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La Corruption, Comment CA March - Noel Pons
La Corruption, Comment CA March - Noel Pons
92 Connection
Les Hauts-de-Seine, laboratoire de la corruption ?
Nouveau Monde éditions, 2013
Arnaques
Le manuel anti-fraude
CNRS éditions, 2009
www.seuil.com
Titre
Du même auteur
Copyright
Dédicace
Avant-propos
Notes
Avant-propos
10
En juin 2008, l’organisation Tax Justice Network UK a élaboré
une classification technique des paradis fiscaux en sept catégories
structurées en fonction de leur activité.
1. Les territoires fournisseurs de sociétés-écrans sans activité
financière. Ces sociétés-écrans sont soit créées, soit fournies sur
« étagère », c’est-à-dire qu’elles vendent la présentation de factures
libellées à leur nom. En fait, tout est fictif, seul le flux est réel !
2. Les territoires dits « secrets » ; aucune information officielle ou
officieuse ne sort de ces pays. Ces territoires offrent des services
particuliers et servent de base arrière à des investisseurs. Les
Panama Papers montrent clairement l’utilisation qui en est faite et en
particulier l’importance des actions de sociétés au porteur.
3. Les « round-tripping » dans les îles Vierges britanniques
permettent aux investisseurs chinois d’utiliser une société offshore
pour investir indirectement. Cela protège un peu des appétits du
pouvoir. Jersey joue un rôle majeur pour Londres, les Vanuatu pour
l’Australie, Maurice pour l’Afrique dont elle fragilise les économies.
4. Les territoires spécialisés : les captives de réassurance
seraient l’apanage des Bermudes, de Guernesey. Les hedge funds
seraient constitués à 80 % dans les îles Caïmans.
5. Les territoires dont les revenus dépendent de leur faible
taxation viennent faire les poches des pays voisins en détournant
vers eux les transactions régulières et souvent irrégulières.
6. Les territoires gérant les fortunes, la Suisse, New York et
Londres, ces trois pays disposant de liens robustes entre eux.
7. Enfin les territoires utilisant la délocalisation fiscale.
Une bonne moitié des pays au monde sont criminalisés, ils ne
proposent pas une sécurité juridique forte, mais peuvent être utilisés
pour lancer des opérations de fraude et de blanchiment à la
condition de disposer d’une structure de repli.
LE FRACTIONNEMENT OU LE SAUCISSONNAGE
Moyen de fraude efficace, très utilisé dans les marchés publics,
dans les fraudes d’entreprises, au cours de la constitution de caisses
noires, ce montage est aussi ancien que la comptabilité. Il rompt
artificiellement la globalité d’une opération et sa compréhension. Il
est la cause d’une grande perte de temps car chacun des
fractionnements doit être analysé comme une opération unique. Il
fait donc voyager le contrôle dans les entreprises et dans les
contrées les plus diverses. Finalement, en ralentissant les contrôles,
il assure le secret temporaire d’opérations qui nécessitent la
discrétion, il gagne du temps et fatigue les investigateurs. En
quelques jours et quelques clics, les flux chemineront à travers le
monde alors que la justice passera des années à attendre les
réponses. Un magistrat avait dit que la justice allait à la vitesse d’une
diligence alors que les flux voguent à la vitesse du son.
Les montages frauduleux effectués dans les paradis fiscaux
jouent à saute-mouton entre les diverses entités et entre tous les
types de sociétés dont l’utilisation est possible. Ce qui multiplie les
pays et les structures à contrôler pour établir le cheminement réel
des flux. Chaque strate est un leurre. Prenons l’exemple (simplifié)
du propriétaire d’une demeure évaluée 30 millions d’euros dans le
e
VII arrondissement de Paris, qui ne tient pas à ce que ce bien soit
saisi, son conseil va lui proposer le schéma suivant : tout d’abord,
créer une SCI (société civile immobilière) à Paris gérée par un
homme de paille qui détient les droits de propriété de la demeure. Le
prête-nom choisi et rémunéré pour cette activité sera son
majordome. Ensuite, créer deux sociétés, l’une en Belgique, l’autre
au Luxembourg, qui sont propriétaires des parts de la SCI
parisienne. Deux prête-noms sont utilisés, un juriste luxembourgeois
et le majordome, qui revient aux affaires en Belgique sans jamais y
avoir glissé un seul orteil. Enfin faire en sorte que ces sociétés
soient elles-mêmes détenues par une société panaméenne gérée
par un cabinet d’avocats et dont le propriétaire réel détient les titres
au porteur. Le Luxembourg serait le seul pays européen à en
proposer encore.
Le montage utilise donc quatre entités établies dans quatre pays
différents, et l’ayant droit réel doit simplement éviter de se faire
subtiliser les titres. Ce fractionnement est utilisé dans pratiquement
tous les montages, on le retrouvera tout au long de l’ouvrage.
LA MANIPULATION DES PRIX DE TRANSFERT
DES PRODUITS
LE PARADIS TECHNOLOGIQUE
o 17
Le rapport d’information du Sénat n 673 introduit une notion
nouvelle, celle de la « e-évasion ». L’utilisation des technologies de
l’information a modifié la nature de l’évasion, car les manipulations
deviennent plus mobiles, « complexes et instantanées », alors que
les logiques de contrôle restent encore fixées sur les biens et sur le
physique.
La technologie associée à la mondialisation a déjà largement
facilité les fraudes et le camouflage des avoirs criminels, en
accélérant les échanges informatisés : il faut une minute pour que
les transferts bancaires fassent le tour du monde et trois années
pour les pister.
Le problème du cloud ne semble pas avoir encore été identifié
comme une opération à problèmes, pourtant il recèle des risques
majeurs en termes de secrets des affaires, de fournitures de
justificatifs et de pertes d’informations.
L’un des effets essentiels de la mondialisation et de l’Internet
relève du paradoxe : il a conduit à démocratiser la fraude et les
possibilités de camouflage, et il a ouvert une voie royale à la
criminalité financière. Jusque-là, c’était la clientèle des très riches
qui était visée et cela fonctionnait par recommandation. Désormais,
le spectre s’est élargi à toutes les couches de la société. À ce jour,
n’importe quel petit entrepreneur, voire un auto-entrepreneur,
n’importe quel petit malfrat peut créer une société dans un paradis
fiscal, disposer d’un compte et y virer les sommes qu’il ne veut pas
intégrer dans ses comptes en France.
Créer une société offshore est donc aisé pour qui dispose d’un
ordinateur et d’un smartphone ouvert sur le Net. Les bureaux de
défiscalisation situés à Genève, Dubaï, Malte ou Hong Kong ont
créé des sites proposant des services tels que la création de
sociétés dans d’autres paradis fiscaux (Antigua, Belize, îles Vierges,
Seychelles) et ne demandant qu’une copie du passeport pour ouvrir
un compte en banque auquel est rattachée une carte bleue pour un
coût inférieur à 1 000 euros.
J’ai moi-même testé cette possibilité. À partir d’une adresse
Internet, je me suis présenté comme désireux de créer une société
en Suisse, une longue discussion s’est engagée par téléphone et
une proposition m’a été faite : je pouvais créer une société et un
compte bancaire qui permettait de détourner 200 000 euros l’an,
pour des montants plus importants, la nature de la structure serait
modifiée et le coût serait majoré. Le prix proposé était de
2 500 euros l’an, c’est donné !
Il est possible de tracer à très grands traits une synthèse des
manipulations possibles avec les paradis fiscaux :
1. Utiliser des opérations de siphonnage des fonds des
entreprises par la fabrication de faux documentaires destinés à
justifier la sortie de fonds. Il s’agira donc de fausses factures
émises directement ou indirectement par une société offshore à
l’appui du paiement de prestations somptueusement bidonnées
(fausses ventes, fausses études, faux conseils, faux litiges, faux
prêts mais vrais décaissements, etc.). Les montants peuvent être
divers mais on respecte souvent l’adage si souvent vérifié :
« plus c’est gros, plus ça passe ».
2. Payer à des entités offshore des « dépenses personnelles »
en chèque dont la valeur relativement faible n’excède pas les
10 000 dollars et qui n’attirent pas l’attention tant les seuils sont
peu élevés, mais dont la récurrence explique l’intérêt.
3. Investir dans des projets immobiliers ou financiers bidon qui
justifieront la sortie de fonds destinés à être « perdus », enfin pas
pour tout le monde. Les fonds seront ainsi acheminés depuis un
offshore vers d’autres comptes encore plus secrets. Investir dans
l’immobilier dont la revente générera des plus-values non
imposées.
4. Créer des « trust company », sortes de trust comprenant des
sociétés qui permettent de réaliser toutes les opérations
prohibées par ailleurs, ou des trusts discrétionnaires ou fantômes
dans un intérêt plus personnel et utiliser des cartes de crédit
intraçables. Certaines banques ont utilisé des « trust company »
pour sortir du bilan des provisions datant des subprimes.
5. Engager des opérations entre offshore qui génèrent des
escroqueries souvent somptueuses et peu poursuivies. Ces
opérations présentent peu de risques, car les acteurs du contrôle
sont souvent d’anciens financiers locaux.
L’économie de la commercialisation
des montages
LA CORRESPONDANCE
Disposer d’avoirs dans des paradis fiscaux ne présente qu’un
intérêt limité si ces derniers sont enkystés localement. Ils doivent
vivre, être utilisables et rapporter des intérêts sans risque fiscal ou
pénal, il est donc nécessaire de disposer d’un processus qui leur
permette d’intégrer l’économie légale. La chaîne financière qui
permet de faire remonter les fonds depuis le lieu où ils se trouvent
vers les « marchés » ouverts est la suivante :
6
Le risque systémique
Les paradis fiscaux recèlent, outre la problématique fiscale et
criminelle, un risque systémique dû aux produits qui sont créés et
diffusés dans le monde financier. La crise des « subprimes » de
2008 a été pour partie amplifiée par l’ancrage des banques dans les
7
paradis fiscaux. Un rapport du GAO , la Cour des comptes des
États-Unis, démontre qu’une partie du système bancaire fantôme
établi par les financiers américains l’a été aux îles Caïmans. Les
paradis fiscaux n’ont pas été les principaux responsables de la crise
financière actuelle, mais ils ont largement contribué à alimenter les
bulles spéculatives qui ont précipité la chute des marchés. Comme
le rappelle Christian Chavagneux, « la banque immobilière
britannique Northern Rock a été victime de l’endettement excessif
d’une de ses filiales situées à Jersey ». Granite, la filiale en question,
enregistrée à Jersey, se présentait comme une organisation
caritative, mais elle émettait des titres financiers de court terme sur
les marchés financiers.
Les fonds spéculatifs de la banque d’affaires américaine Bear
Stearns, qui a fait faillite en mars 2008, étaient eux enregistrés aux
îles Caïmans et en Irlande. D’après l’ONG Transparency
International, les paradis fiscaux hébergent plus de 400 banques,
2 millions de sociétés financières et les deux tiers des hedge funds,
ces fonds d’investissement spéculatifs qui ont joué un rôle de
premier plan dans la crise des crédits hypothécaires à risque
(subprimes).
Le rôle de la Suisse et du Luxembourg dans le scandale Madoff,
celui d’Antigua dans le scandale impliquant Allen Stanford, le fait
que la crise de 2008 commence officiellement lorsque BNP Paribas
ferme trois de ses fonds dont le premier, Parvest, de droit
luxembourgeois, donnent du sens au propos. En août 2007, elle a
dû fermer en catastrophe trois fonds de placement hautement
spéculatifs qui avaient fortement investi dans les produits liés au
marché des subprimes (Parvest Dynamic ABS, BNP Paribas ABS
Euribor et BNP Paribas ABS Eonia) dont la valeur a fondu. Or le rôle
des paradis fiscaux dans ces crises est rarement mentionné et le
problème peut se reproduire.
Les rétrocommissions
Les « rétrocommissions »
À l’occasion du versement d’une commission consécutive à une
vente, le vendeur majore le montant de cette dernière et récupère le
surplus à titre personnel, ce montage implique une complicité bien
rémunérée des intermédiaires et nécessite surtout une sécurisation
des flux. Il était protégé par le secret Défense en cas de vente de
matériel militaire. Ce montage classique de caisse noire était utilisé
pour financer des hommes politiques ou des cadres d’entreprise
gourmands. Certains salariés d’entreprises d’État, considérant déjà
que leur rémunération était faible en comparaison de celle qui était
versée aux dirigeants du privé au regard de leurs immenses
compétences, ont utilisé ce moyen pour améliorer leur ordinaire.
Quant aux politiques, ils étaient financés par cette voie et en
contrepartie accordaient des marchés hexagonaux aux entreprises.
Ce montage complexe requiert une confiance totale envers
l’intermédiaire, ce qui lui attribue une place incontournable dans le
système. Il crée donc des liens entre les politiques, les entreprises et
la criminalité. La corruption et le crime organisé ont toujours travaillé
de concert dans les marchés internationaux dans lesquels circulent
des sommes gigantesques. Les officines liées au milieu s’activent
pour le compte de dirigeants politiques et d’entreprises afin de
sécuriser et de préserver le caractère occulte des versements
effectués et de leurs bénéficiaires, à l’instar de la sécurisation des
fonds de la drogue. Ces comportements évidemment criminels sont
comparés par Jean-François Gayraud à une « loge P2 à la
2
française ».
