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LES EGLISES EN FRANCE ET LE PRINCIPE D’AFFECTATION

L LES EGLISES EN FRANCE


La construction des églises en France a une longue histoire!, Les premiers chrétiens
se
réunissaient dans leurs maisons. La tenue d’une assemblée liturgique, le premier
jour de la
semaine, fut un des traits caractéristiques de l'Église naissante. La domus ecclesiæ,
maison de
rassemblement, se distingua peu à peu de l’habitation privée : elle devint la simple ecclesia
qui a donné le mot église. Après la conversion de Constantin et la reconnaissance de l’Église,
les lieux de culte furent alors consacrés par la célébration solennelle de la sainte messe.
Puis,
à ces lieux de culte, se trouvèrent rapidement associés les lieux de sépulture, ce furent les
églises nécropoles. Ces dernières se différencièrent des lieux de célébration du culte où étaient
déposées les reliques des martyrs.
Le nombre croissant d’oratoires privés ou liés à des communautés ou monastères amena
l'autorité ecclésiastique à élaborer peu à peu toute une législation en vue de réglementer
l'érection et l'usage des lieux de culte. Puis le terme d'église a été progressivement
réservé
aux lieux de culte qui jouissaient des droits paroissiaux et dans lesquels les fidèles devaient
se
réunir les dimanches et les jours de fête de précepte, comme en témoigne un certain nombre
de dispositions légales prises par les conciles successifs”. Les autres étaient des chapelles ou
des oratoires. Il fallait distinguer les églises paroissiales des lieux de culte privé auxquels
étaient souvent attachés un certain nombre de privilèges et de revenus. La paroisse se
constitua à partir de plusieurs critères : une communauté de fidèles, un territoire avec un
lieu
de culte déterminé, un bénéfice ou patrimoine Jui permettant une autonomie
sous la
responsabilité d’un prêtre pour la diriger. L'église paroissiale se distingua aussi des
oratoires
et autres lieux de culte privés en restant ouverte à un libre usage pour tous les fidèles.
La
construction d’églises en France fut une réalité constante depuis son évangélisation.
On peut
toutefois souligner quelques étapes dans ce vaste et long chantier :
e Le haut Moyen Âge, durant lequel se structurèrent les communes rurales.
La troisième année après l’an mille... On se mit à rebâtir les églises. On aurait cru
que le monde,
recouvrant ses vieux haillons, se revêtait partout de la blanche robe des églises neuves.“

° Lors de la constitution des paroisses territoriales, à la suite du concile de Trente :


Dans les églises, où, en raison des distances ou de la difficulté des lieux, les
paroissiens ne peuvent pas,
sans grande gêne, venir recevoir les sacrements et entendre les offices divins, les évêques pourront
constituerde nouvelles paroisses, même malgré les recteurs, conformément à la constitution Ad
audiendam d'Alexandre UL.S5

° Sous Le concordat de l'Empire, de vastes chantiers de construction et de reconstruction


furent entrepris, puis durant la Restauration.
e Durant la deuxième partie du XIX° siècle, sur un mode assez classique, de nombreux
lieux de culte furent érigés ou reconstruits, souvent à la place des anciens.

LG. JACQUEMET (dir.), art. « édifice du culte 1336-1352 », Catholicisme, Paris 1952 : cf. B.
BASDEVANT-
GAUDEMET, « Jalons pour une histoire des lieux de culte », in Les lieux de culte en
France et en Europe,
Louvain, 2007, 9-37.
©

Cf. Mer. L. DUCHESNE, Origines du culte chrétien, Paris, 1920.


KR. NaA7, art. « église », Dictionnaire de Droit Canonique, Paris, 1953, p. 178.
L&

Citation de Raoul GLABER, in A. FLICHE et V. MARTIN, Histoire de l’Église, tome 7, Paris, 1940,
BR

p. 531.
Concile de Trente, Sess. 21, De ref., c.4 in G. ALBERIGO, Les Conciles Œcuméniques, Paris,
Un

1994,
tome II, 2, p. 729.
e Depuis les lois de Séparation, en raison du développement des villes, des lieux de culte
furent construits par les associations propriétaires en milieu urbain. On estime à environ 2 000
le nombre d’églises construites depuis les lois de Séparation et qui sont à la charge des
diocèses.
La propriété de ces églises fut diverse. Les églises paroïissiales revenaient aux évêques,
mais de nombreux lieux de culte appartenaient aux congrégations religieuses. Il était habituel
que des seigneurs fassent construire et doter des églises en vue du salut de leur âme. Mais, de
fait, quel que fût Le propriétaire, tous ces biens étaient quand même plus ou moins considérés
comme des biens ecclésiastiques. Ils étaient mis sous la protection d’un saint patron: Martin,
Pierre, Jean-Baptiste ou autre, et la croyance populaire leur en attribuait la propriété. Depuis
Charlemagne, les fidèles payaient la dîme qui donna des revenus substantielsà l° Église et
permit de nombreuses constructions et possessions. La nationalisation des biens du clergéà la
Révolution française mit fin aux propriétés ecclésiales. Le décret du 2-4 novembre 1789
nationalisant les biens du clergé catholique les mit « à la disposition de la Nation, à la charge
de pourvoir, d’une manière convenable, aux frais du culte, à l’entretien de ses ministres, et au
soulagement des pauvres ». C'était le seul moyen de faire accepter ce qui a été une réelle
dépossession pour l’Église de ses lieux de culte. Si, dans un premier temps, les fabriques et
fondations établies pour assurer la subsistance des églises paroissiales purent conserver la
propriété de leurs biens, ceux-ci devinrent également propriété de la Nation en 1793. On
assista donc à un double mouvement: les propriétés foncières et immobilières de l’ Église
redevinrent privées par vente ou attribution et, en sens inverse, les édifices du culte, propriétés
privées de l’Église, devinrent propriétés publiques.
Cette décision fut réaffirmée lors des lois de Séparation de 1905, comportant en plus tous
les bâtiments de culte construits tout au long de la période concordataire. Elle fut dénoncée
avec force par le Pape Pie X :
Outre les préjudices et les injures que nous avons relevés jusqu'ici, la loi de Séparation viole encore le
droit de propriété de l’Église et elle le foule aux pieds ! Contrairement à toute justice, elle dépouille cette
Église d’une grande partie d’un patrimoine, qui lui appartient pourtant à des titres aussi multiples que
sacrés. Elle supprime et annule toutes les fondations pieuses très légalement consacrées au culte divin ou
à la prière pour les trépassés.
Jean-Paul II fera le même constat dans sa lettre rédigée en 2005 à l’occasion du centenaire
des lois de Séparation :
En 1905, la loi de Séparation des Églises et de l’État, qui dénonçait le Concordat de 1801, fut un
événement douloureux et traumatisant pour l’Église en France.

L'Église se reconnaît le droit de posséder les biens dont elle a besoin pour l’exercice de sa
mission. C’est un droit inné que l'Églisea toujours affirmé et défendu, même lorsqu'il était
violé. L Église s’
S accorde Je droit, en dehors du POUVOIr civil, « d’acquérir, Conserver,

te LE public est une de ses fonctions principales (c. 1254, $ 2). Ce droit de
propriété fondamental, respecté et défendu dans d’autres législations (en Italie et en
Allemagne notamment) ne l’a pas été en France lors de la nationalisation des biens du clergé.

PIE X, Vehementer Nos, 11 février 1906.


JEAN-PAUL II, Lettre aux évêques de France pour le centenaire de la Loi de 1905, 11 février 2005, D.C
n° 2331, 202.
IL. LA NOTION DE LIEU SACRE ET D’EGLISE SELON LE CIC
L'exercice du culte, en particulier celui de l’Eucharistie, est la fonction la plus haute de la
vie chrétienne. Il s'exerce habituellement dans le lieu d’ appartenance fondamental du fidèle:
sa paroisse. C’est là que le curé veilleà ce que les fidèles « soient conduits et nourris par la
pieuse célébration des sacrements » (c. 528, $ 2). Une conséquence évidente découle de cette
affirmation: afin de s’exercer, le culte catholique a besoin de lieux où puisse être rendu le
culte à Dieu, tel que nous l’a transmis la tradition judéo-chrétienne et que le droit de l’Église
le définit.
Selon le droit canon, les lieux de culte sont avant tout des lieux sacrés (c. 1171). Ils sont le
lieu par excellence où est rendu le culte à Dieu et aux saints (cc. 834-839). Ils doivent donc
être destinés au culte par la dédicace ou la bénédiction que prescrivent à cet effet les livres
liturgiques (c. 1205). La solennité est plus grande pour une dédicace (faite par l’évêque
diocésain ou son délégué (cc. 1169 et 1205-1213)) que pour une bénédiction faite par
l’Ordinaire. La bénédiction consécratoire confère un caractère sacré alors qu’une simple
bénédiction invocative est une prière de demande, non consécratoire. Cet acte liturgique est
d'autant plus important pour une église et doit être dûment authentifié par un acte ou une
attestation (cc. 1208-1209). Il est rendu nécessaire lorsqu'il s’agit d’une église paroissiale
(c. 1217). Le rituel de la dédicace en donne l’esprit :
Lorsqu'on érige une église comme un édifice destiné uniquement et de façon stable à rassembler le
peuple de Dieu et à célébrer la liturgie, il convient de la consacrer par un rite solennel, selon la très
ancienne coutume de l’Église.
Cette dédicace, ou bénédiction, d’un lieu en restreint évidemment l’usage à l’exercice du
culte, de la piété et de la religion.
Ne sera admis dans un lieu sacré que ce qui sert ou favorise le culte, la piété ou la religion, et y sera

