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CAS À L’ÉTUDE

« LES CASSÉS »

DE 6 À 12 ANS
ANN-LU BRODEUR

DE 6 À 12 ANS

Ann-Lu fait son entrée à l’école primaire sans faire trop de vagues, digne de son attitude très posée.
Elle s’avère très observatrice, derrière des airs un peu timides. Martin, son père adoptif, apprécie qu’elle lui
ressemble, en quelque sorte, sur ce plan. Il ne le dit pas ouvertement mais il a l’impression de la comprendre,
d’une certaine façon. Il lui arrive de passer de longs moments avec sa fille, en toute tranquilité, à simplement
prendre plaisir à l’observer et à apprécier cette présence dans leur demeure qui avait repris vie depuis déjà
quelques années. Ce qu’Ann-Lu remarque à l’école, c’est qu’elle voit très peu d’autres enfants qui partagent
ses traits « particuliers », qui ne lui viennent pas de ses parents adoptifs. Elle n’ose pas en parler avec sa
mère, Nathalie. Ann-Lu demeurera d’ailleurs plus petite que tous ses partenaires de classe tout au long de
son primaire.

Nathalie a une certaine tendance à surprotéger Ann-Lu. La petite n’a pas vraiment fréquenté les
« fêtes d’enfants » auxquelles participent plusieurs avant l’entrée à l’école. Ann-Lu a tout de même
développé une relation un peu spéciale avec son voisin qu’elle pouvait qualifier comme un « ami » mais
celui-ci a dû être inscrit à une école secondaire spécialisée en raison de son TSA plus sévère. Elle le voit
encore mais ils passent plus rarement du temps ensemble. Ann-Lu le considère quand même comme un petit
frère.

À l’école, sans être mise à l’écart, Ann-Lu n’est pas tout à fait ce qu’on pourrait qualifier de
populaire parmi ses camarades de classe. Elle s’avère plutôt réservée et passe un peu sous le radar, elle
préfère observer les autres que de s’exciter pendant les périodes de récréation, par exemple. Sa passion se
situe plutôt dans l’univers de la bibliothèque, elle dévore lecture après lecture. Nathalie y contribue
largement en lui racontant des histoires tirées de contes pour enfants à tous les soirs. Certaines de ces
histoires font référence à des bébés transportés par une cigogne… Cette façon de présenter l’origine des
bébés avive sa curiosité. Elle ressent parfois aussi cette impression d’avoir été « parachutée » dans le monde.
Nathalie inscrit Ann-Lu à la bibliothèque du quartier dès le début de sa première année. Nathalie s’étonne
de voir son enfant apprendre à lire avant même qu’on lui montre à l’école. Ann-Lu semble avoir de grandes
capacités d’apprentissage, à tout le moins elle se distingue des enfants de son âge sur ce plan.

Bien que l’école soit une partie de plaisir, du moins d’un point de vue académique et de ses résultats,
Martin discute avec Nathalie et se demande s’ils ne devraient pas inviter Ann-Lu à faire plus d’activités,
comme la gymnastique ou autre. Nathalie n’aime pas trop les activités auxquelles elles ne peut participer
avec sa fille, elle privilégie des sorties qu’elle peut faire avec Ann-Lu et n’encourage pas trop celle-ci à
foncer pour se faire des amis. Martin constate bien que Nathalie encourage fortement les apprentissages
d’Ann-Lu et les liens avec l’école. Ainsi, il y va de propositions délicates en tentant de ne pas trop brusquer
sa femme. Il est conscient que celle-ci semble totalement investie dans l’éducation d’Ann-Lu et trouve
difficile de se séparer de sa fille par moments. Il anticipe les défis qui guetteront celle-ci pour les années à
venir et tente de préparer tranquillement le terrain en offrant des occasions à Ann-Lu d’être un peu plus
autonome. Ann-Lu fera de la gymnastique malgré les résistances de Nathalie qui craint toujours les
blessures. Cette dernière préfère ne pas trop y penser quand Ann-Lu part pour ses entraînements. Martin est
heureux de pouvoir contribuer un peu, lui qui n’est pas tellement attiré par tout cet univers d’intellectuels
que représente l’école et les livres.

