconnaissances s’insèrent dans ces fa- pocampique ou le syndrome de Korsakoff, l’at-
bulations. Il s’agit d’une identité erronée (en géné- teinte ne serait pas liée à une accélération des
ral issue du passé ancien du patient) attribuée à oublis mais à des difficultés d’encodage et/ou de
une personne récemment rencontrée. rappel par troubles de l’attention et des fonctions
Ces caractéristiques ne sont pas spécifiques et d’organisation stratégique.
des différences interindividuelles sont fréquem-
ment rapportées par les différents auteurs, notam- Syndrome bicingulaire
ment du fait de l’existence de lésions cérébrales Il était surtout secondaire à la psychochirurgie ; on
diffuses (par exemple frontales) chez ces patients observait des troubles transitoires du rappel et de
alcooliques chroniques. Enfin, ce syndrome n’est l’étiquetage temporel des souvenirs.
pas l’apanage des alcooliques chroniques carencés
et il a été décrit chez les patients présentant une Démences corticales26–31
tumeur du plancher du troisième ventricule ou de la
région des corps mamillaires. Démences de type Alzheimer
Les troubles mnésiques dominent la sémiologie des
Autre amnésie axiale ; le syndrome démences de type Alzheimer (DTA), même si d’ex-
bi-hippocampo-amygdalien ceptionnelles formes instrumentales de la maladie
Le cas le plus démonstratif est le patient H.M. ont été rapportées. La mémoire à court terme est
D’autres syndromes de ce type ont été observés au atteinte (réduction de l’empan et de l’effet de
518 R. Deschamps, A. Moulignier
récence). Cette perturbation, absente à un stade globales sont plus altérées en cas de démence à
précoce de la maladie, serait corrélée à la gravité corps de Lewy excepté en mémoire épisodique –
de la démence. La mémoire déclarative est cons- notamment pour le rappel différé – et pour l’orien-
tamment perturbée, même aux stades précoces. La tation. La production d’intrusions lors du rappel
mémoire épisodique est particulièrement atteinte, serait plus fréquente en cas de démence à corps de
essentiellement par trouble de l’encodage, avec en Lewy. Il s’y associe de plus une fluctuation de la
conséquence trouble du rappel libre, de la recon- vigilance, des hallucinations visuelles et un syn-
naissance et amélioration médiocre malgré l’ap- drome parkinsonien. Elle se caractérise par des
port des indices, et souvent rappel d’informations fluctuations très marquées de l’intensité des symp-
erronées (intrusions). La mémoire sémantique est tômes, l’existence précoce d’hallucinations visuel-
plus tardivement touchée, alors que la mémoire les ou auditives, des chutes, des épisodes confu-
procédurale (lecture en miroir, labyrinthes) reste sionnels aigus ou des dissolutions brèves de la
normale jusqu’à un stade avancé. conscience.
lement intactes au début de la maladie. Compte accident artériel ischémique transitoire (mais les
tenu de l’atteinte striatale, la mémoire procédu- études en imagerie par résonance magnétique
rale est très fréquemment perturbée, même s’il [IRM] de diffusion restent contradictoires), et épi-
semble exister une hétérogénéité en fonction des lepsie. Depuis quelques années, l’hypothèse d’une
tâches évaluées. Ainsi, il peut exister précocement ischémie veineuse transitoire diencéphalique bila-
une atteinte de certains secteurs de la mémoire térale ou bihippocampique a été évoquée mais
implicite pour des activités élaborées (tour de To- reste à démontrer. La prise de médicaments (sildé-
ronto) ou des procédures motrices mais l’amorçage nafil, benzodiazépines) ou de toxiques (marijuana)
lexicale est longtemps préservé. Les tests permet- est parfois retrouvée.
