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Les dix stratégies de manipulation de masses d’après

Noam Chomsky

Théoricien du langage, né à Philadelphie en 1928, Noam Chomsky a


révolutionné la linguistique avec la « grammaire générative ».
Mais Noam Chomsky est aussi un analyste politique engagé dans les
luttes politiques depuis longtemps.
Ses analyses rationnelles des mécanismes idéologiques de nos
sociétés constituent une ressource pour la pensée critique.
Il est l’auteur de dizaines de livres, de milliers d’interventions,
d’articles. Il est peu connu en France.
Pour certains penseurs médiatiques, il ne serait qu’un paranoïaque
inventant une fantasmatique « théorie du complot ».
Lui nous dit : « par la parole comme par l’écrit, j’essaie de montrer ce
que je crois être vrai, que si l’on veut y mettre un peu du sien et se
servir de son intelligence, l’on peut apprendre beaucoup sur ce que
nous cache le monde politique et social. J’ai le sentiment d’avoir
accompli quelque chose si les gens ont envie de relever ce défi et
d’apprendre par eux-mêmes »
Que pouvons nous espérer changer ?
« le progrès dans les affaires humaines est un peu comme l’alpinisme,
répond Noam Chomsky, vous voyez un sommet, vous peinez à y monter
et soudain vous découvrez que plus loin se trouvent d’autres pics que
vous n’aviez peut-être pas imaginés. »

Noam Chomsky a élaboré une liste des « Dix Stratégies de


manipulation » à travers les médias. Elle détaille l'éventail, depuis la
stratégie de la distraction, en passant par la stratégie de la
dégradation jusqu'à maintenir le public dans l'ignorance et la
médiocrité.
1/ La stratégie de la distraction

Élément primordial du contrôle social, la stratégie de la diversion


consiste à détourner l'attention du public des problèmes importants
et des mutations décidées par les élites politiques et économiques,
grâce à un déluge continuel de distractions et d'informations
insignifiantes. La stratégie de la diversion est également
indispensable pour empêcher le public de s'intéresser aux
connaissances essentielles, dans les domaines de la science, de
l'économie, de la psychologie, de la neurobiologie, et de la
cybernétique.
« Garder l'attention du public distraite, loin des véritables
problèmes sociaux, captivée par des sujets sans importance réelle.
Garder le public occupé, occupé, occupé, sans aucun temps pour
penser; de retour à la ferme avec les autres animaux. » Extrait de
« Armes silencieuses pour guerres tranquilles »

2/ Créer des problèmes, puis offrir des solutions

Cette méthode est aussi appelée « problème-réaction-solution ». On


crée d'abord un problème, une « situation » prévue pour susciter une
certaine réaction du public, afin que celui-ci soit lui-même demandeur
des mesures qu'on souhaite lui faire accepter. Par exemple: laisser se
développer la violence urbaine, ou organiser des attentats sanglants,
afin que le public soit demandeur de lois sécuritaires au détriment de
la liberté.
(Ou encore : créer une crise économique pour faire accepter comme
un mal nécessaire le recul des droits sociaux et le démantèlement
des services publics.)

3/ La stratégie de la dégradation

Pour faire accepter une mesure inacceptable, il suffit de l'appliquer


progressivement, en « dégradé », sur une durée de 10 ans. C'est de
cette façon que des conditions socio-économiques radicalement
nouvelles (néolibéralisme) ont été imposées durant les années 1980 à
1990. Chômage massif, précarité, flexibilité, délocalisations, salaires
n'assurant plus un revenu décent, autant de changements qui auraient
provoqué une révolution s'ils avaient été appliqués brutalement.
(baisse des retraites et allongement de la durée du travail)

Par exemple pour l’école, « Si l’on diminue les dépenses de


fonctionnement, il faut veiller à ne pas diminuer la quantité de
services, quitte à ce que la qualité baisse. On peut réduire, par
exemple, les crédits de fonctionnement aux écoles ou aux
universités, mais il serait dangereux de restreindre le nombre
d’élèves ou d’étudiants. Les familles réagiront violemment à un refus
d’inscription de leurs enfants, mais non à une baisse graduelle de la
qualité de l’enseignement et l’école peut progressivement et
ponctuellement obtenir une contribution des familles, ou supprimer
telle activité. Cela se fait au coup par coup, dans une école mais non
dans l’établissement voisin, de telle sorte que l’on évite un
mécontentement général de la population. », dans la faisabilité
politique de l’ajustement » centre de développement de l’OCDE,
cahier politique économique n°13 Paris1996.