Quand Ann-Lu a besoin de quelqu’un pour se rendre à ses entraînements de gym, Martin est heureux
de l’y apporter et d’assister aux compétitions quand elle commence à en faire. Ann-Lu n’entretient pas une
grande passion pour la gym mais elle réalise à quel point cela fait plaisir à son père. Celui-ci semble
tellement fier d’elle, il prend des vidéos de ses compétitions, fait des montages photos de sa fille et les
affiche aux murs de la maison. En plus, les promenades en voiture sont de belles occasions de passer du
temps ensemble. Son père n’est pas très loquace, mais elle non plus, et ils partagent bien ces moments dans
une certaine tranquilité. Ann-Lu y va quand même de questions parfois étonnantes pour Martin, comme
quand elle lui demande pourquoi sa mère a toujours l’air inquiet. Martin lui explique que Nathalie a cette
tendance depuis longtemps, et que c’est difficile pour elle de contrôler ses craintes. Ann-Lu écoute
attentivement les réponses que son père lui donne à de telles questions. Elle aussi en a, des peurs, même si
elle n’en parle pas beaucoup.

Cela dit, Ann-Lu apprécie également les sorties avec Nathalie. Elle a remarqué un jeune garçon de
son école qui est souvent à la bibliothèque lui aussi. Elle le croise parfois aussi dans un de ses endroits
préférés, le Dollarama. Quand sa mère va y faire un tour, elle permet souvent à Ann-Lu de se choisir une
petite sucrerie. Une fois, elle voit le même petit garçon qu’à la bibliothèque et celui-ci est dans le magasin
avec un chiot. Ann-Lu trouve ça très spécial et le monsieur derrière le comptoir la remarque. Il lui dit « ne
t’inquiète pas trop, petite, c’est un bébé. Il a une permission spéciale, celui-là, je le laisse exceptionnellement
rentrer parce que Kevin le surveille bien ». Voilà qu’elle connaissait enfin le nom de ce petit garçon qui
tenait le chiot en laisse et semblait aussi intéressé aux livres qu’elle. Elle est trop gênée, par contre, et se
contente de baisser la tête et répondre au monsieur « ce n’est pas grave, je n’ai pas peur ». Ann-Lu craint
davantage le regard des autres que le contact avec un petit animal…

Depuis qu’elle est toute jeune, Ann-Lu sent des regards particuliers à son endroit mais, vers l’âge
de 10 ans, elle commence à avoir des réflexions plus approfondies à ce sujet. Ses parents lui avaient expliqué
tout le processus d’adoption et comment elle était arrivée dans leur famille, au Québec, mais Ann-Lu
conservait cette impression d’être différente et cela la préoccupait davantage à l’aube de son secondaire.
Elle est petite, avait toujours été la plus petite, et se demandait si ça n’allait pas être le cas toute sa vie. Un
jour, elle tombe sur un documentaire qui sera très significatif pour elle à la télévision, celui-ci présentant la
vague d’immigration vietnamienne, au terme du conflit armé ayant eu cours dans ce pays, dans les années
’70. Elle se demande si ce fut le cas également pour les Coréens et se lance dans des recherches pour trouver
la réponse…
KEVIN ROUSSEL

DE 6 À 12 ANS

Le petit Kevin trouvera difficile les premières années à l’école primaire. Il a tendance à s’occuper
seul dans son coin et à s’adonner à des activités en solitaire. Toujours très peu intéressé par les activités
plus physiques, il se mêle moins bien aux garçons de son âge. Toutefois, les petites filles ne refusent pas sa
compagnie, ce qui lui attire par ailleurs les moqueries de ses camarades garçons.

Kevin présente également quelques lacunes à l’école dès sa première année. Les chiffes, ce n’est
pas un problème pour lui. Ça lui rappelle sa petite caisse et ça l’intéresse. Par contre, lorsque vient le temps
d’apprendre à lire ses premiers mots, Kevin semble plus confus qu’à son habitude. C’est en étant plus
attentive que Jessica note certaines choses. Par exemple, quand il tente de lire le mot « maison », il prononce
« masion », au lieu de lire « table » il prononce « tape », ou encore il dit « aubotus » quand il tente de lire
le mot « autobus ». À l’école, son professeur a également remarqué ses difficultés mais les précisions
apportées par Jessica sont d’un apport considérable et permettent d’orienter Kevin vers les bons services.
On confirme à Jessica qu’il s’agit d’un trouble spécifique d’apprentissage et que Kevin aura accès à un
orthopédagogue pour l’aider à améliorer ses habiletés en lecture.

