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Ryan Conner
La Meute du Phénix – 5
Milady
Pour Rita, l’une de mes personnes préférées
CHAPITRE PREMIER
— Il ne viendra pas.
Makenna observa Zac. L’adolescent, affalé sur un banc, le dos rond et les
bras croisés comme une proie cherchant à se rendre invisible, regardait tout
autour de lui.
— Je te dis que si, il va venir.
— Comment peux-tu en être aussi sûre ? lui demanda-t-il, dubitatif.
— Parce qu’il s’en est fallu de peu pour qu’il me botte les fesses d’avoir
tardé à lui parler de toi. Je te préviens : ce type est un balèze. On dirait qu’il
fronce toujours les sourcils. Tu le trouveras peut-être un peu intimidant,
mais je suis persuadée qu’il ne présente aucun danger pour toi.
— Pourquoi ?
— Parce qu’il se sent très protecteur envers toi. Il y a des gens qui ont ça
inscrit dans leurs gènes. C’est leur nature de défendre et de protéger les
autres.
Cela lui était apparu clairement et non pas uniquement en raison de la
hâte de Ryan de rencontrer Zac mais aussi parce qu’il avait accepté de
suivre le rythme de l’adolescent. Makenna sentait que Ryan avait un côté
protecteur très développé et qu’il ferait tout son possible pour veiller à la
sécurité de personnes placées sous sa responsabilité.
— Comme toi, affirma Zac en haussant les épaules quand il remarqua
l’air perplexe de Makenna. Même Dawn dit que tu es protectrice dans
l’âme.
Dawn était la propriétaire et directrice du refuge. Ou plutôt, le cœur du
lieu. Célibataire, elle consacrait sa vie à la cause des solitaires, dont
Makenna qu’elle avait aidée, comme bien d’autres, dans le passé.
— C’est de Ryan qu’il est question, pas de moi, le tança Makenna en
gigotant sur son siège, mal à l’aise devant l’admiration qu’elle lisait dans le
regard de l’adolescent. C’est un mâle dominant, ce qui signifie qu’il veut
toujours tout diriger, le genre de mec qui ne croit pas aux compromis et veut
décider de tout. Le fait qu’il consente à aller à ton rythme montre qu’il tient
à toi.
— Mais il ne me connaît pas.
— Tu fais partie de sa famille. C’est tout ce qui compte pour lui.
— Même s’il vient, insista Zac en secouant la tête, il ne voudra pas de
moi. J’ai entendu parler de la meute du Phénix. Elle est composée de loups
très forts, très puissants. Moi, je suis faible et…
— Hé, regarde-moi, ordonna Makenna d’une voix ferme et insistante, en
le scrutant. Tu n’es pas faible. J’ignore ce qu’il t’est arrivé mais je sais que
tu as été assez fort pour t’en sortir. Beaucoup de gens ne comprennent pas
qu’il faut énormément de courage pour fuir et courir le risque d’être
rattrapé. Toi, tu as réussi. Tu as fait le choix difficile de vivre en solitaire.
Tu as survécu seul dans la rue. Tu as eu le courage de m’accompagner au
refuge quand je t’ai trouvé et d’accepter de rencontrer Ryan aujourd’hui. Tu
n’es pas faible. Tu comprends ?
— Ouais, dit Zac en avalant sa salive.
— Très bien, conclut Makenna dans un large sourire.
— Tu es flippante.
— Plus que Madisyn ? s’enquit-elle, la voix pleine d’espoir, parce que
Madisyn n’était pas seulement une autre bénévole au refuge, elle était
également sa meilleure amie.
— Elle est barjo, expliqua-t-il en souriant. Je l’aime bien. Toi aussi,
d’ailleurs, je t’aime bien. J’aime tout le monde au refuge. Je m’y sens bien.
Pourquoi est-ce que je ne pourrais pas y rester ? Je ne gênerai personne. Je
vous aiderai. Je me tiendrai à carreau…
— Arrête, tu me brises le cœur.
— Je ne veux pas m’intégrer à une meute. Je veux être comme toi,
Makenna.
— Moi ?
— Tu es tellement forte. Tu veilles sur tout le monde et tu n’as peur de
rien.
— Zac, je suis célibataire, je n’ai aucun diplôme, je suis une solitaire
plutôt énervante qui travaille le soir dans une station-service quand je ne
suis pas au refuge. Non, tu ne veux pas me ressembler !
— Tu veux te débarrasser de moi, c’est ça ? lui demanda l’adolescent,
l’air malheureux.
— Allez, écoute-moi. Je serai triste quand tu partiras, Zac. Mais je ne
peux pas te dire que tu comptes pour moi et ne pas chercher la meilleure
solution pour toi, tu comprends ? Le refuge est un endroit très spécial, mais
qui n’offre aucun des avantages que tu trouveras au sein d’une meute.
— Si c’est tellement stylé de faire partie d’une meute, pourquoi n’en as-
tu pas intégré une ?
Makenna avait compris que « stylé », pour Zac, signifiait « bien ». Elle
avait appris à décrypter le langage de l’adolescent au cours des derniers
mois.
— J’avais douze ans quand je suis arrivée au refuge. À cette époque,
Dawn n’essayait pas de placer les solitaires dans une nouvelle meute. Elle
cherchait plutôt à nous aider à nous intégrer au monde des humains.
— C’est toi qui as changé la politique du refuge ? Qui as commencé à
chercher de nouvelles meutes pour les solitaires ?
— Oui.
— Alors pourquoi ne le fais-tu pas toi-même ? Te chercher une nouvelle
meute ?
— Parce qu’il y a peu de chances qu’un Alpha autorise un membre de sa
meute à s’associer à une solitaire, surtout une fille qui travaille comme
bénévole dans un refuge pour solitaires. Et puis j’aime ma vie exactement
comme elle est. Ce n’est pas tous les jours facile de ne pas faire partie d’une
meute. Ma louve semble l’accepter, mais elle ne sera jamais parfaitement
satisfaite ni sereine. Elle ressentira toujours une sorte de manque parce que
être solitaire est contre notre nature.
C’était la raison pour laquelle elle faisait autant d’efforts pour trouver une
nouvelle meute pour les solitaires dont elle avait la responsabilité au refuge.
Ils aperçurent alors un ballon de football tiré dans leur direction.
Makenna l’attrapa et le relança au groupe de jeunes humains qui se trouvait
non loin d’eux. Il y avait beaucoup de monde dans le parc, et elle espérait
que Zac serait un peu rassuré par cette présence.
— Je ne pensais pas devoir rencontrer Ryan aussi vite, déclara Zac après
un bref instant de silence.
— C’est pour ça que tu as eu l’impression que je cherchais à me
débarrasser de toi le plus vite possible. Mais non, mon cœur. Ryan souhaite
ardemment te rencontrer. J’ai jugé préférable d’organiser ce rendez-vous
rapidement. La première rencontre est souvent difficile. Mieux valait faire
vite. Et puis, ça devrait le calmer un peu.
— Ah, soupira fortement Zac en fronçant les sourcils, l’air songeur. Que
se passera-t-il s’il ne me plaît pas ? S’il veut m’intégrer à sa meute et que je
ne suis pas d’accord ?
— Eh bien, tu n’iras pas. En revanche, tu ne peux pas prendre ce genre de
décision avant d’avoir appris à le connaître. Je te demande simplement de
lui donner une chance.
— Ouais, c’est comme tu veux, dit Zac en détournant le regard.
Makenna se demanda pourquoi cette réponse d’adolescent lui donnait
une telle envie de hurler.
— Dis-moi, pour toi, un escalier, il monte ou il descend ?
— Pourquoi poses-tu toujours des questions bizarres ? s’enquit-il en
souriant.
— Parce que tu penses que je le fais pour une raison précise ?
— Il monte, répondit-il en haussant les épaules et en gloussant.
— OK, et la question que posent les Killers dans leur chanson ? Sommes-
nous des êtres humains ? Ou des danseurs ? T’en penses quoi ?
— Ces paroles ne veulent rien dire, observa-t-il dans un nouvel
haussement d’épaules.
— Je suis bien d’accord, je n’y comprends rien non plus.
Makenna entendit une voiture entrer dans le petit parking à leur gauche.
Elle se retourna et reconnut le SUV de Ryan.
— Le voilà, dit-elle à Zac qui se figea. Ne t’inquiète pas. Il ne peut rien
t’arriver de mauvais. Tu es dans un lieu public entouré de gens et je suis là.
— Lequel est-ce ? interrogea Zac après avoir dégluti bruyamment. Et qui
sont les autres ? demanda-t-il en voyant cinq loups descendre du véhicule.
— C’est le baraqué à la coupe militaire. Tu le vois ? C’est lui, c’est Ryan.
Je présume que les autres sont des membres de la meute du Phénix.
— Tu n’es pas étonnée qu’il ne soit pas venu seul au rendez-vous, n’est-
ce pas ?
— Les solitaires n’inspirent pas trop confiance. Je suppose que ses
Alphas préfèrent qu’il soit bien entouré.
Ils se dirigèrent vers eux lentement, sans faire de gestes menaçants
comme s’ils prenaient garde à ne pas effrayer Zac. Makenna réagit avec
toute sa féminité quand elle vit les yeux noirs charbonneux de Ryan se
poser sur elle.
— Hé, Croc-Blanc, le nargua-t-elle, incapable de résister à la tentation de
l’asticoter, tu nous présentes tes amis ?
Sa louve était heureuse de le voir lui, mais pas les autres. Elle n’était pas
très à l’aise avec les étrangers.
— Croc-Blanc ? répéta une montagne de muscles en regardant Ryan d’un
air interrogateur.
Ryan lui répondit par un grognement que Makenna traduisit par : « Va te
faire voir ! »
— Tu dois être Makenna, lui dit alors une petite blonde en souriant, mais
avec beaucoup de circonspection dans le regard. (Puis elle se tourna vers
Zac et son sourire devint plus chaleureux.) Et tu dois être Zac. Je suis ravie
de vous rencontrer tous les deux. Je m’appelle Taryn et je suis la femelle
Alpha de la meute du Phénix, conclut-elle en énonçant simplement les faits,
sans aucune arrogance.
Makenna avait beaucoup entendu parler d’elle. On disait partout qu’elle
était complètement cinglée et Makenna ne l’en respectait que davantage.
— Et voici mon compagnon, Trey, et nos Betas, Jaime et Dante.
L’Alpha, un homme grand et musclé, salua Zac de la tête avant de plisser
les paupières et de fixer ses yeux bleu arctique sur Makenna, la mine
soupçonneuse. Jaime, une grande brune au regard moqueur, adressa un petit
signe de la main à Zac et un sourire prudent à Makenna. Son compagnon
hocha la tête en direction de l’adolescent et posa un regard scrutateur sur
Makenna. Ryan… eh bien, il la dévisageait avec un pli entre les yeux.
Il avait l’air invincible et inaccessible. Elle aurait dû le trouver rébarbatif.
Mais sa virilité exacerbée déclenchait lentement en elle un appétit sensuel
immodéré. Appétit qui s’aiguisa davantage quand elle se sentit enveloppée
de son odeur masculine, comme dans une couverture. Son parfum se
démarquait de celui des autres, pour une raison qu’elle ne s’expliquait pas.
— Je m’appelle Ryan, dit-il alors en se tournant vers Zac, les sourcils
toujours froncés.
— Tu ne ressembles pas à mon père, réagit l’adolescent, sur ses gardes,
en s’approchant tellement de Makenna que leurs cuisses se touchèrent.
— Mais toi, oui, répondit Ryan. On ne va pas t’obliger à nous suivre, le
rassura-t-il, même si jusque-là il avait sérieusement envisagé de le faire,
souhaitant plus que tout mettre Zac à l’abri de tout danger.
Il sentit son cœur se serrer en voyant comment le garçon les examinait
tout en ayant l’air de se ménager une issue en cas de problème.
Quand il se tourna de nouveau vers Makenna, il remarqua l’éclat de son
regard qui semblait vouloir lui dire : « Putain, essaie seulement et tu vas
voir ! » Oui, la jeune femme avait compris que tous les instincts de Ryan le
poussaient à mettre le gamin en sécurité. Elle était prête à se battre pour
Zac. Son loup adorait cette férocité en elle. Il avait envie de la mordre.
Elle avait un look toujours aussi excentrique et tendance ce jour-là avec
ses bracelets colorés, habillée d’un petit blouson en jean, un haut orange
fluo un peu court, et un jeans taille basse qui laissait voir le piercing
diamant avec une petite chaîne en argent qui ornait son nombril. Son sexe,
dur comme la pierre depuis l’instant où il avait senti son odeur, le faisait
presque souffrir. Peut-être que son loup avait raison après tout d’avoir
tellement envie de la mordre ?
— On veut juste te parler, apprendre à te connaître, le rassura Taryn. Ça
te va ?
— Ouais, répondit Zac en haussant une épaule. Je pense.
Les cinq membres de la meute du Phénix s’assirent par terre et Makenna
supposa que c’était pour paraître moins intimidants.
— Quel âge as-tu ? lui demanda Jaime avec un sourire aimable.
— Quatorze ans, dit Zac après un regard furtif vers Makenna.
— Vraiment ? s’étonna Jaime. Tu fais plus âgé.
— Pourquoi as-tu quitté ta meute ? voulut savoir Trey.
— Je n’y retournerai jamais ! s’exclama Zac en se raidissant et en serrant
les poings tellement fort que ses jointures blanchirent.
Makenna posa une main rassurante sur le bras de l’adolescent et leurs
regards se croisèrent.
— Hé, personne ne t’y oblige. Je buterai le premier qui cherche à te
forcer.
Ryan la croyait. Elle semblait parfaitement sereine quand elle se retourna
de nouveau pour les regarder, lui et ses camarades de meute. Ses propos et
leur férocité auraient sans doute effrayé un autre que Zac, mais ils
rassuraient plutôt ce dernier. Il se sentait manifestement en sécurité avec la
jeune femme.
— Je n’ai absolument pas l’intention de t’emmener où que ce soit sans
ton accord, le rassura Ryan, et je ne t’obligerai jamais à retourner dans ta
meute.
Zac ne paraissait pas complètement convaincu, mais il finit par hocher la
tête. Ryan prit le temps de l’examiner. Le gamin n’avait pas l’apparence
d’un solitaire. Il était bien habillé, ses vêtements étaient propres et il ne
semblait pas mourir de faim. Les bénévoles du refuge s’occupaient bien de
lui.
— Je t’ai apporté quelque chose, dit Ryan.
— Un téléphone portable ? s’exclama Zac en écarquillant les yeux devant
l’objet que Ryan venait de sortir de sa poche.
— J’y ai mis le numéro de tous les membres de la meute du Phénix. Si tu
as besoin de quoi que ce soit, ou de notre aide, tu n’as qu’à appeler.
— Mais… vous ne me connaissez pas !
— On va y remédier.
Zac tendit lentement la main pour prendre le téléphone.
— Euh… merci, dit-il.
— J’ignorais, intervint alors Jaime, l’existence d’un refuge pour
solitaires. Où est-il situé ?
— Pas loin d’ici, expliqua Makenna. Au bout de la rue Maverick, près de
la vieille église.
— C’est un quartier un peu difficile, ajouta Trey, l’air étonné.
— D’où viens-tu ? demanda Dante à Makenna en relevant la tête.
Il avait parlé sur le ton de la conversation mais son regard était perçant,
scrutateur, inquisiteur.
Makenna devina que le Beta était un interrogateur.
— J’ai vécu à plusieurs endroits différents, répondit-elle.
— Que fais-tu comme boulot ?
— Si tu veux savoir si je suis un tueur à gages, la réponse est non.
Ryan sentit un grondement monter en lui. Il n’appréciait pas du tout
l’attitude de Dante. Il agissait avec la jeune femme comme il l’avait vu faire
avec un intrus ou un ennemi. Cela n’avait pas l’air de plaire à Makenna non
plus. Mais elle ne cherchait pas à éviter les questions. Sa force impressionna
son loup déjà obnubilé par elle. Il savait que l’attitude de Makenna lui
attirerait le respect de ses camarades de meute malgré leurs réticences
envers une solitaire.
— Un des nôtres est un excellent geek. Mais il n’a rien trouvé sur
Makenna Wray, poursuivit Dante. Rien du tout. Alors… qui es-tu ?
Réellement ? Le plus important pour nous serait de savoir ce que tu as fait
de si grave pour que ta meute te bannisse ?
Makenna soupira intérieurement. Les meutes partageaient toutes les
mêmes idées reçues concernant les solitaires. Personne ne semblait capable
de croire qu’un loup solitaire puisse être une victime. Elle se serait énervée
si elle n’avait pas autant l’habitude d’entendre ce genre de bêtises.
— C’est de Zac qu’il s’agit ici, pas de moi.
— Tu es un peu la tutrice du cousin de Ryan. On a quand même le droit
de savoir qui tu es.
Le droit ? Ouais…
— Mon horoscope d’aujourd’hui me prédisait une montagne sur ma
route. Je n’avais juste pas envisagé qu’il pourrait s’agir d’un homme.
Les lèvres de Taryn s’étirèrent en un sourire tandis que Jaime s’esclaffait.
— Si vous avez des questions au sujet de Zac, n’hésitez pas à me les
poser, reprit alors Makenna. Mais je refuse de parler de moi, conclut-elle
sur un ton ferme sans être dur.
Dante inclina la tête et concentra ensuite toute son attention sur
l’adolescent. Pendant la demi-heure qui suivit, les membres de la meute du
Phénix bavardèrent avec lui de choses et d’autres. Ils firent preuve de
patience et d’amabilité. Makenna remarqua que même si Zac n’était pas
complètement à l’aise, il ne donnait plus l’impression d’avoir envie de fuir
quand ils retournèrent à la Mustang de la jeune femme.
Elle allait s’installer au volant quand Ryan s’approcha d’elle.
— Attends-moi juste une minute, dit-elle alors à Zac, devinant que Ryan
désirait lui parler en tête à tête.
L’adolescent s’était installé à la place du passager et jouait avec son
nouveau téléphone. Ce fut à peine s’il leva la tête.
— Que lui est-il arrivé ? s’enquit Ryan à voix basse quand elle eut
refermé la portière.
— Je ne sais pas, répondit-elle en soupirant. Il refuse d’en parler. Il faut
que je te dise, en revanche. Ceux de la meute de York sont à sa recherche.
C’est la raison pour laquelle j’ai créé une fausse piste. S’ils découvrent qu’il
est avec toi…
— Qu’ils viennent, putain, grogna Ryan. Personne ne touchera au gamin.
Je ne le permettrai pas.
— Très bien, dit la jeune femme en hochant la tête. Je comprends que tes
instincts te poussent à le prendre avec toi, ajouta-t-elle en voyant le regard
de Ryan se tourner vers Zac. J’en suis ravie. Mais il n’est pas encore prêt.
— Je veux le revoir demain, rétorqua-t-il, reconnaissant que la jeune
femme avait raison mais pas moins frustré pour autant.
— Super. Ça l’aidera beaucoup si vous vous voyez régulièrement. On
peut se retrouver au bistrot de la rue Lumley à midi. Il adore manger là.
Situé non loin du refuge, le petit resto était en plein milieu d’un quartier
habité en majorité par des solitaires. Zac y était comme chez lui et s’y
sentirait d’autant plus en sécurité.
— C’est la deuxième fois que c’est toi qui fixes le lieu du rendez-vous.
— Je connais bien Zac. Je sais où il se sent à l’aise. Je comprends que tu
trouves cela dur, mais Zac est ma priorité. T’as du mal à piger ça, Croc-
Blanc ? lança-t-elle, en arquant un sourcil, incapable de résister à l’envie de
l’asticoter.
— Cesse de m’appeler Croc-Blanc.
— Cesse de froncer les sourcils.
— Pourquoi es-tu aussi énervante ?
— Je trouve cela très libérateur, déclara-t-elle en lui adressant un grand
sourire en guise d’au revoir avant de sauter dans sa Mustang.
Ryan se demanda comment il se faisait qu’un sourire puisse à la fois
l’énerver et faire durcir son sexe. Sa petite solitaire était…
Ryan grimaça intérieurement à s’entendre ainsi monologuer. Cette fille
n’était pas « sa » petite solitaire. Mais bon, il l’avait trouvée le premier. Et
puis, tout cela se passait dans sa tête et n’avait donc aucune importance.
Ryan ne se dirigea vers son Chevy qu’une fois que la Mustang fut sortie
du parking. Dante tourna la clé de contact dès qu’il fut installé à bord.
— Bon, ça n’était pas un piège, déclara Jaime, la première à prendre la
parole.
Ryan émit un grognement en signe d’approbation. Zac était bien le fils de
Damian, impossible de le nier. Il ressemblait tellement à son père.
— C’est un gentil garçon. Adorable. Et très poli.
— Mais il a peur, ajouta Trey.
— Je sais, intervint Jaime. Cela m’a brisé le cœur.
— As-tu remarqué qu’il se méfiait surtout de Ryan, Trey et Dante ?
demanda Taryn à Jaime. Je soupçonne que ce sont des hommes qui l’ont fait
souffrir.
Ryan sentit un grognement monter en lui. Il allait buter celui qui avait fait
du mal à l’adolescent.
— Ça va ? s’enquit Taryn sur un ton compatissant.
Non, ça n’allait pas du tout, putain ! Il était très en colère à la pensée
qu’un membre de sa famille habitait chez une étrangère, et dans un refuge,
qui plus est. Il croyait fermement qu’il était de son devoir et de sa
responsabilité de veiller sur sa famille. Tout le contraire de sa mère. Il s’en
enorgueillissait d’ailleurs.
— Je comprends que cela a été dur pour toi de le laisser repartir avec
Makenna, reprit Taryn. Mais ce ne serait pas une bonne idée de le retirer de
force du refuge. Ça le perturberait beaucoup trop. Il a vécu assez de
situations difficiles. Tu ne veux pas lui compliquer davantage la vie, n’est-
ce pas ?
Ryan grogna en signe d’approbation. Il ne pouvait pas contredire Taryn
sur ce point.
— Il est en sécurité avec Makenna, affirma Jaime. Cette fille a un côté
féroce, sauvage. Comme une lionne avec ses petits.
— Elle me plaît bien, intervint alors Taryn. J’aime bien qu’elle n’ait pas
l’air intimidée par le rictus de Terminator de Ryan.
— Rictus de Terminator ? ricana Dante.
— La première fois qu’on s’est rencontrés, toi et moi, j’ai trouvé que tu
avais une tête de robot, expliqua Taryn à Ryan. J’ai vite compris que tu étais
simplement tendu, sur tes gardes. Tout le temps. Tu as l’air plus décontracté
maintenant que la meute s’est élargie et s’est renforcée. Mais bon, tu seras
toujours stoïque, comme un maître shaolin complètement zen parce qu’il
sait qu’il peut briser le cou de son adversaire avant même que ce dernier ait
pu cligner des yeux.
— Un véritable piège à nanas, ajouta Jaime. Même si tu les intimides.
— Beaucoup de filles craquent pour les mecs forts, taciturnes, dangereux,
dit Taryn en haussant les épaules.
Ryan décida de ne pas participer à cette conversation parfaitement inutile,
à ses yeux.
— Quand allons-nous revoir Zac ? demanda Trey.
— Demain, répondit Ryan. Plus vite il se sentira à l’aise avec nous, plus
vite il voudra intégrer notre meute.
Il y serait entouré de gens capables de veiller sur sa sécurité.
— Il s’intégrera facilement, observa Trey. Je doute que ce soit facile en
revanche de gagner sa confiance. Il y a autre chose aussi qui pourrait
compliquer la donne.
— Quoi ? voulut savoir Dante.
— Il a l’air très attaché à Makenna.
— C’est elle qui l’a sauvé. Il est normal qu’il lui voue une admiration
sans bornes, supputa Jaime.
— Peut-être, reconnut Trey. Il ne reste plus qu’à attendre, et voir ce qu’il
se passera.
CHAPITRE 4
SONT INTERDITS :
L’ALCOOL
LA DROGUE
LES ARMES
LA VIOLENCE
LE VOL
TOUTE VIOLATION DU COUVRE-FEU
Une heure plus tard, après avoir passé un peu de temps avec Zac, et fait
une visite approfondie du sous-sol et des étages du refuge, les membres de
la meute du Phénix étaient prêts à repartir. Fière de ce qu’elle avait
accompli, Dawn leur avait tout montré, avec Makenna et Madisyn pour la
protéger.
Les loups de la meute du Phénix avaient beau avoir l’air sympathiques et
désireux de leur venir en aide, ils n’avaient pas pour autant gagné la
confiance de Makenna. Elle se méfiait surtout du grand baraqué qui ne se
gênait pas pour pénétrer dans son espace personnel comme s’il en avait le
droit. Ou plutôt, elle s’étonnait de ce que son comportement ne la perturbe
pas autant qu’il aurait dû.
Les loups firent leurs adieux à leurs hôtesses à la porte et se dirigèrent un
à un vers le SUV. Ryan traîna un peu, et s’approchant de Makenna, il
s’empara du téléphone que la jeune femme gardait dans la poche de son
blouson en jean et y ajouta son numéro de portable avant de le remettre
prestement à sa place. Elle ne l’aurait sans doute même pas remarqué si elle
ne l’avait pas justement regardé à ce moment-là. Tant d’audace aurait dû la
hérisser, mais trop occupée à admirer la furtivité de son geste, elle ne réagit
pas.
— Si Remy revient, ou si tu as d’autres problèmes, appelle-moi.
C’était un ordre qu’il avait proféré dans un grondement et elle comprit
qu’il ne tolérerait pas qu’elle le défie.
Une fille moins forte aurait sans doute défailli devant une telle
manifestation de domination.
— Fais gaffe, Croc-Blanc. Tu vas trop loin.
Ryan fronça davantage les sourcils mais ne dit rien. Il se contenta de fixer
son regard sur elle.
— Ouais mais bon, ça ne marchera pas avec moi, tu sais, cette façon que
tu as de me dévisager intensément en espérant me mettre mal à l’aise et me
faire craquer.
Ryan ne broncha pas, néanmoins la jeune femme perçut une minuscule
étincelle d’amusement dans les grands yeux noirs du lieutenant. Elle alla
même jusqu’à se demander comment il était quand il souriait. Est-ce que
tout son visage s’éclairait ? Est-ce que ses yeux se plissaient ? Avait-il des
fossettes ? Esquissait-il un sourire en coin ? Ou étirait-il simplement les
lèvres ?
Elle s’aperçut seulement à cet instant, en le voyant entrouvrir les lèvres,
qu’elle le dévisageait. Elle détourna vite le regard, et déglutit tant l’air
ambiant devenait brûlant et lourd. Elle sentit le désir couler dans ses veines
comme du miel chaud. Que cet homme suscite une telle émotion en elle…
Il détenait clairement une sorte de pouvoir sur elle, et cela l’angoissait.
— À plus, lui dit-elle en reculant d’un pas.
Le lieutenant émit une sorte de grognement, se retourna et partit. Tandis
qu’il s’éloignait lentement, elle en profita pour lui mater longuement le cul
qu’elle trouvait magnifique.
À peine le SUV avait-il disparu que Madisyn entraînait Makenna à
l’intérieur.
— Je veux tous les détails sur ce beau brun ténébreux.
La curiosité dévorait bien entendu la jolie féline.
— C’est le cousin de Zac, lui expliqua Makenna dans un haussement
d’épaules nonchalant. C’est tout, insista la jeune femme tandis que son amie
lui faisait un signe de la main pour l’encourager à poursuivre. Il n’y a rien
d’autre à en dire.
— Pourquoi l’appelles-tu Croc-Blanc ?
— Tu te souviens du film, non ? L’histoire d’un loup féroce et maussade,
un guerrier implacable.
— Ryan a l’air un peu sauvage, en effet. C’est sans doute une des raisons
pour lesquelles il te plaît autant.
— Hé ! Qui dit qu’il me plaît ? rouspéta Makenna. OK, OK, il me plaît,
admit la jeune femme en voyant son amie se taire et la dévisager
longuement. Ce n’est pas réciproque en revanche, j’en suis sûre.
Elle devait reconnaître qu’elle était attirée par son air dur et dangereux,
son côté mystérieux, mais aussi et surtout par sa force, son assurance. Il
paraissait tellement solide, inébranlable même. C’était comme une drogue
pour une fille comme elle qui n’avait jamais connu la stabilité, qui était
incapable de lâcher prise, et qui ne s’était pas sentie en sécurité depuis belle
lurette.
— Il te regarde comme s’il avait envie de te mordre, déclara Madisyn en
souriant et en secouant la tête.
— Pour une bonne ou une mauvaise raison ? s’enquit Makenna en
clignant des yeux.
— Tout dépend de ta définition de « mauvaise raison ».
— Pour tout te dire, je ne saurais que faire de lui. Je n’ai jamais fréquenté
un mec aussi dominant. (Il n’était pas du genre à se laisser manipuler.) Les
dominants sont compliqués, très autoritaires. Même Colton ne peut pas le
nier.
L’ours dominant debout à côté du bureau de l’accueil suivait ouvertement
leur échange et se contenta de hausser les épaules. Il n’était pas vexé. Ils
avaient eu une brève aventure mais avaient vite compris qu’ils étaient faits
pour être amis plutôt qu’amants et il ne subsistait aucune gêne entre eux.
— Ryan est plutôt taciturne de nature, reprit-elle. Mais quand il parle…,
commença-t-elle avant d’être interrompue par un frisson, je me demande
sérieusement s’il ne pourrait pas me donner un orgasme uniquement avec sa
voix.
— Tu sais, lui répondit Madisyn après avoir lancé un grand éclat de rire,
on dit que les hommes qui ne parlent pas beaucoup sont les plus expressifs
au lit. Ce ne serait peut-être pas une si mauvaise idée de le laisser te mordre
comme il a l’air d’en avoir sérieusement envie.
Peut-être. Peut-être pas. Makenna doutait fort de pouvoir un jour prendre
une telle décision. Elle était une solitaire et par conséquent il ne pourrait
jamais lui faire confiance, ni lui, ni sa meute. Une fois qu’il serait parti avec
Zac, il y avait peu de chances qu’elle le revoie. Même si les loups de la
meute du Phénix semblaient désirer ardemment leur venir en aide dans cette
histoire avec Remy, il se pouvait que ce soit surtout pour impressionner Zac
et gagner sa confiance. Qui vivra verra.
En attendant, où était passé ce foutu chocolat ?
CHAPITRE 5
Les coups de fouet claquant sur son dos. La blessure des cordes sur ses
poignets. La douleur insoutenable de griffes lui lacérant les côtes. La rage
et la haine circulant dans ses veines. La brûlure de la tige de métal chauffée
à blanc. Les voix qui le questionnaient en riant, le narguant. Les seaux
d’eau glacée qu’on versait sur lui. La perceuse lui traversant la main. La
morsure du sel et du poivre dont on enduisait ses blessures. Les odeurs de
sueur, de sang, de la colère, de la corruption, et de…
Ryan se redressa brusquement dans son lit, haletant, envahi par la même
fureur qui lui avait brouillé les idées il y avait de cela tant d’années. Son
loup s’était réveillé dans un hurlement animal mais s’était calmé dès qu’il
avait compris que ce n’était qu’un cauchemar. Ryan n’en faisait plus que
rarement, une fois tous les six mois au maximum, mais toujours le même,
des souvenirs qui remontaient sous formes de bribes d’images déformées.
Il avait été kidnappé à la suite d’une querelle opposant Trey à l’Alpha
d’une meute rivale, et retenu prisonnier et torturé pour lui arracher des
informations qu’il n’avait jamais révélées.
Et si les membres de la meute de Linton lui avaient effectivement posé
beaucoup de questions, Ryan ne croyait pas qu’ils s’étaient acharnés sur lui
dans l’intention d’obtenir des réponses. Ils l’avaient fait surtout pour le
plaisir. Leur Alpha étant une brute des plus sadiques.
Et pourtant ce n’était pas la torture physique qui avait failli achever Ryan,
mais plutôt le sentiment d’impuissance, la perte de maîtrise, son incapacité
à se défendre. Son loup piaffait d’impatience, furieux qu’on lui ait injecté
des drogues qui l’empêchaient d’émerger et de mettre ses ravisseurs en
pièces.
Ryan savait que son unique chance de s’en sortir serait de laisser les
pleins pouvoirs à son loup et risquer de devenir sauvage. Seul cet état lui
donnerait la rapidité et la force nécessaires pour affronter ses putains de
tortionnaires. Il n’était pas non plus sans savoir qu’une fois dans une telle
colère, son loup risquait d’entrer en frénésie et lui-même ne serait plus
qu’un animal tant dans son cœur que dans sa tête.
Il avait donc hésité pendant une quinzaine de jours. S’il devenait
sauvage, ses camarades de meute n’auraient en effet d’autre choix que de le
poursuivre et l’abattre. Mais plus les membres de la meute de Linton le
torturaient, plus ils exacerbaient son désir de liberté et de vengeance.
