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Cette section est une sorte d'introduction qui va établir les différentes problématiques qui lient
politique et vérité / politique et mensonge. Elle fait aussi une nette distinction entre deux notions :
vérité de raison et vérité de fait. Objectif d'Arendt : « Le désir de découvrir quel préjudice le
pouvoir politique est capable de porter à la vérité » càd volonté de s'interroger sur le
fonctionnement du mensonge, des usages qui en sont faits et sur leur raison d'être.
Plan de la section :
– Politique et vérité sont antithétiques.
– Problème de la place de la vérité dans le monde
– Conflit entre vérité et politique
– vérité de raison et vérité de fait
« les mensonges ont toujours été considérés comme des outils nécessaires et légitimes, non
seulement du métier de politicien ou de démagogue, mais aussi de celui d'homme d'Etat. »
« Est-il de l'essence même de la vérité, d'être impuissante et de l'essence même du pouvoir d'être
trompeur ? »
Plan de la section :
- Arendt se focalise sur l’opposition entre philosophe (vérité) et citoyen (mensonge) qui
n’a plus cours à l’époque où elle écrit
- Arendt pose la question : Ce conflit philosophe et vérité / citoyen et opinion a-t-il
disparu dans les temps modernes ?
– Arendt se focalise sur l’opposition ancienne entre philosophe (vérité) et citoyen (mensonge),
qui n’a plus cours à l’époque où elle écrit.
Elle utilise alors de nombreuses références à divers philosophes d'époques variées (Platon, Hobbes,
Kant, Spinoza, Madison)
♣ chez Madison :
La question du nombre. Selon Madison, pour qu'une théorie singulière devienne intéressante aux
yeux d'autrui, il faut qu'elle ait été validée par plusieurs. C'est la « force de l'opinion » qui est
déterminée par la confiance de l'individu dans le nombre qui est supposé entretenir les mêmes
opinions. Madison précise bien que cela ne concerne pas le philosophe qui doit négliger de telles
considérations, mais cela n'a pas de conséquences pratiques car il est peu vraisemblable qu'une
nation de philosophes puisse éclore. Au passage, Hannah Arendt note que la philosophie politique
de Platon repose au contraire sur l'idée que la vérité ne peut venir de la masse ni lui être
communiquée. Une nation de philosophes est absolument impossible chez Platon également.
Lorsqu'on est philosophe chez Madison comme chez Platon, on peut donc détenir une vérité à soi
seul sans qu'elle soit validée par autrui. C'est même une condition pour qu'elle soit juste chez
Platon.
– Ce conflit philosophe et vérité / citoyen et opinion a-t-il disparu dans les temps modernes ?
Certes, le conflit entre la vérité rationnelle et l'opinion a disparu. Cependant, le conflit entre la vérité
de fait et la politique, qui se produit au moment où Hannah Arendt écrit son essai, lui semble fort
similaire. En effet, même si la tolérance est immense sur les opinions religieuses et philosophiques,
une vérité de fait qui ira à l’encontre des intérêts d’un groupe sera très mal accueillie. « La vérité de
fait, s'il lui arrive de s'opposer au profit et au plaisir d'un groupe donné, est accueillie aujourd'hui
avec une hostilité plus grande qu'elle ne le fut jamais » (p. 300). Arendt excepte les secrets d’Etat
qui ont tjs existé, et le fait que celui qui les révèle est tjs « traité comme un traître ». Elle va traiter
des faits qui ne sont pas de secrets mais que le public traite comme tels, considérant leur
propagation comme aussi dangereuse que des propos hérétiques autrefois. (ex. de l'All d'Hitler ou
de la Russie de Staline)
♣ On en vient même à transformer en simples « opinions » des vérités de faits qu'on considère
comme « mal venues » et qui sont (seulement ?) tolérées dans les pays libres, exemple le soutien de
Hitler par l'Allemagne, l'effondrement de la France devant les Allemands en 1940, la politique du
Vatican pendant la 2nde Guerre mondiale.
C’est un pb politique important : la vérité de fait qui devrait être moins discutable que la vérité
philosophique, exposée devant tous, peut être contredite non par une falsification volontaire, mais
par l’opinion.
♣ Similitudes : transformer le fait en opinion // transformer une vérité philosophique d’envergure en
opinion. Pour celui qui dit la vérité, la transformation du fait en opinion est aussi pénible que pour
le philosophe de la caverne de Platon, qui, ayant vu la vérité des Idées, tente de les communiquer à
la foule et voit sa théorie rabaissée au rang des opinions multiples que chacun peut avoir sur un
sujet. Ce serait une opinion parmi d’autres. La grandiose vérité philosophique devient simple doxa.
ET c’est finalement encore pire pour celui qui exprime une vérité de fait, car il ne peut pas se
consoler en se disant qu’il est en dehors de ce bas monde (qu’il a accès à des vérités surnaturelles).
♣ La vérité de fait repose au contraire sur des témoignages concordants de plusieurs hommes, elle
est « relative à plusieurs ». Elle n’existe que si l'on en parle, même si c'est en privé, ainsi, elle est «
politique par nature » (p. 303). Finalement, cela crée une similitude entre les faits et les opinions qui
doivent bien évidemment parallèlement être distingués. Ils ne sont pas opposés, ils « appartiennent
au même domaine. Les faits sont la matière des opinions et les opinions inspirées par différents
intérêts et différentes passions, peuvent différer largement et demeurer légitimes aussi longtemps
qu'elles respectent la vérité de fait » (p. 303). On peut donc tout à fait légitimement avoir une
opinion TANT QU’ELLE RESPECTE LA VERITE DE FAIT. Et c’est bien le pb : la liberté
d’opinion devient « une farce » qd elle ne se fonde pas sur des faits, et cela discrédite le débat
politique, tout comme l’absence de vérité rationnelle discrédite le débat philosophique.
