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Avant-propos 6
I - Vingt ans après 7
Fin de régime 7
Le « pacte » Carignon 10
« L’acte le plus grave pour un élu » 12
Tel le Phénix 14
En bande organisée 16
Toutes ces affaires... 17
L’île de Bontés 20
Au royaume des aveugles... 24
« La République des mallettes » 26
II - Dans les écuries d’Augias 29
À l’ombre du « secret défense » 29
Le courage de la vérité 32
Prophètes 36
« Une coupe d’or, pleine d’abominations » 39
Cahuzac, vu de Genève 40
Cahuzac, dans les radars des « services spéciaux » 44
Une justice toujours sous contrôle 46
Un verrou en or massif 48
De quoi François Hollande est-il le nom ? 50
On prend les Mnef et on recommence ? 51
On a gagné des milliards ! 54
« Son amie, c’est la finance ! » 55
III - Penser la corruption 57
Des rencontres remarquables 58
Physiologie du dégoût 61
Pour en finir avec la « gouvernance » 63
La vérité éthique du porte-voix 65
IV - Politique du crime organisé 66
La « coterie trafiquante » 66
Les oligarques 70
La nausée 72
V - La République en danger 74
Une démocratie à la dérive 76
Prédateurs 78
VI - Les « triple A », corrupteurs universels - Anthropologie 79
La corruption, une constante anthropologique 80
Au-dessus du plafond de verre 82
En passant par l’Afrique, l’Inde, l’Asie, le Brésil... 84
La paille et la poutre 86
VII - Banalité de la corruption - Sociologie 88
En zone grise 88
« L’esprit de corruption » 90
VIII - Destruction d’une civilisation 93
Le temps des assassins 93
Crise de l’Esprit 95
La corruption des SS 95
Amour de l’or, culte du sang 98
IX - Métaphysique 103
Dans la « ruche prospère » 104
L’anti-péché originel 105
Métaphysique des mœurs 106
Anomie 107
Nihilisme 110
Intérêt 113
« L’argent fou » 113
X - L’esprit de résistance 117
Servitude volontaire 117
Petit-bourgeois 119
La Loi 122
Résistants 125
République 127
XI - Pour une révolte civique 129
La chute de Rome 130
Machiavélisme 132
Républicanisme 134
« Ami, entends-tu ? » 137
In memoriam Jean-Pierre Vemant
Avant-propos
Jamais, depuis la Libération, notre République n’a été à ce point
corrompue. Faire l’inventaire de la progression du mal au cours des vingt
dernières années, en prendre toute la mesure, est absolument nécessaire et
relève, étant donné l’omertà qui étouffe la presse et interdit le vrai débat
public, du « courage de la vérité ». Mais les révélations journalistiques,
fussent-elles les plus significatives, ne sont plus suffisantes.
Depuis quelque trois mille ans, sagesses, philosophies et religions ont édifié
un trésor de réflexions métaphysiques et de suggestions pratiques propres à
nous apprendre à lutter contre la corruption, ainsi qu’une éthique quasi
universelle. En reprendre, à nouveaux frais, la grande leçon aidera à éclairer
et mieux motiver celles et ceux qui luttent contre le pourrissement de notre
monde. Et, peut-être, à susciter chez chacun de nous le renouveau du désir —
civique, démocratique et républicain — d’une Cité vertueuse, et donc plus
heureuse.
I - Vingt ans après
Mais le problème de la justice est qu’elle vient après le
mal. Or, la course du mal se fait aussi dans le temps. Le
mal se sert du temps pour agir : se perpétrer et se perpétuer.
Quand la justice attend trop longtemps, le mal, qui a déjà
accompli sa course, efface ses traces.
Depuis plus de trois ans que j’enquête sur l’évasion fiscale et sur les
corruptions qui lui sont organiquement liées, j’ai souvent fait les mêmes
constats que certains de mes confrères. Les informations, témoignages et
documents que j’ai réunis en abondance, vérifiés et mis en sûreté, dessinent
un paysage de prévarication généralisée dont l’horizon déborde
outrageusement les « affaires », pourtant gravissimes, liées à la « garde
rapprochée » de Nicolas Sarkozy et à l’ex-président de la République lui-
même.