Le blanchiment
FRAUDES ET FISCALITÉ
CHAPITRE 1
Où en sommes-nous ?
DÉFINITIONS
La fraude fiscale (art. 1741 du code général des impôts) vise à
contourner illégalement l’impôt par un comportement volontaire et
délibéré. Des sanctions pénales et fiscales s’appliquent aux
délinquants. Sur proposition de la CIF (Commission des infractions
fiscales), un dépôt de plainte peut être déposé par l’administration
fiscale et depuis peu, avec la modification du « verrou de Bercy »,
par les juges d’instruction. Le délit de blanchiment de fraude fiscale
peut aussi être utilisé. La notion de « fraude » est utilisée dans les
situations d’évitement volontaire de l’impôt, elle se distingue alors
des erreurs et des oublis, volontaires ou non.
La fraude est « une infraction à la loi commise dans le but
d’échapper à l’imposition ou d’en réduire le montant ». L’infraction
pénale suppose la réunion de trois éléments : l’élément légal, ne pas
respecter le droit en vigueur ; l’élément matériel, le montant de
l’impôt éludé ; et l’élément moral, l’intentionnalité.
L’infraction pénale comporte plusieurs classes sanctionnées
différemment : la contravention, le délit et le crime. En matière de
fraudes, il peut s’agir d’une « petite » fraude, d’une omission
exceptionnelle de déclaration, d’un montant faible, d’un décalage. Ici
l’évitement de l’impôt se traduit par des pertes limitées pour les
finances publiques. Pour celles dont la perte est importante ou qui
sont récurrentes, le traitement en termes de sanctions fiscales
diffère. Au-delà de la reprise des sommes éludées (rectification) et
de l’intérêt de retard, les sanctions peuvent consister en des
pénalités dites « exclusives de bonne foi » : une majoration de 40 %
si la mauvaise foi est établie, une majoration de 80 % en cas de
manœuvres frauduleuses et éventuellement les sanctions pour
opposition à contrôle fiscal. Le type de sanctions suit la gravité de la
fraude.
L’optimisation fiscale utilise un mécanisme en principe légal qui
permet d’échapper à des impositions. Il s’agit d’un contournement de
la législation fiscale ou de l’exploitation de failles existantes (niches
fiscales ou régimes dérogatoires), ou encore de l’utilisation de
facilités mises à disposition par certains pays. Il n’y a pas d’infraction
à la législation fiscale. En revanche, lorsque le montage est artificiel,
lorsque le but est essentiellement fiscal, l’infraction est constituée.
Lorsque l’optimisation fiscale est considérée comme illégale, les
actes n’ayant d’autre fondement que l’évitement de l’impôt, elle est
passible d’un abus de droit. Le professeur Maurice Cozian définit
l’abus de droit à sa manière : « L’abus de droit est le châtiment des
surdoués de la fiscalité. Bien évidemment, ils ne violent aucune
prescription de la loi et se distinguent en cela des vulgaires
fraudeurs qui, par exemple, dissimulent une partie de leurs
bénéfices ou déduisent des charges qu’ils n’ont pas supportées.
L’abus de droit est un péché non contre la lettre, mais contre l’esprit
de la loi. C’est également un péché de juriste ; l’abus de droit est
une manipulation des mécanismes juridiques là où la loi laisse la
place à plusieurs voies pour obtenir un même résultat ; l’abus de
droit, c’est l’abus des choix juridiques. »
L’évasion fiscale, c’est le mélange de l’optimisation et de la
fraude. Dans les travaux du « paquet de lutte contre l’évasion
fiscale », la Commission européenne a considéré que la fraude et
l’évasion fiscale constituent toutes deux des activités illégales
consistant à se soustraire à l’assujettissement à l’impôt. Les règles
fiscales en vigueur sont appliquées, mais d’une façon jugée non
pertinente.
Les exemples d’évasion fiscale les plus utilisés sont la réalisation
de « montages fiscaux complexes » aux seules fins d’éluder tout ou
partie de l’impôt, ou bien le déplacement de l’activité locale dans un
paradis fiscal, et également le transfert de son patrimoine dans des
pays à fiscalité privilégiée. On qualifie l’acte de partir à l’étranger
pour éviter l’impôt d’« exil fiscal » ou d’« expatriation fiscale ». Le
déplacement de la résidence fiscale en constitue l’acte central :
s’installer véritablement en Belgique, par exemple, implique d’y
déclarer ses revenus.
Finalement, la différenciation entre les malhonnêtes et les malins
se fait par les moyens qui peuvent être engagés dans la réalisation
des montages. Denis Healey, membre du Parti travailliste et ministre
des Finances du Royaume-Uni dans les années 1980, prétendait
que « la différence entre l’optimisation et l’évasion fiscale réside
dans l’épaisseur des murs d’une prison ».
Le verrou de Bercy
o
Modèle n 1 : le fraudeur développe un montage purement
familial à partir d’une filiale, il sort les fonds avec une société-écran
et récupère les espèces auprès d’une banque parallèle locale.
o
Modèle n 2 : plus professionnel, utilisé à l’occasion de
financements politiques illégaux et dans la plus grande partie des
montages de grande envergure, il consiste à créer des myriades de
sociétés à l’étranger destinées à émettre les fausses factures, à
encaisser les virements sur leurs comptes respectifs. Puis des
groupes criminels ou semi-criminels disposant d’espèces sont
4
intégrés au système, les espèces étant reversées aux bénéficiaires .
Des sommes importantes peuvent être échangées par ce type
d’opération. Les entreprises pratiquant le travail clandestin utilisent
ce système. Cette transformation de monnaie fiduciaire en espèces
s’effectue auprès de banques parallèles qui assurent la
compensation.
Certains dirigeants sont friands de ce type de prestation pour
sécuriser leurs sorties de fonds, mais ce n’est jamais gratuit (en
moyenne 20 % sont prélevés). Une proximité certaine est ainsi créée
avec les groupes criminels. Ces fausses factures permettent de
détourner des centaines de milliers d’euros à des fins personnelles.
Cette machine à cash tourne à plein régime et fonctionne avec des
rabatteurs et par le bouche-à-oreille.
LA MANIPULATION DE LA TRÉSORERIE
Les manipulations de trésorerie sont classiques. Conçues pour
cacher des problèmes financiers, elles sont bien connues des
contrôleurs. La première manipulation basique consiste à ne pas
comptabiliser tous les règlements émis ou à anticiper la
comptabilisation de certains règlements. Ce processus diminue les
créances à l’actif et majore les dettes au passif. Le montage est
identifiable par l’analyse des rapprochements bancaires dans
lesquels des écarts apparaissent. On peut aussi émettre les
chèques, comptabiliser les paiements, mais ne rien envoyer aux
créanciers. Les chèques concernés seront placés dans la rubrique
« chèques émis non débités ».
On peut recourir aux fausses créances commerciales. Il s’agit
d’émettre des fausses factures et de les céder à un établissement
financier complice ou peu soupçonneux. Il est aussi possible
d’émettre concomitamment des avoirs ou de comptabiliser les
factures en produits constatés d’avance. Des faux peuvent être
proposés aux contrôles. Pour ma part, au cours de certaines
vérifications de comptabilité, il m’a été présenté des relevés
bancaires fictifs ou encore des rapprochements fictifs pour camoufler
les détournements des dirigeants.
Les pratiques utilisées dans les pays sous contrôle pour
12
« noircir » les fonds consistent d’abord à ne pas comptabiliser les
produits, à émettre ou à recevoir des fausses factures et à utiliser
des sociétés-écrans. On remarque le fait que, pour qui désire
blanchir, les mêmes outils sont utilisables, mais en flux inversé : faux
produits dont la contrepartie en espèces est intégrée au chiffre
d’affaires, fausses factures et chiffre d’affaires incontrôlable depuis
des filiales-écrans.
CHAPITRE 4
LA CAISSE NOIRE
Garnir une caisse noire exige l’utilisation d’un montage
frauduleux permettant d’extraire en catimini des fonds de
l’entreprise. Les moyens de remplir la caisse noire sont liés aux
possibilités de l’entreprise, à l’utilisation qui en sera faite, au montant
nécessaire et à l’opportunité. Des complicités sont souvent
nécessaires avec les risques y afférents.
Pour une utilisation locale et personnelle dans une entreprise
moyenne, il suffit d’organiser un montage interne sur la base de faux
documents et de concevoir un cadre pour encaisser les fonds
(société-écran ou banque parallèle). J’ai constaté des
détournements de salaires, des remboursements de frais
directement récupérés, des fausses factures fournisseurs et des
ventes en espèces. Il s’agissait de montages domestiques ou liés à
une seconde famille, ou encore à des jeux et des paris, ou au train
de vie.
Lorsque les besoins sont plus importants (travail clandestin,
ventes non déclarées) dans des entreprises plus importantes, des
montages plus professionnels seront organisés. En effet, les circuits
sont agencés avec les clients, les fournisseurs et les sous-traitants,
entraînant une organisation plus complexe (surfacturation en
cascade) dont le développement est décrit plus haut. J’ai pu
identifier la présence de sociétés, au chiffre d’affaires déjà
considérable (30 millions d’euros), dont l’activité consistait à émettre
des fausses factures aux clients intéressés et à reverser les espèces
aux bénéficiaires. Si les faux sont intégrés dans une chaîne de
fausse facturation, aucune régularisation n’est nécessaire, il n’existe
pas de contrepartie (achat des produits sans facture et vente
correspondante). Si les biens sont inscrits en comptabilité, une
régularisation comptable est nécessaire (des faux avoirs, des faux
contentieux, des faux retours, des fausses provisions pour perte,
pour vol, pour mise au rebut, pour destruction par le feu et l’eau,
10
sont utilisés ).
On fait feu de tout bois, création de faux fournisseurs, activation
de fournisseurs dormants, émission de faux documents par des
fournisseurs ou des clients complices, utilisation de doublons sont
autant de supports acceptables.
Pour les plus grandes sociétés, ce sont les filiales et les paradis
fiscaux qui sont utilisés, dont les pratiques sont décrites dans la
première partie de cet ouvrage.
J’ai poursuivi des montages primaires : dans une société BAT
dont le dirigeant était M. Baton, le « on » était rajouté au libellé du
chèque et celui-ci créditait son compte personnel.
Des montages plus subtils ont aussi été conçus. Un logiciel
buggé 11, par exemple.
Le logiciel de gestion d’une centrale d’achats avait été mis en
place par un salarié de la structure. Les clients triés sur le volet, en
fait, les actionnaires fondateurs, avaient accès à une boîte de
commandes avec un code spécifique. Les commandes étaient
enregistrées, mises en palettes immédiatement puis livrées.
L’application informatique permettait, lorsque deux commandes
identiques provenaient d’un même client dans la même demi-
journée, d’écraser la première commande par la seconde. Ainsi,
après l’envoi d’une première commande de 50 000 euros, par
exemple, une seconde commande identique valorisée à 10 euros
était relancée et annulait la première. Les marchandises étaient
alors livrées et facturées 10 euros.
Ce montage permettait, moyennant une légère manipulation des
valeurs d’inventaire, de générer une trésorerie occulte.
EXEMPLES DE MONTAGES
Les conclusions d’une commission présidée par l’ancien
4
sénateur démocrate Carl Levin publiées en avril 2014, ont décrit
comment les maisons mères d’entreprises américaines affectaient
les bénéfices réalisés sur le marché extra-américain à sa filiale
Suisse, afin de réduire son revenu imposable aux États-Unis. « Les
produits étaient fabriqués aux États-Unis, ils étaient vendus et livrés
à partir des États-Unis, mais les revenus étaient affectés à une filiale
en Suisse… La société ne fabrique aucune pièce en Suisse et ne
dispose d’aucun entrepôt dans ce pays ».
La commission d’enquête avait aussi révélé le fait qu’une
entreprise avait négocié un taux d’imposition de 4 à 6 % à Genève,
alors qu’elle aurait été taxée à hauteur de à 35 % aux États-Unis.
Ainsi, sur une dizaine d’années, plus de 8 milliards de dollars de
revenus avaient été transférés à Genève. Résultat pour le fisc
américain : un manque à gagner de 2,4 milliards de dollars. Durant
cette période, cette dernière aurait recouru aux services d’un cabinet
de conseil en optimisation fiscale célèbre qui aurait facturé une
cinquantaine de millions de dollars d’honoraires.
Cette opération a coûté 110 millions de dollars l’économie est
donc rondelette et les actionnaires en ont bien profité. Ces derniers
ne remboursent jamais les dividendes résultant de montages
frauduleux.
Kering, géant français du luxe, aurait économisé 2,5 milliards
5
d’euros d’impôt . Sa filiale suisse installée dans le canton du Tessin
et en particulier dans la Fashion Valley de Lugano 6, où sont offerts
des rulings intéressants pour les groupes du textile, et en particulier
ceux du luxe. La filiale employait 600 salariés environ et contrôlait
les entrepôts dans lesquels transite l’intégralité des produits des
marques de luxe du groupe. Cette entité logistique facture les
clients, encaisse les revenus et traite 70 % des profits du groupe
taxés à 8 %. Elle aurait permis d’éluder 2,5 milliards d’euros d’impôt.