Les objets qui s’y trouvent, comme les actes qui s’y déroulent, doivent respecter ce
caractère sacré qui n’existe vraiment que dans la religion catholique. Pour le judaïsme, l’islam
ou le protestantisme, le bâtiment s’efface au profit des fidèles rassemblés dans une même
confession de foi.
Les actes considérés comme des profanations ou des violations du caractère sacré du lieu
réclament une réparation ou une réconciliation (c.1211). L’Ordinaire du lieu peut permettre
occasionnellement d’autres usages (c.1210). C’est toute la question de l’utilisation des lieux
sacrés à d’autres fins que le culte, que nous étudierons dans la sixième partie. Le droit précise
| ensuite que l’église est un édifice sacré, « où les fidèles ont le droit d’entrer pour l’exercice du
higte a tu)
culte divin » (c. 1214). Le culte est public lorsqu'il est rendu au nom de l’Église, sinon il est
privé (c. 834). Le caractère public de l’église concilie tout à fait l’article premier de la loi de
1905 qui assure la liberté de conscience et l’exercice du culte à tous les citoyens. Elle s’inscrit
dans l’esprit qui a prévaluà l'attribution de la domanialité publique des lieux de culte, lui
donnant un caractère nécessairement public!°. Les églises sont des édifices ouverts au public
et destiné au culte divin public, c "est ce double caractère qui les distingue des oratoires,

et la gratuité d'accès des églises pendanñt les célérrations sacrées (c. 1221). Si le Saint-
Sacrement est présent, l’église doit rester ouverte quelques heures chaque jour pour faciliter la
prière des fidèles (c. 937). La nécessité de l’ouverture de l’église pose, par ailleurs, un certain

# Concile Vatican IT, Constitution S.C., n°42, Paris, 1967.


* CONGREGATION POUR LE CULTE DIVIN, Rituel de la dédicace, Paris, 1988, $ 2 Dédicace d’une église,
Préliminaires n° 1, p. 17.
Voir partie III.
nombre de problèmes concrets (surveillance, vols, responsabilité) que nous étudierons au
chapitre VI.
L'exercice du culte et des œuvres de piété concerne la sanctification des fidèles, « signifiés
par des signes sensibles et réalisés selon le mode propre à chacun d’eux. » (c. 834, $ 1). Parmi
ces signes sensibles, il y a bien évidemment la matière des sacrements (ec. 847, 849, 924).
Mais curieusement, il n’est pas fait mention explicite du lieu où s’exerce ce culte. Il est
probable que la multiplicité des cas selon l’histoire et les pays ne permet pas d’avoir une
position générale définie, renvoyant le sujet au droit civil ecclésiastique de chaque pays. Le
Code de 1917 insistait davantage sur l’aspect patrimonial (c. 216 du Code de 1917). La
paroisse y était mentionnée comme étant une circonscription territoriale distincte dans le
diocèse à laquelle est assignée une église particulière, avant que l’aspect des fidèles et du curé
ne soit abordé. La paroisse était regardée autant comme un bénéfice que comme une mission
pastorale. Depuis le concile de Trente- qui va donner à l’église paroissiale le rôle liturgique
de rassemblement dominical - jusqu’au Code de 1917, l ’église-bâtiment est constitutive de la
conception de la.paroisse! ! . Elle est « l’ Église de Dieu en ce lieu ». Si la paroisse est définie
a.

comme une « communauté précise de fidèles, constituée d’une manière stable dans l’Église
particulière » (c. 515), le nouveau code de droit canonique ne fait qu ’incidemment mention du
bâtiment « église », qui en est pourtant un des éléments importants?. Il est fait mention d’une
manière explicite de l’église:
e aux canons 503, 510, afin de distinguer l’église collégiale, l’église paroissiale et
l’église cathédrale ;
e aux canons 508 au sujet du chanoine pénitencier et 509 sur le chapitre canonial ;
e au canon 510, $ 2 et 4, pour une église à la fois paroissiale et capitulaire ;
e au canon 520, $ 1 pour une paroisse érigée dans l’église d’un institut religieux et d’une
société de vie commune ;
e au canon 530, $ 6 pour les processions ou bénédictions en dehors de l’église ;
e au canon 533 où il est demandé au curé de résider dans la maison paroissiale proche de
l’église ;
e au canon 555, $ 1, 3 pour la propreté et l’entretien de l’église à laquelle le vicaire
forain doit veiller ;
e du canon 556 au canon 563 sur les recteurs d’églises ;
e au canon 858, $ 2 au sujets des fonts baptismaux ;
e Le bâtiment église est encore mentionné pour toute une série d’actes liturgiques
(baptême, eucharistie, funérailles, liturgie dominicale, ordinations, dédicaces, respectivement
aux canons: 857, 8 2, 858, $ 1 et 859; 934, $ 1, 2; 1118, $ 1, 1177, $ 1 et 3; 1217, $2;
1248, $2;1011$ 1).
Nous voyons bien que le droit de l’Église ne méconnaît pas l'édifice cultuel mais la
définition de la paroisse a voulu être d’abord pastorale, le but étant la sanctification des âmes
plutôt que la propriété des lieux. Même la notion de paroisse personnelle qui garde un
caractère inhabituel, «en fonction du rite, de la langue, de la nationalité des fidèles d’un
territoire, ou d’autres motifs » se comprend en fonction d’un but pastoral (c. 517). La paroisse
est un peuple convoqué et rassemblé — ce que nous verrons dans la quatrième partie - avant
même d’être définie sur un territoire (c. 518) car elle se réalise en un lieu et à partir du
diocèse.

cf. Concile de Trente, session XXIV, canon XIIL in Les Conciles Œcuméniques, sous la direction de G.
ALBERIGO, Paris, 1994, p. 1559.
2 Voir partie III, L'édifice affecté au culte.
Tout lieu de culte catholique est grevé d’une hypothèque ecclésiale, pour parodier
l'expression de l’encyclique Sollicitudo Rei Socialis sur la propriété ($ 42).
Son usage est
réservé au culte et doit respecter son caractère sacré, c’est pour cela
que « l'autorité
ecclésiastique exerce librement ses pouvoirs et ses fonctions dans les lieux sacrés »
(c 1215)
Et c’est là que se rejoignent la notion civile d’affectation et l'usage d’un
bien ecclésiastique
tel que l’Église le conçoit. L’affectation n’est-elle pas, au fond, la reconnaissance
civile de la
notion de lieu sacré ?
Aussi pour notre sujet, toute la législation ecclésiale propre aux lieux de
culte et aux
églises est à voir en parallèle avec la notion Juridique d’affectation d’un édifice
au culte et de
toute la jurisprudence qui en découle.
IIL. L’EDIFICE AFFECTE AU CULTE SELON LA LEGISLATION FRANÇAISE

A. Étapes de la mise en place de l’affectation”


Depuis 1789, on peut distinguer trois étapes dans l’affectation des édifices cultuels :
e D'une part, tous les bâtiments du culte acquis à la Nation en 1789 font partie de la
domanialité publique et ont été affectés au culte. Ils furent mis à la disposition des
établissements publics du culte, comme affectataire et non comme propriétaire ;
e D'autre part, ceux qui furent construits ou acquis entre le concordat de 1802 et les lois
de 1905 sont reconnus comme propriété de l’État, ils appartiennent au domaine public et
gardent leur affectation cultuelle. Bien que construits par les établissements publics du culte,
l'application de l’article 552 du Code civil: «la propriété du sol emporte la propriété du
dessus et du dessous », en fit passer la propriété à l’État ;
e Enfin les lieux de culte, édifiés ou acquis par les établissements publics du culte, qui
ne furent pas réclamés selon les délais légaux par les associations cultuelles, sont devenus
propriété de l’État.
Ces trois catégories d’édifices cultuels appartiennent au domaine public et sont affectés au
culte. Ils représentent la grande majorité des églises catholiques en France. La répartition se
fit d’ailleurs sans préciser ni les édifices concernés, ni qui devint le propriétaire légal: État,
département, commune!*. C’est la jurisprudence qui a, peu à peu, précisé les appartenances.
Un certain flou atoutefois présidé à ces attributions. Sous l'Ancien Régime, le pouvoir civil
considérait les circonscriptions ecclésiastiques comme l'unité de base de la division
administrative du Royaume. Après divers essais infructueux, la répartition des communes
dans la France rurale s’est calquée sur celle des paroisses. Tout en refusant la restitution des
biens ecclésiastiques à l’Église, Napoléon imposa une carte administrative des diocèses et des
églises paroissiales. Elle spécifiait la concordance d’une église paroissiale par cure mise à la
disposition de chaque évêque :
Les édifices anciennement destinés au culte catholique, actuellement dans les mains de la Nation, à raison
d’un édifice pa cure et par succursale, seront mis à disposition des évêques par arrêtés du préfet du
département.

Le législateur de 1905 confirma ce principe qui se maintient jusqu’à nos jours.


