« Vérité et politique » Hannah Arendt Synthèse de la section Ⅳ
Travail réalisé par :
Hiba Fahli Sarah Eddahbi Salma Fadel
Vérité de fait et mensonge.
o La proximité du mensonge et de l’action. -Les vérités de fait sont comme les vérités scientifiques ou rationnelles susceptibles d’erreur ou d’illusion. Elles se voient particulièrement opposer « la fausseté délibérée ou le mensonge ». -Le mensonge relève d’une capacité active, c’est une « forme d’action ». -Le mensonge est un témoignage insigne de la liberté humaine par rapport aux faits. En effet, cette liberté alloue à l’Homme une capacité de détachement vis-à-vis de la réalité et lui permet de commencer de manière radicale une nouvelle chaîne d’événements, tout en dépassant les facultés par lesquelles il appréhende le monde au profit de l’imagination. « […] l’indéniable affinité de notre capacité d’agir, de changer la réalité. » -Le mensonge est non seulement une manifestation de la liberté humaine, mais aussi une preuve qu’elle peut être parfois être gangrenée au profit des intérêts ou de quelques groupes de pouvoir. « Que nous puissions changer les circonstances dans lesquelles nous vivons est dû au fait que nous sommes relativement libres par rapport à elles, et c’est cette liberté qui est mésutilisée et dénaturée par le mensonge. » -Le menteur est alors un homme d’action par excellence, puisqu’il essaye continument d’exercer une influence et de défendre ses intérêts en faisant croire ce qui n’est pas. Hannah Arendt affirme qu’: « il dit ce qui n’est pas parce qu’il veut que les choses soient différentes de ce qu’elles sont. » -Contrairement au mensonge, « la simple narration des faits » n’est pas une action, elle a plutôt un caractère passif, puisqu’elle ne mène souvent qu’: « à l’acceptation des choses telles qu’elles sont », n’introduisant ainsi aucune nouveauté au monde. -La vérité, ce qui correspond à la réalité, se distingue de ce que le pouvoir ou certains intérêts ont conduit à faire croire, et la bonne foi dans ce contexte devient action : « où tout le monde ment sur tout ce qui est important, le diseur de vérité, qu’il le sache ou non, a commencé d’agir. » -L’art de faire croire est intimement lié au principe de vraisemblance. Le point fort du mensonge réside dans la suppression de la part d’aléa inhérente au réel. « [Le menteur] aura même en général, la vraisemblance de son côté : son exposé paraîtra plus logique, pour ainsi dire, puisque l’élément de surprise […] a providentiellement disparu. » o La distinction entre la manipulation de masse et le mensonge traditionnel. -L’évolution du mensonge a fait naître un nouveau phénomène : la manipulation de masse. L’art du mensonge traditionnel, si présent dans l’Histoire, cède la place au mensonge moderne, qui s’en distingue entièrement. Le premier détient les grands secrets d’Etats et cible des ennemis particuliers, le second tient secret ce qui ne relève pas du secret puisqu’ : « il est connu de tout le monde ». Par ailleurs, le mensonge organisé éradique la vérité de fait dans son intégralité et couvre la population entière de mensonge. Il incarne alors « la violence » puisqu’ : « il tend toujours à détruire tout ce qu’il a décidé de nier ». L’exemple le plus manifeste est celui des régimes totalitaires, où le mensonge devient un prélude du meurtre. De plus, le dirigeant traditionnel n’est jamais disposé à voir la vérité couler entre ses doigts, et ainsi à se faire victime de l’autotromperie, devenue « un outil indispensable dans l’entreprise de la fabrication d’images ». Il s’agit là de « limitations » de l’ancien art du mensonge. Et pour cause, l’ampleur de la manipulation de masse est tangible dans une ère où « le tissu de fait » n’est pas « troué » ou « rafistolé », mais détruit puis remplacé par un nouveau. Il inclut son auteur : la vérité est donc perdue. Comme l’appuie le sort de Trotski, l’élimination des faits peut s’étendre à l’élimination des hommes, et ainsi « la différence entre le mensonge traditionnel et le mensonge moderne revient le plus souvent à la différence entre cacher et détruire ». -Le recourt à cette nouvelle forme de mensonge trouve sa rais
on dans « l’excuse morale [qu’un] menteur pourrait
