Vous êtes sur la page 1sur 40

Revue française de science

politique

L'analyse des situations autoritaires : étude bibliographique


Monsieur Jean-François Bayart

Citer ce document / Cite this document :

Bayart Jean-François. L'analyse des situations autoritaires : étude bibliographique. In: Revue française de science politique,
26ᵉ année, n°3, 1976. pp. 483-520;

doi : https://doi.org/10.3406/rfsp.1976.393670

https://www.persee.fr/doc/rfsp_0035-2950_1976_num_26_3_393670

Fichier pdf généré le 28/06/2022


Résumé
L'ANALYSE DES SITUATIONS AUTORITAIRES : ÉTUDE BIBLIOGRAPHIQUE
JEAN-FRANÇOIS BAYART
L'absence de bibliographie de synthèse relative aux « autoritarismes » incite à inventorier et à évaluer
les principaux modes d'appréhension de ces régimes à partir d'une centaine d'ouvrages choisis pour
leur qualité monographique, leur intérêt comparatif ou leur contribution méthodologique. On peut
différencier ces travaux selon trois critères majeurs : l'orientation politique et idéologique sous-jacente,
l'approche utilisée, le site d'analyse retenu. Il apparaît alors que le niveau théorique et méthodologique
des travaux disponibles est souvent médiocre, que peu d'entre eux étudient les régimes autoritaires en
tant que tels et que les échanges scientifiques entre spécialistes des diverses aires géographiques et
culturelles sont restreints. Ces constatations appellent un effort méthodologique renouvelé et adapté à
une meilleure compréhension des situations autoritaires, dans une perspective comparative.
[Revue française de science politique XXVI (3), juin 1976, pp. 483-520.] AN ANALYSIS OF
AUTHORITARIAN SITUATIONS BIBLIOGRAPHIC STUDY JEAN-FRAN OIS BAYART The lack of
consolidated bibliography on authoritarian situations provides the incentive to catalogue and evaluate
the main methods of understanding these regimes on the basis of some hundred works chosen for
their quality as mono graphs their comparative worth or their contribution as regards methodology
These works can be distinguished by means of three major criteria the under lying political and
ideological orientation the approach used and the area of analysis adopted It transpires in fact that the
theoretical and methodological level of the works available is in many cases mediocre that few of them
investi gate authoritarian regimes as such and that scientific exchanges between specia lists from
various geographic and cultural areas are limited These findings illustrate the need for comparative
purposes for new methodology appropriate to better understanding of authoritarian situations Revue
fran aise de science politique XXVI 3) juin 1976 pp 483-520.

Abstract
AN ANALYSIS OF AUTHORITARIAN SITUATIONS : A BIBLIOGRAPHIC STUDY, by JEAN-
FRANÇOIS BAYART
The lack of a consolidated bibliography on authoritarian situations provides the incentive to catalogue
and evaluate the main methods of understanding these regimes on the basis of some hundred works
chosen for their quality as monographs, their comparative worth or their contribution as regards
methodology. These works can be distinguished by means of three major criteria : the underlying
political and ideological orientation, the approach used and the area of analysis adopted. It transpires
in fact that the theoretical and methodological level of the works available is in many cases mediocre,
that few of them investigate authoritarian regimes as such and that scientific exchanges between
specialists from various geographic and cultural areas are limited. These findings illustrate the need,
for comparative purposes, for a new methodology appropriate to a better understanding of authoritarian
situations.
[Revue française de science politique XXVI (3), juin 1976, pp. 483-520.]
L'ANALYSE DES SITUATIONS AUTORITAIRES
étude bibliographique*

JEAN-FRANÇOIS BAYART

Le politiste qu'intéressent les « autoritarismes » se heurte à une


première difficulté : il ne dispose d'aucune bibliographie de synthèse
pour lui indiquer les principales études générales ou monographiques
qui relèvent de ce thème. Sans prétendre remédier à cette lacune, il
s'agit, dans les pages qui suivent, d'esquisser un premier pas dans cette
direction en inventoriant et en évaluant les principaux modes
d'appréhension de ces régimes et situations autoritaires autour d'une centaine
d'ouvrages, retenus pour leur qualité monographique, leur intérêt
comparatif ou leur contribution méthodologique.
Travail d'approche, cette note bibliographique utilise à peu près
indifféremment les notions « d'autoritarisme », de « régime » et de «
situation autoritaire », les entend dans leur sens commun en dépit de leur
ambiguïté, et élargit son propos à l'ensemble des phénomènes les plus
immédiatement contemporains habituellement qualifiés d'autoritaires. Elle
tente, par ailleurs, de faciliter les échanges scientifiques dans une
perspective comparative : elle ne s'adresse pas aux experts des différentes aires
culturelles en tant que tels, mais signale aux uns et aux autres un ensemble
de travaux qui, tout en échappant à leur spécialisation géographique,
pourraient néanmoins les servir dans leurs investigations. Aussi avons-
nous souvent préféré mentionner des études moins connues que d'autres
mais plus révélatrices de la dynamique politique du champ considéré et
stimulantes du point de vue de la méthodologie comparative.
Afin de favoriser certains rapprochements et de susciter la réflexion

* Cette étude fait partie d'un ensemble de recherches entreprises sur les régimes
autoritaires. Elle est complémentaire des contributions de Guy Hermet, Denis Martin
et Alain Rouquié, parues dans le numéro 6, décembre 1975 de cette même Revue, sous
le titre: «Pour l'analyse des systèmes autoritaires», pp. 1029-1111.

483
Jean-François Bayart

critique, nous différencions la production scientifique relative aux


situations autoritaires selon trois critères majeurs : l'orientation politique et
idéologique sous-jacente aux études disponibles ; l'approche utilisée par
celles-ci et le site d'analyse qu'elles retiennent l.

Orientations et approches

Idéologiquement et politiquement, la science n'est pas neutre. Elle


reflète — et contribue à constituer — un ordre social particulier. La
remarque est surtout valable pour la science politique, au sein de laquelle
différents courants épousent des pratiques, des valeurs et des intérêts
divergents. Les clivages entre orientations de recherche s'affirment d'autant
plus que le champ d'étude évoqué au cours de ces pages est aussi, depuis
plus de deux siècles, un champ privilégié d'engagement et de passion
politiques.

La vision « développementaliste »
Dans une certaine mesure, la notion de développement politique ne se
réduit à aucun courant scientifique particulier. Chacun à leur manière,
de nombreux auteurs libéraux, structuro-fonctionnalistes, marxistes ou
autres s'accordent à placer les divers types de régimes sur un continuum
d'évolution : l'autoritarisme est alors généralement présenté comme une
formule politique pathologique, seconde et temporaire. L'originalité, et
l'un des apports majeurs de Barrington Moore (16), furent précisément
d'établir la spécificité historique de la « démocratie », de la « révolution »
et de la « dictature », et le caractère « normal » sinon achevé, de l'Etat
autoritaire. Point de vue que partagent désormais, plus ou moins
nettement, des auteurs d'obédiences aussi divergentes que N. Poulantzas
(12, 13, 121), A. Touraine (19, 53), P.C. Schmitter (18, 62, 63, 133),
G. Hermet (17, 125) ou, depuis peu, H.J. Wiarda (20).
L'usage nous conduit cependant à réserver l'étiquette «
développementaliste » à l'école de ce nom, qui rattache explicitement les régimes
autoritaires à des stades d'évolution sur la voie de la modernité — pro-

1. Notre sélection (pp. 511-520) comprend 133 titres, identifiés et analysés au cours
d'une recherche bibliographique de près de deux ans — recherche qui avait pour objet les
différents aspects des situations autoritaires et dépassait notablement le cadre de cet
article. Nous n'avons malheureusement pas pu tenir compte des travaux disponibles en
des langues autres que le français, l'anglais et l'allemand — ce qui limite la portée de
nos développements. Outre les ouvrages généraux et/ou théoriques, notre sélection
comprend des études relatives à : 1. l'Afrique noire ; 2. l'Amérique latine ; 3. l'Asie
centrale et certains pays arabes ; 4. l'Asie du Sud et du Sud-est ; 5. l'Europe du Sud.
Tout choix est cruel, et nous avons dû laisser dans l'ombre bien des travaux de qualité.
Que le lecteur (et les auteurs...) veuillent bien ne pas nous en tenir rigueur.

484
L'analyse des situations autoritaires

cessus au cours duquel ils répondent à diverses conditions et exigences


fonctionnelles et dont ils constituent un moment propre.
Chez E. Shils (8), la « démocratie tutélaire » et « l'oligarchie moder-
nisatrice » sont définies comme des substituts du modèle universel de la
« démocratie politique », rendus inévitables par l'insuffisante maturité de
« l'infrastructure » des sociétés concernées. Affirmation dont est proche
H.J. Wiarda (54) quand il suggère, à l'exemple de J. Linz (15), que la
dictature de Trujillo exprimait le passage de la tradition à la modernité et
que ce type de régime naît de la rupture de l'ordre ancien, avant qu'une
nouvelle légitimité ne s'établisse solidement. De même, S.P. Huntington (5)
prend comme point de départ « non la forme mais le degré de
gouvernement » et voit dans les « prétorianismes » le produit de la « politisation
générale des forces sociales et des institutions », due à l'absence d'autonomie,
de complexité, de cohérence et de capacité d'adaptation de la sphère
politique. A.F.K. Organski (7), quant à lui, différencie les autoritarismes
selon la tâche primordiale spécifique qui s'impose à l'Etat à chacun des
quatre grands stades du développement : la dictature de Trujillo relève
de la politique d'unification primitive, les régimes « syncrétiques » de la
politique d'industrialisation, le nazisme de la politique de « bien-être
national ». D'une façon comparable, la distinction qu'effectuent G.A. Almond et
G.B. Powell (1) entre autoritarisme conservateur, autoritarisme moderni-
sateur et autoritarisme de pré-mobilisation se déroule sur une échelle du
développement. Enfin, D. Apter (2) renouvelle quelque peu ce courant en
estimant que l'effet du gouvernement sur la forme de développement offre
le principal critère d'évaluation des systèmes politiques dans les Etats
nouveaux. A ses yeux, les « systèmes bureaucratiques » résolvent la
contradiction entre deux types idéaux qu'il avait définis dans des travaux
antérieurs : le « système de réconciliation » (c'est-à-dire, grosso modo, le
système libéral, peu apte à promouvoir la modernisation mais conforme
à l'embourgeoisement qui marque les dernières étapes de celle-ci) et le
« système de mobilisation » (autrement dit, le système de forte participation
politique, imposée et conforme, qui est fonctionnel du point de vue du
développement mais reste difficile à instaurer).
L'orientation « développementaliste » est sous-jacente à quelques-
unes des meilleures études que comprend notre sélection bibliographique.
Mais, dans son interprétation des régimes autoritaires, elle se heurte à
certains « goulots d'étranglement ».
Rattacher les autoritarismes à des niveaux de développement
particuliers revient à postuler leur caractère transitoire et temporaire. A.F.K.
Organski (7) est très clair sur ce point. S.P. Huntington (5, 6), qui
semble accorder plus d'attention aux possibilités de maintien des régimes
de parti unique, réserve en fait cette hypothèse aux seuls partis «
révolutionnaires » et continue d'opposer développement politique et autori-

485
Jean-François Bayart

tarisme, institutionalisation et « société prétorienne ». Or, d'autres auteurs


sont au contraire impressionnés par la remarquable prégnance de
certaines situations autoritaires (20, 44, 78, 79, 81, 91, 93, 109, 116, 119).
P.C. Schmitter (62 et 63) souligne, par exemple, l'extraordinaire ténacité
des structures interdépendantes qui constituent le « système » brésilien
(o sistema) ; approuvé par A.C. Stepan (66), il voit dans l'actuel régime
militaire une tentative de sauver ce « système » menacé de dégénérescence
et de le purger d'une manière durable de ses contradictions, tandis que
T.E. Skidmore (61) réduisait le coup d'Etat de 1964 à une crise
conjoncturelle de participation. Dans une contribution ultérieure (67), ce dernier
reconnaîtra son erreur et, s'alignant sur le point de vue de P.C. Schmitter,
mettra en valeur la continuité institutionnelle de VEstado novo au régime
militaire.
D'autre part, l'école « développementaliste » porte en elle les germes
d'une vision dichotomique de la « tradition » et de la « modernité »
(1, 3, 5, 7). Le postulat d'une société dualiste obscurcit la relation
essentielle d'interdépendance entre les deux secteurs (pour autant qu'on puisse
les analyser comme des entités distinctes). Assez tôt, des praticiens de
l'approche « développementaliste », spécialistes de l'Asie pour la plupart,
ont remis en cause un dualisme aussi simpliste et ont défini le
développement politique non plus comme la victoire du moderne sur le
traditionnel, mais comme un processus d'accommodation entre l'un et
l'autre (115, 118). Il faudrait ajouter à ces travaux, ceux de J.H. Badgley
et R. Kothari, qui ne figurent pas dans notre sélection bibliographique.
Ce type de critique et de révision demeure d'une portée limitée. Ainsi
que le laisse à penser l'intéressante tentative de A.R. Zolberg (43),
c'est le principe même d'une vision dualiste de la société que l'on doit
récuser. En distinguant analytiquement deux secteurs au sein des systèmes
politiques africains, et bien qu'il parle à leur propos de « société syncré-
tique », l'auteur reste prisonnier des termes « moderne » et « résiduel »
qu'il utilise et, par son imprécision, réduit cette « société syncrétique »
à la simple juxtaposition d'un double réseau de structures. Critiques que
formule C. Coulon (27), mais auxquelles il n'échappe pas complètement
en parlant de « secteur politique central » et de « secteur politique
périphérique ». En fait, la société, dans son fonctionnement, doit être pensée
comme une unité et, en dépit des apparences, le soi-disant « traditionnel »
ne peut plus être analysé indépendamment du « moderne », dont il n'est
souvent plus qu'un appendice fonctionnel, réifié et détourné de sa
signification primitive. Telle est la conclusion qu'imposent, par des voies
diverses et chacun à leur manière, les études des latino-américanistes qui
mettent en évidence l'osmose partielle entre l'élite agraire et l'élite

486
L'analyse des situations autoritaires

industrielle (11, 50, 59, 70, 76), les travaux de S. Amin (9 et 10) sur
l'articulation des différents modes de production au sein des formations
périphériques, l'essai de B.H. Lévy (113) sur le « féodo-capitalisme
d'Etat » pakistanais, ou bien encore les analyses, d'autant plus
convaincantes qu'elles sont plus limitées dans leurs ambitions, de M. Kilson
(31) sur les chefs « traditionnels » en Sierra-Leone, de G. Althabe sur
la parenté au Zaïre (22), de J.A. Bill sur le système dawrah en Iran (91).
A vrai dire, les termes de « traditionnel » et de « moderne », au
même titre que celui de développement politique, ne signifient rien
en eux-mêmes et reproduisent l'idéologie dominante d'un système social
particulier, faute de dégager clairement les réalités économiques,
politiques et culturelles qu'ils prétendent désigner. Or, dans de nombreux
ouvrages d'inspiration « développementaliste », cette vision dichotomique
des systèmes sociaux est sous-jacente à la présentation des régimes
autoritaires, déclarés modernisateurs : elle obscurcit considérablement le débat
sur la nature et l'orientation de ceux-ci, notamment en inhibant toute
problématique de la modernisation conservatrice (66, 94) et amène la
plupart de ses praticiens à intérioriser la rationalité politique et
économique de leur objet d'analyse.