Aujourd’hui, selon les estimations, le nombre des églises communales en France oscille entre
37 000 et 45 000'° ! On considère habituellement qu'il y en a environ 38 000!?.
En 1905, la domanialité publique qui ne se justifiait pleinement qu'avec un service public
du culte, avait été contestée du fait de la disparition de ce dernier. En effet, puisqu'il n’y avait
plus de service public du culte, les édifices du culte ne devaient-ils pas alors réintégrer le
domaine privé des collectivités propriétaires ? Ce n’est pas la solution qui fut choisie: les
édifices cultuels devenus propriété des personnes publiques devinrent/propriété publique, ce
que la jurisprudence!* confirme. La conséquence paradoxale des lois de 1905 est qu’elles
privatisent le culte sans ôter à son exercice un caractère public. En effet, l'appartenance à la
domanialité publique des édifices du culte oblige à un aspect public de son exercice puisque

B cf. X. DELSOL, A. GARAY, E. TAWIL, Éléments d'histoire du droit des cultes, Partie I de Droit des Cultes,
Dalloz, Paris, 2005.
cf. Émile POULAT, Notre Laïcité publique, Paris, p. 140.
15 Art. organique n° 75 du Concordat de 1801.
15 Cf. Mgr. R. MINNERATH, « Avenir et préservation du patrimoine cultuel », Doc. Épiscopat n° 8/2008, p. 3.
‘7 En 1987, la Documentation Française fait état de 38 138 lieux de culte (B. DUBOSQ et P. MOULINIER).
Paris, 1987.
C.E. 10 juin 1921, commune de Montségur, commissaire Corneille.
les édifices du culte sont rendus publics ! Le propre de l’acte ecclésial est communautaire ; cet
aspect collectif est désormais renforcé par le droit qui affirme le caractère public de
l’utilisation du lieu de culte. La domanialité publique reste aussi pour l'État un moyen
détourné de garder un contrôle sur le domaine religieux. Malgré les grands principes affirmés
de neutralité, la religion est quelque chose de trop important pour que l’État s’en désintéresse
:
et n'essaye de la contrôler à travers la propriété des lieux de culte. L'État ne reconnaît que
la
propriété et l’affectation d’un édifice du culte. Les deux notions sont liées car l'affectation est
une prérogative attachée à la propriété du domaine public des édifices du culte! Le
vocabulaire ecclésiastique et ses distinctions propres : paroisse, curé, ne sont évidemment pas
des entités reconnues par le droit civil. L'exercice du culte est un moyen juridique plus limité
pour aborder la question beaucoup plus vaste de la religion. C’est le moyen que le législateur
a élaboré sans jamais définir comme tel ni le culte, ni la religion, sujets pour lesquels il
reconnaît son incompétence”®, Mais la non-reconnaissance Juridique de la religion n’a jamais
signifié son ignorance !

B. La propriété actuelle des édifices du culte


Comme nous venons de le voir, la propriété des édifices du culte en France revient en très
grande partie aux collectivités publiques. Cette propriété publique s’étend aussi au mobilier et
au quasi-immobilier — qui concerne tous les objets solidaires : statues, orgue, etc.— contenus à
l’intérieur du lieu de culte et qui n’ont pas été revendiqués au moment des inventaires comme
propriété privée. Seuls les lieux de culte construits depuis 1905 sont la propriété des structures
Juridiques autorisées: associations cultuelles ou diocésaines pour l'Église catholique. Des
lieux de culte appartenant à des personnes privées subsistent encore mais il n'y à pas,
à
l'heure actuelle, de recension précise et disponible de la totalité de ces différents édifices
cultuels en France. Il va de soi que les édifices privés du culte ne relèvent pas de
la
domanialité publique et de l’affectation au culte, ils dépendent du régime de droit privé.
Ont été écartés de la domanialité publique tous les lieux privés, même rachetés ensuite par
les communes ou affectés ultérieurement au culte ou construits après les lois de Séparation. Ils
ne font pas partie du domaine public qui ne cherche pas, d’ailleurs, à s’étendre. Malgré cela,
on notera un certain nombre de contre-exemples cités par Émile Poulat: édifices construits
après 1905 mais propriétés de l’État, ou alors églises affectées au culte mais restées propriété
privée”!, c’est le cas notamment de la Basilique de Fourvière à Lyon et du sanctuaire
de
Montligeon dans l’Orne ! L'Église catholique n’est pas attachée à ses églises d’une manière
structurelle, on lui en fait parfois le reproche”. Le lieu de culte est au service d’un usage et est
un signe spirituel. Une note récente émanant de l’épiscopat français précise :

Le célèbre discours du Commissaire Corneille mérite d’être cité : C.E., 10 juin 1921 : « Qu'est-ce
que le
domaine privé ? C’est la série des propriétés communales que la commune possède comme le posséderait
un
particulier quelconque. Pour une propriété quelconque, en quoi se résume le droit de propriété ?
En trois
attributs : le droit d’user, le droit de jouir, le droit de disposer. La commune a-t-elle pour l’église le droit
d’user ? Non. Affectation perpétuelle aux fidèles. Le droit de jouir ? Non. Elle ne peut la louer.
Le droit de
disposer ? Encore moins. Il faut un décret de désaffectation. Mais alors ? Il faut bien qu’une propriété
communale soit du domaine public, à moins que pour les besoins de la cause, on n’invente un troisième
domaine, le domaine innomé ». Voir aussi C.E. 18 novembre 1949, Carlier.
Loi du 9 décembre 1905, art. 2.
‘cf. Émile POULAT, Notre Laïcité Publique, Paris, 2003, p. 179-180.
cf. Mgr. C. DAGENS, « L'Église catholique veut-elle encore de ses églises ? », D.C. n° 2391, 2007.
De tout temps, le bâtiment église naît, vit et meurt. L'Église n’est pas enfermée dans ses biens : elle sait
admettre que certaines églises ont achevé leur rôle ou bien ne peuvent plus l’assumer, mais elle ne brade
._ : . 23
pas son patrimoine.

Aussi, après avoir bruyamment montré son désaccord face à ce qu’elle considère comme
une spoliation de son bien, l’Église semble se contenter de la domanialité publique des lieux
de culte. Elle ne pourrait, aujourd’hui, faute de revenus suffisants, supporter le poids financier
de leur entretien. Elle a été dépossédée et se retrouve, d’une certaine manière, dans une
attitude plus pauvre”. Dans un texte célèbre, le concile Vatican II avait noté le risque de
contre-témoignage en insistant sur le fait que le temporel pouvait grever l'élan spirituel et la
mission de l’Église :
L'Église elle-même se sert d'instruments temporels dans la mesure où sa propre mission le demande.
Mais elle ne place pas son espoir dans les privilèges offerts par le pouvoir civil. Bien plus, elle renoncera
à l'exercice de certains droits légitimement acquis s’il est reconnu que leur usage peut faire douter de la
: : ; : : mis 25
pureté de son témoignage ou si des circonstances nouvelles exigent d’autres dispositions.

Ces considérations n’enlèvent pas à l’Église la faculté de pouvoir reconnaître ces biens,
mêmes immobiliers, comme des biens d’Église lorsqu'elle en est propriétaire. Car l’usage et
la propriété sont deux réalités différentes dans la pensée de l'Eglise :
La tradition chrétienne n’a jamais reconnu le droit à la propriété privée comme absolu ni intouchable : au
contraire, elle l’a toujours entendu dans le contexte plus vaste du droit commun de tous à utiliser les biens
de la création entière: le droit à la propriété privée est subordonné à celui de l’usage commun, à la
destination universelle des biens.

Quel que soit l’avenir, il est important que l'Église n’oublie jamais que les lieux de culte
public ne sont que des moyens, certes bien utiles, mais pas nécessairement indispensables.
L'Église a déjà dû se résoudre en Franceà à perdre la propriété et l’affectation au culte des
cimetières même s’ils sont encore considérés par l’Église comme des lieux sacrés (c. 1205) et
bénis selon les rites prescrits (c. 1240). Cela n’empêche pas les Français de se faire enterrer et,
quand il s’agit d’obsèques chrétiennes, le clerc bénit individuellement la tombe (c. 1240, $ 2)
ainsi que la totalité des tombes le 2 novembre! Ce ne fut pas la première fois, comme
l’écrivait le cardinal Charles Journet que « L'Église se décante du temporel dont elle s’était
chargée » et probablement pas la dernière. Dans ce domaine, la sagesse des premiers chrétiens
nous rappelle à l'essentiel :
: | S’il est impossible de se rendre à l’église à cause des infidèles, tiens la réunion à la maison, ô évêque,
1,
pour que les gens pieux n’entrent pas dans l’assemblée des impies; car ce n’est pas le lieu qui sanctifie
‘ l’homme, mais l'inverse. .

Nous sommes donc faceà deux logiques : celle de l'Église comme « société parfaite » et
celle de l’État avec son droit propre. L'Église n’entend pas s’opposer au droit civil, qu’elle
respecte (cf. c. 1284, $ 2 où il est demandé à l'administrateur de respecter le droit civil), mais
elle se considère aussi comme capable d’assumer les moyens temporels dont elle a besoin
pour sa mission. Organiser le culte public est la première de ses missions (c. 1254, $ 2). Un
signe nous en est donné lors de la construction d’un nouveau lieu de culte qui est
nécessairement propriété de la structure juridique qui entreprend la construction depuis les

3° cf. Félicité GASZTOWT, «Les aspects juridiques de l'Église catholique en France», Doc. Épiscopat
n° 8/2008, p. 14.
#° cf. Mur. C. DAGENS, Lettre aux catholiques de France, « Proposer la foi dans la société actuelle »,
D.C. n° 2149 du 1% décembre 1996, p. 1016-1042.
25
Concile Vatican II, Constitution Gaudium et Spes, n° 76,85.
2% CONSEIL PONTIFICAL JUSTICE ET PAIX, Compendium de la Doctrine Sociale de l'Église, Vatican, 2005,
n° 177.
7 M.METZGER, Constitutions apostoliques, VIII 34, 8, Sources Chrétiennes 336, tome III, 1987, p. 244-245.
lois de 1905. Cette construction ne peut se faire sans l'autorisation de l’Ordinaire du lieu
(JS).
En perdant leur patrimoine, attribué aux fabriques d’églises (canon 1356, $ 1 du Code de
1917), les églises ont perdu, d’un point de vue canonique, leur personnalité Juridique. Elles ne
sont pas des personnes juridiques comme telles, n’ayant plus leur autonomie. La personnalité
juridique d’un lieu de culte, pour de nombreux canonistes, est fonction de sa capacité à gérer
le bien (cf. c. 114, $ 3) — c’est pour cela que cette capacité était plutôt reconnue aux conseils
de fabrique de l’ancien droit qu’au bâtiment lui-même. Le fait qu'un édifice cultuel puisse
recevoir de l’Église des privilèges particuliers (c. 1233) est un argument en faveur de la
personnalité juridique des lieux de culte, mais il s’agit des sanctuaires qui doivent avoir des
Statuts propres et une organisation interne. C’est désormais la paroisse qui, dans le nouveau
droit, jouit de la personnalité juridique (c. 515, & 3). La liste, non extensive, de la domanialité
publique affectée au culte, risque malheureusement de figer une situation à une époque
ancienne, sans tenir compte des changements survenus depuis. Le régime républicain a spolié
l'Église de son bien propre, sans compensation réelle ; il faudra bien un jour rouvrir ce dossier
douloureux !

