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Intro Dissertation Français

« Nous sommes si accoutumés à nous déguiser aux autres, qu’à la fin nous nous déguisons à
nous-même ». Cette citation de LA ROCHEFOUCAULD nous invite à réfléchir sur notre ipséité,
sur la relation entre notre essence et celui que l’on montre aux autres. L’ipséité c’est le rapport
à soi-même. C’est qui nous sommes réellement. La citation la met en lien avec le mensonge.
Pour bien mentir, il faut réussir à se dédoubler tout en restant maître de soi et de ses pensées.
Il faut être totalement transparent à soi-même. Il faut séparer notre masque de qui nous
sommes réellement, sinon nous tombons dans notre propre mensonge. De plus, nous
commencerons le à croire. La barrière entre le mensonge et l’erreur devient floue. Dans un
mensonge nous savons ce qui est vrai et ce qui ne l’est pas. Dans une erreur, nous croyons à
tort que ce que l’on dit est vrai. La différence réside dans l’intention. Ce qui fait passer d’un
mensonge à une erreur, c’est le temps. L’habitude de tenir un mensonge sur le long terme nous
oblige à devoir maintenir cette distance entre nous-même et notre masque pendant un long
moment. Or, pendant un court moment, il est possible de garder cette distance, mais plus on la
garde pendant un long moment, plus la barrière entre nous et notre masque peut devenir
floue. On croit de plus en plus que notre masque est authentique. Qu’est-ce qui arrive quand
on essaie de tenir cette barrière pendant toute notre vie ? Est-il vraiment possible de rester
sujet ? Les humains sont-ils voués à ne plus savoir qui ils sont ? Le mensonge, le temps et
l’ipséité crée donc un paradoxe par définition. Pour comprendre cela, il faut d’abord savoir
comment réaliser un véritable mensonge, un mensonge pour lequel nous restons sujet. Puis, il
faut comprendre si on peut le tenir, à quel point le temps est-il un frein à ce mensonge ? Et
enfin, si dans le pire des cas nous tombons dans ce piège, est-il possible de s’en rendre compte
et d’en ressortir ? Nous allons étudier quatre œuvres : Les Liaisons Dangereuses de Choderlos
de Laclos, Lorenzaccio de Alfred de Musset, Du mensonge à la violence et La crise de la culture
de Hannah Arendt.

Dans un premier temps, essayons de nous intéresser au concept du mensonge. Dans la


définition même du mensonge, on retrouve une distinction entre nos pensées et notre parole. Il
faut donc bien savoir séparer les deux. Rester dans le contrôle de soi. Dans Les Liaisons
Dangereuses, deux personnages illustrent cela, la marquise de Merteuil et Valmont. Ces deux
personnages ont un point commun, ils essaient de manipuler par le mensonge. Ils se vantaient
même de duper les autres tout en restant maîtres de leurs propres pensées. Or, ce n’était pas
le cas. Valmont disait ne pas aimer madame de Tourvel, mais il se mentait à lui-même, il était
dans l’erreur. Alors que le personnage donne l’impression de jouer parfaitement son double
jeu, intérieurement il est dans l’erreur, il se fait avoir lui aussi. Le problème du mensonge est
aussi qu’il doit être parfaitement exécuté mais il peut aussi se retourner contre nous et nous
faire croire à nous aussi un mensonge. Ce n’est donc plus un mensonge, mais une erreur car
l’auteur n’est pas conscient de ces propres idées. De même, dans Lorenzaccio, le protagoniste
Lorenzo de Médicis, se livre à un jeu complexe de dissimulation et de manipulation politique à
Florence. Lorenzo incarne le concept d'un mensonge soigneusement orchestré pour lequel on
reste sujet. À travers son double jeu, Lorenzo parvient à conserver sa véritable identité tout en
se déguisant aux yeux de la société. Cependant, cette dualité crée un problème qui nous est
introduit tout au long de l’œuvre, le personnage est vide. Dans l’acte II scène 2, il a une
discussion avec un peintre, Tebaldeo. Celui-ci incarne l’innocence, que Lorenzo a perdu.
Lorenzo va donc s’énerver, ce qui prouve au fond que le personnage regrette cette innocence
passée, il n’est pas aussi faible et innocent qu’il le laisse croire.