Toutefois, devant cet « obstacle », Jessica redouble d’efforts et insiste pour que Kevin
« débloque ». Les efforts portent fruit et Kevin fait d’énormes progrès, ce qui rassure sa mère, elle qui a vu
autour d’elle plusieurs amis qui présentaient des troubles d’apprentissage. Elle savait les complications que
de telles difficultés engendraient et espérait que les difficultés de Kevin soient « passagères ». Jessica inscrit
Kevin à la bibliothèque du quartier et se fait un devoir d’y aller à chaque semaine avec son fils.

Jessica offre une bicyclette à Kevin, au début d’un été, alors qu’il venait de réussir sa troisième
année avec succès et au terme de plusieurs efforts acharnés. La bicyclette demeurera toutefois sur le balcon
une bonne partie de l’été. Kevin n’est pas un grand explorateur et, à moins que Jessica ne lui propose une
petite balade, il ne s’aventure pas trop avec son vélo. D’autres enfants de son âge s’amusent pourtant dans
la ruelle avec leur bolide respectif, mais Jessica n’insiste pas. Cette troisième année fut éprouvante,
notamment parce que le professeur de Kevin était un homme. Toute l’année, Kevin a eu l’impression que
celui-ci était « sur son dos ». Pourtant, aux rencontres de parents, son professeur (M. Tanguay) n’avait pas
paru à Jessica comme quelqu’un d’intimidant outre mesure. Peut-être Kevin n’avait-il pas été suffisamment
en contact avec des hommes plus âgés. Rien de spécifique n’était survenu mais Kevin avait trouvé cette
année éprouvante. Kevin avait aussi commencé à poser quelques questions sur son « vrai père » et Jessica
ne savait pas trop comment répondre à ses questions, refermant le sujet en se contentant de lui dire qu’elle
lui raconterait tout, un jour. Elle avait même remarqué que Kevin avait commencé à se ronger les ongles,
ce qu’il ne faisait pas auparavant.

La suivante s’avère moins compliquée sur le plan scolaire. La prof de Kevin n’a que de bons
commentaires à son sujet. Elle le dit plus solitaire et observateur. Il ne se mêle pas énormément aux autres
mais ceux-ci ne le tiennent pas à l’écart pour autant. Quand il doit se mêler aux activités, par obligation, il
sait tirer profit de ses qualités. Ce n’est pas qu’il n’a pas d’intérêt pour les autres, mais leurs activités
semblent moins l’intéresser. Il y a Manuel, un autre garçon avec qui il s’entend bien, mais Manuel est très
actif pendant les récréations, ce qui est moins le cas de Kevin.

La professeure de Kevin a remarqué son intérêt particulier pour les animaux et la nature. Kevin
choisit souvent des livres à ce sujet, à la bibliothèque. Jessica n’a pas vraiment les moyens de s’abonner à
l’internet mais continue les visites hebdomadaires à la bibliothèque du quartier. Kevin continue de
contempler les animaux, notamment les habitudes des oiseaux qui ont fait leur nid dans les ruelles où Kevin
erre le plus souvent. Il s’occupe des chats qu’on semble laisser à l’abandon.
Manuel devient son meilleur ami avec le temps. Ils n’ont pas tout à fait les mêmes intérêts mais ils
parlent beaucoup ensemble en revenant de l’école. Jessica et Luis, le père de Manuel, apprennent eux aussi
à se connaître et c’est parfois un seul des deux qui accompagne les enfants de l’école à la maison puisqu’ils
habitent tout près l’un de l’autre. Ils commencent à se rendre service mutuellement. C’est là l’occasion pour
les deux garçons de nouer des liens d’amitié. Manuel vit seul avec son père et Kevin vit seul avec sa mère,
ce qui amène les garçons à se poser plusieurs questions. Manuel et Kevin se voient moins l’été venu parce
que Manuel n’en a que pour le soccer et Kevin n’y joue pas.