La justice milanaise a considéré que ce montage n’était pas
légal, car ce sont les transactions intragroupes et leurs prix qui
déterminent les lieux où sont localisées les recettes et leur taxation.
Or, la multinationale avait facturé pour le compte de LGI, sa
plateforme logistique située en Suisse, des activités en fait réalisées
en Italie. Le fisc italien et Kering ont conclu un accord fiscal qui
amènera la société à payer 1,25 milliard d’euros, pénalités et intérêts
de retard inclus.
La société « reconnaît que les réclamations soulevées par l’audit
fiscal concernaient, d’une part, l’existence d’un établissement stable
en Italie sur la période 2011-2017, avec les profits associés et,
d’autre part, les prix de transfert intragroupe appliqués pour la même
période entre Luxury Goods International (LGI) [l’une de ses filiales
suisses], et Guccio Gucci. »
Les GAFAM ont disposé de vingt années de liberté totale qui les
ont rendus monopolistiques. Ils se sont insinués dans notre vie
politique, personnelle et économique. Ils ont créé une véritable
fracture numérique dans la société entre ceux qui sont éduqués au
numérique et ceux qui ne le sont pas. Il faut donc recréer un cadre,
d’autant plus que les GAFAM n’ont pas agi de manière spontanée.
Selon Andy Grove ancien P-DG d’Intel, « la high tech court trois fois
plus vite que les affaires normales, le gouvernement court trois fois
moins vite que les affaires normales, nous avons donc un écart de
neuf fois. Et ce dont nous voulons nous assurer, c’est que le
gouvernement ne nous fasse pas obstacle et ne ralentisse pas les
choses ».
Les États ne semblent pas en mesure de réguler ces entités,
dont certaines d’entre elles exercent des activités de service public.
Il faut donc les ramener dans le cadre. La problématique désormais
n’est plus celle du contrôle opéré par un État démocratique, mais par
des puissances économiques dont le degré de transparence et de
légitimité est largement discutable.
10
Selon Marc Chevalier , le moment du retournement, celui où
l’intérêt des utilisateurs n’est plus aligné sur celui des plateformes,
est atteint : « La phase où elles rendent un service puissant et très
utile est terminée. Les effets de réseau protègent désormais leur
domination de la concurrence et des innovations. Les nouveaux
services que développent ces acteurs pourraient être mieux rendus
aux consommateurs dans un marché libéré de leur domination. »
Les scandales de la dernière campagne présidentielle, les fake
news et la manipulation de l’opinion, le scandale Cambridge
Analytica, l’évitement fiscal, l’étouffement de l’innovation, la crise du
logement en Californie, la création d’une armée de précaires payés
à la tâche… La liste des griefs contre la Silicon Valley grandit et
structure de plus en plus le débat politique, malgré les dizaines de
millions de dollars dépensés par le secteur en lobbying à
Washington.
Les États-Unis sont familiers du pas de tango, ils ont engagé une
sorte de reprise en main et ont en cela suivi l’exemple de l’Europe et
de certains pays européens, avant d’inverser la politique. Le
Department of Justice (DOJ) et la Federal Trade Commission (FTC),
le régulateur chargé de la concurrence aux États-Unis, ont placé
sous surveillance Amazon, Facebook et Apple. De plus, une task
force entièrement dédiée au secteur de la high-tech aurait été créée.
Les autorités judiciaires des États américains, du District of
Columbia et de Porto Rico ont ouvert une enquête antitrust visant
des grands groupes du secteur des hautes technologies. Elle
concerne les pratiques de Google dans le domaine de la publicité.
Le géant de la technologie est soupçonné de profiter de la position
dominante de son moteur de recherche sur Internet pour orienter à
leur insu les consommateurs vers ses propres produits et services,
au détriment de ceux de ses concurrents. Son service de vente
d’espaces ou de liens publicitaires est en outre soupçonné de
pratiques anticoncurrentielles.
Nombre d’entreprises ou de professionnels s’estimant lésés ont
porté plainte contre les GAFAM. Une action de groupe a été lancée
aux États-Unis par deux développeurs d’applications contre Apple à
qui ils reprochent d’avoir accaparé le marché des applis sur iPhone
avec son magasin en ligne l’App Store. Chaque plainte met en
cause le modèle de la plateforme numérique : la recherche en ligne
pour Google, l’e-commerce pour Amazon, le réseau social pour
Facebook, les applications mobiles pour Apple. Cet écosystème
construit sur mesure fonctionne d’abord à leur profit, les plaçant en
position de juge et parti.
Le tribunal de commerce de Paris vient de condamner Amazon à
une amende de 4 millions d’euros pour avoir inclus des clauses
contractuelles « manifestement déséquilibrées » envers les
entreprises utilisant sa plateforme.
La commissaire européenne à la concurrence a infligé une
amende de plus de 4 milliards d’euros à Google pour abus de
position dominante avec son système d’exploitation pour mobiles
Android. Elle a sanctionné Apple, poursuit Amazon qui avait
bénéficié d’aides illégales du Luxembourg et a exigé la restitution de
250 millions d’euros au Luxembourg qui a refusé cette manne.
L’Irlande a fait appel de la condamnation d’Apple à lui rembourser
13 milliards d’euros d’impôts pour aides d’État illégales. La décision
récente de la justice européenne, en première instance, désavouant
la procédure faute d’avoir apporté la preuve de l’existence d’un
avantage sélectif, souligne le défaut d’harmonisation fiscale en
Europe. Un appel a cependant été déposé par la Commission.
Amazon est aussi poursuivie pour abus de position dominante, la
plateforme améliorerait son offre commerciale grâce aux données
des commerçants qu’elle héberge.
L’approche européenne vise pour sa part certaines de leurs
activités. Le Règlement général de la protection des données
(RGPD) a été conçu comme une réponse politico-juridico-
géostratégique à l’hégémonie des GAFAM au regard des données
personnelles. Les entreprises offrant des services dans l’Union
européenne ou qui s’adressent à des personnes résidant en son
sein doivent s’y conformer. La Commission européenne a dévoilé les
« Digital Services Act » (DSA) et « Digital Market Act » (DMA). Ils
sont structurés autour de deux grands principes : « ce qui est interdit
hors ligne doit aussi l’être en ligne » et « plus une plateforme est
importante, plus elle doit avoir de responsabilités ». Ils sont destinés
à établir une concurrence équitable, à installer des règles dans une
approche de conformité, à éliminer les contraintes techniques
limitant la compatibilité et à réduire l’asymétrie d’information qui
majore le coût de sortie d’un écosystème. Les contrevenants
pourront être poursuivis. Ces règlements seront examinés par le
Parlement européen et le Conseil, où siègent les États. Ces
discussions feront l’objet d’un lobbying désespéré des géants du
numérique auprès des États.
Les autorités chinoises de régulation enquêtent sur des
« pratiques monopolistiques » du géant chinois de la vente en ligne,
ainsi que sur des pratiques déloyales de sa filiale Ant Group de
paiement en ligne. L’argument selon lequel les numériques
américains sont un rempart contre l’interventionnisme chinois prend
l’eau.
La situation devenant compliquée pour les GAFAM devant une
telle levée de boucliers, certaines multinationales numériques
donnent des gages. Ainsi des accords fiscaux sont passés avec
divers pays, la Grande-Bretagne, l’Italie et la France. Après Amazon,
Apple et Microsoft et Google ont signé deux accords transactionnels
avec les autorités françaises. Une convention judiciaire d’intérêt
public pour un montant de 500 millions d’euros a été signée avec le
Parquet national financier (PNF). Une transaction confidentielle avec
la Direction générale des finances publiques (DGFIP), d’un montant
de 465 millions d’euros, a été aussi signée. Les montants payés ne
correspondent sans doute pas au montant réel de l’évasion,
cependant, tant qu’un cadre juridique et fiscal clair et international ne
sera pas mis en place, c’est bon à prendre.
LA FRAUDE AU « CARROUSEL »
Elle permet d’obtenir le remboursement par un État de l’Union
européenne (UE) d’une taxe qui n’a jamais été acquittée en amont.
Elle utilise des entreprises fictives situées dans plusieurs pays de
l’UE, qui vont acheter et vendre, le plus souvent fictivement et en
boucle, des marchandises de forte valeur. La répétition de ces
opérations dans un temps très court permet de démultiplier
l’escroquerie.
1. Les fraudeurs créent ou utilisent une société existante
(société A), en Grande-Bretagne pour acheter un produit, en général
informatique taxé à 20 %.
2. L’entreprise A vend ce bien à l’entreprise-écran B, la
transaction n’est pas soumise à TVA (exportation).
3. L’entreprise B cède le bien à l’entreprise C, c’est une
transaction intérieure soumise à taxation, cependant l’entreprise B
disparaît sans s’acquitter de la taxe.
4. L’entreprise C demande le remboursement de la TVA afférente
aux achats et l’obtient. Elle revend le bien à l’entreprise A, la cession
n’est pas soumise à taxation.
L’ESCROQUERIE AU CARBONE
Les sommes détournées sont monstrueuses, elles atteindraient
pour la France selon la Cour des comptes entre 1,6 milliard et
3 milliards d’euros et ont affecté tous les pays de l’Union
européenne.
Le Bluenex est un grand marché des quotas carbone destinés à
limiter les gaz à effet de serre, l’État français l’a créé en 2007.
Chaque année, des quotas étaient attribués aux entreprises
polluantes, celles-ci pouvaient revendre la part non consommée ou
racheter ceux des entreprises qui n’avaient pas utilisé les leurs. Le
marché était ouvert à toutes les sociétés, pollueuses ou non, sans
que personne ait réfléchi aux risques qu’un tel système présentait
dès sa création pas plus qu’à l’esquisse de l’esquisse d’un contrôle
possible. Ce comportement est malheureusement assez habituel
chez ceux qui conçoivent les textes et qui créent de telles usines à
gaz. Ce problème est assez général : ceux qui gèrent ne maîtrisent
pas et ceux qui maîtrisent ne gèrent pas !
En comptabilité, ces quotas sont inscrits à l’actif du bilan ; ils
impactent donc la présentation des comptes, ce qui n’est pas sans
conséquences. La TVA a été appliquée sur les quotas achetés hors
taxe et revendus taxes comprises. L’État a fait l’avance du montant
de la taxe aux intermédiaires qui vendent taxes comprises et attend
que l’intermédiaire reverse la TVA collectée : tous sont partis avec la
caisse. Or au moment de la création de ce marché, les escroqueries
au « carrousel » fonctionnaient à plein, et personne, à ma
connaissance, dans l’aréopage concepteur n’a eu un seul instant de
clairvoyance pour faire le lien avec le montage précédent dans un
système où les opérations sont entièrement immatérielles.
Les escrocs financiers proches de la criminalité ont, après avoir
testé la fragilité du système, brillamment adapté les montages du
« carrousel » au carbone, enclenché la machine à détourner les
20 % de TVA sur chaque transaction. La plaisanterie durera jusqu’en
juin 2009. Lorsque les ventes de quotas carbone ont été exonérées
de TVA, le marché s’est immédiatement effondré.
Un problème comptable s’est alors posé, les entreprises avaient
acheté des quotas et les avaient inscrits à l’actif de leur bilan. Or, la
valorisation de ces actifs était exceptionnellement élevée et ne
correspondait à rien. Il aurait donc fallu les provisionner et diminuer
d’autant la valeur de l’actif. Ce n’était pas possible, les sociétés
concernées ont donc gardé ces valeurs au bilan.
On avait constaté une véritable course à l’achat de quotas à des
entreprises anciennes extrêmement polluantes. Les mafieux flairant
le bon coup avaient préempté à vil prix des entreprises polluantes
dans les pays de l’Est et les ont revendues à prix d’or.
L’escroquerie des quotas s’appuie sur une organisation
classique : création de multiples sociétés bidon dans de nombreux
pays européens, recherche d’hommes de paille et identification des
pays présentant les contrôles les plus insignifiants. Comme à
l’habitude dans ces montages colossaux, souvenons-nous de
l’épopée du Sentier, le recrutement est communautaire et privilégie
la famille au sens large ! Des clochards sont devenus gérants de
sociétés contre quelques billets ou de bonnes bouteilles.
Quelques techniciens ont été recrutés. Utiles dans la gestion des
achats, dans le contrôle des encaissements, dans le transfert des
fonds sur les comptes offshore, dans la sécurisation des banques
parallèles qui aident à la transformation en espèces. On rencontre
des banquiers de Dubaï, des familles de la communauté en Tunisie
qui ont déjà participé à des escroqueries antérieures utilisées
comme des banquiers parallèles, la diaspora chinoise à
Gennevilliers déjà rompue aux pratiques fluidifiant la « décaisse ».
Ce type de montage n’est encore une fois pas nouveau, il a été
identifié maintes fois lors des escroqueries concoctées autour des
« régies publicitaires ».