♣ Fait et interprétation. La subjectivité comme bonne excuse. HA se demande si un fait pourrait être
totalement indépendant de l’opinion et de l’interprétation. La question est rhétorique, on se doute
que non. Impossible de relater des faits historiques sans les interpréter. Déjà parce qu’il faut opérer
un choix entre une multitude de micro-faits et les ordonner, les sortir du chaos originel dans lequel
les événements surgissent. L’histoire ordonnée que l’on raconte à partir des événements est mise en
place « dans une certaine perspective, qui n'a rien à voir avec ce qui a eu lieu à l'origine » (p. 304).
Cela ne veut pas dire que la matière factuelle n'existe pas. Cette difficulté ne doit pas non plus
justifier la confusion entre les faits, l'opinion et l'interprétation ni servir « d'excuse à l'historien pour
manipuler les faits comme il lui plaît ». Chaque génération peut peut-être écrire sa propre histoire,
mais elle ne peut pas remanier les faits pour qu'ils concordent avec sa perspective. C'est une atteinte
à la matière factuelle elle-même. Hannah Arendt prend ici l'exemple du déclenchement de la
Première Guerre mondiale dont Clémenceau avait, avant sa mort, discuté avec un représentant de la
République de Weimar. Alors qu'on demandait à Clémenceau ce que les historiens futurs
penseraient de ce problème, il répondit : « ça, je n'en sais rien, mais ce dont je suis sûr, c’est qu'il ne
diront pas que la Belgique a envahi l'Allemagne ». C'est de ce genre de données élémentaires
brutales au caractère inattaquable qu’Hannah Arendt veut discuter. Il serait très compliqué
d'éliminer de l'histoire le fait que dans la nuit du 4 août 1914, les troupes allemandes franchirent la
frontière belge. Il faudrait un monopole du pouvoir sur la totalité du monde civilisé. Mais selon
Hannah Arendt, un tel monopole du pouvoir est concevable. Et le destin de la vérité de fait, si
l'intérêt du pouvoir avait le dernier mot sur ce type de questions, serait largement menacé.
– la vérité a un caractère despotique : on peut discuter les opinions mais pas les vérités de fait
même si ces dernières sont dérangeantes.
Vérité de fait : pas persuasive mais coercitive. Le problème qui se pose alors : en politique, on aime
la discussion, c'est l'essence même de la politique. Or, les vérités de fait ne sont pas discutables.
– HA revient à ce qu’elle a affirmé plus haut : que celui qui dit la vérité de fait est dans une
situation pire que le philosophe de Platon dont la vérité est transcendante, imposant des
principes et des valeurs supérieurs, comme la liberté et la justice.
Elle veut revenir aux conséquences graves de cette situation. Ces conséquences touchent non
seulement celui qui dit la vérité, mais aussi le statut même de la vérité, « les chances de survie de sa
vérité ». C'est donc l'essence de la vérité même qui est menacée.
– Examen de la proposition socratique selon laquelle il vaut mieux subir le mal que le faire.
= ex d’une thèse philosophique concernant la conduite humaine et qui par voie de conséquence, est
donc politique dans son essence. Les dialogues de Platon prouvent que la proposition socratique est
paradoxale. Elle est constamment réfutée, Socrate est incapable de la démontrer véritablement. Ex
du début de La République qu’HA raconte : Socrate ne parvient pas à convaincre son adversaire
Thrasymaque que la justice vaut mieux que l’injustice. Même ses amis Glaucon et Adimante
affirment à Socrate qu'il n'était pas convaincant. Platon donne tous les moyens dans ses dialogues
de défendre Socrate :
♣ L’être est un : il est donc préférable de se brouiller avec le monde entier plutôt que de se
contredire soi-même. Selon Platon, le philosophe dialogue en permanence avec lui-même, il se
scinde en deux, tout en demeurant UN et en n’étant jamais en contradiction avec lui-même.
L’homme comprend en lui-même un partenaire, autant que ce soit un homme vertueux, pas un
meurtrier ou un menteur. Si ma pensée est conditionnée par un dialogue silencieux entre moi et
moi-même, autant que je préserve l’intégrité de ce partenaire. Sinon je ne pourrai plus penser.
♣ Pour le philosophe, admettre qu’il vaut mieux subir le mal que le faire est aussi contraignant que
la vérité mathématique. Cependant, HA soutient que cette thèse est fausse dans une perspective
politique, pour un homme concerné par le bien public (le citoyen) car adopter une éthique
concernant l’ho au singulier (platonicien ou d’ordre religieux) est désastreux qd on vit en
communauté ; Machiavel recommandait de ne pas appliquer dans le domaine public « le principe
pur de la foi chrétienne » (que les bons refusent de résister aux méchants leur permet de faire autant
de mal qu’ils le veulent). Avant lui, Aristote recommande de ne pas appliquer les principes de la
philosophie en politique (les philosophes qui par éthique négligent leur propre bien-être ne
devraient pas être chargés du bien des autres, des intérêts matériels de la communauté, que HA
distingue du « bien commun »)
– cet exemple de Socrate montre l'échec du philosophe qui veut imposer la vérité.
