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Mohamed Ayemane AZIR

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Master spécialisé : Gouvernance des projets solidaires dans les territoires
fragiles au Maroc et en Afrique Sub-Saharienne
Module : Culture
Professeur : Youssef AIT HAMMOU
2022-2023

Partie 1 : Le mensonge

Partie 2 : La gouvernance par le mensonge

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I. Le mensonge
Le mensonge est un acte sémiotique (linguistique ou non linguistique) et
pragmatique permettant de fabriquer et transmettre un message faux dans le
but(l(intention) de tromper autrui : le mensonge consiste à dissimuler le vrai et à simuler le
faux.

Pour Baudrillard : « dissimuler est feindre de ne pas avoir ce qu’on a. Simuler est feindre
d’avoir ce qu’on n’a pas »

Pour qu’il y ait mensonge, les conditions suivantes doivent être satisfaites :

- L’intention de tromper autrui


- La fabrication d’un faux message
- La dissimulation du vrai message
- La croyance et la crédulité du récepteur (tomber dans le piège)
- Le comportement du récepteur comme conséquence du mensonge

L’acte mensonger est déclenché par la transgression des maximes conversationnelles de


Grice.

Pour schématiser notre propos, on peut dire que la communication mensongère comporte
trois éléments fondamentaux qui sont :

- l’agent (individu, groupe, institution) qui décide d’une intention de duperie, fabrique
le message mensonger, définit la manière de mentir selon la crédulité du patient ; il est doté
des talents de scénariste, de comédien, de technicien, de psychologue…

- l’instrument qui est le résultat d’un choix du signifiant formel (parole, écriture,
image, voix, geste…), et qui se compose de la mise en pratique du mensonge selon les codes
du mensonge susmentionnés.

- le patient (la cible, la victime) qui est la cible du mensonge et qui se caractérise par sa
capacité à croire le mensonge et à le transformer en comportement. Il existe deux types de
patients-cibles : les patients-cibles potentiels dont le profil est inscrit implicitement ou
explicitement dans le message, les patients-cibles effectifs qui sont l’ensemble des individus
(visés ou pas) qui subissent réellement le message trompeur.

Le menteur, tel un prédateur, possède les caractéristiques majeures : il connait la vérité, il


évalue la crédulité et la passivité de la cible sur laquelle il a une autorité, il fabrique l’énoncé
et le scénario mensongers, il est capable de masquer la vérité et de gommer tout indice
pouvant trahir son méfait, il peut à tout moment corriger, modifier le mensonge ou dire la
vérité.

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Selon ses conditions de production, le mensonge de/par l’image peut être associé à l’une des
six finalités suivantes :

- Finalité idéologique/politique : le trucage, les retouches permettent de manipuler


l’opinion publique à des fins de propagande électorale, guerrière, xénophobe ou raciste…
C’est le cas de tous les médias (télévision, presse écrite, actualités cinématographiques…)
qui cherchent à façonner l’opinion, à fabriquer le consentement, à défendre et légitimer une
position politique ou à réécrire l’histoire. On ment pour faire adhérer autrui à nos opinions
et nos croyances.

- Finalité militaire : toutes les guerres sont fondées sur le mensonge, la


désinformation, la dissimulation et la simulation. Le cheval de Troie (objet-mensonge) en est
un bon exemple ; mais l’opération Fortitude, à la fin de la seconde guerre mondiale, en est la
meilleure illustration : simuler le débarquement en Pas de Calais (faux chars, fausses
avions…) et dissimuler le débarquement en Normandie. Dans la note de l’auteur de son livre
Fortitude, L. Collins « Le but essentiel de l’opération était d’influencer les décisions du Haut
Commandement allemand, en intoxiquant les diverses sources de renseignement, dont
celui-ci disposait, par de fausses informations. Fortitude fut conçu et exécuté par une petite
coterie directement rattachée à Winston Churchill. Essayer de tromper l’ennemi sur les
intentions que l’on nourrit est une arme aussi vielle qu’une hache de pierre/…/aucune perte
humaine, en temps de guerre, n’est plus amèrement ressentie que celles qui sont
occasionnées par la volonté délibérée de tromper l’adversaire. ». W. Churchill affirme à ce
propos qu’« En temps de guerre, la vérité est si précieuse qu’elle doit toujours être protégée
par un rempart de mensonges. »

- Finalité commerciale : le mensonge est au service du marketing économique,


particulièrement dans le domaine de la publicité et de la promotion des services ou des
marques. Cette rhétorique du mensonge vise à tirer profit de la crédulité et de la passivité
des consommateurs potentiels et à faire vendre le maximum en marquant les esprits et en
jouant sur les émotions : un mensonge répété et relayé devient obligatoirement une vérité
incontestée…le mensonge et les Fake news sont très lucratifs, particulièrement sur les
réseaux sociaux. Le mensonge, quand il est subtil et sournois, permet aussi de dénigrer et
d’évincer les entreprises concurrentes.