À l’anniversaire de 10 ans de Kevin, Jessica ne répète pas « l’erreur de la bicyclette », elle lui offre
cette fois un chien (un bébé Beagle). Ce dernier est littéralement aux anges ! Il l’appelle « Coco » parce
qu’il le trouve un peu maladroit… Kevin et Coco deviendront inséparables et ce sera également l’occasion
pour Kevin de s’occuper « officiellement » d’un animal et de voir à ce qu’il ne manque de rien. En plus,
ça lui fait un ami à qui se confier quand Manuel n’est pas là. Jessica savait ce qu’elle faisait…
MANUEL ORTIZ

DE 6 À 12 ANS

L’année de ses 6 ans, Manuel développera un intérêt qui deviendra bientôt une passion et l’animera
tout le reste de son enfance, voire même au-delà… De quoi s’agit-il? Du soccer! Luis, qui appelle ça du «
foot », transmet sa passion à son fils. Il avait dû mettre de côté ses activités après la naissance de Manuel et
a par le fait même abandonné son activité hebdomadaire de foot avec sa bande d’amis. Il passe parfois au
parc les voir jouer, les mercredis soirs d’été, accompagné de Manuel. Le petit est fasciné par ce jeu et ces
grands monsieurs, les amis de son père qu’il apprend à connaître progressivement. Luis décide d’inscrire
Manuel dans l’équipe de soccer de son quartier et se propose même d’être entraîneur bénévole pour cette
catégorie.

Tout au long de long de l’été, Luis accompagne son fils au foot et observe attentivement ce dernier
s’amuser comme un petit fou, ce qui lui procure beaucoup de bonheur. Le pauvre Luis a traversé une période
difficile à la suite du décès de son père et de voir son fils avoir autant de plaisir dans une activité qu’ils
peuvent partager ensemble le comble de bonheur. Luis constate à quel point tous les efforts qu’il a mis à
s’occuper de son fils sont importants pour ce dernier. Manuel aime également d’autres activités que le soccer
et s’amuse aussi au camp de jour, pendant que son père travaille. Il n’a aucun problème à s’y faire une foule
d’amis.

Les saisons se succèdent et Manuel progresse très bien dans son cheminement scolaire. Son père
continue à passer beaucoup de temps avec lui et se porte régulièrement volontaire pour être un parent
accompagnateur lors des sorties organisées par l’école. Il fait littéralement tout ce qu’il peut pour le bien-
être de son fils. Manuel grandit, continue à jouer au soccer l’été, et arrive bientôt en troisième année, du
haut de ses 8 ans et bientôt 9! Les contacts de Luis avec Caroline sont alors quasi inexistants. Luis reçoit
alors un avis juridique lui adressant une demande officielle de divorce accompagné d’un document attestant
que Caroline renonce à ses droits et responsabilités parentales, cédant la garde complète de Manuel à Luis
par le fait même. Luis ne s’attendait pas du tout à cela et cache la situation à Manuel.

L’année scolaire qui suit, Manuel tisse des liens d’amitié avec un de ses voisins, Kevin. Luis apprend
à connaître la mère de Kevin et ils s’échangent des services en ce qui a trait aux enfants. Les deux parents
partagent un peu leur vision de l’éducation.

D’ailleurs, un léger problème survient entre Manuel et son professeur d’éducation physique. Le
professeur rapporte à Luis, lors d’une rencontre de parents, que Manuel a été impoli avec lui parce que ce
dernier avait décidé de retirer le soccer du programme d’éducation physique à l’école. Cette année, il allait
initier les enfants au basketball au détriment du soccer. Manuel avait dit devant toute la classe, haut et fort,
que c’était « poche » et que c’était parce qu’il ne connaissait pas le soccer qu’il avait fait ça, ce qui lui valut
une rencontre avec le directeur de l’école cette journée-là. Luis punit Manuel dès son retour de la rencontre
de parents et l’oblige Manuel à rédiger une lettre d’excuses à son professeur, ce qui gêne extrêmement
Manuel mais il comprend la leçon.