4/ La stratégie du différé

Une autre façon de faire accepter une décision impopulaire est de la


présenter comme « douloureuse mais nécessaire », en obtenant
l'accord du public dans le présent pour une application dans le futur.
Il est toujours plus facile d'accepter un sacrifice futur qu'un
sacrifice immédiat. D'abord parce que l'effort n'est pas à fournir
tout de suite. Ensuite parce que le public a toujours tendance à
espérer naïvement que « tout ira mieux demain » et que le sacrifice
demandé pourra être évité. Enfin, cela laisse du temps au public pour
s'habituer à l'idée du changement et l'accepter avec résignation
lorsque le moment sera venu.
(L'augmentation importante de la pression fiscale ne se fera pas
avant les élections de 2012)

5/ S'’adresser au public comme à des enfants en bas-âge

La plupart des publicités destinées au grand public utilisent un


discours, des arguments, des personnages, et un ton particulièrement
infantilisants, souvent proche du débilitant, comme si le spectateur
était un enfant en bas âge ou un handicapé mental. Plus on cherchera
à tromper le spectateur, plus on adoptera un ton infantilisant.
Pourquoi ? « Si on s'adresse à une personne comme si elle était âgée
de 12 ans, alors, en raison de la suggestibilité, elle aura, avec une
certaine probabilité, une réponse ou une réaction aussi dénuée de
sens critique que celles d'une personne de 12 ans ».
Extrait de « Armes silencieuses pour guerres tranquilles »
(Les français sont trop gros, trop gros, trop gros,.. Les boissons
sucrées sont surtaxées : nous les paierons plus cher)

6/ Faire appel à l'émotionnel plutôt qu'à la réflexion

Faire appel à l'émotionnel est une technique classique pour court-


circuiter l'analyse rationnelle, et donc le sens critique des individus.
De plus, l'utilisation du registre émotionnel permet d'ouvrir la porte
d'accès à l'inconscient pour y implanter des idées, des désirs, des
peurs, des pulsions, ou des comportements
(La terre se réchauffe dangereusement du fait des seules activités
humaines (sic), ce sera terrible pour nos enfants : les carburants
sont encore plus taxés)

7/ Maintenir le public dans l'ignorance et la bêtise

Faire en sorte que le public soit incapable de comprendre les


technologies et les méthodes utilisées pour son contrôle et son
esclavage. « La qualité de l'éducation donnée aux classes inférieures
doit être la plus pauvre, de telle sorte que le fossé de l'ignorance qui
isole les classes inférieures des classes supérieures soit et demeure
incompréhensible par les classes inférieures. Extrait de « Armes
silencieuses pour guerres tranquilles »
(80 % des élèves des universités ou des grandes écoles sont issus
des classes moyenne ou supérieure)
8/ Encourager le public à se complaire dans la médiocrité

Encourager le public à trouver « cool » le fait d'être bête, vulgaire,


et inculte (Voir certaines émissions de TV particulièrement
populaires)

9/ Remplacer la révolte par la culpabilité

Faire croire à l'individu qu'il est seul responsable de son malheur, à


cause de l'insuffisance de son intelligence, de ses capacités, ou de
ses efforts. Ainsi, au lieu de se révolter contre le système
économique, l'individu s'auto dévalue et culpabilise, ce qui engendre
un état dépressif dont l'un des effets est l'inhibition de l'action. Et
sans action, pas de révolution!
(Vous êtes au chômage par manque de formation ! : suivez un stage
et tout ira mieux)

10/ Connaître les individus mieux qu'ils ne se connaissent eux-


mêmes

Au cours des 50 dernières années, les progrès fulgurants de la


science ont creusé un fossé croissant entre les connaissances du
public et celles détenues et utilisées par les élites dirigeantes. Grâce
à la biologie, la neurobiologie et la psychologie appliquée, le « système
» est parvenu à une connaissance avancée de l'être humain, à la fois
physiquement et psychologiquement. Le système en est arrivé à
mieux connaître l'individu moyen que celui-ci ne se connaît lui-même.
Cela signifie que dans la majorité des cas, le système détient un plus
grand contrôle et un plus grand pouvoir sur les individus que les
individus eux-mêmes.
(Pourquoi croyez-vous que les grands politiques utilisent et payent
largement des instituts importants des sciences humaines ou des
grandes sociétés de publicité ce qui revient au même ?
Bibliographie :

La fabrication du consentement (édition complète, Agone, octobre


2008)
Comprendre le pouvoir, l’indispensable de Chomsky (3 tomes, Aden,
2005)
Cahier de l’Herne : Chomsky (dirigé par Jean Bricmont et Julie
Franck , 2007)
La doctrine des bonnes intentions (Fayard, 2007)
De la guerre comme politique étrangère des Etats-Unis (Agone,
2004)
11-9 Autopsie des terroristes (serpent à plumes, 2002)
Deux heures de lucidité : Entretiens avec DXenis Robert et
Weronika Zarachowivz (les arènes, 2001)

Et à voir : « Chomsky et Cie » un film de Olivier Azam et Daniel


Mermet.

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