C. Le régime actuel de l’affectation


Ce régime est défini par les lois du 9 décembre 1905 (art. 13) et du 2 janvier 1907 (art. 5) À
qui fixent les règles d'attribution de la jouissance des édifices du culte. L'Église catholique
refusa le statut imposé des associations cultuelles car, entre autres, elles ne respectaient pas le
caractère hiérarchique de l’Église catholique. La détermination de l’affectataire légitime se
fait selon l’article 4 de la loi de 1905 qui reconnaît les règles d'organisation générale de
chaque culte, puis lors du régime particulier mis en place pour l'Église catholique le 2 janvier
1907, à la suite de son refus du statut des associations cultuelles :
À défaut d’associations cultuelles, les édifices affectés à l'exercice du culte, ainsi que les meubles
les
garnissant, continueront, sauf désaffectation dans les cas prévus par la loi du 9 décembre 1905, à être
laissés à la disposition des fidèles et des ministres du culte pour la pratique de leur religion.
Il y a une double difficulté d’interprétation de cette loi :
e La première concerne le responsable de l'affectation.
Le refus par l’Église” des associations cultuelles a eu pour effet de faire passer à la
propriété publique la plupart des lieux de culte. Ils n’ont donc pas été affectés aux
associations cultuelles puisqu'elles n’avaient pas été formées. La jurisprudence a compris
ainsi, en ce qui concerne le culte catholique, « les règles d'organisation générale de ce culte
comme comprenant (...) la soumission à la hiérarchie ecclésiastique »””. Depuis, l’État est
obligé de respecter l’organisation générale du culte catholique et donc l'autorité de l’évêque
dans la nomination du curé de la paroisse, ou son équivalent, au point de vue ecclésiastique
(cf. cc. 517, $ 1 et $ 2, 539, 540).
Ceci a permis à l’Église catholique, à de multiples occasions, de faire annuler par le
Conseil d’État, l'attribution d’églises au profit d’associations catholiques dissidentes®. Cela
lui a aussi permis de s'opposer aux pressions des municipalités, et parfois même du prêtre en
place, au profit du curé nommé par l’Ordinaire du lieu. L'affectation des lieux de culte aux
desservants approuvés peut être vue comme une protection par le droit français.

# PEX, Encycliques Vehementer Nos du 11 février 1906 et Gravissimo officio du 10 août 1906.
” CE, 23 janvier 1920, Abbé Baraud.
* T.A. Nantes, 2 juin 1977, Association Saint-Pie-V-de-l'Ouest, - T.A. Amiens, 16 septembre 1986, Labille c/
Commune de Villeneuve-Saint-Germain.
10

e La seconde concerne l’extension du domaine de l’affectation.


La loi précise qu’elle est « pour la pratique de leur religion », ce qui déborde largement le
simple culte et comporte d’autres aspects, comme notamment l’enseignement. Mais la même
loi précise que la non-observation de l’affectation est cause de désaffection. Parmi les causes
de non-observation, le non-exercice du culte est la deuxième cause de désaffection, comme
nous le verrons au chapitre V. La compréhension par l’État de la religion est vraiment liée à
l'exercice du culte.
L’affectation donne un droit de] jouissance gratuit de l’édifice, de tout le mobilier y afférent
et s'étend aux dépendances: chapelles"!, sacristies, croix et calvaires”* et parfois même aux
\ locaux proches. Depuis 1914, le Conseil d' État a établi une équivalence entre l’affectation de
lidroit et l’affectation de fait. Cette dernière concerne toutes les dépendances de l’église sauf le
Presbytère, devenu la plupart du temps propriété privée des communes. Cette affectation
exclut toute forme de locationà titre onéreux et toutes contributions obligatoires exigées par
le propriétaire. Elè est imprescriptible et inaliénable. Elle s'impose aux communes, qui n’en
n’ont pas la jouissance, comme au desservant, qui n’en a pas la propriété. Elle est assimilable
à une servitude grevant les édifices et le mobilier au détriment du propriétaire. C’est un
régime très particulier, qui garantit à l’affectataire l’usage total de l’édifice, lui permettant
d’accomplir pleinement sa tâche au regard du droit canon. Le régime actuel de séparation qui
maintient la propriété publique et l'affectation cultuelle permet à l'Église d’assumer
pleinement sa charge à l’intérieur de l'édifice cultuel, selon ses exigences propres :
L'autorité ecclésiastique exerce librement ses pouvoirs et ses fonctions dans les lieux sacrés (c. 1213).

Ceci oblige l’affectataire à respecter son utilisation exclusivement cultuelle, au risque


d’une désaffectation””. Les activités autres ne peuvent être qu’accessoires. Les quêtes internes
et les ventes dans l’édifice sont tolérées tant qu’elles gardent un caractère discrétionnaire. Par
contre, l'usage culturel des lieux de culte, qui est une pratique en fort développement, pose de
réels problèmes légaux en regard du droit ecclésial comme du droit civil. Aujourd’hui, nous
constatons de plus en plus, un détournement culturel du fait religieux et même une pratique
culturelle de la religion qui sera développée dans la sixième partie. La multiplication des
manifestations diverses dans les églises ainsi que la sauvegarde du patrimoine classé
permettent d'utiliser le terme d’affectation culturelle des lieux de culte. Cette évolution
amènera certainement des réajustements en perspective. L’affectation d’un lieu au culte
entraîne juridiquement un certain nombre de conséquences:
e La gratuité de l’accès sous les seules restrictions de l'intérêt de l’ordre public”
puisque l'Etat garantit le libre exercice du culte. Une seule entorse est possible lorsque des
objets mobiliers classés sont exposés dans une partie de l’édifice (voir l’utilisation profane).
à> e La stabilité de l’affectation.
|
L
e Son imprescriptibilité. L’affectation est définitive et ne peut être abolie sans une
procédure assez complexe qui nécessite l’accord de l’affectataire (voir au chapitre V)
À +
e Les contentieux en matière d'affectation, s’ils concernent une personne publique (ce
qui est le cas de tous les bâtiments de la domanialité publique affectés au culte), sont traités
par le droit public.

1 CE. 30 janvier 1914, Abbé Marmont.


7 CE. I* avril 1938, Abbé Laplanche-Coudert.
% Cité comme cause de désaffectation expresse: «si l’édifice est détourné de sa destination », loi du 9
décembre 1905, art. 13.
# Loi du 9 décembre 1905, art. [”, deuxième phrase.
11

D. Le ministre affectataire
Par sa nomination, le curé ou son équivalent devient l'interlocuteur principal du maire
quant à l'affectation.
Il est important de souligner que le ministre du culte désigné par son autorité propre, est,
pour le propriétaire, l’affectataire en titre. C’est une personne physique — de même que le curé
est une personne physique - alors que la loi de 1905 prévoyait l’affectation à une association.
Bien que l’article 5 de la loi du 2 janvier 1907 ait reconnu « aux fidèles », avant «les
ministres du culte », le droit de disposer des églises; la jurisprudence et l’usage ont montré
l'inverse. Le curé vraiment considéré comme l’affectataireà qui il revient de réglementer
l’usage de l’église”. Cette reconnaissance implicite du sacerdoce du ministre du culte dans
l'exercice de sa charge est très importante car elle corrobore la responsabilité du curé et
l'autorité hiérarchique du prêtre sur les fidèles telles que le conçoit l’Église catholique. Il a
même « plus de pouvoir dans son église et dans l'exercice du culte que le curé
concordataire »%, Il n°y aura pour le maire qu’un seul interlocuteur de l’affectation, de même
qu'il n'y aura qu’un seul responsable de la communauté (c. 526, $2), quelque soit
l’organisation interne propre sur laquelle se structure la paroisse (cf. c. 517). Cette
coopération sera facilitée par le devoir de résidence à laquelle est astreint celui qui a la
responsabilité de la communauté. Dans toutes les affaires juridiques, en particulier celles qui
touchent à l’administration des biens de la paroisse, le curé représente la paroisse :
Dans toutes les affaires juridiques, le curé représente la paroisse, selon le droit; il veillera à
l'administration des biens de la paroisse, selon les canons 1281-1288 (c. 532).

Même s’il n’a plus de statut public officiel, le maire ne peut ignorer celui qui représente la
communauté catholique dans sa commune. Il ne peut être seulement l’affectataire ; les usages
montrent d’ailleurs, au-delà de la coopération nécessaire, une reconnaissance mutuelle. Cette
responsabilité particulière lui est cependant reconnue; ainsi les peines sont elles aggravées
pour les délits commis par un ministre du culte. Si, officiellement, il n’est plus une personne
publique, il reste pour le droit civil une personne qui a autorité”.

E. Les permissions dérogatoires de l’affectation

a. L'utilisation profane
Cette possibilité s’est énormément développée depuis la deuxième moitié du XX° siècle.
La baisse de la pratique religieuse et l’intérêt culturel pour les bâtiments anciens ont fait
glisser l’aspect cultuel vers l’aspect culturel, au risque de faire perdre les repaires de ce que
sont à la fois l’affectation au culte qui justifie la domanialité publique et la sacralité d’un lieu
de culte pour l’Église catholique:
Quand les églises sont utilisées pour des fins différentes de celles qui leur sont propres, leur
caractéristique de signe du mystère chrétien est mise en danger, avec les dommages plus ou moins graves
pour la pédagogie de la foi et la sensibilité du peuple de Dieu, comme le rappelle la parole du Seigneur :
« Ma Maison est une Maison de prière » (Le 19, 46).

