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Le premier trait de la corruption des mœurs, c'est le bannissement de la

vérité [...]. Notre vérité de maintenant, ce n'est pas ce qui est, mais ce qui se
persuade à autrui.
Michel de Montaigne, « Du démentir », Essais, II, 1580.

Dans la série télévisée « Better Call Saul », on se trouve face à une réalité
fascinant du fonctionnement du système juridique. La vérité est souvent
reléguée en arrière-plan au détriment des intérêts des clients. Par conséquent,
les cours de loi deviennent des scènes sur lesquelles les avocats jonglent avec
les faits pour construire des histoires convaincantes aux jurés. Dans cet
environnement, la capacité de persuasion l’emporte sur la recherche de la
vérité objective, et le vrai devient simplement ce qui persuade. Cette priorité
morale manifesté dans le monde juridique peut également être généralisée sur
ce qui est acceptable à l’opinion. Dans ce sens, Michel de Montaigne déclare
dans un essai daté de 1580 sous le titre « Du démentir » : « Le premier trait de
la corruption des mœurs, c'est le bannissement de la vérité [...]. Notre vérité de
maintenant, ce n'est pas ce qui est, mais ce qui se persuade à autrui. ». Michel
nous renseigne sur les signes de la corruption des mœurs dans le monde
d’aujourd’hui. Il met en premier lieu, comme pilier de la détérioration des
mœurs, l’annihilation de la vérité. Pour lui, le vrai est ce qui peut persuader les
autres. La question reste alors de savoir si le vrai est ce qui persuade, ou bien si
faire plaisir à son interlocuteur l’emporte sur la persuasion. Cependant, n’est-il
pas exagéré de nier catégoriquement la définition traditionnelle de la vérité ? A
la lumière des deux articles d’Hannah Arendt : Vérité et politique, Du
mensonge en politique, du roman épistolaire de Laclos, Les Liaisons
Dangereuses, et du drame romantique de Musset, Lorenzaccio, nous
postulerons d’abord que, certes, le vrai est ce qui persuade, nous verrons
ensuite que ce qui plait au gens emporte tout genre de persuasion, enfin, nous
expliquerons comment la vérité transcende toute ruse. (1h)

Comme le dit Michel de Montaigne, la vérité est bannie, et le vrai est


devenue de nos jours ce qui persuade les gens.
La faiblesse de la vérité :
Dans un monde dirigé par les intérêts politiques et personnels, la vérité
objective se trouve faible est impuissante. En effet, cette faiblesse se manifeste
dans la situation défavorable des diseurs de la vérité. L’incarnation de l’homme
de vérité dans la pièce de Musset, Philippe Strozzi, a été portrait comme un
homme impuissant suite à l’emprisonnement de ses deux files par Alexandre et
l’assassinat de sa fille par un domestique des Salviati. Dans ses lamentations
solitaires dans une scènes il essaye de s’encourager « allons, mes bras,
remuez », mais il se rend compte de sa faiblesse « et toi corps courbé d’âge et
d’étude, redresse-toi pour l’action ». Même Lorenzo le compare à un mendiant
de la manière il est assis seul dans le coin de la rue. Similairement, les lettres de
Volange et Rosemonde ne sont ni longues ni convaincantes. Lorenzaccio peut
se lire comme une compétition dans la persuasion entre Volange et Valmont.
La première essaye de mettre en garde la Tourvel, le deuxième essaye de la
séduire. Enfin, le diseur de la vérité est convaincu. Arendt, rejoignant la même
idée, nous renseigne sur la situation du chercheur de la vérité qui n’est pas
favorable. Il est toujours « couvert de ridicule » ou menacé s’il veut enlever les
gens de la fausseté. 23mins
L’amour pervers de la fausseté
On peut aller jusqu’à dire que en effet les gens aiment être dans le faux.
Généralement, l’opinion va à l’encontre de la vérité. Ce qui justifie
parfaitement cette attitude. Arendt dit que les gens ont un « amour pervers
pour l’erreur et la fausseté ». Cela signifie que les gens aiment l’illusion et
l’erreur, et à la manière de la caverne de Platon ils vont écarter le diseur de la
vérité du simple fait que la vérité ne se conforme pas à l’opinion. Pour ces
raisons, la Tourvel cherche sans cesse des excuses aux méfaits de Valmont et le
croit aveuglement. Dans un raisonnement crédule elle dit : « c’est
apparemment l’air de la montagne » qui l’avait changé, et ces louanges de
libertins deviennent une « délicatesse ». Et malgré les mises en gardes de
Volanges, elle persiste à s’indulger dans l’illusion. Elle « annonce le désire
d’être trompée » comme le dit Valmont. Le duc, rejoignant l’attitude de la
Tourvel, fait des concessions pour croire à Lorenzo, même s’il est conscient
qu’il est un entremetteur malin comme une « anguille ». Il croit que ce
caractère n’est employé qu’à sa faveur. 20mins

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