À l’ombre du « secret défense »
Du coup, j’ai bien du mal à comprendre pourquoi certaines opérations
d’évasion fiscale et de blanchiment, parmi les plus importantes de celles que
j’avais moi-même dévoilées en mars 2012 dans Ces 600 milliards qui
manquent à la France, n’ont pas été explorées judiciairement, alors qu’il est
évident que l’instruction menée à Bordeaux, quant au financement
éventuellement illégal de la campagne électorale de Nicolas Sarkozy en 2007,
s’en serait trouvée confortée. C’est ainsi qu’au jour où j’écris ces lignes, je
m’étonne que le financier et un certain officier de police qui pourraient
produire tel document confidentiel (que je possède) et une analyse détaillée
sur telle opération de blanchiment portant sur quelque 20 millions d’euros
entre la Suisse et la France, de 2007 et 2010, n’aient jamais été entendus par
la police ni par la justice pour éclairer ces faits. En page 183 du livre,
j’écrivais pourtant explicitement : « Les juges d’instruction du tribunal de
grande instance de Bordeaux n’arrêteront plus leurs considérables
investigations. Au-delà du “trésorier” Éric Woerth, ils remonteront
inexorablement jusqu’à la tête du système de corruption nationale qui, sous
les chefs de trafic d’influence et de complicité à l’évasion fiscale, a couvert,
depuis plus de quinze ans, une fraude phénoménale aux frais des
contribuables français. »
Coupable optimisme ! Car en conclusion de leur instruction judiciaire sur
l’affaire Bettencourt, en juillet et octobre 2013, les juges de Bordeaux n’ont
envoyé que des seconds couteaux, parmi lesquels figuraient tout de même
Éric Woerth et Patrice de Maistre, au tribunal correctionnel...
Afin de protéger une source trop exposée, j’ai enregistré, le 28 mai 2014, le
témoignage détaillé du financier en question. C’est lui qui a relevé et
conservé tous les mouvements de fonds en cascade qui ont masqué une
opération « d’évasion fiscale, de blanchiment et de recel de blanchiment
provenant de l’évasion fiscale » de Liliane Bettencourt. Cet enregistrement
contient tous les noms des fonctionnaires, et même des hauts fonctionnaires
du renseignement intérieur (Tracfin, DST, RG, puis DCRI), du
renseignement militaire et du ministère de la Défense qui, de 2003 à 2011,
ont systématiquement recueilli les informations les plus complètes et les plus
sensibles sur les activités illégales de la banque UBS. Cet homme m’a
affirmé alors que tous s’intéressaient particulièrement aux mouvements des
comptes Bettencourt. L’enregistrement a été confié à un tiers de confiance,
lequel saurait, en cas de besoin, comment lui donner le plus grand
retentissement.
Le 5 juin suivant, ce financier a été longuement entendu par les juges
d’instruction du pôle financier du tribunal de grande instance de Paris, qui
mènent, depuis le 12 avril 2012, une information judiciaire sur l’évasion
fiscale organisée par la banque suisse UBS. Déjà, en avril 2013, les mêmes
juges avaient entendu, comme témoin, un officier du renseignement intérieur
(DCRI) qui avait eu connaissance, et dans le détail, de la protection organisée
— sous couvert du « secret défense » — par certains dirigeants et au moins
un autre officier de la DCRI, de l’organisation de l’évasion fiscale à grande
échelle, du nom des grands fraudeurs et clients VIP de la banque suisse,
parmi lesquels Liliane Bettencourt...