Dans un second temps, penchons-nous sur les concepts de la stabilité, du mensonge et


du temps. Exprimer un mensonge est faisable. Cependant, le tenir sur la durée nécessite un
effort permanent qui ne doit en aucun cas être relâché. Dans "Lorenzaccio", le protagoniste
Lorenzo de Médicis s'engage dans une série de mensonges politiques complexes et
manipulateurs à Florence. Au début, son habilité à se dédoubler et à dissimuler ses véritables
intentions semble inébranlable. Cependant, le temps devient un poids considérable sur ses
épaules. L'habitude de maintenir cette distance entre sa véritable identité et le masque
politique qu'il porte commence à se voir. Plus le temps s'écoule, plus Lorenzo est confronté à la
difficulté de conserver l'intégrité de son mensonge. La tension entre son double jeu politique et
sa réalité intérieure devient palpable. Lorenzo n’est plus sujet de son mensonge à la fin de
l’œuvre, il tue le duc mais cela n’aura aucun effet, révélant ainsi le temps comme un frein à la
stabilité du mensonge politique. Dans le chapitre sur le mensonge en politique de "Du
mensonge à la violence", Hannah Arendt souligne également l'impact du temps sur la
tromperie politique. Les mensonges politiques peuvent sembler efficaces à court terme, mais à
mesure que le temps passe, les contradictions et les faux-semblants deviennent apparents. Les
hommes politiques qui se livrent à des mensonges systématiques peuvent constater que leurs
paroles commencent à perdre de leur crédibilité avec le temps. Ainsi, le temps agit comme un
révélateur qui expose les mensonges politiques au grand jour, les rendant vulnérables à la
désillusion du public.

Dans un troisième temps, intéressons-nous à la notion de séparation possible entre


notre mensonge et nous même si l’on vient à tomber dedans. Dans Du mensonge à la violence,
Arendt souligne la manière dont le mensonge politique peut devenir une réalité autonome,
éloignant les individus de la vérité et créant un monde illusoire. Si, dans le pire des scénarios,
une personne tombe dans ce piège du mensonge politique, la capacité de s'en rendre compte
et d'en ressortir est complexe. Arendt met en garde contre le danger d'une auto-duperie
généralisée où les individus, imprégnés de mensonges à long terme, peuvent finir par croire à
tort en la validité de ces illusions. Cependant, elle souligne également la nécessité de la pensée
critique et du discernement pour déconstruire ces mensonges et revenir à une compréhension
de la vérité. Lorenzaccio propose une vision tragique de la possibilité de se rendre compte de
son propre mensonge. Le protagoniste Lorenzo, après avoir élaboré un réseau complexe de
mensonges politiques, se retrouve confronté à la dure réalité de son double jeu. Celui-ci étant
persuadé d’avoir raison, il ne sortira jamais de son mensonge et restera obstiné à assouvir son
dessein. Bien qu’il ait eu le temps de réfléchir à son action, cela n’a aucunement changé sa
réflexion. Enfin, les deux personnages principaux des Liaisons Dangereuses, Merteuil et
Valmont, se perdent dans leur propre jeu de mensonges et de manipulations sociales. La
possibilité de se rendre compte de la vérité cachée de leurs tromperies devient problématique
au fur et à mesure que les personnages se perdent dans leur essence même. Ils ne sont pas du
tout authentiques. Ils se cachent de la vérité, presque du déni de leur propre personne. La fin
tragique de ces personnages souligne les conséquences dévastatrices d'une incapacité à
reconnaître et à rectifier leurs mensonges.

En définitive, l'exploration du mensonge à travers les œuvres ont mis en lumière la


complexité intrinsèque de la tromperie. Comprendre comment élaborer un véritable
mensonge, nous a conduit à explorer la dualité entre l'identité façonnée et la vérité intérieure.
Ensuite, la question de la stabilité du mensonge dans le temps révèle le temps comme un frein
inévitable à la cohérence du trompeur. Enfin, nous avons examiné la possibilité de se rendre
compte d’être tombé dans son propre mensonge et d'en ressortir, découvrant que cela dépend
de la pensée critique, de la moralité individuelle et des nuances du contexte politique ou social.
Cependant, cela apporte un nouveau problème. Le mensonge est-il inévitable ? Sommes-nous
destinés à devoir garder cette dualité intérieure ?

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