Les versements de centaines de millions d’euros, fractionnés il
est vrai, se sont poursuivis vers des destinations étranges. Ces
virements sans contrôle, malgré les lois antiblanchiment, sans la
moindre analyse sur les sociétés figurant dans les dossiers et sans
la moindre méfiance, peuvent apparaître absurdes de la part de
cadres d’un tel niveau. Certains pensaient même qu’il pouvait s’agir
du financement occulte d’une guerre dormante au Moyen-Orient !
Le montage a été réalisé par des personnes appartenant en
grande majorité au milieu juif séfarade du quartier parisien du
Sentier et de Marseille, rompues aux « arnaques tunisiennes » car
elles étaient déjà présentes sur les carrousels, dans les montages
du Sentier entre autres.
Ces modèles frauduleux se répètent et ne semblent pas faire
l’objet d’une réaction réelle au premier signal, fût-il faible. Il faudrait a
minima que les services disposent de processus de blocage
pertinents. Seuls les scandales font évoluer la répression, mais des
sommes énormes ont disparu.
Les hommes présents dans ces montages m’ont aussi intéressé.
Pour certains, j’avais contrôlé leurs grands-pères. Il leur fallait
d’abord dépenser les fonds détournés, certains escrocs gagnaient
jusqu’à 500 000 euros par jour ! Sans complexe, ce furent des
locations ou des achats d’immeubles magnifiques dans les beaux
quartiers (beaucoup ont été saisis), plusieurs jeeps de type Hummer,
des Lamborghini, des Ferrari, parfois des Rolls plus bourgeoises, y
étaient garées en permanence. Les petits Falcon ont aussi été
largement utilisés pour se rendre à Las Vegas dans les casinos à
l’occasion de parties de poker endiablées. Nombre d’entre eux ont
été proches du showbiz. Cependant, la concurrence s’est
rapidement installée et nombre de financeurs ont constaté que leurs
gains étaient faibles au regard des fonds qu’ils avaient engagés et
cela a asséché les commandites. Le milieu qui n’avait pas eu la
présence d’esprit de se lancer dans la curée commençait à trouver
que cette mini-mafia en faisait décidément trop et qu’elle troublait
leur business.
Beaucoup d’escrocs réfugiés en Israël ont irrité par leur
comportement, d’autant plus qu’ils créaient des problèmes avec la
population et qu’ils faisaient grimper le prix de l’immobilier. Certains
d’entre eux se sont acoquinés avec des groupes criminels locaux et
auraient participé au financement des chemins de la drogue lorsque
ces derniers se sont détournés de la Libye, une faute grave à leurs
yeux. Les criminels étant des gens sérieux, s’accommodant mal des
écarts, et pour lesquels la protection est synonyme de chantage et la
discrétion de principe moral, quelques assassinats sont advenus
pour fermer les portes.
Nombre de participants ont été jugés et condamnés, ce qui
restait des fonds détournés, les appartements, les bijoux, les
montres, les voitures, a été saisi. On a rapporté des situations
atypiques : les juges ont demandé à l’un des escrocs marseillais
contre une remise en liberté provisoire une caution de 45 millions
d’euros… Il les a versés !
Mais les choses étant ce qu’elles sont, les héritiers des fraudeurs
à la TVA sur les quotas de carbone, eux-mêmes héritiers des
« carrousels » s’en sont pris aux télécoms, au marché des changes,
et au Forex en particulier, le deuxième marché financier mondial
après celui des taux d’intérêt. Ainsi, il a été proposé à des
particuliers de « parier » sur l’évolution d’une monnaie ou d’un indice
boursier en laissant croire à la réalisation de gains importants. Or,
une étude de l’Autorité des marchés financiers (AMF) estime que
90 % des investisseurs perdent leur mise, les sociétés ayant recueilli
les fonds disparaissant aussitôt.
L’INVESTISSEMENT GIRARDIN
Certaines niches, outre les montages classiques, ont permis de
mettre en place des fraudes de type Ponzi. L’investissement
Girardin, par exemple, voté en 2003 et destiné à relancer
l’investissement productif outre-mer, est une niche très recherchée,
et les carences dans son encadrement ont permis à des conseillers
en patrimoine véreux et à des aigrefins de mettre en place des
systèmes de Ponzi. Près de 20 000 personnes auraient été flouées
dans ces montages. L’une des plus belles manipulations utilisant
l’investissement Girardin, portant sur des panneaux solaires et sur
les éoliennes aux Antilles, a été jugée en février 2017 par le tribunal
correctionnel de Paris. Le principal animateur a été condamné à six
ans de prison ferme pour « escroquerie en bande organisée ». À
cette occasion, 56 millions d’euros se sont envolés. Les rares
panneaux solaires achetés n’ont jamais été connectés à EDF. Un
haut fonctionnaire de Bercy a été condamné depuis pour corruption.
Le même montage a été décliné dans un cadre similaire pour des
éoliennes. D’importants redressements ont été effectués à ce titre.
J’ai le souvenir précis d’un sénateur qui, avec un cabinet comptable
normand, aidait à l’achat de bateaux fictifs, la prescription est
intervenue.
CORRUPTIONS
Il n’existe pas une, mais des myriades de corruptions. Elles
peuvent être blanches, grises ou noires. On peut corrompre ad
majorem dei gloriam, pour le bénéfice d’un État, d’une entreprise
ou/et dans son propre intérêt. Elles sont le fait aussi bien des élites,
de fonctionnaires, du secteur privé, de criminels que du gardien
d’immeuble. On qualifie de « corruption douce » celle qui sourd des
lobbyings.
Le musée de la corruption au Caire en détiendrait l’un des
premiers écrits : la condamnation par un pharaon d’un intendant qui
aurait trafiqué la qualité des pierres lors de la construction d’un
mausolée.
La corruption n’existe pas en l’absence de demande ou de
proposition de contrepartie. Pour corrompre, il faut être deux ! La
corruption, c’est d’abord une affaire de personnes accaparant une
richesse qui devrait être partagée. Elle est intimement liée à la
liberté humaine et à la détention du pouvoir.
La corruption est un délit ancien, il entre en 1810 dans le Code
d’instruction criminelle, mais son champ d’analyse économique est
récent. L’explication tient au fait que la corruption était perçue
jusque-là comme une question essentiellement morale ou politique.
Au début des années 1960, l’analyse de la corruption intègre une
variable pouvant influer sur la concurrence et le développement
économique. Toutefois, certains auteurs (Leff, 1964 ; Huntington,
1968) jugent cette influence positive : elle piloterait la concurrence
vers les plus malins et les plus « efficaces », et de ce fait faciliterait
le développement économique. La Fable des abeilles, de
1
Mandeville , est souvent évoquée, cet argument est développé avec
bonheur par les criminels et les affairistes. D’autres considèrent que
l’État appelé au secours de l’économie dans les pays industrialisés,
dont les préoccupations de compétitivité et de création d’emploi sont
majeures, pourrait aggraver le phénomène de la corruption. Elle
faciliterait aussi la modernisation et jouerait un rôle d’intégration
sociale en évitant les révolutions brutales. On comprend donc que
les sorties de fonds de l’Union des industries et métiers de la
métallurgie (UIMM) permettaient aux exclus de profiter du système !
La corruption ne serait donc pas un problème, et il n’y aurait pas lieu
de s’en préoccuper. Cette analyse est une foutaise !
Au milieu des années 1990, les premières démonstrations de
l’effet de la corruption sur la concurrence et le développement
économique (Mauro, 1995 ; Susan Rose-Ackerman, 1999 ; Méon et
2
Sekkat, 2005 ) la transforment en un objet d’études et en un sujet
pénal. Elle est devenue une préoccupation des organisations
internationales. À l’occasion de la création du Service central de
prévention de la corruption (SCPC), Pierre Truche avait fort bien
synthétisé l’évolution de cette problématique : « La corruption, ce
comportement couramment admis, est désormais devenue
intolérable. »
Parallèlement à ces séquences analytiques, de profonds
bouleversements ont radicalement changé la donne politique et
économique mondiale : la globalisation, un monde multipolaire, la
libéralisation des transferts financiers sans contrôle, de nouvelles
hiérarchies économiques et politiques pour qui la loi n’existe pas, la
criminalisation des économies ont fait de la corruption un outil
universel utilisable dans toutes les manipulations. La crise financière
et économique de 2008 a ouvert une nouvelle séquence appelant à
reconsidérer les rôles de la corruption et de la concurrence dans les
performances économiques. Dans un monde globalisé, le
développement économique des pays émergents est concomitant de
celui de la corruption et de la criminalité. En réalité, la
mondialisation, nolens volens, constitue le vecteur primordial de
l’aggravation de la corruption, car s’il y a bien investissement, c’est
dans la rente des corrompus qu’il s’accomplit et jamais dans la
redistribution. De plus, les kleptocrates, ils sont nombreux, ne
favorisent pas les dynamismes mais le conservatisme local. On
constate aussi le fait que la quasi-totalité des révoltes contre les
pouvoirs en place sont générées par la corruption des élites locales.
En matière pénale, le spectre corruptif recouvre les délits portant
atteinte à la probité. Il s’agit évidemment de la corruption, mais aussi
de la concussion, du favoritisme, de la prise illégale d’intérêts, du
trafic d’influence, j’y ajoute le détournement de fonds publics. L’abus
de biens sociaux chez le corrupteur pallie la prescription.
La corruption a un coût, le rapport du Fonds monétaire
international (FMI) évalue les méfaits de la corruption à 2 % de la
richesse mondiale, la Banque mondiale pour sa part estime qu’ils
avoisinent 3 % des échanges mondiaux. Pour le BTP, ils seraient
proches de 300 milliards d’euros, soit 10 % du montant des marchés
du secteur.
« La corruption est un phénomène extraordinairement complexe
qui a tendance à résister au temps », indique le rapport du FMI. Les
pots-de-vin versés chaque année pourraient être évalués dans une
fourchette comprise entre 1 500 et 2 000 milliards de dollars.
Cependant, cette évaluation n’est que partielle, car « le coût général
économique et social de la corruption est sans doute encore plus
élevé », ajoutent les auteurs du rapport. Toujours d’après ce rapport,
les plus pauvres sont les plus durement touchés et la culture de la
corruption encourage évidemment l’évasion fiscale et peut même,
quand elle est généralisée, mener à des « violences, à des troubles
civils avec des implications sociales et économiques dévastatrices ».
Il faut constater le fait que tous les pays touchés par le Printemps
arabe, et aujourd’hui l’Algérie ou le Liban, ont au moins une cause
commune : la corruption de leurs dirigeants. Les pays riches et les
pays en développement sont concernés, et les populations les plus
défavorisées en sont les premières victimes. « Les pauvres sont
affectés de manière disproportionnée parce qu’ils dépendent
davantage de services publics rendus plus coûteux par la
corruption », affirme la directrice générale du FMI, Christine
Lagarde.
Près de 1 000 milliards d’euros. C’est ce que représente l’impact
de la corruption à l’échelle européenne, soit 6,3 % du PIB du bloc,
selon la fourchette haute des chiffres du Parlement européen.
A minima, cet impact est évalué à 179 milliards d’euros chaque
année. Un rapport du think tank Le Club des juristes plaide pour la
mise en place de nouvelles mesures afin de pallier ce problème et
3
d’améliorer le droit européen en matière de corruption .
Nous avions émis le constat et exposé les conséquences et les
moyens de limiter les poursuites de corruption et plus largement les
condamnations financières voici sept années 4. Entre 2006 et 2017,
le nombre de condamnations pour des infractions financières
prononcées a baissé de 27 %, et 0,002 % des affaires de corruption
seraient seulement judiciarisées. Or mandatées par les ministères
des Finances, de la Justice et de l’Intérieur, plusieurs inspections ont
remis un rapport confidentiel, qui relève une absence de stratégie
globale, une organisation inadaptée, un manque de formation, des
outils informatiques limités…
Ugo Bernalicis (LFI) et Jacques Maire (LaREM) ont rendu public
leur rapport d’information sur « l’évaluation de la lutte contre la
délinquance financière ». Ils constatent aussi une organisation trop
morcelée, voire illisible, des moyens largement insuffisants et une
crise des vocations. Ils réclament notamment la hausse des effectifs
du parquet national financier.
Les montages de corruption s’établissent dans le secret, souvent
facilités par l’acceptation tacite des pouvoirs. Je décris dans les
pages qui suivent l’arrière-boutique de la corruption et j’en décrypte
des manipulations courantes.
CHAPITRE 1
Les États qui n’ont pas ratifié ces conventions gardent, pour leur
part, les mains libres et certains sont très actifs au plan international.
Certains grands pays récusent les conventions considérées comme
une lecture occidentale des affaires ne correspondant en rien à leur
modèle. Le corpus juridique théorique occidental est alors rejeté en
bloc. Les comportements sont dominés par des préoccupations
géostratégiques. L’efficacité prend le pas sur les préoccupations
éthiques, le conflit d’intérêts reste l’un des fondements des rapports
de solidarité entre les divers groupes et la collusion sous-tend les
relations personnelles et commerciales.