L’été de ses 10 ans, l’association régionale offre à Manuel de jouer au soccer avec des jeunes plus
âgés que lui, étant donné son talent phénoménal pour son âge. À sa grande surprise, son père refuse cette
proposition qui lui est présentée et qu’il devrait approuver. Manuel pleure toutes les larmes de son corps
mais son père lui explique que ce sera dangereux de jouer avec des plus grands qui pourraient le blesser. Il
lui propose toutefois de l’inscrire dans une équipe de calibre « élite ». Cela implique des frais important
pour Luis et beaucoup d’investissement de temps car Manuel aura ainsi plusieurs pratiques de soccer par
semaine et les matchs peuvent avoir lieu à l’extérieur de la région, très fréquemment.
Manuel se qualifie pour l’équipe à raison de beaucoup d’efforts, il s’était même exercé tout l’hiver
dans le salon de leur modeste demeure, à maîtriser des feintes avec ses pieds. En plus de ses pratiques au
gymnase, disons qu’il n’en avait que pour son sport préféré. Il commence à visionner des matchs avec son
père qui l’amène parfois voir l’Impact au stade Saputo qui est tout près de chez eux. Manuel est tellement
fier d’avoir intégré cette équipe élite. Son père aussi est fier!

C’est cet été-là que Luis fait la rencontre d’une femme. Elle se prénomme Valentina, est aussi
séparée et d’origine chilienne comme lui. Elle travaille à l’association régionale de soccer, lieu où ils se sont
rencontrés et échangés leurs coordonnées. Ils commencent à se fréquenter sans que Manuel ne soit mis au
courant, au début.

Un peu plus d’un an plus tard, autour de l’anniversaire de 12 ans de Manuel, Luis fait les
présentations. Manuel réagit fortement à cette annonce et demande à Luis pourquoi il n’attend pas que
Caroline se porte mieux. Manuel n’avait pourtant pas parlé d’elle depuis un long moment, même si Luis
n’avait jamais refusé d’aborder le sujet avec lui et qu’il lui expliquait du mieux qu’il le pouvait la situation.
Néanmoins, Manuel n’accepte pas facilement la présence de plus en plus fréquente de Valentina, même si
son père semble beaucoup l’apprécier. Disons que le jeune Manuel lui fait un peu la vie dure.

La relation entre Manuel et Valentina ne s’améliorant pas en cours d’année, celle-ci place Luis dans
une situation très embêtante. Elle considère qu’ils ne passent pas suffisamment de temps ensemble et que si
Manuel joue au soccer l’été qui vient, elle ne croit pas que leur relation pourra tenir le coup. Luis devra donc
choisir entre sa relation et continuer à investir du temps pour l’activité de son fils qui en demande de plus
en plus. Quelle décision Luis prendra-t-il?
MARIE-SEPTEMBRE BEAUSOLEIL-D’AMOUR

DOSSIER DE L’ENFANT : DÉVELOPPEMENT DE 6 À 12 ANS

À peine 6 ans et la vie de Marie-Septembre semble s’inscrire dans une boucle de répétition
incessante. L’école ne constitue qu’une occasion de plus pour constater à quel point l’attitude de cette enfant
est dérangeante. Sylvain s’occupe de tout ce qui concerne l’école, c’était convenu entre lui et Annie. Cette
dernière se dit totalement irritée par les commentaires des enseignantes de Marie-Septembre après la toute
première rencontre de la maternelle. Sa professeure avait alors souligné le « petit caractère » de leur fille et
avait demandé, à la blague, d’où cela pouvait-il bien venir… Annie était sortie de la rencontre en furie, et
Sylvain en avait ajouté, bien malgré lui, en lui disant qu’elle-même était professeure, qu’elle pourrait peut-
être comprendre. Ce seul commentaire avait mené à une dispute sans précédent. Disons qu’il ne s’agissait
pas des paroles les plus réconfortantes à ses oreilles.