Épuisé, drogué, affamé, en colère et se tordant de douleur, Ryan avait fini
par relâcher son loup. Ce dernier avait réussi à émerger en dépit des drogues
et incontrôlable dans son état sauvage, il s’était évadé après avoir massacré
ses ravisseurs. Ryan avait conservé bien peu de souvenirs de cet épisode,
son côté humain presque entièrement annihilé par l’animal.
Son loup était alors rentré au territoire de la meute du Phénix,
suffisamment calmé pour que Trey et Dante puissent l’aider à reprendre
forme humaine. À ses camarades, il n’avait rien pu dire d’autre que la petite
meute de Linton l’avait capturé et que tous ses membres étaient morts. Ils
n’avaient pas cherché à en savoir davantage, peut-être avaient-ils deviné
que cela ne servirait à rien. Ryan était devenu insensible sur le plan
émotionnel. Il s’était retrouvé à deux doigts de devenir sauvage et de ne
plus pouvoir reprendre forme humaine.
Grâce à la sollicitude de ses amis, le temps aidant, il allait mieux et se
portait aussi bien que possible. Le soutien de sa meute, unie et loyale envers
les siens, avait contribué à sa guérison. C’était la raison pour laquelle il
croyait que sa meute ferait du bien à Zac. L’adolescent avait simplement
besoin de s’en rendre compte par lui-même.
— Ryan m’a informé par SMS qu’il venait seul aujourd’hui, expliqua
Zac en jetant un coup d’œil à travers la porte vitrée du refuge.
— Tu as l’air soulagé, répondit Makenna, étonnée.
— J’aime bien les autres, mais ils sont nombreux et…
— Je comprends, dit Makenna, qui avait deviné que l’adolescent se
sentait intimidé par ce groupe aux personnalités fortes.
— Pourquoi penses-tu qu’il vient sans les autres aujourd’hui ? demanda-
t-il en se léchant les lèvres.
— Ce n’est pas parce que tu ne leur plais pas, le rassura-t-elle, voyant
l’inquiétude se dessiner sur son front, aussi visible qu’une enseigne
lumineuse criarde de discothèque.
— C’est clair, ils désirent que tu intègres leur meute, ajouta Colton en
hochant la tête. Mais Ryan n’a pas assez de billets pour le match pour tout
le monde. Ne te fais pas trop de souci, conclut-il en lui tapotant l’épaule
pour le rassurer.
— Ne te fais pas trop de souci, reprit la gamine de trois ans suspendue au
cou de l’ours.
On la surnommait « le perroquet » parce qu’elle répétait tout ce qu’elle
entendait. Les enfants adoraient Colton, un vrai nounours dans un corps de
catcheur.
— Ce doit être Ryan, déclara Zac en entendant un « bip » sur son
téléphone. Ah, non, c’est Dominic, dit l’adolescent en esquissant un large
sourire malicieux, après avoir passé le pouce sur l’écran.
— Est-ce que tu penses que je pourrais avoir envie de savoir ce qu’il
t’écrit ? s’enquit Makenna, l’air interrogatrice.
— Nan, pas vraiment.
— As-tu réfléchi à l’idée de Madisyn ? interrogea Colton en se tournant
vers elle, un sourire dans les yeux.
Il faisait allusion, elle s’en doutait, à l’idée de son amie de laisser Ryan la
mordre comme ce dernier semblait éprouver une telle envie de le faire. Or
Makenna n’était pas convaincue de lui plaire et quand bien même ce serait
le cas, quand bien même cela ne lui importerait pas qu’elle soit une
solitaire…
— Je n’ai ni le temps ni l’envie de m’occuper de ce type.
— Tu n’as jamais eu de problèmes avec moi, la contredit Colton en
renâclant. Je t’ai un peu trop souvent bousculée peut-être, mais tu m’as
toujours rendu la monnaie de ma pièce. Tu ne te laisses pas faire. Je veux
juste te voir heureuse, conclut-il en lui donnant un petit coup d’épaule. Il
n’y a pas que ce refuge dans la vie.
— Mmmm, dit-elle en voyant le SUV de Ryan entrer dans le parking. Le
voilà justement. Allons-y, ajouta-t-elle, sentant les muscles de son estomac
se nouer et sa louve se redresser, toute au plaisir de le revoir.
Quand elle parvint au bout de l’allée avec Zac, le lieutenant lui ouvrait
déjà la portière de sa voiture.
— Hé, Croc-Blanc, commença-t-elle, tu es venu sans ta garde rapprochée
aujourd’hui ?
Ryan poussa un grognement quand il huma le parfum de la jeune femme.
Puis il fronça les sourcils en reconnaissant l’odeur de Colton. Son loup
sortit les griffes, désireux d’affronter cet homme qu’il percevait comme un
rival. Il était assez tenté de le laisser faire.
— Ça roule ? lui lança alors Zac, le corps raide, en relevant le menton
comme le font souvent les adolescents.
Ryan le salua d’un geste de tête avant de se retourner rapidement vers un
véhicule qui venait de stopper non loin. Les deux occupants de la bagnole,
des hommes, évitaient soigneusement leurs regards. Exactement comme la
veille, d’ailleurs. Selon toute apparence, Remy faisait surveiller le refuge.
— Zac, pourquoi ne montes-tu pas devant ? suggéra Makenna. Vous
pourrez discuter entre mecs.
Quand ils eurent tous pris place à bord, Ryan démarra et adressa un
regard réprobateur aux sbires de Remy en s’éloignant. Personne ne parla.
Pour la première fois de sa vie, le silence mit Ryan mal à l’aise. Il devait
discuter avec Zac, apprendre à le connaître, il le savait, mais cela lui mettait
une telle pression qu’il en devenait irritable. Plus le silence durait, plus il
s’énervait.
Que pouvait-il dire à un garçon de quatorze ans ? À quoi s’intéressait-on,
à cet âge ? Il n’en avait pas la moindre idée. Zac et Dominic avaient l’air de
s’entendre comme larrons en foire. De quoi parlait-il avec Zac ? Quelque
chose qui n’était pas de son âge, il en était sûr.
Ce que Ryan aurait aimé savoir, plus que tout, c’était la raison pour
laquelle Zac s’était enfui. Il voulait découvrir qui l’avait fait souffrir ou plus
exactement, qui il allait égorger pour le punir du mal qu’il avait fait à Zac.
Cependant, jusqu’à ce qu’il ait gagné la confiance de l’adolescent, il valait
mieux qu’il se limite à des questions plus superficielles pour éviter qu’il ne
se replie sur lui-même. Il était important qu’il puisse se détendre en sa
compagnie, sauf que Ryan n’était pas exactement le gars le plus
décontracté.
Putain, il aurait dû prévoir une autre sortie, en groupe de préférence.
C’était Jaime qui avait eu l’idée du match. Elle pensait que Ryan et Zac
apprendraient à mieux se connaître s’ils n’étaient pas entourés de toute la
bande, auquel cas Ryan en profiterait pour faire comme il en avait
l’habitude, c’est-à-dire se taire et laisser les autres aborder les questions que
lui-même aurait dû poser. Ouais, bon, d’accord, elle avait raison, mais cela
n’était pas du tout évident pour lui.
— Hé, les mecs, lança Makenna interrompant le fil de ses pensées, je
crois que j’aurais de bonnes chances de survivre à une apocalypse zombie.
Et vous ?
Toutes les tensions se dissipèrent alors d’un seul coup.
— Elle fait souvent ça, ricana Zac. Poser de drôles de questions, je veux
dire, expliqua-t-il en se retournant un peu sur son siège. Ouais, moi aussi, je
pense… Et toi ? demanda-t-il à Ryan en le regardant.
— Je ne vois pas du tout ce que je pourrais dire à ce sujet, affirma Ryan
après avoir ouvert et fermé la bouche au moins trois fois avant de trouver
une réponse.
Cela n’avait aucun sens. Si en revanche elle cherchait un moyen de
détendre Zac, elle avait réussi. Le cerveau de Makenna empruntait de bien
étranges chemins, songea Ryan. Mais bon, d’accord, il se sentait aussi plus
à l’aise. Assez pour trouver quel sujet aborder avec Zac.
— Es-tu fan de football américain ?
— Un peu oui ! s’exclama l’adolescent dont les yeux brillèrent à
l’évocation du sport. (C’était manifestement la bonne question à lui poser.)
Les Grizzlies sont trop top !
Les Grizzlies étant l’équipe de football américain composée de
métamorphes ours qu’ils allaient voir jouer.
— Qui est ton joueur préféré ?
Makenna écouta Zac et Ryan parler de football. Un bon moyen de tisser
des liens entre eux. C’était assez touchant de constater à quel point Ryan
avait du mal à bavarder de choses et d’autres. Elle avait rarement vu un mec
aussi peu à l’aise en société. Elle appréciait beaucoup cependant qu’il ne
porte pas de masque. Trop de gens en avaient un, trop de gens disaient et
faisaient ce qu’ils pensaient que les autres voulaient. C’était difficile de
jeter les bases d’une amitié quand celles-ci étaient faussées dès le départ.
Elle observa Ryan aller au-delà de sa zone de confort pour apprendre à
connaître Zac et comprit l’importance qu’il lui attachait. Cela la fit sourire.
Ryan Conner, pensa-t-elle, était un type bien. Ce n’était pas tellement qu’il
avait de bonnes manières, qu’il était sécurisant ni réconfortant. Non, il était
plutôt dominant, dangereux, un homme qui n’hésiterait pas à tuer au besoin.
Sa meute comptait beaucoup pour lui et il avait un sens du devoir très
développé, qui forçait son admiration.
Quand ils parvinrent au stade, Zac et Ryan étaient déjà beaucoup plus à
l’aise ensemble. Makenna garda le silence, sauf pour commander à boire et
à manger, bien évidemment. Beaucoup de filles mataient Ryan et lui
adressaient même des sourires aguicheurs, remarqua Makenna. Pétasses !
Sa réaction était-elle disproportionnée ? Oui, sans doute, mais bon, tant
qu’elle ne le disait pas à haute voix, elle pouvait bien penser ce qu’elle
voulait.
Ryan les guida jusqu’à leurs places, et fit passer Zac et Makenna devant
lui. La jeune femme s’arrêta net cependant en arrivant à son siège.
— Quelque chose ne va pas ? lui demanda-t-il.
— Je ne peux pas m’asseoir là.
— Pourquoi pas ?
— C’est le numéro treize.
Il voulait vraiment qu’elle prenne cette place ? Il devait être fou.
— Oui, c’est un numéro, tu as tout compris, articula-t-il comme s’il
s’adressait à une handicapée mentale.
— Un numéro qui porte malheur.
— Rien de tel, insista Ryan en secouant la tête et en résistant à la
tentation complètement vaine de discuter avec elle. Allez, prends mon siège
et je m’assois là, conclut-il, persuadé qu’elle était cinglée et qu’il n’y avait
rien d’autre à faire.
Makenna regretta presque de l’exposer ainsi au danger mais accepta de
changer de place avec lui. Se carrant dans son siège, elle sirota son Coca
avec une paille, absorbant l’atmosphère pleine d’anticipation du stade. La
foule était remontée, débordante d’excitation.
— Qu’est-ce qu’il fait chaud ! soupira-t-elle.
Installé entre Ryan et Makenna, Zac sourit.
— Ces places sont trop stylées, mec. Comment as-tu pu les dégotter à la
dernière minute ?
— Je les ai achetées il y a un moment déjà. Dominic et Patrick devaient
m’accompagner.
Ils avaient été bien dépités d’être ainsi évincés et s’en étaient plaints,
mais en vain. Ryan les avait dévisagés jusqu’à ce qu’ils lèvent les mains en
signe de reddition.
— Et toi, est-ce que tu joues bien au football ? s’enquit-il.
— Je me débrouille. Je joue parfois avec Colton ou d’autres mecs au
refuge.
Le loup de Ryan ne put retenir un grognement quand il entendit ce nom.
Il considérait l’ours comme son rival. Non qu’il pense que Makenna sortait
avec lui. Cela ne signifiait pour autant qu’il avait envie d’entendre parler de
lui.
— Makenna venait parfois nous voir jouer, mais elle a été expulsée des
rangs des supporters.
— Expulsée ? lança Ryan, visiblement étonné.
— C’était complètement injustifié, protesta cette dernière en remontant
ses lunettes de soleil.
— Tu as donné un coup de poing à l’arbitre, expliqua Zac, hilare. Avant
même le début du match.
— Il avait dit à Cady que les filles ne pouvaient pas jouer au football
parce qu’elles étaient trop fragiles. Je voulais juste prouver à ce connard
machiste que toutes les filles ne sont pas fragiles.
Ryan perçut une réelle indignation dans la voix de la jeune femme. Il
commençait à saisir que Makenna était capable de lutter âprement pour une
cause importante en laquelle elle croyait. Cela lui plaisait bien.
Au départ, il avait soupçonné qu’elle utilisait le refuge pour se cacher, ou
alors pour chercher la rédemption. Mais il devait y avoir autre chose…
— Tu travailles au refuge pour aider les solitaires, c’est ça, non ?
En effet, les solitaires n’avaient aucun droit, aucune protection et
traînaient une horrible réputation. Une injustice qui ne pouvait que répugner
à cette fille qu’il apprenait à connaître. Peut-être parce que personne ne
défendait ses droits à elle.
— Il est bien, ce refuge, non ? dit en souriant Makenna qui n’aimait pas
qu’il la devine aussi bien.
Elle était très douée pour éluder les questions, dut reconnaître Ryan. Cela
l’énervait.
— Est-ce que tu réponds toujours à une question par une autre ?
— Est-ce que c’est ce que tu penses ?
Il eut bien du mal à résister à la tentation de grincer des dents mais il se
contenta de mordre dans son hot dog.
— Makenna m’a dit que tu étais un pisteur, intervint alors Zac. Comment
l’es-tu devenu ?
— Un des lieutenants de mon ancienne meute m’a appris quand j’étais
enfant.
— Ah, oui ?
— Je passais beaucoup de temps avec les lieutenants quand j’étais petit.
Au début, c’était surtout parce que sa mère le leur confiait pour que son
père qui était en formation s’occupe un peu plus de lui. Ryan n’était pas
mécontent. Au contraire, il aimait regarder son père et les autres à l’œuvre.
Du coup, ils lui avaient donné le même entraînement, lui avaient appris à se
battre, à chasser, et plus tard, à tuer. Ces lieutenants l’avaient aidé à
développer ses talents, à acquérir des compétences et l’assurance dont il
s’enorgueillissait maintenant. À la maison avec sa mère, il avait toujours
l’impression d’être de trop, d’être un fardeau. Avec les lieutenants, il sentait
qu’il faisait partie d’un groupe, qu’il était utile et digne d’estime.
— Est-ce que tu aimes ce travail ?
— Oui.
Il n’avait jamais aspiré à rien d’autre.
— C’est bien, comme boulot ? s’enquit Zac après avoir avalé quelques
poignées de pop-corn.
— C’est très dur, épuisant même, mais gratifiant aussi. Les heures sont
longues, expliqua-t-il se gardant bien d’expliquer qu’il travaillait plus que
les autres. Ce matin, je me suis levé à 6 heures…
— Vraiment ? Je ne sais même pas à quoi ressemble le monde à cette
heure-là !
Makenna sourit en écoutant la description succincte que fit Ryan de la
journée typique d’un lieutenant. Elle ne put s’empêcher de remarquer qu’il
ne donnait aucune impression personnelle sur son poste ou ses
responsabilités. Il ne semblait pas chercher à éviter de le faire ni à cacher
ses émotions. Non. C’était plutôt comme si cela ne lui était jamais venu à
l’esprit que les autres puissent avoir envie de connaître son avis.
Elle se demanda si cela avait à voir avec ses parents. En faisant des
recherches sur la famille de Zac pour lui trouver un éventuel tuteur,
Makenna avait découvert toute l’histoire de Ryan. Sa mère était une sale
égoïste qui râlait tout le temps. Son père, lui, était un lieutenant à la retraite
avec un gros penchant pour le whisky.
Avec des parents à ce point égocentriques et distants, un enfant ne
pouvait que croire que son ressenti ne présentait aucun intérêt. À l’idée de
la négligence et de l’isolement affectif dont Ryan enfant avait sans doute été
victime, Makenna sentit son cœur se serrer. Protectrice envers le lieutenant,
sa louve grogna. Makenna devait reconnaître qu’elle éprouvait la même
chose pour cet homme bourru. Elle ne s’attarda pas à se demander pourquoi
parce qu’elle avait souvent des idées incongrues. Puis elle n’eut pas le
temps d’y réfléchir plus longuement car la voix du commentateur sportif du
stade explosa dans les haut-parleurs.
Même si la jeune femme n’était pas spécialement fan de football
américain, elle se laissa captiver par le jeu. Le match était des plus chauds.
Zac faisait comme les autres : il poussait des cris d’encouragement,
s’exclamait, proférait des volées de jurons, hurlait son avis et se plaignait
des coups de pied de réparation. Fidèle à lui-même, Ryan ne broncha pas. Il
lui arrivait cependant d’émettre un grognement ou de secouer la tête et ses
yeux brillaient de plaisir à chaque touchdown.
Zac lâcha un juron particulièrement virulent au moment même où le
ballon, changeant de direction, vola vers la foule et…
Makenna ne put s’empêcher de grimacer en le voyant percuter de plein
fouet la tête de Ryan. Qu’est-ce que cela devait faire mal !
— Oh ! là, là ! Ça va ?
Le lieutenant fronça les sourcils encore plus que d’habitude, poussa un
grognement et renvoya le ballon sur le terrain. Quand ils quittèrent le stade
à la fin du match, il arborait une énorme bosse.
— Tu sais, ne put se retenir d’observer Makenna qui avait pris place à
l’avant, si tu ne t’étais pas assis à cette…
— Ne dis rien.
— ... tu n’aurais pas reçu ce ballon sur la tête.
— J’ai reçu ce ballon sur la tête, expliqua Ryan qui avait anticipé cet
échange, en serrant les mains sur le volant, parce qu’un footballeur l’a lancé
dans ma direction. Cela n’a rien à voir avec le numéro de la place. Si le
ballon avait dévié un tant soit peu de sa trajectoire, c’est toi qu’il aurait
heurtée.
— Non. J’ai une patte de lapin sur mon porte-clés.
— Quoi ? s’exclama-t-il après avoir marqué un temps d’arrêt.
— C’est un porte-bonheur.
— Tu penses vraiment que la patte d’un lapin mort te protège contre la
malchance ?
— C’est évident. T’es ignorant ou quoi ?
— Rassure-moi : c’est une blague, là, insista-t-il parce qu’il lui répugnait
de penser que Makenna puisse être un cas désespéré.
— C’est bien connu.
— Cela n’a rien à voir avec la connaissance. C’est de la superstition, une
belle connerie, en d’autres termes.
— Ce que tu peux être irrationnel, soupira-t-elle.
— Moi, irrationnel ? Ce n’est pas moi qui trimballe une patte d’animal
mort sur mon porte-clés.
— Peut-être que si tu le faisais, tu n’aurais pas reçu ce ballon sur la tête !
— Je n’y arrive pas, affirma Ryan en secouant la tête, incapable de
répondre à cet argument, je suis incapable de participer à une conversation
aussi illogique.
Un éclat de rire fusa du siège arrière où Zac essayait de se redresser.
— Qu’est-ce que vous pouvez être drôles, tous les deux ! lança-t-il.
— Je ne suis jamais drôle, rétorqua Ryan en regardant l’adolescent dans
son rétroviseur après avoir jeté un coup d’œil vers Makenna.
Il doutait fort qu’on ait jamais employé ce qualificatif pour le décrire ou
que ce serait jamais le cas.
— Tu l’es quand tu pètes les plombs avec Makenna.
— Je ne pète jamais les plombs, décréta Ryan en fronçant encore
davantage les sourcils.
— Je croyais, désolé, dit Zac en levant les mains en signe de reddition
tout en esquissant un sourire ironique.
Le garçon ne s’était pas trompé, dut reconnaître Ryan, à contrecœur.
Makenna avait le don de l’exaspérer. Cela ne l’empêchait pas pour autant de
désirer plus que tout l’emmener chez lui et la baiser jusqu’à ce qu’elle
s’endorme. Ce qui ne faisait qu’amplifier son sentiment de frustration.
D’habitude, Ryan n’était pas facilement distrait, mais Makenna Wray
l’attirait terriblement et de manière complètement irrationnelle, avec sa
démarche, sa conversation… Cela n’aurait pas dû être le cas. Vraiment pas.
Elle était fantasque, imprévisible, et elle posait des questions saugrenues.
Elle croyait que la patte de lapin sur son porte-clés pouvait la protéger
contre le danger mais aussi, elle adorait le faire bisquer. Il était assez doué
pour décrypter les autres, mais pas quand il était question d’une personne
qui n’agissait pas normalement.
Bref, cette fille était irrationnelle tandis que Ryan n’était que logique et
raison. Il aimait que les choses aient un sens dans son univers à lui, mais
c’était plus fort que lui, cette jeune femme le fascinait. Il éprouvait un désir
irrépressible pour cette fille à l’odeur alléchante, au regard sauvage, brillant,
et son loup aussi la trouvait attirante.
Tout cela énervait Ryan, bien honnêtement. Il s’enorgueillissait de sa
discipline stricte. Il n’avait aucun mal à résister aux tentations, n’éprouvait
jamais d’envies incontrôlables, ni d’obsessions. Makenna était l’unique
exception et il en souffrait.
— Attendez là, intima-t-il à ses passagers en arrivant devant le refuge où
il gara son SUV non loin de la Mustang de Makenna.
Il descendit de son véhicule et le contourna en examinant les environs
attentivement. Puis, comme il n’y avait aucun signe de Remy ni de ses
camarades de meute, il ouvrit les deux portières de droite.
— Merci de m’avoir invité au match, lui dit Zac en souriant. C’était
super. Sauf quand tu as reçu le ballon sur la tête, bien entendu.
Ryan aurait pris la compassion de Zac au sérieux s’il n’avait perçu une
petite lueur amusée dans le regard de l’adolescent. Il se contenta donc de le
dévisager longuement, le mettant au défi d’en rajouter.
— Bon, j’y vais, lança l’adolescent en serrant les lèvres pour contenir un
éclat de rire, et en se hâtant vers l’entrée du refuge.
— Il s’est bien amusé, déclara Makenna à Ryan quand Zac eut refermé la
porte. On a beaucoup accompli aujourd’hui. Tu as fait du bon boulot,
conclut-elle désireuse de lui faire comprendre qu’il avait gagné gros en
repoussant les limites de sa zone de confort.
Devant la sincérité manifeste du compliment que venait de lui faire
Makenna, Ryan se calma aussitôt. Il avait du mal à lui en vouloir
longtemps. Surtout quand il la voyait comme ça, jolie et tellement aimable.
Sans parler de sa merveilleuse odeur qui lui avait déclenché une érection
terrible qui avait duré toute la journée.
— Je ne pourrai pas voir Zac demain, expliqua-t-il en repensant à son
rendez-vous avec Myles. Je vais organiser quelque chose pour après-
demain.
— Envoie-lui un SMS quand tu auras décidé d’une sortie, proposa
Makenna en hochant la tête et en se retournant pour entrer dans le refuge.
— Farrah Grove, lança Ryan qui éprouvait du mal à la laisser partir.
— Je devrais la connaître ? demanda Makenna en faisant lentement
demi-tour après avoir fouillé sa mémoire, en vain.
— Elle a quitté sa meute à douze ans. D’aucuns prétendent qu’elle a
disparu, d’autres qu’elle s’est enfuie. Elle correspond à ta description.
— Oh, je vois. Tu penses que je suis cette fille ?
Ryan croyait qu’elle aurait pu être cette Farrah. Mais non. Makenna ne
savait pas grand-chose sur son passé, mais elle ne pouvait pas être cette fille
puisqu’elle avait quitté sa meute bien avant ses douze ans.
Elle eut soudain un doute cependant, là, devant lui. Mais non… Elle
n’avait pas l’air d’une Farrah. Plutôt d’une… Makenna, en fait.
— Alors si tu n’es pas Farrah Grove, qui es-tu ?
— Je vais te parler d’une chose que tu ne connais peut-être pas… Les
limites, conclut-elle. Cela signifie qu’il y a des informations que je ne désire
pas partager et tu dois le respecter. Et puis, n’oublie pas que cela ne te
regarde pas, Croc-Blanc.
Avant même d’avoir le temps de se rendre compte de ce qu’il faisait,
Ryan avait brusquement tendu la main et empoigné Makenna par les
cheveux.
— Tout ce qui te concerne me regarde.
Qu’elle dise le contraire… cela le vexait, lui qui avait une telle envie de
la goûter, de lui mordre la bouche.
— Lâche-moi, éructa Makenna après avoir dégluti bruyamment, excitée
bien plus qu’énervée par sa poigne dominante et possessive.
— Pourquoi ? J’ai envie de toi.
Ryan grimaça presque de s’entendre prononcer des mots aussi crus. Il
n’aurait pas dû le dire ainsi, mais il n’avait jamais été un charmeur…
— Et toi, tu as envie de moi aussi, affirma-t-il même si la jeune femme
avait l’air de vouloir le nier de sorte qu’il resserra son étreinte. Ton odeur te
trahit, alors ne mens pas.
— Mon corps te désire peut-être mais cela ne signifie pas que moi, je te
désire.
— Je te l’ai déjà dit : ne mens pas, lança-t-il en plaquant sa bouche sur la
sienne.
Puis il lui mordit la lèvre fortement. D’étonnement, elle ouvrit la bouche
et il en profita pour insérer sa langue. Merde, sa saveur était aussi enivrante
que son odeur. Douce et pétillante, comme du champagne. Incapable de se
rassasier, il la goûta, l’aspira, la lécha, la mordilla et la mordit même assez
fort pour laisser la trace de ses dents sur sa lèvre inférieure. Son loup émit
un grognement d’approbation en voyant la marque que lui léchait
tendrement Ryan.
— Tu m’as mordue, s’étonna Makenna dont le cœur s’emballait.
— Oui.
Il regarda attentivement sa marque, et se sentit envahi d’une satisfaction
toute masculine qui circula d’abord dans ses veines avant d’aller se poser
dans ses cellules et se fixer sur ses os. La vérité se révéla alors à lui. Il ne
pouvait pas le nier. C’était une évidence. Il n’y avait pas d’autre explication
possible.
Ryan ne cherchait jamais à analyser ses pensées, ses actions ni ses désirs.
Et là, il n’avait pas besoin de longues réflexions pour comprendre que cette
fille était son âme sœur.
« Âme sœur »… Ce terme lui plaisait, ainsi qu’à son loup. Comme une
pièce de puzzle qui trouve sa place.
Cela expliquait les émotions primitives qu’il avait éprouvées depuis la
première fois qu’il avait senti son odeur : le désir incontrôlable de la
posséder, de la faire sienne, le droit de la protéger et de la défendre, et
l’insatiable faim d’elle qui ne faisait que croître. Les faits parlaient d’eux-
mêmes même si Ryan ne percevait pas encore de lien d’union.
— Makenna…, commença-t-il avant de s’interrompre ne sachant
comment lui expliquer ce qu’il ressentait.
Il n’avait jamais su dire les choses. Son intuition lui soufflait que ce ne
serait pas une bonne idée de lui balancer tout cela directement avec son
habituelle absence de tact. Il devait d’abord réfléchir, trouver la bonne
manière de le lui expliquer. Elle risquait en effet de lui répondre qu’il se
trompait, et elle le ferait, son instinct le lui assurait.
Il prit le temps d’aspirer son odeur jusqu’au fond de son être. Puis il la
relâcha après un dernier petit coup de langue sur sa marque. Il eut du mal à
se détacher d’elle. C’était vraiment très dur, putain ! Maintenant qu’il avait
compris – et il en était sûr, il le sentait en son for intérieur –, qu’elle était
son âme sœur, il trouvait anormal de s’éloigner d’elle.
— Fais bien attention à toi, Makenna, pour moi, dit-il. N’oublie pas : si tu
as un problème, tu m’appelles.
Il péterait un câble si la moindre chose lui arrivait. Il lissa du doigt le
front de la jeune femme qui s’était plissé, sans doute parce qu’elle avait été
intriguée par ses mots.
Ryan alla alors s’installer au volant de sa voiture et regarda une dernière
fois la jeune femme. C’était une erreur. En effet, la distance, si petite fût-
elle, qui le séparait de Makenna l’énerva profondément. Ainsi que son loup
qui voulait retourner auprès d’elle. Pour la prendre, la mordre, la posséder.
Il rassura son loup, lui fit comprendre qu’il la revendiquerait. Ryan ne
passerait pas à côté de cette chose merveilleuse à sa portée. Elle était son
âme sœur, elle était faite pour lui et il ne la perdrait pas.
Quand le SUV eut disparu de sa vue, Makenna inspira longuement pour
se calmer. Ce mec savait parfaitement comment déstabiliser une fille. Ses
baisers étaient à son image : dominants, assurés et adroits.
Puis il l’avait mordue.
Elle s’était hérissée devant ce geste de possessivité mais elle avait été
tellement choquée qu’elle n’avait rien pu faire d’autre que le dire et le
dévisager de surprise. Madisyn l’avait prévenue que Ryan la regardait
comme s’il avait envie de la mordre, mais Makenna n’avait jamais envisagé
qu’il le ferait.
Ce petit épisode ne fit que confirmer ce qu’elle avait pressenti depuis le
début, à savoir qu’il était un connard très insistant qu’elle serait absolument
incapable de maîtriser. Alors pourquoi le désirait-elle ? Parce que toute cette
force, toute cette assurance et toute cette énergie animale agissaient comme
un aphrodisiaque pour Makenna. En conclusion, elle était mouillée, et en
redemandait… et l’andouille était partie. La jeune femme aurait été vexée,
l’aurait soupçonné d’être rebuté par son statut de solitaire, s’il n’avait
prononcé ces quelques paroles en la quittant :
« Fais bien attention à toi, Makenna, pour moi. »
Pourquoi ? Et pourquoi avait-il semblé hésiter à la laisser ?
Makenna secoua la tête pour reprendre ses esprits et se dirigea vers le
refuge. Madisyn et Colton bavardaient à l’accueil.
— Ça va ? s’enquit son amie en s’approchant lentement d’elle.
— Oui, soupira Makenna. Je suis juste un peu fatiguée.
— Ah, dit Madisyn en lui tapotant l’épaule. C’est ce baiser qui t’a vidée,
non ? Ne me grogne pas dessus, Makenna Wray.
— Va te faire voir, féline !
— Ryan a embrassé Makenna, scanda Madisyn, ce qui fit rire Colton.
Ryan a embrassé Makenna. Ryan… Aïe ! Mais lâche mes cheveux, espèce
de vache !
CHAPITRE 7
Patrick faisait partie de ces gens qui prenaient plaisir à asticoter les
autres.
Toutefois toutes ses tentatives pour faire bisquer Ryan échouaient
lamentablement. Quand par hasard son collègue réagissait, c’était beaucoup
plus parce qu’il perdait patience qu’en raison des taquineries de Patrick.
Mais, ce jour-là, ses efforts n’étaient pas restés vains.
— Tout ce que j’ai dit, c’est que Makenna est vraiment canon, insista
Patrick de la place du mort. Pas besoin de faire la gueule.
Il fallait voir comment il en avait rajouté ! Il s’était extasié sur ses
attributs physiques, ses yeux, sa bouche, ses seins, son cul et ses jambes.
— Qu’est-ce que t’as ? Tu es encore plus bourru que d’habitude, observa
Dante, l’air curieux, en fixant ses yeux sur son collègue dans le rétroviseur.
Ryan ne répondit pas. Il avait juste hâte que soit terminée cette rencontre
avec les camarades de meute de Myles. Il avait mal dormi, ayant passé une
grande partie de la nuit à réfléchir à ce qu’il dirait à Makenna. Il voulait la
voir, la toucher, humer son parfum.
Il n’avait pas encore informé les autres qu’elle était, selon lui, son âme
sœur. Il préférait en parler avec la jeune femme d’abord.
— Je doute que tu sois au courant, mais est-ce que tu sais si Makenna
sort avec quelqu’un ? lui demanda Patrick.
Ryan grogna quand il comprit d’après son timbre de voix que Patrick
s’intéressait à elle. Son loup partagea sa colère.
— Je ne pense pas me tromper en disant que ça, c’était un grognement de
possessivité, lança Patrick, hilare.
— Tu es très différent avec elle, s’étonna Jaime. Tu discutes avec elle. Et
pas seulement par monosyllabes. Vous avez de vraies conversations
ensemble.
— Elle te parle aussi, ajouta Taryn. Dominic m’a dit qu’elle est même
capable d’interpréter tes grognements.