Pour les autres, l’application de ces conventions n’est effective
que dans les États disposant de la volonté, des moyens en hommes
et en financements pour poursuivre la corruption. Certains États se
sont empressés de se soumettre au régime, mais avec la ferme
intention d’en limiter l’application. En l’absence de volonté et
d’autorités efficaces (police et services d’enquête, procureurs et
tribunaux), le plus robuste arsenal légal est inefficace. Les textes
restent « hors sol ».
LA LOI SAPIN 2 9
Cette loi comporte de nombreux volets, afin de renforcer la
transparence, le statut des lanceurs d’alerte et le répertoire
numérique public des représentants d’intérêts auprès des personnes
publiques. Le volet permettant de mieux lutter contre la corruption
10
est composé par la création de l’Agence anticorruption (AFA) qui
se substitue au SCPC, avec une organisation, des pouvoirs plus
étendus et des moyens plus importants. Elle est dirigée par un
magistrat hors hiérarchie, très expérimenté dans la lutte contre les
délinquants en col blanc. Placée auprès des ministères de la Justice
et du Budget, l’agence interministérielle exerce des missions de
conseil et de contrôle pour prévenir et détecter la corruption, le trafic
d’influence, le détournement de fonds publics, ou encore les cas de
prise illégale d’intérêts.
Ce volet comprend aussi la mise en place d’un dispositif de
prévention de la corruption pour les grandes entreprises qui introduit
dans le droit positif les programmes de conformité qui ne relevaient
que des bonnes pratiques (soft law). Il existe toutefois encore une
zone grise pour les entreprises qui ne disposent pas de contrôle
interne.
Il instaure une convention judiciaire d’intérêt public, facilite la
poursuite de faits de corruption des agents publics étrangers et crée
une peine complémentaire de mise en conformité dans les
procédures de prévention et de détection de la corruption pour les
entreprises, entre autres mesures. L’article 41-1-2 du Code de
procédure pénale prévoit, en cas de convention judiciaire d’intérêt
public (CJIP), l’obligation de se soumettre pour une durée de trois
ans, sous le contrôle de l’Agence française anticorruption (AFA), à
un programme de mise en conformité. C’est le cas de la validation
par le tribunal de Paris de l’accord par lequel Airbus accepte de
payer une amende de 3,6 milliards d’euros afin d’éviter des
poursuites pénales pour des faits de corruption, reconnus par le
groupe lui-même. L’enquête a duré trois ans et demi et a associé les
justices française, britannique et américaine. Les équipes d’avocats
et d’enquêteurs payés par le groupe ont effectué les investigations.
Finalement, la CJIP établit la justice en centre de profit.
CHAPITRE 2
La corruption transnationale
Les corruptions dans les marchés
internationaux
Alstom n’a plus la taille critique 17, le P-DG d’Alstom, Patrick Kron,
cherche des alliances, et son actionnaire de référence pourrait se
désengager. L’offre de General Electric (GE) dame le pion à
Siemens. Alstom fait l’objet d’une enquête du DOJ pour corruption.
La direction plaidera coupable après maintes tergiversations,
convaincue de stopper la procédure judiciaire. Cette thèse est
défendue par son ancien cadre Frédéric Pierucci, emprisonné
pendant plus de deux ans aux États-Unis pour la corruption par
Alstom d’un intermédiaire en Indonésie, et libéré en
septembre 2018. Patrick Kron dément. Finalement, l’amende a été
réduite à 772 000 dollars. GE aurait été associée pendant quelques
mois au DOJ, en fait jusqu’au paiement de l’amende.
Alstom n’était pas une oie blanche : « Au total, Alstom a
déboursé plus de 75 millions de dollars pour s’assurer de la
réalisation de projets valant 4 milliards de dollars dans le monde,
avec un bénéfice pour la société de l’ordre de 300 millions de
dollars. Alstom et ses filiales ont également tenté de dissimuler le
système de pots-de-vin en retenant les services de consultants
censés fournir des services de conseil au nom des sociétés, mais
qui ont en fait servi de canaux pour les paiements corrompus aux
18
fonctionnaires du gouvernement . »
La vente d’Alstom à GE a, elle aussi, été accompagnée par de
nombreux consultants, qui auraient engrangé plus de 165 millions
d’euros à cette occasion. Pour Alstom, plusieurs cabinets d’avocats,
deux banques conseils (Rothschild & Co, Bank of America Merrill
Lynch) et deux agences de communication (DGM et Publicis). Selon
l’avant-propos du rapport de la commission d’enquête parlementaire,
GE avait, quant à lui, au moins fait appel à la banque Lazard, au
Crédit Suisse, à l’agence de communication Havas et à de
nombreux cabinets d’avocats. Le rachat des activités énergie a été
bouclé en deux mois, délai extrêmement réduit, pour 12,3 milliards
d’euros. Avec le recul du temps, tout semble avoir été organisé dans
le but de bloquer toute marche arrière.
Alstom a rapidement récompensé ses cadres par une
rémunération majorée, ses actionnaires et son groupe dirigeant. Il a
versé un dividende exceptionnel de 3,5 milliards d’euros. Notons ici
que le P-DG détenait de nombreuses actions gratuites et un nombre
substantiel d’options de souscription lorsque l’action est passée de
30 à 70 euros. Il ne faut pas s’étonner de telles situations… Pour
que les opérations turbulent, il faut aligner les intérêts des managers
et ceux de l’acheteur. Le denier de Judas, certes, mais quel denier !
Il ne semble pas qu’une protection des intérêts français ait été
intégrée au processus :
Alstom devait être à parité dans les co-entreprises, or le groupe
français n’obtient que 49 % du capital et aucun pouvoir, c’est
ballot ;
l’option d’achat détenue par l’État, qui aurait permis de garder un
droit de regard sur la filière nucléaire, n’a pas été levée ;
la surveillance des accords sur les créations d’emploi a été
écartée, on en constate maintenant les conséquences avec les
licenciements annoncés ;
le groupe américain a racheté à bon prix les activités d’énergie,
par ailleurs l’utilisation systématique d’intérimaires a posé de
sérieux problèmes de maintenance à ses clients ;
tous ceux qui ont participé à la liquidation ont bénéficié
d’avantages financiers notables, voire exceptionnels et, pour qui
19
fouille un peu , il est aisé d’identifier leur présence dans ces
aréopages dans lesquels on a coutume de « se tenir par la
barbichette ». Quant à certains hauts fonctionnaires qui ont été
en charge, on espère qu’ils n’ont pas privilégié leur situation
future au détriment des intérêts stratégiques de l’entreprise
d’État.
Or, les conséquences ont été dramatiques, car il ne s’agit plus
d’une alliance mais de la vente d’une entreprise stratégique
fabriquant les turbines de nos centrales nucléaires et le réacteur du
Charles-de-Gaulle. Alstom, acteur incontournable du nucléaire,
pesait 30 % du parc mondial. Il avait le monopole de la fourniture de
turbines pour notre flotte et des contrats avec la Russie et la Chine.
Nos centrales fournissent 75 % de notre électricité et le porte-avions
supporte toute notre défense. Alstom a cédé aussi le système de
repérage par satellite. À ceux qui penseraient que nous sommes
alliés des États-Unis, il faut rappeler deux faits. Lors de la seconde
guerre du Golfe, les Américains avaient bloqué la fourniture de
catapultes pour le Charles-de-Gaulle, et à l’occasion d’un litige
commercial entre GE et EDF, la livraison de pièces de rechange
avait été bloquée, et Trump n’était pas encore président. Le risque
de blocage n’est donc pas une vue de l’esprit.
Le rapport de la commission d’enquête chargée d’examiner les
décisions de l’État en matière de politique industrielle, au regard des
fusions d’entreprises d’Alstom, d’Alcatel et de STX, ainsi que les
o
moyens susceptibles de protéger nos fleurons industriels (n 897
rect.) ont fait remonter à la surface quelques comportements
originaux semblant démontrer que l’opération a bénéficié soit d’une
remarquable incompétence, soit de multiples intérêts individuels et
d’une indifférence générale aux intérêts stratégiques nationaux.
Olivier Marleix, président de la commission d’enquête
susmentionnée, a déposé une plainte contre X 20 le 18 janvier 2018
devant le procureur de la République. Il notait que les autorités
judiciaires françaises n’ont « jamais ouvert d’enquête » sur Alstom,
alors que l’entreprise avait notamment versé une amende à la justice
21
américaine en 2014 pour des faits de corruption .
Il relevait le fait qu’Emmanuel Macron avait « formellement
donné l’autorisation » de la vente d’Alstom énergie et avait
« également autorisé » d’autres cessions d’actifs d’« entreprises
stratégiques françaises », citant Alcatel Lucent à Nokia ou Technip à
l’entreprise américaine FMC technologies, ou la vente de l’aéroport
de Toulouse-Blagnac à des Chinois, avec le succès que l’on sait.
22
Désormais GE décide à qui et comment vendre les turbines à
vapeur et aura le dernier mot sur la maintenance de nos centrales
sur le sol français. Avec Arabelle, il déstabilise la filière française.
C’est GE qui dispose du monopole de la fourniture des turbines à
notre flotte de guerre. Alstom Satellite Tracking Systems, spécialisée
dans les systèmes de repérage par satellite, équipe nos armées et la
défense, c’est GE qui en devient le propriétaire. À titre purement
comparatif et sans doute prémonitoire, on se souvient des
problèmes connus par Technip qui a été amené à fusionner avec
FMC Technologies après l’intervention du DOJ. La fusion s’est faite
entre une société qui réalisait 13,5 milliards d’euros de chiffre
d’affaires avec un carnet de commandes quatre fois plus important
et FMC, 6,5 milliards, et cette fusion devait se faire en principe à
égalité de valeur. Or les promesses n’engageant que ceux qui y
croient, à ce jour 80 % des résultats du groupe sont réalisés par
l’activité Technip, dont le P-DG est américain.
LE SYSTÈME ANDRIEUX 5
La députée socialiste Sylvie Andrieux de la troisième
circonscription des Bouches-du-Rhône a définitivement été
condamnée en novembre 2016 à quatre ans de prison dont trois
avec sursis, 100 000 euros d’amende et cinq ans d’inéligibilité pour
détournement de fonds publics. Elle a distribué près de
740 000 euros de subventions régionales à des associations fictives
pendant la période 2005-2008, elle était alors vice-présidente du
conseil régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur. Le montage est
typique d’un clientélisme à l’ancienne, les mauvais esprits racontent
même qu’un sénateur important aujourd’hui décédé avait l’habitude
de prendre ses repas dans une brasserie où les mallettes emplies
de billets lui étaient apportées dans la plus grande discrétion.
Mais pour en revenir à Sylvie Andrieux, une vingtaine
d’associations recevaient des subventions du conseil général PACA.
En l’espèce, certaines associations étaient fictives, les dossiers de
subvention étaient préparés, « lissés » par un complice, puis
distribués par les présidents en achats de véhicules,
d’électroménager et d’enveloppes de manière à assurer les votes.
LA PETITE CORRUPTION
Etc.
LA CORRUPTION AU VENEZUELA
Les événements du Venezuela montrent comment la corruption
peut ruiner un pays, des précédents existaient en Argentine, mais
dans ce pays richissime en pétrole, l’incompétence et la corruption
ont œuvré de concert. L’étatisation des secteurs clés a été confiée à
des militaires souvent incompétents et voraces, la corruption
gangrénant tous les domaines de l’économie. La moitié de la rente
pétrolière des vingt dernières années a disparu sans laisser de
traces, ce qui démontre que le détournement était bien organisé et
que la lutte antiblanchiment présentait quelques trous dans sa
raquette.
De plus, l’État semble être désormais fortement criminalisé, car
nombre de trafics passent par ce pays sans réaction aucune. Il est
devenu la plateforme principale de la livraison de drogue vers
l’Europe. Les ventes d’armes utilisent aussi ses structures, et les
militaires disposent de nombreux ministères et d’une grande partie
de l’économie qu’ils gèrent avec la même virtuosité. Ils ont réalisé de
superbes opérations financières en jouant avec le contrôle des
changes, par exemple.
10
L’affaire des « sondages de l’Élysée » est suivie par un renvoi
en correctionnelle de six proches de Nicolas Sarkozy et de quatre
sociétés et instituts de sondages pour favoritisme, détournement de
fonds publics et recel de ces délits. Les problèmes juridiques sont
intéressants car la plainte s’appuie sur un rapport de la Cour des
comptes de juillet 2009 faisant état du non-respect du Code
des marchés publics et de l’inutilité de certaines dépenses au regard
de la fonction de président de la République, au bénéfice de
cabinets d’études. Le problème de l’immunité présidentielle du chef
de l’État s’appliquait-elle au seul chef de l’État ou à tous ses
conseillers ? La bataille fut rude, le parquet de Paris, puis la Cour
d’appel défendaient une lecture élargie de l’immunité, la Cour de
cassation a considéré que seul le Chef de l’État devait en bénéficier.
La tradition historique du traitement de ce type de contrat a aussi
dû être résolue. Le Parquet national financier estime « qu’il ne
revient pas aux autorités exécutives ni à ceux qui les servent […] de
décider de s’exonérer du droit commun de la commande publique au
nom d’une tradition à la légitimité incertaine ». De plus, il s’agissait
de hauts fonctionnaires rompus à ces problèmes. Deux autres points
juridiques devront être examinés lors du jugement, celui du
caractère intuitu personæ de l’intervenant et celui de la notion de
détournement de fonds publics par négligence.