Toutefois, si la tenue notamment de concerts ou d’autres manifestations est permise,


l’affectataire est tout à fait libre d'accepter ou de refuser la demande d’organisation d’une
telle manifestation. La Congrégation pour le Culte divin avait, en date du 5 décembre 1987,

Arrêt de la Cour de cassation du 1“ décembre 1910.


cf. Abbé]. KERLEVEO, L'Église catholique en régime français de séparation, tome II, p. 61, Paris, 1956.
Loi de 1905, Articles 34 et 35.
% Orientation de la Congrégation pour le Culte divin, « Les concerts dans les églises », 5 nov. 1987, D.C.
n° 1954 du 17 janvier 1988, p. 77-79.
12

produit un document donnant quelques orientations sur l’organisation des concerts de


musique dans les lieux de culte. Ce document est assez restrictif sur les styles de musique,
limitant la possibilité à la seule musique religieuse.
Pour l’Église, une telle utilisation des lieux de culte, ne peut se faire sans l’accord du curé,
aidé par la commission diocésaine ad hoc et en respectant le caractère particulier du lieu.
Ainsi pour les concerts, la Conférence des évêques de France a émis un document qui spécifie
les charges et devoirs de chacun dans ce genre de prestation”. Ce document donne toute
autorité de décision à l’affectataire mais interdit « toute convention d’utilisation régulière de
t
1

l’église avec un quelconque organisme ainsi que toute manifestation qui empêcherait
l'exercice normal du culte». Elle demande aussi l’obtention de l’avis conforme du
propriétaire en ce qui concerne la sécurité du bâtiment et les questions d’assurance concernant
la prestation". Une information au maire doit être faite lors de la tenue d’une telle
manifestation pour des raisons « de pouvoir de police et de représentation de la collectivité
propriétaire. »°! Ce même document rappelle aussi l’exigence de laisser l’accès libre et gratuit
du bâtiment, comme le spécifie le droit de l’Église (c. 1221). Ceci ne va évidemment pas sans
poser des problèmes, en raison des rémunérations des artistes. Un certain nombre de diocèse
ont pris sur ce point des dispositions particulières. D’autres dispositions ont été prises pour les
tournages de film, en demandant là encore de respecter le caractère sacré de l’édifice et de ne
pas perturber l’exercice du culte‘. Mais force est de constater que de nombreuses
manifestations dans les églises (concerts, jeux scéniques ou expositions) sont organisées sans
consultation préalable de l’affectataire.
b. Les visites payantes
Elles contredisent dans les termes les notions de domanialité publique et de gratuité du
culte, fondatrices de l’esprit des lois de Séparation ainsi que l’exercice de la liberté religieuse
telle que l’Église la conçoit. Aussi elles ne peuvent être qu'exceptionnelles. L'article 17 de la
loi de 1905 est ainsi libellé :
La visite des édifices et l’exposition des objets mobiliers classés seront publiques; elles ne pourront
donner lieu à aucune taxe et redevance.

Des dérogations ont été rendues possibles afin de permettre la sauvegarde et l’entretien
d'objets mobiliers classés dans les églises par l’octroi d’un droit d’entrée. La loi du 31
décembre 1913 sur les monuments historiques autorise les communes à établir un droit de
visite pour « couvrir les charges de gardiennage et de conservation » des biens mobiliers
classés visités. Il ne peut correspondre qu’à une partie de l’édifice, afin de permettre la libre
circulation dans le reste de l’édifice car un droit ne peut être exigé pour entrer dans un édifice
affecté au culte. Ceci est vrai tant d’un point de vue civil que d’un point de vue ecclésial. Ce
système a été mis en place dans un certain nombre de bâtiments classés : Elme (Pyrénées-
Orientales), les Saintes-Maries-de-la-Mer (Bouches-du-Rhône), La Chaise-Dieu (Haute-
Loire). Il n’est pas toujours compris par les visiteurs, et les collectivités propriétaires ne
respectent pas uniquement la destination légale de cette redevance, à savoir les charges de
gardiennage et de conservation.

# CONSEIL PERMANENT DE L'EPISCOPAT FRANÇAIS, « Les concerts dans les églises », 13 décembre 1988, D.C.
89.
%° cf. Orientation de la Congrégation pour le Culte divin, « Les concerts dans les églises », 5 nov. 1987, D. C.
n° 1954 du 17 janvier 1988, p. 77-79, n° 6.
“Propos du ministre de l'Intérieur, J.0. Deb AN, 14 janvier 1991, n° 27029.
“7 CONSEIL PERMANENT DE L'EPISCOPAT FRANÇAIS, « Le tournage de séquences de films dans les édifices
cultuels », D.C. n° 1953, 1988, p. 47.
13

| Cette même \loi dérogatoire| du 31 décembre 1913 a permis d’appliquer son régime
Je d'exception à l'installation d’antennes de radiocommunication dans les églises. Mais de
me même que pour les visites payantes, l'installation de relais dans les clochers ne peut se faire
sans l’accord de l’affectataire. Elles ne doivent pas non plus gêner l’exercice du culte ni
entraîner une redevance au desservant, car l’affectation est gratuite”.
Durant la célébration du culte, il va de soi que la liberté d'accès l’emporte et interrompt les
visites payantes. Pour la mise en place de visites payantes dans une partie de l’édifice,
l’accord de l’affectataire est obligatoire. Il a d’ailleurs le droit de s’y opposer“.

# °° Courrier du 1° août 1997 du ministère de l'Intérieur, Bureau des cultes.


#° CE. du 4 novembre 1994, Abbé Chalumey.
14

IV. CONSEQUENCES ADMINISTRATIVES DE LA CHARGE PASTORALE ET


DE L’AFFECTATION
Les fonctions ministérielles que le curé doit accomplir dans sa paroisse, ne sont pas
toujours définies en termes de pouvoir juridique et technique, mais donnent une orientation à
ses fonctions. Le lieu où il évolue, sa paroisse, avec au cœur l'édifice affecté au culte, encore
appelé église, lui offre un certain nombre de facilités mais aussi de contraintes de toute nature
dans l’exercice de sa charge ; c’est ce que nous allons étudier dans cette cinquième partie.

A. L'autorité à l’intérieur de l’église


Aujourd’hui seuls des motifs de sauvegarde de l’ordre public peuvent interférer avec les
activités religieuses. Il est explicitement demandé que le lieu de culte ne soit pas un lieu de
réunions politiques"®- elles y sont interdites - et que l’ordre public y soit respecté. La police
des cultes comme telle a disparu ; on peut plutôt parler d’un pouvoir de police de l’ordre
public appliqué au culte. C’est désormais le curé qui est responsable de l’ordre public à
l’intérieur du lieu de culte. Dans les régimes précédents, le maire avait beaucoup plus de
pouvoirs. Mais voulant respecter la neutralité constitutive de la République et la liberté du
culte, le représentant de la loi se garde bien d’intervenir dans l’organisation du culte, laissant
le soin au curé de faire sa propre police. C’est ainsi que la jurisprudence n’a pas hésité à
qualifier de « police » le pouvoir du ministre du culte dans l’édifice“. Le ministre a pleine
autorité sur les modalités du culte lui-même: 1l peut écarter ceux qui n’ont pas la capacité d'y
participer activement ou ceux dont l'attitude trouble l assemblée. Des poursuites pénales

culte par des troubles ou désordres causés dans le local servant à ces exercices »*”. Il peut
même faire appel aux forces de police lorsque l'exercice du culte est perturbé. La
jurisprudence énumère un certain nombre de cas où l’exercice du culte était gêné, voire
l’église occupée, et où les forces de l’ordre, à la demande de l’affectataire et par la
compétence du juge administratif, sont intervenues. C’est à lui que revient exclusivement
l’ordonnancement du culte, sous l’autorité de son évêque. Ceci est conforme au droit de
l'Église sur la liberté de l’autorité ecclésiastique dans les lieux de culte (c. 1213).
Le pouvoir de police de l’affectataire n’est pas un simple pouvoir de discipline puisqu'il
touche à un domaine public. C’est comme si le maire déléguait son pouvoir de police, à
l’intérieur de l'édifice, au ministre du culte. Le maire n’a plus qu’un pouvoir supplétif*,
défini par la jurisprudence de manière limitative a négative. L'’affectataire s’est vu
reconnaître la détention exclusive des clefs de l'édifice”, de l'ouverture et de la fermeture de
l’édifice ainsi que des horaires et du déroulement des cérémonies. Les cérémonies gardent un
caractère public, elles ne sont plus soumises à une déclaration préalable depuis 1907. Elles
peuvent faire l’objet d’une surveillance, mais c’est excessivement rare, n'étant pas
considérées — en principe — comme un danger pour la sécurité publique! Comme nous l’avons
déjà dit, la seule restriction à l’exercice interne du culte est l’atteinte à l’ordre public”.
Le ministre du culte se voit par ailleurs reconnaître un rôle de gardiennage de l'édifice”! : il
est gardien, non seulement du caractère cultuel du lieu, mais aussi du bâtiment lui-même. Ceci

#5 Loi du 9 décembre 1905, art. 26.