Cela dit, Marie-Septembre est loin d’avoir des lacunes sur le plan intellectuel, on dirait même qu’elle
est douée. « Malheureusement, c’est bien là une partie du problème », avait lancé son professeur de première
année à Sylvain, lors d’une rencontre de parents. Il y assiste seul, désormais. Sylvain a l’impression de
revivre la même chose à chaque fois. C’est la honte, l’impression que son enfant est un monstre
insupportable. En réalité, sans la qualifier de monstre, évidemment, Marie-Septembre est une enfant fort
désagréable pour à peu près quiconque la côtoie. Même ceux qu’on qualifierait de « petits tannants » ont
peine à la tolérer. « Elle joue toujours au petit boss », avait lancé un garçon de sa classe à une surveillante
qui lui demandait pourquoi Marie-Septembre semblait jouer seul dans la cour d’école. Un autre avait
renchéri « oui, elle veut tout décider et elle fait des crises si ça ne va pas comme elle le veut ». La surveillante
avait eu du mal à répliquer autre chose que « ok, je comprends ».

Tout au long de son parcours primaire, Sylvain tente désespérément d’y faire quelque chose. Rien
ne semble fonctionner. Il cherche par tous les moyens d’acheter un peu de paix au domicile familial. Depuis
que Marie-Septembre est entrée à l’école et que Maria s’est trouvé un emploi au sein d’une autre famille, la
situation s’est détériorée, comme si c’était possible. Sylvain inscrit Marie-Septembre dans toutes les
activités qu’elle désire, mais qu’elle abandonne quelques semaines plus tard. Se succèdent ainsi des cours
de natation, une inscription à la gymnastique, des cours de tennis, des cours de piano, des cours de chant.
Bref, Sylvain et les grands-parents tentent à tout prix de combler les désirs de Marie-Septembre. Annie s’en
préoccupe un peu moins, vu l’attention que la petite sollicite de toute part.

Le cycle des crises se poursuit, tant à la maison qu’à l’école. Quand elle n’obtient pas ce qu’elle
désire assez rapidement pour elle, Marie-Septembre devient intraitable et ne lâche jamais le morceau.
WESLEY SANSCARTIER

DE 6 À 12 ANS

L’univers scolaire sera moins attrayant aux yeux de Wesley… En fait, quand il fréquente la
maternelle, tout se passe très bien. Dans le monde du jeu, Wesley se sent comme un petit poisson dans l’eau
même s’il a parfois de la difficulté à s’arrêter quand il fait une activité plus excitante. L’entrée en première
année s’annonce toutefois très pénible. Seulement après une semaine, Wesley fait des crises pour ne pas
aller à l’école le matin. Il dit « je déteste ça, l’école, c’est plate!! ». Jasmine ne sait pas comment réagir, elle
qui a toujours plutôt bien réussi à l’école. En plus, elle adorait cela. Elle ne comprend pas trop pourquoi
Wesley réagit de la sorte.

Didier devient rapidement irrité par la situation quand Wesley pleurniche, au lever, parce qu’il ne
veut pas aller à l’école. Dans ces moments, Didier laisse Jasmine pratiquement seule pour gérer la situation.
De toute façon, Jasmine préfère s’en occuper car elle sait que Didier s’est fait réprimandé sévèrement sans
se plaindre quand il était enfant. Cependant, quand Didier insinue que Wesley manque peut-être un peu
d’encadrement, Jasmine lui rappelle qu’il n’est pas souvent là pour l’aider à faire sa part pour la discipline
de leur enfant.

Le 12 janvier 2010, c’est la catastrophe! Toute la famille Pierre-Louis – Sanscartier est ébranlée
par le tremblement de terre qui sévit en Haïti. La famille est sans nouvelle de plusieurs de ses membres plus
âgés qui n’ont pas quitté le pays. Les seules informations qui se rendent au Québec sont de mauvais
augure… Voilà qui marquera le cours des choses pour Wesley et sa famille élargie. Plusieurs membres de
la famille de Didier manquent à l’appel, celui-ci vivra une année totalement angoissante mais ne fera
pratiquement jamais mention de ce qu’il vit.

Pour revenir au sujet de l’école, les problèmes surviennent assez rapidement. Aux premières
rencontres de parents, Jasmine et Didier sont placés devant une évidence qui leur explique un peu l’attitude
de leur fils face à l’école : Wesley a plusieurs difficultés. L’enseignante de Wesley indique à ses parents
que celui-ci devrait faire l’objet d’une évaluation car Wesley pourrait avoir un trouble qui explique la
situation. Pour bouger et jouer avec les autres, ça va, mais au plan académique, c’est le désastre total.
Jasmine indique à son professeur que l’heure des devoirs est infernale à la maison. Wesley déteste faire ses
devoirs et se décourage quand il ne comprend pas tout de suite, ce qui est souvent le cas.

