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Épreuve d’analyse de film – Analyse créative

Journal intime
C’était l’anniversaire de mon père, une journée chaude et joyeuse. La nature était belle et
pleine de vie. Je parcourais alors les rochers et accrochais chaque inconnue sur mon chemin. Je
tente d’organiser un petit chant pour lui. Je suis furtive, rapide, légèrement maladroite et un
peu désorganisée. Je ne pourrais reconnaitre aucune personne qui chantait avec moi et je pari
que lui non plus d’ailleurs. Il ne voyait que moi. J’étais si heureuse et même les petits insectes
semblaient chanter avec nous pour le célébrer…
Aujourd’hui, je comprends que ce moment était plus complexe qu’en apparence. Malgré notre
célébration à son honneur, je le sentais détaché de nous... Il était si loin, si haut et si isoler de
l’amour que je voulais lui donner.
La transparence de ses douleurs ne m’était pas accessible et il préférait vivre ces moments seul
dans l’ombre et m’en épargner. Je l’imagine pleurer… Seul et sans faux-semblant. Avec le recul
que j’ai à son égard, je vois un homme qui souffrait, mis à nu, sans aucun masque ni tentative
de cacher son mal être. Il ne possédait rien d’autre que sa peine et son amour pour moi. Malgré
cette conscience, je n’arrive toujours pas à m’imaginer son visage pleurer. Comme s’il tentait
encore de dissimuler sa peine à travers mon imaginaire. Par un léger vent, la raison de
continuer, le rappel à la réalité, c’était nous. Lui, moi et notre amour.
L’endroit de nos vacances me hante. Je repense aux jeux d’eau, à la plage, aux vieilles estrades
de pierre où nous lui avons chanté un joyeux anniversaire et au dernier coucher de soleil… qui
est dépourvu de vie. Peut-être qu’il ressentait aussi ce vide malgré ces endroits normalement
joyeux?
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Le dernier souper était tendre. L’ambiance était joyeuse. Les gens riaient, la musique arabique
festive jouait dans le restaurent. Cela prit un petit moment, mais petit à petit, il revenait à nous.
Un homme est venu à nous pour nous prendre en photo en échange de quelques sous. *Clic* Il
était d’abord éloigné émotionnellement, se rapprochait de ses émotions et je le voyais sourire.
J’étais en quelque sorte son phare de bonheur. Je voudrais y rester pour toujours dans cette
photo, ce séjour. Rester avec lui ici dans le voyage et surtout ne pas vieillir. Mais, la nostalgie
s’installait déjà, la vie continuait en ne laissant dernières elle que la mémoire et la photo.
On courait comme des enfants vers la musique festive. Je le voyais tout heureux lorsqu’il
commençait à danser. Il s’intégrait à la vie et aux autres pour une fois. À l’époque je détestais
danser et il tentait de m’inviter. La lumière stroboscopique m’aveuglait légèrement. Je pense
alors à mon désir en tant qu’adulte.
Je désire tellement danser avec lui, retourner dans ce moment.
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Dans le souvenir, Il m’invita alors à danser, je résiste un peu puis accepte. La lumière
stroboscopique agit comme une certaine interpénétration du temps. Je suis avec lui en tant
qu’adulte.
Sa connexion au monde est éphémère. Les gens derrière lui semblent s’effacer petit à petit et
finissent par disparaitre complètement. Il s’isole. Je voudrais de le retenir, l’attraper, l’aider, je
crie, je crie de toutes mes forces, mais il ne m’entend pas. Mon cri semble s’évanouir à la
chanson… Je le tiens avec mon corps incarné, mais il m’échappe. Son corps est trouble et agité.
Une fois fantasme ………Une fois souvenir………….Une fois fantasme……….. Une fois
souvenir………………… Une fois fantasme……………. Une fois souvenir………
Le souvenir chaleureux et le fantasme froid sont aussi éclectiques que la lumière
stroboscopique. À travers ces éléments, le noir. Le noir, qui se prononce ainsi comme la
volatilité du moment et l’oublie du souvenir et la fin de l’image mentale. J’aperçois alors un fort
contraste entre ma réaction d’adulte et d’enfant face à ce moment.
Nous sommes seules. Tout est noir autour de nous et tout le monde a disparu. C’est son
isolement final… Puis en dansant, il tombe dans le gouffre de son mal être, me regarde d’en
bas… La musique de Bowie se mélange à mon état d’esprit troublé – créant ainsi une
dissonance musicale qui me hante. Ses instruments disparaissent.
Je voudrais le retenir, l’attraper, l’aider, je crie, je crie de toute mes forces, mais il ne m’entend
pas. Mon cri semble s’évanouir à la chanson…
Puis en dansant, il me regarde et tombe dans le gouffre de son mal être, me regarde d’en bas…
C’est notre désunion et je suis impuissante.
La musique du grand Bowie résonne de plus en plus fort dans ma tête annonçant notre fin.
‘’This is our last dance’’
Je voudrais ralentir ce dernier moment et retourner à cet enivrement si joyeux.
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« La chaleur de sa vie là-dessous qui bat, qui bat comme un oiseau captif. Si je parvenais à
ouvrir la cage? Par quelle prière magique, quelle invention de l'amour fou pourrais-je délivrer le
cœur de [mon père]? J'en rêve comme d'une mission impossible. »
-Les fous de Bassan d’Anne Hébert (

Des petits bruits de caméra vidéo s’annoncent. Je regarde une vieille vidéo d’archive, le dernier
objet de notre séjour. Je tente de revenir à un souvenir plus doux…

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J’arrête la vidéo sur mon visage heureux et insouciant comme si je voulais ne retenir que cela.
Je voudrais rester sur les mots de mon père pour toujours : Je t’aime…
Comme le visionnement de vieilles diapositives, l’image devient doucement mon appartement
qui me semble étrangement froid. Un retour à la réalité. La vie semble terne et triste. Je me
sens isolée du monde extérieur et de sa lumière.
J’ai l’impression de redevenir un bébé qui voudrait retrouver et jouer avec son parent.
Retrouver mon innocence, mais la mélancolie perdure. Mon esprit divague alors sur mon père.
Moi qui le regarde avec sa caméra à la main. Il est emprisonné, isolé et il n’y qu’une issue où il
puisse exister.
Il me semble tellement s’éloigné. Je ne suis qu’hantée par notre dernier moment de danse,
l’endroit où il vit en moi. Mon seul pouvoir est de nous faire revivre à travers divers objets du
séjour... Sa carte postale, nos photos, nos vidéos et mes souvenirs.
Je l’ai perdu dans cette danse et dans ce voyage.

Je t’aime Papa
xxx

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