Conclusion : « puisque la vérité philosophique concerne l'homme dans sa singularité, elle est non
politique par nature » (p. 313). Le philosophe qui veut voir la vérité s’imposer contre les opinions
de la foule va échouer. Il regrettera alors bêtement que la vérité soit impuissante. Soit le philosophe
l'impose et c'est une tyrannie, soit il réussit à faire admettre la vérité par tous les citoyens et elle
devient alors opinion.
– Retour à la proposition socratique : « Il vaut mieux subir le mal que faire le mal » : la
démonstration par l’exemple.
C’est une formulation qui n’est pas une opinion, qui prétend être une vérité, qui n’a pas de
conséquence politique directe, mais a une conséquence sur la conduite des gens en tant que précepte
éthique (p. 315). Seul un précepte religieux pourrait, pour un croyant, avoir une plus grande
influence. Tout cela semble être en contradiction avec « l’impuissance généralement admise de la
vérité philosophique ». On se rappelle que cette proposition n’a pas convaincu ni les opposants ni
les amis de Socrate. On doit donc se demander comment elle a pu obtenir « son haut degré de
validité ». C'est une référence claire au procès de Socrate : Socrate a préféré accepter son sort plutôt
que de se dérober, de mentir, ou de s'évader comme c'était possible : il a ainsi donné du crédit à sa
thèse selon laquelle subir une injustice (en l'occurrence mourir) est préférable à en commettre une
(désobéir à la loi).
Plan de la section :
- Le contraire de la vérité de faits est le mensonge
Mensonge et action :
Changer le cours de l’histoire : une forme d’action en soi
Le menteur = homme d’action
Mensonge et liberté
- Vérité et action
Ce mensonge organisé apparaît à la marge en termes d’action, MAIS son inverse, « la
simple narration des faits » ne mène à aucune action politique.
Le diseur de vérité de fait est désavantagé par rapport au menteur
Dire que l’Allemagne a envahi la Belgique en août 1914 a une implication politique si la phrase est
placée « dans un contexte interprétatif » (p. 318). Mais dire l’inverse (qui est faux) ne nécessite
aucun contexte pr avoir une portée politique : c’est juste une tentative de « changer le récit de
l’histoire », ce qui s’apparente politiquement parlant à une « action ». C’est la même chose qd un
menteur qui n’a pas assez de pouvoir pour imposer ses mensonges, argue de son droit
constitutionnel à formuler son opinion (p. 318). Cela arrive souvent (dans les groupes subversifs,
dans « un public politiquement immature ») et cela peut avoir de graves conséquences.
L’effacement de la différence entre la vérité de fait et l'opinion est une des nombreuses formes que
le mensonge peut prendre. Et ce sont des formes d'action politique.
Le menteur est ho d’action ce que n’est pas le diseur de vérité (rationnelle ou de fait). Si le diseur de
vérité veut jouer un rôle politique, donc persuader, il va essayer de prouver pourquoi sa vérité sert
les intérêts d’un groupe. Il est comparable au philosophe qui remporte une victoire à la Pyrrhus qd
sa vérité devient une opinion dominante : qd il pénètre dans le domaine politique et affirme vouloir
servir les intérêts d’un groupe particulier, le diseur de vérité de fait gâche la seule qualité qui rendait
sa vérité plausible : sa bonne foi qui reposait sur son impartialité. Son impartialité étant mise à mal
par le fait qu’il prétend servir les intérêts d’un groupe, il n’est plus considéré comme indépendant ni
intègre. Il éveille le soupçon car on pense qu’il a un intérêt à soutenir sa vérité. Ce n’est pas le cas
du menteur, qui n’a pas besoin de convaincre pr occuper une place sur la scène politique : il est «
acteur par nature » (p. 319). Il modifie le monde en disant ce qui n’est pas et ce qu’il voudrait que
les choses soient. « Il dit ce qui n'est pas parce qu'il veut que les choses soient différentes de ce
qu'elles sont, c'est-à-dire qu'il veut changer le monde. Il tire parti de l'indéniable affinité de
notre capacité d'agir, de changer la réalité avec cette mystérieuse faculté que nous avons qui
nous permet de dire ‘’Le soleil brille’’ quand il pleut des hallebardes » (p. 319).
Mensonge et liberté.
Cette capacité humaine à mentir appartient au domaine de la liberté. Nous sommes libres de
changer les circonstances dans lesquelles ns vivons. Nous utilisons simplement mal cette liberté
lorsque ns mentons. Le politicien professionnel (contrairement à l’historien professionnel qui
s’interdit cette liberté), éprouve cette tentation irrésistible de trouver tjs des excuses au mensonge et
au travestissement des faits.
- Vérité et action.
Normalement, elle tend à la simple acceptation des choses (ce qui ne signifie pas que des
organisations politiques ne puissent pas légitimement utiliser la révélation des faits ou que certains
faits rendus publics ne puissent pas venir appuyer certaines revendications). La bonne foi ne
contribue pas à changer le monde. Elle n’est pas action sur le monde, et partant, on ne la considère
pas vraiment comme une vertu politique. Elle n’a de véritable valeur que lorsqu’un groupe se lance
dans le mensonge organisé par principe : là, la bonne foi devient, par opposition, une force politique
réelle. Lorsque tout le monde ment, le diseur de vérité agit vraiment. « Lui aussi s'est engagé dans
le travail politique car, dans le cas improbable où il survit, il a fait un premier pas vers le
changement du monde »
Malgré tout, il se retrouve selon HA « en fâcheux désavantage ». Retour sur la contingence des
faits, qui auraient tjs pu se dérouler autrement. Ils n’ont donc aucune trace de nécessité dans l’esprit
humaine, « aucune trace d’évidence ou de plausibilité » (p. 320). Le menteur, qui lui se sent libre de
modifier les faits à sa guise, selon le bon plaisir et les attentes de ceux qui l’écoutent, semblera tjs
plus convaincant. Il a « la vraisemblance de son côté » (p. 320). Son argumentaire paraît « plus
logique » dans la mesure où il fait disparaître comme par hasard « l’élément de surprise » qui
caractérise tout événement réel.