Les exemples cités mettent en évidence l’opposition qui peut
exister entre le fait, courant dans le secteur privé, d’utiliser des
proches ou des entreprises familières au titre de consultants
extérieurs afin de développer des stratégies, d’accompagner des
projets ou de dispenser des conseils en communication, et les
procédures des marchés publics, soucieuses du coût et de
l’encadrement de ces interventions. Les procédures sont lourdes,
mais il s’agit d’argent public.
Les prestations de publicité peuvent aussi n’être pas très claires.
La gestion des panneaux publicitaires ou des pendules a permis de
solides manipulations. Dans l’une d’entre elles que j’ai traitée, une
société de publicité s’engageait à gérer un grand nombre de
panneaux pour un montant largement majoré. Une partie de la
surfacturation, il faut bien vivre, finançait un club sportif et/ou des
associations proches de la mairie, ainsi que des publications dont on
n’a jamais trouvé trace.
Les besoins
L’entente anticoncurrentielle
Le fractionnement
ou le « saucissonnage » des marchés
Le « saucissonnage » se dit de la manière de fractionner
illicitement les achats publics et toute autre catégorie de charges et
de produits. Pour qui désire garder la maîtrise de l’opération et éviter
ainsi les contrôles d’une procédure plus encadrée, les opportunités
sont multiples. L’une des justifications les plus souvent apportées
face à de tels comportements est la lourdeur administrative. Un
conseiller général poursuivi pour prise illégale d’intérêts a avancé cet
argument pour se défendre : « Je veux bien qu’on rentre dans la
légalité, mais cela va compliquer les choses à cause de la
paperasse. » Cette pratique est d’utilisation générale, car elle est
présente dans les secteurs publics comme dans le domaine
commercial. Identifier ce « saucissonnage » est aisé.
Avenants et contentieux
DE SAVANTES MANŒUVRES
Une fois les dossiers déposés, la commission d’appel d’offres
étudie ces derniers sur la base de critères objectifs concernant les
prix, les délais, la qualité technique, afin d’adopter la proposition la
plus favorable pour la collectivité. La composition de la commission
rassemble des membres des majorités élues (des conseillers
municipaux) et certains tiers dont la présence n’est plus obligatoire.
Il arrive aussi que des représentants de l’opposition soient membres
de la commission, ce qui donne une apparente transparence. Cela
n’est pas très contraignant, car il est extrêmement difficile lorsqu’on
n’appartient pas au cercle manipulateur de déceler les montages.
Prenons le cas où une offre plus intéressante et moins-disante
est présentée par une entreprise ne faisant pas partie du groupe
ligué, il faut alors trouver rapidement une solution pour évacuer
l’intruse. L’une des manœuvres possibles consiste à demander une
« analyse technique ». Cette dernière permet de comparer en
seconde analyse les coûts, les techniques en présence et la nature
des propositions formulées. Des justifications sont demandées à
l’entreprise « élue ». Cette dernière présente un dossier aménagé
assorti d’explications évidemment pertinentes qui mettent en
évidence les qualités spécifiques nouvelles de l’offre. On passe ainsi
du moins-disant au mieux-disant. L’enfumage de la commission est
réel, les membres peuvent n’avoir aucune idée de ce qui a été
fomenté, surtout lorsque dans la commission une majorité de
membres sont peu compétents dans ce domaine.
Une manipulation similaire dans les dossiers à haute technicité
est possible. Dès qu’une difficulté est identifiée, l’analyse technique
est confiée au directeur des services techniques. En général, ce
dernier est un proche du pouvoir à qui il doit un certain nombre de
facilités, des avantages directs ou indirects et son avancement. Il ne
sera pas tenté de mordre la main qui le nourrit !
L’entreprise ainsi cornaquée aménage son offre en fonction des
observations et de moins-disante va devenir mieux-disante, il lui
suffit de réduire le montant de son offre, de présenter des
« explications » qui n’avaient pas été données, d’embaucher
quelques demandeurs d’emploi, ce que la presse rapportera en
détail.
La manipulation des critères de sélection constitue un moyen
pratique de biaiser les procédures. À titre d’exemple et parmi
d’autres, on peut citer l’utilisation de critères non standard ou
l’appréciation subjective de critères additionnels justifiés par l’objet
du marché ou par ses conditions d’exécution, en particulier lorsque
le cadre est imprécis. On peut citer aussi l’introduction de
modifications non autorisées ou de critères d’évaluation après
l’ouverture des offres ou encore la non-utilisation des critères
existants.
Lors d’une procédure qui a duré dix-sept années, deux élus qui
votaient en commission d’appel d’offres avouent qu’ils ont menti lors
de la première investigation et déclarent que le maire leur a
téléphoné, leur demandant comme un service de voter pour
l’entreprise choisie par lui en commission. Cette demande était
intéressée, car l’architecte et l’entreprise choisie titulaire du marché
en cause (construction de la maison des associations, de la crèche
municipale et de bâtiments sociaux de la ville) construisaient au
même moment une villa pour le maire. Lors du procès, on découvre
que le coût de la construction de la villa était inférieur de 40 % au
prix du marché.
On glisse aisément vers la corruption pure : un adjoint au maire a
été condamné pour atteinte à l’égalité dans les marchés publics,
corruption passive et trafic d’influence, la sentence ayant été
confirmée par la Cour de cassation pour avoir reçu, entre 2003 et
2006, 300 000 euros en liquide en échange d’informations sur un
marché public de collecte de déchets.
Les investigations qui ont été engagées autour de l’attribution du
grand stade de Lille donnent à réfléchir. Selon Libération, « une
charge en règle, clinique, édifiante, mais qui n’aura peut-être pas de
suite. Pour le procureur de la République de Lille (Nord), l’obtention
en 2008 par Eiffage du marché de la construction du Grand Stade
de la métropole (aujourd’hui baptisé Pierre-Mauroy) a été affectée
2
de plusieurs irrégularités ». Le procureur constate « une atteinte
majeure à l’objectivité et à la transparence de la procédure ayant
abouti à la désignation d’Eiffage » et valide ainsi les soupçons de
favoritisme pesant sur ce gigantesque contrat. Mais les faits seraient
prescrits.
Lors de la phase dite de “dialogue compétitif”, les services
techniques de la métropole rendent leur verdict : le projet du
groupement Norpac (Bouygues) est en tête devant celui d’Eiffage,
tandis que Vinci, le troisième candidat, est largement distancé. Un
rapport de 75 pages sanctifiant ce classement est signé le 2 janvier
er
puis validé en commission. Or, le jour du vote final, le 1 février, c’est
une délibération désignant le projet Eiffage, pourtant beaucoup plus
coûteux, qui est approuvée à une écrasante majorité 3.
Deux élus auraient, d’après le réquisitoire, sans compétences
techniques particulières dans ce domaine, inversé le classement de
moins-disant à mieux-disant. Ils ont reçu des cadeaux et un faux a
été transmis à la préfecture.
DISPOSER D’INFORMATIONS
Le rédacteur du cahier des charges, le décideur ou encore son
âme damnée peuvent communiquer, à l’avance, à certains
fournisseurs, des éléments déterminants ou des informations
complémentaires sur le contenu de l’appel d’offres, aux dépens des
candidats.
Des pratiques redoutables peuvent être instaurées : le vice-
président d’un conseil général en charge de la commission des
appels d’offres disposait d’une martingale « agile » pour distribuer
les marchés. La veille de la réunion des commissions d’appel
d’offres, les tarifs retenus étaient communiqués aux entreprises afin
qu’elles se situent dans la « fourchette des prix ». Les entreprises,
les fonctionnaires et les élus étaient complices du montage. La
contrepartie consistait en des repas pantagruéliques, des travaux
personnels et des enveloppes.
Si les organisateurs des montages se méfient désormais des
conversations téléphoniques, c’est à cause d’un appel donné
pendant une réunion de la commission d’appel d’offres au cours de
laquelle le rapport de cette dernière avait été « révisé » et avait fait
passer l’entreprise bénéficiaire du marché de la quatrième place à la
première. Les informations circulent vite !
Et pour terminer, il est aussi possible de contourner les règles
relatives à la passation des marchés après qu’un appel d’offres a été
déclaré infructueux. Cette opération consiste à établir dans un
premier temps une proposition avec des caractéristiques techniques
élevées et un prix très bas. En l’absence de postulants, l’appel
d’offres sera déclaré infructueux. Le marché passe alors au statut de
marché négocié, et au cours de la « négociation » il est alors
nécessaire de réduire les prestations pour les ramener au niveau
des normes habituelles et/ou de majorer l’enveloppe financière
initiale pour pouvoir, moyennant « compensation financière »,
octroyer le marché à l’entreprise la plus accommodante.
S’il est un domaine dans lequel l’État cache un cygne noir, c’est
bien celui de l’informatisation. En effet, le développement de
progiciels destinés à améliorer sa gestion a acquis la notoriété
certaine et emblématique d’une organisation approximative et
coûteuse. Il est aussi vrai que gérer la comptabilité publique, les
hôpitaux, les soldes militaires n’est pas une mince affaire 8, et
les projets de masse, engagés au long cours, comportent souvent
des risques majeurs.
En 2010, Bercy a fait développer le progiciel Chorus afin de
moderniser la comptabilité publique. Son développement a été plus
onéreux que prévu et aurait provoqué des retards de paiement de
plusieurs mois des fournisseurs de l’État. La Cour des comptes,
dans son rapport de juin 2017, estime que, « s’il assure bien sa
fonction de gestion au jour le jour de la dépense publique, il ne
permet toujours pas de certifier avec certitude les comptes de
l’État ». Ce progiciel est implémenté auprès de 50 000 utilisateurs. Il
automatise une grande partie des écritures comptables, mais des
saisies manuelles subsistent. Or, selon la Cour, le progiciel ne
propose pas des contrôles automatiques permettant de prévenir des
erreurs, ni même un système de traçabilité permettant de garder en
mémoire les écritures concernées à des fins de régularisation : « Les
modalités actuelles d’utilisation de Chorus font peser un risque
significatif sur la fiabilité des enregistrements comptables, non
compensé par des contrôles automatiques ou manuels suffisants. »
Or il s’agit là de l’irrespect d’un principe fondamental du contrôle des
opérations informatisées forcées et des rejets.
Les bugs d’Orbis auraient causé la perte de près de 100 millions
d’euros de factures aux Hôpitaux de Paris, d’après le rapport de la
9
chambre régionale des comptes . Cette perte serait définitive.
Le programme ONP (Opérateur national de paie) est aussi cité
en bonne place. Ce logiciel de gestion des paies du ministère du
Budget a été abandonné en 2014. Il a coûté 290 millions d’euros et
la perte pourrait atteindre 600 millions d’euros. Lancé en 2007, il
devait gérer les salaires de 2,5 millions de fonctionnaires à partir de
2017, l’objectif était la réalisation de 190 millions d’euros d’économie
par an. Or, il n’est pas possible d’évaluer le montant total des
dépenses engagées dans la conception du « super logiciel ». En
effet, « SI Paye », le cœur du réacteur, initialement estimé à
170 millions d’euros, est affecté de retards importants. Certains
coûts indirects, les travaux effectués dans les ministères pour se
mettre en conformité avec le système, sont difficilement évalués.
L’engagement aurait coûté 760 millions d’euros jusqu’en 2018. De
plus, l’État a anticipé les économies de postes de son futur super
logiciel, si bien que les services des ressources humaines de
certaines administrations sont déjà « dans un relatif sous-effectif ».
Le programme Sirhen (système d’information et de gestion des
ressources humaines du ministère de l’Éducation nationale, de
l’Enseignement supérieur et de la Recherche) est un autre gouffre
financier lancé en 2007, qui devait être raccordé à l’ONP.
Le progiciel Louvois est une « vraie usine à gaz ». Conçu pour
gagner en efficience, il assurait la paye de 200 000 militaires. Or les
retards de paiement ont été considérables et 70 000 dossiers de
trop-perçus ont été recensés dont il a fallu demander le
remboursement. Tous n’ont pu être recouvrés, de nombreux
militaires ayant quitté l’armée. Le délai de récupération est estimé à
sept ans. La correction des moins-perçus a occasionné des coûts
indirects élevés : des centaines de personnes auraient été
embauchées pour rétablir les situations.
Quelques autres progiciels de moindre importance ont intéressé
la presse : le logiciel des cartes grises est de ceux-là. La plateforme
en ligne, lancée en novembre 2017 et destinée à fluidifier les
opérations d’attribution, affectée par des bugs informatiques, a
bloqué l’ensemble du système. Le délai d’obtention des cartes grises
a atteint six semaines, mais aussi pour les permis, les changements
d’adresse et les cessions de véhicules. En mars 2018, selon le
Conseil national des professionnels de l’automobile (CNPA), plus de
400 000 dossiers étaient en souffrance, interdisant l’utilisation des
véhicules nouvellement acquis et la livraison des commandes.