#4 CE. 24 février 1912, Abbé Sarrelongue, - C.E. 11 avril 1913, Abbé Sommé, - C.E. 3 mai 1918, Abbé Piat.
#7 Loi du 9 décembre 1905, art. 32.
+. AEL'L:222029; 3:
CE. 24 février 1912, Abbé Sarrelongue, - C.E. 3 mai 1918, Abbé Piat.
0 Loi du 9 décembre 1905, Art. 34 et 35.
SÙ CE. 10 nov. 191 1, Commune de Saint-Blancard, — C.E. 23 déc. 1921, Commune de Montlaur, — C.E. 6 avril
1927, Abbé Paoli.
15

lui permet, dans un certain nombre de cas, de recevoir une rétribution publique. Le ministre
du culte est donc à la fois garant de l’ordre et de la sécurité à l’intérieur de l’édifice, mais
aussi gardien de la conservation de l’immeuble. Ses fonctions reconnues semblent bien
coïncider avec l’autorité proprement religieuse qui est la sienne quant à l’exercice du culte et
la conservation des lieux et objets sacrés (cf. cc. 519, 528, 529, 530, 1220). Il ne peut être tenu
pour civilement responsable des dégradations survenues dans l’édifice ou affectant des
personnes. Sauf, bien évidemment si sa responsabilité personnelle est engagée, ou alors s’il
n’a pas été assez vigilant comme gardien de l’édifice.

B. L’aménagement de l’église
Le ministre du culte peut organiser librement la disposition des meubles à l’intérieur de
l’église et la municipalité ne peut utiliser le mobilier interne pour ses propres besoins. Il peut
aussi retirer les meubles qu’il juge inutiles, inesthétiques ou encombrants, mais il ne peut les
aliéner ou les modifier sans l’accord de la municipalité propriétaire”. Les meubles inutilisés
sont habituellement déposés dans un lieu attenant à l’église, sacristie ou autre, sans oublier
l'accord du propriétaire pour ce transfert. Dans la mesure où l’affectation de l’immeuble
touche également tous les meubles qui l’occupent, l’affectataire doit être considéré comme le
gestionnaire des « biens communaux». Lorsque les objets sont classés, ils tombent aussi sous
la juridiction de la Conservation du patrimoine qui peut, sous l’égide du ministère de la
Culture, prendre des mesures conservatoires pour leur sauvegarde et leur entretien.
Le droit canonique recommande de « veiller à assurer dans les églises la propreté et la
beauté qui convient à la Maison de Dieu et à écarter tout ce qui ne convient pas à la sainteté
du lieu » (c. 1220, $ 1). Cela réclame un minimum d’entretien, en faisant particulièrement
attention aux objets sacrés et précieux, pour lesquels il faut recourir « au soin ordinaire de
conservation et aux moyens appropriés de sécurité » (c. 1220, $ 2). C’est dans ce but que les
Commissions diocésaines d’art sacré ont été instituées””. Devant un certain nombre d’excès,
en particulier au lendemain du Concile, les autorités publiques ainsi que celles de l’Église ont
dû prendre des mesures conservatoires pour sauvegarder le patrimoine religieux des édifices
du culte et des objets affectés". En dehors de l’aménagement courant, les travaux
d'aménagement intérieur d’un lieu affecté au culte ne peuvent être réalisés sans une
concertation préalable entre les différents partenaires :
e Le propriétaire.
e L’affectataire aidé par la Commission diocésaine d’art sacré. Cette dernière trouve son
fondement dans le canon 1216 précisant que « pour la construction et la réparation des
églises, en recourant à l’avis d'experts, les principes et les règles de la liturgie et de l’art sacré
seront observés ».
e Éventuellement les représentants du ministère de la Culture lorsque le lieu de culte ou
les objets sont classés ou inscrits à l’inventaire supplémentaire.

C. Les travaux de réparations, conservations et d’entretien du lieu de culte


Comme nous l’avons vu au paragraphe précédent, les travaux dans un lieu affecté au culte,
ne peuvent être réalisés sans une concertation préalable. S'ils sont commandités par
l’affectataire, ils ne peuvent être réalisés sans l’accord du propriétaire et celui du représentant
du ministère de la Culture si l’édifice ou les objets concernés sont classés. Si c’est l'État qui

* T.A. Lille, 29 nov. 1972, Abbé Henri.


3% cf. Concile Vatican IL, S.C., n° 46.
#° Circulaire du ministère de l'Intérieur aux préfets du 8 décembre 1970 ; Lettre de la Sacré Congrégation du
clergé aux présidents des Conférences épiscopales du 19 mai 1971, « La Protection du patrimoine historique
et artistique de l’Église ».
16

en prend l'initiative (la collectivité propriétaire ou le ministère de la Culture), une saine


coordination est nécessaire entre tous les intéressés, surtout si la nature des travaux est
susceptible de perturber l’exercice habituel du culte. En principe ce sont les associations
cultuelles, ou assimilées, qui ont la charge des travaux de réparation, de conservation et
d’entretien à l’intérieur de l'édifice, qu’il soit public ou privé. C’est ainsi que l’avait prévu
l’article 22 de la loi de 1905.
En raison du refus des associations cultuelles par l’Église catholique, la loi des 9 et 13 avril
1908 modifia la disposition et autorisa les collectivités publiques à « engager les dépenses
nécessaires pour l’entretien et la conservation des édifices du culte dont la propriété leur est
reconnue par la présente loi » (art. 5). Cela se fit au bénéfice des catholiques et au détriment
des représentants des cultes qui avaient acceptés les associations cultuelles, en particulier les
juifs et les protestants. En accordant à ces associations, par la loi du 25 décembre 1942, une
grande capacité juridique et en les autorisant à recevoir de l’argent public pour la restauration
des édifices du culte qui leur appartenaient, la loi rétablit l’équilibre entre les associations
cultuelles et le culte catholique. La loi du 25 décembre 1942 a modifié le dernier alinéa de
l’art. 19 de la loi de 1905 : une aide financière publique peut-être accordée à l’entretien. Elle
n’est pas considérée comme une subvention au culte, bien qu’elle ne soit pas mentionnée dans
les exceptions à l’article 2 de la loi du 9 décembre 1905 et qu’elle en ait toute l'apparence.
(C’est ce que le conseiller d’État François Méjean, longtemps responsable du Bureau des
cultes, avait fini par avouer en 1973).
Légalement, rien n’oblige le ministre du culte affectataire à effectuer des travaux
d’entretien et rien ne l’y astreint. Il n’a aucun droit réel sur l’édifice du culte ni même un droit
personnel de jouissance, mais il a uniquement la faculté d’en user dans la stricte mesure de
l’exercice du culte”. Il n’a aucune responsabilité concernant tout dommage causé à l'édifice,
sauf en cas de faute délictuelle de sa part. Mais rien n’oblige non plus, dans la loi, le
propriétaire à entretenir les lieux de culte. C’est une faculté, et les collectivités publiques
propriétaires ne sont pas tenues de réaliser les travaux d’entretien des édifices de culte. Un
partage des charges s’effectue en général en fonction des besoins, des budgets réciproques, de
la qualité des liens entre l’affectataire et le propriétaire. Telle communauté paroissiale verra
les frais de chauffage de l’église pris en charge par la mairie, alors que telle autre aura toutes
les peines du monde à ce que les réparations essentielles de la toiture soient effectuées !
Il est donc normal de constater une grande hétérogénéité dans l’entretien des lieux de culte
si la collectivité publique n’est qu’« encouragée » à y participer, sans caractère d'obligation.
Les charges d’entretien et de réparation sont lourdes pour de simples paroisses comme pour
les associations diocésaines et il n’est pas rare que la municipalité aide dans tel ou tel
domaine. En ce qui concerne l’édifice lui-même, s’il est classé où seulement inscrit à
l'inventaire supplémentaire des Monuments historiques, il bénéficie évidemment de
subventions particulières de l’État” 6. L'initiative des travaux, dans ce cas, revient en général à
l'Administration, mais toujours en concertation avec le propriétaire et l’affectataire.
En dehors de ces cas, qu’en est-il lorsque la paroisse affectataire et la mairie propriétaire se
renvoient les frais d’entretien et de réparation? Le CIC, en parlant de la propreté et de la
beauté du lieu, s’adressait à « tous ceux que cela concerne » (cf. c. 1220), c’est-à-dire aussi
bien au propriétaire qu’à l’affectataire.
La jurisprudence a peu à peu précisé ce que recouvraient les travaux d’entretien et de
réparation: il s’agit des réparations lourdes””, de type conservatoire, ainsi que des travaux

% Arrêt Bureau de la Cour de cassation du 5 janvier 1921.


# Loi du5 janvier 1988.
7 C.E. 24 décembre 1926, Sieur Empereur.
17

d'entretien comme la peinture ou l'électricité. Sont exclus de ces travaux la propreté du lieu et
les frais de chauffage, bien qu’un arrêt du Conseil d’État ait permis une subvention pour
assurer le chauffage d’un édifice public du culte, considérant que cela participait à l’entretien
courant, sous peine de dégradation”. Une extension de cette mesure à d’autres domaines
d'entretien (notamment l'installation de l’éclairage) est signalée dans une circulaire du 15
octobre 2003°”°.
Ce que la loi interdit c’est, pour les collectivités publiques, des dépenses qui seraient des
subventions pour l'exercice du culte. Mais elle n’interdit pas les dépenses nécessaires à la
conservation des édifices, propriété de l’État, du département ou de la commune. L'arrêt du
Conseil d'État du 22jjanvier 1937 permet de préciser ce qu’une commune peut faire pour les
édifices du culte dont elle est propriétaire:
e le réparer, pour éviter aussi des réparations futures trop lourdes ;
e l’entretenir ;
+ le reconstruire si cela est nécessaire et si les frais de reconstruction n’excèdent pas
ceux d’une réparation.
S’il n’est pas tenu à l’ obligation d'entretien et de réparation, le propriétaire y est encouragé
par de possibles subventions de l’État, pouvant aller jusqu’à 50% des travaux envisagés °®, Car
il doit aussi garantir la sécurité matérielle de l’édifice et peut être tenu pour responsable des
préjudices résultant d’un défaut d’entretien. Ce n’est pas le cas du ministre affectataire, sauf si
le préjudice causé est de son fait personnel. En cas de péril imminent, le maire peut être
amené à interdire l’accès de l’édifice ou une partie de celui-ci. Le juge administratif veillera à
ce que cette décision soit fondée et ne soit pas une limitation du droit à la liberté de culte. En
ce cas, le maire pourrait être condamnéà réparer les dommages®!. Les fidèles peuvent aussi
faire des souscriptions en vue des travaux de réparation de l’église. Cette démarche oblige la
commune propriétaire à effectuer les réparations couvertes par la souscription. C’est ce que
l'on appelle la loi du concours. Le Conseil d’État a précisé à deux reprises, qu'il s’agit
« d’une obligation légale à laquelle elle ne peut se soustraire sans engager sa
responsabilité »°?. Ceci afin d’ empêcher les collectivités propriétaires de laisser tomber en
ruine des bâtiments du culte en vue d’obtenir leur désaffectation pour cause de danger public.
Lorsque le bâtiment est privé, l’association propriétaire peut aussi bénéficier de
financements publics pour la réparation d'un édifice ouvert au culte public, sans que cela soit
considéré comme une subvention au culte”. En ce qui concerne des travaux de reconstruction
d'église, lorsque celle-ci a été grièvement endommagée ou détruite, le propriétaire doit alors
affecter Jes dus subventions où dédommagements (assurances) à la reconstruction de
l'édifice®*
Ce que l’on peut noter en conclusion, c’est un assouplissement très net des lois de 1905
notamment par les différents avis du Conseil d’État. Aïnsi l’exonération de la taxe foncière
était prévue pour les bâtiments publics du culte dans la loi de 1905 (art. 24). Elle a été étendue