tent de plus de mettre en évidence un syndrome
dysexécutif associé et, plus rarement, une atteinte Troubles iatrogènes
instrumentale, toujours moins sévère que dans la
maladie d’Alzheimer. Benzodiazépines38
Le caractère amnésiant du diazépam et d’autres
Chorée de Huntington benzodiazépines (BZD) en prise unique est bien
Cette affection dégénérative de transmission héré- reconnu. La recherche a même permis de mettre au
ditaire autosomique dominante par répétition point certaines molécules dont c’est l’effet princi-
anormale de triplets CAG du gène IT15 sur le chro- pal et qui sont utilisées en préanesthésie (midazo-
mosome 4, avec histologiquement atteinte stria- lam). Les BZD modernes à indication anxiolytique
tale prédominante, associe cliniquement démence, en sont théoriquement dépourvues, en dehors du
avec au premier plan troubles du comportement et risque inopiné de confusion mentale. Des variations
de l’humeur, et mouvements choréiques. Les per- interindividuelles sont considérables. Il faut rappe-
turbations de la mémoire sont constantes au stade ler que la plupart des études spécifiques ont eu lieu
tardif de la maladie et sont parfois le premier motif chez des volontaires jeunes sains, en majorité mas-
de plainte. Elles se manifestent par une atteinte de culins ; à l’inverse de la situation clinique courante
la mémoire à court terme, de la mémoire épisodi- concernant des patients âgés, surtout des femmes,
que antérograde (surtout en rappel libre avec amé- souvent polytraitées. Globalement, l’accès à la
lioration des performances en rappel indicé et en mémoire sémantique n’est pas altéré, mais l’ap-
reconnaissance) et rétrograde. La mémoire procé- prentissage verbal sériel est détérioré par beau-
durale est détériorée, mais l’amorçage lexical peut coup de molécules. Il existe peu d’études à moyen
rester longtemps normal. Il s’y associe les autres terme (qui semblent montrer une tolérance par-
caractéristiques des démences sous-corticales : ra- tielle) et aucune à long terme.
lentissement idéatoire et syndrome dysexécutif.
Sismothérapie39,40
Troubles pathologiques transitoires Les troubles mnésiques qui suivent ce traitement
des dépressions sévères sont transitoires et parfois
Ictus amnésiques35–37 considérés comme un modèle expérimental d’am-
L’ictus est caractérisé par la survenue brutale nésie. On constate une amnésie antérograde des
d’une amnésie mais qui est réversible, en l’absence données de nature épisodique, qui s’amende pro-
d’autre signe neurologique ou cognitif associé. Lors gressivement en laissant une lacune. Elle serait
de l’ictus, il existe une atteinte sélective sévère de davantage le fait d’une augmentation de la pente
la mémoire épisodique, alors que les autres mémoi- de l’oubli que d’un déficit de l’encodage. Il peut
res sont préservées : mémoire de travail (excepté aussi exister une amnésie rétrograde portant sur 1 à
pour le paradigme expérimental de Brown- 2 ans avant le choc. Les apprentissages sont préser-
Peterson), mémoire procédurale, mémoire séman- vés. L’intensité du trouble mnésique est propor-
tique. Pour la mémoire antérograde, l’atteinte est tionnelle à l’intensité du choc électrique délivré.
massive et constante et concerne l’encodage et/ou Dans tous les cas, les chocs unilatéraux entraînent
la consolidation, alors que pour la mémoire rétro- un trouble moins intense et plus bref que les chocs
grade, l’atteinte est inconstante et de sévérité bilatéraux.
variable, pouvant s’étendre sur quelques jours à
plusieurs années, et prédomine sur la récupération Anesthésie générale41,42
des informations. Il n’existe pas de confusion mais L’existence de plaintes après chirurgie avec anes-
une désorientation temporelle et une anxiété avec thésie générale est rapportée depuis de nombreu-
questions itératives. Apres l’ictus, il persiste le plus ses années, et elles sont regroupées sous le terme
souvent une amnésie lacunaire isolée. Plusieurs de postoperative cognitive dysfunction (POCD).