— J’espère qu’elle est célibataire, intervint Patrick. Ça fait un bon
moment que je n’en ai pas rencontré…
— Ta gueule ! grogna Ryan.
— Ha, ha, ha ! Ryan commence enfin à s’intéresser à une nana !
s’esclaffa Patrick.
— Ne fais pas attention à lui ! lâcha Trey en se penchant et en frappant
Patrick sur l’arrière de la tête. Fais comme s’il n’était pas là.
C’était un bon conseil, estima Ryan.
Ils parvinrent bientôt au territoire de la meute de Myles. Les loups en
faction à la barrière les laissèrent pénétrer et leur indiquèrent où garer leur
véhicule. Ils les accompagnèrent ensuite jusqu’à la salle à manger de la
grande demeure de la meute où ils rencontrèrent le couple d’Alphas qui se
leva en les voyant entrer. Travis Bradwin était un costaud, grand, large
d’épaules et musclé. Elise, sa compagne, était presque de la même taille que
lui. Si la présence de six loups étrangers sur leur territoire les stressait, ils
n’en montrèrent rien.
D’après Rhett, Bradwin était devenu Alpha à vingt et un ans. Il s’était uni
à sa compagne un an plus tard et ils avaient eu quatre enfants. Il restait en
retrait, ayant peu de goût pour la politique et les alliances. Il ressemblait
passablement à Trey en cela. En effet, l’Alpha de la meute du Phénix ne
s’était jamais préoccupé de se forger des alliances avant son union avec
Taryn, à une époque où un taré un peu trop ambitieux l’avait pris pour cible.
— Coleman, dit Travis en saluant Trey d’un signe de tête.
— Bradwin, répondit Trey.
Les salutations étaient restées simples, mais polies et respectueuses.
Travis présenta alors sa compagne et ses deux lieutenants, puis Rosa et
Fenton, les deux loups qu’ils étaient venus voir. Trey fit de même avec les
personnes qui l’accompagnaient. Puis ils s’assirent tous, à l’exception de
Ryan qui préféra demeurer debout dos au mur, sur ses gardes.
— Myles m’a dit que vous souhaitiez interroger deux de nos membres,
commença Travis. Nous avons trouvé votre approche un peu cavalière.
Vous auriez dû me joindre d’abord pour solliciter un rendez-vous.
— J’ai pensé que vous m’appelleriez s’il y avait un souci, répondit Trey
qui ne sembla pas s’offusquer de l’attitude de Bradwin. Mais vous ne l’avez
pas fait. Pourquoi ? Et pourquoi nous avez-vous laissés entrer chez vous ?
— Parce qu’il s’agit de Remy Deacon. J’ai moi-même des enfants et si
les rumeurs qui circulent sur son compte sont vraies, je donnerai volontiers
un coup de main à qui voudra lui faire la peau.
Tant mieux, parce que c’était sans doute ce qu’il allait se passer.
— Ces rumeurs sont-elles fondées ? s’enquit Elise en se mordant la lèvre.
— C’est ce que nous sommes venus déterminer, répondit Taryn.
Celle-ci avait insisté pour accompagner Trey qui avait l’art d’inspirer la
crainte chez les autres. Elle estimait que sa présence pourrait avoir un effet
rassurant, ce qui était un raisonnement assez étrange en soi. La présence
d’une fille pouvait certes normalement calmer le jeu mais il y avait peu de
chances que ce soit le cas avec Taryn compte tenu de sa réputation. On la
disait en effet aussi cinglée que son compagnon.
— On a des questions à vous poser sur Remy Deacon, dit Trey en
s’adressant à Rosa et Fenton.
— Est-ce que je peux vous demander pour quelle raison vous vous
intéressez à lui ? demanda Rosa en se léchant les lèvres.
— Je ne peux pas vous donner de détails. Tout ce que je peux vous dire,
c’est qu’il pourrait bientôt se trouver dans une situation où il aurait
facilement accès à plusieurs enfants métamorphes.
À ces mots, Fenton recula brusquement et Travis lâcha un juron.
— Que voulez-vous savoir ? s’enquit Rosa en déglutissant.
— Je veux savoir quelle sorte d’Alpha est Remy, affirma Taryn en
s’approchant de la table et en s’y accoudant. Je veux me faire une idée de sa
personnalité. Comment le décririez-vous en quelques mots ? À part, bien
entendu, « dominant » ou « dominateur ». Ça, on l’a deviné.
— Charismatique, lança Rosa après avoir réfléchi un court instant.
Propre. Bien élevé. Déterminé. Soupe au lait. Je dois cependant reconnaître
que je ne l’ai jamais vu péter un câble. Je dirais plutôt qu’il souffre d’accès
de rage épisodiques.
— C’est un bon Alpha, ajouta Fenton. Plus ambitieux et plus cupide que
d’autres, mais pas négligent. Il protège ses loups, la meute est bien
organisée et forte.
— D’après ce que m’a dit Myles, sa mère aurait abusé sexuellement de
lui. Est-ce vrai ?
— Leur relation…, débuta Rosa qui semblait chercher ses mots, est
malsaine. Elle ne supporte pas de voir une fille lui tourner autour.
— Elle a peut-être du mal à couper le cordon, hasarda Taryn en souriant.
Elle devait penser à Greta, songea Ryan.
— Il faudrait que vous les voyiez ensemble pour comprendre ce que je
veux dire, expliqua Rosa en secouant la tête. Elle le touche sans cesse, le
caresse tout le temps, pas comme une mère normale avec son fils si vous
voyez ce que je veux dire. Ça me dégoûte. Deanne est aussi possessive avec
lui qu’une métamorphe avec son compagnon. Elle l’accuse sans cesse de
coucher avec toutes les femelles de la meute. Pourtant, que je sache, il n’a
jamais touché à une seule d’entre elles. Pourtant, je connais des filles qui
auraient bien aimé partager son lit. Elles ne croient pas toutes les rumeurs.
— Et Remy ? Comment est-il avec sa mère ? interrogea Taryn.
— Je n’irais pas jusqu’à dire qu’il apprécie ses caresses, mais il ne la
repousse jamais. Il n’aime pas qu’elle soit aussi possessive et il leur arrive
de s’engueuler sérieusement à ce propos. Puis elle éclate en sanglots et se
plaint qu’il ne l’aime pas parce qu’il ne crierait jamais contre elle comme
cela si c’était le cas. C’est comme je vous l’ai expliqué tout à l’heure,
poursuivit Rosa en se frottant les bras, il faut les voir ensemble pour
comprendre. Je l’ai déjà dit et je le répète : ce n’est pas normal qu’une mère
touche tout le temps son fils comme ça.
— On m’a raconté que Remy passait beaucoup de temps avec les enfants,
déclara Trey en entourant du bras le dossier de la chaise de Taryn.
— Les garçons, surtout, déclara Fenton en hochant la tête. Il les garde
toujours près de lui.
— Tu es certain que ce n’est pas pour les protéger contre Deanne ?
demanda Taryn en haussant les épaules. Parce que si elle a abusé de lui
sexuellement, il pourrait craindre qu’elle recommence avec d’autres
enfants.
— J’y ai pensé, répondit Rosa en se tordant les mains, mais…
— Oui ? insista Trey.
— Il faudrait que vous le constatiez par vous-même… Sa façon de les
toucher, expliqua Rosa qui semblait fouiller jusqu’au fond d’elle-même
pour trouver des termes précis, c’est très innocent, presque révérencieux. Il
les tapote sur la tête, dans le dos. Il joue avec leurs cheveux. Une fois, j’ai
vu un gamin reculer pour esquiver une caresse et Remy l’a giflé si fort que
le pauvre est tombé. Le petit n’a jamais recommencé.
Ryan contint un grognement. C’était comme si Remy les dressait, les
habituait à son contact.
— Combien de garçons ont disparu ? s’enquit Dante en prenant la main
de Jaime.
— Trois, dont deux orphelins, répondit Fenton.
— Quel âge avaient-ils ?
— Je ne suis pas tout à fait sûr, mais il me semble qu’il y avait deux
bambins de sept ans et un de huit ans.
— Pensez-vous que Remy les a tués ?
— Je ne saurais pas dire. C’est difficile de l’imaginer faisant ce genre de
chose. Il est très protecteur avec les petits, même si c’est pour de mauvaises
raisons.
— Peut-être qu’ils se sont débattus, ou qu’ils ont menacé de parler,
suggéra Jaime. Cela n’aura pas plu à Remy.
Ryan grogna son assentiment. Remy aurait pu s’en débarrasser pas
uniquement pour protéger sa réputation, mais aussi pour montrer aux autres
enfants ce qui allait leur arriver s’ils ne lui obéissaient pas.
— Myles nous a dit qu’un des hommes de la meute avait accusé Remy
d’abuser de son fils, affirma Trey.
— Moi, je n’y étais pas, répondit Fenton. Mais Rosa, oui.
— C’était affreux ! Vance était un loup dominant, mais pas du genre à
chercher la bagarre. C’était un mec calme qui s’énervait rarement. Mais ce
matin-là, il est parti à la recherche de Remy l’air furieux, comme s’il voulait
lui faire la peau. Selon Vance, Clay, son fils, lui aurait raconté que Remy
avait eu des attouchements déplacés avec lui lors d’une randonnée. Alors il
l’a traité de malade, de pervers et de tout un tas d’autres noms d’oiseaux.
Puis il s’est rué sur Remy et s’est transformé en un clin d’œil. Il s’est bien
battu mais Remy a gagné la bataille. La compagne de Vance n’a pas survécu
à sa mort et Clay a simplement disparu. Certains pensent que Remy l’a tué
mais la plupart croient qu’il s’est enfui.
— Combien parmi vous soupçonnent Remy d’être pédophile ? s’enquit
Ryan.
— Pas tant que ça, répondit Fenton. On en a parlé, on a même envisagé
de se réunir pour l’affronter. Sauf qu’on est pour la plupart des soumis et
donc, on n’aurait aucune chance contre lui, même en groupe puisque Remy
a son Beta et ses lieutenants pour le protéger.
C’était vrai, ils auraient été tués et cela n’aurait servi à rien ni à personne.
— Quand on a vu ce qui était arrivé à Vance, on a tous eu peur, ajouta
Rosa. En le tuant, Remy a montré à la meute ce qui allait arriver à ceux qui
osaient exprimer leurs soupçons. Et c’est tout ce qu’on a, des soupçons.
— Mais Clay, le fils de Vance, a bien accusé Remy d’abus, leur rappela
Patrick.
— Oui, convint Fenton, mais comme l’a signalé Remy à l’époque, Clay
était un gamin perturbé connu pour des larcins et des mensonges à
répétition.
La cible parfaite, tout compte fait. En effet, il était peu probable que les
autres prêtent foi à ses accusations.
— Vous n’êtes quand même pas restés, intervint Dante, l’air curieux. Je
suis étonné qu’il vous ait laissés partir.
— Remy est comme ça, dit Fenton. C’est un bon Alpha. Il traite bien les
membres de sa meute. C’est pourquoi c’est tellement difficile de le croire
coupable de ce dont on l’accuse. En ce qui nous concerne, c’était surtout
qu’on a des enfants et on ne voulait pas prendre de risques.
Ryan partageait leur avis et il était hors de question pour lui de remettre
le refuge à Remy. Si les rumeurs se révélaient fondées, Remy mourrait.
— Viens, allons manger, dit Ryan à Zac quand Dante annonça que la
viande était cuite.
Zac posa le ballon et lui emboîta le pas.
— Tu joues bien, le félicita Patrick qui passait en courant avec Marcus et
Tao.
— Bienvenue dans notre meute, gamin, lui lança Marcus en se
retournant, tout sourires.
À ces mots, Zac s’arrêta net mais seul Ryan le remarqua.
— Qu’est-ce qu’il y a ? s’enquit Ryan en percevant l’inquiétude qui
s’était dessinée sur les traits de l’adolescent.
— Mon ancienne meute va vouloir me retrouver, lui expliqua Zac en
chuchotant pour que les autres ne l’entendent pas. Makenna n’a rien dit,
mais je sais que c’est le cas.
— Si ces gens viennent ici pour te chercher noise, ils mourront, jura Ryan
en sortant ses griffes, ce qui fit sursauter Zac mais ne l’effraya pas,
heureusement.
— Tu ne sais même pas ce qui m’est arrivé là-bas.
— Alors, dis-le-moi.
— Si je te le dis, tu ne voudras plus de moi.
— Ce qui t’est arrivé n’est pas ta faute, rétorqua sèchement Ryan qui
aurait aimé savoir s’exprimer moins brusquement. Plusieurs solitaires du
refuge ont été victimes d’abus. Est-ce que tu les tiens pour responsables ?
Est-ce que tu as une moins bonne opinion d’eux à cause de cela ?
— Non, répondit Zac en reculant d’étonnement.
— Alors voilà, poursuivit Ryan en rentrant ses griffes. Tu fais partie de
cette meute maintenant. Si quelqu’un vient ici t’embêter, on le butera.
Allez, viens.
Ces paroles auraient sans doute fait peur à un autre adolescent mais elles
plurent beaucoup à Zac.
— Vite, une question, dit Tao, le Premier lieutenant, en s’approchant de
Ryan au buffet. Que se passera-t-il si je demande à Makenna de sortir avec
moi ?
— Je t’égorgerai avant que le dernier mot ne soit sorti de ta bouche, lui
assena Ryan avec un calme qu’il n’éprouvait pas.
— C’est bien ce que je pensais, affirma Tao en hochant la tête.
Ryan et Zac se servirent avant d’aller retrouver les autres, installés à la
longue table. Zac s’assit à la gauche de Makenna et Ryan à sa droite, après
avoir obligé Dominic à changer de place.
— Je t’ai apporté à manger, déclara Ryan à Makenna en posant devant
elle une assiette qu’il lui avait préparée en tenant compte de ses goûts
d’après leurs conversations précédentes.
— Merci, Ryan, lui dit-elle dans un sourire radieux en le regardant, puis
en examinant son assiette. Tu es trop chou.
Euh ! Pas vraiment en fait. L’expression sur le visage de ses camarades
de meute montrait qu’ils étaient sceptiques aussi concernant ce qualificatif.
Il surprit également les regards complices qu’échangèrent Taryn et Roni en
les observant et en chuchotant. Il ne s’y opposerait pas si elles avaient envie
de jouer les entremetteuses. Il avait besoin de toute l’aide qu’on voulait bien
lui donner.
Pendant le repas, Ryan écouta Makenna comparer avec Jaime la gestion
d’un refuge pour métamorphes et celle d’un refuge pour animaux. Greta ne
se priva pas de faire des remarques désobligeantes à Makenna auxquelles
elle ne prêta aucune attention sans que cela semble lui coûter. Elle ne
paraissait vraiment pas perturbée par les propos de la vieille dame et Ryan
se demanda si c’était parce qu’elle avait l’habitude d’entendre ce genre
d’âneries, en tant que solitaire. En tout cas, cela ne plaisait pas du tout à
Ryan.
— Ça suffit, Greta, lança-t-il, excédé.
— Mais tu ne sais même pas pourquoi elle a été bannie de sa meute !
En voyant le sourire de la jeune femme, Ryan devina qu’elle avait fait
bisquer Greta. Il n’avait d’ailleurs aucun mal à le croire, vu son
tempérament provocateur.
— Cette journée a été organisée en l’honneur de Zac, Greta. Je t’interdis
de la gâcher, assena Trey à sa grand-mère.
Il avait ôté les mots de la bouche de Ryan. En tendant la main pour
attraper le ketchup, le lieutenant renversa accidentellement la salière.
Makenna prit rapidement une pincée du sel qui s’était répandu sur la table
et le lui offrit. Ne comprenant pas ce qu’elle lui voulait, il se contenta de la
dévisager.
— Jette-le par-dessus ton épaule gauche, lui dit-elle.
— Pourquoi ? voulut-il savoir, étonné.
— Tu as renversé du sel.
Cela était manifestement censé signifier quelque chose mais quoi, il ne
voyait pas – comme c’était d’ailleurs souvent le cas avec elle. Il garda donc
le silence.
— Il faut que tu en jettes par-dessus ton épaule gauche pour conjurer le
mauvais sort, insista-t-elle.
Ryan regarda les autres, et fut étonné de constater que toutes les femmes
présentes, y compris Greta, et même certains des hommes hochaient la tête
en signe d’assentiment. Ils avaient tous l’air de croire en cette tradition
parfaitement irrationnelle.
— Ce n’est qu’un peu de sel !
— Mais tu l’as renversé, insista Makenna.
— Je ne crois ni en la chance ni en la malchance, cela dit.
Makenna ne le savait que trop bien.
— Je t’aurai prévenu, lança Makenna en secouant la tête avec tristesse,
comme s’il venait de prendre une décision fatidique.
— Ce n’est que du sel ! répéta Ryan.
— Du sel renversé, ce n’est pas pareil.
— Je m’en fous.
— Tu t’en ficheras moins quand le sort s’acharnera sur toi, encore une
fois.
— Cela n’arrivera pas. Jamais, rétorqua-t-il en serrant les mâchoires.
— Là, tu tentes littéralement le sort. Vite, touche du bois.
C’était une blague !
— Parce que toucher du bois va me protéger ? Tu crois vraiment à toutes
ces balivernes ?
— Je n’aime pas ce ton de voix, riposta Makenna en relevant le menton
et en poussant un soupir.
— Je t’ai parlé tout à fait normalement.
— Non, tu ne m’as pas parlé comme d’habitude, Croc-Blanc.
— Je t’ai demandé de ne pas m’appeler comme ça.
— Et moi, cela m’épate que tu puisses penser que j’aie envie de t’obéir.
Ryan réprima un juron et pencha la tête sur son assiette. Ce ne fut qu’à ce
moment-là qu’il remarqua que toute la meute, mis à part Zac qui rigolait en
silence, le dévisageait comme en état de choc. Il savait pourquoi. Parce que
jamais rien ne perturbait le lieutenant. Il lui arrivait d’être parfois brusque et
impoli, mais il ne perdait jamais patience. Sauf avec Makenna Wray.
— Surtout n’arrêtez pas, intervint Dominic. C’est fascinant de vous
regarder ensemble. Qu’est-ce qu’il a dit ? demanda-t-il à Makenna quand
Ryan émit un grognement.
— Il t’a traité de connard.
— T’es dur avec moi, mec, lança alors Dominic en faisant mine d’être
vexé.
Ryan se désintéressa complètement de lui pour ne plus se concentrer que
sur son hamburger. Il fit mine aussi de ne pas voir les regards curieux que
lui adressaient ses camarades ainsi que la nana irrationnelle à côté de lui
qui…
Bon, d’accord. Il essaya de ne lui accorder aucune attention. Pourtant, sa
tête, son corps et son loup étaient totalement conscients de sa présence, de
son odeur, de chacun de ses mouvements, de ses paroles et de sa sensualité
innée. Que son âme sœur soit à ses côtés, sur son territoire avec sa meute lui
procurait un intense sentiment de satisfaction.
Il était conscient de la chance qu’il avait d’avoir trouvé son âme sœur. Ce
n’était en effet pas le cas de tous les métamorphes. Il lui était difficile de ne
pas la revendiquer, de ne pas rendre leur relation officielle. Son loup ne
comprenait pas qu’il doive garder le secret, ne comprenait pas les
problèmes de Makenna. Mais Ryan, lui, comprenait la jeune femme et était
d’accord pour lui donner tout le temps dont elle aurait besoin. Il espérait
simplement que ce ne serait pas trop long.
— Je suis curieuse, Makenna, débuta Grace. Tu passes beaucoup de
temps à chercher des meutes capables d’intégrer les résidents du refuge et tu
réussis bien, selon toute apparence. Alors, pourquoi n’as-tu pas essayé toi-
même de t’intégrer à l’une d’elles ?
— Je doute fort qu’un Alpha voie d’un bon œil un membre de sa meute
s’associer à une solitaire, une bénévole au refuge, qui plus est, répondit
Makenna, et il est hors de question pour moi d’arrêter ce travail.
Ryan veillerait à ce que Trey ne l’y oblige pas. Qu’elle ait ou non
confiance, en tant que son âme sœur, elle faisait désormais
automatiquement partie de la meute du Phénix.
— Est-ce que tu gardes le contact avec des solitaires que tu as aidés par
le passé ? s’enquit Grace avant de manger un grain de raisin.
— S’ils le souhaitent, oui, acquiesça-t-elle, très consciente de la présence
de Zac à ses côtés.
Elle aimait bien s’assurer que tout allait bien pour eux, et qu’ils se
sentaient heureux et en sécurité.
— Alors, tu passes la nuit ici ? demanda Dominic à Zac. Tu dois avoir
envie d’essayer ta nouvelle chambre, non ?
Zac écarquilla les yeux, balaya la table du regard et déglutit bruyamment.
— Allez, reprit Dominic. Ce serait sympa. Makenna peut rester aussi.
— Mais… je n’ai rien apporté, expliqua Zac.
— T’inquiète, les gars t’ont acheté de nouveaux vêtements, dit Taryn.
— Tu auras besoin de plein de choses quand tu viendras t’installer ici,
alors on t’a pris quelques affaires, grogna Ryan.
— Je peux prêter un sweat à Makenna pour la nuit, offrit Jaime. Alors ?
Qu’en dis-tu ? insista Jaime.
— En as-tu envie ? demanda Makenna à Zac, manifestement partagé,
quand il se tourna vers elle.
— Est-ce que tu vas rester aussi ? voulut-il savoir, inquiet.
— Si c’est ce que tu souhaites.
— D’accord, je veux bien dans ces conditions, dit Zac à Dominic.
Makenna esquissa un large sourire. C’était une décision importante pour
Zac, un grand pas dans la bonne direction et…
« Craaac ! »
Avant que Makenna ait eu le temps de s’interroger sur la provenance de
ce bruit, Ryan avait disparu de son champ de vision périphérique. Elle
cligna des yeux, tourna la tête et constata qu’un des pieds de la chaise en
bois sur laquelle le lieutenant était assis s’était cassé. Il s’était retrouvé par
terre, inconfortablement coincé entre elle et Patrick.
— Putain ! Ça va ? s’enquit Patrick, les épaules tressautant sous l’effet de
ses éclats de rire contenus.
Pas du tout impressionné par la situation, et énervé de voir Dominic et
Zac rire à en perdre haleine, Ryan se releva et repoussa sa chaise. Il lança
un regard noir à Makenna qui avait l’air de penser qu’elle l’avait pourtant
prévenu du danger qui le guettait.
— Surtout, ne dis rien ! gronda-t-il.
— Je n’en avais pas l’intention, rétorqua-t-elle, même s’ils savaient tous
deux qu’elle mentait.
Plus tard, une fois le barbecue terminé et le jour sur le point de tomber,
les membres de la meute commencèrent à ranger et à rentrer. Jaime prêta
des vêtements à Makenna, et Ryan et Dominic guidèrent Zac jusqu’à ses
appartements à l’étage.
— Makenna va dormir dans cette chambre, expliqua Ryan à Zac en
s’arrêtant devant la porte de l’adolescent et en en désignant une autre du
doigt au bout de la galerie.
Ryan aurait préféré que Makenna passe la nuit dans sa propre chambre,
mais Zac se sentirait plus à l’aise si elle n’était pas trop loin.
— Attends, tu ne vas pas te coucher tout de suite ? protesta Dominic.
Viens un peu jouer au billard avec Patrick, Tao et moi.
— D’accord, dit l’adolescent après s’être tourné vers Makenna qui lui
lança un regard signifiant qu’il n’en tenait qu’à lui.
Il emboîta le pas à Dominic et ils disparurent dans les couloirs en riant.
Ryan mena ensuite Makenna jusqu’à la chambre réservée pour elle. Il
ouvrit la porte et s’effaça pour la laisser entrer.
— Sympa, commenta-t-elle, en pénétrant dans la pièce et en l’admirant.
Putain ! Cette pièce était mieux que son appartement ! Elle ressemblait à
une chambre d’hôtel de luxe avec son balcon et sa salle de bains attenante.
Entendant un bruit derrière elle, elle se retourna et vit Ryan verrouiller la
porte. L’intense désir qu’elle lu dans ses prunelles lui fit durcir les tétons.
Elle perçut nettement ses intentions. Ce désir éveilla le sien et vibra dans
l’air comme un être vivant. Même si ce n’était pas une bonne idée, pensait-
elle, elle se sentit excitée, son cœur se mit à battre la chamade et elle en eut
la bouche sèche.
— Zac passe un bon moment, dit-elle en se forçant à esquisser un sourire
décontracté. La meute du Phénix s’est montrée très accueillante envers lui.
Sa chambre est parfaite. C’est Lydia qui l’a décorée, non ? Tu sais, je pense
qu’il y a de grandes chances pour que Zac décide d’intégrer prochainement
ta meute. Il…
— Tu radotes, affirma Ryan en s’approchant d’elle.
— Même pas vrai, se rebiffa-t-elle.
— Tu es nerveuse, alors tu radotes.
Merde, il avait raison.
— Et pourquoi est-ce que je serais nerveuse ?
— Parce que tu sais exactement ce qu’il va t’arriver, dit-il en la poussant
contre le mur, près de la porte du balcon.
Il allait la baiser et la baiser encore jusqu’à ce qu’ils ne puissent plus
marcher, ni l’un ni l’autre. Il enfouit son visage dans son cou, humant son
odeur, s’en pénétrant. Elle était empreinte de désir pour lui, ce qui fit gémir
son loup.
— Tu vas essayer de me revendiquer, rétorqua-t-elle d’une voix
haletante – ce qui était gênant pour elle –, en secouant la tête tandis que les
mains de Ryan lui serraient les cuisses de manière possessive.
— Je ne vais pas te revendiquer tant que tu ne seras pas intimement
persuadée que je suis ton âme sœur, affirma-t-il en passant les mains sur sa
peau satinée, sous sa robe et le long de ses cuisses, en appréciant leur
douceur. Mais cela ne va pas m’empêcher de te baiser.
Il n’avait aucune intention de revendiquer Makenna sans son assentiment
car cela n’aurait eu aucun sens. La revendication était un acte sacré qui
méritait le respect. Et il ne manquerait jamais de respect envers Makenna.
Agrippant Ryan par son tee-shirt, Makenna eut le souffle coupé quand
elle sentit les pouces du lieutenant s’insérer sous sa culotte et la caresser
juste à côté des doux replis de son intimité. Les muscles de son sexe se
resserrèrent à ce contact. Elle était déjà mouillée et c’était à peine s’il l’avait
effleurée. Ryan n’avait pas besoin de la toucher pour susciter en elle un
désir irrépressible. Elle réagissait toujours violemment à sa présence et ce,
depuis le premier jour.
Cependant, elle était effectivement nerveuse, comme il l’avait remarqué.
Elle aimait le sexe, elle n’était pas inexpérimentée mais avec Ryan,
c’était… différent. Peut-être parce qu’elle avait plus l’habitude des flirts,
des relations sans lendemain. C’était différent avec Ryan parce qu’elle le
respectait, l’admirait et qu’il l’attirait comme personne avant lui. Sans
parler de sa conviction qu’ils étaient âmes sœurs…
— Si tu veux vraiment que je m’en aille, tu n’as qu’à le dire, déclara-t-il
en lui mordillant les lèvres, et en lui caressant langoureusement le sexe.
Elle n’en fit rien alors il fit glisser son pouce et lui caressa le clitoris. Elle
suffoqua presque, se cambra et se plaqua contre lui. Elle voulait qu’il
continue mais il ne bougea pas.
— Dis-moi de partir, Makenna. Dis-le et je m’en vais. Allez.
Elle aurait dû exiger qu’il s’en aille, elle le savait, mais elle ne pouvait
s’y résoudre.
Ryan poussa un grognement et l’embrassa goulûment. Il la domina
entièrement. Il se reput de ses lèvres, la lécha et la mordilla. Il la désirait
tellement qu’il en avait mal. Il avait besoin d’elle. Elle lui rendit sa passion,
lui suça la langue en émettant de petits couinements qui exacerbèrent
davantage son désir. Son odeur et sa saveur excitaient ses sens à lui en faire
perdre tout sang-froid.
Il lui retira sa robe et grogna de plaisir quand il vit qu’elle ne portait pas
de soutien-gorge. Son corps était magnifique. Mince et gracieuse, bien
roulée, elle avait une magnifique peau d’ivoire et des seins absolument
parfaits. Il les empoigna dans un geste de possessivité et plaqua la bouche
sur un de ses tétons. La saveur et la texture de son sein lui firent durcir le
sexe au point d’en souffrir.
Mais là, il avait besoin d’elle tout de suite, avait besoin de s’enfouir dans
celle qui était son âme sœur, de la posséder comme il en avait rêvé depuis
leur première rencontre. Rien d’autre ne le satisferait. La prochaine fois,
oui, il prendrait son temps, la dégusterait, la savourerait tout entière. Mais
pour l’heure, il avait trop faim d’elle.
Il lui retira sa culotte et inséra un doigt en elle. Il rugit. Elle était chaude
et étroite.
— Tu es mienne, grogna-t-il.
Il ne l’épargna pas. Il fit glisser son doigt, lui imprimant un mouvement
de va-et-vient. Puis il ajouta un autre doigt pour la préparer à le recevoir.
— Je vais te faire jouir, Kenna. Et tu vas crier pour moi.
Makenna n’avait jamais été très portée sur les préliminaires. Elle les
trouvait surfaits. Mais merde, Ryan était particulièrement doué avec ses
mains. Chaque caresse l’atteignait à sa zone la plus sensible et lui procurait
un maximum de plaisir. Éprouvant le besoin de le toucher, elle défit la
fermeture Éclair de sa braguette et empoigna son membre. Long et massif,
il était exactement comme elle l’avait imaginé chaque fois qu’elle s’était
attardée à observer cette partie de son anatomie. Elle désirait le sentir en
elle, le sentir l’emplir au point de lui faire mal. Elle voulait…
Ryan planta ses dents dans son sein. La jeune femme poussa un
gémissement étouffé quand des vagues de plaisir la secouèrent. Sa féminité
se serra quand Ryan retira ses doigts lui laissant un horrible sentiment de
vide.
— Enroule tes jambes autour de moi, lui ordonna-t-il dans un
grognement en la soulevant par les hanches. C’est parfait, dit-il quand elle
obtempéra. Tu es mienne, Makenna, ajouta-t-il en ajustant le corps de la
jeune femme et en la regardant droit dans les yeux. Tu peux lutter autant
que tu voudras, mais tu m’appartiens.
Puis il la pénétra brusquement. Merde. Ryan poussa un grondement dans
le cou de la jeune femme quand les plis de son sexe se refermèrent sur lui.
Elle était si chaude et si étroite que c’en était presque trop pour lui, que c’en
était presque douloureux. Enfin, il la pénétrait, il était là où il devait être. Il
résista à la tentation de lui assener quelques coups de boutoir. Pendant
exactement deux secondes.
Makenna s’agrippa à lui tandis qu’il la prenait sauvagement, sentant ses
muscles se nouer et s’étirer sous ses mains. Ses coups étaient durs, violents,
possessifs et assez profonds pour la blesser mais la douleur exacerbait le
plaisir. Elle s’était doutée que ce serait comme cela avec lui. Elle savait que
toute son intensité naturelle se traduirait en férocité, en passion. Et elle
adorait cela.
Devant cette bouche se refermant sur son pouls, ces dents lui raclant la
peau, Makenna aurait dû éprouver une certaine angoisse. Mais Ryan lui
avait promis de ne pas la revendiquer tant qu’elle ne serait pas prête. Mais
bon, sa façon de la prendre était en soi une sorte de revendication. Il faisait
preuve d’animalité, d’agressivité qui ne lui laissait aucun doute quant à ce
qu’elle était pour lui : elle lui appartenait.
Ryan sentait qu’il lui faisait mal. Il aurait tout tenté pour ralentir s’il
n’avait pas été persuadé qu’elle aimait la morsure du plaisir. Il le sentait à
ses grognements rauques, au pincement de ses griffes et à la manière dont
sa féminité se resserrait autour de son sexe. Ils étaient bien assortis, elle
était faite pour lui. Personne ne pourrait l’en dissuader.
Il lui suça le pouls, et les muscles de la jeune femme se crispèrent sur son
sexe et le baignèrent dans sa douceur soyeuse. Son loup le poussait à la
mordre férocement, à faire couler son sang, à la revendiquer. Ryan était
tenté, très tenté, mais il ne le ferait jamais sans son consentement même si
le désir de la revendiquer battait dans sa poitrine comme un tambour dans la
jungle. Non, il résisterait. Mais il n’allait pas se priver de la marquer pour
que tout le monde sache à qui elle appartenait.
— Ryan, gémit Makenna qui sentait qu’elle allait bientôt jouir et griffa
Ryan au cou. J’ai besoin…, haleta-t-elle mais elle fut interrompue par le
lieutenant qui lui déplaça un tout petit peu les hanches et atteignait sa zone
sensible à chacun de ses coups de hanche. Merde ! s’exclama-t-elle.