# C.E.7 mars 1947, Lapeyre et autres.


Guide administratif, 52-115 in CONFERENCE DES EVEQUES DE FRANCE (Secrétariat général de la) ET COMITE
NATIONAL D'ART SACRE, Les églises communales, Paris, 2002, p. 8.
Arrêté du 13 janvier 1943.
CE.18 janvier 1946, époux Fouchy.
S CE. 26 octobre 1945, chanoine Vaucanu, — C.E. 21 juin 1957, commune de Saint-Martial-le-Mont.
Décret n° 66-388 du 13 juin 1966.
# CE. 19 juin 1914, Vital-Pichon.
18

à tous les édifices du culte, publics comme privés®. De même un certain nombre de facilités
fiscales ont été accordées, ainsi qu’un accroissement des aides indirectes.

D. La spécificité des églises et des objets classés


En raison d’un intérêt historique ou artistique, un certain nombre de lieux de culte dépend
de la loi du 31 décembre 1908 sur les monuments historiques” puis de celle de 1913. Ils sont
classés Monuments historiques ou inscrits à l’inventaire supplémentaire de ces mêmes
monuments. Depuis 1988, une catégorie nouvelle d’édifice, celle du patrimoine rural non
protégé, permet une conservation et une sauvegarde par | État d’édifices cultuels ruraux que
la commune propriétaire ne peut à elle seule assurer. Du côté de l° Église, la même vigilance
est demandée aux responsables: « les pasteurs d’âmes doivent avoir à cœur de veiller sur les
édifices et les objets sacrés »%7. Pour les objets sacrés et précieux, une législation de protection
et de prescription est demandée par le Code (cc. 1269-1270) :
Pour protéger les objets sacrés et précieux, il faut recourir aux soins ordinaires de conservation et aux
moyens appropriés de sécurité (c. 1220, $ 2).

Les effets du classement d’un édifice cultuel ou de son inscription à l'inventaire


supplémentaire ne changent pratiquement rien du côté de l’affectation. Ils réclament
simplement, de la part du propriétaire comme de celui de l’affectataire, un respect particulier
des dispositions relatives aux monuments classés. Il rend surtout plus contraignante
l'obligation de réaliser les travaux nécessaires, en permettant en contrepartie des possibilités
de facilités d’aide de l’État.
Le droit de visite est obligatoire et gratuit dans les bâtiments classés; il se fait sous la
responsabilité du propriétaire, en accord avec l’affectataire et en respectant les exigences du
culte. Il peut y avoir à ce sujet des conflits d’intérêt ; pensons à la tranquillité de la célébration
des offices à Notre-Dame de Paris, visitée par plus de onze millions de personnes par an ! Les
objets mobiliers sont soumis aux mêmes lois que les édifices en matière d’affectation et de
classement. Ne pouvant distinguer concrètement les objets qui servent au culte et ceux qui
n’ont pas d'usage religieux, le droit français considère comme affectés au culte l’ensemble
des objets mobiliers placés dans le lieu de culte. Ces biens peuvent être par ailleurs propriété
des collectivités ou de personnes privés (associations ou personnes physiques). Les
inventaires avaient tenté en 1906, dans un climat de vive tension, d’en faire la distinction. Elle
est très utile en cas de vol ou de détérioration d’objet mobilier car la responsabilité des
dispositions à prendre en matière de sécurité et d’assurance revient au propriétaire de l’objet
concerné. Bien que demandée, tant par les autorités civiles qu’ecclésiales, la tenue rigoureuse
des inventaires des biens immobiliers et mobiliers, spécifiant leur état de conservation et le
propriétaire, sont rarement tenue à jour.
Lorsque ces objets mobiliers sont classés, ils sont soumis, en plus des conséquences liées à
l'affectation, aux dispositions des lois du 31 décembre 1913. Ils peuvent continuer à servir au
culte, en faisant toutefois attention à leur intégrité matérielle. Ce cas est loin d’être une
exception car la grande majorité des objets classés en France est d’origine religieuse. Ils sont
donc sous une double protection : affectés au culte, et donc imprescriptibles ; conservés par
mesure spéciale au titre du patrimoine, et donc inaliénables. Lorsque ces biens sont propriété
de l'Église, ils ne sont pas affectés de manière légale, mais ils font l’objet, de la part de
l'Église, d’une protection particulière (permission d’aliénation par le Saint-Siège (c. 1292,
$ 2)), d’une permission de l’Ordinaire et d’une consultation de personnes compétentes avant

% Loi du 13 janvier 1941, n° 4 de l’article 1382 du Code général des impôts.


56 Articles 16 et 17.
Constitution Regimini Ecclesiæ Universæ, n° 70, D.C. 1967.
19

restauration (c. 1189) ; il y a prescription s’ils appartiennent au Siège Apostolique (c. 1270).
Certains de ces objets servant directement au culte peuvent aussi connaître une dédicace où
une bénédiction particulière de la part de l’Église (c. 1171).
La seule réelle difficulté pour l’affectataire survient lorsque des mesures conservatoires
sont prises pour la sauvegarde de mobilier classé et affecté en péril. Cependant, ce mobilier
n’en perd pas pour ne son affectation et ne peut connaître qu’un « transfert provisoire dans
un trésor de cathédrale » ; le propriétaire pourra toujours demander sa réintégration dans le
lieu si des mesures de sauvegarde ont été prises, et l’affectataire réclamer son utilisation
temporaire pour l’exercice du culte.

E. La construction de nouveaux lieux de culte


La construction de nouveaux lieux de culte présente, selon les termes du Dalloz sur le droit
des cultes, une « redoutable difficulté »°°
Dans sa lettre, la loi interdit le financement de nouveaux lieux de culte avec l'argent
public, fidèle en celaà l’article 2 de la loi de Séparation: « La République ne reconnaît, ne
salarie ni ne subventionne aucun culte »”°, Elle comporte cependant, dans sa promulgation, un
certain nombre d’exceptions au principe fondateur, comme les aumôneries. Cette loi de
Séparation a été faite en fonction du patrimoine ecclésial déjà existant et ne prévoit rien, par
contre, pour les édifices futurs et leur statut. La construction de nouveaux lieux de culte est
donc à la charge des cultes eux-mêmes, quelque soit leur statut juridique: association
cultuelle, association diocésaine pour l'Église catholique, association loi 1901
(essentiellement le culte musulman) ou congrégation.
Pour l’Église, la construction d’une église ne peut se faire sans le consentement explicite
de l’autorité ecclésiastique compétente (c. 1215). Cette norme est constante et ancienne dans
l'Église, puisqu'elle fut établie au V° siècle par le canon 4 du concile œcuménique de
Chalcédoine (451), que Gratien a repris dans son décret”". Le canon 1215, $ 2 précise que
l’évêque, afin de donner son consentement à la construction d’une église, doit s’assurer que
« les moyens nécessaires pour sa construction et pour l'exercice du culte divin ne manquent
pas » et qu’il doit consulter au préalable le conseil presbytéral et les recteurs des églises
voisines. Malgré le principe de séparation, de nombreuses possibilités d’aides directes (plus
délicat !) ou indirectes ont détourné la loi de son principe. Cette question est réelle face à un
double mouvement :
° Le mouvement des populations des campagnes vers les villes, qui s’est accéléré au
XX° siècle, déséquilibre le rapport entre les édifices cultuels et les besoins potentiels. Un
grand nombre d’églises, essentiellement catholiques, ne sont plus utilisées dans le monde
rural, alors qu’elles manquent souvent dans la périphérie des grandes villes.
+ L'émergence de nouveaux cultes, essentiellement l'Islam, avec un apport important de
populations du culte musulman, sans patrimoine immobilier à disposition pour l'exercice de
leur culte.
Comment garantir à la fois la neutralité de l’État, la liberté d'exercice du culte et l'égalité
de traitements devant de telles différences ? Il en va aussi de la stabilité des populations et de
la paix sociale dont l’État ne peut se désintéresser. Il existe donc une inégalité de traitement
résultant des lois de 1905, donnant un caractère discriminatoireà l'égard des nouveaux cultes,