L'interprétation marxiste
L'approche marxiste constitue le second grand courant d'étude des
régimes autoritaires. Elle prend comme point de départ les textes de
Engels et Marx sur le bonapartisme, avant tout le Dix-huit Brumaire de
ce dernier. Remarquons immédiatement avec N. Poulantzas (12, pp. 281-
282) que Marx et Engels pensent le bonapartisme, à la fois, en tant que
phénomène historique concret et en tant que caractéristique constitutive
du type capitaliste d'Etat. Peu d'auteurs démêlent ces deux lectures
possibles, et le débat sur le bonapartisme (mais aussi sur le bismarckisme
et le césarisme) s'en trouve singulièrement embrouillé.
L'interprétation marxiste des régimes autoritaires s'incarne en une
problématique de l'autonomisation de l'Etat.
Marx et Engels voient dans l'autonomie relative de l'Etat bonapartiste,
considéré comme « religion de la bourgeoisie », un trait constitutif du type
d'Etat capitaliste, par référence à une situation d'équilibre entre les forces
sociales en lutte (ce qui les conduit parfois à assimiler Etat absolutiste,
bismarckisme et bonapartisme). Gramsci, quant à lui, dans ses Note sul
Machiavelli, fait du bonapartisme une forme particulière de césarisme ; il
rapporte celui-ci, en tant que phénomène politique spécifique, non pas à
un équilibre général des forces sociales en présence, mais à un « équilibre
catastrophique » entre les deux classes fondamentales antagonistes (Marx
évoquait également un équilibre particulier à propos du bonapartisme fran-

487
Jean-François Bayart

çais, en remarquant que « la classe bourgeoise avait déjà perdu, la classe


ouvrière n'avait pas encore acquis la faculté de diriger la nation »), ou encore
à un équilibre non catastrophique entre deux groupes qui, « bien qu'étant
distincts et opposés, ne l'étaient pas au point de ne pouvoir absolument
pas arriver à une fusion et à une assimilation réciproque à la suite d'un
processus moléculaire » (exemple de l'antagonisme entre la bourgeoisie et
l'aristocratie foncière). Le théoricien italien, d'autre part, est amené à
établir une distinction entre césarisme régressif et césarisme progressif,
selon que le compromis césariste favorise la classe conservatrice ou la
classe progressiste, et à remarquer qu'au césarisme de « l'homme
providentiel » tend à se substituer le « césarisme sans César », plus policier,
institutionnalisé et sécularisé, dont les gouvernements de coalition, les fronts
nationaux, les juntes ou les partis uniques peuvent offrir des exemples.

Révisant à la fois les interprétations de Marx et Engels et de Gramsci,


N. Poulantzas relie l'autonomie relative de l'Etat bonapartiste français à
son appartenance au type capitaliste d'Etat : «(...) Cette autonomie,
inscrite comme possibilité dans le jeu institutionnel de l'Etat capitaliste et
dont les variations et les modalités de réalisation dépendent de la
conjoncture concrète des forces sociales, ne peut être réduite ni au schéma
général d'équilibre de ces forces ni à celui, catastrophique, qui sous-tend
le phénomène particulier du césarisme » mais « n'élimine pas la
possibilité de fonctionnement, dans une forme historique de ce type, de
l'autonomie due à l'équilibre, général ou catastrophique, des forces en
présence » (12, p. 285). L'auteur invite à distinguer ces modes d'autonomie
relative qui, dans une forme concrète de l'Etat capitaliste, peuvent être
conjugués, ou se révéler contradictoires. Cependant, cette notion
d'autonomie de l'Etat ne doit pas conduire à considérer le rapport des classes
sociales à cet Etat comme une relation d'extériorité. Les contradictions
de classe s'expriment toujours et de façon spécifique comme contradictions
internes de l'Etat, et le poids des classes subordonnées se fait sentir au
sein même d'appareils d'Etat doués d'une autonomie particulière (121,
pp. 83-85).
La situation économique du « Tiers Monde » et, d'une manière de
plus en plus évidente, celle de l'Europe appelaient un autre type de
révision de la théorie marxiste. Pour la théorie de la dépendance, qui ne
saurait se restreindre aux Etats « sous-développés » (55, 121), « la lutte
des classes ne se déroule pas dans des cadres nationaux mais dans le
cadre du système mondial » (10, p. 316). Les régimes autoritaires doivent
donc être replacés dans ce contexte et situés par rapport à l'ensemble des
formations capitalistes, centrales ou périphériques (9, 10, 11, 13, 14,
55, 57, 58, 59, 80). Il faut d'autre part tenir compte d'une évolution
interne à ce système capitaliste mondial : le mode de production capi-

488
L'analyse des situations autoritaires

taliste domine désormais les formations périphériques non plus


simplement par la reproduction d'un rapport de dépendance externe, mais se
reproduit sous une forme spécifique en leur propre sein, et cette «
reproduction intériorisée et induite » du MPC s'étend au domaine de leurs
appareils d'Etat institutionnels et idéologiques (13, ch. I).

Sur cette toile de fond théorique, H. Alavi (103) reconsidère, à partir des
cas du Pakistan, du Bangla Desh et de l'Indonésie, la problématique de
l'autonomisation de l'Etat. Selon lui, l'armée et la bureaucratie, dans les
sociétés post-coloniales, ne peuvent être définies comme les instruments
d'une seule classe, ainsi que le suggère la théorie marxiste classique, mais
simultanément comme une force de médiation entre les intérêts
concurrents de la bourgeoisie métropolitaine, de la bourgeoisie autochtone et des
propriétaires fonciers ; et une force de préservation du mode de production
capitaliste au service commun de ces trois classes. A vrai dire, la thèse de
H. Alavi n'est véritablement originale que dans le cadre de la production
théorique anglophone : Gramsci, L. Althusser, N. Poulantzas (12) et les
théoriciens de la dépendance ouvraient largement la porte à de tels
développements. Leurs propositions conceptuelles permettent même d'éviter deux
écueils auxquels n'échappe pas H. Alavi. D'une part, ce dernier a tendance à
sous-évaluer l'unité interne de l'ensemble des classes dominantes. De l'autre
(mais il s'agit en fait du même problème), il reste prisonnier de la notion
d'arbitrage entre les forces sociales en présence, qui caractérise la démarche
de Engels ; il oblitère de la sorte le rôle de FEtat en tant que « facteur
d'unité politique du bloc au pouvoir sous l'égide de la classe ou fraction
hégémonique » (12, p. 326) et son rôle de formation des classes sociales et
d'une société civile autonome.
Le courant marxiste, dans son interprétation globale des régimes
autoritaires, se heurte à quelques-uns des obstacles qui gênent la démarche
« développementaliste ». En premier lieu, le dogmatisme et l'ethnocen-
trisme le guettent également : de nombreuses contributions au ton martial
et militant ont vite fait de qualifier un régime de « fasciste », une classe
de « bourgeoise » et une situation de « néo-coloniale ». A l'instar de leurs
collègues libéraux, les chercheurs marxistes ou marxisants, tout en
critiquant le concept de sous-développement (9, 10, 11), sont souvent
incapables de concevoir un modèle de développement original et de se
dégager de la rationalité hégémonique qu'ils dénoncent (14, 23, 88).
En outre, les écoles d'inspiration marxiste ont, elles aussi, tendance à
ne voir dans les régimes autoritaires que des phénomènes de transition,
succédant à une phase de démocratie bourgeoise, précédant un retour à
celle-ci ou une victoire des forces révolutionnaires : l'accent est le plus
souvent mis, par une tradition héritée de la IIP Internationale, sur les
contradictions économiques internes aux autoritarismes, qui signeraient

489
Jean-François Bayart

leur arrêt de mort à terme (11, 14, 23, 32, 57, 76, 107, etc.). Pourtant,
des travaux d'économie politique classique comme ceux de S.A. Morley
et G.W. Smith {in 67) ou de C.W. Anderson (122) semblent prouver
que certains régimes autoritaires sont susceptibles d'assurer une
croissance appréciable et cohérente ; de leur côté, dans une optique marxiste,
F.H. Cardoso (55) et N. Poulantzas (121) invitent à ne pas confondre
dictature et obscurantisme économique, dépendance et stagnation, et à
ne pas escompter d'une manière systématique un effondrement interne
des autoritarismes.
Enfin, dans la plupart des cas, les interprétations marxistes présentent
les régimes autoritaires comme caractéristiques du capitalisme installé.
En tant que phénomène historique concret, le bonapartisme français
s'impose d'ailleurs dans une formation sociale à dominance déjà consolidée
du mode de production capitaliste, et relève de la phase de reproduction
élargie de ce dernier. Or, remarque P.C. Schmitter (63) à propos du
Brésil, l'autoritarisme peut être un processus d'installation du capitalisme
— conclusion que confirment assez largement et d'un point de vue
marxiste R.D. de las Casas (59) et F.H. Cardoso (55). En effet, bien
que Engels et, parfois, Marx, ne soient pas toujours eux-mêmes aussi
clairs sur ce point qu'il serait souhaitable, ces critiques que l'on peut
adresser à l'encontre de l'approche marxiste mettent en cause les travaux
d'application disponibles, plus que la théorie elle-même. Le bismarckisme
offre un modèle d'Etat autoritaire permettant à la bourgeoisie de
consolider sa domination économique naissante et de l'ériger en domination
politique, cas particulier d'autonomie de l'Etat que Marx et Engels
qualifient de « révolution d'en haut », qui ne saurait être assimilé au
bonapartisme, mais que l'on pourrait rapprocher du Risorgimento italien
tel que l'analyse Gramsci. Et, à un niveau d'abstraction plus élevé, les
concepts de « statolâtrie » et de « révolution passive » (chez Gramsci) ou
d'Etat capitaliste (chez N. Poulantzas) autoriseraient à rendre compte
de l'activité fondatrice des autoritarismes. Il faut néanmoins reconnaître
que l'utilité de ces distinguos historiques et théoriques est demeurée
jusqu'à présent essentiellement virtuelle.

Positions hétérodoxes
Les limites et les réductions idéologiques propres à la fois à
l'orientation marxiste et au courant « développementaliste », ont incité certains
auteurs à s'inscrire en marge de toute orthodoxie. De plus, c'est
précisément dans ces eaux que sont menés les efforts théoriques et
méthodologiques spécifiquement consacrés à l'étude des situations autoritaires.
Le point de départ de ces entreprises varie : réflexion théorique d'ordre

490
L'analyse des situations autoritaires

politique, sociologique chez Alain Touraine (19), ou économique chez


H. Jaguaribe (14), C. Furtado (57), ou beaucoup plus fréquemment,
systématisation empirique de formes concrètes d'autoritarismes à partir
d'une recherche historique comparative, avec l'exemple de l'ouvrage
fondamental de Barrington Moore (16) ou d'une analyse politicologique
contemporaine comme chez J. Linz (15, 60, 126, 127), H.J. Wiarda
(20), C.W. Anderson (44, 122), A. Touraine (53), P.C. Schmitter (18,
62, 63, 133), G. Hermet (17, 125), A. Rouquié (51). Pour la plupart
de ces auteurs indépendants, il convient en premier lieu d'identifier
et de définir empiriquement les régimes et les situations autoritaires.
En effet, à ce niveau plus qu'à d'autres, la philosophie politique s'insinue
dans la réflexion scientifique : les critères de détermination demeurent le
plus souvent très flous, même si les différents courants de la science
politique, au-delà de leurs divergences de principe, s'accordent presque
tous, dans la pratique, à isoler des situations autoritaires et à les
discriminer à la fois des démocraties libérales, des totalitarismes du type
national-socialiste et des socialismes de facture stalinienne. Deux axes
de différenciation se dégagent, qui fréquemment coexistent. Une
première solution consiste à reconnaître l'autoritarisme sur la base de ses
caractéristiques internes. La principale tentative de ce genre est
naturellement celle de J. Linz (15), reprise et parfois amendée par de nombreux
auteurs de diverses obédiences (dont G. A. Almond et G.B. Powell (1),
HJ. Wiarda (54), P.C. Schmitter (62), R.M. Schneider (64), G.
Hermet (17, 125), T.A. Couloumbis (128)).
Soucieux d'affirmer l'irréductibilité des régimes autoritaires afin de
permettre leur étude systématique et comparative, J. Linz les définit
comme « des systèmes politiques permettant l'expression d'un pluralisme
limité et non responsable ; dépourvu d'idéologie élaborée et directrice (mais
fondée sur un type distinct de mentalité) ; ne pratiquant pas une mobilisation
politique intensive ou extensive (si l'on excepte certaines phases de leur
développement) ; et dans lesquels un leader ou, occasionnellement, un
groupe restreint, exerce le pouvoir dans des limites mal définies mais
néanmoins discernables » (15, p. 297).