Cette audition très importante avait suivi de peu la saisie, par les mêmes
juges d’instruction, d’une note confidentielle remise par un collectif
d’officiers de renseignement et de police à un député socialiste intrépide qui
travaillait sur l’évasion fiscale et la grande délinquance économique et
financière. J’avais moi-même publié la substance de ce document, dans La
Croix du 5 avril 2013, ce qui a déclenché, je le note en passant, d’étranges
réactions de la part de certains de mes soi-disant « confrères », notamment
une délation calomnieuse d’une de mes sources, sur la base d’insinuations —
non recoupées ni vérifiées — distillées par la direction de la DCRI et par des
responsables du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, Bruno Le Roux et
55
Jean-Jacques Urvoas . Dans un beau livre consacré à l’exercice de notre
métier, Edwy Plenel a très judicieusement brocardé « notre époque un peu
basse » et ce « désastre devenu trop fréquent », quand « des journalistes se
livrent eux-mêmes à la chasse aux sources d’autres journalistes, concurrents
56
ou dérangeants, afin de les discréditer ou de les contredire ».
Voici ce que l’on pouvait lire dans mon article à propos du rapport des
officiers de renseignement et de police insurgés : « Cette note très précise,
que La Croix a pu consulter, encourage les élus à interroger, si possible dans
le cadre d’une commission d’enquête parlementaire, les anciens et actuels
patrons ou responsables de la DCRI (dont Bernard Squarcini, Gilles Gray,
Éric Bellemin-Comte...), notamment celles et ceux qui étaient et sont encore
chargés du renseignement économique et financier, ainsi que ses chefs du
“département sécurité” ou du “groupe action” de la sous-direction chargée du
renseignement économique. Car les auteurs de la note se livrent à un véritable
réquisitoire, révélant d’une part la surveillance étroite opérée par le
renseignement intérieur sur l’organisation de la fraude fiscale internationale,
notamment celle qui fut organisée en France par la banque suisse UBS, et
dénonçant d’autre part la non-transmission à la justice des informations
considérables recueillies lors de cette surveillance. “Pourquoi, après avoir
découvert cette infraction pénale [NDLR : celle commise par UBS], la sous-
direction K [renseignement économique et financier] de la DCRI ne l’a-t-elle
pas dénoncée au procureur de la République [...] ? Pourquoi la sous-direction
K a-t-elle axé son travail de surveillance sur les cadres de l’UBS qui
dénonçaient le système de fraude plutôt que sur ceux [qui étaient] à l’origine
du système ?”, peut-on lire dans ce document confidentiel. Plus grave encore,
les rédacteurs de la note pointent du doigt “les services extérieurs à la DCRI
qui ont travaillé sur le dossier Tracfin [Traitement du renseignement et action
contre les circuits financiers clandestins]” concernant l’organisation de
l’évasion fiscale massive de la France vers la Suisse, notamment le service
interministériel d’intelligence économique. Selon l’un de ces officiers, “la
presque totalité des cadres de la DCRI et de ces autres services de police ou
de renseignement, toujours en responsabilité, sont ceux qui ont servi avec
zèle le président de la République précédent”. »
Le message était clair : des dirigeants et des officiers des services de
renseignement auraient protégé l’organisation de la grande évasion fiscale,
les fraudeurs les plus importants et auraient ainsi « servi avec zèle » Nicolas
Sarkozy et son clan. Et au printemps 2013, presque tous étaient encore en
fonction, aux mêmes postes qu’avant mai 2012, tandis qu’aucune
reconnaissance n’était manifestée (jusqu’à aujourd’hui !) par l’administration
ou le gouvernement à celles et à ceux grâce auxquels la France récupérera
sans doute des centaines de millions d’euros qui lui avaient été volés
impunément pendant au moins dix ans. Les principaux lanceurs d’alerte
d’UBS, Nicolas Forissier et Stéphanie Gibaud, laquelle a publié un
57
remarquable livre de témoignage en février 2014 , vivent au contraire dans
l’angoisse quotidienne du lendemain.