- Le phénomène de la manipulation de masse du fait et de l’opinion.
Phénomène récent. Il apparaît dans la réécriture de l’histoire, dans la fabrication d’images de la part
de ceux qui nous gouvernent. Opposition entre ce qui se faisait auparavant et ce qui se fait à
l’époque moderne.
Le mensonge traditionnel en politique / la manipulation de masse
♣ Traditionnellement (auparavant) :
> On utilisait clairement le mensonge politique en politique, dans la diplomatie, sur des secrets (des
données que le public ne connaissait pas) ou sur des intentions (ce qui n’a pas un vrai degré de
certitude, car il s’agit de ce qui se passe à l’intérieur de l’être donc il s’agit de potentialités).
> But : tromper l’ennemi.
> moyen : cacher
> se remarque facile car fait un trou dans le tissu des faits : « Comme tout historien le sait, on
peut repérer un mensonge en observant des incongruités, des trous ou les jointures des
endroits rafistolés. Aussi longtemps que la texture en son tout est conservée intacte, le
mensonge se montrera par la suite comme spontanément »
> le menteur connaît la vérité
♣ Aujourd’hui :
>Le mensonge aborde ce que tout le monde sait (donc pas des secrets). C’est le cas « de la
réécriture de l'histoire contemporaine sous les yeux de ceux en ont été les témoins, mais c'est
également vrai dans la fabrication d'images de toutes sortes, où, de nouveau, tout fait connu et établi
peut être nié ou négligé s’il est susceptible de porter atteinte à l'image » (p. 321). L’image,
contrairement au portrait de jadis, ne devrait pas « flatter la réalité » mais la reproduire, en être « un
substitut complet ». Or, la technologie et les média de masse font que les images circulent bcp plus
vite au moment où HA écrit (NB : et encore plus vite maintenant d’ailleurs). Des hommes d’Etat
ultra reconnus et respectés, comme DG ou Adenauer, ont édifié leur politique sur des « non-faits »
tels que la France, vainqueur de la 2e gm est par conséquent une grande puissance, et n’a guère été
affectée par « la barbarie du national-socialisme » (p. 321).
> nécessite un réarrangement complet de la réalité des faits, « la fabrication d'une autre réalité,
pour ainsi dire, dans laquelle [les faits] s’emboîteront sans couture, lézarde ni fissures,
exactement comme les faits s’emboîtaient dans leur contexte original », le résultat est le
suivant : ces « histoires », ces « faits nouveaux » seront « un substitut adéquat de la réalité ».
> But : tromper tout le monde, y compris ses concitoyens
> Moyen : détruire. C’est un pas vers la violence (ex de Trotsky, effacé des livres d’histoire et tué
au même instant)
> Auxiliaires : les images (même modalités que la publicité)
> le menteur finit par se tromper lui-même. Remarques :
* quand on change toute la réalité et que l’on ment à tout le monde autour de nous,
on finit par se duper soi-même. « Notre appréciation de la réalité dépend de notre partage du
monde avec les autres hommes ». Histoire du guetteur médiéval.
*Utilité de se mentir à soi-même pour être plus crédible.
*mais il est pire de se mentir à soi-même que de mentir aux autres, dans le deuxième
cas, la vérité existe toujours puisque le menteur la connaît ; dans le premier, elle disparaît car
le menteur se dupe lui-même et ne sait plus la vérité.
Même dans le monde libre, où ceux qui dirigent n’ont pas le pouvoir de dire ce qui est ou n’est pas,
on généralise la raison d’Etat, autrefois réservée aux affaires étrangères, et aux situations graves et
urgentes. La propagande gouvernementale a pris ses leçons de la publicité et du monde des affaires
(désignée ici par la métaphore d’une rue de Manhattan : Madison avenue). La publicité fabrique des
images pour la « consommation domestique » : ces images deviennent la réalité pour ceux qui
conçoivent ces images, comme pour leurs « victimes ». // avec ceux qui veulent tromper leurs
ennemis, par des images mensongères qui vont inspirer ce que HA appelle les « persuadeurs cachés
» (forme d’influenceurs secrets). Ces images peuvent influencer des groupes entiers de gens, même
à l’échelon international, alors qu’elles étaient censées juste manipuler l’ennemi. Le résultat selon
HA est que tout le monde (trompeurs et trompés) œuvre à préserver cette image, qui est finalement
plus menacée de l’intérieur, par ceux qui persistent à se référer à des faits exacts, que par l’ennemi
qui devait être trompé. Ce n’est pas l’ennemi qui menace la fausse image à laquelle on a voulu lui
faire croire : il y croit. Et seuls ceux qui ont réussi en interne à échapper à cette influence vont être
une menace pour cette image mensongère, donc peu de gens). Ceux qui disent la vérité passent alors
pour plus dangereux que les ennemis réels. C’est un argument contre « la tromperie de soi ».