Une seconde manière de démontrer la singularité des situations


autoritaires et, éventuellement, de dresser des sous-classifications, fait appel
aux facteurs de l'environnement des systèmes politiques, à l'instar par
exemple de H. Jaguaribe (14) et de Barrington Moore (16). Aussi bien,
les deux méthodes ne sont-elles pas exclusives l'une de l'autre et la plupart
des auteurs s'y adressent-ils simultanément, se contentant de mettre
l'accent sur l'une des deux. Ce qui est peut-être plus important et nouveau,
c'est la volonté de certains de n'en sous-estimer aucune et d'extraire

491
Jean-François Bayart

la double spécificité des autoritarismes, à la fois « externe » et « interne »


— dans cette perspective, les récentes propositions théoriques de A. Tou-
raine (19) sont fondamentales — ou encore de récuser partiellement
ces dilemmes taxonomiques afin de privilégier la mise sur pied d'une
stratégie de recherche opératoire. C'est ce dernier point de vue que
défendent P.C. Schmitter (18, 62, 63, 133) et G. Hermet, D. Martin,
A. Rouquié (17 et « Pour l'analyse des systèmes autoritaires », Revue
française de science politique XXV (6), décembre 1975, pp. 1029-1111).
Bien que ces auteurs indépendants partent d'une critique
scientifique des orientations marxiste, libérale et « développementaliste » et
s'affichent comme idéologiquement neutres, ils ne se détachent pas
toujours complètement de celles-ci dans leur démarche. La distinction
qu'établit Barrington Moore (16) entre les voies démocratique-libérale,
capitaliste-réactionnaire et communiste-révolutionnaire, par exemple,
recoupe partiellement les typologies ternaires d'inspiration libérale. Et cet
auteur retrouve, par des chemins parfois comparables, la problématique,
déjà développée par le marxisme, de l'autonomisation de l'Etat et de la
« Révolution par le haut ». L'originalité de Barrington Moore consiste à
préciser l'irréductibilité historique de chacune de ces trois voies de
modernisation. Il se heurte pourtant aux obstacles que les autres écoles
ont rencontrés avant lui : en ne voyant dans les régimes autoritaires que
des formes de transition menant au fascisme, il limite la portée de son
modèle, comme le fait remarquer P.C. Schmitter à propos du Brésil
(62, pp. 387 et sv.). J. Linz (15), de son côté, est très proche du courant
« développementaliste », lorsqu'il situe les régimes autoritaires au point
de rupture des systèmes traditionnels et nous avons vu que HJ. Wiarda
(54) avait repris sans peine cette assertion au sujet de la dictature
Trujillo, en lui donnant une coloration purement « développementaliste ».
Inversement, H. Jaguaribe (14) s'intègre plus volontiers au courant
marxiste en associant une démarche infrastructurelle passablement rigide
à une interprétation économiste du bismarckisme. Et A. Touraine (19,
53), qui de son propre aveu s'efforce surtout de « compléter l'analyse
marxiste du système capitaliste pour l'adapter à l'étude des sociétés (...)
pénétrées par le système capitaliste» (53, p. 115), repense pour
l'essentiel les thèmes avancés par celle-là.
D'une manière réciproque, on remarquera que certains « orthodoxes »,
tels N. Poulantzas (121), F.H. Cardoso (55), D.E. Apter (2), ne sont
pas loin de reconnaître l'irréductibilité des autoritarismes et poursuivent
des réflexions parallèles à celles des « hétérodoxes ». L'orientation sous-
jacente à la démarche méthodologique ne saurait donc, en définitive,
constituer un critère de différenciation suffisant de la production scienti-

492
L'analyse des situations autoritaires

fique relative aux autoritarismes. Il convient également de faire appel


aux types d'approches utilisées.

Les types d'approches

Les entreprises méthodologiques spécifiquement consacrées à l'étude


des situations autoritaires sont l'exception. Si l'on met entre parenthèses
les contributions de P.C. Schmitter (62, 63) et de G. Hermet (17 et
l'article figurant dans le numéro de décembre 1975 de la Revue française
de science politique), il s'agit généralement de tentatives qui visent à
définir des types idéaux d'autoritarismes plutôt que des méthodes
d'analyse et des stratégies de recherche particulières : tel est notamment le cas
des études de référence de B. Moore (16), J. Linz (15) et H. Jaguaribe
(14).
Mais la plupart des travaux ayant trait à nos préoccupations ressor-
tissent à la pure recherche empirique ou à différentes écoles
méthodologiques générales, telles que l'école structuro-fonctionnaliste, le marxisme,
l'approche « culturaliste », etc. D'autre part, rares sont les ouvrages qui
ne se bornent pas à « consommer » académiquement les modèles et les
grilles conceptuelles et s'appliquent au contraire à les employer d'une
façon heuristique et à les enrichir.
Au-delà de ces remarques générales, on peut distinguer deux modes
d'approche des situations autoritaires, en insistant immédiatement sur
l'arbitraire et les limites de cette classification : 1. l'analyse interne qui
postule, théoriquement ou à un plan opératoire, que les phénomènes
politiques peuvent être compris, fût-ce partiellement, sans référence à
leur environnement pour les interpréter dans leur autonomie ; 2.
l'approche externe qui, plus ou moins explicitement, voit dans le politique
le reflet, directe ou médiatisé, de l'environnement économique, social,
culturel et/ou international, et l'étudié en conséquence à la lumière de
celui-ci.

Les approches internes


La part de l'analyse empirique est plus importante dans l'interprétation
interne des phénomènes politiques que dans les approches externes. Dans
ce premier ensemble, quatre modes d'appréhension, parfois confondus,
se détachent plus spécialement : l'application directe d'un type idéal
« interne » à une situation autoritaire particulière (utilisation du modèle
de J. Linz (15) par T.A. Couloumbis (128), par exemple) ; l'étude
descriptive des catégories dirigeantes et de leurs relations (24, 85, 86, 100,

493
Jean-François Bayart

108) ou de la physiologie du régime (54, 119, 123) ; la présentation de


l'évolution chronologique de celui-ci sous forme de récit explicatif (42,
56, 61, 64, 104, 108, 109, 112) ; l'exposé de la « logique » et des « règles
du jeu » internes aux systèmes politiques (31, 71, 75, 79, 81, 90, 91,
93, 96, 115, 116, 118, 119 et peut-être, principalement, 44 et 46).
L'analyse structuro-fonctionnaliste et systémique, au sens strict, n'a
fourni de cadre conceptuel direct qu'à un nombre restreint de travaux.

Parmi les plus marquants de ceux-ci, citons les contributions de : L.


Rudebeck (89), qui modifie légèrement le cadre conceptuel élaboré par
G.A. Almond et J.S. Coleman afin d'évaluer la contribution du parti
unique tunisien à l'exercice des fonctions de socialisation, de recrutement,
de communication, d'application des décisions, d'articulation et d'agrégation
des intérêts ; le numéro collectif de la Revue française de science politique
(17) consacré aux organisations religieuses comme forces politiques de
substitution dans les situations autoritaires, qui a également recours à une analyse
fonctionnelle de facture classique ; W.R. Johnson (30), qui conserve
l'orientation structuro-fonctionnaliste mais développe son propre appareil
conceptuel pour évaluer l'intégration politique poursuivie par le régime
camerounais ; J.A. Fernandez (73), qui présente en termes eastoniens et
almondistes la conversion, par le système administratif mexicain, des
exigences en outputs ; R. Luckham (33), qui étudie l'organisation militaire nigé-
rianne en tant que système social échangeant des flux avec son
environnement ; G. Hermet (125), qui dégage la contribution fonctionnelle du
Parti communiste espagnol au système politique établi ; C.A. Astiz (78)
qui réalise une synthèse entre les concepts de G.A. Almond et G.B. Powell
et de D. Easton, d'une part, la démarche infrastructurelle, d'autre part ;
A. von Lazar (47), enfin, dont l'article fondamental sur les processus de «
décompression » en régime militaire suit implicitement les lignes de force
de l'analyse systémique eastonienne.

Le plus souvent, c'est simplement une direction de recherche et de


concepts que procure l'analyse structuro-fonctionnaliste : sous une forme
latente et à des degrés divers, elle imprègne la majeure partie des études
citées dans notre sélection bibliographique. Peut-être est-ce précisément
là que le bât blesse, car elle souffre de certaines insuffisances en tant
qu'approche des régimes autoritaires. En premier lieu, elle participe
trop intimement des carences du courant « développementaliste » de
la science politique. Au plan de la recherche appliquée, les conséquences
de son inféodation à cette orientation idéologique sont décisives. Bien
qu'elle puisse théoriquement en rendre compte si l'on se réfère à la
célèbre introduction de G.A. Almond (m G.A. Almond, J.S. Coleman,
eds, The Politics of the Developing Areas, Princeton University Press,
1960) et aux considérations méthodologiques de R.K. Merton, la dé-

494
L'analyse des situations autoritaires

marche fonctionnaliste a tendance à sous-estimer les structures et les


procédures informelles et latentes et à privilégier les institutions, les
groupes d'intérêt et les activités les plus perceptibles à un regard
occidental, tant est forte la pesanteur des concepts de différenciation et de
sécularisation pris comme unités de mesure du développement politique
(62, 92). Or, ces processus latents sont fondamentaux dans les régimes
que nous étudions parce qu'ils prédominent d'une manière
caractéristique à la fois (et indépendamment) dans les Etats nouveaux et dans les
situations autoritaires. D'autre part, les concepts structuro-fonctionnalistes
centrés sur l'intégration horizontale et la stabilité interne des systèmes
politiques, occultent la dimension de leur intégration verticale. Déficience
gênante lorsqu'il s'agit d'une situation autoritaire, où les processus de
domination interne se révèlent primordiaux et sont à la base de
l'émergence, de la nature de classe et du fonctionnement du régime. Pour ne
l'avoir pas compris, des auteurs comme W.R. Johnson (30), G. A. Fiech-
ter (56), R.M. Schneider (64), A.C. Stepan (66), L. Binder (92), L. Ru-
debeck (89) amoindrissent considérablement la valeur de leurs travaux.
En définitive, l'analyse structuro-fonctionnaliste fait preuve d'une
médiocre efficience opératoire. Cette constatation rend quelque peu
choquante la dominance diffuse de cette école sur la production scientifique
relative aux régimes autoritaires. Certains se bornent, semble-t-il, à un
travail de traduction en langage structuro-fonctionnaliste : tel J.A.
Fernandez qui, dans son ouvrage sur le Mexique (73), s'appuie exclusivement
sur des sources secondaires.
D'une manière plus générale, l'analyse immanente, en définissant le
politique comme une sphère close sur elle-même, risque toujours de se
laisser piéger par les phénomènes manifestes et de délaisser les niveaux
latents. Elle est sujette à rester prisonnière du conjoncturel et du
contingent et à oblitérer le structurel, par exemple en posant le jeu conscient
des acteurs politiques comme variable explicative indépendante et
suffisante (104).

Les approches externes


La distinction entre approche interne et approche externe du
politique est des plus confuses. A bien des égards, l'analyse
structuro-fonctionnaliste relève théoriquement de cette dernière, qui voit dans le
système politique une machine à convertir en outputs des inputs provenant
de son environnement (G. A. Almond, D. Easton). Ceci est très net dans
quelques-uns des travaux que nous avons précédemment cités (30, 33,
47, 73). Et l'interprétation « développementaliste » fait appel à une
démarche externe en reliant la genèse des régimes au degré de maturité

495
Jean-François Bayart

de leur environnement social, économique et culturel. Cependant, au


plan de la recherche appliquée, les approches structuro-fonctionnalistes
et « développementalistes » s'apparentent souvent à l'analyse interne en
valorisant le poids des acteurs et en définissant le système politique
comme un acteur ou un réseau d'acteurs. Nous avons donc préféré réserver
la qualification d'approche externe aux travaux centrés sur : 1. des
facteurs explicatifs appartenant à l'environnement international ; 2. une
interprétation du politique de type culturaliste et 3. une problématique
infrastructure^.
Si l'on exclut les ouvrages inspirés par la théorie de la dépendance,
lesquels s'intègrent plutôt à la problématique infrastructure^, le nombre
des travaux plaçant systématiquement les situations autoritaires sous
l'éclairage de leur environnement international est restreint. Ils peuvent,
en premier lieu, s'attacher à discuter la thèse de la conspiration extérieure
prise comme variable explicative des coups d'Etat. Ce sont les cas
brésilien, chilien, zaïrois, indonésien et grec qui semblent avoir posé
le problème de la manière la plus aiguë. B.H. Lévy (113) propose une
perspective différente sur la base du primat heuristique et ponctuel des
facteurs internationaux. Il montre comment une dynamique
révolutionnaire s'était enclenchée au Bangla-Desh qui, avec le temps, aurait pu
déboucher sur une « vietnamisation » de la région, et comment l'Inde,
en tant que puissance «sous-impérialiste», et en liaison avec son
évolution politique interne, joua un rôle crucial dans l'établissement à Dacca
d'un régime « bourgeois » de « pluralisme fermé ». D'une manière
similaire, A. Rouquié (51, p. 1054) se demande, à propos de l'Amérique
latine, « si, en dernière analyse, la conjoncture extérieure n'est pas la
variable décisive dans l'orientation des interventions militaires ».
Plus importante est l'approche « culturaliste » car elle se veut
parfois globalisante et se retrouve sous des formes diffuses dans de nombreux
travaux. En premier lieu, naturellement, dans les contributions
anthropologiques et intuitives/descriptives. Mais, avec la notion de « tradition »,
le courant « développementaliste » et structuro-fonctionnaliste lui
accorde également une place appréciable, tout en prétendant s'inscrire dans
une problématique autre. L'interprétation « culturaliste » du politique est
au centre d'un vieux débat méthodologique : quel poids explicatif doit-on
accorder aux structures et aux représentations « traditionnelles » dans
l'exposé de la dynamique politique contemporaine ? Sous sa forme
maximaliste, telle que la soutenaient certains analystes du « caudillisme »
et que la présentent encore un K.H. Silvert (52) avec son modèle du
« syndicalisme méditerranéen » ou un H.J. Wiarda (20) avec son schéma
du « corporatisme latino-ibérique », l'approche « culturaliste » n'est guère