— Jouis, fais-le pour moi, lui ordonna Ryan en plongeant son regard dans
les yeux brillants de la jeune femme et en insérant la main entre leurs deux
corps enlacés pour caresser son clitoris.
La puissance, l’autorité de sa voix la touchèrent au plus profond d’elle-
même et la firent littéralement voler en éclats. Elle ne put retenir un cri.
Ryan rugit quand elle le marqua au dos en le lui lacérant de ses griffes
juste au moment où elle se resserra sur lui. C’en était trop pour Ryan. Il
planta ses crocs dans la gorge de Makenna, plongea en elle le plus
profondément possible et explosa, se déversant en elle. Il ressentit une
satisfaction comme il n’en avait jamais connu auparavant. Il ne l’avait peut-
être pas encore officiellement revendiquée, mais il l’avait fait de tout son
corps, de ses dents et de son sexe. Il se sentait lié à elle.
Makenna Wray ne pourrait jamais se débarrasser de lui.
CHAPITRE 10
Quelques jours plus tard, Makenna fut tirée d’un profond sommeil par
des hurlements, des voix scandant des slogans, et des clameurs incessantes.
Elle avait la migraine et gémit, soupçonnant ce tintamarre d’être à
l’origine de son affreux mal de tête. Elle ne put ouvrir les yeux qu’au prix
de vaillants efforts et découvrit alors que la place que Ryan s’était
appropriée dans son lit était vide. Elle ne fut pas étonnée parce que rien
n’aurait empêché le lieutenant de se lever dès l’aube pour commencer sa
journée de travail, pas même une nuit d’amour avec sa compagne. Son
odeur persistait cependant, lui chatouillant les sens et ravissant sa louve.
Makenna se retourna sur le dos, s’étira et esquissa une grimace. Ryan
avait été particulièrement brutal avec elle. Pas qu’elle s’en plaigne, au
contraire. Les petites douleurs qu’elle ressentait çà et là lui rappelaient sa
présence en elle.
Elle n’appréciait pas, en revanche, tout ce bruit.
Elle avait vraiment besoin d’une aspirine.
Makenna se leva en maugréant, puis enfila sa robe de chambre. Elle se
rendit à sa salle de bains et découvrit que son armoire à pharmacie ne
contenait aucun antalgique. Super ! Elle ouvrit le robinet et sursauta quand
la tuyauterie gronda, éjectant trois petits jets d’eau. Puis plus rien.
— C’est pas vrai ! s’exclama-t-elle.
Elle grommela en se lavant les dents – pas facile sans eau pour diluer le
dentifrice. Puis elle laissa tomber le rouleau de papier-toilette dans la
cuvette des W.-C. ce qui l’énerva encore davantage. Sa louve s’en amusa.
Quand elle retourna à sa chambre, sa migraine s’était encore aggravée.
Makenna était vraiment furieuse. Et ces hurlements qui ne cessaient pas.
Elle se dirigea vers le séjour d’un bon pas mais s’arrêta à mi-chemin de la
petite fenêtre. Elle n’avait pas besoin de regarder au-dehors pour savoir ce
qu’il se passait puisqu’elle distinguait parfaitement les paroles.
— Nous refusons de frayer avec des animaux sauvages. Expulsez tous les
métamorphes avant qu’il ne soit trop tard. Au nom de Dieu, nous nous
élevons et proclamons : « Que tous les métamorphes retournent en enfer ! »
La bonne humeur de sa louve disparut à la vitesse de l’éclair. Ah, merde !
Des extrémistes antimétamorphes. Et pas que. Des cinglés se réclamant de
la religion pour défendre leur point de vue. Des crétins qui avaient sans
doute manqué d’oxygène à la naissance, ce qui expliquait leur état actuel.
Ils étaient complètement à côté de leurs pompes. La religion n’avait rien à
voir avec leur comportement, ils s’en servaient pour justifier leurs
agissements.
Sa matinée aurait-elle pu être pire ?
Ce ne pouvait pas être une coïncidence qu’ils viennent manifester devant
un immeuble où habitait une métamorphe. Quelqu’un avait dû leur dire
qu’une solitaire vivait là. Il n’était pas rare que des gens qui avaient des
préjugés revendent l’identité de solitaires aux extrémistes.
Les manifestants devaient ignorer quel appartement était le sien sinon ils
auraient déjà brisé ses fenêtres minuscules et auraient sans doute même
essayé d’entrer chez elle. Quelques mois plus tôt, elle avait chassé un
solitaire qui s’en prenait à une humaine devant son immeuble. Des résidents
humains avaient alors découvert qu’ils avaient une voisine métamorphe. Ils
auraient pu être tentés de vendre des informations sur elle aux extrémistes.
Une chose était sûre : elle devait partir le plus vite possible.
Elle pouvait essayer de sortir par la porte d’entrée. Avec une attitude
parfaitement décontractée, ça pouvait le faire. À moins bien entendu qu’ils
n’aient une photo d’elle ou sa description. Merde.
La seule autre possibilité était l’issue de secours. La fenêtre était petite
mais elle passerait. Il y avait peut-être d’autres fanatiques à l’arrière de
l’immeuble et elle n’avait pas énormément de temps à sa disposition avant
qu’ils découvrent lequel était son appartement. Makenna ne voyait pas
d’autre solution.
Elle envisagea un instant d’appeler Ryan et de lui demander de venir la
chercher puisqu’elle ne pourrait pas récupérer sa Mustang. Elle préférait
cependant ne pas risquer qu’ils les voient ensemble. Ils relèveraient son
numéro de plaque d’immatriculation, découvriraient qu’il appartenait à la
meute du Phénix et reporteraient leur hargne sur elle. Elle ne pouvait pas les
laisser faire. Elle ne pouvait pas non plus téléphoner à Madisyn. Elle n’avait
donc pas d’autre choix que se débrouiller seule et appeler au secours dès
qu’elle se serait éloignée suffisamment.
Sa décision prise, Makenna revêtit un débardeur, un jeans et un blouson
en jean, et prit un petit sac en bandoulière. Elle ouvrit la fenêtre qui servait
d’issue de secours et se faufila dans le petit espace recouvert d’une trappe
blanche. Elle s’immobilisa un instant, et tendit l’oreille. Aucun bruit de voix
ne lui parvenant, elle déverrouilla la trappe et l’ouvrit un peu. Il n’y avait
personne dans le jardinet – un bien grand mot pour un minuscule espace
couvert de mauvaises herbes. Makenna trouva cela bien étrange, mais elle
n’avait pas le choix, elle ne pouvait pas rester là.
Elle ouvrit donc entièrement la trappe et sortit sans faire de bruit avant de
refermer. Elle s’arrêta net au bout de six pas. Elle détecta d’abord une odeur
avant de voir approcher plusieurs silhouettes vêtues de longues robes
blanches, la tête recouverte de cagoules de la même couleur. Certaines
brandissaient même de petits crucifix en bois. Makenna soupira à la vue de
ce spectacle ridicule. Si sa louve avait été capable de pouffer d’un rire
narquois, elle l’aurait fait.
— Arrière, Satan ! ordonna un des manifestants.
Eh oui, ils considéraient les métamorphes comme des démons. Makenna
ne jugea pas utile de les contredire. On ne pouvait pas discuter
rationnellement avec ces gens-là. Quoi que vous disiez, ils vous répondaient
par des citations de la Bible et décrétaient que vos propos étaient « la parole
du diable ». Ils avaient raison, vous aviez tort. Ils étaient bons, vous étiez
mauvais. Ils suivaient la voie du salut et vous étiez dans l’ascenseur qui
vous mènerait tout droit vers les feux de l’enfer.
— Fille du diable, tu vas être…
— Écoutez, les mecs, ma journée a bien mal démarré.
Et maintenant elle devait faire face à ça. Le message que semblait lui
envoyer l’univers ce jour-là était clair : « Retourne au lit. » Elle aurait bien
aimé, si ces connards n’avaient pas fait autant de bruit.
— Renonce au diable ! l’exhorta le fanatique pendant que les autres
commençaient à l’encercler. Confesse tes péchés ! Repens-toi !
— Je ne suis pas jalouse que Dieu ne parle qu’à vous, allez. Je trouve
même injuste que lorsqu’une personne s’adresse à Dieu, on dit qu’elle prie,
mais quand c’est l’inverse, on dit qu’elle est schizophrène.
— On refuse de rester à l’écart et de vous laisser continuer à commettre
des actes de bestialité, d’infanticide, et de violence…
— Puis-je me permettre d’intervenir ici, et de signaler que la Bible nous
incite à tendre l’autre joue et à aimer nos ennemis ?
— Tais-toi, démon ! s’exclama-t-il en brandissant sa croix bien haut.
Nous te condamnons au nom de Jésus-Christ !
Oh ! Pour l’amour de… Dieu, enfin, les choses pouvaient-elles devenir
encore plus ridicules ?
Les extrémistes sortirent alors de petites fioles et commencèrent à
l’asperger en marmonnant des prières.
Apparemment, oui, les choses pouvaient devenir plus ridicules encore.
De l’eau bénite. Putain de bordel de merde ! Elle s’essuya les yeux des
doigts.
— Bon, écoutez, c’est très bien, tout ça, mais…
Elle se raidit quand elle vit un des humains sortir un filet de corde noire
de derrière son dos. Pire encore, le chef brandit un couteau qu’il avait tenu
caché dans sa longue robe jusque-là. Elle eut froid dans le dos et son cœur
se mit à battre la chamade. Elle les avait sous-estimés en apercevant leurs
petits crucifix. Elle n’avait pas anticipé qu’ils seraient armés. Quelle idiote !
— As-tu déjà vu un couteau comme celui-ci ? demanda le chef, le regard
calculateur tandis qu’il se déplaçait légèrement vers sa gauche.
Il essayait de détourner son attention du filet, supposa-t-elle. Elle se
tourna un peu de manière à garder un œil sur les deux dangers en même
temps.
— Il est joli, tu ne trouves pas ? poursuivit-il. C’est un Wasp knife, un
couteau guêpe. En as-tu déjà entendu parler ?
Non, et ce n’était pas nécessairement une bonne nouvelle. Sa louve se
ramassa sur elle-même, prête à bondir.
— Beaucoup de plongeurs et de chasseurs s’en servent pour se protéger
contre les prédateurs, expliqua-t-il. Il y a une capsule de gaz dans le
manche. Et tu sais ce que cela signifie ? interrogea-t-il sur un ton si
arrogant, si sûr de lui et de son pouvoir que la jeune femme soupçonna que
ce n’était pas sa première intervention contre un métamorphe. Cela veut
dire que lorsque le chasseur plante son couteau dans le corps de l’animal, il
peut lui injecter un gaz réfrigérant qui gèle et détruit les organes.
Charmant, putain ! Makenna se lécha les lèvres et jeta un coup d’œil vers
les extrémistes au filet. Ils ne bougeaient pas, mais cela ne saurait tarder,
elle le sentait. Elle serait capable de se libérer avec ses griffes, elle en était
sûre, mais elle risquait de se retrouver complètement à leur merci pendant
un petit moment.
Makenna n’avait jamais été formée au combat, elle n’était pas une vraie
guerrière même si elle savait se défendre dans une bagarre. Les extrémistes
étaient nombreux et complètement cinglés, armés d’un filet et de ce couteau
guêpe. La situation n’était pas très réjouissante. Cela ne voulait pas dire
pour autant qu’elle abandonnerait la partie sans se battre.
— Je m’en suis servi contre un ours métamorphe une fois. Il est mort au
bout de quelques minutes. Les plus petites espèces, comme les pumas ou les
renards, clamsent en moins d’une minute.
Makenna serra les poings et sentit son ventre se nouer. Connard.
— Je me demande combien de temps tu vas survivre.
Il ne s’approcha pas cependant pour vérifier de plus près. Il se contenta
de la dévisager avec un rictus cruel qui lui déformait la bouche. Si sa
stratégie était de l’accabler pour faire monter la tension, il réussissait très
bien.
Elle remarqua un mouvement sur le côté. Les mecs au filet
s’approchaient d’elle par-derrière et…
Le chef se rua sur elle, les autres lui emboîtèrent le pas, attrapèrent le filet
quand il vola au-dessus d’elle et l’abaissèrent rapidement, la prenant au
piège entre ses mailles. Il était plus lourd et plus épais qu’elle n’avait
supposé et avec son poids et la pression qu’exercèrent les humains, elle se
retrouva vite à quatre pattes au sol. Cela s’était passé très rapidement et le
mec arrivait avec son horrible couteau.
En marmonnant une putain de prière, le chef tenta de la poignarder à
travers les mailles du filet. Makenna se mit sur le dos et l’esquiva avec la
rapidité propre à son espèce. Le chef trébucha et faillit tomber. Makenna en
profita pour sortir les griffes et déchirer le filet. Il ne lui fallut que quelques
coups pour l’ouvrir suffisamment pour passer et…
Voilà que le couteau se dirigeait une nouvelle fois vers elle.
Plus rapide qu’aucun humain, Makenna se redressa et agrippa le poignet
du mec au couteau.
— On dirait que Dieu ne t’a pas entendu, lança-t-elle.
Elle tira et tordit le poignet du type jusqu’à ce qu’elle sente quelque
chose se briser. Oui, elle était impitoyable. Et alors ?
Le fanatique poussa un cri et laissa tomber le couteau qui égratigna la
cuisse de la jeune femme au passage avant de heurter violemment le sol.
Shootée à l’adrénaline, elle s’en aperçut à peine.
Elle se releva à la vitesse de l’éclair derrière lui et lui tordit son poignet
cassé dans le dos. Elle enroula son autre bras autour du cou de son
agresseur et pressa les griffes contre sa gorge.
Les autres s’immobilisèrent immédiatement.
— Bon, on va tous se calmer, maintenant, éructa-t-elle sèchement
pendant que sa louve qui n’avait aucune envie d’obtempérer contractait les
griffes. Allez, les mecs, on s’éloigne du filet. Je ne pense pas avoir besoin
de vous expliquer ce qui arrivera à votre chef si vous n’obéissez pas. Bonne
décision, affirma-t-elle quand elle les vit s’éloigner. Allez, le bondieusard,
on va avancer très lentement maintenant.
Makenna s’attendait à moitié à ce qu’il tente quelque chose. Mais rien.
Une fois dégagée du filet, elle le repoussa sur le côté.
— Voici…, commença-t-elle.
— Elle est derrière ! Elle a attrapé Jeff ! hurla un mec, les yeux
écarquillés, en passant la tête par la trappe de secours avant de retomber
lourdement au sol.
— Jeff, articula lentement Makenna. Vraiment ? C’est comme ça que tu
t’appelles ? Ce n’est pas vraiment un nom à semer la terreur, ça.
— Je ne discute pas avec le diable, cracha l’intéressé d’un air méprisant.
— On dirait que tes autres copains viennent te prêter main-forte,
remarqua-t-elle en percevant un bruit de course qui ressemblait plutôt à une
cavalcade.
Eh oui, une foule d’extrémistes déboulait de la ruelle en brandissant
quoi ? Des pieux !
— Des pieux ! Vraiment ! s’exclama-t-elle en en dévisageant Jeff qui eut
la bonne grâce de rougir.
Ils ralentirent quand ils virent ce qu’il se passait, indécis quant à la suite à
donner aux événements. Ils devaient également faire partie de la bande de
Jeff. Il avait dû les poster devant chez elle comme un leurre pour l’obliger à
passer par-derrière où il l’attendait.
— Tu voudras peut-être leur dire de ne pas continuer à avancer.
— Fais ce que tu veux, dit-il à Makenna en tordant la bouche en un
affreux rictus. À l’attaque ! hurla-t-il à ses sbires, stupéfiant en même temps
la jeune femme.
Puis la bande de cinglés fit exactement ce que lui avait ordonné son chef :
ils se ruèrent sur elle avec leurs pieux.
— Putain ! s’exclama Makenna.
Elle avait le choix : soit elle s’enfuyait, soit elle restait là et essayait de…
Les extrémistes freinèrent subitement dans leur lancée en jetant des regards
méfiants au-dessus de ses épaules. Elle inspira longuement et perçut l’odeur
de Ryan. Elle en ressentit un grand soulagement, et sa louve aussi. De toute
sa vie, la jeune femme n’avait sans doute jamais éprouvé un tel bonheur à la
vue de quelqu’un.
Il s’approcha silencieusement d’elle respirant la colère et le danger. Et
pour une fois, son langage corporel trahissait ses émotions. Ce ne fut
qu’alors qu’elle perçut d’autres bruits, des bruits de pas, légers et agiles que
peu d’humains auraient pu entendre. Elle inspira longuement et reconnut les
odeurs de Jaime, Dante, Tao, Patrick, Dominic, Marcus et Roni.
Ryan évalua la scène en un coup d’œil. Il vit la trappe ouverte, le groupe
d’extrémistes, le filet déchiré, le couteau qui brillait sur le sol, et Makenna
et son otage. Il n’eut aucun mal à comprendre ce qu’il s’était passé.
— Ils ont essayé de t’attraper avec un filet ? grogna Ryan tandis que les
autres membres de la meute les entouraient.
— Je me trompe peut-être, ironisa Makenna, mais je pense que ces
humains ne m’aiment pas beaucoup. Non que je m’en plaigne, mais peux-tu
m’expliquer ce que vous faites tous ici ?
— La présence des extrémistes a attiré les médias. On les a vus à la télé
devant ton immeuble. (Ryan avait failli perdre son sang-froid.) Tu ne
répondais pas à mes appels.
Alors là, il avait vraiment pété les plombs. Il avait paniqué, il avait perdu
les pédales et son loup était devenu comme fou. Ses camarades de meute
avaient réussi à le calmer suffisamment pour qu’il recouvre un peu ses
esprits. À présent, en mesurant le danger qu’avait couru Makenna, il sentait
sa raison le fuir.
Makenna se sentit mal. Elle avait laissé son téléphone en mode
« silencieux ». Mais même…
— J’étais occupée ici, avec Jeff et ses potes.
— Je me demande si ces petites photos vont passer aux infos ? intervint
Jaime.
Makenna remarqua alors que la femelle Beta avait sorti son téléphone, et
prenait des photos du filet, du couteau et des humains.
— Je me souviens de la fois où Derren avait téléchargé des vidéos
d’extrémistes violents sur YouTube, ajouta Roni. Cela avait énervé
beaucoup de métamorphes.
— Ouais, déclara Dante. Tous ces humains ont été obligés de se planquer
pendant un long moment. Certains d’entre eux n’ont même jamais été
revus.
Ryan sentit alors une odeur qui lui fit pousser un grognement. Du sang.
Le sang de Makenna.
— Où es-tu blessée, Makenna ? s’enquit-il sèchement.
— C’est juste une égratignure, là sur ma cuisse. Elle est presque guérie.
Puis la jeune femme regarda Ryan s’approcher lentement et délibérément
de Jeff, comme un prédateur de sa proie. Il avait le regard froid, dur et
menaçant. Ryan était toujours déstabilisant, mais là il était carrément
effrayant.
— C’est toi qui l’as blessée ? demanda-t-il à Jeff.
Makenna frissonna. La voix habituellement neutre de Ryan dégageait un
intense désir de vengeance.
— Notre Seigneur nous protège. Vous et votre engeance ne pouvez pas
nous toucher.
Les paroles du fanatique étaient empreintes d’une réelle assurance mais
son timbre de voix dénotait le contraire.
— Faux, grogna Ryan en pénétrant dans l’espace personnel de Jeff, et en
reconnaissant la puanteur de la corruption, de la haine et même de la peur.
Archifaux.
— Si tu connais un peu les métamorphes, débuta Marcus, tu sais que
nous sommes très protecteurs envers nos compagnes. Tu sais que nous
sommes prêts à mourir pour elles, à tuer pour elles s’il le faut. Et ce mec-là
au regard noir est le compagnon de la fille que tu as attaquée. Je ne voudrais
pas être à ta place.
Makenna sursauta en l’entendant. Ryan avait manifestement révélé à ses
camarades qu’il croyait qu’elle était son âme sœur même si elle lui avait
demandé d’attendre.
— Quand les membres du Mouvement vous verront aux infos et
regarderont ces photos, ils ne seront pas très contents, renchérit Dominic en
secouant la tête.
Il faisait allusion au groupe de métamorphes qui protégeaient leur espèce
contre les extrémistes. Dénué de subtilité et de diplomatie, le Mouvement
rendait la violence par la violence, transmettant le message que les préjugés
et les attaques injustifiées entraîneraient des conséquences graves. Cela
expliquait sans doute que tous les extrémistes présents blêmirent.
— Ouais, confirma Tao. Le Mouvement mettra un nom sur chaque visage
et vous retrouvera tous autant que vous êtes. J’ajouterais quelque chose
comme « Dieu vous vienne en aide ! » mais rien ne peut vous protéger
contre eux.
— Tu n’as pas répondu à ma question, grogna Ryan en dévisageant Jeff.
C’est toi qui l’as blessée ?
Sa voix n’avait rien d’humain. Bien honnêtement, c’était à peine s’il se
sentait humain. Mis à part la fois où il avait été pris en otage, il n’avait
jamais perdu son sang-froid. Il n’était ni agressif ni violent avec les autres.
Et il ne montrait jamais, jamais sa douleur. Il savait demeurer calme et se
maîtriser en toutes circonstances, surtout dans des situations très chargées
en émotions. Les émotions le gênaient, mais là, c’était Makenna qui était
visée. Ça changeait tout.
Elle lui avait déjà demandé si elle comptait pour lui, pas uniquement
parce qu’il croyait qu’elle était son âme sœur, mais s’il tenait réellement à
elle, telle qu’elle était. À l’époque, il n’avait pas vraiment compris la
distinction entre les deux. Mais maintenant, oui. C’était une chose de
paniquer parce que sa compagne était en danger et une autre parce que cette
personne était si importante pour lui que s’il la perdait, il risquait de ne pas
lui survivre.
— Oui, siffla Jeff. C’est moi qui lui ai planté ce couteau dans la cuisse.
Le bruit de la lame transperçant la chair…
— Ryan, non ! cria Makenna en voyant le lieutenant sortir les griffes, son
regard brillant d’impatience. Il ment. Il te cherche, il veut que tu l’attaques.
— Je vais lui donner ce qu’il veut alors.
Avec le plus grand des putains de plaisir.
— Mais regarde-le, Ryan. Allez, regarde-le. Il sourit. C’est un
bondieusard qui croit en « sa cause », convaincu que tous les métamorphes
sont mauvais et ne devraient pas être autorisés à vivre. Il ne demande pas
mieux que de mourir de tes mains si cela prouve que nous sommes tous
violents et dangereux. Ne lui donne pas cette satisfaction. Cela ne concerne
pas que moi, Ryan, ou que nous, mais toute notre espèce.
Makenna avait peut-être raison. Mais Ryan n’en avait cure. Tant pis pour
les conséquences. Seule Makenna comptait. Et le fait qu’elle avait été
blessée et aurait pu lui être enlevée. Il sentait l’adrénaline et la colère
circuler dans ses veines exacerbant son désir de vengeance. L’odeur du sang
de Makenna, la vue du filet noir et l’idée qu’il aurait pu arriver trop tard
l’exaspéraient au plus haut point. Il entendait son cœur battre la chamade,
ses muscles étaient noués et sa mâchoire lui faisait mal tant il serrait les
dents.
— Elle a raison, Ryan, observa Dominic avec un soupir déçu. On ne peut
pas le buter maintenant.
— Je propose qu’on le remette au pote d’Ally, intervint Roni qui faisait
allusion au frère adoptif de la prophétesse, tu sais, Cain, il est membre du
Mouvement.
— Bonne idée, intervint Patrick. Jeff est un chef, il saura plein de choses
importantes et pourra donner des noms.
Parce qu’ils pensaient que Ryan était capable de réfléchir à cela ? À des
noms ? À des informations ?
— Il a blessé Makenna, dit-il en lançant un regard noir à Patrick.
— Oui, ajouta Jaime. Et c’est la raison pour laquelle elle a besoin de toi
maintenant.
C’était vrai. Makenna avait réellement besoin de lui, ce qui aurait dû
l’énerver mais ce n’était pas le cas. La baisse brutale de régime qui suivait
une montée d’adrénaline allait l’envoyer tout droit dans le mur. Elle avait
besoin que Ryan soit aussi solide et fort que d’habitude. Mais il n’avait pas
l’air prêt à se calmer. Elle ne l’avait jamais vu comme cela avant.
— Il va payer pour ce qu’il a fait, affirma Dante. Il va souffrir autant
qu’il le mérite, mais peut-être pas ici ni tout de suite.
Ah, ouais ? Eh bien, cela ne convenait pas à Ryan. Il voulait la peau de ce
connard, il voulait voir et sentir son sang. Voulait le faire souffrir, le
terroriser, le démolir.
— Ce n’est qu’un larbin, de toute manière, signala Tao.
— Comment ça, un larbin ? sursauta Jeff.
— Je veux dire, reprit Tao en esquissant un sourire cruel, que celui qui t’a
vendu le nom de Makenna l’a fait pour que tu la tues à sa place. Et cette
personne, c’est un métamorphe. Si j’ai raison, tu ne fais pas ici l’œuvre de
Dieu mais tu sers un membre de l’espèce que tu abhorres.
Makenna ne serait pas trop étonnée si c’était effectivement Remy qui
avait mis les extrémistes sur sa trace.
— Patrick, va chercher le SUV, demanda Dante avant de s’approcher
lentement de Ryan comme s’il savait que le lieutenant risquait de se jeter
sur Jeff s’il tentait de le lui arracher. Je sais que c’est dur pour toi, Ryan
mais tu dois le relâcher.
Non, Ryan n’allait pas obtempérer. Ce serait facile de buter ce pauvre
connard d’humain. Un coup de griffes dans la jugulaire, un tout petit coup
et c’en serait fini de lui. Mais ce serait une fin trop rapide et trop douce pour
lui.
— Ryan, insista Dante.
Il pourrait aussi lui planter une griffe dans le ventre et le lui ouvrir du bas
vers le haut tout en regardant la douleur insoutenable dans ses yeux. Ce
serait si satisfaisant. Son loup en convint, lui rappelant que ses camarades
de meute ne seraient pas assez rapides pour l’en empêcher.
— Ryan, réitéra Dante.
Ou il pourrait lâcher son loup, le laisser émerger et arracher la gorge du
connard puis balancer sa dépouille à ses amis. Son loup lui ouvrirait le
ventre et…
— Ryan.
Cette voix plus douce que les autres réussit à l’atteindre.
— Il t’a blessée, dit-il en plongeant son regard dans les prunelles couleur
cognac de sa compagne. Je connais cette sorte de couteau, j’en ai déjà vu
un. Je sais ce qu’ils font comme dégâts. Il aurait pu te tuer.
— Mais il ne l’a pas fait. Je suis là. Tout va bien.
— Ils t’auraient tuée.
Makenna aurait été incapable de repousser une attaque de groupe.
— Mais tu es arrivé à temps.
Tout juste. Il serait arrivé une minute plus tard, elle aurait été déjà morte.
Son loup poussa un grognement et sortit les griffes.
— Tu m’as sauvée, affirma-t-elle avec un petit sourire. Et là, j’aimerais
bien qu’on remette ce connard à Dante et partir d’ici. J’aurais bien besoin
d’un câlin aussi.
S’il n’avait pas été justement en train de la regarder dans les yeux, Ryan
aurait pu croire qu’elle essayait de le distraire. Mais il voyait qu’elle était
sincère, en plus d’être épuisée et inquiète. Elle n’avait pas besoin de devoir
gérer sa colère en plus.
Le sentant prêt à capituler, Dante arracha Jeff à Makenna. Il se débattit un
peu, tenta de se libérer mais en vain. Tao s’approcha de lui et lui murmura
quelque chose à l’oreille. Ryan n’avait aucune idée de ce qu’il lui avait dit
mais Jeff s’immobilisa et blêmit.
— Ça va ? demanda Makenna à Ryan en posant les mains sur son torse.
Ryan enlaça fermement sa compagne, se pencha et enfouit son visage
dans le creux de son cou. Il poussa un long soupir rauque. Le fait de sentir
battre son pouls contre sa bouche l’aida à se soulager de l’angoisse qui le
tenaillait comme un étau. Il la laissa le réconforter. Laissa son odeur, ses
caresses et sa voix l’apaiser, calmer son rythme cardiaque et soulager la
colère froide qui s’était emparée de lui. Son loup aussi fut apaisé par sa
présence et sa chaleur.
— Montre-moi ta jambe, dit Ryan mais il ne la lâcha pas, continuant à
humer son parfum.
— Ma blessure est presque guérie, dit-elle après l’avoir embrassé sur la
gorge.
Le SUV s’approcha et Dante balança Jeff dans le coffre.
— On sait tout l’amour que vous portez à votre chef, ironisa Dante en
souriant aux autres humains. Alors, si vous voulez l’accompagner pour
rencontrer les membres du Mouvement, pas de souci.
Personne ne s’étonna qu’aucun d’entre eux n’accepte son invitation. Ils
avaient beau être fanatiques et avoir plein de préjugés, ils tenaient aussi à la
vie. Ou à tout le moins, ils avaient beaucoup trop peur pour suivre leur chef
jusqu’en enfer.
— Tu as entendu ça, Jeff ? s’enquit Dominic en donnant quelques petits
coups de poing sur le coffre. Eh bien, moi non plus. Le silence règne. Tes
disciples ne sont pas aussi dévoués à la cause que tu le pensais, hein ? Ce
doit être dur pour toi.
Makenna ne pouvait que l’espérer.
CHAPITRE 14
— Je vais bien, je t’assure, affirma Makenna à Madisyn qui avait mis son
téléphone sur haut-parleur pour que Dawn et Colton puissent suivre leur
conversation.
Persuadée que ses amis verraient la nouvelle de son agression aux infos,
la jeune femme les avait appelés dès son arrivée au territoire de la meute du
Phénix pour les rassurer sur son état de santé.
— Remercie les membres de la meute du Phénix de notre part, suggéra
Dawn. On ne pourra jamais leur rendre tout ce qu’on leur doit.
— T’aurais dû m’appeler, lamenta Madisyn. Je serais venue, je t’aurais
aidée !
— Je le sais bien, expliqua Makenna, touchée par sa sollicitude. C’est
bien pour cela que je ne l’ai pas fait. (Madisyn siffla son dépit, pas vraiment
convaincue par l’attitude protectrice de son amie.) Mon patron m’a appelée
il y a quelques minutes. Des extrémistes sont allés manifester devant la
station-service ce matin.
— Laisse-moi deviner : tu as perdu ton boulot, maugréa Dawn.
— Exact.
Son patron ne l’avait pas licenciée parce qu’elle était une solitaire ni
parce qu’il nourrissait des préjugés à l’endroit des métamorphes mais bien
parce qu’il ne pouvait pas se permettre de perdre des clients à cause des
manifestations.
— Qu’ont-ils fait à ce fils de pute de Jeff ? éructa Madisyn en
marmonnant un juron.
Avant de rentrer, Dante avait confié le chef des extrémistes à la meute
Mercure où le frère adoptif d’Ally ne tarderait pas à le récupérer.
— Il ne posera plus de problèmes, répondit-elle laconiquement, ayant
promis à Ryan de ne pas révéler l’existence de liens entre Ally et le
Mouvement.
— Comment va Ryan ? s’enquit Colton. Pas très bien, je suppose.
De la galerie où elle se trouvait, Makenna jeta un œil dans la cuisine où la
plupart des membres de la meute du Phénix s’étaient retrouvés pour
déjeuner. Ryan la dévisageait avec son habituel froncement de sourcils. Il
n’était pas encore tout à fait calmé et une lueur sauvage persistait dans son
regard.
— Il a déjà été mieux.
— Et Zac, comment s’adapte-t-il ? s’enquit Dawn.
— Très bien, répondit Makenna. Il a un gros béguin pour Hope, c’est très
mignon. Il est très heureux ici.
— Comme toi, tu le seras un jour.
— Quoi ?
— Ne fais pas l’imbécile avec moi, Makenna Wray. Je te connais depuis
que tu es toute petite. Je te connais même mieux que quiconque.
— Pas mieux que moi, renâcla Madisyn.
— J’ai bien vu comment Ryan te regarde, poursuivit Dawn. Ce mec tient
beaucoup à toi et tu le lui rends bien. Il a beau avoir l’air menaçant,
dangereux même, c’est quelqu’un de très bien. C’est le bon numéro. Ce
n’est pas trop désagréable d’être célibataire à ton âge mais avec les années,
on se rend compte qu’on va vieillir seule et même mourir seule, et ça fait
mal. Ne fais pas comme moi. S’il t’offre quelque chose de plus sérieux
qu’une relation passagère, accepte.
— Je ne m’étais pas rendu compte que tu souffrais, Dawn, déclara
Makenna le cœur serré. Je suis sincèrement désolée, conclut-elle en se
disant qu’elle aurait dû s’en apercevoir.