étiologies ont été évoquées sans succès : migraine, L’incidence de ces atteintes cognitives, mnésiques
520 R. Deschamps, A. Moulignier
ou autre, varie en fonction principalement du type ration sont telles qu’il est difficile de repérer un
d’intervention et de l’âge. Après chirurgie cardia- facteur prédictif de la récupération à 1 an. Les
que, elle serait d’environ 50 à 80 % immédiatement troubles peuvent toucher la mémoire rétrograde
après l’intervention, de 10 à 30 % à 6 mois et ancienne (biographique et/ou sémantique). Plus
persisterait à 5 ans. La durée de l’intervention, souvent, il s’agit de trouble de l’enregistrement,
l’âge, l’existence de troubles cognitifs préexistants principalement des données verbales. La mémoire
et de facteurs de risque vasculaire augmenteraient à court terme paraît relativement préservée sauf
ce risque. Chez le sujet de moins de 60 ans et pour en cas de traumatismes sévères, mais il existe une
la chirurgie non cardiaque, l’incidence des attein- majoration de l’interférence proactive. Dans les
tes cognitives est plus faible et les troubles sont le apprentissages verbaux, on note un défaut de caté-
plus souvent transitoires. gorisation spontanée de l’information, peu amélio-
rée par l’indiçage sémantique. Le déficit du rappel
Troubles métaboliques libre porte plus sur les mots concrets qu’abstraits,
Des troubles mnésiques, sans spécificité sémiologi- il est corrigé par la consigne spécifique de création
que, pouvant survenir en l’absence de tout syn- d’images mentales, indiquant une perturbation de
drome démentiel, ont été décrits dans les hypothy- l’imagerie mentale spontanée. Les apprentissages
roïdies, les carences en vitamine B12 et en folates. sont également perturbés par des intrusions pour le
La relation entre atteinte neurologique et carence matériel verbal et des fausses reconnaissances de
en vitamine B12 est la plus documentée, la carence matériel visuel. La pente d’oubli est accrue et les
en acide folique n’entraînerait que des désordres processus automatiques sont aussi perturbés. Ces
confusionnels et non démentiels. troubles peuvent perdurer des années et ne sont
que modérément accessibles aux programmes de
Traumatismes crâniens43,44 réhabilitation. La question se pose de savoir s’il ne
Les troubles mnésiques après TC sont très variables faudrait pas commencer ceux-ci dès la période
et dépendent principalement de l’existence ou non d’amnésie post-traumatique, en s’appuyant sur la
de lésions cérébrales plus ou moins étendues. Trois mémoire implicite, malgré l’apparent oubli à me-
types de troubles peuvent néanmoins être indivi- sure.
dualisés.
Syndrome subjectif des traumatismes crâniens
Amnésie post-traumatique (ou syndrome postcommotionnel)
C’est un état transitoire suivant immédiatement le Apanage des traumatismes mineurs sans perte de
traumatisme et/ou le réveil du coma. Il associe un connaissance, il est fait d’une mosaïque de signes
syndrome confusionnel et des troubles comporte- incluant des troubles de mémoire. Leur prévalence
mentaux : désinhibition, relâchement du langage... est mal connue, les évaluations variant entre 20 et
Cet état s’améliore progressivement, le plus sou- 80 % pour le premier mois. Dans les séries éliminant
vent selon un ordre fixe : reconnaissance des per- strictement les antécédents alcooliques et psychia-
sonnes, puis réorientation pour les lieux, et enfin triques, les troubles s’amendent dans la quasi-
rappel des dates. Sa durée totale a une valeur totalité des cas en moins de 3 mois.