496
L'analyse des situations autoritaires

défendable: F.W. Riggs (116, pp. 30 et sv.) souligne, par exemple, à


propos du « système bureaucratique » thaïlandais, que le cabinet était
aussi étranger à la culture siamoise que l'assemblée et a assuré sa
prééminence non en raison de variables culturelles, mais grâce au contrôle des
bureaucraties civile et militaire ; A.R. Zolberg (43, p. 36) va dans le
même sens en écrivant que les tendances latentes des sociétés ouest-
africaines militaient contre l'instauration de régimes de parti unique.
Pourtant, il est incontestable que « la culture politique d'une société guide
le comportement des acteurs politiques » et qu'un « régime est dans une
certaine mesure le captif de sa culture » (90, p. 3). La mise en valeur
opératoire, à des fins heuristiques, de facteurs « culturels » a de la sorte
fourni l'armature de quelques excellentes études s 'intégrant à notre champ
de recherche (96, 115, 117, 118 et, surtout, 90).
Même sous cette forme opératoire, l'approche « culturaliste » demeure
néanmoins contestable. D'une part, elle rend à peu près impraticable
toute démarche comparative. De l'autre, elle oscille entre deux pôles aussi
fragiles l'un que l'autre. Tantôt elle se résume à des propositions
générales et subjectives, et emprunte à l'intuition plus qu'à la rigueur
scientifique : il est ainsi remarquable que l'articulation de types différents
de légitimité entre eux et l'éventuelle résurgence de légitimités anciennes
dans le cadre d'un autoritarisme moderne — phénomènes évoqués par
plusieurs auteurs (15, 110, 116) — n'aient pas encore été exposées de
façon satisfaisante. Tantôt elle restreint son objet d'étude afin
d'approfondir ses analyses, mais, en se cantonnant à un échantillon modeste,
elle limite alors la portée de ses conclusions. D'une manière corollaire,
elle réduit presque toujours la culture politique à la culture des élites
et laisse dans l'ombre la dynamique sociale populaire (90, 91, 96, 115,
117).
En outre, elle repose fréquemment sur une vision simpliste, à la fois
de la culture « traditionnelle » et des processus politiques modernes et
découle de la conception dualiste de la société que nous avons
précédemment critiquée (66, 107, 109, 110). Il n'y a pas, d'un côté, le système
« culturel » et, de l'autre, le système « politique ». Des études comme
celles de G. Althabe (21 et 22), de J.L. Peacock (114), de l'école du
colonialisme intérieur (70, 74), ou des réflexions théoriques comme celle de
A. Touraine (19) dépassent la vieille problématique culturaliste et
ouvrent des perspectives autrement plus fécondes en commençant à
restituer la fusion dynamique des deux sphères.
L'approche externe par excellence est cependant l'analyse infrastruc-
turelle. On la retrouve, elle aussi, à l'état diffus dans la plupart des
travaux relatifs aux situations autoritaires. La théorie « développemen-

497
Jean-François Bayart

taliste » se réfère aisément aux notions de classe et d'élite : A.F.K. Or-


ganski (7) définit le régime « syncratique » comme le point
d'aboutissement d'un compromis entre l'élite industrielle et l'élite agraire aux
débuts de la phase d'industrialisation, dans une conjoncture de dépression
économique et d'agitation populaire, tandis que S.P. Huntington (5)
relie l'orientation du « prétorianisme » à la prédominance de P«
oligarchie » ou, au contraire, des « classes moyennes ». La tendance est
naturellement encore plus nette chez certains « francs-tireurs » qui partent
d'une attitude critique à l'encontre du marxisme (16, 19). Enfin, il n'est
guère d'études, au niveau de la recherche appliquée, qui ne fassent appel,
à un moment ou un autre, aux agrégats de la stratification sociale dans
leur présentation des situations autoritaires. Du côté de la théorie des
classes sociales, les choses ne sont pas plus claires : G. Balandier
(Anthropo-logiques, Paris, Presses universitaires de France, 1974) peut
distinguer, outre le marxisme, quatre grands courants — ce qui l'incite à
plaider en faveur d'un usage plus restrictif et rigoureux des concepts
de la problématique infrastructure^. En effet, la vulgarisation de celle-ci
se révèle rapidement dangereuse. Ceci est notamment le cas lorsqu'aucune
réflexion, ni théorique, ni historique, n'étaye son usage : les concepts de
classe moyenne, d'élite, d'oligarchie ne sont pas définis ou ne le sont que
pauvrement, les débats méthodologiques sont méconnus. Déficience
qu'illustre d'une manière surprenante A.F.K. Organski (7) en ne citant
ni Barrington Moore (16), dont il est pourtant parfois proche dans
ses conclusions, sinon dans sa démarche, ni Gramsci, bien qu'il consacre
de longs développements au fascisme mussolinien et inclue dans sa
bibliographie de nombreux ouvrages italiens.

Ces carences ne tardent pas à se projeter au plan de l'interprétation des


situations autoritaires. Certains auteurs s'essayent à réfuter les thèses
marxistes sur des bases fragiles, notamment en réduisant ces dernières à
une problématique de représentation des classes sociales par les régimes,
les institutions et les organisations politiques (7, 66), ou en niant l'existence
des classes sociales à partir d'une définition statique et ethnocentrique de
celles-ci (26). D'autres, en revanche, développent des analyses infrastruc-
turelles de situations autoritaires, ou usent à leur propos de variables de
cet ordre, sur ces mêmes bases simplistes. Les principales tentatives de ce
genre ont eu tendance à rester prisonnières des thèmes ambigus de la
« classe moyenne » et de la « modernisation » : ainsi, par exemple, J. Nun
(49, p. 56), en écrivant que « l'interventionnisme militaire tend à représenter
la classe moyenne et à compenser son incapacité à se constituer elle-même
en classe hégémonique », prête-t-il le flanc à l'argumentation, pourtant
dérisoire, de A.C. Stepan (66) (selon laquelle l'armée brésilienne ne
représente pas la classe moyenne puisque ses officiers n'ont aucun sentiment

498
L'analyse des situations autoritaires

d'appartenance à une classe et n'a, en définitive, pas de position de classe) ;


il oublie également que les régimes militaires latino-américains ne sont
pas, en tout état de cause, les instruments de la seule classe moyenne, mais
plutôt d'une alliance entre celle-ci et l'oligarchie (48). M. Halpern (83)
avait commis des erreurs comparables à propos du Moyen-Orient en parlant
lui aussi de représentation de la classe moyenne salariée par l'armée et en
passant sous silence les liens du corps des officiers avec la classe moyenne
rurale. Enfin, la quasi-totalité des études infrastructurelles d'inspiration « dé-
veloppementaliste », structuro-fonctionnaliste ou empirique s'empêtrent dans
un débat sans fin sur le rôle « modernisateur » des régimes autoritaires, en
particulier militaires — débat stérile tant que l'on a négligé de poser le
problème fondamental de l'orientation et de la structure de classe de la
« modernisation ».
Inversement, la débauche théorique peut conduire à la tautologie et à
la rumination dogmatique. Les travaux d'obédience marxiste n'échappent
pas toujours à ces travers. D'une façon corollaire, l'intérêt du maître livre
de Barrington Moore (16) ou des contributions, moins ambitieuses, de R.
First (29), M. Kilson (31), D. Martin et T. Yannopoulos (35), R.L. Sklar
(39), J. Duvignaud (82), J.A. Bill (91), P. Vieille (95), E. Ozbudun (101),
H.D. Evers (107), et d'autres encore, suggère qu'il n'est parfois pas
nécessaire de s'encombrer d'un appareil conceptuel excessif : l'esprit de la
démarche infrastructure^ importe plus que le discours idéologique qui lui
est associé. Ce dernier type d'études, que nous rangerons sous le label
de « marxisme objectif » en empruntant l'expression à Abdallah Laroui (84),
échappe au « provincialisme occidental » plus facilement que bien des
analyses théoriquement mieux élaborées ; de la sorte, elles rendent souvent
mieux compte des situations structurelles particulières que l'on retrouve
en Afrique noire, dans les pays arabes et en Asie.

Confrontée aux situations autoritaires, et au-delà des grandes questions


théoriques, l'approche infrastructurelle rencontre trois problèmes
essentiels, auxquels elle répond diversement. En premier lieu, peut-on parler
de classes sociales dans la formation sociale considérée ? Comment les
classes se forment-elles et/ou se transf orment-elle ? Comment s'allient-elles
entre elles, et comment s'articulent entre eux les différents modes de
production ? Si les choses sont assez simples dans les sociétés
sud-européennes, et si le débat à propos de l'Amérique latine s'est dans l'ensemble
cantonné aux rapports du capitalisme à la « féodalité », il a en revanche
porté sur l'existence même de classes sociales et sur leur processus de
formation en Asie (107) et en Afrique. En ce qui nous préoccupe, il s'agit
avant tout de situer les régimes autoritaires par rapport à ces processus,
et notamment par rapport à la formation des classes sociales (19, 53, 113).
Etroitement imbriqué aux questions précédentes, se pose le problème
de la nature de classe des régimes autoritaires. Les auteurs s'accordent

499
Jean-François Bayart

généralement à reconnaître la place centrale qu'occupent dans les


situations autoritaires les classes dominantes anciennes, telles que «
l'oligarchie », l'aristocratie foncière (50), les chefs traditionnels (31) :
constatation que systématisent Barrington Moore (16) et A.F.K. Organski
(7) en faisant de ces classes anciennes l'un des pivots constitutifs des
autoritarismes. Il importe, d'autre part, de dégager la position de ces
derniers par rapport à la bourgeoisie nationale, à la bourgeoisie intérieure
et à la bourgeoisie compradore (concepts définis en particulier par
N. Poulantzas (13) et appliqués par lui aux dictatures sud-européennes
(121)), et par rapport aux différents segments des « classes moyennes ».
Alors que toute une école, déjà évoquée, relie d'une manière assez
confuse certaines situations autoritaires à celles-ci, N. Poulantzas (13,
pp. 307 et sv., souligné par l'auteur) établit que la petite bourgeoisie, faute
de mode de production propre, n'a pas de position politique de classe
autonome et « n'a jamais été nulle part la classe politiquement dominante » ;
elle peut toutefois se présenter comme la « classe régnante », au service de
certains secteurs de la bourgeoisie à velléités « nationales » (Pérou) ou
pour le compte de la bourgeoisie compradore (Brésil), ou encore se substituer,
sous forme de bourgeoisie d'Etat, à l'ancienne bourgeoisie (nassérisme) ou
à la bourgeoisie colonialiste étrangère (Afrique noire) ; dans ces cas
elle devient classe politiquement dominante en tant que bourgeoisie à part
entière (et non plus en tant que petite bourgeoisie). Dans un ouvrage
précédent (12), le même auteur avait développé une argumentation
comparable au sujet de la bureaucratie : ce n'est pas son rapport à l'Etat qui,
éventuellement, constitue celle-ci en classe sociale, mais la place spécifique
qu'elle a acquise dans les rapports de production « ou même les rapports
non encore donnés de production » ; la bureaucratie peut devenir une classe
sociale dominante en tant que « classe effective », et non en tant que
bureaucratie.
En outre, compte tenu de l'infrastructure propre à la formation sociale
dans laquelle ils s'enracinent et/ou de leur stratégie politique et
économique, les régimes autoritaires entretiennent une relation toujours
importante et souvent privilégiée avec les classes moyennes et la bourgeoisie
rurales, encore que l'on doive souligner la complexité et la diversité des
situations en présence (9, 10, 11, 23, 31, 32, 70, 95, 98, 101, 113, 124,
129, 130).
La plupart des analystes s'efforcent, en troisième lieu, de tenir compte
des variables infrastructurelles réputées « extérieures » aux formations
sociales considérées : par exemple en rattachant la problématique de
l'autonomisation de l'Etat à celle de la dépendance (59, 80, 103). Pour
avoir ignoré cette dimension de l'approche infrastructurelle, J. Ziegler
(41), dans un livre médiocre consacré à l'Afrique, ne comprend pas que

500
L'analyse des situations autoritaires

la décolonisation, loin d'être une rupture révolutionnaire, constitue plutôt


un mode de reproduction et de rénovation de la dépendance. De même,
la méconnaissance des formes les plus récentes de l'impérialisme conduit
à l'énoncé de thèses erronées, ainsi que l'illustre la critique du modèle
de « développement national » de H. Jaguaribe (14) et de C. Furtado
(57) par F.H. Cardoso (55). Après avoir reconnu la nécessité d'intégrer
les variables « extérieures » à l'interprétation des situations autoritaires,
reste à évaluer leur poids explicatif et à préciser leur articulation aux
processus « internes ». La quasi-totalité des auteurs reconnaît le primat
des facteurs internes (29, 49, 121, etc.). Mais, à vrai dire, la distinction
mécanique entre facteurs internes et facteurs externes doit être dépassée :
la pénétration du mode de production capitaliste dans les formations
sociales périphériques entre en fusion avec les processus économiques
et politiques autochtones ; la dépendance « extérieure » n'agit que par
son intériorisation (121).
En définitive, on peut isoler quatre types d'analyse infrastructurelle des
situations autoritaires, qui recoupent ces problèmes essentiels et sont en
pratique largement confondus :

/. L'interprétation du régime en termes de classes sur la base de l'étude


directe et de la reconstitution de l'infrastructure, en mettant l'accent soit
sur le niveau des classes sociales (29, 31, 32, 34, 35, 49, 78, 82, 91, 98,
103, 107, 113, 124, 129, 130), soit sur celui des modes de production (9, 10,
11, 16, 55, 58, 59, 76, 95, 121). Bien que ses praticiens ne le spécifient
généralement pas, cette approche n'a qu'une portée hypothétique : une
phase structurelle ne peut être concrètement étudiée qu'après qu'elle est
venue au terme de tout son processus de développement, et non pendant le
processus lui-même.
2. La reconstitution de l'infrastructure et la mise en relation du régime
autoritaire avec cette dernière à partir de l'analyse de la superstructure
prise, plus ou moins explicitement, comme reflet de l'ensemble des rapports
sociaux de production. La plupart des travaux intéressés par l'étude directe
de la structure de classe recourent simultanément à cette démarche en
évoquant ou en narrant l'évolution de la « vie politique ». Mais beaucoup
plus originales sont les contributions qui retrouvent l'assise de classe des
régimes à travers leurs discours ou leurs représentations idéologiques (2, 65,
84, 99, 111).
3. L'interprétation du régime en termes de classes sur la base de l'analyse
critique du contenu et de l'orientation de ses outputs, en particulier
économiques. Contrairement aux travaux de facture plus classique, les
ouvrages qui relèvent de cette approche ne se bornent pas à décrire
l'organisation et la politique économiques et sociales du régime considéré. Ils
les relient à l'infrastructure en montrant à quelles classes, constituées ou

501
Jean-François Bayart

en formation, elles profitent, en mettant en évidence les liens de dépendance


entre la périphérie et le centre et en déduisant de ces faits la nature de
classe de la situation autoritaire (outre la plupart des travaux consacrés
à l'étude directe de l'infrastructure, 23, 32, 36, 70, 80, 88).
4. L'étude de la relation de domination du bloc au pouvoir sur les classes
subordonnées, aux plans économique, politique et/ou culturel. Les
postulats théoriques de cette approche varient, parfois sous un vocabulaire
conceptuel commun : ainsi P. Gonzales Casanova (74), les co-auteurs des
livres dirigés par J. Petras et M. Zeitlin (50) et par A.E. Havens et
W. Flinn (70) ou B.H. Lévy (76, 113) ne définissent-ils pas de la même
manière le « colonialisme interne ». Cependant, la perspective infrastruc-
turelle (en particulier dans sa dimension « externe ») constitue la toile
de fond de l'analyse, même lorsque cette dernière se limite aux mécanismes
de domination culturelle et politique. Ce type d'approche est d'un grand
intérêt car il restitue la dynamique de base et l'intégration verticale des
situations autoritaires, que nous avons vues jusqu'à présent délaissées
par les politistes. Il stimule, d'autre part, la réflexion sur l'orientation et
le contenu de la « modernisation ». Néanmoins, si l'on excepte l'effort
récent de A. Touraine (19), il ne repose le plus souvent que sur un
appareil conceptuel limité ou contestable : la notion de « colonialisme
intérieur », par exemple, demeure assez intimement associée à une conception
dualiste du système social. La démarche, critique mais largement intuitive,
d'un G. Althabe (21, 22) se révèle finalement plus féconde et respecte
mieux l'unité ambiguë de l'action sociale.