- Finalité psychologique : dans les réseaux sociaux (Facebook, WhatsApp…), via les
profils et les selfies, les individus s’adonnent à un exhibitionnisme mensonger en quête d’un
peu plus de reconnaissance symbolique, de valorisation, de respect ou à la recherche d’un
peu de sympathie, d’affection. Le mensonge est ici intégratif, conjonctif, grégaire. Il permet
de lubrifier les interactions sociales. Parfois, le mensonge est utilisé pour nuire à autrui par
jalousie, vengeance, haine ou indifférence ou tout simplement pour le faire chantage. De
plus, sur Photoshop, dans les réseaux sociaux, on ment pour s’approprier une autre identité
jugée supérieure, plus belle, plus photogénique. On ment pour ne pas perdre la face, pour

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cacher ses émotions ou son identité, pour dévaloriser les autres, pour éviter une
confrontation…

- Finalité ludique : les manipulations de Photoshop, particulièrement les retouches


d’images, tendent, dans un circuit amical, à jouer le même rôle phatique de la blague, des
jeux traditionnels …

- Finalité artistique : la trahison des images vise ici la quête de l’émotion esthétique. La
fiction, le fantastique, la science-fiction sont autant de lieux de mensonge artistique. Le
mensonge est intrinsèque à l’œuvre d’art. Il ne saurait être jugé à l’aune de la morale. Il ne
cherche pas à tromper mais à révéler la vérité sublime de l’art. Cocteau a raison propos : «
l’art est un mensonge qui dit la vérité ».

II. La gouvernance par le mensonge


Le faux, le bidonnage, la tromperie, le mensonge des médias …sont la conséquence
logique et fatale de trois facteurs :

- des obsessions des médias : la concurrence, l’urgence, la course à l’audience,


- des périodes de Guerre (Guerre du Golfe),
- de l’emprise des politiciens (les journalistes sont devenus les chiens de garde des
politiciens)
Les médias sont soumis aux impératifs de la rentabilité, de la course au scoop, et du
spectaculaire. Il est regrettable de constater que l’information est devenue aujourd’hui une
marchandise qui s’achète et qui se vend dans un newbusiness mondialisé et uniformisé, une
marchandise qui doit générer du profit. En dehors de tout scrupule, de toute éthique, les
journalistes sont à l’affût du choc émotionnel, du spectaculaire, du sensationnel, et de
l’immédiateté…

Dans ces cas, le faux se révèle esthétique, télégénique. La mise en scène du réel le rend
filmable, acceptable. Ici les médias tentent de mimer l’art et la fiction. « La vérité est
purement et simplement une question de style » dirait O. Wilde

Chomsky ira plus loin dans son explication : les médias cherchent à fabriquer à tout prix
notre acquiescement, à arracher par le mensonge et la séduction notre vote favorable.

Noam Chomsky : les 10 stratégies pour manipuler les peuples


Le philosophe et linguistique N.Chomsky , dans le sillage de sa dénonciation des médias
comme outils pour fabriquer le consentement, propose une réflexion subtile sur les
stratégies convoquées par les élites pour manipuler les opinions et les populations. Il s’agit
de 10 stratégies :

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- La stratégie de la diversion qui consiste à éloigner le public des problèmes sociaux cruciaux
et des connaissances scientifiques de base et de le maintenir dans la médiocrité de la
distraction et du divertissement.
- Créer des problèmes et puis offrir des solutions : il s’agit de provoquer de faux problèmes
spectaculaires qui vont susciter la réaction du public et l’amener à accepter les solutions,
même les plus impopulaires.
- La stratégie du dégradé : étant donné que le peuple réagit violement aux mesures
impopulaires brutales, les pouvoirs en place préfèrent lui administrer les lois et les mesures
économiques à dose homéopathiques, progressivement !
- La stratégie du différé : demander au peuple de reporter une décision pour une date
ultérieure
- S’adresser au public comme des enfants en bas âge :
- Faire appel à l’émotion plutôt qu’à la réflexion en mobilisant les désirs, les peurs, les
pulsions…
- Maintenir le public dans l’ignorance et la bêtise : l’éloigner des sources des connaissances,
mettre en crise l’école et les institutions éducatives
- Encourager le public à se complaire dans la médiocrité
- Remplacer la révolte par la culpabilité.
- Connaitre les individus mieux qu’ils ne se connaissent eux-mêmes.

Mohamed Ayemane AZIR

5/5

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