pronostique pour les troubles résiduels. L’amnésie
rétrograde s’étend initialement à plusieurs années. États dépressifs39,45,46
Il s’agit essentiellement d’un trouble de l’évoca- Chez certains déprimés, il existe un ralentissement
tion, comme le démontre la récupération progres- physique et psychique (temps de réaction, perfor-
sive des souvenirs les plus anciens en premier lieu. mances cognitives en temps limité). Les troubles
Une lacune définitive des événements précédant touchent la mémoire à court terme (Brown-
de peu le traumatisme témoigne de l’interruption Peterson) et à long terme (visuelle et verbale). Le
des processus de fixation définitive de la trace déficit porte sur l’encodage ; le rappel différé ne
mnésique. L’amnésie antérograde est liée d’une montre pas d’altération supplémentaire, tradui-
part aux troubles attentionnels, d’autre part à une sant un stockage de bonne qualité. Il est le fait
évaporation accélérée de la trace mnésique. En d’une diminution de la capacité de traitement sé-
revanche, la mémoire procédurale semble préser- mantique de l’information et d’un défaut d’organi-
vée, avec possibilité d’apprentissage. sation spontanée. On observe également un trouble
des processus de prise de décision. Il existe fré-
Troubles mnésiques séquellaires quemment une corrélation inverse entre les perfor-
Des troubles mnésiques peuvent persister dans 10 à mances aux tests et la sévérité du syndrome dé-
50 % des cas. Les variations interindividuelles dans pressif (selon le score aux échelles d’évaluation)
la diffusion des lésions et les capacités de récupé- et, de façon concordante, l’amélioration cognitive
La mémoire et ses troubles 521
est parallèle à l’amélioration thymique. Une dimi- la mémoire de travail. L’affaiblissement porte sur-
nution de la fluence verbale a été signalée, pouvant tout sur la mémoire à long terme : qualité de
traduire le ralentissement cognitif ou un accès plus l’encodage, et surtout détérioration des processus
difficile à la mémoire sémantique. de récupération. Le stockage est normal. Le rappel
La notion de dépression pseudodémentielle dé- différé est toutefois amélioré par l’indiçage et la
rive d’observations cliniques au cours desquelles reconnaissance normale. La présence d’intrusion
des patients présentant un syndrome démentiel semble exceptionnelle chez le sujet sain.
franc, mais également des signes dépressifs, ont Les plaintes sont fréquentes et retrouvées chez
guéri après un traitement antidépresseur. De nom- 70 % des patients de plus de 70 ans. L’étude Paquid
breux travaux ont cherché à détecter des symptô- a montré que l’existence de plaintes représente à
mes qui permettraient un diagnostic précoce. Ils elle seule un facteur de risque d’évolution vers une
sont tous décevants, tout au plus peut-on relever démence, même lorsque les performances mnési-
l’intérêt d’antécédents psychiatriques, d’une date ques aux tests sont initialement normales.
précise de début et d’une progression rapide, mais Les plaintes peuvent être associées, chez cer-
l’épreuve thérapeutique constitue toujours l’uni- tains patients, à un déficit objectif de la perfor-
que argument diagnostique définitif. L’incidence mance mnésique avec toutefois respect du fonc-
exacte de ce type de trouble n’est pas établie, car tionnement cognitif global et intégrité des activités
les études cliniques présentent de nombreuses am- de la vie quotidiennes. Ces patients ont été regrou-
biguïtés de terminologie et de classification. Au pés sous une même entité, le mild cognitive impair-
cours des études consacrées à la démence, on ment.
relève couramment un pourcentage de 15 à 20 % de
patients déments mais également déprimés avec de « Mild cognitive impairment »48–50
rares renseignements sur les traitements appliqués Ce terme a supplanté d’autres appellations plus
et sur leurs résultats. Plusieurs études de patients anciennes, correspondant à des critères moins pré-
présentant initialement les deux syndromes clini- cis : benign senescent forgetfulness (oublis bénins),
ques (démence et dépression) obtiennent de bons age-associated memory impairment, age-related
résultats (30 à 80 % de succès) après un traitement cognitive decline, mild neuro-cognitive disorder,
antidépresseur. À l’opposé, une fraction non négli- cognitive impairment ou encore aging-associated
geable de dépressifs âgés est susceptible de déve- cognitive decline. Le MCI est défini par l’existence
lopper une démence dans les années qui suivent d’un état cognitif intermédiaire entre vieillisse-
une dépression apparemment non compliquée (7 à ment normal et démence. « Pour la forme amnési-
57 % suivant les études). que de MCI », des critères plus précis ont été
proposés :
Vieillissement cérébral normal • plaintes mnésiques du patient ;
et pathologique • performances anormales aux tests explorant les
fonctions mnésiques (performances inférieures
Le vieillissement normal entraîne une diminution d’au moins 1,5 DS par rapport à la norme pour
de certaines capacités mnésiques. Cependant, l’âge) ;
nombres de pathologies « dégénératives » d’appa- • fonctionnement cognitif global normal (c’est à
rition tardive sont liées à l’âge et entraînent égale- dire mini mental state [MMS] supérieur ou égal à
ment des troubles de mémoire. À leur début, la 25) ;
distinction avec le vieillissement normal n’est pas • absence de retentissement dans la vie quoti-
toujours simple. dienne ;
• absence de démence (définie par un score à la
Mémoire au cours du vieillissement clinical dementia rating scale inférieur à 1).