— Ne t’en fais pas pour moi, ma chérie. J’ai une vie très agréable et plein
d’amis sympas. Je ne suis pas du genre à me complaire dans les…
Comment tu dis, Madisyn ? Oui, c’est ça, les jérémiades. Vraiment pas. On
peut cependant être heureux et triste en même temps.
Voyant Grace et Hope commencer à servir le repas, Makenna salua ses
amis et raccrocha. Ryan lui avait gardé une place entre lui et Zac. Elle s’y
installa en souriant et les regarda remplir son assiette. C’était là leur façon
de s’occuper d’elle, elle le voyait bien.
— Vous êtes des amours, leur dit-elle.
À ces mots, ils firent tous les deux la tronche et lui adressèrent un regard
noir. Elle s’en amusa.
— Je m’étais trop servi, expliqua Zac en haussant les épaules, alors j’ai
transféré mon trop-plein dans ton assiette, c’est tout.
— Ne te laisse pas berner, Makenna, intervint Taryn en souriant. Il s’est
beaucoup inquiété quand il a vu aux infos la nouvelle de ton agression par
les extrémistes devant chez toi.
Le couteau échappa des doigts de la femelle Alpha qui sursauta.
— Ah ! Tu vas avoir de la visite, s’exclama Makenna. Elle a laissé
tomber un couteau, expliqua-t-elle à Ryan en le voyant perplexe.
— Parce que faire tomber un couteau annonce une visite imminente ?
s’enquit-il, sceptique.
— Tu n’es pas obligé de me croire, Croc-Blanc, répondit-elle en
esquissant un geste dédaigneux de la main.
— Je t’ai déjà demandé de cesser…, commença-t-il après avoir inspiré
longuement. Tu sais quoi ? Laisse tomber.
Il s’était résigné à ce que sa compagne ne soit pas complètement saine
d’esprit.
— Jaime nous a raconté que ton patron t’avait appelée pour te virer
pendant que tu étais sur la route du territoire, dit Grace à Makenna. C’est
vrai ?
— Ouais, mais je ne lui en veux pas. C’est la faute des extrémistes.
Elle se demandait bien comment elle allait pouvoir payer son loyer sans
salaire.
— Si les humains ont été capables de remonter ta trace jusqu’à la station-
service, est-ce qu’ils ne risquent pas de te retrouver aussi au refuge ?
questionna Gabe.
— Je ne suis pas sur la liste des membres du personnel, expliqua
Makenna en secouant la tête. Il n’y a rien qui me lie officiellement au
refuge.
— À moins que Remy ne les mette sur ta piste, ajouta Tao. Tout comme
il leur a donné ton nom et ton adresse.
— Les morts ne peuvent pas parler, grogna Ryan.
Makenna croisa son regard et y vit de la vengeance à l’état pur.
— Ne t’en prends pas à lui, Ryan.
Le lieutenant répondit par un grognement.
— Il ne le faut pas. Réfléchis bien. Si tu le cherches, il va détourner ta
démarche. Il dira au Conseil que Dawn lui a envoyé une meute pour
l’intimider et le calomnier. Il y a autre chose aussi qu’il ne faut pas oublier.
— Quoi donc ? s’enquit Marcus avant d’enfourner une énorme bouchée.
— Cela ne vient peut-être pas de lui.
— Qu’est-ce qui te fait penser cela ? voulut savoir Roni.
— Jusque-là, toutes ses attaques ont été plutôt indirectes et non violentes.
— Peut-être passe-t-il à la vitesse supérieure, proposa Tao.
— Au point d’envoyer des extrémistes frapper à ma porte et attirer une
équipe de télé ? enchaîna Makenna en secouant la tête. Ce serait une
véritable escalade des hostilités.
— Il s’est peut-être énervé en voyant que tous ses autres efforts avaient
été vains, supposa Tao en haussant les épaules.
Makenna montra son assentiment d’un signe de tête.
— Qui d’autre que Remy aurait pu faire cela ? demanda Dante.
— Cette chère Deanne peut-être, répondit Makenna en souriant.
— La mère de Remy ? intervint Ryan en fronçant davantage les sourcils.
— Je l’ai bien énervée, lui rappela-t-elle.
— Parce que tu l’as rencontrée ? s’étonna Taryn en rajustant la position
de Kye sur ses genoux.
— Ryan ne vous a rien dit ? demanda Makenna avant de prendre une
gorgée de Coca.
— Ryan ? Raconter quoi que ce soit ? pouffa Taryn.
Ouais bon, elle avait raison. Makenna donna donc une brève description
de sa rencontre avec la mère de Remy.
— Aurait-elle pu trouver un meilleur moyen de se débarrasser de moi et
de m’éloigner de son fils que de lancer les extrémistes sur ma trace ?
— Tu as peut-être raison, déclara Tao en tapotant des doigts sur la table.
Mais on doit également envisager que ce soit Remy, le responsable. Il t’en
veut peut-être à mort pour ce que tu as dit à sa mère.
— Je doute qu’il soit du genre à céder à ses pulsions, rétorqua Makenna
en serrant les lèvres. Il est trop rusé.
— Peut-être. De toute manière, il reste suspect quand on pense à ce qui
va arriver maintenant que les extrémistes t’ont dans leur viseur.
— Qu’est-ce que tu veux dire par là ?
— Les extrémistes d’aujourd’hui, intervint Ryan, vont sans doute
disparaître dans la nature par crainte du Mouvement. Il se peut cependant
qu’ils refilent ton nom à des complices de leur réseau. Ils t’ont repérée et ils
ne te lâcheront pas. Remy va s’attendre à ce que tu fasses profil bas, que tu
te caches. Pense aux conséquences pour le refuge.
— Dawn devrait compter avec une bénévole en moins, conclut Makenna.
— Et pas n’importe laquelle, ajouta Trey, la fille qui s’occupe de trouver
des foyers d’accueil pour les solitaires. Il ne veut pas que les enfants
partent, c’est ça ?
Makenna marmonna un juron. Elle n’avait pas réfléchi à cette possibilité
tant elle était persuadée que cela venait de Deanne. Elle n’en était plus aussi
sûre à présent.
— Personne ne m’empêchera d’aller travailler au refuge, insista-t-elle, en
pensant qu’elle trouverait bien le moyen de s’y rendre sans être suivie.
Personne ne m’obligera à vivre cachée non plus.
Autant Ryan aurait aimé qu’elle prenne un peu ses distances par rapport
au refuge, autant il comprenait que ce ne serait pas correct de le lui
demander. Ce n’était pas dans la nature de la jeune femme de demeurer
inactive pendant que des personnes qui lui étaient chères se battaient pour
leur survie. Elle ne les laisserait pas tomber au moment où elles avaient le
plus besoin d’elle. Si elle voulait continuer d’aller au refuge, il l’y
accompagnerait et veillerait sur sa sécurité.
— Tu ne vas pas retourner chez toi, j’espère ? s’enquit Zac. Il y a peut-
être d’autres extrémistes qui t’y attendent.
— Toutes mes affaires sont là-bas.
— Ton appartement a sans doute été saccagé, la prévint Roni qui avait
probablement raison – malheureusement.
— Makenna peut-elle rester ici un petit moment ? demanda Zac à Taryn.
— Elle reste ici, décréta Ryan.
Makenna fut contrariée de l’entendre répondre de manière si catégorique
mais elle avait décidé de ne pas l’asticoter. Il était encore énervé et ce
n’était pas le moment de le faire enrager davantage.
— Si les extrémistes découvrent que je me suis installée ici, se sentit-elle
obligée d’expliquer, ils pourraient s’intéresser à la meute. Il y a quelque
chose que je ne sais pas ? s’enquit-elle en entendant renâcler certains des
camarades de Ryan.
— On n’en est pas à notre première expérience des extrémistes, expliqua
Trey. Notre meute et la meute Mercure ont déjà subi des attaques de leur
part. Mais tous ceux qui ont envahi notre territoire ont mystérieusement
disparu. Les autres se tiennent donc à carreau. Ils ne risquent pas de revenir.
— Tu te trompes, objecta Greta. Les extrémistes ne sont pas assez
intelligents pour garder leurs distances. On va avoir encore des ennuis, tu
verras. Il vaudrait mieux que tu ailles ailleurs, poursuivit-elle en se tournant
vers Makenna.
— Elle reste ici, déclara Ryan en dévisageant la vieille dame.
— Comment peux-tu avoir choisi une pétasse comme elle ? s’enquit
Greta en rougissant de fureur. Je te l’ai dit pourtant, elle a été bannie de son
ancienne meute. Pourquoi cette fille ? Tu vaux mieux que ça, tu mérites
tellement mieux ! Cette fille est dangereuse pour nous, lança-t-elle en tapant
la table de la main. Tu as juré de protéger ta meute !
— Ouais, mais bon, ce n’est pas comme s’il avait signé un contrat,
déclara Makenna en haussant les épaules.
Waouh ! Greta eut l’air d’avoir envie de se jeter sur Makenna pour
l’étrangler.
— Cela vous intéressera sans doute d’apprendre que Rhett a téléchargé
mes photos sur son blog, intervint Jaime. Elles ont suscité énormément de
réactions, tant de la part d’humains que de métamorphes. Ils sont choqués
par la violence des extrémistes. Un filet et un couteau guêpe ! Mais enfin !
C’est trop cruel.
— Je suis d’accord, approuva Dante en regardant l’écran de son
téléphone. Taryn, je viens de recevoir un message de Gabe. Ton oncle est
arrivé. Il veut te voir.
— Surtout, ne dis rien ! ordonna Ryan à sa compagne en serrant les
mâchoires, en voyant le sourire amusé qu’elle esquissait.
— Je n’en avais pas l’intention, affirma-t-elle en levant les mains.
Ryan grogna, loin d’être convaincu.
Plus tard le même jour, Makenna s’allongea dans l’herbe pour se faire
chauffer au soleil et marmonna intérieurement quelques jurons. Au cours
d’une seule et même journée, elle avait été agressée, licenciée et expulsée.
Son propriétaire l’avait en effet appelée dix minutes plus tôt pour lui
annoncer cette magnifique nouvelle. Elle s’était bien défendue en arguant
que ce n’était pas légal d’expulser une personne qui n’avait rien fait de mal.
Il avait répondu qu’il avait l’obligation de veiller sur la sécurité de ses
locataires et qu’il ne pouvait pas la garantir tant qu’elle habiterait là.
Il avait raison et elle n’avait donc pas essayé de le faire changer d’avis.
Cela signifiait cependant qu’elle était sans abri. D’accord, les choses
auraient pu être pires : Remy et Deanne auraient pu réussir à la séparer de
Madisyn et de Dawn, sa seule véritable famille.
Elle entendit alors un petit bruissement dans l’herbe. Elle leva les yeux et
aperçut un superbe loup à la robe sombre avec quelques taches de blond sur
sa tête, son cou, et à l’intérieur de ses oreilles. Son instinct lui dit que c’était
Ryan.
Il était parti une heure plus tôt pour aller faire sa ronde. Elle avait
soupçonné qu’il avait besoin de passer un peu de temps sous sa forme
lupine, besoin du calme et du réconfort que cela lui procurerait.
Le loup s’approcha et lui lécha le visage. Quand elle caressa son épaisse
fourrure, il poussa un gémissement de contentement. Elle sourit et lui donna
une petite tape sur le museau s’attendant à ce qu’il lui saute dessus en
jouant, au lieu de quoi il se contenta de la regarder.
Makenna leva les yeux au ciel et s’assit.
— Tu es donc aussi sérieux que Ryan ? dit-elle.
Sa louve aurait aimé émerger pour jouer avec lui, mais elle voudrait aussi
le marquer, quelque chose que les loups ne faisaient habituellement qu’à
leur âme sœur. Makenna préférait attendre d’être absolument sûre que
c’était effectivement le cas avant de le revendiquer ainsi. Ce ne serait pas
juste autrement.
Le loup se frotta le museau contre sa gorge et elle le repoussa gentiment
en le menaçant du doigt. Il se contenta de la dévisager. Après l’horrible
journée qu’elle venait de passer, elle avait besoin de se détendre et envie de
jouer avec son loup préféré.
— Va-t’en si tu ne veux pas jouer, lui lança-t-elle.
Le loup grogna. Ryan, lui, comprenait ses paroles et il lui montra ses
yeux humains.
— Grognon, dit-elle en se précipitant sur le loup et en le faisant chuter au
sol.
Il se tortilla et se libéra, se rétablit et parut très étonné. Perplexe et un peu
perdu. Elle lui donna une petite tape sur le museau avec un grognement
amical. Il lui donna un coup de patte à l’épaule sans sortir les griffes. Il
avait donc compris son manège. Elle se rua sur lui une nouvelle fois, le
faisant tomber. Il se releva, l’air exaspéré. C’était mieux que de le voir
perplexe.
— Je vais devoir passer à la vitesse supérieure, je pense, affirma
Makenna en se levant et en se mettant à courir.
Elle sentait le vent sur sa peau et les branches qui lui fouettaient le visage
et les bras à mesure qu’elle avançait entre les arbres, le loup sur ses talons,
les oiseaux et autres petits animaux s’égaillant devant eux.
Sentant que le loup la rattrapait, elle sprinta et parvint à une clairière où
elle se retourna pour l’affronter. S’arrêtant net devant elle, il montra les
dents. Elle claqua les mâchoires et… il remua la queue.
— Très bien.
Ils jouèrent à se chamailler et continuèrent jusqu’à ce que Makenna se
laisse tomber sur le dos, complètement essoufflée. Le loup la domina alors,
triomphant. Dans un grand craquement d’os, Ryan reprit forme humaine et
se retrouva allongé sur elle, entièrement nu.
— Ton loup a bien joué avec moi. Il est sympa, dit-elle passant les bras
autour de son cou.
— Mais uniquement avec toi.
Ryan l’embrassa alors et elle geignit, leurs langues s’enroulant l’une avec
l’autre. En quelques instants à peine, elle se retrouva également nue et il lui
donna exactement ce dont elle avait besoin. Il la baisa sauvagement et ils
explosèrent rapidement tous les deux.
— Ce territoire est formidable, affirma-t-elle après être redescendue de
son petit nuage post-orgasmique, blottie contre Ryan allongé sur le dos.
Sa louve était parfaitement détendue, enveloppée dans l’odeur de Ryan,
des pins, de l’herbe et de la terre réchauffée par le soleil. Elle n’entendait
que les bruits des petits animaux de la forêt et de la rivière au loin.
— Alors pourquoi es-tu triste ? demanda Ryan en posant une main sur
son menton et en lui relevant la tête pour la regarder dans les yeux.
Il n’aimait pas la voir ainsi. Il voulait qu’elle soit heureuse.
— Je suppose qu’il y a plein d’endroits agréables comme celui-ci dans
ton territoire où tu te sens en sécurité. Ma louve… elle n’a jamais connu
cela. Je n’ai jamais connu cela.
— Il n’en tient qu’à toi et tu le sais, dit-il un peu trop sèchement.
Elle était ici chez elle. Elle n’avait qu’à l’accepter. Le loup de Ryan se
sentait tellement frustré de voir qu’elle rechignait à le faire. Les autres
auraient été étonnés de constater à quel point son loup toujours si sérieux et
morose était capable de se laisser aller à jouer avec elle. Son animal
l’adorait, la reconnaissait comme sa compagne. Il n’y avait rien qu’il ne
ferait pas pour elle.
— Tu as dit à tes camarades de meute que tu pensais que j’étais ton âme
sœur ?
— Ils ont deviné. Ils sont d’accord avec moi. Tu es la seule à ne pas le
voir.
Il avait l’air tellement malheureux, comme si elle le rejetait.
— Je serais fière d’être ton âme sœur, affirma-t-elle en se blottissant
contre lui. Tu es parfait : loyal, fort, beau, honorable. Un protecteur-né qui
ne laisse jamais tomber les autres. C’est… Qu’est-ce qu’il y a ? voulut-elle
savoir parce qu’il évitait son regard. Ryan ?
— Je n’étais pas là pour toi aujourd’hui.
— Comment ça ? interrogea-t-elle, perplexe.
— Je t’ai demandé de me faire confiance, je t’ai promis de veiller sur ta
sécurité. Mais je n’étais pas là pour toi aujourd’hui. J’aurais dû rester avec
toi ce matin.
S’il y avait une chose que Ryan savait bien faire, c’était de veiller sur les
gens qu’il devait protéger. Mais sa compagne avait couru un grave danger et
il n’était pas là pour la protéger. Cela l’avait tourmenté toute la journée.
Ainsi que son loup, d’ailleurs.
— C’est ridicule. Tu as ton boulot, un boulot très important.
— Si j’avais été là avec toi ce matin, tu ne te serais jamais retrouvée prise
au piège sous un filet.
Comme un vulgaire animal.
— Ce que tu peux être bête pour un homme aussi pragmatique, affirma
Makenna. (Sa louve partageait son avis.) Ce n’est pas que tu aurais dû être
là ce matin, poursuivit-elle en posant la tête sur son torse, mais plutôt que
les extrémistes n’auraient pas dû être là. Ce sont eux qui étaient là où ils
n’auraient pas dû, pas toi. C’est Remy, le seul responsable de ces
événements.
À moins que ce ne soit Deanne, bien entendu.
— Il va payer, affirma Ryan tandis que son loup grognait, entièrement
d’accord avec lui.
— Mais pas tout de suite. Après la rencontre avec le Conseil. Jusque-là,
on ne réagit pas à ses provocations, OK ? On est bien d’accord ?
Non, il n’était pas d’accord. Mais elle avait raison, son esprit rationnel
devait le reconnaître.
— Il y a quelque chose que tu dois comprendre. Il faut gérer cette
situation intelligemment, j’en conviens, ajouta-t-il même s’il était très
difficile pour lui d’attendre. Mais si Remy te blesse, ou s’il essaie même
juste de t’atteindre, je le bute.
— Tu me laisseras regarder, dis ? lança-t-elle en frottant son nez contre le
sien. J’apporterai le pop-corn. Comme au cinéma.
— Une vraie folle, décréta Ryan en souriant presque.
Mais bon, il ne voudrait pas qu’elle soit autrement qu’elle-même. Cela ne
faisait pas bien longtemps qu’elle était entrée dans sa vie mais elle l’avait
égayée, embellie. Si les extrémistes avaient gagné, son existence aurait été
beaucoup plus sombre, beaucoup plus triste.
— Qu’est-ce que tu as ? demanda-t-elle en voyant ses traits se durcir.
— Tu aurais pu mourir aujourd’hui.
— J’étais un peu inquiète, surtout que j’ai cru voir plusieurs pies
dernièrement. Tu sais bien, lui expliqua-t-elle en remarquant son air
perplexe, une pie est signe de malheur, deux annoncent un bonheur, trois un
mariage, quatre la mort. Au début, j’ai cru qu’elles étaient quatre. Mais je
m’étais trompée et je me suis aperçue qu’il n’y en avait que trois. Je me
demande bien qui va se marier ?
Ryan se contenta de pousser un grognement. Elle était cinglée et il allait
devoir l’accepter. Il n’avait pas le choix. Et puis, elle avait dit qu’elle serait
fière de l’avoir pour âme sœur. Peu de choses étaient donc susceptibles de le
perturber, surtout qu’elle était là avec lui pour de bon au territoire de la
meute du Phénix. Elle se trompait si elle pensait que ce n’était que
temporaire.
— As-tu besoin d’aller chez toi récupérer tes affaires ?
— Au fait, je n’ai plus d’appartement. J’ai été expulsée.
— Expulsée ?
— Mon propriétaire m’a dit qu’il mettrait mes effets dans des cartons. Je
pensais que cela te ferait plaisir, ajouta-t-elle en entendant Ryan grogner. On
sait bien tous les deux que tu veux que je m’installe ici avec toi pour de
bon.
— Il n’est pas juste envers toi, déclara Ryan qui aurait été incapable de se
réjouir d’une telle situation.
— Mais cela vaut mieux pour les autres locataires. Il pense à eux.
C’était typique de Makenna. Elle faisait passer les besoins des autres
avant les siens. Cela énervait Ryan.
— Tu ne m’as pas appelé ce matin, débuta-t-il en l’empoignant par les
cheveux, et je comprends, mais ne refais jamais cela.
C’était son droit de la protéger, estimait-il.
— Comme toi, je veille sur la sécurité de ceux qui me sont chers,
regimba-t-elle.
— Alors je te suis cher ? s’enquit-il, le souffle presque coupé.
— Tu le sais très bien.
Ryan resserra son étreinte sur les cheveux de Makenna et l’attira à lui
pour l’embrasser avec une intensité et une possessivité lui signifiant qu’elle
était sienne et le serait toujours. Le plus tôt elle l’accepterait, le plus vite ils
seraient heureux ensemble.
Ryan venait de terminer une séance d’entraînement avec Dante, Tao et les
autres lieutenants quand son téléphone sonna.
— Garrett, dit-il d’emblée en décrochant après avoir identifié son
interlocuteur, étonné de recevoir un appel de son vieil ami.
— Un de ces jours, tu pourrais peut-être essayer de me dire « bonjour »
quand tu décroches !
— Ouais, bien sûr, répondit Ryan en pensant qu’il y avait peu de chances
qu’il le fasse.
— Je t’appelle au sujet de la marque de la salamandre.
— Tu t’es souvenu de quelque chose ? s’enquit Ryan en s’immobilisant.
Cela faisait déjà trois semaines qu’il avait joint Garrett à ce sujet.
— Non, mais tu sais que je n’aime pas les questions qui restent sans
réponse. Alors j’ai fait quelques recherches et j’ai parlé à plusieurs Alphas.
J’ai découvert qu’un certain Conrad Griffin, un Alpha de Nouvelle-Zélande,
marquait ainsi les membres de sa meute. C’était un vrai malade.
— « C’était », tu dis ?
— Oui. Il est mort il y a sept ans. Le nouvel Alpha est très différent, à ce
qu’il paraît.
Ryan avait bien l’intention d’enquêter sur lui et de se faire sa propre
opinion.
— Merci, Garrett, dit-il donc succinctement.
Ryan raccrocha, se rendit à sa chambre, prit une douche et sortit son
ordinateur portable. Il aurait pu demander à Rhett de faire ce travail pour lui
mais sans l’autorisation préalable de Makenna, il préférait s’en charger lui-
même.
Deux heures plus tard, Ryan avait collecté tellement d’informations qu’il
avait l’impression d’avoir les idées embrouillées. Il avait envie de tout
raconter à Makenna mais il hésitait de crainte de la faire souffrir, ce qu’il
tenait à éviter plus que tout. Mais est-ce qu’elle ne souffrait pas déjà au bout
du compte ?
Déchiré, Ryan passa le reste de la journée à se demander que faire.
Makenna avait le droit de connaître son passé même si elle lui avait assuré
qu’elle n’en avait pas envie, ce dont il doutait, comme Dawn d’ailleurs.
— Allez, crache le morceau ! lui ordonna-t-elle soudainement en se
relevant sur un coude alors qu’ils étaient allongés dans leur endroit préféré
de la forêt. Ne me dis pas que tu n’as rien, ajouta-t-elle en le menaçant du
doigt. Quelque chose te tracasse depuis ce matin. J’ai attendu patiemment
que tu t’en ouvres à moi mais tu ne m’as toujours rien dit. Alors, je te pose
la question : qu’est-ce que tu as ?
— Tu vas m’en vouloir, dit-il tandis qu’il passait une main dans la
chevelure de sa compagne.
— Quoi ? lança-t-elle en se crispant, à la pensée de tout ce qu’elle
pouvait imaginer de pire.
— Je ne pouvais pas ne rien tenter, Kenna. Surtout que je voyais bien que
tu souffrais.
— Qu’est-ce que tu as fait ? s’enquit-elle, devinant de quoi il retournait.
— Je ne les ai pas tués, si c’est ça qui t’inquiète, la rassura-t-il en se
mettant sur le côté pour la regarder en face. À toi de choisir : tu peux me
demander ce que j’ai découvert sur ton passé, ou me dire de ne jamais en
souffler mot et ça s’arrête là.
— Je t’ai fait confiance avec mes secrets, Ryan, siffla-t-elle en grinçant
des dents.
— Je ne t’ai pas trahie, Makenna. Je n’ai rien dit à personne.
— Je t’ai demandé d’oublier ça, de laisser tomber.
— Je ne pourrai jamais laisser tomber quelque chose qui te fait souffrir.
Jamais.
Makenna essaya de se lever mais il enroula un bras autour de sa taille et
l’attira à lui.
— Je peux te parler de ta meute d’origine et de ton père, reprit-il, te dire
ton vrai nom et celui de ta mère. Si tu préfères ne pas savoir, poursuivit-il
en passant une main dans les cheveux de sa compagne, je ne t’en reparlerai
jamais. Je veux seulement que tu aies le choix. Je suis désolé si je t’ai causé
du chagrin, conclut-il en appuyant son front contre celui de la jeune femme.
Il était sincère, elle le savait. Il n’avait pas cherché à la faire souffrir, elle
ne pouvait pas lui en vouloir. Elle avait toujours cru qu’elle ne désirait pas
savoir. Elle aurait dû pouvoir lui demander de tenir sa promesse de laisser
tomber et de ne jamais rien lui dire. Il n’y avait aucun mal cependant à lui
poser une seule question, pas vrai ?
— Quel était le vrai nom de ma mère ?
— Sinead Gannon, répondit Ryan qui avait soupçonné qu’elle voudrait
savoir au moins cela.
Makenna n’eut pas l’air ravie. Ce nom était pas mal, mais il ne convenait
pas du tout à sa mère. Elle aurait aimé pouvoir s’arrêter là, ne rien lui
demander d’autre.
— Et mon vrai nom ? finit-elle par lancer.
— Je ne connais pas ton prénom. Ton nom de famille aurait été Gannon-
Paxton.
— Comment se fait-il que tu n’aies pas pu découvrir mon prénom ?
s’enquit-elle en plissant le nez.
— Tu n’es pas née sur le territoire de cette meute. C’est une longue
histoire.
— Raconte, dit-elle, après avoir inspiré longuement mais incapable de
résister à la tentation de découvrir la vérité même si tout cela lui paraissait
insensé.
— Tu es issue de la meute Geraint de Nouvelle-Zélande. Sous l’autorité
du précédent Alpha, la meute est devenue une sorte de secte. Cet Alpha,
Conrad, voulait tout diriger et opprimait les membres de sa meute, allant
même jusqu’à les marquer au fer rouge d’une salamandre, sa manière de
montrer sa domination sur eux, d’affirmer son autorité. Il avait lui-même un
tatouage de salamandre et c’est la raison pour laquelle il avait choisi ce
symbole. Personne ne s’en plaignait puisqu’il était perçu comme une sorte
de sauveur.
— Un sauveur ? répéta-t-elle, incrédule.
— Le précédent Alpha était pire encore. Alors la meute lui était
reconnaissante de l’avoir tué et remplacé. Il a tout reconstruit, agrandi le
territoire, trouvé un guérisseur, rétabli l’ordre. Ce faisant, il s’est acheté la
loyauté de la meute et s’est arrogé les pleins pouvoirs. Les membres de la
meute se sentaient redevables envers cet homme qui les avait convaincus
que tout ce qu’il faisait était pour leur bien. Ils lui étaient entièrement
dévoués.
— Pourquoi a-t-il banni ma mère ?
— Tes parents n’étaient pas âmes sœurs, expliqua-t-il en lui caressant
tendrement le bras. Ils s’aimaient profondément cependant et ont demandé à
Conrad l’autorisation de s’unir. Aucun couple ne pouvait le faire sans son
consentement. C’était lui qui organisait toutes les unions à sa guise, que les
gens soient âmes sœurs ou non, qu’ils éprouvent ou non des sentiments l’un
envers l’autre.
— Mais cela compromettait l’avenir de sa meute. Seuls les âmes sœurs
ou les couples imprégnés développent un lien d’union et seuls les couples
unis peuvent se reproduire. Conrad devait pourtant le savoir.
— Il n’était pas complètement sain d’esprit, apparemment. Peut-être n’y
avait-il même pas pensé. Ou peut-être ne voulait-il pas que sa meute
grossisse parce qu’une petite meute est plus facile à manipuler, va savoir.
— Il n’a pas autorisé mes parents à s’unir, c’est ça ?
— Un couple peut s’imprégner à son insu, expliqua Ryan qui avait fait
signe que « non ». Tes parents se sont sans doute efforcés de rester discrets
au début, mais après que leurs odeurs ont commencé à se mélanger, ils ne
pouvaient plus le cacher. Conrad a pété les plombs. Surtout qu’il était
devenu évident d’après l’odeur de ta mère qu’elle était enceinte. Conrad
avait décidé de les exécuter publiquement pour servir d’exemple. Tes
parents ont heureusement réussi à s’enfuir. Sans doute parce que Conrad ne
s’attendait pas à ce qu’ils osent même essayer.
— Mais attends, tu dis que les deux ont réussi à fuir ?
— Conrad a envoyé ses lieutenants à leurs trousses, mais ils étaient rusés.
Ils sont parvenus à disparaître.
Sa mère lui avait expliqué qu’elles avaient été bannies alors que
Makenna était encore une enfant. Si Ryan avait raison, cela signifiait que la
jeune femme n’avait jamais connu sa meute.
— Et… mon père ?
— Personne ne sait ce qu’il lui est arrivé. Je n’ai rien pu découvrir à son
sujet, je suis désolé.
— Pourquoi ma mère m’aurait-elle menti ? Pourquoi m’a-t-elle dit qu’on
avait été bannies ? Pourquoi ne m’a-t-elle pas raconté ce qu’il s’était
réellement passé ?
— C’était peut-être trop dur pour elle de t’en parler. Peut-être avait-elle
l’intention de tout te raconter quand tu serais plus grande.
C’était tout à fait possible.
— En parlant de Conrad, tu as dit : « le précédent Alpha ». Il est donc
mort ?
— Ouais. Je ne pourrai pas le buter moi-même, lança-t-il, l’air
terriblement déçu. Le nouvel Alpha semble être un type bien. C’est le frère
cadet de ta mère. Il vous cherche depuis très longtemps, toi et tes parents.
Bouleversée, Makenna poussa un long soupir. Elle avait réussi à se
convaincre qu’elle ne souhaitait pas connaître la vérité sur son passé et voilà
qu’elle découvrait que c’était pire encore que tout ce qu’elle avait imaginé.
Bien pire. Non seulement son Alpha était un salopard de la plus belle
espèce, mais il était également passablement tordu. Il n’avait donc pas
banni sa mère, mais il lui avait interdit de s’unir à son compagnon et il
l’avait pourchassée après qu’elle s’était enfuie, l’obligeant à vivre cachée.
Quant à son père… Makenna ignorait ce qu’il était devenu.
— Mes parents ne méritaient pas ce qu’il leur est arrivé, affirma-t-elle, en
pensant que c’était la seule chose dont elle soit sûre.
— Toi non plus.
— Je ne sais pas trop que faire maintenant avec ces informations.
Elle avait du mal à tout absorber, tant elle se sentait fragile. Et puis, bien
honnêtement, elle n’avait pas envie de songer à tout cela. Elle ne voulait pas
rester allongée là à penser à la vie qu’elle aurait pu connaître s’il n’y avait
pas eu ces événements. Elle souhaitait que son compagnon la prenne dans
ses bras et la réconforte.
— Tu n’es pas obligée de faire quoi que ce soit, déclara Ryan qui
n’aimait pas la voir se replier sur elle-même tout en comprenant pourquoi
elle le faisait.
Il l’embrassa légèrement sur les lèvres. Elle l’attrapa par la nuque et
essaya de prendre les rênes, de transformer son baiser en une étreinte
passionnée, violente. Mais Ryan ne la laissa pas faire. Il continua à
l’embrasser lentement, doucement et profondément tout en passant la main
sur sa cuisse sous sa robe jusqu’à lui empoigner les fesses.
Quand Ryan planta fermement les dents dans sa gorge dans un geste de
possessivité, elle poussa un gémissement de protestation. Il grogna.
— Tu es mienne, j’ai le droit de te mordre, lui rappela-t-il.
Il s’attendait à voir briller un éclair de défi dans le regard de sa
compagne, mais il n’y trouva que tristesse et nostalgie.
— Dis-moi ce qui te fait peur, Kenna. C’est cela qui empêche le lien
d’union de se mettre en place.
Ce n’était pas une simple requête que Ryan venait de formuler mais bien
un ordre. Makenna se mordilla la lèvre inférieure. Le lieutenant n’y allait
pas par quatre chemins. Il lui servait un ultimatum. Le temps commençait à
manquer, il l’avait prévenue. Elle ne pouvait pas lui en vouloir d’insister
pour qu’elle lui livre le fond de sa pensée, lui dévoile toutes ses craintes,
surtout qu’il croyait que ce serait la solution à leur problème. Contrairement
à elle, il ne craignait pas que la vérité présente un danger ou une menace
pour leur relation. Il croyait sincèrement que le lien d’union ferait son
apparition dès qu’ils auraient enlevé l’obstacle à sa formation. Elle ne
partageait pas sa confiance. Elle ne voulait pas jouer son va-tout et risquer
de perdre Ryan.