Nous ne serions guère étonnés si le progiciel tant vanté par les
publicités, le DMP (Dossier médical partagé), n’atteignait pas les
résultats escomptés. En effet, ce projet, issu d’une initiative du
ministre Douste-Blazy en 2004 pour une mise en application en
2007, a été relancé en 2018 par la Caisse nationale d’assurance
maladie (CNAM).
Chaque personne devrait être en mesure d’ouvrir son dossier
soit en ligne, soit auprès des agents des caisses d’assurance
maladie, lesquelles comportent « votre historique de soins des vingt-
quatre derniers mois automatiquement alimenté par l’Assurance
maladie, vos résultats d’examens [radios, analyses biologiques…],
les coordonnées de vos proches à prévenir en cas d’urgence, vos
antécédents médicaux [pathologies, allergies…] et vos comptes
rendus d’hospitalisations ».
Le premier problème posé est celui de la sécurité de l’information
contenue chez l’hébergeur unique, les sécurités d’Internet étant
constamment contournées. Ces données sont susceptibles
d’intéresser les assurances privées. En effet, si ces données sont
hébergées à l’étranger, la réglementation française ne s’applique
pas et les fuites sont probables ! De plus, l’intégration facile et rapide
des documents dans les dossiers des patients exige des logiciels
adéquats.
Les causes de ces dérapages sont comparables à celles
rencontrées dans les grands projets des autres domaines d’activité,
surtout s’ils sont démesurés et urgents. Et cela n’est pas propre au
public, le privé est pareillement affecté.
L’une des causes de dérive et de surcoût est due à la qualité de
la conception du projet. Les effets négatifs peuvent aussi provenir de
l’accompagnement de ces projets par les cabinets de conseil
extérieurs. Si le cahier des charges est flou, les besoins mal
formulés, les bureaux d’études tâtonnent et peuvent ne pas être
exempts de conflits d’intérêts. Les dérives peuvent être dues aux
classiques biais cognitifs, qui amènent les donneurs d’ordre à se
renfermer sur leur propre lecture, souvent restrictive.
De plus, l’énormité des projets et leurs délais à rallonge sont
essentiellement dus au fonctionnement en silo, conséquence du
pilotage « en mode tour d’ivoire » et à la « comitologie » : réunions
interminables devant rapprocher des points de vue inconciliables
dans lesquelles personne n’accorde à un participant la qualité de
disposer d’une vision exhaustive du projet, des enjeux, des risques
et des décisions à prendre. Rajoutons à cela la conviction folle et
chimérique que le logiciel est en mesure de traiter tous les
problèmes, et que tous les biais affectant l’origine des projets
comme leur réalisation sont identifiés. Ils ne sont pas nouveaux ni
inconnus, mais impossibles à réduire.
Ces problèmes laissent des opportunités infinies aux prestataires
qui deviennent rapidement les véritables maîtres du projet, le
donneur d’ordre perdant la maîtrise de l’ensemble. Ces erreurs
deviennent monstrueuses lorsque le recours massif à la sous-
traitance est présent.
Les carences dans la relation et le pilotage entre le donneur
d’ordre et la maîtrise d’œuvre sont problématiques. L’absence de
suivi des prestataires génère des surcoûts, la multiplication des
demandes de modifications en dehors du cahier des charges étant
facturée au prix fort. Le risque existe aussi du fait de prestataires
travaillant sur place ou à l’extérieur et du secret des affaires.
Les alertes sont lentes, partielles, rares et n’apparaissent que
comme des signaux faibles de risque. Le porteur de mauvaises
nouvelles n’est jamais bienvenu. En fait, le problème devient
tellement ingérable qu’il doit être poursuivi, c’est le célèbre « biais
10
abscons ».
Rajoutons dans ces projets une division du travail outrancière,
des structures qui ne communiquent pas entre elles, une dilution des
responsabilités, l’urgence qui ne peut se faire qu’en utilisant des
composants « sur étagère », des objectifs fixés sans consulter les
utilisateurs, et la catastrophe devient inéluctable.
Les problèmes persistent pendant la pandémie, on a raté les
marques, le traçage et la vaccination prennent l’eau.
CHAPITRE 7
ORGANISATIONS CRIMINELLES
ET CYBERCRIMINALITÉ
CHAPITRE 1
La cybercriminalité
La cybercriminalité, comment
ça marche ?
LES ATTAQUES
En 2018, l’Agence nationale de sécurité des systèmes
d’information (ANSSI) a mis en évidence l’exfiltration de données
stratégiques, dirigée vers des secteurs d’activité d’importance vitale
et vers des infrastructures critiques. Les attaquants font ainsi preuve
d’une grande discrétion et mettent à profit « une véritable
sophistication technique en procédant à des attaques très ciblées ».
L’ANSSI constate la présence d’attaques indirectes. Le pirate
cible un intermédiaire comme un prestataire ou un fournisseur, de
façon à « exploiter la relation de confiance qui l’unit à la cible finale
pour toucher cette dernière ». En fait, la sécurisation de la cible
finale entraîne un déport vers les tiers. Les attaques ont aussi pour
but la déstabilisation et l’influence. « À la portée de groupes ou
d’individus isolés, ces hacks peuvent aller de la simple indisponibilité
du service touché au sabotage en bonne et due forme. » Organisés
en réseaux, les cybercriminels se jouent des failles de sécurité de
systèmes d’information pour compromettre des équipements par le
biais d’un dépôt discret de « mineurs » de cryptomonnaie. Les
hackers ciblent les entités insuffisamment protégées dans le but de
voler des données personnelles revendues sur le darknet, de
demander une rançon, ou de s’appuyer sur l’ordinateur pour
engager des attaques « rebond ».
La cyberguerre
8
L’Autorité de la concurrence utilise la procédure de clémence
qui permet à une entreprise de révéler une entente à laquelle elle a
participé auprès de l’Autorité de la concurrence, en contrepartie :
o
La loi n 2013-316 du 16 avril 2013, relative à l’indépendance de
l’expertise en matière de santé et d’environnement et à la protection
des lanceurs d’alerte, stipule : « Toute personne physique ou morale
a le droit de rendre publique ou de diffuser de bonne foi une
information concernant un fait, une donnée ou une action, dès lors
que la méconnaissance de ce fait, de cette donnée ou de cette
action lui paraît faire peser un risque grave sur la santé publique ou
sur l’environnement. L’information qu’elle rend publique ou diffuse
doit s’abstenir de toute imputation diffamatoire ou injurieuse. » Ce
texte, inclus dans le Code du travail, s’imposait, car des études
mettent en évidence le fait que le tiers des substances chimiques en
Europe ne respectent pas la réglementation protégeant la santé et
l’environnement.
Les agents publics disposent d’une procédure spécifique relative
à la dénonciation des conflits d’intérêts dans la fonction publique. Ils
disposent depuis longtemps de l’article 40 du Code de procédure
pénale qui impose à tout fonctionnaire ayant connaissance, dans
l’exercice de ses fonctions, d’un crime ou d’un délit d’en aviser, sans
délai, le procureur de la République et de lui transmettre tous les
documents relatifs. À ma connaissance, aucune sanction n’est
1
prévue pour celui qui ne respecterait pas cette injonction. Un agent ,
ayant connaissance d’un conflit d’intérêts, peut en aviser sa
hiérarchie. Si cette information préalable n’a pas été exécutée, la
mauvaise foi de l’agent est présumée et il ne peut bénéficier du
régime de protection des lanceurs d’alerte.
Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la
titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion,
l’affectation et la mutation ne peut être prise à son égard pour avoir
relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d’un délit ou
d’un crime, dont il aurait eu connaissance, dans l’exercice de ses
fonctions. Seuls les agents ayant relaté des faits auprès des
autorités judiciaires ou administratives sont protégés. La divulgation
publique, ou la transmission à un journaliste de faits, n’octroie
aucune protection.
Le processus de conciliation de cette obligation avec les autres
obligations auxquelles les agents publics sont soumis, la
déontologie, le devoir de réserve et de discrétion, le secret
professionnel ou fiscal, n’est pas clairement explicité.
o
La loi dite Sapin 2 – loi n 2016-1691 du 9 décembre 2016
relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la
modernisation de la vie économique – crée un statut des lanceurs
d’alerte (titre 1 chapitre II) : « […] celui qui révèle ou signale, de
manière désintéressée et de bonne foi, un crime ou un délit, une
violation grave et manifeste d’un engagement international
régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral
d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel
engagement, de la loi ou du règlement, ou une menace ou un
préjudice grave pour l’intérêt général, dont il a eu personnellement
connaissance… ». Le spectre est donc très large.
La protection du lanceur d’alerte est renforcée contre les
représailles possibles. Ainsi, les entreprises de plus de
50 personnes, les administrations de l’État et les communes de plus
de 10 000 habitants sont tenues de mettre en place des procédures
de recueil des alertes qui garantissent une stricte confidentialité de
l’identité des auteurs du signalement, des personnes visées par
celui-ci et des informations recueillies. La procédure de signalement
prévue à l’article 8 est organisée en trois phases successives,
précisément fixées par la loi. Ainsi, dès qu’une personne constate un
dysfonctionnement ou un abus, elle a le devoir d’alerter tout d’abord
le « déontologue de l’entreprise ou de l’administration concernées, à
défaut le supérieur hiérarchique ». Cette phase prévoit que le
signalement est adressé au supérieur hiérarchique, à l’employeur ou
au référent que celui-ci a désigné. Il ne concerne qu’une personne
employée par l’organisme mis en cause ou un collaborateur
extérieur ou occasionnel de cet organisme. En l’absence de
diligences de la personne destinataire de l’alerte « dans un délai
raisonnable », le lanceur d’alerte s’adresse à l’autorité judiciaire, à
l’autorité administrative ou aux ordres professionnels. En dernier
ressort, à défaut de traitement par l’un des organismes dans un délai
de trois mois, le signalement peut être rendu public.
Ce n’est qu’en cas de danger grave et imminent ou en présence
d’un risque de dommages irréversibles que le signalement peut être
porté directement à la connaissance de l’autorité judiciaire, de
l’autorité administrative ou aux ordres professionnels.
2
Les employeurs sont soumis à l’obligation de garder le lanceur
d’alerte dans l’entreprise. La nouvelle législation instaure également
une nouvelle sanction afin de protéger le lanceur d’alerte : est ainsi
puni de deux ans de prison et de 30 000 euros d’amende le fait de
révéler l’identité de l’auteur du signalement. Dans le sens inverse, un
lanceur d’alerte peut également être poursuivi en cas de faux
signalement. La loi prévoit une amende civile dont le montant peut
atteindre 30 000 euros.
Transparency International considère que « c’est une législation
très complexe et visant sur le fond à une alerte responsable ». Elle
ne protège pas seulement les lanceurs d’alerte car les employeurs
aussi ont leurs garde-fous. En cas de doute sur la procédure à
3
suivre, le salarié peut contacter le défenseur des droits qui
l’orientera vers l’organisme approprié. Il est aussi prévu des
exclusions à l’alerte : les faits, informations ou documents, quels que
soient leur forme ou leur support, couverts par le secret de la
défense nationale, le secret médical ou le secret des relations entre
un avocat et son client.
À ce jour, une soixantaine de pays ont mis en place un
processus de protection. La loi adoptée en 1998 par le Royaume-
Uni, qui protège les lanceurs d’alerte des secteurs publics et privés,
le Public Interest Disclosure Act, est communément considérée
4
comme le texte le plus équilibré au monde . Ce dernier comprend
« un signalement gradué par paliers, une protection en amont – avec
un référé conservatoire d’emploi jusqu’au procès et en aval – et un
dédommagement intégral de la perte de revenus (incluant les
années de retraite) et de la souffrance morale. Soit un double
mécanisme de prévention et de réparation, mais ni rétrocession ni
récompense. En 2013, cette loi a été amendée, en recentrant la
définition du signalement sur le concept d’intérêt général, et en
ajoutant une protection, avec des sanctions pénales, contre les
représailles de tierces parties (par exemple les collègues de
travail) ».
Plusieurs reproches peuvent être apportés au texte :
Première partie
Une ingénierie pour les fraudes
CHAPITRE 5. LE BLANCHIMENT
o
1. Rapport n 1822, Rapport d’information pour la commission des Affaires
étrangères sur la lutte et le financement du terrorisme.
2. Jean-Louis Gergorin et Sophie Coignard, Rapacités, op. cit., p. 145-146.
3. Le rapport « Golden Visas » de Transparency International & Global
Witness du 10 octobre 2018.
4. Éric Vernier, Techniques de blanchiment et moyens de lutte, Paris, Dunod,
e
4 éd., 2017.
5. Pierre-Antoine Souchard, « Entre “la cuisine des Suisses” et “le procès des
juifs” », la ligne de défense de Patrick Balkany surprend », Dalloz actualités,
24 mai 2019.
6. L’Obs, en partenariat avec la cellule investigation de Radio France « Pièces
à conviction » (France 3) et le groupe de médias privé suisse Tamedia, a eu
accès aux documents internes d’une société basée aux Émirats arabes unis et
qui a compté parmi ses clients des fraudeurs.
