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Principales notions au programme sollicitées dans ce sujet = ..........................................................

I/ Qu'est-ce que mentir ?

« Quiconque énonce une chose qu'il croit ou s'imagine être vraie, bien qu'elle soit fausse, ne ment pas. En
effet, il a une telle confiance dans son énoncé qu'il ne veut exprimer que ce qu'il a dans l'esprit, et qu'il
exprime en effet. (…) Mentir, c'est avoir une chose dans l'esprit, et en énoncer une autre en paroles. C'est
pourquoi on dit du menteur qu'il a le cœur double, cad une double pensée : la pensée de la chose qu'il sait
et qu'il n'exprime point, et celle de la chose qu'il lui substitue, bien qu'il la sache fausse. »

SAINT-AUGUSTIN, « Du mensonge »,
in Œuvres complètes, Ed. L. Guérin.

« Toute la force du mensonge consiste à singer la vérité, à en prendre les couleurs. Le mensonge est un
caméléon qui doit avoir l'apparence du vrai ; il doit pouvoir être cru, sans quoi il perd sa raison d'être. Et,
pour être cru, il doit être consolidé par d'autres boniments. Le mensonge s'accompagne donc toujours d'une
volonté de tromper. Celui qui énonce une proposition contraire à la vérité, sans vouloir tromper autrui, mais
juste parce qu'il se trompe lui-même, est dans l'erreur, et non dans le mensonge. Le menteur, lui, est un
charlatan, un spécialiste du faux qui (…) est au fait de la vérité, et c'est là tout le paradoxe du mensonge. »

Clément ROSSET.

Il ne suffit-il pas d'énoncer quelque chose de faux pour mentir : pourquoi ?

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Quelle différence entre un menteur et un mythomane ?

« Par rapport au mythomane, le menteur ferait presque figure d'homme de parole ! Avec le mythomane,
le mensonge devient une maladie. Le mythomane s'enivre tellement de ses mystifications qu'il se
persuade de leur vérité et finit par y croire lui-même. Il n'est plus capable de distinguer le vrai du faux,
ne sait plus qu'il ment. Pathologique, le mensonge décolle totalement du réel et se perd dans le flou de
ce qui n'existe pas. Le mythomane vit sur un nuage qui n'a plus rien à voir avec le sol du réel. »

Clément ROSSET.

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II/ La véracité : un devoir absolu ou relatif ?

Vers 1797, une célèbre polémique a opposé Benjamin Constant à Emmanuel Kant concernant la
question du droit de mentir. Au cours de cette polémique, chaque philosophe a répondu aux arguments de
l'autre. Constant estime indispensable de regarder les circonstances du mensonge et les conséquences
qu'il entraînerait avant de le condamner. Intransigeant, Kant fait de la véracité un devoir absolu ne
souffrant aucune exception et considère qu'un mensonge n'est pas seulement une injustice contre
quelqu'un en particulier mais à l'égard de l'humanité en général.

« La véracité dans les déclarations qu’on ne peut éluder est le devoir formel de l’homme
envers chacun, si grave que soit le préjudice qui puisse en résulter pour lui […] ; je commets
une injustice certaine à l’endroit de la partie la plus essentielle du devoir en général par une
telle falsification, qui, de ce fait, peut également être appelée mensonge […], c’est-à-dire que je
fais, autant qu’il dépend de moi, que des déclarations de façon générale ne trouvent aucune
créance et que, par suite aussi, tous les droits qui sont fondés sur des contrats deviennent
caducs et perdent vigueur, ce qui est une injustice commise à l’égard de l’humanité en général.
[…] Le mensonge nuit toujours à autrui : même si ce n’est pas à un autre homme, c’est à
l’humanité en général, puisqu’il disqualifie la source du droit. »

KANT, D’un prétendu droit de mentir par humanité

« Le principe moral que dire la vérité est un devoir, s’il était pris de manière absolue et isolée,
rendrait toute société impossible [...]. Dire la vérité est un devoir. Qu’est-ce qu’un devoir ?
L’idée de devoir est inséparable de celle de droits : un devoir est ce qui, dans un être,
correspond aux droits d’un autre. Là où il n’y a pas de droits, il n’y a pas de devoirs. Dire la
vérité n’est donc un devoir qu’envers ceux qui ont droit à la vérité. Or nul homme n’a droit à la
vérité qui nuit à autrui. »
CONSTANT, Des réactions politiques

• Constant refuse de prendre le devoir de vérité au sens strict pour trois raisons :

1) Si le devoir de vérité était pris au sens strict comme devoir absolu et inconditionné ne souffrant
aucune exception, il rendrait toute société humaine impossible. Il y a des cas où le devoir
commande de mentir, par humanité, par politesse, pour sauver une vie, pour éviter un plus grand
mal.
2) Un devoir n’existe que là où existe un droit réciproque. Où il n’y a pas droit à la vérité, il n’y a
pas non plus devoir de vérité.
3) Je ne dois la vérité qu’à celui qui la mérite, qui en est digne, qui me respecte et ne me nuit pas.
A celui qui contrarie mon bonheur, je peux — voire dois — refuser la vérité. Pour Constant, dire la
vérité n’est pour moi un devoir qu’envers celui qui a droit, selon moi, à la vérité, c’est-à-dire celui
qui ne s’oppose pas à mon bien. Tous n’ont donc pas également droit au vrai. Seuls certains en
sont dignes. Constant arrache le devoir de véracité à l’universalité 1 rigoureuse que Kant lui
attribue. Il veut une morale souple, adaptable aux divers cas.