♣ Le mensonge a une affinité avec l’action, avec le changement du monde, avec la politique mais
cette affinité est limitée par la nature même de l’action (l’action est forcément liée au futur) = le
mensonge change le présent et le passé pour changer le futur, or, le passé et le présent ne peuvent
être réellement modifiés puisqu’ils sont déjà terminés. Csq : instabilité, fuite en avant de ceux qui
mentent sur les vérités de fait, pas de futur possible.
♣ « les faits sont supérieurs au pouvoir, ils sont moins passagers que les formations du
pouvoir, qui adviennent quand des hommes s’assemblent pour un but mais disparaissent
quand le but est atteint ou manqué. Ce caractère transitoire fait du pouvoir un instrument
hautement incertain pour mener à bien une permanence d'aucune sorte et par conséquent non
seulement la vérité et les faits ne sont pas en sécurité entre ses mains, mais aussi bien la non-
vérité et les non-faits ». Les faits ne sont pas en sécurité entre les mains du pouvoir MAIS le
pouvoir ne peut substituer quoi que ce soit à une réalité factuelle passée, qui est stable justement
parce qu’elle est passée. On ne peut plus y toucher. « Les faits s’affirment eux-mêmes par leur
obstination ».
Section V : Conclusion
- Paradoxe de la vérité :
Elle est fragile et forte en même temps : « ceux qui sont au pouvoir sont incapables d’en découvrir
ou inventer un substitut viable » ; « la persuasion et la violence peuvent détruire la vérité mais pas
la remplacer ».
- la réalité ne peut être connue telle qu’elle est vraiment : « Qui dit ce qui est – legei ta eonta –
raconte tjs une histoire », dans laquelle les faits perdent leur contingence, et prennent un
sens.
= l’historien ou le romancier nous permettent de comprendre le monde, les faits même s’ils sont
déformés par leurs « états d’âmes ou leurs mouvements du cœur » nous apprennent qqchose du
monde. Par la catharsis, purgation des passions, on accepte les faits tels qu’ils sont décrits. « de
cette acceptation, qu’on peut aussi appeler bonne foi, surgit la faculté de jugement ».
= historien et romancier poursuivent de façon désintéressée la vérité (le 1 er à le faire est Homère qui
s’est autant intéressé au sort des Grecs – « son camp », qu’à celui des Troyens)
- Mea culpa final sur le pessimisme dont Arendt admet avoir fait preuve dans ce passage sur
le pouvoir et la politique.
- conclut par une définition de la vérité : « ce que l’on ne peut pas changer », et «
métaphoriquement, elle est le sol sur lequel nous nous tenons et le ciel qui s’étend au-dessus
de nous ».
Résumés et notes sur « Du Mensonge en politique », in Du Mensonge à la violence, Hannah
Arendt (traduction par Guy Durand).
- La tromperie en politique
Arendt évoque différentes façons d’interpréter, de lire les documents du Pentagone. Finit par
l’opinion qui selon elle serait la plus répandue : ces documents posent le problème de la
tromperie en politique. Ce phénomène va déclencher ce qu’elle appelle « la célèbre crise de
confiance envers le gouvernement ».
Critique de l’infrastructure de la politique intérieure et extérieure des EU par l’image des
« sables mouvants » (pr représenter le danger, la complexité et l’inconfort du lecteur qui va
se confronter aux déclarations mensongères, à la tromperie consciente, à l’autosuggestion
que révèlent ces documents). + Image de la maladie / pour désigner la tromperie et le
mensonge : « le mensonge a pu proliférer au sein de tous les services officiels, tant civils
que militaires ». Autre critique : tout cela a été fait sciemment.
Le secret et la tromperie existe en politique depuis toujours : « Le secret […], la tromperie,
la falsification délibérée et le mensonge pur et simple employés comme moyens
légitimés de parvenir à la réalisation d'objectifs politiques font partie de l'histoire […]
La véracité n’a jamais figuré au nombre des vertus politiques, et le mensonge a
toujours été considéré comme un moyen parfaitement justifié dans les affaires
politiques. »
Rmq : le mot « véracité » est utilisé ici et pas « vérité » : ce qui intéresse Arendt ici est la façon
dont les dirigeants rapportent et expliquent les faits connus de tous. Arendt rappellera plus loin
que « La falsification délibérée porte sur une réalité contingente, c’est-à-dire sur une
matière qui n’est pas porteuse d’une vérité intrinsèque et intangible, qui pourrait être
autre qu’elle n’est. » càd que si le mensonge existe / s'avère si facile, c'est qu'il n'y a pas de
vérité absolue, autrement dit le mensonge est mensonge mais en d'autres circonstances, il
pourrait être vrai !
- Constat d’un paradoxe : les renseignements, les données sur l’état des troupes et de
l’avancée de la guerre rapportés par les services secrets sont véridiques et fiables ; pourtant,
on ne les a pas pris en compte pour les décisions, et on ne les a pas utilisés dans la
communication.
= La principale révélation de ces documents du Pentagone c'est qu'il n'y a eu AUCUN rapport entre
les faits du terrain ET les décisions prises pr cette guerre. Manipulation / mensonge délibérés.