normal1,3,28,47 La prévalence des sujets avec MCI varie de 3 à 6 %
Tous les travaux montrent que les performances dans la population âgée. Les résultats des études
mnésiques s’affaiblissent avec l’âge, même s’il concernant l’existence ou non de facteurs favori-
existe une grande variabilité interindividuelle. Au sant – âge, sexe, niveau d’éducation, antécédent
cours du vieillissement normal, on constate sché- de dépressions – ... restent contradictoires. Le ris-
matiquement les faits suivants : la mémoire impli- que de conversion vers une démence, le plus sou-
cite est indemne ; la mémoire à court terme (em- vent de type Alzheimer, des formes amnésiques de
pan, récence) n’est pas atteinte, mais il existe une MCI varie en fonction des études, notamment du
altération des épreuves réclamant des ressources fait de l’utilisation de critères différents, mais elle
attentionnelles (par exemple empan à l’envers), peut être estimée entre 10 à 15 % par an (pour une
interprétées comme une détérioration modérée de incidence annuelle de 1 à 2 % pour les témoins).
522 R. Deschamps, A. Moulignier
Aucun marqueur neuropsychologique, en imagerie noms et des visages, par la transformation du nom
morphologique ou fonctionnelle prédictif fiable en image concrète et son association à un trait
d’évolution vers une démence n’a, à l’heure ac- dominant du visage.
tuelle, été isolé.
Aides externes
Elles correspondent à la recherche de moyens exi-
Thérapeutique geant moins d’efforts personnels. Elles sont plus
fréquemment employées que les précédents. On
Procédés mnémotechniques recense ainsi celles qui enregistrent des informa-
tions dans des systèmes extérieurs (listes, agendas,
Ils existent depuis des temps immémoriaux. Au carnets de mots, objets, papiers placés à un endroit
temps où la mémoire humaine constituait l’unique précis). Les autres permettent d’accéder à des
réceptacle des connaissances, de multiples techni- informations stockées en mémoire : nœud au mou-
ques se sont développées, dont il nous reste l’écho choir, minuterie, bip de montre.
affaibli dans les chants antiques, sagas nordiques
ou védas indiennes. La rime était une des pierres
Stratégies d’études
angulaires de l’apprentissage des milliers de ver-
sets constituant la somme du savoir de la plupart On sort là des procédés mnémotechniques pour
des civilisations avant la généralisation de l’écrit. aborder les techniques d’organisation et d’élabora-
tion sémantique. Deux sont particulièrement
Méthode des loci connues : SQ3R et Q3POC. Elles permettent d’amé-
Rapportée par Cicéron (De Oratore 2-86), elle re- liorer le rappel d’informations didactiques par un
monterait à l’époque grecque classique. Elle travail d’organisation pendant l’encodage. Le SQ3R
consiste à utiliser un lieu familier comportant de a été mis au point aux États-Unis pendant la Se-
nombreuses « étapes » (pièces de la maison, bouti- conde Guerre mondiale et est encore utilisé dans
ques d’une rue) que l’on numérote et que l’on les universités. Il signifie S : survoler le texte pour
parcourt toujours dans le même ordre. Les élé- en dégager l’idée générale ; Q : questionner, se
ments devant être mémorisés sont « placés » men- poser des questions sur le texte ; 3R : repérer ces
talement à chacune de ces étapes. Cette technique idées principales pour pouvoir répondre aux ques-
comporte un effet d’interférence important entre tions, réciter ces idées-force, revoir immédiate-
listes et n’est guère utilisable dans la vie quoti- ment le texte pour consolider. La méthode Q3POC
dienne. consiste en six questions élémentaires : qui fait
quoi et quand (Q3), pourquoi, où et comment
Mots-crochets (POC). On y ajoutera la technique du recouvrement
Variante de la précédente, cette technique s’appli- espacé : il s’agit de rappeler régulièrement l’infor-
que surtout à des listes, à la rigueur à des itinérai- mation dans des délais progressivement allongés.