1 A mettre partie vocabulaire : PARTICULIER / UNIVERSEL : Ce qui est particulier ne concerne que quelques
individus, voire un seul. Est universel au contraire ce qui les concerne tous, sans exception.
• La réponse de Kant : « D’un prétendu droit de mentir par humanité » (1797) :

Dans ce texte polémique, Kant refuse tout droit de mensonge envers soi et envers autrui et
assigne à tout homme, sans exception et en toute occasion, un devoir de dire la vérité. Il réfute les
trois arguments de Constant :

1) Par définition, un devoir moral est un impératif catégorique, inconditionné, absolu, qui
vaut pour tous les cas sans exception, en vertu de la loi morale qu’énonce notre raison . La loi
morale doit parler en nous a priori, c’est-à-dire avant tout événement et indépendamment de tout
fait. C’est parce que la source rationnelle du devoir est pure (indépendante de toute expérience)
que le devoir vaut universellement et nécessairement pour tout homme. Par principe un devoir,
quel qu’en soit le contenu, commande absolument et sans exception. Faire son devoir plus ou
moins, avec une certaine latitude, en l’adaptant aux circonstances, en l’atténuant — voire en le
contournant, selon les cas —, n’a aucun sens ; c’est même contradictoire avec le type d’impératif,
de loi, de commandement, d’obligation absolus qu’implique le devoir. En son exigence
d’universalité et de nécessité, la morale échappe à toute étude de cas fondée sur l’expérience.
2) Il n’y a pas de réciprocité systématique entre droit et devoir. Il peut y avoir un devoir chez l’un
sans qu’il y ait de droit symétrique chez l’autre. Le concept de devoir n’englobe pas en lui-même le
concept réciproque de droit.
3) Si la vérité est objet de devoir, elle est due à et par tout homme. On ne saurait diviser
arbitrairement l’humanité en deux parties : celle qui a droit au vrai et à l’égard de laquelle seule j’ai
un devoir de vérité ; celle qui n’a pas droit au vrai et à l’égard de laquelle j’ai un droit de mentir.

Ainsi, contre Constant, Kant refuse tout droit de mentir, quelles qu’en soient les raisons.

Sur cette fameuse polémique entre KANT et CONSTANT, consultez ces deux vidéos et prenez
des notes sur la première :

• Quel est le problème du mensonge ? Un p'tit shoot de philo (02 : 59)


https://www.facebook.com/Musiq3/videos/quel-est-le-probl%C3%A8me-du-mensonge-
un-ptit-shoot-de-philo/2955951141294347/

• Avoir raison avec Kant ou tort avec Constant – Philosophie magazine (04 : 38)
https://www.philomag.com/articles/avoir-raison-avec-kant-ou-tort-avec-constant
III/ Le mensonge : un sujet complexe

L'expression « dire la vérité » sous-entend qu'on s'adresse à autrui. Le respect pour la vérité est alors
inséparable du devoir de respect pour autrui. Le problème est qu'il existe une multiplicité de situations
singulières dans lesquelles le mensonge est peut-être excusable, voire utile, dans l'intérêt et pour le
respect d'autrui.

• Dans la vie quotidienne, le rigorisme Kantien qui consiste à penser que la véracité est un
devoir absolu excluant le moindre mensonge est difficilement tenable. Le mensonge
apparaît bien plutôt comme le dieu Janus : toujours à double face. Il a une face ignoble et
une face noble. On peut mentir pour nuire aux autres, par goût du lucre (du profit), par
cupidité ou par vice. Mais on peut aussi mentir par courtoisie, par amitié, par sympathie,
pour aider l'autre ou pour lui éviter de souffrir davantage.

• Quand il n'y a pas de raisons positives de dire la vérité, on peut aussi la taire : c'est le
mensonge par omission. « Toute vérité n'est pas forcément bonne à dire, dit ainsi
Jankélévitch ; on ne répond pas à toutes les questions, du moins on ne dit pas n'importe
quoi à n'importe qui ; il y a des vérités qu'il faut manier avec des précautions infinies , à
travers toutes sortes d'euphémismes et d'astucieuses périphrases ; l'esprit ne se pose sur elles
qu'en décrivant de grands cercles, comme un oiseau » (Vladimir Jankélévitch, L'Ironie).

• Dans nos rapports avec les autres, il est essentiel de prendre en compte la personne à
laquelle on s'adresse, son âge, sa maturité, son degré de réceptivité ou de susceptibilité. Si
nous sommes tenus de « dire la vérité », rien ne nous oblige non plus à la déclarer
brutalement sur le champ et sans aucun égard pour la personne en face de nous.

EXEMPLES de mensonges « utiles » ou « excusables » :

- Le mensonge pédagogique par lequel le professeur simplifie, voire déforme un peu la vérité,
pour se mettre à la portée de l'élève de sorte qu'il comprenne une idée.

- Le mensonge de politesse qui consiste à « arrondir les angles », ménager les susceptibilités ou
épargner les vanités, de sorte que nous puissions vivre ensemble sans trop de heurts. « Peu
d'amitiés subsisteraient, si chacun savait ce que son ami dit de lui lorsqu'il n'est pas là » dit ainsi
Pascal...

- Le mensonge de charité, auquel des médecins sont confrontés tous les jours dans l'exercice de
leur profession : faut-il dire la vérité à un patient qui n'est pas apte à l'entendre ? Faut-il dire la
vérité quand cette vérité ajouterait encore plus de souffrance à la souffrance ?

- Auriez-vous vous-mêmes d'autres exemples ?............................................................................


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