- Liste d’objectifs fixés par les EU, pourtant irréalisables :
Arendt liste une série d’objectifs irréalisables successivement adoptés et annoncés, dans le conflit
du Vietnam avec la Chine : « On trouve, en premier lieu, les objectifs publiquement annoncés :
‘’Veiller à ce que le peuple sud-vietnamien puisse librement déterminer son avenir’’ », ou « ‘’aider
le pays à gagner [son] combat contre la conspiration communiste’’ ». Il en va de même des
considérations tactiques ? très fluctuantes également : bombardement du nord du Vietnam pour
éviter un effondrement du moral national à Saigon, alors que le gouvernement était déjà renversé à
Saigon et que le désastre régnait dans la ville. Il a fallu retarder les raids pour le bombardement et
inventer une nouvelle justification.
But ? Garder une bonne image des EU (Première puissance mondiale) et de son président. Gagner
les combats et sauver les troupes n’est plus l’objectif premier. Les documents du Pentagone
indiquent bien « la hantise de la défaite et de ses conséquences, non sur le bien-être de la nation,
mais ‘’sur la réputation des É-U et de leur Président’’. »
- Mensonge : n’est pas destiné à tromper l’ennemi mais le Congrès, les américains et les
alliés. Pour la première fois, une guerre et les mensonges de guerre servent une image.
On change d’objectif et de communication en fonction du public à qui l’on s’adresse.
Toutes sortes de scénarios qui coexistent et devaient répondre « à l’attente d’un ‘’public’’ différent »
(page 28), d’ailleurs McNaughton était sûr d’une déroute au Vietnam, mais voyait les choses en
termes d’image et de persuasion.
Franchise des objectifs affichés par McNaughton en 65, où l'on voit que l'idéal démocratique n'est
pas la priorité : "70%-éviter une défaite USA humiliante / 20% préserver le territoire Sud Vietnam
de la menace chinoise / 10% permettre au peuple du Sud Vietnam de bénéficier d'une genre de vie
meilleure et plus libre" En 1964, il pensait qu’il fallait quoi qu’il arrive maintenir l’intégrité du
Vietnam assez longtemps pour évacuer les troupes et « ‘’persuader le monde du caractère unique
du conflit sud-vietnamien et de l’impossibilité d’y apporter une solution satisfaisante’’ » (page
28).
Il est naturel peut-être que les dirigeants croient en la toute-puissance de la manipulation sur
l’esprit des hommes et pensent qu’elle peut permettre de dominer réellement le monde, mais ce qui
surprend Arendt, c’est le zèle et l’enthousiasme apportés par certains intellectuels à « cette
entreprise axée sur l’imaginaire » (page 31). Peut-être est-ce comme un jeu pour eux avec « des
exercices intellectuels » (page 31). La réalité (« l’emploi du napalm et des projectiles antipersonnels
» par ex) et le bon sens commun ne touchent pas ces hommes qui continuent, « imperturbablement,
à préparer leurs scénarios ‘’appropriés à chacun des publics’’ dont il fallait modifier l’état d’esprit »
(page 32) Mais ces spécialistes de la solution des problèmes se sont trompés, aveuglés et n'ont pas
vu qu'appeler à la contemplation de ce que les EU étaient capables de faire pour "sauver" un "pays
ami" pouvait susciter plus l'effroi et le dégoût que l'admiration !
Erreur de communication et confusion entre stratégie de guerre et gestion des relations
publiques :
« la principale erreur, l’erreur de jugement fondamentale, fut de s’adresser à ces publics en
employant le langage de la guerre, de décider de problèmes militaires ‘’dans une perspective
politique et de relations publiques’’ […] et de songer non aux risques réels, mais aux
‘’techniques permettant de minimiser les conséquences d’une issue défavorable’’. » (page 33).
« A aucun moment, il ne semble être venu à l'esprit de Mc Naughton, l'auteur de ce
mémorandum, homme exceptionnellement intelligent sans aucun doute, que ces opérations de
diversion, contrairement à ce qui se passe au théâtre, auraient des conséquences graves et
totalement imprévisibles (page 33) > un « éloignement des réalités » (page 33) qui choquera tout
lecteur des documents du Pentagone. + Arendt remarque que ces stratégies n’ont pas fonctionné et
le public ne s’est pas laissé totalement berné
Rmq : utilisation du vocabulaire du théâtre/ ciné pr évoquer ce phénomène. Utilisation ironique du
mot jeu
- Remarque d’Arendt sur les différentes façons d’utiliser les agents secrets :
Les actions parallèles, secrètes, sur le terrain, politique menée sous Eisenhover (pensait que
le Congrès ne lui permettrait pas une guerre officiellement déclarée. Il était respectueux de la
Constitution (ce que HA qualifie ironiquement de « démodé »).=> impression et diffusion de tracts
mensongers attribués au camp adverse, sabotage des moteurs d’autobus, rétributions des services
d’astrologues vietnamiens = « phase bouffonne ». Après 1963, les seules traces d’opérations
clandestines touchent à la stratégie de provocation : tout est fait pour provoquer la République
démocratique du Vietnam et justifier une campagne aérienne systématique
Les services de renseignement : indépendants des services de guerre clandestine, chargés de
rapportés fidèlement les infos glanées sur le terrain, sans aucun succès car aucune influence.
Les sections des services de renseignement n’étaient ainsi pas tenues d’inventer « de mirifiques
histoires » témoignant de progrès illusoires, car on ne leur mettait aucune pression. Donc, elles «
bénéficiaient d’une indépendance relative, et de ce fait, elles n’ont pas cessé de dire la vérité,
d’une année sur l’autre. »
Arendt va montrer que toutes les théories suivantes sont en fait démenties par les faits et les
renseignements obtenus par les services secrets. Pb : c’est sur ces théories que l’on a fondé les
décisions militaires
La théorie des dominos
Théorie selon laquelle les pays autour du Vietnam Nord et de la Chine vont petit à petit devenir
communistes. Faux selon deux rapports de la CIA sauf peut-être pour le Cambodge.