Elle l’aimait, mais cela n’était pas une excuse pour le retenir de toutes ses
forces. C’était exactement ce qu’elle faisait et elle se sentait vraiment très
égoïste, surtout à l’idée que la véritable âme sœur de Ryan l’attendait
quelque part. Sa louve s’énerva à cette idée. Mais bon, il fallait que Ryan
soit libre pour la rencontrer.
— OK, d’accord, dit-elle enfin, en se levant, en croisant les bras et en
inspirant profondément. On va voir une fois pour toutes si tu as raison.
Ryan se leva aussi, n’appréciant pas le langage corporel de sa compagne.
Elle mettait une distance entre eux. Il n’aimait pas non plus son regard où il
lisait de la tristesse, des regrets. Elle resta là sans parler pendant un long
moment.
— Dis-moi tout, Kenna.
Elle redressa les épaules, tentant de ne pas accorder trop d’attention à
l’angoisse qui commençait à lui nouer le ventre. Chacune de ses respirations
la faisait souffrir. Elle ne voulait pas que Ryan s’en aille. Pas encore du
moins. Tous ses instincts lui criaient cependant qu’elle devrait accepter de le
perdre.
— Tu voudrais que je te fasse confiance, dit-elle en sentant une boule se
former dans sa gorge, et même si j’en ai envie, je ne pense pas en être
capable.
— C’est parce que tu as perdu la personne sur laquelle tu as le plus
compté, affirma Ryan, comprenant sa plus grande crainte et souhaitant la
rassurer à cet égard. Mais tu ne vas pas me perdre, Kenna. Je ne vais pas te
quitter.
— Mais tu finiras par le faire. Il n’y a pas de lien d’union entre nous,
ajouta-t-elle avec un petit sourire triste.
Il n’y avait rien d’autre à ajouter mais Makenna refusait de pleurer, même
si elle avait un nœud dans la gorge, même si sa poitrine se serrait au point
de lui faire mal et que tout son monde s’écroulait autour d’elle. Elle refusait
de verser des larmes devant lui. Elle ne voulait pas qu’il reste avec elle
uniquement parce qu’il se sentait coupable. Il ne méritait pas cela.
— Il y a encore quelque chose que tu ne me dis pas, c’est tout.
— Non, Ryan, affirma-t-elle en secouant la tête et en croisant les bras,
tandis que le froid l’envahissait. C’est la seule crainte qui m’empêche
d’accepter de m’unir à toi.
Ryan s’approcha d’elle et l’agrippa par les hanches quand elle tenta de
s’éloigner de lui.
— Si cette peur est réellement la seule chose qui empêche la mise en
place du lien d’union, tu aurais au moins ressenti le désir d’union.
— On ne le sent que si on est réellement âmes sœurs.
— Nous le sommes, grogna-t-il.
— Il n’y a pas de lien d’union, Ryan. Je ne sens rien et toi non plus. Il n’y
a rien entre nous.
— Alors, quelque chose d’autre y fait obstacle.
— Il n’y a rien d’autre. Tu t’es trompé ! cria-t-elle en posant les deux
mains sur son torse pour le repousser mais en vain, Ryan ne bougea pas
d’un centimètre.
— Je ne me trompe pas, je le sais. Si c’était le cas, on se serait déjà
partiellement imprégnés, expliqua-t-il, la vulnérabilité qu’il perçut sur les
traits de Makenna lui donnant envie de frapper quelque chose. Regarde les
faits, Kenna. Les couples s’imprègnent sans en prendre vraiment la
décision. Je n’ai jamais rien désiré autant que je te désire. Je te l’ai déjà dit :
je tuerais pour toi. Quand je te dis que tu es mienne, ce n’est pas du pipeau,
merde. Rien ni personne ne m’obligera jamais à me séparer de toi. On ne
peut pas ressentir ce genre de chose pour quelqu’un d’autre que sa
compagne sans s’imprégner. Il n’y a pas d’imprégnation sans sentiments.
— On ne pourra jamais s’imprégner de toute manière avec ce que tu as
vécu.
Ryan la regarda en fronçant les sourcils, perplexe.
— Tu as grandi avec un bien mauvais exemple d’imprégnation. Tes
parents étaient malheureux ensemble et t’ont transmis cela. Si seulement ils
avaient attendu leurs âmes sœurs…
— Ce n’est pas parce qu’ils ne sont pas âmes sœurs qu’ils ne s’entendent
pas bien, mais parce qu’ils n’ont jamais fait d’efforts. Au lieu d’essayer de
trouver une solution à leurs problèmes, ils se contentent de s’accuser
mutuellement de tous les maux de la terre. Gwen tient tout et tout le monde
responsables de son malheur. Elle répète inlassablement à son mari qu’elle
aurait mieux fait d’attendre son âme sœur. Galen, lui, rigole et lui dit de se
barrer, même s’il souffre des accusations de sa femme. Ils ont eux-mêmes
bousillé leur relation.
Ryan put constater que ses arguments avaient porté leurs fruits et que
Makenna n’était plus aussi sûre d’elle. Marcus avait raison, apparemment :
la jeune femme croyait que Ryan ne voudrait jamais s’imprégner compte
tenu de son passé.
— Il existe, ce lien d’union, seulement, on ne le sent pas, affirma Ryan en
posant son front contre celui de la jeune femme.
Il ne comprenait pas pourquoi. L’obstacle à sa formation venait peut-être
de lui après tout. Il croyait néanmoins de toute son âme que ce lien existait.
— Même si je me trompe, cela ne change rien au fait que tu es mienne et
que je te garde, déclara-t-il quand il la vit s’apprêter à émettre une
objection.
Il l’embrassa passionnément dans l’espoir de lui faire sentir son désir, sa
détermination, sa sincérité. Elle lui rendit son baiser mais il perçut une
certaine hésitation. Sa compagne se retenait encore. Ça, il ne pourrait jamais
l’accepter. Il l’empoigna par la gorge, il mit encore plus de passion dans son
baiser, il la domina, la dévora, la posséda. Elle planta ses griffes dans ses
bras pour le retenir un peu. Ryan grogna. Il avait l’intention de continuer
aussi fort jusqu’à ce qu’elle comprenne et accepte qu’elle était sienne.
Makenna se dit qu’elle devrait reculer, s’éloigner. Elle avait tout misé sur
lui et elle avait perdu. Il ne lui appartenait pas, elle n’avait pas le droit de
l’embrasser, de le caresser. Sa louve n’était pas d’accord avec elle et se
manifesta. Eh bien, tant pis pour son animal ! Elle n’y pouvait rien, la
situation n’allait pas changer. S’il existait un lien d’union, ils l’auraient
senti. C’était aussi simple que cela.
Était-elle étonnée que Ryan ne l’accepte pas ? Non. Il était beaucoup trop
têtu pour reconnaître qu’il pouvait avoir tort, merde. Tellement têtu qu’il
continuerait à lui tourner autour pendant des mois et des mois à attendre que
ce lien illusoire se manifeste. C’était injuste et pour l’un et pour l’autre. Ils
passaient tellement de temps ensemble qu’ils auraient dû commencer à
s’imprégner. Bien égoïstement, elle avait envie de saisir cette chance à
pleines mains. Elle se rendait compte cependant qu’elle empêchait Ryan de
suivre la voie que lui réservait le destin, de rencontrer son âme sœur, une
personne mieux assortie à lui.
Elle ne résista pas cependant quand il s’allongea sur elle par terre. Elle ne
lutta pas quand il releva sa robe et s’installa entre ses jambes, ne lui dit pas
d’arrêter quand il lui retira sa culotte et inséra un doigt en elle.
Une dernière fois, se dit-elle. Je vais faire l’amour avec lui une dernière
fois. Puis elle laisserait aller cet homme qui ne lui avait jamais appartenu.
Ryan aurait dû être soulagé lorsqu’elle commença à l’embrasser avec
fougue, se cambrant contre sa main. Mais quelque chose clochait. Il aurait
été bien incapable de compter le nombre de fois où il avait possédé
Makenna. Elle était parfois provocatrice, malicieuse, et sauvage au lit. En
revanche, elle ne s’était jamais accrochée à lui comme cela… comme si elle
était désespérée.
— Makenna, ce n’est pas la dernière fois qu’on baise, gronda-t-il. Ne
pleure pas, la supplia-t-il en voyant ses yeux briller de larmes contenues.
Il ne se sentait pas capable d’être sensible et patient juste à ce moment-là.
Il lui en voulait trop d’être disposée à se séparer de lui. Et puis il était
énervé contre ce putain de lien d’union qui ne se matérialisait pas.
— Je ne suis pas celle qui t’est destinée.
— Tu n’as pas encore compris que je me contrefous du destin ? Je prends
mes propres décisions, je suis ma propre voie. Et je te choisis, toi.
Pour ponctuer ses déclarations, il inséra son doigt encore plus
profondément en elle et il grogna quand elle planta ses griffes dans son dos.
— Ce ne serait pas aussi facile de dire cela si tu n’étais pas persuadé
qu’on est âmes sœurs.
C’était là où elle se trompait. Ryan ne tenait pas à elle parce qu’ils étaient
âmes sœurs mais bien parce qu’il tenait à elle, Makenna. Elle était forte,
courageuse, protectrice, loyale, joueuse et un peu cinglée. Il l’avait dans la
peau et il n’avait aucune intention de se passer d’elle.
— Toi et moi, Kenna… On ne reviendra jamais en arrière, déclara-t-il en
bougeant la main et en caressant sa zone sensible. Je ne te laisserai pas
partir, ajouta-t-il tandis qu’elle s’arquait et haletait contre sa bouche.
Elle se mordit la lèvre quand il inséra un second doigt en elle. En dépit de
leur sujet de conversation, elle était mouillée et le désirait ardemment. Cela
ne l’étonnait pas du tout. Son corps réagissait toujours à lui. Sa présence sur
elle suffisait à l’exciter.
— C’est toi qui vas me quitter.
— Pourquoi est-ce que je te quitterais ?
Puis il baissa sa robe et lui découvrit la poitrine, ses seins se soulevèrent
et s’approchèrent de sa bouche.
— Quand tu auras compris que tu te trompes, tu…, haleta-t-elle, en
s’interrompant quand sa langue lui caressa le téton.
— Tu ne m’écoutes pas, Makenna, merde ! s’exclama-t-il, persuadé que
cela n’avait rien à voir avec le fait qu’il ait raison ou pas. Tu es mienne,
quoi qu’il advienne.
Il retira ses doigts, enleva son tee-shirt et ouvrit sa braguette. Son sexe
émergea, dur et douloureux. Il avait besoin de la pénétrer, de la dominer, de
lui faire accepter sa vérité. Il l’empoigna par les hanches et introduisit son
membre en elle mais pas complètement.
— Lève les bras, ordonna-t-il.
— Quoi ? dit-elle en plissant les yeux.
— Tu ne toucheras pas ce qui n’est pas à toi, expliqua-t-il en grognant.
Tu es mienne, Makenna. Que ce soit bien clair. Tu m’appartiens. Je vais
prendre ce qui est à moi. Peux-tu l’accepter ? Peux-tu accepter que je suis à
toi ? Alors, lève les mains, insista-t-il quand elle garda le silence.
Elle obtempéra, mais très, très lentement.
— Très bien.
Puis il lécha la cicatrice de sa marque sur son cou, imprima un lent
mouvement de va-et-vient à ses hanches et la pénétra profondément. Il se
sentait si bien en elle. Il respira son délicieux parfum. Il la goûtait de tous
ses sens, s’enivrait de sa saveur et de son odeur.
— Est-ce que tu sens ton sexe se refermer sur moi, Kenna ? s’enquit-il en
lui mordillant la gorge. Comme s’il ne voulait pas que je parte. C’est ça qui
te fait peur, non ? Que je te quitte. Mais je te l’ai déjà dit, insista-t-il en lui
relevant une jambe pour s’enfouir encore plus profondément en elle, je ne te
quitterai pas. Tu n’as pas confiance ?
— Je sais que tu ne reviendrais pas sur ta parole si je te demandais de
t’engager envers moi, dit-elle en s’agrippant à l’herbe.
Ryan comprit enfin. Elle craignait qu’il ne reste avec elle même s’il
découvrait qu’ils n’étaient pas âme sœurs simplement parce qu’il lui avait
promis qu’il ne l’abandonnerait pas. Il pouvait le concevoir. Il ne voudrait
pas qu’elle reste avec lui pour les mauvaises raisons. Il allait le lui dire
quand elle bougea un peu les bras.
— Non, éructa-t-il.
Il avait prononcé ce mot avec une telle autorité, une telle force que même
sa louve fut impressionnée. Elle éprouva pourtant l’envie de le faire
enrager.
— Je veux…, grogna-t-elle
— Je sais ce que tu veux, dit-il, devinant son désir d’être baisée
passionnément et sauvagement. Mais tu ne l’auras pas.
Alors Makenna se battit. Elle décocha des coups de pied, le poussa, lutta
et tenta de se libérer mais l’enfoiré la coinça de tout son corps et la retint
par la gorge. Fermement, sans lui faire mal. Il voulait simplement qu’elle
admette que c’était lui qui maîtrisait la situation. Ses instincts incitaient la
jeune femme à s’immobiliser.
— Lâche-moi.
— Qu’est-ce qu’il y a, Makenna ? demanda-t-il en la pénétrant
fermement. C’est trop lent pour toi ? Tu veux que j’aille plus vite ? Tant pis
pour toi, dit-il quand elle grogna son assentiment. Je te baise comme je
veux parce que tu es mienne. Allez, l’exhorta-t-il, en donnant encore un ou
deux coups de boutoir. Lève les mains au-dessus de ta tête.
Pas du tout impressionnée, Makenna continua à lutter. Enfin, elle essaya.
C’était difficile de se battre contre un homme quand on pouvait à peine
bouger et avec, en plus, une main qui vous maintenait à la gorge. Elle
n’arrêta pas cependant et continua à le mordre, à le griffer et à se tortiller.
Sa main sur sa gorge la faisait siffler à chaque inspiration. Quand elle
s’immobilisa, Ryan lui prodigua quelques petites caresses pour la
récompenser.
— Cesse de lutter contre moi, Kenna, lui intima Ryan en lui assenant un
tel coup de hanches que le sexe de la jeune femme se referma presque
douloureusement sur son membre. Tu es mienne, je suis tien. Accepte-le,
conclut-il en ponctuant ses paroles d’un autre coup, une fois pour toutes,
putain.
Makenna lui mordit le menton, pas suffisamment fort pour déchirer la
peau mais juste assez pour attirer son attention.
— Il n’y a pas de lien d’union entre nous. Toi, accepte-le.
— Peut-être pas, repartit-il en admirant le cran de la jeune femme tout en
ne croyant pas du tout à ce qu’il venait de dire. Mais on va s’unir, Kenna,
d’une manière ou d’une autre.
S’ils devaient s’imprégner pour s’unir, eh bien, soit, ils le feraient. Ryan
s’en contrefichait. Tout ce qui comptait pour lui était qu’ils restent
ensemble. Il refusait de se séparer d’elle.
— Vas-tu mentir et me dire que tu ne le souhaites pas ? ajouta-t-il en la
goûtant, en lui léchant les lèvres. Allez, Kenna, vas-y, mens. Tu vois, dit-il,
la récompensant de deux grands coups de boutoir quand elle ne répondit
pas, on veut la même chose tous les deux. Tu n’as qu’à cesser de résister, tu
n’as qu’à accepter.
Cela avait l’air tellement simple. Et sa proposition était tentante.
Makenna se sentit hésiter surtout que sa louve la poussait à le revendiquer.
S’il avait envie de courir le risque de ne pas connaître son âme sœur, c’était
sa décision, pas vrai ? Ce n’était pas comme si elle essayait de profiter d’un
homme naïf et un peu bête. Ryan était un adulte, capable de prendre ses
propres décisions. Il assumait son choix et toutes ses répercussions. Il
n’était pas impulsif, il avait bien réfléchi avant de s’engager. Mais bon…
— Il faut que tu sois sûr à cent pour cent que tu me veux moi et tant pis
pour les conséquences.
— Je ne veux, et ne voudrai jamais, personne d’autre que toi, affirma
Ryan en passant les deux mains dans la chevelure de la jeune femme et en
la contemplant intensément. Tu es mienne et je suis tien, poursuivit-il en lui
encerclant les hanches. Dis-le, insista-t-il tandis qu’il lui assenait un grand
coup de hanches. Allez, merde !
Makenna inspira longuement. Elle était fatiguée de lutter contre lui,
contre ses propres désirs et ceux de sa louve. Il avait choisi. Tant pis pour le
putain de destin !
— Je suis tienne et tu es mien, déclara-t-elle.
Des lueurs de triomphe, de satisfaction et de possessivité illuminèrent le
regard rarement expressif de Ryan. Puis Makenna fut incapable de penser à
quoi que ce soit tant Ryan la prenait violemment.
— Oui ! cria-t-elle.
Elle s’agrippa à lui, plantant les griffes dans ses épaules, faisant couler
son sang. Il poussa un grognement d’approbation et elle lui racla le dos de
toutes ses griffes pour le marquer de façon permanente.
Ryan se figea le temps d’enrouler les jambes de sa compagne autour de
ses épaules avant de recommencer à lui donner de grands coups de reins, si
profondément qu’il lui faisait un peu mal, il le savait. Le sexe de Makenna
se resserra autour de son membre et le baigna de sa douceur soyeuse. Elle
s’arqua pour venir à la rencontre de chacune de ses poussées.
Puis il ramassa les cheveux de la jeune femme pour dénuder son cou. Il
pencha sa tête, lécha et suça l’endroit qu’il avait choisi, pour la prévenir de
ce qui allait suivre. Il planta alors les dents et mordit fort, goûtant le sang de
sa compagne. Le sexe de Makenna se referma sur lui tandis qu’elle jouissait
en criant. Pendant tout ce temps, il lécha et suça la marque qui serait
indélébile et que tous reconnaîtraient pour ce qu’elle était : un signe de
revendication.
Ryan grogna tandis que Makenna redressait la tête et lui mordait le cou à
son tour. Ce n’était pas une simple morsure, non, mais bien une marque de
revendication. Ryan en fut chaviré. Il resserra sa poigne sur les cheveux de
la jeune femme, la pénétra le plus profondément possible et se déversa en
elle.
Complètement moulue, Makenna resta allongée au sol, les yeux fermés
tandis que son corps était secoué d’une onde de plaisir. Ryan lui appartenait
définitivement maintenant et cela lui réchauffa le cœur. L’expérience était
néanmoins douce-amère puisqu’aucun lien d’union n’accompagnait leur
revendication. Cette absence lui causait une douleur physique. Elle était
toutefois soulagée de penser que le processus d’imprégnation pourrait
maintenant débuter. Ryan laissa retomber les jambes de Makenna et lécha
sa marque encore toute fraîche. Enfin détendu, son loup poussa de petits
grognements de satisfaction. Il l’avait marquée très haut dans le cou, plus
haut que ne le voulait la tradition. Pour voir sa marque le matin dès le
réveil, pour que tout le monde sache au premier regard qu’elle était prise.
— Tu ne pourras plus jamais dire que tu n’es pas mienne.
— En fait…, commença-t-elle en fronçant les sourcils.
— N’essaie même pas, la prévint-il et il lui mordilla le menton quand il
la vit rire.
— Hé ! protesta-t-elle.
— Ne me cherche pas ! déclara-t-il en se mettant sur le dos et en
l’entraînant avec lui de sorte qu’elle se retrouva sur lui.
— Mais c’est rigolo.
Ryan poussa un grognement en guise de réponse.
— C’est vrai. Tu dois reconnaître que tu ne voudrais pas que je change.
— En fait…, objecta Ryan en prenant un air sévère.
— Va te faire voir, Croc-Blanc.
Puis elle rit et fit ce que sa louve souhaitait depuis un bon moment.
Qu’est-ce que cette fille se transforme rapidement, songea Ryan en se
retrouvant soudainement avec une magnifique louve à la robe argentée au-
dessus de lui. Il lui caressa le cou et elle lui lécha le menton. Son attention
fut détournée par un papillon qui voleta à côté d’eux et la louve gambada à
sa poursuite, essayant de l’attraper à coups de patte. Elle semblait
facilement distraite. Cela fut confirmé quand elle se retourna rapidement
ayant entendu le bourdonnement d’une abeille et partit à sa recherche. Ryan
en aurait presque souri. Son loup se manifesta, il voulait émerger et passer
du temps avec sa compagne. Ryan le laissa faire.
Constatant que son compagnon avait pris sa forme lupine, la femelle
claqua des dents et s’éloigna en courant. Le mâle suivit sa piste entre les
arbres. Elle courait très vite, mais il était plus rapide qu’elle. Il aurait pu la
retrouver n’importe où. Il l’aperçut bientôt. Le loup savait qu’il y avait un
cours d’eau non loin de là qui lui bloquerait le passage. Il prit un autre
chemin et la rattrapa par-devant.
La louve ne s’arrêta pas en voyant le mâle s’approcher. Elle n’essaya pas
de l’éviter. Elle se rua sur lui en aboyant et le fit chuter. Il se releva et
s’immobilisa, sur ses gardes. Cela ne plut pas à la louve. Elle grogna
comme pour le narguer. Elle voulait jouer. Elle lui apprendrait comment.
Le loup entra dans son jeu. Ils luttèrent, roulèrent au sol. Ils se mordirent,
se léchèrent et se donnèrent des coups de griffes, par jeu. Puis le loup la
chevaucha, lui mordit le cou pour la revendiquer comme l’avait fait Ryan. Il
ne comprenait pas l’absence de lien d’union et poussait Ryan à le chercher.
Puis Ryan et Makenna reprirent leurs formes humaines. Ils s’allongèrent
côte à côte et Ryan promit à son loup qu’il ferait sauter l’obstacle à la
formation du lien. Plus rien ne le séparerait de sa compagne. Jamais.
CHAPITRE 16
Même s’il n’était pas de garde, Ryan se réveilla tôt le lendemain matin à
cause de son horloge interne. Il se retourna et contempla sa compagne
endormie à ses côtés. Elle avait l’air si jeune et si inoffensive… Les
apparences sont souvent trompeuses.
Son regard fut attiré par la marque de revendication qu’il lui avait faite au
cou, le remplissant d’une satisfaction toute masculine que rien d’autre ne
pouvait égaler, ou du moins, il en doutait fort. C’était maintenant officiel,
Makenna Wray n’était plus cette fille qu’il essayait de convaincre qu’elle
était son âme sœur. Elle l’était, un point, c’est tout. Il n’y aurait pas de
retour en arrière. Ils poursuivraient leur route ensemble, le regard toujours
tourné vers l’avenir.
Cela le perturbait un peu tout de même qu’elle ne croie toujours pas
qu’ils étaient âmes sœurs. Mais beaucoup moins qu’avant puisque cela
signifiait qu’elle l’avait choisi, lui, et qu’elle n’était pas avec lui
uniquement parce que le destin les avait réunis, mais bien parce qu’elle
l’aimait. En ce qui la concernait, le fait de choisir Ryan, de l’avoir
revendiqué et de s’être fait revendiquer par lui signifiait qu’elle avait
accepté qu’elle ne connaîtrait jamais sa véritable âme sœur. Elle n’aurait pas
fait cela si elle ne l’aimait pas profondément.
Si les rôles avaient été inversés, il aurait agi exactement comme elle. Il le
lui avait dit : elle était tout pour lui, tout ce qu’il voulait, tout ce qu’il
désirait. Il ne pouvait croire qu’une autre personne le complète aussi bien.
Il se connaissait assez bien. Il se savait extrêmement rationnel, trop
sérieux, et si peu émotif qu’il avait tendance à ne se fier qu’aux faits. Et il
ne savait pas s’amuser. Makenna le complétait parfaitement. Elle l’aidait à
comprendre les aspects émotionnels d’une situation, lui donnait une
nouvelle perspective sur la vie. Elle l’obligeait à jouer, à rire et surtout, à
relativiser.
Il lui apportait aussi un certain équilibre. Makenna se concentrait parfois
tellement sur les émotions qu’elle avait du mal à évaluer rationnellement
une situation. Il la forçait à le faire en lui énonçant les faits. Bien que le
caractère espiègle et enjoué de la jeune femme ne soit pas un défaut en soi,
il la poussait un peu trop souvent à faire bisquer les autres risquant ainsi de
se les mettre à dos quand elle était énervée. Ryan l’obligeait à réfléchir aux
conséquences de ses actes. C’était pour elle un long apprentissage mais
Ryan avait bon espoir qu’elle réussirait.
En outre, le lieutenant était presque entièrement dénué d’empathie tandis
que Makenna en avait à revendre. En effet, elle faisait souvent passer les
besoins des autres avant les siens. Elle accordait plus d’importance au
refuge qu’à sa vie personnelle. Ryan se chargerait de lui ouvrir les yeux, de
lui faire apprécier sa propre valeur tout comme elle le faisait d’ailleurs pour
lui. Il avait toujours eu l’impression de devoir faire ses preuves et se
montrer méritant. Il ne ressentait jamais cela avec Makenna. Elle ne se
plaignait pas de son manque de tact ni du peu de compliments qu’il lui
faisait. Elle ne lui reprochait pas non plus sa froideur.
Ils se complétaient donc, se renforçaient mutuellement. Ils étaient si bien
ensemble qu’ils ne pouvaient pas ne pas être âmes sœurs. Ses camarades de
meute étaient d’accord. Au dîner la veille, ils ne s’étaient pas étonnés de
constater qu’ils s’étaient revendiqués et marqués. Ses compagnons avaient
été cependant complètement ébahis d’apprendre l’absence de lien d’union
entre eux. Cela perturbait profondément les filles de la meute.
Les paupières de Makenna s’ouvrirent lentement et Ryan se rendit
compte qu’il caressait distraitement sa marque de revendication du pouce.
— Je ne voulais pas te réveiller, s’excusa-t-il.
— Dors encore un peu, dit-elle en se blottissant contre lui et en déposant
un baiser sur son épaule.
— Je n’y arrive pas, répondit-il en faisant glisser sa main le long du corps
de sa compagne et en la posant sur sa taille, bien déterminé à la veiller, à la
regarder dormir.
— Mais oui, tu peux, chuchota-t-elle contre son torse en le caressant
tendrement. Essaie un peu, juste pour moi.
Ryan ferma alors les yeux, uniquement pour faire plaisir à Makenna et
savoura ses caresses. Puis il sentit la main de la jeune femme s’immobiliser
et sa respiration ralentir. Il resta allongé à ses côtés, heureux et détendu,
laissant l’odeur de sa compagne le pénétrer, appréciant sa peau soyeuse sous
ses mains et…
Il ouvrit soudainement les paupières. Il s’était presque endormi. Même
qu’à en croire le réveil, il avait réellement dormi deux heures de plus. Il se
mit sur le dos, attrapa son téléphone sur la table de chevet et vérifia l’heure.
Le réveil disait vrai.
Makenna marmonna, réveillée par les mouvements de son compagnon.
— Qu’est-ce qu’il y a ? demanda-t-elle.
— Il est 8 heures ! répondit-il, n’en revenant pas d’avoir dormi si tard.
— Et alors ? s’enquit-elle perplexe avant de comprendre ce qu’il se
passait. Tu t’es rendormi. C’est bien.
Ryan grogna et se retourna vers elle.
— J’aime bien me réveiller près de toi. D’habitude, tu es déjà parti.
— Ça te rend malheureuse ? dit-il l’air contrit en percevant quelque
chose dans le timbre de sa voix.
— Malheureuse ? Non, ton travail est très important et je le sais, mais
essaie juste d’imaginer ce que tu ressentirais si je n’étais jamais là à ton
réveil. Tu serais content de te réveiller à mes côtés à l’occasion, non ?
Ryan grimaça à l’idée de se réveiller seul. Il aimait bien voir sa
compagne à ses côtés dès qu’il ouvrait les yeux, aimait l’embrasser avant de
partir même si elle dormait encore.
— Je vais changer mes horaires de travail.
— T’as dit quoi ? demanda Makenna en clignant des paupières,
persuadée d’avoir mal entendu.
— Je n’ai pas besoin de faire le premier tour du périmètre du territoire six
matins par semaine. Je vais passer à deux fois.
— Je ne cherchais pas du tout à te culpabiliser ni à t’inciter à changer
d’horaires de travail.
— Je vais le faire parce que j’en ai envie. (Et parce que tout ce qui
pouvait perturber Makenna ne fût-ce qu’un tout petit peu lui était
insupportable.) Tout comme tu vas réduire le nombre de jours que tu passes
au refuge. Tu ne prends jamais de congé.
— On en a déjà parlé, protesta-t-elle en plissant les yeux. Le refuge est
très important pour moi.
— C’est normal, je le comprends. Le refuge est une partie importante de
ta vie mais il ne doit pas devenir toute ta vie.
— C’est toi qui dis cela, toi qui travailles beaucoup plus d’heures que
tous les autres lieutenants.
Il y avait autre chose cependant. Makenna avait fini par comprendre que
Ryan et son travail étaient indissociables. Sans doute parce qu’il avait
commencé sa formation à un si jeune âge.
— Je ne me plains pas, poursuivit-elle. Simplement, je te trouve un peu
hypocrite.
— Mais je viens à peine de te dire que j’allais modifier mes horaires de
travail. Tu ne me crois pas ? ajouta-t-il en voyant l’expression sceptique de
sa compagne.
— Je pense que tu vas devenir fou si tu as trop de temps libre.
— Pas si on est ensemble, expliqua-t-il en l’embrassant, l’air
parfaitement sincère.
— Je vais prendre un jour de congé par semaine, finit-elle par dire après
avoir réfléchi en serrant les lèvres.
— Et tu rentreras plus tôt le soir parce que tu n’as plus besoin d’aller
travailler à la station-service.
— Mais toi, tu rentres tard tous les soirs.
— Je rentrerai tôt si tu rentres tôt.
— Tu penses vraiment en être capable ? s’enquit-elle en scrutant, mais en
vain, son regard qui ne dévoilait presque jamais rien.
— Je veux passer plus de temps avec toi.
Comment pouvait-elle le lui refuser ? Elle frotta donc son nez contre
celui de son compagnon.
— D’accord, dit-elle. Je ne vais même pas aller travailler aujourd’hui.
J’ai besoin de faire un peu de shopping.
Dante et Patrick avaient récupéré ses affaires que son propriétaire avait
mises dans des cartons. Les extrémistes avaient presque tout détruit. Ses
vêtements avaient été tailladés avec ses propres couteaux de cuisine. Le pire
pour elle avait été d’apprendre qu’ils s’étaient acharnés contre sa Mustang
qu’ils avaient transformée en un tas de ferraille. Ils avaient dû bien rigoler.
— Je vais t’accompagner.
— Tu m’as bien entendue ? insista Makenna en clignant des yeux à
plusieurs reprises. J’ai dit que j’allais faire du shopping.
— Oui, je sais.
— Je doute que tu sois assez patient pour ça. Tu es un pisteur, tu as une
âme de chasseur. Je parie que tu fais les magasins comme tu pars en
expédition militaire : tu entres dans la boutique, tu choisis un article et tu
ressors vite fait.
C’était tout à fait cela, elle avait vu juste.
— Tandis que moi, j’aime prendre mon temps, tout regarder. Je te
rendrais fou, conclut-elle en lui embrassant le menton.
Rien d’anormal à cela. Ça ressemblait à n’importe quel jour avec elle.
— Je t’accompagne, affirma-t-il.
Tant que la situation avec Remy n’était pas réglée, il était hors de
question qu’elle aille où que ce soit seule.
— Si tu insistes, se résigna-t-elle en soupirant.
— Tu veux dire que tu ne vas pas protester et affirmer que tu n’as pas
besoin que je veille sur toi ?
— Je n’ai jamais compris ces héroïnes de films et de livres qui tiennent à
affronter le danger seules. Je conçois que l’on puisse avoir envie d’assurer
sa propre sécurité mais il ne faut pas faire les idiots non plus. Dans un
combat à un contre un, je n’ai pas besoin de toi. Mais contre un groupe
d’extrémistes, j’apprécie un peu d’aide, ajouta-t-elle, ayant bien compris la
leçon lors de son dernier affrontement avec eux. Et puis, tu ne supporterais
pas d’être loin de moi tant que je serai la cible de ces cinglés.
Elle comprenait très bien son compagnon.
— On pourrait aussi en profiter pour te prendre quelques trucs,
poursuivit-elle en souriant quand elle l’entendit émettre un grognement de
refus. J’ai vu ta garde-robe. Elle se limite à trois marques et tu portes tout le
temps les mêmes vêtements.