offrir » à savoir que « que son aversion pour le mensonge est si grande qu’il a eu à se convaincre lui-même avant de pouvoir mentir aux autres ». -Ici se révèle encore la dangerosité de cette nouvelle arme. La crédibilité de celui qui en use est d’autant plus grande qu’il croît à son mensonge. En effet, le menteur impliqué dans son mensonge est lui aussi victime de l’autotromperie, dès lors, il fait partie de ses destinataires et est donc plus persuasif. -Ceci laisse penser que ce dernier type de mensonge est moins pénalisé que « le mensonge de sang-froid ». Contrairement à la victime de son mensonge, le menteur conscient « reste au fait de la distinction entre le vrai et le faux, et qu’ainsi la vérité qu’il est entrain de cacher aux autres n’a pas été éliminée complètement du monde ; elle a trouvé son dernier refuge dans le menteur ». -À propos de l’anecdote de la sentinelle, Arendt certifie qu’un discours trompeur peut aussi duper celui qui l’énonce que ceux à qui il est initialement destiné, étant donné que le rapport de l’être humain à la réalité est fondé sur un monde partagé avec les autres. Par ailleurs, elle ajoute aux nombreux facteurs persuasifs, l’apparence personnelle. -Un autre aspect de l’ampleur de la manipulation de masse résulte de la naissance du mensonge « complet et définitif ». « La raison d’état » est en l’occurrence une mentalité qui voit son intérêt autrefois limité à la tromperie de l’ennemi dévier à une sorte de « consommation domestique ». Suite à ce phénomène, le processus de la fabrication d’images ne compte plus ses victimes. -L'épée de Damoclès d'une image quelconque est celui qui a su se dégager de son emprise. En effet, l'histoire compte plus d'un avili pour avoir daigné contester les illusions dans lesquelles beigne le grand public. -Lors d'un conflit, si les projecteurs sont normalement exclusivement braqués sur les échanges entre les dirigeants, « l'art moderne de l'autotromperie » a trouvé le moyen d'impliquer jusque le plus indifférent des citoyens. Si de nombreux critiques mettent en garde contre une telle gestion politique, c'est parce que même les membres du gouvernement ne sont pas à l'abri de leurs propres inventions. -A l’échelle étatique, un conflit entre nations dégénère en conflit interne en vertu de l’autotromperie. Hannah Arendt précise : « […] L’important est que l’art moderne de la tromperie de soi-même est susceptible de transformer un problème extérieur en une question intérieure […]. » -La réalité triomphe toujours de ses substituts. Peu importe la nation, peu importe le régime qui s'y applique, elle échoue toujours à faire perdurer aucune des alternatives qu'elle conçoit à la vérité factuelle. (Ici, il est légitime de supposer une certaine extension « de l'espérance de vie » des images dans le cadre d'un régime totalitaire du fait de l'absence d'opinion et de contestation. Cette supposition reste cependant erronée). Bien que les dictatures soient les mieux placées « pour protéger les idéologies et les images de l'impact de la réalité et de la vérité », leurs manipulations répétitives des archives de l'histoire et son altération immodérée trahissent la présence d'un mensonge d'un tout autre genre (« cohérent » et « total ») au sein de tels gouvernements. Celui-ci, au-delà du préjudice qu'il porte à la vérité en soi, entraine le déréglage des aiguilles de la boussole humaine (le contenu de la vérité, substance des hommes, étant à jamais perdu puisqu'entièrement substitué ; notons ici que la perte définitive du contenu de la vérité ne rime pas avec son échec face au mensonge, ce qui s'accorde avec l'affirmation du début de ce point). -En réalité, le menteur contemporain ne fait que courir à sa perte. Premièrement, la mémoire humaine étant défaillante, « les possibilités de mentir illimitées », le menteur assidu ne peut maintenir indéfiniment la cohérence de son récit. En deuxième lieu, tisser un mensonge « cohérent » n'est que l'euphémisme de négliger le caractère contingent des faits, ce qui annule par définition cette même cohérence. -Mensonge et action politique vont de pair. Seulement la louabilité de celle-ci est ébranlée par la manipulation d'images factices. La stabilité serait donc le moteur du changement qui compte. Puisque tout pouvoir ne peut garantir que le règne éphémère d'une image, il ne peut ni se comparer à la ténacité d'une entité dont le contenu se perd pourtant aisément, ni espérer jouir un jour du titre de protecteur d'aussi bien la vérité que la non vérité. -Il n'existe aucune recette qui puisse dicter l'attitude à adopter face aux faits. L'incertitude pèse sur les gouvernements puisqu'aucune choix politique n'est salvateur.