La conspiration communiste extérieure qui soutiendrait les vietnamiens.
Faux : le conflit est avant tout une guerre civile entre les Vietnamiens du Sud eux-mêmes. Pourtant,
on prend la décision de bombarder le Vietnam du Nord pour couper les vivres aux Viêt-Cong.
Conspiration monolithique communiste mondiale menée par le bloc sino-soviétique.
Faux : mésentente Moscou / Chine. + But de contenir la Chine atteint très tôt et la guerre a pourtant
continué
Désir secret d’impérialisme ?
Certains ont cherché des explications à de telles contradictions et ont proposé la théorie d'une
volonté d'une politique impérialiste des USA après la 2 WW: « l’Amérique qui, à la fin de Seconde
Guerre mondiale, est apparue comme la première puissance, se serait lancée depuis lors dans une
politique impérialiste, dans le but de s’assurer finalement de la domination du monde. » (page 42)
Mais ce n'est pas convaincant et l’opinion publique l’a bien compris en jugeant que « la classe
dirigeante est devenue folle » (43). On ne trouvera presque rien, ds les documents du Pentagone, pr
étoffer cette théorie d'une volonté impérialiste.
Ignorance : les dirigeants américains n’ont pas pris la peine de se documenter sur le Sud-
Asie ni de lire les rapports très précis et détaillés des services secrets.
Les dirigeants ignorent tout de la révolution chinoise ainsi que des différends entre Moscou et
Pékin, de même que personne ne savait que depuis deux mille ans les Vietnamiens n’avaient cessé
de combattre des envahisseurs extérieurs (et donc qu'ils sont attachés à leur indépendance et pas si
prêts que cela à subir le joug de la Chine ou de la Russie !). En outre, le Vietnam est tout sauf une
"petite nation arriérée", c’est une nation évoluée. « Ce dont le Vietnam est dépourvu, ce n’est pas
‘’culture’’ mais d’importance stratégique […], pas de terrain propice aux évolutions d’une
armée moderne mécanisée, pas de cible de grande importance pour des bombardiers aériens.
» (page 49)
Arendt reprend la question su spécialiste Ellsberg : Comment ont-ils pu ? => Comment ont-ils pu
s’obstiner auVietnam et ne pas voir les csq dramatiques pour le pays ?
Constat : après 2GM, les EU = « le pays le plus riche et la puissance dominante dans le monde »
puis après la guerre du Vietnam, le président Nixon parle « d’un géant impuissant et pitoyable »
(EU ont été incapables de triompher d’une petite nation, de résoudre leurs problèmes intérieurs,
d’arrêter la dégradation dans leurs grandes villes > inflation, dévaluation du dollar). Retour du
mythe de David contre Goliath.
Explications :
L’autosuggestion (explication pas suffisante selon Arendt).
Fonctionnement de l’autosuggestion : le trompeur se trompe lui-même. Ex de l’anecdote du
guetteur médiéval (déjà utilisé dans l’article « Vérité et politique » section IV) « On peut en
conclure que plus un trompeur est convaincant et réussit à convaincre, plus il a de chances de
croire lui-même à ses propres mensonges. »
Les décideurs de cette guerre n’ont pas tout à fait réussi à manipuler l’opinion, « l’esprit » des gens.
Pour quelle raison ? les EU sont demeurés une nation libre, où les citoyens avaient accès à d’autres
sources d’info que les infos officielles, sources contradictoires, d’ailleurs la publication des
documents du Pentagone n’ont pas vraiment apporté « de révélations spectaculaires »
Processus d’autosuggestion s’est comme inversé : les trompeurs ont commencé à se tromper
eux-mêmes, persuadés de leur capacité à manipuler les autres. Se sont tromper car se sont
coupés des réalités :
« Les trompeurs ont commencé par s’illusionner eux-mêmes. Du fait sans doute de la position
élevée qu’ils occupaient et de leur imperturbable confiance en eux-mêmes, ils étaient tellement
convaincus de pouvoir remporter un succès total (…) ds le domaine des relations publiques »
« Comme de toute façon ils avaient choisi de vivre à l’écart des réalités, il ne leur paraissait
pas plus difficile de ne pas prêter attention au fait que leur public refusait de se laisser
convaincre que de négliger les autres faits. »
Rmq d’Arendt : ils se sont d’autant plus facilement coupé des réalités qu’ils y ont été habitués par
leur formation universitaire (image des érudits dans leur tour d’ivoire).
But de la manipulation des infos => « la défaite leur paraissaient moins redoutable que la
reconnaissance de la défaite » + dans le but de préparer les élections présidentielles, afin que « le
Président en fonction ne soit pas le premier président des EU à perdre une guerre.
Autosuggestion dangereuse en politique car on se coupe des réalités. Les dirigeants avaient
accès aux faits par les services de renseignement mais ont tout fait pour les effacer, pour les
remplacer par une autre réalité, pour atteindre la justification de la solution prévue, au
moyen de techniques, de calculs, de stratégies. Rmq d’Arendt : le conflit semble avoir été
géré par un ordinateur, pas par des hommes capables « d’apprécier » la situation. Leur
confiance en eux-mêmes reste « intacte en dépit de tant d’erreurs de jugement car elle se
fondait sur une vérité purement rationnelle et mathématique » (page 55) et dc même pas
besoin de l'autosuggestion ; le problème est que cette vérité est dépourvue de liens avec la
réalité, tout est fondé sur les pourcentages de chance et les chiffres.