Même si l'on se restreint aux travaux les plus sérieux, il est délicat
d'évaluer l'efficience heuristique de l'approche infrastructurelle. Nous
l'avons pressenti : dans ses constructions théoriques les plus raffinées, elle
semble inattaquable tant la complexité de son appareil conceptuel lui
permet virtuellement de traiter avec rigueur un nombre infini de situations
et de rétablir la dynamique et la totalité organique des systèmes sociaux.
Cependant, au niveau de la recherche appliquée, l'impression d'ensemble
est différente. Cet arsenal théorique est méconnu et sous-utilisé. De ce
point de vue, le sort de l'œuvre de Gramsci est exemplaire qui, par sa
démarche, ses analyses historiques et son apport conceptuel, se place
au centre de notre champ d'étude. Le théoricien italien est ignoré par
la plupart des travaux usant de l'approche infrastructurelle. Lorsqu'il est
cité, c'est pour voir sa pensée gravement déformée, mutilée et vidée de
sa substance : l'usage du concept de crise hégémonique chez J. Nun (49)
est méthodologiquement illégitime et, chez N. Mouzelis et M. Attalides
(129), la confusion entre « domination » et « direction », la qualification
« d'hégémonique » de la « domination » de la bourgeoisie sur la formation
sociale grecque faussent complètement le sens de ces notions. N. Poulant-

502
L'analyse des situations autoritaires

zas (121) montre, au contraire, que les bourgeoisies intérieures en Grèce


aussi bien qu'en Espagne et au Portugal, faute d'assises économiques
suffisantes, n'ont pu mener à bien leur propre révolution démocratique et
formuler de la sorte un discours idéologique à caractère hégémonique,
véhiculé par des organisations politiques propres. Il rattache à cette
carence la genèse et la crise actuelle des dictatures qu'ont connues et
connaissent ces pays. Fréquemment, le politiste paraît n'avoir recours qu'à
une terminologie marxiste et cède à la facilité. L'audience scientifique
d'un F. Fanon, dont le modèle passablement obscur a empoisonné la
recherche africaniste et inhibé toute interprétation des systèmes de parti
unique en termes de bonapartisme, ainsi que le remarque C. Leys (32,
pp. 209-212), est à cet égard révélatrice. Dans cette mesure, l'appareil
théorique marxiste, en tant qu'objet de consommation universitaire,
contribue malgré lui à gêner l'étude des régimes autoritaires.
Pourtant, au plan de l'analyse de la modernisation conservatrice,
l'apport de l'approche infrastructure^ est irremplaçable. En identifiant
avec précision les alliances de classes sous-jacentes aux situations
autoritaires et l'orientation de leur action économique, elle semble plus aisément
pouvoir se dégager des fausses problématiques de la modernisation et
montre comment on peut « tout changer pour que tout reste pareil »,
selon l'heureuse formule que Tomasi di Lampedusa prête, dans Le
Guépard, à son héros Tancrède, aristocrate confronté aux transformations
profondes qui affectent l'Italie du Risorgimento. L'école marxiste ne
détient pas le monopole de ce genre de démonstration (16, 31, 45, 68,
70, 91), encore que ses concepts y ajoutent plus de rigueur (95, 98, 113)
et s'étendent éventuellement aux cas similaires de restructuration de la
dépendance (13, 36, 80).
D'une manière plus générale, la théorie marxiste reconnaît que tous
les mouvements superstructuraux ne sont pas organiquement liés à la
structure de classes, et le concept d'autonomisation de l'Etat valorise ce
constat en ce qui concerne les situations autoritaires. La reproduction
des contradictions de classe au sein des appareils d'Etat s'effectue « de
façon spécifique et médiatisée en épousant les caractères propres de chaque
appareil et leurs fonctions » (121, p. 217). Il n'empêche que
pratiquement, l'approche infrastructurelle a tendance à ne pas reconstituer la
sphère politique dans toute sa richesse. Le rapport de la société politique
aux classes sociales est le plus souvent considéré sous la forme d'une
relation d'extériorité : loin d'être pensées simultanément, infrastructure
et superstructure sont implicitement posées comme des entités distinctes.
Ceci conduit la plupart des auteurs marxisants à ne dégager que la
genèse, la nature de classe et/ou les outputs socio-économiques des ré-

503
Jean-François Bayart

gimes autoritaires et à oblitérer le niveau des appareils d'Etat (les


ouvrages de J. Markakis (34) et de N. Poulantzas (121) offrant les deux
meilleures exceptions à cette pesanteur). Enfin, dans les cas les plus
favorables, la superstructure est étudiée en tant que produit des rapports
sociaux de production, ou en tant que mouvement relativement autonome,
mais jamais (si l'on excepte quelques pages chez Abdallah Laroui (84))
dans sa dimension organique constitutive de la structure : de ce point
de vue, l'ignorance dans laquelle est tenue l'œuvre de Gramsci n'est
évidemment pas indifférente.
Ces remarques nous renvoient à une critique plus générale des divers
modes d'approches externes. D'une manière ou d'une autre, au plan de
la recherche appliquée, ceux-ci ont tendance à postuler la séparation du
système politique de son environnement. Or les structures et les
contradictions propres à cet environnement ne sont pas à l'extérieur du système
politique et n'agissent pas ainsi sur lui : elles se répercutent en son sein
même (19, 121).

Les pages qui précèdent ont mis en valeur l'extrême hétérogénéité des
modes d'appréhension des situations autoritaires et leur fréquente
irréductibilité théorique. La lecture comparative de travaux traitant du même
sujet mais d'obédiences divergentes (par exemple, les études de A. von
Lazar (47) et de N. Poulantzas (121) sur le déclin des autoritarismes,
ou les ouvrages de H. Bienen (26) et de C. Leys (32) sur le Kenya) est
à cet égard révélatrice. Aussi bien, il ne convient pas de déterminer
une approche idéale. Seule la pluralité des démarches est véritablement
féconde, et nombre d'auteurs l'ont compris, qui associent plusieurs d'entre
elles dans le cadre d'un même ouvrage. C.A. Astiz (78) offre une
remarquable tentative de cet ordre en greffant les concepts structuro-fonction-
nalistes sur une problématique infrastructurelle. En attendant que prenne
de l'ampleur l'effort théorique et méthodologique visant à retrouver
l'unité de l'action sociale, le cumul des approches demeure la meilleure
garantie scientifique.

Les sites d'étude

Le choix des sites d'analyse apporte un dernier critère de


différenciation des études ayant trait aux situations autoritaires. Bien qu'il n'en
soit évidemment pas ainsi d'un point de vue théorique, ce mode de
discrimination, au niveau de la recherche appliquée, semble relativement
indépendant du type d'approche utilisé et de son orientation sous-jacente :

504
L'analyse des situations autoritaires

il recoupe assez largement l'éventail des différentes écoles en présence.


L'analyse globale du régime, au niveau macropolitique, est à la base de
quelques-uns des meilleurs travaux cités dans notre sélection
bibliographique (30, 32, 34, 42, 54, 64, 68, 78, 87, 89, 90, 92, 109, 119, 123...).
Elle se limite chez certains à la genèse (53, 104, 129) ou aux processus
de remise en cause (47, 121) de la situation autoritaire. A l'opposé de
l'analyse macropolitique, à un plan horizontal, interviennent les études
locales. C. Coulon (27) a souligné leur intérêt à propos de la recherche
africaniste, et la remarque mérite d'être étendue à l'ensemble de notre
champ de prospection. Les carences qui caractérisent les divers courants
de la science politique et que nous avons évoquées trouvent en grande
partie leur origine dans le cadre de référence de PEtat-nation, retenu
par la majorité des études macropolitiques ou segmentaires. Certains
auteurs d'analyses macropolitiques l'ont compris, qui n'hésitent pas à
ouvrir une parenthèse dans la suite de leur développement en y incluant
une étude de cas locale (38, 76) ou en consacrant des pages fournies à la
base du système politique (22, 34, 70, 74, 89, 116, 120). D'autres vont
plus loin en faisant d'une ville, d'une région ou d'un village le site exclusif
de leur recherche, à l'instar de G. Althabe (21), de R.R. Fagen et
W.S. Tuohy (72) et de A. Ugalde (77). Leur démarche, qui prend
souvent la forme d'une enquête, peut y trouver une rigueur méthodologique
inusitée. En outre, la connaissance plus approfondie du sujet qu'elle
procure est propice à la mise en valeur du fonctionnement réel du régime,
des phénomènes de domination, de la pratique politique des masses, et,
de ce fait, à l'énoncé de thèses critiques à l'encontre des courants
dominants de la science politique. Parce qu'elles rompent la routine et disent
ce que les autres taisent, l'apport des études locales est inestimable.
Il est enfin possible d'isoler un segment du système ou du régime
et de restituer, plus ou moins complètement, à partir de celui-là, la
situation autoritaire dans son ensemble. L'interprétation de régimes en termes
de classes sociales sur la base de l'analyse critique du contenu et de
l'orientation de leurs outputs économiques ou de leur discours
idéologique a d'ores et déjà donné l'exemple d'une telle option. Mais la
gamme des approches segmentaires est très vaste. Le chercheur peut
tout d'abord se pencher sur les forces qui animent le système politique.
L'organisation politiquement dominante constitue un premier objet
privilégié, qu'il s'agisse de l'armée (33, 66, 100, 110, 132), du parti unique
(28, 37, 40, 89, 104, 126), des partis dominants (39), de la bureaucratie
(102, 105, 116) ou même, dans le cas turc, de l'assemblée nationale (97).
Elle peut alors servir à identifier, à caractériser et à rétablir dans sa
totalité la situation autoritaire considérée. L'utilité de ce type d'études
est incontestable. Indispensables à la compréhension monographique des

505
Jean-François Bayart

cas particuliers d'autoritarismes, elles semblent également, dans un


premier temps et dans une certaine mesure, avoir favorisé la recherche
comparative. La notion de régime militaire, l'idée d'une activité et d'une
orientation politiques propres aux armées ont notamment inspiré de
nombreuses analyses ou interprétations par aires géographiques et/ou
culturelles, à l'échelon de l'Asie et des pays arabes, puis à la dimension du
continent latino-américain, enfin à l'échelle africaine. Parmi les plus
récentes de ces études, mentionnons celles de E. Feit (4) et de A.C. Ste-
pan {in 67), ainsi que le livre dirigé par P.C. Schmitter, non cité dans
notre sélection bibliographique : Military rule in Latin America, Beverly
Hills, Sage Publications, 1973. Les monographies relatives à ce sujet
s'en sont trouvées enrichies, ou tout au moins ont vu s'élargir leur
cadre de référence. En revanche, en ce qui concerne les partis uniques
et dominants, la contribution comparative des analyses d'organisations
s'est révélée modeste : la problématique des partis uniques en Afrique
a négligé les expériences lointaines que proposaient le Mexique (72, 75,
77), Singapour (104), la Corée (106), voire même le Brésil ; inversement,
les travaux des africanistes sur ce thème sont peu connus des
spécialistes des autres régions. Plus généralement, la valorisation des
organisations politiques dominantes et de la notion de régime a inhibé la
comparaison entre situations autoritaires institutionnellement hétérogènes mais
néanmoins similaires.
Quoi qu'il en soit, la reconstitution des situations autoritaires à partir
des organisations apparemment dirigeantes n'est pas toujours facile ni
légitime. Le site d'analyse alors retenu est souvent entaché de juridisme
et de formalisme. Il n'offre qu'un critère imparfait de caractérisation
des autoritarismes : quels sont les instruments de mesure exacts qui
permettraient de déterminer une situation de parti unique ou de parti
dominant ? Où commence la « réalité » du pluralisme ? Quand un régime
cesse-t-il d'être militaire ? Autant de faux problèmes qu'illustrent une
multitude de cas douteux, du Zaïre à l'Indonésie, de la Corée à la
Colombie. D. Martin et T. Yannopoulos (35) suggèrent d'une manière
révélatrice, au sujet de l'Afrique noire, qu'il serait préférable de
raisonner en termes de « régimes issus de coups d'Etat militaires » tant
la participation des civils à ceux-ci est décisive. En fondant leur
démarche sur les expressions politiques les plus manifestes, les approches
par organisations politiques dominantes reposent en partie sur des
illusions qui tendent à occulter l'extrême diversité et la complexité des
situations : illusion de l'uniformité du phénomène militaire ou des
systèmes de parti unique, illusion de l'homogénéité des aires de
comparaison, voire même, comme le montrent A.R. Zolberg (43) et C. Cou-
lon (27), illusion de l'hégémonie de l'organisation dirigeante. S.P. Hun-

506
L'analyse des situations autoritaires

tington et C.H. Moore (6) présentent un cas extrême de ces réductions


simplistes en rangeant côte à côte, sous le même vocable de « système
de parti unique », des fascismes, des régimes socialistes, des dictatures
de droite et divers cas ambigus. Enfin, les structures que ce type de
démarche privilégie sont relativement contingentes et interchangeables,
quelle que soit par ailleurs leur dynamique propre.
Aussi les études d'organisations politiques dominantes ont-elles une
valeur heuristique limitée. Bâties sur des généralisations contestables,
elles se dessèchent rapidement en un discours désincarné. Le débat sur
le rôle « modernisateur » des armées n'en est pas le seul exemple.
I. Wallerstein (40), qui s'était d'abord érigé en zélateur des systèmes
africains de parti unique, a été amené ultérieurement à parler à leur
propos de « no-party state », bientôt rejoint par un article vengeur de
S.E. Finer (28). En réalité, le parti unique africain ne méritait ni cet
excès d'honneur, ni ces outrages. Les études monographiques (24, 26, 30,
82, 87, 89) ne confirment aucune des deux thèses, et l'ambivalence
des partis uniques était très tôt perceptible (37, 42) : ceux-ci demeurent
les institutions populaires de régimes à prédominance bureaucratique
et conservent à ce titre d'importantes fonctions (43).
De plus, le choix de l'organisation politique apparemment dirigeante
comme site d'étude privilégié entraîne presque toujours une exagération
de l'importance de celle-ci et de ses caractéristiques internes au sein du
système politique, même chez les auteurs comme R. Luckham (33),
A.C. Stepan (66) ou S.J. Kim (110) qui prétendent pondérer le poids
respectif des facteurs « organisationnels » et « environnementaux ».