res. Il s’agit d’associer les nombres de 1 à 10 avec
un mot concret qui rime avec le nombre et de Entraînement-rééducation
mémoriser cette association. À partir de là, on peut
apprendre une nouvelle série de 10 mots en « ac-
crochant » à chaque mot-rime une image concrète Personnes âgées
du mot à retenir. Les personnes âgées ont très souvent recours aux
aides externes, davantage que les plus jeunes. Elles
Méthode des initiales ont des difficultés à employer spontanément les
Bien connue des étudiants en médecine, le proto- procédés mnémotechniques bien qu’elles en soient
type en est la phrase-clé des 12 paires de nerfs capables. Des programmes d’entraînement en
crâniens (O Oscar, Ma Petite Thérèse M’a Fait A groupe ont été construits. Ceux qui ont donné des
Grand’Peine Six Gosses). On peut également cons- résultats positifs ont sélectionné quelques champs
truire une phrase à partir des mots eux-mêmes de précis d’application correspondant aux défaillan-
la liste ou utiliser les initiales seules pour former un ces de mémoire évoquées par les sujets. Par
acronyme. ailleurs, un préentraînement peut être nécessaire,
en raison des difficultés des sujets âgés à produire
Imagerie visuelle des images mentales et des associations entre ima-
La mémoire visuelle est plus « solide » que la ges. La motivation est particulièrement impor-
mémoire verbale. Son emploi a été théorisé récem- tante, exigeant des stratégies spécifiques pour la
ment et est surtout appliqué à la mémorisation des développer.
La mémoire et ses troubles 523
double aveugle, sur des tests neuropsychologiques 19. Kandel ER. The molecular biology of memory storage: a
élaborés, plus sensibles à l’attention qu’au fonc- dialogue between genes and synapses. Science 2001;294:
1030–8.
tionnement mnésique proprement dit.
La citation de l’ensemble des références biblio- 20. Lezak M. Neuropsychological assessment. New York:
Oxford University Press; 1986.
graphiques aurait très largement dépassé l’espace
qui nous était imparti. Nous avons donc fait le choix 21. Spreen O, Strauss E. A compendium of neuropsychological
tests. New York: Oxforf University press; 1998.
de ne citer que des ouvrages ou les revues les plus
contributives ou les plus récentes, une bibliogra- 22. Verstichel P. Syndrome amnésique de Korsakov. Presse
Med 2000;29:1670–6.
phie complète pouvant être reconstituée à partir
23. Schmahmann JD. Vascular syndromes of the thalamus.
des références qui y sont citées in extenso.
Stroke 2003;34:2264–78.
24. Diamond BJ, DeLuca J, Kelley SH. Memory and executive
functions in amnesic and non-amnesic patients with ane-
Références vrysms of the anterior communicating artery. Brain 1997;
120:1015–25.
1. Derouesné C. Vivre avec sa mémoire. Paris: éditions du 25. Rousseaux M, Godefroy O, Cabaret M. Les déficits
Rocher; 1996. d’apprentissage après rupture des anévrysmes de l’artère
communicante antérieure. Rev Neurol 1998;154:508–22.
2. Freed DM, Corkin S, Cohen NJ. Forgetting in HM: a second
look. Neuropsychologia 1987;25:461–71. 26. Buschke H, Sliwinski MJ, Kuslansky G, Lipton RB. Diagnosis
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3. Schacter D. Oublier et se souvenir. Paris: Odile Jacob;
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