Wesley n’apprend pas très bien et présente un certain retard sur la majorité des enfants de son âge au terme
de la première année scolaire. Jasmine et Didier doivent prendre la décision mais il leur est fortement
suggéré de faire reprendre sa première année à Wesley. On leur rapporte que Wesley regarde constamment
par la fenêtre et n’écoute pas quand on lui parle. Didier, sans l’exprimer clairement, trouve cette situation
très pénible et son orgueil en prend un coup. On peut se demander jusqu’à quel point les préoccupations de
Didier à la suite du tremblement de Terre affectent également Wesley. Jasmine convaincra finalement Didier
d’accepter la proposition de l’école malgré qu’il trouve cela terriblement difficile à admettre. En revenant
de cette rencontre, Didier dit à Jasmine qu’il s’agit de la dernière rencontre de parents à laquelle il assistera
car il n’est pas d’accord avec ces nouvelles « méthodes éducatives ».

Le rapport à l’école qui s’établit alors posera les jalons de ce qui suit : une succession de
consultations et des services d’aide spécialisée pour aider Wesley à répondre aux exigences minimales sur
le plan académique. L’école devient synonyme d’échecs à répétition. Wesley fait des efforts mais n’arrive
pas à se concentrer quand ses professeurs lui expliquent des concepts importants. Sa mère constate les
mêmes difficultés quand elle s’occupe de le faire travailler, à la maison. Même Jasmine lâche prise quelque
peu pour éviter les soirées infernales. Il est rare que Wesley arrive à compléter ses devoirs car il y met plus
d’une heure à chaque soir et Jasmine voit que c’est inutile d’insister au-delà de cette période.
En reprenant son année, Wesley avait perdu pratiquement tous les amis qu’il s’était fait dans la
classe et ce fut plus difficile pour lui les années suivantes. Ainsi passent les trois premières années du
primaire. Même les récréations ne sont plus agréables. Tout ce qui est en lien avec l’école, Wesley le déteste.
Il trouve un allié en son père sur ce point. Didier est très cynique quant aux effets supposément positifs qui
devraient découler des multiples consultations de Wesley. Didier dit ne pas constater grand changement.
Pourtant, il ne s’intéresse pas vraiment aux progrès de son fils. Ce qu’il voit, c’est que Wesley oublie
constamment ses cahiers de devoirs et qu’il devrait le chicaner à chaque fois, ce qu’il ne fait pas car ça ne
sert à rien, selon Jasmine. Didier doit se parler constamment pour ne pas lever le ton sur son fils.

La quatrième année n’est pas si différente en ce qui a trait à ses résultats académiques, mais les
comportements de Wesley se transformeront pour devenir de plus en plus problématiques. Avec cette
nouvelle année correspond un changement d’école. Certains élèves le prennent à partie et lui lancent des
noms, comme « Wesley le mêlé » ou « Wesley l’pas futé ». Lui qui était habituellement plus grand à cause
de l’année qu’il a reprise n’avait jamais vraiment été confronté à cela précédemment. Au début, il ne réplique
pas. Le soir, dans sa chambre, il pleure seul. Il se rappelle très bien que son père lui interdit de pleurer avant
d’aller à l’école et il ne veut donc pas parler de tout ça à ses parents. S’il en parle à sa mère, c’est évident
que son père le saura, et Wesley craint que celui-ci pourrait très mal réagir. Il les embête déjà assez comme
ça. Il décide d’essayer de régler lui-même la question. Quand Wesley se fait intimider de nouveau, il réplique
par les poings! Et voilà un nouveau « dossier » qui s’ouvre pour Wesley…

De toute façon, Wesley n’en pouvait plus de se faire abaisser, lui qui se considérait déjà comme un
moins que rien. Les rattrapages de toutes sortes l’empêchaient de faire les sports qu’il aurait souhaité faire,
bref il fallait que ça sorte à un certain moment et un de ses camarades de classe en avait payé le prix…

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