De ces études d'organisations nous devons rapprocher les analyses,


généralement par voie d'enquêtes, du personnel politique au pouvoir, menées
dans une optique à dominante qualitative (90, 91, 115, 117) ou,
inversement, dans une perspective quantitative (33, 66, 96, 97). Ces travaux
poursuivent des objectifs divers : la plupart d'entre eux accordent une
place plus ou moins grande à l'origine de l'élite (15, 33, 66, 96, 97, 110) ;
certains auteurs, tel J. Linz (15), R. Luckham (33), A.C. Stepan (66), S.J.
Kim (110), se penchent sur l'organisation et les clivages internes à celle-là ;
d'autres se préoccupent des attitudes politiques et/ou culturelles avec L.W.
Pye (115), M. Zonis (96), J.A. Bill (91), des systèmes manifestes de
croyance et de valeurs, à l'exemple de J.C. Scott (117), ou au contraire des
modèles latents de comportement à l'instar de J. Waterbury (90). Le plus
souvent, ces études suivent des règles méthodologiques et soulèvent des
problèmes théoriques spécifiques que l'on ne saurait aborder dans le cadre
de cet article. Pour ce qui nous concerne directement, les analyses empiriques
du personnel dirigeant paraissent pouvoir contribuer à éclairer des
hypothèses précises, telles que l'existence d'un type d'élite gouvernante propre

507
Jean-François Bayart

aux régimes autoritaires dont fait état J. Linz (15), ou, comme chez L.W.
Pye (115), F.W. Frey (97), L.L. Roos et N.P. Roos (102), J.C. Scott (117),
la légitimité de la distinction entre « bureaucrates » et « politiques »
qu'établissent sous une forme ou sous une autre certaines spéculations théoriques
(2) et études monographiques (24, 108). Plus généralement, dans la
mesure où elles débordent le cadre d'étude qu'elles s'étaient primitivement
assigné, elles véhiculent une compréhension intime des rouages internes à
la situation autoritaire considérée : de ce point de vue, les ouvrages de
M. Zonis (96), J.A. Bill (91), F.W. Frey (97), J. Waterbury (90) sont
exemplaires. Mais, en réduisant le système politique à la seule couche
gouvernante et à ses institutions, ces travaux tendent à surévaluer le poids
explicatif des caractéristiques internes de « l'élite » aux dépens des autres facteurs
structurels (comme chez R. Luckham (33), A.C. Stepan (66), J.C. Scott
(117), SJ. Kim (110)) et à laisser dans l'ombre les classes subordonnées
et « la classe dominante non tenant de l'appareil d'Etat » selon la formule de
N. Poulantzas (33, 66, 96, 97, 115, 117). En bref, au même titre que les
études d'organisations politiques dominantes, avec lesquelles elles se
confondent d'ailleurs souvent (33, 66, 97, 102, 110), les analyses empiriques du
personnel dirigeant semblent prisonnières de la définition la plus étroite
et la plus traditionnelle du politique. Alourdies par la complexité de leur
appareil méthodologique, elles oblitèrent aisément les autres dimensions
théoriques envisageables — le livre de J.A. Bill (91) faisant exception, dans
notre sélection bibliographique.

Les travaux consacrés aux idéologies se rangent assez naturellement


aux côtés des études ayant trait aux organisations et aux personnels
dirigeants, tant le concept d'idéologie est abusivement rattaché à la
notion d'élite chez la plupart des auteurs. Seuls dans notre sélection
bibliographique, G. Althabe (21), J.L. Peacock (114) et, moins
nettement, J. Leclerc (111) se démarquent de cette propension et s'attachent
à rendre compte de l'idéologie des masses populaires en situations
autoritaires. Tout en se cantonnant pour l'essentiel aux idées, au discours
et aux représentations politiques des catégories gouvernantes, des
contributions comme celles de A. Kazancigil (99), A. Laroui (84), J. Leclerc
(111), Y. Benot (25), M. Schooyans (65) retrouvent les autres niveaux
du système politique en extrayant de la superstructure l'infrastructure
sous-jacente au régime autoritaire, suivant la ligne de recherche que
nous avons précédemment mentionnée.
Cependant, les forces politiques intégrées aux régimes ne sont pas
les seules à animer les systèmes autoritaires. J. Linz (15), en remarquant
que ceux-ci permettent « l'expression d'un pluralisme limité et non
responsable » (p. 297), suggérait assez tôt l'idée de modes d'activité
politique oppositionnelle qui leur seraient spécifiques. Dans une contribution
ultérieure (127), il développe cette perspective pour distinguer et décrire

508
L'analyse des situations autoritaires

différents types de semi-opposition, de pseudo-opposition, d'opposition


« alégale » et illégale dans l'Espagne franquiste. Dès lors, l'appréhension
de la situation autoritaire par l'intermédiaire de semblables forces non
constitutives du régime paraît légitime : J.A. Bill (91) consacre
l'essentiel de son ouvrage à l'étude des classes moyennes hostiles ou réservées
à l'encontre du Shah d'Iran ; et G. Hermet (125) envisage le franquisme
sous l'angle du Parti communiste espagnol. Un premier thème se dégage
de ces travaux : les forces d'opposition aux régimes autoritaires, tout en
contestant ceux-ci, contribuent souvent à leur fonctionnement et à leur
maintien (125, 127). D'autre part, et plus typiquement, la forme
répressive du gouvernement et l'effort de dépolitisation qu'il entreprend (15,
63) impliquent l'émergence d'expressions oppositionnelles de
substitution que G. Hermet, S. Cerqueira, J.-F. Bayart (17), G. Althabe (21)
étudient par exemple au plan des organisations et des mouvements
religieux.
Plutôt que d'observer les organisations politiques, intégrées ou non
au régime, le chercheur peut enfin porter son attention sur la physiologie
de la situation autoritaire. Il la considérera, alors, à travers le prisme
de l'une des grandes questions politiques ou économiques qu'affrontent
les autorités avec, avant tout, la question agraire, étroitement liée à la
structure de classes de la plupart des autoritarismes et qui offre de ce
fait une procédure commode de reconstitution du niveau macropolitique
global (38, 69, 95), ou par le biais d'un processus fonctionnel interne
au régime, tels le recrutement du personnel dirigeant (15), les règles
du jeu politique (71), la résolution des conflits (77), la prise de décision
(38, 122), la représentation des intérêts (62, 133), l'institutionalisation
(60), la « décompression » politique (47), certains modes caractéristiques
de suppléance fonctionnelle (17).
Il apparaît, en définitive, que les conceptions libérales traditionnelles
continuent à influencer le choix des sites d'analyse : les institutions,
les organisations et les processus les plus formels, le cadre de l'Etat-nation
sont valorisés par la quasi-totalité des auteurs, aux dépens de l'étude de
la dynamique politique latente aux yeux des sciences sociales établies.
La plupart des travaux disponibles reposent implicitement sur une
vision fragmentaire et statique du système social, non sur le postulat
de son unité en action. Aussi des pans entiers de la réalité sociale sont-ils
actuellement négligés, qui constitueraient pourtant de remarquables postes
d'observation des situations autoritaires : telle la société civile, ainsi que
le suggèrent les contributions stimulantes de G. Althabe (21, 22),
K.F. Johnson (75), N. Jacobs (93), P. Vieille et A.H. Banisadr (95),
J.L. Peacock (114), ou les réflexions théoriques de Gramsci, de A. Tou-
raine (19) et de N. Poulantzas (13, 121).

509
Jean-François Bayart

La présentation des différents modes d'analyse des régimes


autoritaires conduit à formuler quelques remarques d'ordre général. Il convient,
en premier lieu, de souligner la distorsion qui survient entre la réflexion
théorique et les travaux d'application. Chaque approche essuie un certain
nombre de critiques de base, auxquelles la théorie le plus souvent répond
dans l'abstrait, sans que la recherche appliquée puisse pour autant les
surmonter. Cela est frappant dans les démarches d'inspiration marxiste
mais vaut également pour les autres courants. Tout se passe comme si
les constructions théoriques étaient condamnées à se voir appauvries
et à se vider de leur substance au moment de leur mise en œuvre. Et
force est de reconnaître que le niveau théorique et méthodologique et
l'intérêt de la réflexion de la majorité des études spécifiques que nous
avons rencontrées sont médiocres.
En second lieu, peu de travaux, en définitive, étudient les régimes
autoritaires en tant que tels, dans l'une ou l'autre de leurs dimensions
— et ce, en dépit de leur irréductibilité reconnue. La plupart des études
ne servent qu'indirectement cette préoccupation. Elles déduisent alors
leur propos sur l'autoritarisme de considérations plus vastes sur le
développement, la lutte des classes, la nature de l'autorité et de la légitimité
politiques ou, dans le cas de la recherche empirique, se penchent sur
des Etats dont les régimes sont autoritaires ou qui connaissent des
situations autoritaires. Cette constatation devrait naturellement inciter à
élaborer des stratégies de recherche opératoires spécifiques.
Le problème de la délimitation du phénomène autoritaire, en
particulier, se pose. De nombreux auteurs, qu'ils soient d'obédience « déve-
loppementaliste » ou marxiste, ou qu'ils suivent une démarche
indépendante, distinguent des sous-types d'autoritarisme. Soucieux d'exposer
diverses approches méthodologiques qui dépassent ces classifications
internes, le présent article a plutôt insisté sur l'unité du phénomène. Mais
la recherche empirique ne peut reposer que sur la définition de champs
d'analyse homogènes et cohérents.
Enfin, les échanges scientifiques entre spécialistes des diverses aires
géographiques et culturelles sont restreints. Ces dernières fournissent
encore les cadres privilégiés des travaux disponibles. Chacune d'entre elles
semble dominée par des ouvrages de référence, des modèles et des
problématiques propres qu'investissent et assument, dans un second
temps, les grands courants méthodologiques. Cet enclavement rend
indispensable la démarche comparative. Plus généralement, toutes ces
remarques appellent un effort méthodologique renouvelé et adapté à une
meilleure compréhension des situations autoritaires. Notre espoir est
d'y avoir contribué, ne serait-ce que modestement.

510
Ouvrages généraux et/ou théoriques *

Approche « développementaliste »
(1) Almond (Gabriel Abraham), Powell (G. Bingham) Jr. — Comparative
Politics. A developmental approach. An analytic study. — Boston
(Mass.), Little, Brown, 1966, xvin-348 p. Index. (The Little, Brown
series in comparative politics).
(2) Apter (David Ernest). — Choice and the politics of allocation. A
mental theory. — New Haven (Conn.), Yale University Press, 1971,
x-212 p. Index.
(3) Eisenstadt (S.N.). — « The development of socio-political centers at the
second stage of modernization », International Journal of
Comparative Sociology, 7 (1-2), march 1966, pp. 119-137.
(4) Feit (Edward). — The Armed Bureaucrats. Military administrative regimes
and political development. — Boston, Houghton Mifflin, 1973, vin-
199 p. Bibliogr.
(5) Hungtington (Samuel Phillips). — Political order in changing societies. —
New Haven (Conn.), Yale University Press, 1968, xiv-488 p. Index.
(Harvard University Press. Center for International Affairs).
(6) Huntington (Samuel Phillips), Moore (Clement Henry) ed. —
tarian politics in modern society. The dynamics of established one
party systems. — New York, Basic Books, 1970, x-533 p. Index.
(7) Organski (Abram. F.K.). — The stages of political development. — New
York, A.A. Knopf, 1965, xiv-23-vi p. Bibliogr. Index.
(8) Shils (Edward Albert). — Political development in the new states. —
Gravenhage, Mouton, 1962, 91 p. (Extrait de Comparative studies in
society and history) II (1959-1960).

Approche marxiste
(9) Amin (Samir). — L'accumulation à l'échelle mondiale. Critique de la
théorie du sous-développement. — Dakar IFAN ; Paris, Anthropos,
1970, 592 p.
(10) Amin (Samir). — Le développement inégal. Essai sur les formations
ciales du capitalisme périphérique. — Paris, Ed. de Minuit, 1973,
367 p. Bibliogr.
(11) Franck (André Gunder). — Le développement du sous-développement :
l'Amérique latine. Traduit de l'anglais par Christos Passados. —
Paris, Maspero, 2e éd. augm., 1972, 400 p. Bibliogr. (Textes à l'appui).
(12) Poulantzas (Nicos). — Pouvoir politique et classes sociales de l'Etat
capitaliste. — Paris, Maspero, 1968, 399 p. (Textes à l'appui).
(13) Poulantzas (Nicos). — Les classes sociales dans le capitalisme
d'hui. — Paris, Ed. du Seuil, 1974, 364 p. (Sociologie politique).

* Cette bibliographie présente les ouvrages dans l'ordre de leur évocation dans le
texte et, en même temps, les rassemble par aires géographiques. Cela explique que l'ordre
numérique est parfois rompu pour les ouvrages qui, du fait de leurs caractères généraux
et/ou théoriques, sont numérotés dans la première rubrique mais sont aussi « rappelés »,
avec leur premier numéro, dans leur rubrique « géographique ».