— Parce qu’ils me vont et qu’ils sont confortables, expliqua-t-il.
Ryan ne demandait rien d’autre à ses habits.
— Mais tu ne portes que des couleurs sombres.
— C’est parce que j’aime ça.
— Ouais, mais bon. Enfin, tu ne changeras jamais. Alors, es-tu bien sûr
de vouloir m’accompagner ? Tu vas t’embêter, t’énerver, tu risques même
d’avoir envie de pleurer. Je pourrais demander à Jaime et Taryn de venir
avec moi, comme ça, je ne serais pas seule.
— Je veux t’accompagner.
— D’accord, mais tu ne pourras pas dire que tu n’as pas été prévenu.
Quatre heures plus tard, Ryan avait perdu jusqu’à l’envie de vivre. Au
début de leur sortie shopping avec Makenna, il ne s’était pas trop embêté. Il
aimait la voir ainsi, heureuse, détendue et insouciante. Et puis, il avait pensé
qu’elle n’y passerait pas toute la journée. Quel idiot il était ! Elle lui avait
pourtant expliqué qu’elle aimait tout regarder et prendre son temps. Juste
avant de partir, il avait surpris Makenna écrivant sur une feuille de papier.
« Je fais toujours une liste de courses, lui avait-elle expliqué. Puis je
m’engage à respecter strictement cette liste, ce qui m’empêche d’acheter
des bricoles dont je n’ai pas besoin et aussi, de trop dépenser. »
Ryan avait été très impressionné par cette habitude vraiment rationnelle.
Il n’avait pas deviné néanmoins que Makenna était tellement déterminée à
ne pas gaspiller d’argent que la sortie shopping s’éterniserait. À la moindre
hésitation, elle reposait l’article. Elle ne prenait que ce qui lui plaisait à cent
pour cent, tant pour la couleur, la matière, la taille, que pour le prix.
Il la suivait ainsi de magasin en magasin, lui servant de bête de somme.
Il avait vite compris que sa compagne adorait les bonnes affaires. Dès
qu’elle voyait des promotions, elle se précipitait dessus. Pas qu’elle achetait
n’importe quoi parce que le prix était réduit. Non, elle n’achetait que ce
qu’elle aurait pris de toute manière même si l’article n’avait pas été soldé.
Cela ne l’empêchait pas pour autant de vérifier tous les portants, toutes les
étagères et tous les étages de chaque boutique. Et où avait-elle récupéré ces
bons de réduction ?
Elle lui demandait aussi son avis à l’occasion. N’avait-elle pas compris
qu’il n’avait pas d’opinion concernant des vêtements qui se ressemblaient
tous, selon lui ? N’avait-elle pas remarqué les gouttes de sueur qui perlaient
sur son front tant il avait peur de commettre un faux pas qui la blesserait ?
Et pourquoi le consulter tandis qu’elle avait déjà pris sa décision ?
Il n’y avait aucune garantie non plus qu’elle acquière un article qui
satisfasse à tous ses critères. Oh que non ! Elle vérifiait alors son appli de
comparaison sur son téléphone portable. Si l’habit qu’elle convoitait était
disponible à moindre prix dans une autre boutique, elle l’y traînait.
Elle essayait tout et elle prenait son temps. Il s’énervait de la voir enfin
émerger d’une cabine d’essayage pour dire que tel vêtement ne lui plaisait
pas au bout du compte ou alors qu’elle reviendrait au moment des soldes en
fin de saison. Ryan n’essayait jamais rien. Il achetait des fringues et les
rapportait à la maison. Si elles ne lui allaient pas, il les rangeait dans sa
penderie même s’il savait qu’il ne les porterait jamais.
Il commençait donc à avoir sérieusement faim et soif en plus d’en avoir
marre et d’être crevé. Mais il ne pouvait pas lui en vouloir. Il avait insisté
pour l’accompagner après tout et Makenna l’avait prévenu. Plus d’une fois,
même. Elle lui avait même conseillé de retourner à la maison.
— Dieu merci ! ne put-il s’empêcher de s’exclamer quand elle lui
annonça enfin qu’elle était prête à rentrer.
— Allez, on va manger un morceau, lui dit-elle en riant.
C’était la meilleure idée qu’elle avait eue de toute la journée. Craignant
de défaillir tellement il avait faim, il la poussa dans le premier restaurant
venu. Ils terminaient leurs desserts quand le portable de Makenna sonna.
— Hé, Dawn, dit-elle, dans un sourire, en saluant son interlocutrice.
— J’ai de bonnes nouvelles et de mauvaises, lui annonça son amie.
— Commence par les mauvaises, lui intima Makenna en reposant sa
cuillère, assaillie par un sombre pressentiment.
— Un de nos donateurs vient de m’appeler pour signaler qu’un loup avait
essayé de faire pression sur lui pour qu’il cesse de nous subventionner.
Makenna lâcha un juron. Ryan, qui entendait chacune des paroles de
Dawn, ne laissa rien paraître, mais la jeune femme savait qu’il serait
furieux.
— Attends… tu as bien dit : « avait essayé » ? lui demanda-t-elle en
repensant aux paroles de son amie.
— Ça, c’était la bonne nouvelle, lui répondit son amie avec un petit
sourire dans la voix. Non seulement notre donateur refuse d’obtempérer,
mais il est d’accord aussi pour témoigner devant le Conseil sur cette
tentative d’intimidation.
Génial ! Elles avaient besoin de toute l’aide qu’on voulait bien leur
apporter pour convaincre le Conseil que Remy était responsable des
problèmes qui assaillaient le refuge.
— J’avais besoin d’une bonne nouvelle après ce qu’il s’est passé hier.
— Quoi donc ? s’enquit Makenna, inquiète.
— Notre ordinateur s’est planté. Il a été infecté par un virus, je pense. Si
tu n’avais pas insisté pour que je conserve une copie de toutes nos données
sur un disque dur externe, j’aurais tout perdu.
— Putain d’enfoiré ! s’exclama Makenna qui avait sa petite idée là-
dessus.
— Quoi ?
— C’est Remy qui a envoyé ce virus, expliqua Makenna subitement
pleine d’appréhension. Et s’il avait réussi à pénétrer dans notre système
avant de l’infecter ? Il pourrait avoir mis la main sur tous nos fichiers.
La jeune femme adressa un regard interrogateur à son compagnon, dans
l’espoir qu’il la contredise.
— C’est tout à fait possible, déclara Ryan. Il existe des virus qui
permettent d’accéder aux données stockées dans le disque dur d’un
ordinateur.
Merde ! Merde ! Merde !
— L’horreur quoi.
— Alors il connaît le nom de tous les solitaires qui se cachent chez nous !
s’exclama Dawn, complètement affolée. Remy pourrait révéler leur identité.
Il faut les installer ailleurs, Makenna.
— S’il a obtenu les données hier soir, supposa Makenna, le ventre noué,
en passant la main dans sa chevelure, on n’a plus beaucoup de temps pour
agir. Personnellement, je doute qu’il révèle l’identité de tous les solitaires
que nous hébergeons. Il ne voudrait pas que nos locaux soient abîmés dans
une éventuelle guerre.
— C’est vrai, dit Dawn en prenant une longue inspiration pour se calmer.
Mais il ne faut pas prendre de risques. Mieux vaut prévenir que guérir.
Makenna partageait totalement ce point de vue, et Ryan et elle-même se
précipitèrent au refuge. Sur la route, le lieutenant appela Trey pour lui
expliquer la situation. L’Alpha de la meute du Phénix lui promit d’envoyer
des troupes pour les soutenir.
Quand Makenna entra dans les locaux du refuge, elle trouva Dawn, l’air
surexcitée, en grande conversation avec Colton. Elle se calma un peu en
voyant arriver son amie.
— Merci, ma chérie, d’être venue si vite, lui dit-elle après l’avoir
embrassée chaleureusement. Je vois que tu as été revendiquée, observa-t-
elle en lui regardant le cou et en souriant. Je suis ravie de constater que vous
avez tous deux fini par accepter l’inévitable. Félicitations !
Ryan l’écouta en penchant la tête sur le côté. Colton leur offrit également
ses félicitations, mais Ryan ne lui lança même pas un regard et s’approcha
de Makenna. Ceux qui ne la connaissaient pas aussi bien que lui ne
percevaient probablement pas son inquiétude. Ryan voyait bien qu’elle
faisait son possible pour se montrer forte pour les autres, faisant passer leurs
besoins avant les siens, comme d’habitude. Son loup désirait la câliner, la
réconforter.
La porte s’ouvrit alors. Ryan se retourna, et vit Jaime, Dante, Patrick,
Dominic et Zac. Mais que faisait là l’adolescent ?
— Je doute fort que ces solitaires, expliqua rapidement Dominic devant
l’expression contrariée de Ryan, acceptent de suivre de parfaits étrangers,
un gars qui ressemble à un serial killer, oui, toi, ou Patrick avec sa grande
cicatrice et Dante, qui est tellement costaud qu’il pourrait avoir son propre
code postal. Mais ils connaissent tous Zac. S’ils voient qu’il va bien, ils
seront plus enclins à nous suivre.
Ryan reconnaissait le bien-fondé de cette décision, mais cela ne voulait
pas dire pour autant qu’il approuvait. Makenna semblait partager son avis.
— Combien de solitaires doivent être relogés ? s’enquit Jaime.
— Il en reste trois, contre neuf au départ, répondit Dawn.
— Des enfants ou des adultes ? interrogea Ryan.
— Un adulte et deux enfants. Aucun loup-garou. Est-ce un problème ?
— Notre meute est d’accord pour héberger tous les solitaires, quelle que
soit leur espèce, déclara Jaime.
— Merci. Tu ne peux pas savoir combien je l’apprécie. Ils sont dans mon
bureau avec Madisyn.
Makenna était reconnaissante à Ryan de l’accompagner. Elle trouvait
rassurant de sentir son bras effleurer le sien. Elle était furieuse, inquiète, sur
le point de péter un câble. Le refuge était censé être un lieu sûr, un
sanctuaire, et Remy avait tout saboté.
— Penses-tu qu’ils accepteront de nous suivre ? demanda Ryan à
Makenna.
— Peut-être, pour la simple raison que Zac vous fait confiance, mais
honnêtement, je ne sais pas. Riley est… eh bien, tu verras.
En entrant dans la pièce, Ryan fut frappé par un mélange d’odeurs où il
reconnut le guépard, le serpent et le corbeau. Son loup se raidit, déjà
anxieux en raison de l’état de Makenna. Madisyn se leva de derrière le
bureau, et une autre femme s’interposa entre lui et les deux petits. Le
lieutenant les reconnut, les ayant aperçus lors de ses précédentes visites.
Il n’y avait apparemment pas de liens de parenté entre eux. La femme
était petite et avait la chevelure noir iridescent typique des métamorphes
corbeaux. Le petit garçon, quant à lui, était blond et bouclé, et se tenait
accroupi derrière elle, prêt à bondir tandis que la petite fille s’était enroulée
autour de la jambe de la dame. Elle avait des couettes couleur caramel et
des yeux dorés qui ne clignèrent pas une seule fois tout le temps qu’elle
examina les étrangers avec une expression grave sur les traits.
— Ça va, les amis, ne vous inquiétez pas, les rassura Zac en levant les
mains. Je vous présente mon cousin Ryan, et Dominic, Jaime, Dante et
Patrick, ses camarades de meute.
La fillette voulut se ruer sur Makenna, mais la métamorphe corbeau leva
le bras pour l’en empêcher.
— Riley, tu peux te détendre, lui dit Dawn en s’approchant. Ils ne feront
pas de mal aux enfants. Ils ont même proposé de vous héberger le temps
qu’il faudra. Ce sont des gens bien. On n’aurait pas laissé Zac intégrer leur
meute si ce n’était pas le cas.
— Mais l’un d’eux est le cousin de Zac, il nous l’a dit, déclara le
corbeau, en jetant un coup d’œil vers Ryan. Le fait qu’il soit sympa avec lui
ne signifie pas qu’on doive automatiquement lui faire confiance.
— Ils ne te demandent pas de leur faire confiance, Riley, intervint
Makenna. Ils veulent simplement nous aider.
— Et pourquoi ? interrogea Riley en braquant un regard scrutateur sur les
loups-garous.
— Parce que c’est la chose à faire, répondit Jaime. Tous les enfants,
humains ou métamorphes, doivent être protégés. Vous le faites déjà,
manifestement, mais vous aurez du mal si vous êtes toute seule face à un
groupe d’extrémistes en mode attaque. Je ne connais pas vos antécédents et
je ne vous demande pas de me raconter votre histoire mais simplement de
nous laisser vous aider. Pour eux, pour les enfants.
— D’accord, on va aller chez vous, dit enfin Riley après avoir lancé un
regard à Dawn. Jusqu’à ce que tout cela se soit calmé. Voici Savannah qui a
quatre ans et Dexter, deux ans.
— Ravi de vous rencontrer tous les deux, dit Dominic en s’accroupissant
et en souriant aux bambins.
Zac le rejoignit et ensemble, ils leur parlèrent de la meute et du territoire
du Phénix, des animaux sauvages qu’ils verraient. Puis ils leur expliquèrent
qu’ils auraient beaucoup de place pour courir. Savannah et Dexter les
écoutèrent attentivement et se détendirent peu à peu.
— Dominic est très doué avec les enfants, chuchota Makenna à Ryan. Je
ne m’attendais pas à cela de sa part.
— Dominic est capable de faire du charme à n’importe qui, même s’il est
parfois un peu… lourd, il faut le reconnaître, grogna Ryan.
— On a garé le SUV dans la ruelle sur le côté du refuge, dit Dante. On ne
devrait pas avoir de mal à y installer subrepticement Riley et les gamins.
Les vitres de la voiture sont teintées alors ils n’ont pas à craindre d’être vus.
Patrick et Dominic vont rester au refuge. À compter d’aujourd’hui, il y aura
toujours deux de nos lieutenants sur place pour assurer votre sécurité. Si
Remy est vraiment coupable de ce dont vous le soupçonnez, il risque d’y
avoir bientôt du grabuge à vos portes. Avec les sortilèges qui protègent vos
murs, lui et ses sbires ne pourront pas entrer mais cela ne les empêchera pas
de faire un esclandre devant chez vous ni d’attaquer vos locaux.
— Je ne veux pas vous vexer, observa Makenna, mais deux lieutenants
ne suffiront pas pour affronter un groupe d’extrémistes.
— C’est vrai, opina Jaime. Mais ils seront déstabilisés.
— Si ces trouducs se pointent, ajouta Patrick, ils s’attendront à pouvoir
entrer ici comme dans un moulin, et à s’emparer de qui ils veulent. Ils
n’envisagent pas du tout que des solitaires puissent être protégés par une
meute. Quand ils comprendront qu’en s’en prenant au refuge ils s’en
prennent à nous, ils feront attention.
— Notre meute n’est peut-être pas aussi importante que celle de Remy,
renchérit Dante, mais elle a une chose qu’il n’a pas : le respect des autres.
Et nous sommes alliés à la meute Mercure, qui bénéficie également d’une
excellente réputation, ce qui fait que la plupart des métamorphes
hésiteraient à nous attaquer.
— Je suis d’accord avec toi, déclara Makenna en se frottant la nuque. La
présence ici de lieutenants de la meute du Phénix ne peut qu’être bénéfique
mais en même temps, vue de l’extérieur, elle peut donner à penser que les
solitaires se sont réfugiés au territoire de la meute.
— Pas si nous expliquons que Remy veut attirer l’attention sur le refuge
dans le seul dessein de s’en emparer, expliqua Patrick. Sans être
complètement vrai, ce n’est pas non plus un mensonge. Je ne crois pas que
Remy soit très apprécié puisqu’il assimile régulièrement de petites meutes
et qu’il ne cesse d’élargir son territoire. Les métamorphes s’en méfient
parce qu’il est perçu comme une menace.
Ryan se demanda si Remy avait réfléchi à la possibilité que s’il était
considéré comme un Alpha trop puissant, des métamorphes risquaient de
s’allier pour se débarrasser de lui. Cette éventualité l’enchantait.
Quelques instants plus tard, Jaime, Dante et Zac accompagnés des
solitaires sortirent par une porte latérale, et se dirigèrent vers le SUV. Dawn
et Makenna mirent les autres résidents au courant des méfaits de Remy
pendant que Ryan, Dominic et Patrick faisaient le tour du périmètre du petit
territoire du refuge. Ils rentrèrent après s’être assurés qu’aucun individu
louche ne traînait dans les environs.
— Vous avez vu quelque chose ? s’enquit, en se frottant nerveusement les
mains, Dawn qui les attendait près du terrain de jeux. (Ryan fit signe que
« non » et Dawn lâcha un long soupir de soulagement.) On a informé les
autres résidents de la situation. Ils s’inquiètent, c’est normal mais aucun
d’entre eux n’a envie de partir. Plusieurs se sont même déclarés prêts à
défendre le refuge en cas d’attaque. Ryan, Makenna est au sous-sol, elle fait
l’inventaire de nos réserves.
Ryan adressa un signe de tête à Dawn et se dirigea vers le refuge où il
trouva sa compagne occupée à cocher des cases sur une fiche.
— Hé, lui dit-elle en lui adressant un large sourire. Vous avez trouvé des
intrus ?
— Non, personne, répondit-il en s’approchant d’elle. On est seuls, là.
— C’est vrai, acquiesça-t-elle en lançant un coup d’œil circulaire.
— Cela signifie que tu peux cesser de faire semblant d’aller bien.
Makenna envisagea de l’envoyer balader mais elle ne voulait pas le
vexer. Il ne le méritait pas.
— Je m’en veux, c’est tout.
— Tu t’en veux ?
— Je pensais que ces gens étaient en sécurité, déclara-t-elle en serrant ses
documents contre elle. Je croyais que les sortilèges suffiraient à les protéger
du danger. Mais Remy a trouvé le moyen d’entrer chez nous. J’aurais dû
envisager cette possibilité mais je ne l’ai pas fait. Dawn est anéantie, elle a
l’impression d’avoir laissé tomber les résidents tandis que c’est moi, la
responsable.
— Tu as fini d’être aussi illogique ? s’enquit Ryan en coinçant une mèche
des cheveux de Makenna qui s’était échappée derrière son oreille.
Une lueur sauvage brilla aussitôt dans le regard de la jeune femme.
— Qu’est-ce que tu dis ?
Ryan prit le bloc-notes des mains de sa compagne et le posa sur une
étagère, ne voulant aucune barrière entre eux.
— Tu n’es pas responsable des actions des autres, décréta-t-il. N’oublie
pas qu’il existe des rapports de cause à effet. Remy est la cause et on voit ici
les effets. Tu ne figures nulle part dans cette équation.
L’approche neutre et rationnelle de Ryan aurait dû irriter Makenna mais
elle en fut rassurée. Quand elle avait quelque chose en tête, elle avait
tendance à en faire une obsession et cela la rendait folle. Le côté pratique et
réaliste de Ryan calmait le chaos qui régnait alors dans son esprit.
— C’est lui, le responsable, et personne d’autre, poursuivit Ryan en
posant les mains sur les joues de Makenna. Tu t’es entièrement investie
dans le refuge. Personne ne pourrait jamais te reprocher ce qu’il se passe
aujourd’hui, ajouta-t-il en l’attirant contre lui.
Elle soupira et posa le front contre son torse. Il lui caressa le dos jusqu’à
ce qu’elle se détende un peu.
— Je déteste te voir stressée comme cela à cause de lui, et je déteste ne
pas pouvoir t’aider encore davantage.
Le bonheur de Makenna était ce qui comptait le plus pour lui, et il était
tourmenté nuit et jour par son incapacité à éliminer cette menace. Sa nature
pratique l’empêchait de faire n’importe quoi mais aussi, il était d’accord
avec Makenna quant à la nécessité de se la jouer fine.
— Comment peux-tu penser que tu n’as rien fait pour m’aider ? Bon
sang, Ryan, sans toi et tes camarades de meute, on serait vraiment dans la
merde !
— Non, répondit-il en l’embrassant. Tu aurais trouvé le moyen de
protéger les résidents.
Il aimait tellement cela chez sa compagne. Il l’embrassa de nouveau,
goûtant sa saveur. Il en avait besoin. Il était très amoureux d’elle. Il
continuait aussi à se demander comment il se faisait que leur lien d’union
ne se soit toujours pas manifesté.
CHAPITRE 17
Makenna vécut deux belles journées de parfaite tranquillité qui prirent fin
quand elle se rendit au refuge avec Ryan où ils virent Remy à côté de sa
voiture avec quelques-uns de ses sbires. Leur présence suffit pour
déclencher en la jeune femme une vague de haine si violente et si profonde
que sa louve poussa un grognement.
— Quoi qu’il se passe, quoi qu’il dise, surtout garde ton sang-froid, lança
Makenna en posant une main sur le bras de Ryan en le sentant tressaillir. Le
Conseil se réunit demain. On a bien géré cette affaire jusqu’à maintenant.
Ne ruinons pas tous nos efforts en pétant les plombs devant ce dernier
obstacle.
— Je pourrais te dire la même chose, maugréa Ryan.
Makenna avait l’air calme mais Ryan n’était pas dupe. Pas seulement
parce qu’il la connaissait bien, mais aussi parce qu’il ressentait sa colère
comme si c’était lui-même qui l’éprouvait. Comme une décharge électrique.
— Notre lien d’union est en train de se mettre en place, conclut-il –
c’était la seule explication plausible selon lui.
Il n’était peut-être pas encore perceptible, mais il semblait avoir
commencé à fonctionner.
— Ou alors, c’est le début de l’imprégnation, avança Makenna.
Ce qui était sans doute plus vraisemblable puisque le lien ne fonctionnait
bien que lorsqu’il était complètement établi. Tous les instincts de Ryan lui
criaient cependant que ce qu’il ressentait allait bien au-delà d’une
imprégnation et son loup était d’accord avec lui.
— Allez, on va en finir, proposa Makenna en soupirant longuement.
Ils descendirent du SUV et Ryan s’approcha de Makenna en lançant un
regard interrogateur à Patrick qui montait la garde à la porte du refuge avec
Dominic.
— Il vient juste d’arriver, expliqua son camarade de meute, les bras
croisés sur le torse.
— Et il ne paraît pas disposé à nous exposer la raison de sa présence ici,
ajouta Dominic en décochant une œillade assassine à Remy.
Sans accorder la moindre attention aux lieutenants à la porte, Remy
s’éloigna de sa voiture, et s’avança vers Makenna et Ryan, respirant la
supériorité et l’arrogance.
— Makenna, articula-t-il lentement sans aucune trace de son charme
habituel, en jetant un coup d’œil à la cicatrice qu’elle arborait visiblement
au cou, j’ai entendu parler de ta marque de revendication. (Sans doute ses
espions l’en avaient-ils informé.) Je n’aurais jamais cru qu’un métamorphe
revendiquerait une solitaire.
Les lieutenants de Remy s’esclaffèrent. L’Alpha avait apparemment
résolu de cesser d’essayer de se faire passer pour un homme bien.
— Qu’est-ce que vous voulez ? s’enquit Makenna d’une voix neutre.
— J’ai décidé de donner une dernière chance à Dawn d’intégrer ma
meute avant l’audience du Conseil demain.
— Si vous souhaitiez parler à Dawn, pourquoi attendiez-vous dehors à
côté de votre voiture ? Est-ce que vous ne vouliez pas plutôt nous voir
nous ? demanda Makenna.
— Je comprends que tu veuilles protéger ta compagne, dit-il en se
tournant vers Ryan, et par conséquent, le refuge. C’est tout à fait normal.
Mais que tu sois ou non le compagnon de Makenna, poursuivit-il l’air dur,
je ne peux que te conseiller de rester en dehors de ça, Conner. Cette affaire
ne vous concerne pas, toi et ta meute, compris ?
Ryan répondit par un grognement que Makenna interpréta comme
signifiant : « Va te faire voir. »
— Tu devrais m’écouter, Conner. Il n’y a pas que ta compagne que tu
dois protéger. N’oublie pas ton cousin, le jeune Zac. Tu es responsable de sa
sécurité. Je parie qu’il était un bien joli bambin. On ne voudrait pas que son
ancienne meute découvre où il se terre, n’est-ce pas ? ajouta-t-il avec un
vilain sourire sardonique.
Makenna se sentit assaillie par une vague de fureur noire qui lui retourna
l’estomac et la fit presque défaillir. Elle comprit rapidement qu’elle venait
de ressentir une émotion de Ryan qui demeurait pourtant stoïque et
impassible en apparence, comme toujours. Il ne montrerait jamais sa
vulnérabilité à un tordu comme Remy.
— C’est un peu votre truc, le chantage, non, Remy ? lança Makenna dont
le timbre de voix trahissait imperceptiblement la colère. C’est comme cela
que vous avez réussi à convaincre les bienfaiteurs du refuge de retirer leurs
subventions.
— Le chantage est un moyen rapide et efficace d’obtenir ce que je veux,
affirma Remy en redressant le menton.
— Surtout que votre idée d’inciter les couguars à attaquer le refuge n’a
pas donné les résultats escomptés, n’est-ce pas ?
En effet, le matin suivant le départ de Riley et des enfants pour le
territoire de la meute du Phénix, plusieurs couguars étaient passés au refuge
pour s’enquérir de la présence d’une vipère. Patrick leur avait dit que non,
qu’il n’y en avait pas dans le bâtiment, et il leur avait fait part du désir de
Remy de s’approprier les lieux.
— Je sais que vous cachez cette vipère, éructa Remy en serrant les dents.
— Quelle vipère ?
— Fais l’idiot si ça t’amuse, mais j’ai vu les registres.
— Quand vous avez piraté le système informatique de Dawn, c’est ça ?
Ouais, on est au courant. Et comment va votre mère ? s’enquit Makenna
avec un sourire aimable.
À ces mots, la jeune femme vit Remy écarquiller les narines, afficher un
rictus sévère et serrer les poings. Elle pensa réellement qu’il allait la
frapper. Il se contenta de prendre une longue inspiration.
— Tu aurais intérêt à prendre cet avertissement au sérieux, Conner. Dans
l’intérêt de Zac.
Le loup de Ryan montra les dents, émettant un grognement animal plein
de haine et de défi. Il désirait se ruer sur cet enfoiré qui voulait du mal à Zac
sans égard pour les aspects politiques de la situation. Mais le caractère
rationnel de Ryan l’emporta, et il sut demeurer calme et silencieux tandis
que l’Alpha regagnait sa voiture et s’éloignait. C’était une des choses les
plus dures qu’il ait eu à faire dans sa vie.
Ryan se retourna ensuite vers sa compagne, furieuse. Il contint sa colère
pour qu’elle ne soit pas dépassée par ses émotions à lui. Mais les traits
tendus de la jeune femme lui apprirent que le mal était déjà fait. Il posa une
main sur sa nuque et l’attira à lui, déposant un baiser d’excuse sur sa tempe.
— Ça va, toi ? lui demanda-t-il.
— J’avais juste envie de l’égorger, dit-elle en tremblant. Il me donne la
chair de poule.
— Il ne lui reste plus longtemps, t’inquiète, Kenna.
Remy allait bientôt crever. Ryan guida sa compagne dans l’allée qui
menait au refuge. Patrick et Dominic les accompagnèrent à l’intérieur.
Ils retrouvèrent Dawn à l’accueil, avec Madisyn et Colton.
— Que voulait Remy ? demanda-t-elle en se frottant les bras.
— Prévenir Ryan et ses camarades de meute de ne pas se présenter à la
réunion du Conseil demain, expliqua Makenna.
— Il n’a même pas essayé de faire l’innocent quand Makenna lui a
balancé ses accusations, ajouta Dominic qui s’était appuyé au mur.
— Il doit commencer à s’impatienter, supposa Madisyn. La plupart de ses
stratégies n’ont pas abouti.
— Il veut te mettre au pied du mur pour que tu acceptes sa proposition,
déclara Ryan à Dawn en hochant la tête.
— Tu as toujours refusé, dit Makenna en passant un bras autour des
épaules de son amie. Tu te bats pour les résidents. Tu as perdu des
donateurs mais tu en as trouvé d’autres. Remy pensait que s’il faisait
licencier certains résidents, il y aurait trop de monde ici et que cela
t’empêcherait de venir en aide à d’autres solitaires. Mais toi, tu as réussi à
trouver de nouveaux boulots pour les résidents auprès d’employeurs qui
n’en ont rien à cirer que ce soient des métamorphes.
» Il a probablement aussi pensé que s’il se débarrassait de moi, non
seulement tu manquerais de personnel mais en plus, tu n’aurais plus
personne pour trouver des foyers d’accueil pour les résidents qui veulent
refaire leur vie. Par ailleurs, il a cru que les membres de la meute du Phénix
se désintéresseraient alors du refuge. Il n’a pas compris que Ryan et les
siens t’ont placée sous leur protection, ainsi que Madisyn et le refuge.
— Tu fais partie de la meute du Phénix maintenant, Makenna, grogna
Ryan.
La jeune femme lui adressa un sourire avant de se retourner vers Dawn.
— Il a sans doute envoyé les couguars ici dans l’espoir que tu te sentes
tellement menacée et effrayée que tu lui demanderais son aide au lieu de
quoi il est juste parvenu à se faire un nouvel ennemi tant les couguars lui en
veulent.
— On est tous très fiers de toi ici, Dawn, intervint Madisyn.
— Je n’aurais jamais réussi à faire tout cela, débuta Dawn en s’efforçant
de sourire et en tapotant la main de Makenna, sans l’aide de ta meute.
Le grognement satisfait que poussa Ryan fit sourire Makenna encore
davantage.
— Mais bon, l’ingérence de Remy dans nos affaires aura eu des
conséquences, soupira Dawn. Le refuge est presque plein, ce qui entraîne
une augmentation des frais, et je risque de manquer de fonds et de
provisions. Pire encore, Riley, Dexter et Savannah ont été obligés de fuir.
Ce refuge devrait être un sanctuaire pour solitaires.
— C’est le cas, affirma Colton. Les résidents le pensent toujours, sinon
ils seraient déjà partis.
— Tu as entendu ce qu’a dit Riley, affirma Madisyn en hochant la tête.
Elle va rester avec la meute du Phénix tant que cette histoire avec Remy ne
sera pas réglée. Elle entend bien revenir après avec les enfants.
— J’ai tellement peur que le Conseil ne lui accorde ce qu’il réclame, dit
Dawn en se frottant la joue. Les gens ne considèrent pas que les solitaires
ont les mêmes droits que les autres métamorphes. La parole de Remy aura
plus de poids que la mienne à cause de cela. Et puis il pourrait très bien
faire pression sur ses membres ou essayer de les soudoyer.
— Peu importe ce que fera Remy ou ce que sera la décision du Conseil,
déclara Makenna. Remy Deacon ne s’appropriera jamais le refuge, déclara-
t-elle en détachant chaque syllabe. Un point, c’est tout.
Ryan poussa un grognement en signe d’assentiment.
— C’est vrai, Dawn. Je vais le buter avant qu’il n’y parvienne.
— On ne peut pas lui faire la guerre, ma chérie, affirma Dawn en serrant
la main de son amie.
— Vous, non, soutint Ryan, mais ma meute, si. Makenna fait partie de la
meute du Phénix maintenant.
— Ce qui signifie que ses batailles sont nos batailles, ajouta Patrick, la
voix ferme et résolue.
Ryan grogna de nouveau en guise d’approbation. Il soutiendrait toujours
sa compagne.
— Vous êtes tous trop beaux pour être vrais, déclara Dawn en les
regardant les uns après les autres.
— Allons dans ton bureau, dit Makenna en serrant l’épaule de Dawn. On
a des choses à organiser pour demain.
— Remy va présenter des arguments solides au Conseil, affirma
Madisyn. Il faut que nous soyons à la hauteur.
— Et selon vous, que fera-t-il s’il n’obtient pas gain de cause ? demanda
Dawn.
— Les morts ne peuvent rien faire, déclara solennellement Ryan qui
l’avait déjà dit mais n’hésitait pas à le répéter.
« — C’est un peu votre truc, le chantage, non, Remy ? C’est comme cela
que vous avez réussi à convaincre les bienfaiteurs du refuge de retirer leurs
subventions.
— Le chantage est un moyen rapide et efficace d’obtenir ce que je veux,
affirma Remy.
— Surtout que votre idée d’inciter les couguars à attaquer le refuge n’a
pas donné les résultats escomptés, n’est-ce pas ?
— Je sais que vous cachez cette vipère.
— Quelle vipère ?
— Fais l’idiot si ça t’amuse, mais j’ai vu les registres.
— Quand vous avez piraté le système informatique de Dawn, c’est ça ?
Ouais, on est au courant. »
Du bras, Ryan s’essuya les yeux pour dégager le sang qui lui obstruait la
vision. Il avait le front entaillé de profonds coups de griffes qui lui faisaient
mal. Il ne s’étonnait pas que Remy, un Alpha, se révèle être un adversaire
de taille. Il était fort et sûr de lui, bien formé au combat. Imprévisible dans
ses attaques. Et avec la puissance de frappe d’un marteau-piqueur.