7. Joachim Dauphin, Abdelhak El Idrissi, Constant Méheut, « Dubaï Papers :
comment des cartes bancaires permettent de profiter de l’évasion fiscale »,
Cellule investigation de Radio France, 12 avril 2019.
8. Alexandre Pouchard et Mathilde Damgé, « Affaires Dassault, Bettencourt :
le rôle trouble de Cofinor », Le Monde, 19 novembre 2014.
9. Laurent Lequien, « Un Russe inculpé pour blanchiment d’argent », La
Tribune, 22 août 2017.
10. Les technologies bitcoin et VPN sont complémentaires. Elles assurent
toutes deux l’anonymat sur Internet : bitcoin permet de faire des achats en
ligne anonymement, et le VPN permet de surfer sur la toile et de télécharger
anonymement. C’est un complément efficace pour éviter la surveillance,
qu’elle soit de masse ou ciblée, au moins dans l’état actuel de la technique…
11. Courrier International, « La banque qui aimait trop l’argent sale » (The
Observer Londres, 11 mai 2011).
12. En référence au blanchiment des fonds des cartels par la banque
Wachovia, filiale de Wells Fargo, quatrième groupe bancaire américain, qui
s’est élevé à 378,4 milliards de dollars. Poursuivie aux États-Unis, Wachovia
sera sanctionnée par une amende dérisoire de 160 millions de dollars pour
avoir autorisé des transactions liées au trafic de drogue et pour n’avoir pas
contrôlé cet argent ayant financé le transport de 22 tonnes de cocaïne.
13. Anne-Françoise Hivert, « Les liaisons dangereuses des banques
scandinaves », 9 mars 2019, lemonde.fr.
14. On peut relever le fait que seuls quelques actionnaires de la Swedbank
ont été avisés de la diffusion de l’émission qui la mettait en cause et qu’après
l’émission la banque a subi une baisse de 20 %. Une procédure est engagée
sur la base de possibles délits d’initiés. Décidément, ils sont impossibles !
15. Selon l’enquête menée pour l’émission « Uppdrag granskning » de la
chaîne SVT.
16. Éric Albert, « Le “lavomatic Troika” : un système de blanchiment d’argent
russe mis au jour », lemonde.fr, 5 mars 2019.
17. L’ACPR est chargée de la supervision des secteurs bancaires et
d’assurance. Elle veille à la préservation de la stabilité du système financier et
à la protection des clients. Le secteur financier est exposé au risque de
blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme. À ce titre, il est
assujetti à des dispositions en matière de lutte contre le blanchiment des
capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT).
18. Capucine Cousin, « ING devra verser 775 millions d’euros pour
blanchiment d’argent », L’AGEFI, 5 septembre 2018.
Deuxième partie
Fraudes et fiscalité
1. Notons que la France peut être considérée comme un paradis fiscal pour
certains pays du Golfe, et le Quatar en particulier. Ces derniers bénéficient,
depuis un accord de 1990 et de l’avenant « Sarkozy » de 2008, d’avantages
fiscaux exceptionnels.
2. « Time for the EU to Close its Own Tax Heavens », Tax Justice Network,
4 avril 2020.
3. Offshore Profit Shifting and the U.S. Tax Code. Part 1 (Microsoft & Hewlett-
Packard), Permanent Subcommittee on Investigations, Washington, US
Governement Printing office, 20 septembre 2012.
4. « Le piège se referme sur Caterpillar Suisse », Le Temps, 3 mars 2017.
5. « Kering condamné à 1,2 milliard d’euros d’amende pour avoir fraudé le
fisc italien », lemonde.fr, 9 mai 2019.
6. Ce canton pratique le dumping fiscal et attire d’autres géants du textile,
comme Armani, Hugo Boss, Versace et The North Face, comme l’a révélé en
2016 l’ONG suisse Public Eye.
7. Benoît Thieulin, « Les plateformes numériques se pensent comme de
o
nouveaux États », Alternatives économiques, n 391, 29 mars 2019.
8. Il faut savoir que, dans chacun de ces secteurs, tous financés par les
GAFAM, une lutte à mort est engagée entre chaque concurrent, le dernier en
lice gagne la mise en augmentant les prix.
9. Ancien président du Conseil du numérique et fondateur de la Netscouade.
10. « Le vent tourne pour les Gafa », Alternatives économiques,
12 septembre 2019.
11. « “Double irlandais” et “sandwich hollandais” : la recette de Google pour
réduire ses impôts », Challenges, 31 octobre 2012.
12. L’Italie et l’Autriche disposent d’une taxe de même nature.
Troisième partie
Corruptions
Quatrième partie
Le trucage des marchés publics : visite
de la boîte noire
Cinquième partie
Organisations criminelles
et cybercriminalité
CHAPITRE 2. LA CYBERCRIMINALITÉ
1. « La lutte contre la cybercriminalité », Crimhalt.org, 17 juillet 2016.
2. Cybersécurité : Appel de Paris du 12 novembre 2018 pour la confiance et
la sécurité dans le cyberespace.
3. La technique d’« attaque par réflexion » (en anglais smurf) est basée sur
l’utilisation de serveurs de diffusion (broadcast) pour paralyser un réseau.
4. Le cabinet Kroll a réalisé une étude sur les cas de demandes de rançon sur
lesquels il a enquêté : dans 47 % des cas, les pirates ont utilisé le protocole
de bureau à distance mis en place pour le travail à domicile ; dans 26 % des
cas, par un courriel d’hameçonnage. Les autres intrusions par des points de
vulnérabilité particuliers (zdnet.fr du 13 octobre 2020).
5. TOR est l’acronyme de « The Onion Router ». À l’origine, ce logiciel a été
créé par l’armée américaine et plus particulièrement la Navy. Les militaires
s’en servaient pour masquer leurs adresses IP, afin d’éviter tout risque de vol
des données sensibles collectées lors de missions. Cependant, lorsque
l’armée a commencé à utiliser son propre système VPN, TOR est devenu un
logiciel gratuit open source.
6. Le VPN est un réseau privé virtuel. Il désigne un accès sécurisé entre deux
appareils ou plus. Il est utilisé pour protéger un trafic Web privé contre les
interférences, l’espionnage ou la censure.
7. On relève la similitude du montage avec celui qui est utilisé au Mexique en
matière d’enlèvements.
8. Il semble que les fonctionnaires qui s’attaquent à ces travaux commençent
à être pistés par les criminels, car ils deviendraient gênants pour le
« business ».
9. Voir l’obtention de fausses cartes d’identité dans TOR.
10. Damien Licata Caruso et Florian Loisy, « Cyberattaque géante chez
Bouygues Construction, 3 200 employés au chômage technique », Le
Parisien, 30 janvier 2020.
11. Les employeurs devraient transmettre les mesures déclinables en cas de
problème : une manière de réagir en pareille situation, les informations sur les
personnes à appeler, les heures de service et les procédures d’urgence. Des
capacités d’authentification et de session sécurisée (essentiellement le
chiffrement). Des solutions virtuelles telles que l’utilisation de signatures
électroniques et de flux d’approbation virtuels pour assurer un fonctionnement
continu. Et assurer une assistance adéquate en cas de problèmes en
définissant une procédure claire à suivre en cas d’incident de sécurité.
12. On aurait même constaté entre les concepteurs de virus et les groupes
dédiés aux rançons une sorte de rapprochement « métier ».
13. Sophy Caulier, « Le cybercrime s’organise », Le Monde, 17 novembre
2020.
14. Les pirates s’attaquent au système des noms de domaine (« Domain
Name System », DNS) qui permet de relier un ordinateur à un site Internet.
15. Ce rapport annuel est le fruit de la collaboration de dix instituts d’audit
interne européens. Mêlant enquête quantitative et entretiens qualitatifs, le
RiF21 met en lumière les principaux domaines de risques actuels (Docs.
Ifaci.com).
16. Technique du cheval de Troie, Advanced persistent threat (APT), qui est
une attaque de longue haleine permettant à l’attaquant d’obtenir les
autorisations qui lui permettent de récupérer les informations stratégiques.
17. Sylvain Rolland, « La cybercriminalité est la nouvelle menace du
e
XXI siècle », La Tribune, 26 juillet 2015.
Sixième partie
Les lanceurs d’alerte, un rempart pour
la démocratie ?
1. Ce n’est que plus tardivement qu’il a validé le prêt sur gages.
2. 2084, la fin du monde, Paris, Gallimard, 20 août 2015.
3. Les antidreyfusards, nationalistes convaincus, ont à l’instar du terrorisme
actuel su motiver des petites mains pour commettre l’assassinat de Zola. En
effet, le fumiste nationaliste Henri Buronfosse (1874-1928), qui travaillait sur
une cheminée voisine, aurait bouché le conduit la veille de la mort d’Émile
Zola et l’aurait débouché le lendemain.
4. L’affaire commence, le 26 octobre 1932. Le commissaire Barthelet
débarque en force dans un appartement de cinq pièces situé dans un hôtel
particulier parisien, rue de La Trémoille, dans le quartier des Champs-Élysées.
Il a beaucoup de chance, le commissaire Barthelet : quand il pénètre dans
cette succursale parisienne de la Banque commerciale de Bâle, en plus de la
surprise de tomber sur un sénateur, il touche le jack pot : 245 000 F en liquide
(160 000 € d’aujourd’hui), des francs suisses, un répertoire, un livre de caisse
et, surtout, dix carnets, qui contiennent environ 2 000 noms. Ceux des
fraudeurs qui ont recours à la banque suisse pour ne pas payer la taxe de
20 % sur les revenus des placements à l’étranger. Le policier, en fait, n’est pas
si surpris : il a bénéficié d’une dénonciation. La rumeur se répand vite, et la
presse commence à chercher les noms qui sont sur les carnets. Le ministre
de l’Intérieur, Camille Chautemps, ne veut pas les donner. Louis Germain-
Martin, le ministre des Finances, jure ses grands dieux qu’il ne les connaît
pas.
5. Terme recouvrant les modes de dénonciation par les salariés des pratiques
délictueuses au sein de leur entreprise.
6. L’idée avait déjà été émise aux États-Unis dès 1970, cependant les
opérations de lobbying avaient écarté la légalisation du système. Les
scandales ont finalement, comme d’habitude, forcé la main du législateur et
l’extraterritorialité des lois américaines a joué pleinement.
7. Sarbanes Oxley Act 2002, Protection for employees of publicly traded
companies who provide evidence of fraud, « Loi visant à protéger les
investisseurs en améliorant l’exactitude et la fiabilité des publications des
entreprises conformément aux lois sur les valeurs mobilières, ainsi qu’à
d’autres fins apparentées ».
8. Le premier programme de clémence européen a été créé en 1996, avant
d’être réformé en 2002.
9. Les fraudes sont obligatoirement « blanchies » dans des paradis fiscaux au
moyen de sociétés-écrans.
10. WikiLeaks est une organisation non gouvernementale, fondée en 2006,
dont l’objectif est de publier des documents ainsi que des analyses politiques
et sociales à l’échelle du monde. Elle ne peut désormais plus être considérée
comme apolitique.
11. La première convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) a été signée en
France entre HSBC Private Bank et le Parquet national financier contre le
versement de 300 millions d’euros. Cette procédure permet à une entreprise,
poursuivie pour corruption ou blanchiment de fraude fiscale, de négocier une
amende sans aller en procès ni en procédure de « plaider coupable ».
CHAPITRE 3. UNE LONGUE MARCHE
o
1. L’article 25 bis est inséré dans la loi n 83-634 du 13 juillet 1983 portant
droits et obligations des fonctionnaires, l’agent doit faire cesser
immédiatement ou prévenir toute situation de conflit d’intérêts dans laquelle il
pourrait se trouver. L’article 6 ter A de cette loi offre une protection au
fonctionnaire ayant dénoncé un crime ou un délit.
2. Le fait de faire obstacle à la transmission d’un signalement aux personnes
et organismes compétents est puni d’un an d’emprisonnement et de
15 000 euros d’amende.
3. « Le Défenseur des droits veille au respect des droits et libertés »,
article 71-1 de la Constitution.
4. Transparency International, « Guide pratique à l’usage du lanceur d’alerte
français », 2014.
5. Le champ d’application de la directive rationae materiae est
particulièrement large, il n’exclut que les éléments relevant de la sécurité
nationale. Le champ rationae personae est largement ouvert : une protection
est offerte aux personnes ayant le statut de travailleur au sens de l’article 45,
§ 1, du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, y compris les
fonctionnaires, aux personnes ayant le statut de travailleur indépendant, aux
actionnaires et aux membres de l’organe d’administration, de direction ou de
surveillance d’une entreprise, y compris les stagiaires et les bénévoles, et aux
personnes travaillant sous la supervision et la direction de contractants, de
sous-traitants et de fournisseurs. Les mesures de protection s’appliquent
également aux facilitateurs, tiers qui sont en lien avec les auteurs de
signalement et entités juridiques appartenant aux auteurs de signalement. La
directive s’applique en outre aux violations du droit de l’Union, qu’elles soient
illicites aux actes de l’Union ou à l’objet, ou la finalité des règles prévues dans
ces actes (art. 5).