511
Jean-François Bayart

Approches indépendantes
(14) Jaguaribe (Helio). — Economie and political development. A theoretical
approach and a Brasilian case study. — Cambridge (Mass.), Harvard
University Press, 1968, x-202 p. Index.
(15) Linz (Juan). — « An authoritarian regime : Spain », pp. 291-341. in :
Allardt (Erik), Littunen (Yrjo) ed. — Cleavages, ideologies and party
systems. Contributions to comparative political sociology. — Helsinki,
The Academic Bookstore, 1964, 464 p. (Transactions of the Westmarck
Society. Vol. X).
(16) Moore (Barrington) Jr. — Les origines sociales de la dictature et de la
démocratie. (Social origin of dictatorship and democracy : Land and
peasant in the making of the modern world). Traduit de l'anglais
par Pierre Clinquart. — Paris, Maspero, 1969, 432 p. Bibliogr. (Textes
à l'appui).
(17) « Organisations (Les) catholiques et protestantes comme forces
tiques de substitution », Revue française de science politique XXIII
(3), juin 1973, pp. 439-536. (Contributions de Guy Hermet, Silas
Cerqueira, Jean-François Bayart).
(18) Schmitter (Philippe C). — « Still the century of corporatism ? », The
Review of Politics, 36 (1), January 1974, pp. 85-131.
(19) Touraine (Alain). — Production de la société. — Paris, Ed. du Seuil, 1973,
543 p. Index. (Sociologie).
(20) Wiarda (Howard J.). — « Toward a framework for the study of political
change in the iberic-latin tradition : the corporative model », World
Politics, XXV (2), January 1973, pp. 206-235.

Afrique noire
(21) Althabe (Gérard). — Oppression et libération dans l'imaginaire. Les
munautés villageoises de la côte orientale de Madagascar. — Paris,
Maspero, 1969, 359 p. (Textes à l'appui).
(22) Althabe (Gérard). — Les fleurs du Congo. Le Manifeste de la fraternité
prolétarienne des paysans, ouvriers, intellectuels et étudiants
congolais conscients et révolutionnaires, (suivi de commentaires par Gérard
Althabe). — Paris, Maspero, 1972, 384 p. (Cahiers libres, 232-233).
(23) Amin (Samir). — Le développement du capitalisme en Côte-d' Ivoire. —
Paris, Ed. de Minuit, 1967, 331 p. Bibliogr. (Grands documents 28).
(24) Bayart (Jean-François). — « Les catégories dirigeantes au Cameroun »,
Revue française d'études politiques africaines, IX (105), septembre
1974, pp. 66-90.
(25) Benot (Yves). — Idéologie des indépendances africaines. — Paris, Maspero,
1972, 2e éd. augm. et mise à jour, 547 p. Index. (Cahiers libres 234-
235).
(26) Bienen (Henry). — Kenya: the politics of participation and control. —
Princeton (N.J.), Princeton University Press, 1974, vin-215 p. Bibliogr.
Index.
(27) Coulon (Christian). — « Système politique et société dans les Etats
d'Afrique noire. A la recherche d'un cadre conceptuel nouveau »,
Revue française de science politique XXII (5), octobre 1972, pp. 1049-
1073.

512
L'analyse des situations autoritaires

(28) Finer (S.E.). — « The one party regimes in Africa : reconsiderations »,


Government and opposition, II (4), july-october 1967, pp. 491-509.
(29) First (Ruth). — Power in Africa. — New York, Pantheon Books, 1970,
xix-513 p. Bibliogr. Index.
(30) Johnson (Willard R.). — The Cameroun Federation. Political integration in
a fragmentary society. — Princeton (N.J.), Princeton University Press,
1970, xn-426 p. Bibliogr. Index.
(31) Kilson (Martin). — Political change in a West African State. A study of
the modernization process in Sierra Leone. — Cambridge (Mass.),
Harvard University Press, 1966, xvi-304 p. Bibliogr. Index. (Harvard
University Center for International Affairs).
(32) Leys (Colin). — Underdevelopment in Kenya. The political economy of
neo-colonialism. 1964-1971. — London, Heinemann, 1975, xv-284 p.
Bibliogr. Index.
(33) Luckham (Robin). — The Nigerian military. A sociological analysis of
authority and revolt. 1960-1967. — Cambridge, Cambridge University
Press, 1971, xiv-376 p. Index. (African studies series. 4.).
(34) Markakis (John). — Ethiopia : anatomy of a traditional polity. — Oxford,
Clarendon Press, 1974, vin-409 p. Bibliogr. Index. (Oxford studies
in African Affairs).
(35) Martin (Denis), Yannopoulos (Tatiana). — « Régimes militaires et classes
sociales en Afrique noire : une hypothèse », Revue française de
science politique XXII (4), août 1972, pp. 847-882.
(36) Peemans (J. Ph.). — « The social and economic development of Zaïre since
independence : an historical outline », African Affairs, 74 (295), april
1975, pp. 148-179.
(37) Schachter (Ruth). — « Single-party systems in West-Africa », American
Political Science Review, LV (2), June 1961, pp. 294-307.
(38) Schwab (Peter). — Decision making in Ethiopia : a study of the political
process. — Rutherford (N.J.), Fairleigh Dickinson University Press,
1972, 201 p. Bibliogr. Index.
(39) Sklar (Richard L.). — Nigerian political parties. Power in an emergent
African nation. — Princeton (N.J.), Princeton University Press, 1963,
xii-578 p. Bibliogr. Index. (Princeton University Woodrow Wilson
School of public and international affairs. The Center of
international studies).
(40) Wallerstein (Immanuel). — « The decline of the party in single-party
African state », pp. 201-214 in : La Palombara (Joseph G.), Weiner
(Myron) ed. — Political parties and political development. —
Princeton (N.J.), Princeton University Press, 1966, vni-487 p. Bibliogr.
Index. (Studies in political development. 6).
(41) Ziegler (Jean). — Sociologie de la nouvelle Afrique. — Paris, Gallimard,
1964, 384 p. (Idées 59).
(42) Zolberg (Aristide R.). — One party government in the Ivory Coast. —
Princeton (N.J.), Princeton University Press, 1964, xiv-374 p. Bibliogr.
Index.
(43) Zolberg (Aristide R.). — Creating political order. The party-states of
West-Africa. — Chicago (111.), Rand Mac Nally, 1967, vm-168 p. Index.
(Rand Mac Nally studies in political change).

513
Jean-François Bayart

Amérique latine
(44) Anderson (Charles W.). — Politics and economic change in Latin America.
The governing of restless Nations. — Princeton (N.J.), Van Nostrand,
1967, xii-388 p. Index.
(11) Franck (André Gunder). — Le développement du sous-développement :
l'Amérique latine. Traduit de l'anglais par Christos Passados. —
Paris, Maspero, 2e éd. augm., 1972, 400 p. Bibliogr. (Textes à l'appui).
(45) Garces (Joan E.). — Développement politique et développement
mique. Etude comparative de la Colombie et du Chili. — Paris, 1970,
vi-495 p. Bibliogr. (Thèse Doctorat de recherches. Mention études
politiques. Paris, Fondation nationale des sciences politiques. Cycle
supérieur d'études politiques. 1970. Sous la direction de Serge Hurtig).
(46) Horowitz (Irving Louis). — « The norm of illegitimacy ; the political
sociology of Latin America », pp. 3-28 in : Horowitz (Irving Louis),
Castro (Josue de), Gerassi (John) ed. — Latin America radicalism.
A documentary report on left and nationalist movements. — London,
J. Cape, 1969, xvi-656 p. Bibliogr. Index.
(47) Lazar (Arpad von). — « Latin America and the politics of
tarianism : a model for decompression », Comparative Political
Studies, I (3), oct.-déc. 1968, pp. 419429.
(48) Lindenberg (Klaus). — « Zur politischen Funktion des Militars in Latein
Amerika », pp. 61-81 in : Lindenberg (Klaus) ed. — Politik in Latei-
namerika. Interne und externe Faktoren einer konfliktorientierten
Entwicklung. — Hannover, Verlag fur Literatur und Zeitgeschechen,
1971, 260 p. Bibliogr. Index.
(49) Nun (Jose). — Latin America : the hegemonic crisis and the military
coup. — Berkeley (Calif.), University Press of California, 1969, vm-
73 p. Bibliogr. (University of California. Institute of International
Studies. Politics of modernization series. 7).
(50) Petras (James Franck), Zeitlin (Maurice) ed. — Latin America. Reform
or Revolution ? A reader. — Greenwich Conn.), Fawcett, 1968, 511 p.
Bibliogr. Index. (A Fawcett premier book. Political perspectives series).
(51) Rouquie (Alain). — « Revolutions militaires et indépendance nationale en
Amérique Latine (1968-1971) », Revue française de science politique
XXI (5), octobre 1971, pp. 1045-1069 et XXI (6), décembre 1971, pp. 1234-
1259.
(52) Silvert (Kalman Hirsch) ed. — « The cost of anti-nationalism :
tina », pp. 347-372 in : Silvert (Kalman Hirsch) ed. — Expectant
peoples. Nationalism and development. Preface by Kenneth W.
Thompson. — New York, Random House, 1963, xxv-490 p. Bibliogr. Index.
(53) Touraine (Alain). — Vie et mort du Chili populaire. Journal sociologique.
Juillet-Septembre 1773. — Paris, Ed. du Seuil, 1973, 287 p. Bibliogr.
(L'histoire immédiate).
(54) Wiarda (Howard John). — Dictatorship and development. The methods
of control in Trujillo's Dominican Republic. — Gainesville (Flo.),
University of Florida Press, 1968, 224 p. Bibliogr. Index. (University
of Florida. Center for Latin American studies. Latin american
monographs. Second Series. 5).

514
L'analyse des situations autoritaires

Brésil
(55) Cardoso (Fernando Enrique). — « Associated-dependent development :
retical and practical implications », pp. 142-176 in : Stepan (Alfred C.)
ed. — Authoritarian Brazil, Origins, policies and future. New Haven,
Yale University Press, 1973, xi-265 p. Index.
(56) Fiechter (Georges André). — Le régime modernisateur du Brésil. 1964-1972.
Etude sur les interactions politico-économiques dans un régime
militaire contemporain. — Leyden, A.W. Sigthoff, 1972, xvi-297 p. Bibliogr.
Index. (Thèse sciences politiques. Genève. 1972. N° 243).
(57) Furtado (Celso). — « De l'oligarchie à l'Etat militaire ». Les Temps
Modernes, XXIII (257), octobre 1967, pp. 578-601.
(58) Ianni (Octavio). — Crisis in Brazil (O colapso do populismo). Transi.
by Phyllis B. Eveleth. — New York, Columbia University Press,
1970, 244 p. Bibliogr. Index. (Institute of Latin American Studies.
Columbia University).
(14) Jaguaribe (Helio). — Economie and political development. A theoriticàl
approach and a Brazilian case study. — Cambridge (Mass.), Harvard
University Press, 1968, x-202 p. Index.
(59) Las Casas (R. D. de). — « L'Etat autoritaire. Essai sur les formes actuelles
de domination impérialiste », L'homme et la société, 18, octobre-
décembre 1970, pp. 99-111.
(60) Linz (Juan J.). — « The future of an authoritarian situation or the insti-
tutionalization of an authoritarian regime : the case of Brazil »,
pp. 233-254 in Stepan (Alfred C.) éd., Authoritarian Brazil. Origins,
policies and future. — New Haven, Yale University Press, 1973, xi-
265 p. Index.
(61) Skidmore (Thomas E.). — Politics in Brazil, 1930-1964. An experiment in
democracy. — New York, Oxford University Press, 1967, xvni-446 p.
Bibliogr. Index.
(62) Schmitter (Philippe C). — Interest conflict and political change in
Brazil. — Stanford (Calif.), Stanford University Press, 1971, xvi-
499 p. Bibliogr. Index.
(63) Schmitter (Philippe C). — « The " portugalization " of Brazil ? », pp. 179-
232 in : Stepan (Alfred) ed. — Authoritarian Brazil. Origins, policies
and future. — New Haven, Yale University Press, 1973, xi-265 p.
Index.
(64) Schneider (Ronald M.). — The political system of Brazil: emergence of
a « modernizing » authoritarian regime. 1964-1970. — New York...,
Columbia University Press, 1971, xx-432 p. Bibliogr. Index. (Columbia
University Institute of Latin American Studies).
(65) Schooyans (Michel). — Destin du Brésil : la technocratie militaire et son
idéologie. — Gembloux, J. Duculot, 1973, 230 p. Index. (Sociologie
nouvelle : situation. 6)
(66) Stepan (Alfred C). — The military in politics. Changing patterns in
Brazil. — Princeton (N.J.), Princeton University Press, 1971, xiv-
313 p. Bibliogr. Index. (Rand Corporation research study).
(67) Stepan (Alfred C.) ed. — Authoritarian Brazil. Origins, policies and
future. — New Haven..., Yale University Press, 1973, xi-265 p. Index.

515
Jean-François Bayart

Colombie
(68) Dix (Robert H.). — Colombia: the political dimensions of change. —
New Haven (Conn.), Yale University Press, 1967, xiv452 p. Bibliogr.
Index. (Yale Studies in political science. 20).
(69) Gilhodes (Pierre). — La question agraire en Colombie (1958-1971) :
tique et violence. — Paris, Presses de la Fondation nationale des
sciences politiques, 1974, 537 p. Bibliogr. Index. (Cahiers de la
Fondation nationale des sciences politiques. 191).
(70) Havens (Arthur Eugène), Flinn (William L.). — Internal colonialism and
structural change in Colombia. — New York..., F.A. Praeger, 1970,
xxn-250 p. Bibliogr. (Praeger special studies in international
economics and development).