Tout cela n’arrangeait pas trop Ryan.
Remy visait systématiquement le visage et le torse. Le lieutenant avait les
mâchoires meurtries et douloureuses à force d’encaisser des coups. Il avait
l’oreille en feu parce que Remy avait tenté de la lui arracher avec ses dents.
Son tee-shirt était maculé de sang et de transpiration.
Mais bon, Ryan s’entraînait depuis sa plus tendre enfance. Il savait
oublier la douleur, connaissait tous les points faibles du corps humain et il
était aussi doué pour se défendre que pour attaquer. Remy, en revanche,
avait des lacunes en ce qui concernait la défense et Ryan en profitait, alors il
n’était pas en bien meilleur état que lui.
— Je ne connais pas beaucoup de lieutenants qui auraient osé attaquer un
Alpha, proféra-t-il en se léchant les lèvres. Tu dois m’en vouloir d’avoir
vendu l’identité de Makenna aux extrémistes.
Ryan ne savait pas pourquoi le mec continuait à parler. Il se contrefichait
de ses efforts pour le narguer. Remy ne pouvait pas maîtriser aussi bien sa
respiration quand il parlait. Et puis, Ryan était parfaitement capable de ne
pas se laisser distraire par ses émotions, l’inquiétude ou la douleur. Il ne se
laissait pas envahir par la colère. Ne se laissait pas penser aux turpitudes de
cet enfoiré qui avait volé leur innocence à plusieurs enfants, comme l’Alpha
et le guérisseur qui avaient abusé de Zac.
La seule chose qui l’intéressait, qui le préoccupait et détournait son
attention de son combat avec Remy, c’était qu’il sentait que sa compagne
était à moitié sauvage. Cela lui donnait bien entendu un peu plus de forces.
Mais elle risquait aussi en même temps de cesser de songer à sa propre
sécurité et de commettre des erreurs qui pourraient se révéler fatales, et
cela, Ryan ne le supporterait pas.
— Elle n’aurait pas dû se mêler de cette histoire, poursuivit Remy.
C’était la seule chose à faire. Pour toi aussi d’ailleurs. Savais-tu que
pendant que tu es occupé à te battre contre moi ici, l’ancien Alpha de Zac
mène une armée de loups vers ton territoire ? Tu le savais déjà, s’étonna-t-
il, son sourire sardonique disparaissant en voyant l’expression de Ryan qui
en profita pour lui assener un grand coup de griffes au torse. Comment cela
se fait-il ?
Pour toute réponse, Ryan lui balança son poing en plein nez, mais Remy
réussit à esquiver l’attaque d’un rapide geste de la tête. Puis il se rua encore
une fois sur Ryan avec les poings et les griffes. Le loup du lieutenant
voulait émerger pour mettre Remy en pièces. Il désirait plus que tout se
faire la peau de cet homme qui s’en était pris à sa compagne et qui avait mis
l’ancienne meute de Zac sur sa piste. L’odeur du sang mêlée à celle de la
corruption et de la cruauté que dégageait Remy ne faisaient qu’exacerber la
soif de vengeance du loup de Ryan.
Remy lui balança un rapide coup de pied à la cuisse. Il grogna en sentant
le talon de l’Alpha le heurter sur ce qui deviendrait sans doute un méchant
hématome. Makenna ne serait pas contente. Survolté à l’adrénaline, Ryan
ne ressentait que le quart de la douleur. Il riposta d’un coup de pied qui
atteignit son ennemi aux côtes et sentit craquer des os. Remy eut le souffle
coupé.
— Putain ! s’exclama l’Alpha en montrant ses yeux lupins.
Puis il retira ses vêtements et se transforma en un clin d’œil. Il était
vraiment très rapide.
Mais Ryan aussi.
Les loups se ruèrent l’un sur l’autre, et s’attaquèrent à coups de crocs et
de griffes. Le loup sombre souhaitait cette bataille depuis longtemps. Il
désirait affronter celui qui avait tenté de faire tuer sa compagne. Il fut sans
pitié, féroce. Il planta les griffes profondément dans les côtes de son
ennemi.
Le loup gris grogna et réussit à arracher un lambeau de fourrure à son
adversaire dont la robe fut vite maculée de sang. L’odeur de son propre sang
ne le freina pas cependant et il ne se battit que plus rageusement.
Il planta ses crocs dans l’épaule du loup gris et secoua. Ses dents
transpercèrent la peau et les muscles, et butèrent sur les os. Le loup sombre
s’en réjouit. Il ne cherchait pas la victoire. Il ne désirait pas soumettre son
ennemi. Non, il voulait le tuer. Voulait sentir couler dans sa gueule le sang
de l’enfoiré.
Haletantes, les bêtes reprirent le combat. Elles grognaient, hurlaient,
griffaient, mordaient. On entendait les chocs sourds de leurs corps projetés
l’un contre l’autre. L’animal de Remy était aussi fort que l’Alpha dans sa
forme humaine. Un être impitoyable et ignoble. Le loup sombre ne fut donc
pas trop étonné de sentir les vibrations de dominant qu’émit alors le loup de
Remy. Des vibrations pour l’obliger à se soumettre.
Le loup sombre secoua la tête comme pour se débarrasser de ce poids qui
l’oppressait. Il refusait de se soumettre. Mais cette pression, si lourde, si…
D’autres loups pénétrèrent alors dans la salle en hurlant et en grondant.
Le loup sombre sut, à leur odeur, que ses camarades de meute venaient
d’arriver. Le loup gris fut distrait par cette apparition et atténua
involontairement ses vibrations. Le loup sombre en profita pour se jeter sur
lui. Il mit l’Alpha sur le dos, l’immobilisa au sol et…
— Non ! hurla une voix.
Une grande force s’abattit sur le loup sombre et le projeta loin de Remy.
Le loup sombre glissa sur le sol et heurta le mur dans un grand bruit sourd.
Ryan lutta avec son animal pour émerger et le loup n’eut pas la force de l’en
empêcher.
Ryan se releva, prêt à se battre contre la folle qui l’attaquait. Mais il n’en
eut pas besoin.
— Pas ça, salope ! grogna une voix féroce.
Puis Selene chuta au sol, frappée au dos. Makenna.
— Cette fois, affirma celle-ci d’une voix rauque en attrapant Selene par
les cheveux et en tirant sa tête vers le haut, tu ne te relèveras pas.
D’un coup de griffes, elle l’égorgea comme Selene l’avait fait pour
Colton.
— Selene ! hurla Remy, fou de douleur.
Il avait repris forme humaine et avait rampé jusqu’à sa compagne, en
glissant dans son sang.
— Tu savais qu’elle était ton âme sœur ? demanda Makenna qui s’était
approchée de Ryan.
— Elle méritait un meilleur compagnon que moi, répondit l’Alpha.
Ce ne fut qu’à ce moment qu’il comprit que la bataille était terminée et
que tous ses loups étaient morts. Certains des résidents que soignaient
Dawn et Madisyn avaient l’air grièvement blessés. Ryan ignorait s’ils
avaient des pertes à déplorer de leur côté.
— Ce n’est pas moi qui vais dire le contraire, affirma Makenna.
Montrant les dents, Remy se redressa prestement, mais Ryan, Dante et
Jaime lui bloquèrent le passage et Ryan empoigna l’Alpha à la gorge.
— Tu la protèges ? Vraiment ? lança Remy dans un rire faux. C’est que
tu ne dois pas connaître son passé et ce qu’elle a fait pour être bannie par sa
meute et être obligée de vivre dans la clandestinité. Mais moi, je sais.
C’était du bluff, Makenna en était parfaitement consciente. Il ignorait
manifestement que Ryan avait levé le mystère sur son passé. Remy
racontait n’importe quoi, Ryan le savait pertinemment. Mais les autres ?
Accorderaient-ils le bénéfice du doute à une solitaire ?
— Tu veux savoir ce qu’elle a fait ? reprit Remy en crachant du sang.
— Non, déclara Dante au moment même où Ryan plantait les griffes dans
le torse de Remy.
— Makenna est membre de la meute du Phénix à part entière, ajouta
Jaime. Cela suffit.
Pour la première fois, Makenna comprit ce que Ryan essayait de lui
expliquer. Elle n’était plus seule. N’avait plus besoin de se sentir
terriblement vulnérable, de se cacher. Elle était membre d’une meute, de
cette meute. Et c’était vraiment extraordinaire de faire partie de la meute du
Phénix.
Une intense mais brève douleur à la tête et à la poitrine lui coupa le
souffle. Elle put enfin sentir Ryan en elle, autour d’elle. Elle sentait même
battre son cœur, ressentait son étonnement, son immense soulagement et sa
satisfaction. Leur lien d’union, même s’il était tout neuf, était loin d’être
faible. Au contraire, il était fort, entier. Sans doute parce qu’il avait été si
long à se mettre en place.
Relâchant le loup moribond, Ryan se tourna vers sa compagne. Il avait eu
raison. Ou plutôt, Jaime avait vu juste. C’était un problème extérieur à leur
couple qui avait empêché leur lien d’union de se manifester. Et là, non
seulement s’était-il enfin établi mais aussi…
— Pas mon fils ! Pas mon fils !
Tout le monde se retourna en entendant ce hurlement, à temps pour voir
Deanne brandir une arme à feu. Une détonation fusa et Ryan se sentit
touché au côté gauche du ventre. Il en eut le souffle coupé et grogna. Il posa
la main sur son abdomen et regarda l’endroit où il avait senti la douleur
mais il ne vit rien. Il eut vaguement conscience que Roni avait désarmé et
éviscéré Deanne. Il retira sa main, et constata l’absence de sang et de
blessure.
Sa compagne tomba sur les genoux. Ryan fronça les sourcils.
— Kenna ? dit-il.
Puis il la vit cligner des yeux, une expression abasourdie sur les traits. Ce
fut alors qu’il remarqua la tache rouge qui s’élargissait sur son tee-shirt. Il
sentit la panique monter en lui et en son loup.
— Merde ! s’écria-t-il, en s’agenouillant à côté de Makenna et en mettant
ses mains sur son visage. Ça va aller, Kenna, tu vas voir.
Elle hocha la tête, mais ça n’allait pas du tout. Elle avait mal. Dieu du
Ciel ! Comme si elle brûlait de l’intérieur. Tous ses instincts lui criaient que
c’était grave, très grave. Le choc passé, elle sentit la panique l’envahir et
elle s’agrippa au bras de Ryan, comme s’il pouvait la retenir. Sa louve
perdit son sang-froid.
— Allonge-la, appuie sur la blessure, lui conseilla Dante.
Ryan la déposa doucement au sol et pressa de ses deux mains sur le
putain de trou qu’elle avait au ventre. Elle grimaça.
— Désolé, dit-il en lui transmettant de sa force par leur lien d’union tout
en écoutant Dante appeler leur femelle Alpha. Taryn est une guérisseuse,
expliqua-t-il à sa compagne, ignorant si elle le savait déjà. Elle va te
soigner.
— La balle l’a traversée et est ressortie. C’est mieux, observa Jaime dont
le timbre de voix trahissait néanmoins l’inquiétude.
Elle n’avait pas besoin de se faire du souci, Makenna allait se remettre.
Ryan se pencha au-dessus de la jeune femme et lut dans ses yeux une
douleur intense ainsi que la peur qu’il ressentait en lui.
— Ça va aller, tu vas guérir. Allez, dis-le.
Makenna avala sa salive.
— Ça va aller, répéta-t-elle enfin, pas du tout persuadée qu’elle s’en
sortirait.
Une brûlure au ventre la faisait atrocement souffrir. Son sang coulait sur
sa peau et formait une flaque sous elle. Et elle en avait déjà perdu un peu
pendant son combat avec Selene. Elle leva les yeux quand elle sentit des
mains saisir les siennes, et vit Madisyn et Dawn accroupies à ses côtés.
— Hé, dit-elle.
— Je t’interdis de mourir, décréta Madisyn, une étincelle sauvage brillant
dans ses yeux humides.
— Elle ne va pas mourir, éructa Ryan.
— C’est vrai, confirma Dawn, un sanglot dans la voix. Makenna est
forte.
Ryan lui donna un baiser délicat et lui caressa la pommette du pouce. Ses
paupières se fermèrent lentement.
— Non, Kenna, dit-il. Regarde-moi.
La jeune femme ouvrit les yeux au prix de vaillants efforts.
— Je suis si fatiguée, murmura-t-elle.
Elle ne l’avait jamais autant été. Seule la force que lui insufflait Ryan lui
permettait de ne pas sombrer dans l’inconscience, elle en était persuadée.
Elle s’accrochait à lui. Elle ne voulait pas mourir, ne voulait pas le quitter,
refusait de ne pas connaître l’existence merveilleuse qu’ils pourraient avoir
ensemble. Mais elle avait tellement de mal à garder les yeux ouverts, même
en luttant de tout son être contre l’envie de dormir. Tout semblait
s’estomper autour d’elle, s’obscurcir. Elle avait l’impression de sombrer,
non… de couler plutôt.
— Ça va aller, répéta Ryan, son cœur battant la chamade.
— Menteur, répondit-elle en esquissant un petit sourire.
Il était un fieffé menteur, effectivement. Même s’il comprimait fortement
la blessure de sa compagne, le sang continuait à couler abondamment.
C’était sa vie qui lui filait entre les doigts.
— Kenna, dit-il en sentant vaciller leur lien et en comprenant ce qu’il se
passait. Non, éructa-t-il. Non, non, non, non.
Elle n’avait pas le droit de mourir. Il ne l’y autorisait pas, putain !
— Où est Taryn, merde ? demanda-t-il à Dante en lui lançant un regard
désespéré.
— Elle arrive, parvint à articuler Jaime, la voix rauque de chagrin, les
yeux humides.
Elle n’était pas la seule à pleurer. Un nombre important de métamorphes
éplorés les entourait, des résidents du refuge, pour la plupart.
— Tu as entendu ? lui demanda Ryan en appuyant son front contre celui
de sa compagne. Elle arrive. Non, ouvre les yeux, insista-t-il quand il la vit
baisser les paupières après avoir hoché un tout petit peu la tête. Regarde-
moi. C’est bien.
Makenna toussa et Ryan vit sa bouche se remplir de sang. Son cœur se
serra.
— Non, reprit-il, incapable d’accepter la réalité, la refusant. Taryn arrive,
attends encore un peu.
Makenna se força à esquisser un petit sourire. Ils savaient tous les deux
que Taryn n’arriverait jamais à temps.
— Ne meurs pas, Ryan.
— Je t’interdis d’abandonner ! Tu dois vivre, cria-t-il.
Il sentait une très grande colère monter en lui et en son loup.
— Zac a besoin de toi, dit-elle après une nouvelle quinte de toux qui fit
remonter un peu plus de sang.
— Et moi, j’ai besoin de toi. Si tu veux que je vive, tu dois vivre. Tu dois
te battre, tu comprends. Bats-toi.
Elle essaya, fit de son mieux mais elle était si fatiguée.
— J’ai froid, marmonna-t-elle.
Elle était frigorifiée. Sa louve se coucha en gémissant.
Ryan tenta de lui transmettre encore plus de forces par leur lien, mais en
vain. Le pouls de la jeune femme ralentissait, leur lien s’atténuait et le sang
continuait à couler.
— Kenna, bats-toi, la supplia-t-il.
— Je n’ai plus mal, murmura-t-elle.
— C’est bien, répondit-il.
Mais c’était faux et il le savait. Elle aussi. Son loup s’énervait, il était
anxieux, effrayé, éprouvait le besoin de tuer.
— Et je n’ai plus du tout peur. C’est bizarre, non ?
Elle aurait dû être terrorisée. Elle était moribonde, elle le savait, mais elle
se sentait en paix.
— Je t’aime, dit-elle, en pensant qu’elle aurait dû le lui dire plus tôt. Le
moment n’est peut-être pas bien choisi, non ?
Elle entendait Madisyn et Dawn pleurnicher, et aurait voulu leur
demander de veiller sur Ryan. Mais elle avait recommencé à sombrer et tout
lui semblait tellement loin.
Elle ferma de nouveau les yeux et Ryan sentit son cœur battre à tout
rompre.
— Ouvre les yeux, Kenna, regarde-moi. (Elle ne le fit pas et il la secoua
légèrement.) Ouvre les yeux.
Son pouls vacilla et leur lien commença à s’estomper.
— Non, cria-t-il. Lâchez-moi, hurla-t-il quand des mains le saisirent.
Mais elles ne le relâchèrent pas. Elles le tirèrent, le poussèrent et
l’éloignèrent un peu. Il ne pouvait pas retourner auprès d’elle, il était
incapable de se battre. Il avait donné toute sa force à Makenna et n’avait pas
réussi à la…
— Attends, Ryan ! Laisse-lui un peu de place ! Si tu veux que ta
compagne survive, tu dois lui laisser un peu de place.
Il s’immobilisa alors, et remarqua enfin Ally accroupie à côté de
Makenna. La prophétesse était également guérisseuse, il s’en souvint.
Derren et Dante le libérèrent, et ses jambes faillirent flancher.
— Ne la laisse pas mourir, la supplia Madisyn.
— Tu vas devoir m’aider, Ryan, dit Ally en se tournant vers le lieutenant.
Sa vie ne tient plus qu’à un fil.
Ryan s’approcha de sa compagne et lui prit la main. Il essaya de lui
transmettre le peu de forces qu’il lui restait au risque de sombrer lui-même
dans l’inconscience. Mais leur lien s’était tellement estompé que rien ne
passa.
Ally garda les yeux fermés tout le temps qu’elle faisait… ce qu’elle
savait faire. La plaie ne s’illumina pas comme avec Taryn. Ryan ignorait ce
qu’il se passait. Ce ne fut que lorsque le rythme cardiaque de Makenna se
stabilisa qu’il sentit l’espoir renaître en lui. Il agrippa plus fermement la
main de la jeune femme et il sentit son pouls s’accélérer, et leur lien se
renforcer.
— Elle a perdu beaucoup de sang, expliqua Ally, livide, se rasseyant. Elle
va demeurer inconsciente encore quelque temps mais elle va récupérer.
Puis la prophétesse s’écroula dans les bras de Derren qui était là pour la
soutenir.
Ryan enlaça Makenna et la tint serrée contre lui. Putain, il en tremblait.
Chacune de ses respirations était douloureuse. Il avait les poumons en feu et
une boule à la gorge. Elle était en vie mais il avait eu tellement peur que
cela n’allait pas lui passer de sitôt.
Il la huma, s’emplit de son odeur et soutint sa tête dans le creux de son
cou. Son loup était encore surexcité, incapable de se calmer. Il avait du mal
à croire qu’elle était réellement guérie. Madisyn et Dawn, les traits tirés, le
visage rouge et gonflé, restaient près d’elle. Elles désiraient sans doute la
prendre aussi dans leurs bras, songea Ryan, mais pas question pour lui de
relâcher son étreinte. Il avait besoin d’entendre les battements forts et
réguliers de son cœur, c’était la seule chose qui les empêchait de disjoncter,
lui et son loup.
— Ally a eu une vision dans laquelle Makenna se faisait tirer dessus,
expliqua Derren. Heureusement que nous ne sommes pas arrivés trop tard.
Une minute de plus et ils l’auraient été. Ryan refusa de penser à ce qu’il
se serait passé alors. Il adressa un signe de tête de gratitude à Derren,
incapable de parler en raison de l’énorme nœud que l’émotion lui avait
causé à la gorge. Ryan devait à Ally plus qu’il ne pourrait jamais lui rendre.
— Merde ! s’exclama soudainement Jaime. La bataille sur notre
territoire !
— Pour le cas où elle ne serait pas encore terminée, déclara Dante en
sortant son téléphone de sa poche, je vais demander des nouvelles à Grace.
Puis il s’éloigna dans la foule pour passer son appel.
— Quand on est partis, la situation semblait se calmer un peu et tourner
en notre faveur, intervint Marcus. La plupart des attaquants ont assez vite
battu en retraite. Ils s’étaient attendus à une victoire plus facile. Ils ont été
décontenancés de voir qu’on avait obtenu autant de renforts. Puis ils ont
commencé à paniquer quand ils ont découvert que le territoire était parsemé
de fils de détente et de mines.
— Des pertes à signaler de notre côté ? s’enquit Jaime après avoir pris
une longue inspiration.
— Patrick a failli se faire trancher la gorge. Dominic a risqué sa vie pour
sauver Eli. (Eli était le frère de Nick et le Premier lieutenant de sa meute.)
Mais ça va maintenant, Taryn les a guéris.
— C’est Rhett qui a répondu, annonça Dante tandis qu’il revenait vers
eux. Grace est occupée à soigner les blessés. La bataille est terminée.
L’ancien Alpha de Zac a été capturé, ils le gardent dans la hutte. On a pensé
que tu voudrais te charger toi-même de son exécution, dit Dante à Ryan.
Celui-ci, se sentant encore incapable de parler, se contenta de hocher la
tête en signe d’assentiment.
— Allons d’abord voir qui a encore besoin d’aide ici, proposa Jaime, puis
rentrons à la maison.
CHAPITRE 23
Ce même soir, Ryan était assis sur le lit, seulement couvert d’une
serviette-éponge, et admirait sa compagne qui allait et venait vêtue
uniquement d’un chemisier partiellement déboutonné et d’une jolie culotte
rose sexy. Elle lui disait combien elle avait été heureuse d’écouter le récit de
l’enfance de sa mère et de la vie de ses grands-parents. Elle ne le trompait
pas un seul instant cependant. Tout au fond d’elle-même, elle souffrait,
pleurant le père qu’elle n’avait pas connu.
Il voulait dire quelque chose pour la consoler. Mais il n’osait pas,
craignant de manquer de délicatesse et…
— Tu as dit quoi, là ? éructa-t-il, persuadé d’avoir mal entendu.
— Tu m’écoutais ou quoi ? demanda-t-elle en lui adressant un sourire
énigmatique.
— Veux-tu bien répéter ?
— Pourquoi je le ferais ? lança-t-elle d’une voix traînante.
Il l’attrapa alors par le pan de sa chemise, la déboutonnant
involontairement, et l’attira à lui, la maintenant entre ses jambes.
— Hé ! geignit-elle.
— Ne me cherche pas. Qu’est-ce que tu as dit ?
— On ne peut jamais rigoler avec toi.
— Kenna ! insista-t-il.
Son cœur battait la chamade et son loup s’était immobilisé.
— J’ai dit, débuta-t-elle en lui caressant les épaules, qu’il faudra
emménager dans une plus grande pièce quand notre bébé arrivera l’an
prochain.
C’était bien ce qu’il lui semblait avoir entendu.
— Mais tu n’es pas enceinte, affirma-t-il.
Il l’aurait su à son odeur.
— D’après Ally, ce sera bientôt le cas.
Makenna était assez contente. Son compagnon, toutefois… semblait
comme en état de choc.
— Ça va ? s’enquit-elle.
— Ouais, répondit-il après avoir péniblement avalé sa salive tant il avait
la bouche sèche.
— C’est normal d’avoir un peu la trouille.
— Je n’ai pas la trouille, la rassura-t-il en posant les mains sur le ventre
de sa compagne. C’est juste que je n’avais jamais envisagé cette possibilité
avant.
L’idée de la paternité le prenait complètement au dépourvu. Non que cela
le rende malheureux ou l’effraie. Il ressentait l’étrange désir de posséder sa
compagne si totalement qu’ils ne sauraient plus où commençait l’un et
finissait l’autre.
Il glissa alors les mains sous la chemise de Makenna et l’enlaça, l’attirant
contre lui. La jeune femme sentit un changement en lui. Le choc qu’il avait
éprouvé avait été remplacé par le désir primaire de la prendre et de la
posséder. Elle ferma les yeux et de la langue, il lui effleura le creux du cou.
Makenna, plutôt portée sur les étreintes sauvages, fut étonnée de sentir que
cette douce caresse faisait monter le désir en elle.
— Ryan, dit-elle.
Il lui lécha la clavicule pendant qu’elle lui caressait doucement des doigts
les épaules et le torse.
— Je vais te demander de te mettre sur les genoux, Makenna.
— Pourquoi est-ce que je ferais cela ? questionna-t-elle.
— Pour que tu puisses refermer cette jolie bouche sur mon sexe, lui dit-il
en lui mordillant la lèvre inférieure.
Les pupilles de la jeune femme se dilatèrent et elle planta les ongles dans
les épaules de son compagnon.
— Mais tout d’abord…
Il lui passa alors la main dans la chevelure et se pencha pour l’embrasser
goulûment sur la bouche, insérant la langue entre ses lèvres. Il ne se
lasserait jamais de sa saveur. Il adorait sa bouche, avait constamment envie
de s’enfouir en elle, de lui mordiller les lèvres. Il s’enorgueillissait de
penser que personne d’autre que lui ne le ferait jamais.
— Allez, mets-toi à genoux.
Makenna envisagea de refuser juste pour le plaisir de l’asticoter un peu
mais résista à la tentation.
— D’accord, je vais m’agenouiller, acquiesça-t-elle en lui empoignant
fermement le sexe, mais uniquement parce que je le veux.
Puis elle obtempéra lentement en lui caressant le membre.
— Écarte les lèvres, lui ordonna-t-il en l’attrapant par les cheveux et en
approchant sa bouche de son sexe.
Il n’eut pas besoin de lui dire de ne pas passer trop de temps en
préliminaires. Elle ne le faisait jamais. Elle le prit profondément dans sa
bouche. Et elle était fichtrement douée. Surtout pour les petites caresses
tournoyantes de la langue.
— C’est bien, Kenna. Mouille-moi, parce que tu vas me chevaucher.
Makenna émit de petits couinements, et le suça plus fort et plus vite. Elle
aimait son goût mais elle désirait le sentir en elle. Elle avait besoin qu’il
s’enfouisse profondément en elle pour soulager un besoin qui s’exacerbait
rapidement. Elle grimaça quand Ryan resserra son étreinte sur ses cheveux.
— Arrête, je ne veux pas jouir dans ta bouche ce soir.
Ryan glissa une main sous le bras de la jeune femme et l’aida à se
relever. Ses lèvres gonflées et son regard langoureux l’excitèrent. Il lui
baissa sa culotte et attendit qu’elle la jette au loin d’un coup de pied.
— Viens là, dit-il en l’attirant sur lui.
Elle le chevaucha, se frottant contre lui.
— À qui appartiens-tu, Kenna ?
Makenna s’agrippa aux épaules de son compagnon et se baissa lentement
sur son sexe. Ryan saisit son membre d’une main pour l’empêcher de
pénétrer complètement en elle.
— Tu n’as pas répondu à ma question.
En effet. Makenna n’obéissait pas en tout à son compagnon. Elle était
trop rebelle pour cela. Elle ne tint donc aucun compte de sa demande et se
contenta de ce qu’il lui donnait. Mais elle en voulait davantage.
— Ryan, le supplia-t-elle.
— Tu veux davantage ?
— Oui, reconnut-elle.
— Tu peux avoir davantage. Tu peux tout avoir. C’est à toi. Mais tu dois
d’abord me dire à qui tu appartiens, insista-t-il en lui caressant les seins de
sa main libre et en lui raclant la peau du cou des dents.
Il ne fut pas étonné qu’elle continue à le chevaucher en silence. Il lui
assena une bonne claque qui fit refermer sa féminité sur son membre.
— Dis-le.
— Il vaudrait peut-être mieux que je termine toute seule, éructa-t-elle.
— Non, tu vas me faire jouir avant, déclara-t-il en la retenant par les
hanches.
— Alors, enlève ta main.
— Dis-moi à qui tu appartiens, putain !
Si seulement son ton dominant ne la titillait pas autant !
— À toi, putain d’enfoiré, déclara-t-elle.
— Très bien, répondit Ryan en déplaçant sa main et en obligeant
Makenna à le prendre tout entier. Chevauche-moi maintenant.
Ce qu’elle fit. Longuement et profondément. Ryan posa les mains sur les
hanches de sa compagne mais ne la guida pas. Il se contenta de la tenir
tandis qu’elle se levait et se baissait sur lui. La friction du mouvement
exacerba son désir. Mais même en mettant énormément d’ardeur à la tâche,
elle ne réussit pas à se mener au bord de l’explosion.
Makenna eut le souffle coupé quand le monde bascula soudainement et
qu’elle se retrouva sur le dos. Debout au pied du lit, Ryan la pénétrait
sauvagement, l’attirant à lui à chaque coup de boutoir. Il avait placé une de
ses mains sur le ventre de sa compagne, et il sentait son membre aller et
venir en elle. Elle s’agrippa aux draps et s’arqua à sa rencontre.
Ryan se pencha sur elle, et écarta les replis de son intimité afin
d’atteindre son clitoris à chacun de ses coups violents et possessifs. Quand
les muscles de sa compagne se resserrèrent autour de son membre, il sut
qu’elle était au bord de l’explosion.
— Jouis, Kenna, lui cria-t-il en posant la bouche sur son pouls et en la
mordant.
La jeune femme se cambra et cria tandis qu’elle explosait. Elle planta ses
griffes dans son compagnon pendant qu’il se répandait en elle. Elle sentit
chaque soubresaut, chaque tressaillement et ne put s’empêcher de se
demander si un enfant serait conçu ce soir-là.
Quand enfin il fut capable de bouger, Ryan s’éloigna un peu de Makenna
dans le lit. Il déposa des baisers sur son ventre, la lécha et la mordilla dans
un geste de possessivité. Il sentait combien elle était satisfaite, repue.
Comme une sorte de bourdonnement qui résonnait dans leur lien d’union.
Maintenant qu’ils étaient unis par ce lien métaphysique, Ryan n’était plus
sûr que c’était une question d’évolution de l’espèce. Il y avait un côté
mystique qu’il n’avait pas imaginé. Il n’avait pas l’intention cependant de le
confier à Makenna qui aurait accueilli cette remarque d’un sourire ironique.
— Je t’aime, Croc-Blanc, dit-elle en s’étirant comme un chat.
— Tu ne cesseras jamais de me donner ce surnom, c’est ça ?
— Il y a peu de chances, en effet, dit-elle en s’appuyant sur les coudes.
Qu’y a-t-il ? Qu’est-ce qui t’inquiète ?
Il était anxieux, en effet. Il se demandait si leur bébé lui ressemblerait,
mais Makenna risquait de lui botter les fesses s’il le disait.
— Je ne sais même pas comment tenir un bébé, lui avoua-t-il,
s’aventurant sur un terrain plus neutre.
— Je t’apprendrai en temps voulu.
— Je ne suis pas doué avec les enfants.
— Tu n’es pas doué avec les gens, point, reconnut-elle en souriant
aimablement. Tu n’es pas extraverti, ni vraiment sympa. Mais est-ce
nécessairement mauvais ? Le bébé s’en fichera, il t’aimera tel que tu es. Et
tu l’aimeras sans aucune réserve. Tu le protégeras et le chériras. Tu seras
comme un gros nounours avec notre enfant. Personne ne te prendra plus
jamais pour un serial killer. Sérieux, ta réputation dans la rue va en prendre
un sacré coup !
Les yeux de Ryan brillèrent et sa bouche… s’incurva ! Elle retint son
souffle. Elle découvrait son sourire tout à la fois sexy, sensuel et dangereux.
— Tu as souri !
— Mais non, nia-t-il.
— Qu’est-ce que tu peux être grognon !
Ouais bon. Il se glissa dans le lit et s’installa de son côté.
— Allez, il faut dormir maintenant, dit-il. Je t’aime, Kenna, murmura-t-il
en se lovant contre elle et en l’embrassant sur le cou.
— Je t’aime aussi, répondit-elle tandis qu’elle se blottissait davantage
contre lui et fermait les yeux.
La douleur qu’elle avait ressentie en écoutant Harlow lui raconter
l’histoire de ses parents était encore fraîche pour elle. Mais en même temps,
elle ressentait au fond d’elle-même une certaine légèreté. Maintenant
qu’elle connaissait la vérité sur son passé, c’était comme si on lui avait
retiré un poids. Elle avait eu des réponses à ses questions. C’était très dur,
tellement triste qu’elle n’avait pas les mots pour le dire. Mais au moins elle
savait maintenant. Elle pouvait tourner la page et aller de l’avant, avec son
compagnon.
Elle commençait à peine à s’endormir quand le téléphone de Ryan sonna.
Le lieutenant le prit et tapota l’écran puis le reposa un peu brutalement sur
la table de chevet où il heurta le miroir de poche de Makenna qui tomba au
sol et…
« Crac. »
Merde ! Ils savaient tous deux ce que cela signifiait.
— Ne dis rien !
— Je n’en avais pas l’intention.
REMERCIEMENTS
La Meute du Phénix :
1. Trey Coleman
2. Dante Garcea
3. Nick Axton
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