8 Loi du 31 décembre 1913, Art. 26.


% VOLF] . Droit des cultes, Précis Dalloz, Paris, 2005, p. 249.
7 Loi du 9 décembre 1905, art. 2, 1** phrase.
7 Décret de Gratien, causa XVII, q. II, c. 10, in A. FRIEDBERG, Graz, 1995, p. 832.
20

auquel l’État ne peut rester indifférent. Sans compter la difficulté pour les cultes de financer le
coût important de la construction d’un nouveau lieu de culte sans aide financière publique. Le
pragmatisme l’a souvent emporté, heureusement, sur les principes et un certain nombre de
dispositions sont venues apporter une aide publique à la construction de nouveaux lieux de
culte.
Un premier geste avait été fait à l’égard de l'islam, en subventionnant directement la
construction de la Grande Mosquée de Paris, inaugurée en 1920. Pour l’Église catholique, le
grand projet des Chantiers du cardinal a pu, lui aussi, obtenir de nombreuses aides dans les
années trente pour la construction de plusieurs centaines de nouvelles églises en Île-de-
France. Cette aide était essentiellement la mise à disposition de terrains à bâtir par les
collectivités, sous la forme d’un bail emphytéotique de longue durée (99 ans) et pour un très
faible montant.
Depuis, un certain nombre de pratiques sont devenues courantes :
e Le financement des parties non affectées directement au culte, c’est-à-dire tout ce qui
est annexe: bibliothèque, musée, salles de conférence, activités extra-cultuelles, qui peuvent
être qualifiées d'équipement public. C’est ainsi que l'État a participé au financement de la
cathédrale d'Évry et A un certain nombre de constructions de lieux de culte musulman
obtient des subventions”?
e En plus des baux emphytéotiques, des garanties d’ empruni des collectivités publiques
peuvent être octroyées aux associations, maîtres d'œuvre d’édifice du culte”?
e Elles peuvent aussi obtenir, avec une extension de leur capacité juridique, une
déductibilité fiscale des dons et legs”, un taux réduits de frais de mutations” et tout un
arsenal de facilités financières et fiscales pour mener à bien leurs travaux.
La construction de nouveaux lieux de culte, essentiellement musulmans, est parfois, dans
les communes, l’objet d’oppositions féroces entre partisans et adversaires. C’est pourquoi la
construction de ces nouveaux lieux de culte rencontre toujours un grand nombre de
difficultés”
e L’obtention d’un permis de construire n’est pas simple en ce domaine. Le droit de
l’urbanisme a longtemps négligé l’intégration de nouveaux lieux de culte et s’en est même
parfois servi de motif pour s’opposer à la délivrance d’un permis de construire”?
e L'exercice dévoyé du droit de préemption. Ce droit a souvent été invoqué par telle ou
telle collectivité publique pour empêcher la construction d’un lieu de culte, sans donner le
motif justifié de la préemption, ce qui est illégal®.
e La nécessité parfois de se cacher derrière la qualification d'équipement public pour
avaliser la construction d’un lieu de culte”?

7 CE. 12 février 1988, Association des résidents des quartiers Portugal-Italie ; Rapport d’information sur les
immigrés, Rapport Assemblée nationale, n° 1348 89-90, p. 78.
73 Loi des finances du 29 juillet 1961, art. 11.
7 Code général des impôts, art. 238 bis.
7 Code général des impôts, art. 777 et 795
7 cf. X. DELSOL, Le droit des cultes, Paris, 2005, « la construction et l'aménagement », p. 250-281.
7 Circulaire du ministère de l'Intérieur aux préfets, en date du 14 février 2005, qui précise que « la neutralité
ne signifie pas (..….) l'indifférence à l’égard du fait religieux » et recommande «la souplesse face à
lédification des lieux de culte. »
7 Le rapport Machelon, fait à la demande du Premier Ministre de l’époque donne un certain nombre de pistes,
dont les premières sont de veiller à éviter les blocages des collectivités publiques. J.-P. MACHELON (Edl.),
Les Relations des cultes avec les pouvoirs publics, Doc. Franc., Paris, 2006.
7 C.E. 12 février 1988, Association quartier Portugal-Italie.
21

On peut noter qu’une certaine hypocrisie règne sur cette question de la construction de
nouveaux lieux de culte. Autrefois, elle était réglée de manière discrétionnaire et cachée, c’est
ce que l’on appelait « la neutralisation rampante du principe d'interdiction
des financements
! publics des cultes». La possibilité d’un financement public et direct des lieux de culte a été
” abordée par de nombreux hauts fonctionnaires ces dernières années®° afin de sortir de la
difficulté actuelle. Pour l’Islam, le non-financement public des lieux de culte a entraîné, pour
pallier l’inégalité, une multiplication anarchique de lieux de culte privés ou des financements
d’origine étrangère, ce qui pose, dans ce dernier cas, un réel problème politique. Différentes
propositions se font jour, elles rencontrent souvent l’hostilité et la peur de réveiller de vieux
démons — comme si en reparlant des lois de 1905, on ouvrait la boîte de Pandore !

F. L’acte de désacralisation et celui de désaffectation


Le Conseil d’État fut toujours réticent à accéder à la demande de désaffectation des
lieux de culte, même pour des églises abandonnées. Sur 150 demandes après la campagne
menée par Maurice Barrés sur « la grande misère des églises de France » dans les années 30,
seules 20 désaffectations furent acceptées*!. On estime aujourd’hui à environ 140 le nombre
d’églises désaffectées depuis 1905. L’affectation comme la désaffectation sont «des
prérogatives attachées à la propriété du domaine public »Ÿ et sont soumises à un régime
particulier. Il y a, de fait, dissociation entre la détention du droit de propriété et la maîtrise de
l'affectation"?
+
Selon l’article 13 de la loi du 9 décembre 1905, la désaffeëtion ne peut être prononcée
par décret que dans cinq cas :
e Lorsque l’association bénéficiaire est dissoute.
\'âs, »
e Lorsque, hors les cas de force majeure, la célébration du culte cesse pendant six mois
consécutifs.
e Lorsque la conservation de l'édifice ou celle des objets mobiliers classés est
compromise par défaut d’entretien, malgré les mises en demeure.
frev'e da e Lorsque l’association bénéficiaire change son objet où détourne l'édifice de sa
cutG
destination.
6 e Lorsque l’association bénéficiaire ne satisfait pas aux obligations de réparation et
lhes d’assurance ainsi qu'aux prescriptions relatives aux monuments historiques.
Il y a donc trois causes possibles tenant aux associations elles-mêmes, une concernant
l'exercice du culte, une au sujet de l’édifice lui-même.
Un de ces cinq motifs rend possible la désaffectation par décret en Conseil d’État. Elle
peut aussi résulter d’un arrêté préfectoral à la condition que l’affectataire ait donné son
consentement par écrit”. Mais l’une des deux voies est obligatoire, la simple constatation de
la survenance de l’un des motifs de désaffectation ne suffit pas. Ainsi un lieu de culte peut
rester des années sans aucune manifestation du culte et rester cependant à la disposition des
fidèles et affecté au culte. En dehors de ces cas, seule une loi serait susceptible d’amener à la

#° Conclusions de Bénédicte FOLSCHEID, Haut Commissaire de la République en Polynésie française, CAA


Paris, 31 décembre 2003: «le principe de la laïcité de la République... ne s'oppose pas à ce qu’une
collectivité publique apporte, en vue de satisfaire un objectif d'intérêt général, une contribution financière au
fonctionnement d’un culte. » ; N. SARKOZY, La République, les religions, l'espérance, Paris, 2004, p. 122.
81 Chiffres citées par M. FLORES-LONJOU, Les lieux de culte en France, Paris, 2001, p. 69.
# y. GAUDEMET, Droit administratif des biens, Paris, 2002, p. 76.
# cf. R. CHAPUS, Droit administratif général, tome II, Paris, 2003, p. 407.
# Décret n° 70-220 du 17 mars 1970, art. 1.
L|
désaffectation d’un lieu de culte. Ce fut le cas, par exemple de l’église Saint-Paterne
d'Orléans, désaffecté par la loi du 8 avril 1914.
La désaffectation d’une église parait délicate sans l’accord de l’affectataire. La
possibilité de recourir au Conseil d’État, sans nécessité du consentement de l’affectataire,
semble être peu probante. La voie préfectorale, beaucoup plus fréquente, nécessite le
consentement des deux autorités. Il semble d’ailleurs que, sauf cas de force majeur, l’Église
comme l’État aient des attitudes réservées sur les désaffectations car elles suscitent la plupart
du temps incompréhension et désaccord. Une mesure de désaffectation d’église doit MA
n da va

s'accompagner d’une mesure de réduction à un usage profane de la part de l’évêque. Dans ce


cas, un décret de l’évêque semble nécessaire (c. 1212) puisque l’église a, sans doute, été
dédicacée (c. 1217, $ 2), sans oublier celle de l’autel qui est à distinguer de la bénédiction ou
consécration de l’église (c. 1238 $ 2).
Si une église ne peut en aucune manière servir au culte divin et qu’il n’est pas possible
de la réparer, elle peut être réduite par l’Évêque diocésain à un usage profane qui ne soit
pas inconvenant (c. 1222, $ 1).
En veillant toutefois à ce que le bâtiment, le mobilier et les objets liturgiques ne soient
pas réutilisés sans respecter leur caractère particulier. L'ancien droit était beaucoup plus
exigeant. Avant le concile de Trente, une église désaffectée devait être démolie et les
matériaux en provenant devaient être réemployés dans des constructions de caractère
religieux. Quand il s’agit de raisons graves, le consentement des personnes concernées et
l'écoute du conseil presbytéral sont alors demandés à l’Ordinaire. Le Tribunal de la Rote a
précisé dans une sentence du 4 mai 1996 qu’une « cause grave » n’est pas forcément une
« cause très grave », afin de permettre à l’Ordinaire une latitude suffisante dans l’appréciation
de la situation®®.

® GRATIEN, Decreti tertia, Dist. I, De cons. c. 38, in A. FRIEDBERG, Graz, 1995, p. 1303.
#6 Cité dans J. WERCKMEISTER, « L'édifice cultuel en droit canonique » in R.D.C. n° 47/2, Strasbourg, 1997.

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