Mexique
(71) Anderson (B.), Cockcroft (James D.). — « Control and cooptation in
can politics », pp. 366-389 in : Horowitz (Irving Louis), Castro (Josue
de), Gerassi (John) ed. — Latin American radicalism. A documentary
report on left and nationalist movements. — London, J. Cape, 1969,
xvi-656 p. Bibliogr. Index.
(72) Fagen (Richard Rees), Tuohy (William S.). — Politics and privilege in a
Mexican city. — Stanford (Cal.), Stanford University Press, 1972,
xiv-209 p. Index. (Stanford Studies in comparative politics. 5).
(73) Fernandez (Julio A.). — Political administration in Mexico. — Boulder
(Color.), University of Colorado, 1969, xn-80 p. Bibliogr. Index.
(University of Colorado. Bureau of Governmental research and service).
(74) Gonzales Casanova (Pablo). — La démocratie au Mexique (La democracia
en Mexico). Trad, de l'espagnol par Mme Jimeno-Grendi. — Paris,
Ed. Anthropos, 1969, xx-371 p. (Sociologie et Tiers Monde).
(75) Johnson (Kenneth F.). — Mexican democracy : a critical view. — Boston
(Mass.), Allyn and Bacon, 1971. xiv-190 p. Index. (The Allyn and
Bacon series in Latin American politics).
(76) Levy (Bernard Henry). — « Mexique : nationalisation de l'impérialisme »,
Les Temps Modernes, 26 (291), octobre 1970, pp. 625-635.
(77) Ugalde (Antonio). — Power and conflict in a Mexican community. A
study of political integration. — Albuquerque (N.M.), University
of New Mexico Press, 1970, xxn-193 p. Bibliogr. Index.

Pérou
(78) Astiz (Carlos Alberto). — Pressure groups and power elites in Peruvian
politics. ~ Ithaca (N. Y.), Cornell University Press, 1969, xx-316 p.
Bibliogr. Index.
(79) Bourricaud (François). — Pouvoir et société dans le Pérou contemporain.
— Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques,
1967, n-319 p. Index. (Cahiers de la Fondation nationale des sciences
politiques. 149).
(80) Quijano (Anibal). — « Nationalism and capitalism in Peru : a study in
neo-imperialism. ». Trans, by Helen R. Lane ». New York, Monthly
Review Press, 1971, 123 p. Bibliogr. (Monthly Review, Special Issue,
Vol. 23 July-Aug. 1971, N° 3).

516
L'analyse des situations autoritairer

(81) Stephens (Richard H.). — Wealth and power in Peru with an introd. by
Harold D. Lasswell. — Metuchen (N.J.), Scarecrow Press, 1971, x-219 p.
Bibliogr. Index.
Asie centrale et pays arabes
(82) Duvignaud (Jean). — « Classe et conscience de classe dans un pays du
Maghreb : la Tunisie », Cahiers internationaux de sociologie, 12 (38),
1965, pp. 185-200.
(83) Halpern (Manfred). — The politics of social change in the Middle East
and North Africa. — Princeton (N.J.), Princeton University Press,
1963, xxviii-431 p. Index.
(84) Laroui (Abdallah). — L'idéologie arabe contemporaine. Essai critique.
Préf. de Maxime Rodinson. — Paris, Maspero, 1967, xiv-225 p. Index.
(Textes à l'appui).
(85) Marais (Octave). — « La classe dirigeante au Maroc », Revue française
de science politique XIV (4), août 1964. — pp. 709-737.
(86) Marais (Octave). — « La relation entre la monarchie et la classe
geante au Maroc », Revue française de science politique XIV (6),
décembre 1969, pp. 1172-1185.
(87) Moore (Clement Henry). — Tunisia since independence. The dynamics
of one-party governement. — Berkeley, University of California Press,
1965, xiv-230 p. Bibliogr. Index.
(88) Poncet (Jean). — La Tunisie à la recherche de son avenir: indépendance
ou néo-colonialisme ? — Paris, Ed. Sociales, 1974, 219 p. Bibliogr.
(Notre temps - Monde. 6).
(89) Rudebeck (Lars). — Party and people. A study of political change in
sia. — Stockholm, Almquist och wiksell, 1967, 275 p. Bibliogr.
(Publications of the political science Association of Upsala. 48).
(90) Waterbury (John). — The commander of the faithful : the Moroccan
political elite. A study in segmented politics. — New York,
Columbia University Press, 1970, xvin-367 p. Bibliogr. Index. (The modern
middle East series. 2).

Iran
(91) Bill (James Alban). — The politics of Iran: groups, classes and
nization. — Columbus (Ohio), CE. Merrill, 1972, ix-174 p. Bibliogr.
Index. (Merrill Political Science series).
(92) Binder (Leonard). — Iran. Political development in a changing society. —
Berkeley. University of California Press, 1962, xn-362 p. Index.
(University of California. The Near Eastern Center).
(93) Jacobs (Norman). — The sociology of development. Iran as an Asian
case study. — New York, F.A. Praeger, 1966, vin-543 p. multip.
Bibliogr. (Praeger special studies in international economics and
development).
(94) Ramazani (Rouhallah K.). — « Iran's white revolution : a study in
tical development », International Journal of Middle East Studies,
(5), 1974, pp. 124-139.
(95) Vieille (Paul), Banisadr (Abol Hassan), dir. — Pétrole et violence :
reur blanche et résistance en Iran. — Paris, Anthropos, 1974, 346 p.

517
Jean-François Bayart

(96) Zonis (Marvin). — The political elite of Iran. — Princeton (N.J.),


ceton University Press, 1971, xvi-389 p. Bibliogr. Index. (Princeton
Studies on the Near East).

Turquie
(97) Frey (Frederick Ward). — The Turkish political elite. — Cambridge
(Mass.), M.I.T. Press, 1965, xxvi-483 p. Bibliogr. Index. (Massachusetts
Institute of Technology).
(98) Harputlu (Kamuran Bekir). — La Turquie dans l'impasse. Une analyse
marxiste de l'Empire ottoman à nos jours. — Paris, Anthropos, 1974,
344 p.
(99) Kazancigil (Ali). — « La participation et les élites dans un système
politique en crise : le cas de la Turquie », Revue française de science
politique XXIII (1), février 1973, pp. 5-32.
(100) Lerner (Daniel), Robinson (Richard D.). — «Swords and ploughshares:
the Turkish army as a modernizing force », pp. 117-148 in : Bienen
(Henry) ed. — The military and modernization. — Chicago (111.),
Aldine-Atherton, 1971, x-242 p. Bibliogr. Index. (Atherton controversies).
(101) Ozbudun (Ergun). — « Established revolution versus unfinished revolution :
contrasting patterns of democratization in Mexico and Turkey »,
pp. 380-405 in : Huntington (Samuel Phillips), Moore (Clement Henry)
ed. — Authoritarian politics in modern society. The dynamics of
established one-party systems. — New York, Basic Books, 1970,
x-533 p. Index.
(102) Roos (Leslie), Roos (Noralou P.). — Managers of modernization.
zations and elites in Turkey. 1950-1969. — Cambridge (Mass.), Harvard
University Press, 1971, xiv-292 p. Bibliogr. Index.

Asie du Sud et du Sud-Est


(103) Ala vi (Hamza). — « The state in post-colonial societies : Pakistan and
Bangla-Desh », New Left Review, 74, july-august 1972, pp. 59-81.
(104) Bellows (Thomas J.). — The People's Action Party of Singapore :
gence of a dominant party system. — New Haven (Conn.), Yale
University, 1970, xn-199 p. Bibliogr. (Yale University Southeast Asia
studies. Monograph series. 14).
(105) Braibanti (Ralph) ed. — Asian bureaucratic systems emergent from the
British imperial tradition. — Durham (N. C), Duke University Press,
1966, x-733 p. Index. (Duke University Commonwealth studies center
publications. 28).
(106) Cole (David Chamberlin), Lyma (Princeton N.). — Korean development.
The interplay of politics and economics. — Cambridge (Mass.),
Harvard University Press, 1971, xvi-320 p. Bibliogr. Index. (Harvard
University Center for International Affairs).
(107) Evers (Hans-Dieter). — « Group conflict and class formation in
theast Asia », pp. 108-131 in : Evers (Hans-Dieter) ed. —
Modernization in South East Asia. — Singapore, London, New York, Oxford
University Press, 1973, xix- Bibliogr. Index.
(108) Feith (Herbert). — The decline of constitutional democracy in
nesia. — Ithaca (N. Y.), Cornell University Press, 1962, xxn-628 p. Index.

518
L'analyse des situations autoritaires

(109) Fistié (Pierre). — L'évolution de la Thaïlande contemporaine. — Paris,


Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1967, 391 p.
Bibliogr. Index. (Cahiers de la Fondation nationale des sciences
politiques. 156. Relations internationales).
(110) Kim (Se-Jin). — The politics of military revolution in Korea. — Chapel
Hill (N.C.), University of North Carolina Press, 1971, xvi-239 p.
Bibliogr. Index.
(111) Leclerc (Jacques). — «Vocabulaire social et repression politique: un
exemple indonésien », Annales, Economies, Sociétés, Civilisations, 2,
mars-avril 1973, pp. 407-428.
(112) Lev (Daniel S.). — The transition to guided democracy. Indonesian
tics 1957-1959. — Ithaca (N.Y.), Cornell University, 1966, vni-298 p.
(Cornell University Department of Asian Studies. Southeast Asia
Program. Modern Indonesia Project. Monograph Series).
(113) Levy (Bernard Henry). — Bangla-Desh, nationalisme dans la révolution. —
Paris, Maspero, 1973, 327 p. Bibliogr. (Cahiers libres 253-254).
(114) Peacock (James L.). — Rites of modernization. Symbolic and social aspects
of Indonesian proletarian drama. — Chicago (111.), University of
Chicago Press, 1968, xxvi-306 p. Bibliogr. Index. (Symbolic
anthropology).
(115) Pye (Lucian Wilmot). — Politics, personality and nation-building: Burma's
search for identity. — New Haven, London, Yale University Press,
1962, xx-307 p. Index. (Center for International Studies. Massachussetts
Institute of Technology).
(116) RlGGs (Fred Warren). — Thailand : the modernization of a bureaucratic
polity. — Honolulu (Hawaii), East- West Center, 1966, xiv-470 p. Index.
(117) Scott (James C). — Political ideology in Malaysia. Reality and the beliefs
of an elite. — New Haven..., Yale University Press, 1968, xiv-302 p. Index.
(Yale Southeast Asia Studies. 3).
(118) Willner (Ann Ruth). — « The neo traditional accommodation to political
independence : the case of Indonesia », pp. 242-306 in : Pye (Lucian
Wilmot) ed. — Cases in comparative politics : Asia. — Boston (Mass.),
Little, Brown, 1970, x-306 p. Bibliogr.
(119) Wilson (David Allen). — Politics in Thailand. — Ithaca (N.Y.), Cornell
University Press, 1962, xvm-307 p. Bibliogr. Index. (Cornell Univ.
Southeast Asia Program).
(120) Ziring (Lawrence). — The Ayub Khan era. Politics in Pakistan. 1958-1969.
— Syracuse (N.Y.), Syracuse University Press, 1971, xiv-234 p. Bibliogr.
Index.

Europe
(121) Poulantzas (Nicos). — La crise des dictatures européennes (Portugal,
Grèce, Espagne). — Paris, Maspero, 1975. (Cahiers libres 302).

Espagne
(122) Anderson (Charles W.). — The political economy of modem Spain. Policy-
making in an authoritarian system. — Madison (Mil.), The
University of Wisconsin Press, 1970, xvi-282 p. Index.

519
Jean-François Bayart

(123) Georgel (Jacques). — Le franquisme : histoire et bilan {1939-1969). — Paris,


Ed. du Seuil, 1970, 400 p. Bibliogr. (Collée. Esprit « Frontière
ouverte »).
(124) Giner (Salvador). — « Spain », pp. 125-161 in : Archer (Margaret Scotford),
Giner (Salvador) éd. — Contemporary Europe. Class, status and
power. — London, Weidenfeld and Nicolson, 1971, xn-443 p. Bibliogr.
Index. (Reading University Studies on contemporary Europe).
(125) Hermet (Guy). — Les communistes en Espagne. Etude d'un mouvement
politique clandestin. — Paris, Presses de la Fondation nationale des
sciences politiques, 1971, 216 p. Bibliogr. (Presses de la Fondation
nationale des sciences politiques. Centre d'étude des relations
internationales. Travaux et recherches de science politique. 15).
(15) Linz (Juan J.). — «An authoritarian regime: Spain», pp. 291-341 in:
Allardt (Erik)..., Littunen (Yrjo) ed. — Cleavages, ideologies and
party systems. Contribution to comparative political sociology. —
Helsinki, The Academic Bookstore, 1964, 464 p. (Transactions of the
Westmarck society. Vol. X).
(126) Linz (Juan J.). — « From Falange to Movimiento organizacion : the
nish single party and the Franco regime, 1939-1968 », pp. 128-203 in :
Huntington (Samuel Phillips), Moore (Clement Henry) ed. —
Authoritarian politics in modern society. The dynamics of established one-
party systems. — New York, Basic Books, 1970, x-533 p. Index.
(127) Linz (Juan J.). — «Opposition in and under an authoritarian regime:
the case of Spain», pp. 171-259 in: Dahl (Robert Alan) ed. — Regimes
and oppositions. — New Haven (Conn.), Yale University Press, 1973,
411 p. Index.

Grèce
(128) Couloumbis (Theodore A.). — « The Greek Junta phenomenon », Polity,
VI (3), Spring 1974, pp. 345-374.
(129) Mouzelis (Nikos), Attalides (Michael). — « Greece », pp. 162-197 in : Archer
(Margaret Scotford), Giner (Salvador) ed. — Contemporary Europe.
Class, status and power. — London, Weidenfeld and Nicolson, 1971,
xn-443 p. Bibliogr. Index. (Reading University Studies on
Contemporary Europe).
(130) Tsoucalas (Constantine). — « Class struggle and dictatorship in Greece »,
New Left Review, 56, july-august 1969, pp. 3-16.
(131) Xydis (Stephen G.). — « Coups and countercoups in Greece, 1967-1973
(with postcript) », Political Science Quarterly, 89 (3), Fall 1974, pp. 507-
538.
(132) Zaharopoulos (George). — « Politics and the army in post-war Greece »,
pp. 17-35 in : Clogg (Richard), Yannopoulos (George) ed. — Greece
under military rule. — New York, Basic Books, 1972, xxn-272 p.
Bibliogr. Index.

Portugal
(133) Schmitter (Philippe C). — Corporatism and public policy in
tarian Portugal. London, Beverly Hills (Calif.), Sage Publications,
1975, 72 p. Bibliogr. (A Sage Professional Paper. Contemporary
Political Sociology Series, vol. 1).

520

Vous aimerez peut-être aussi