Comparaison avec le parieur (comparaison ironique) : les dirigeants n’ont même pas su
gérer la guerre comme un parieur prudent évalue les risques que pourraient représenter les
pertes d’argent au jeu pour son train de vie quotidien.
Les EU n’ont pas su comprendre que le pouvoir, même celui d’une superpuissance, a tjs des
limites (= « mythe périlleux de l’omnipotence »). Forme d’autodestruction. Les
dirigeants n’ont pas vu d’autres limites que les limites psychologiques (acceptation par
l’opinion publique des pertes humaines par exemple, ces dernières ne devaient pas dépasser
le nombre de tués par accident de la route), ils n’ont pas vu qu’ils ne pouvaient pas « se
permettre de dépasser certaines limites de dépenses sans courir à la faillite ».
Arendt parle de « la combinaison suicidaire de l’arrogance du pouvoir (recherche d’une
image d’omnipotence) combinée à l’arrogance de l’esprit (une confiance totalement
irrationnelle dans la possibilité de mettre la réalité en équation) » => les spécialistes de
la solution des problèmes ne se soucient plus des csq de leurs décisions pour leurs ennemis
ni pour leur propre nation mais seulement de l’image que cette dernière renvoie.
Avant les spécialistes de la solution des problèmes, il y a eu les idéologues de la guerre
froide (anticommunisme globalisant), aux méthodes plus simples mais dans le même esprit
de la négation des réalités, eux aussi ne juraient que par la théorie, ruinant "l'aptitude de
l'esprit à juger et à apprendre". Ils interprètent tout à la lumière de // absurdes ac des
événements de la 2GM. « Ils étaient incapables d’apprécier la réalité en elle-même, car
ils avaient toujours présent à l’esprit quelque parallèle qui les ‘’aidait’’ à l’interpréter.
» Et les hommes de gauche qui étaient contre la guerre faisaient eux aussi des comparaisons
absurdes : tout massacre devient « génocide », toute personne qui leur déplaît est un « nazi
».
Les spécialistes de la solution des problèmes ont transformé en fait de simples hypothèses =
fatale erreur.
Théorie de Walt Rostow pour légitimer le bombardement du Vietnam du Nord
(contrairement à l’avis de l’équipe de McNamara) : théorie qui s’appuie sur l’opinion de
Bernard Fall qui avait suggéré que Hô Chi Minh pourrait cesser de soutenir toute
opération de guerre dans le Sud si on prenait pour cibles ses nouvelles installations
industrielles. C’était une simple hypothèse à confirmer. Hypothèse qui fut cependant
transformée en « fait » : Hô Chi Minh a désormais un complexe industriel à protéger, «
‘’ce n’est plus un guérillero qui n’a rien à perdre’’ » L’analyse qui envisage cela après
coup pensera que c’est une « colossale erreur de jugement », colossale car personne ne
l’a corrigée en temps utiles (en fait, le Vietnam nord n’était pas si attaché que ça à ses
industries, encore balbutiantes et était bien décidé à ne pas laisser briser sa volonté).
Rmq => Paradoxe : « Il n’est pas douteux que cette impossibilité de distinguer entre une
hypothèse plausible et le fait qui doit la confirmer, c’est-à-dire le fait de traiter des
hypothèses et des ‘’théories’’ comme s’il s’agissait de faits établis, qui devint endémique
au cours de cette période dans les sciences sociales et la psychologie, est tout à fait
opposée à la rigueur des méthodes de ceux qui utilisent la théorie des jeux et l’analyse
des systèmes. »
Comment ont-ils pu s’engager dans cette politique et « la poursuivre jusqu’à son terme le
plus amer et le plus absurde » ? gérer les choses dans l’abstrait paraît tout indiqué quand on
poursuit des objectifs abstraits, « en dehors des réalités »... Comment pourrait-on
s’intéresser à une réalité aussi bien définie que celle de la victoire sans en attendre des gains
territoriaux ni d’avantages économiques ? Ainsi, les buts ont été dévoyés : ne pas prêter
attention au pays en lui-même en tant que but devint « ne pas prêter attention à l’ennemi » et
ce, en pleine guerre. Donc l’ennemi, « trompé et cruellement frappé » ne cessa de se
renforcer tandis que le prétendu pays le plus puissant du monde ne cessait de s’affaiblir. Des
historiens disent que Truman décida d’envoyer la bombe sur Hiroshima pour effrayer les
Russes et éviter leur mainmise sur l’Europe de l’Est, c’est sans doute vrai et en réalité cela
est sans doute la base d’un « certain refus d’envisager les conséquences réelles d’une
action entreprise en vue d’un certain résultat »
Existence d’une enquête interne, les dirigeants américains ont su se remettre en question
Cet effort gigantesque et systématique d'analyse interne fut fait à la demande d'un des principaux
responsables (McNamara) qui a décidé de diffuser les documents du Pentagone parce qu'il s'est
rendu compte que personne ne s'en souciait! et qui chercha à "découvrir les erreurs commises" et les
confia au journal le plus respectable pour en assurer une large diffusion : sursaut de dignité et
d’humanité qui préserva pendant un court instant la réputation des É-U dans le monde. Il s’est
soudain souvenu qu’il devait à ses aïeux «’’le respect dû à l’opinion de l’humanité’’»