« Secret défense » ! Invocation si simple ! La note confidentielle dont j’ai
publié, le 5 avril 2013, des extraits en signalait les usages abusifs, insistant
sur le fait que le fonctionnement des services de renseignement représente
une entrave majeure à la justice : « Il conviendrait de ne plus abusivement
protéger le recueil de renseignements économiques et financiers par le “secret
défense”, car ce type de renseignements ne menace [concerne] pas la défense
ni la sécurité nationale », écrivaient les fonctionnaires. Avant de conclure :
« Généraliser la classification des activités et des informations recueillies par
la DCRI empêche la justice d’avoir à connaître des informations dont elle a
rapidement besoin pour ses enquêtes. »
« Secret défense » ! À l’ombre d’une telle mise en garde, les pires
arrangements, corruptions et viols de la loi, ont été commis depuis plus de
vingt ans, offrant en outre une protection parfaite vis-à-vis de la justice, ainsi
qu’en témoignent les trafics nucléaires (Cogema et CEA), les affaires Elf,
Karachi, Thalès et même Clearstream : Hervé Cosquer, un grand
58
professionnel de la sûreté, l’a montré .
Alors : « Secret défense » ou omertà ? La question n’est pas anecdotique.
Car l’enjeu, c’est l’assujettissement de l’État à l’argent. Edwy Plenel l’a
magistralement expliqué : « Dans leurs précédents parcours professionnels,
[...] les fondateurs de Mediapart s’étaient souvent heurtés à la raison d’État et
à ses secrets les plus souvent indus, dissimulant les manquements éthiques ou
les transgressions illégales des gouvernants. Mais ils avaient fini par
s’apercevoir qu’il est, dans nos sociétés marchandes, cachant des réalités plus
alarmantes parce que plus banalisées et, surtout, plus corruptrices : les secrets
d’argent. Tel fut notre défi : briser cette omerta qui, au prétexte d’une
économie de marché ouverte et concurrentielle, recouvre des pratiques
illicites, des arrangements complaisants, des conflits d’intérêts, des
affairismes sans scrupules, des corruptions bien réelles, des enrichissements
sans causes, des mélanges des genres entre haute administration et milieux
économiques, bref tout un monde d’intérêt et d’avidité qui échappe au
commun des citoyens, hors de sa vue et hors de son contrôle. » En trois
phrases, c’est dit — et bien dit !
Le courage de la vérité
Le cofondateur et directeur de Mediapart ne s’arrête pas en si bon chemin.
Aussitôt après cet appel démocratique, il se tourne vers ce « commun des
citoyens » déjà vivement interpellé, en leurs temps, par les immenses
59 60
Tocqueville et John Dewey , auxquels le journaliste se réfère : « Voici
pourquoi, citoyens, la liberté de la presse, quels que soient les reproches,
insatisfactions et mécontentements envers l’espèce journalistique, vous
concerne au premier chef : parce que s’y joue l’intensité de votre désir de
démocratie, de votre volonté d’en être acteur et de votre souhait que personne
n’en soit exclu. »
Sophie Coignard, grand reporter au Point, s’en est, elle aussi, prise
efficacement et plusieurs années de suite à l’omerta, dans quatre livres aux
61
motifs républicains et démocratiques manifestes . Dans le premier d’entre
eux, L’Omerta française (1999), la responsabilité de chacun de nous — et
des journalistes en particulier — quant au règne de « la loi du silence » dictée
par les « étouffeurs » (politiciens, patrons, magistrats, hauts fonctionnaires,
éditeurs et rédacteurs en chef, etc.) était clairement mentionnée : « L’omerta
n’est pas une chape de plomb qui descend des hautes sphères et afflige des
citoyens désespérés. C’est une tentation qui traverse toute la société. Il n’y a
pas une administration, une entreprise, un tribunal, une maison d’édition, un
parti, un corps de contrôle, un journal qui ne soit coupé en deux. Certains, les
plus nombreux en général, ont fait le pari de l’ombre. D’autres voudraient en
finir avec ces comportements infantiles et archaïques. La lâcheté des
62
institutions — et des hommes — les exaspère de plus en plus . »
En épilogue de ce brûlot bourré de vérités qui étaient toutes bonnes à dire,
la journaliste et son coauteur insistaient sur la question civique : « Car les
vrais responsables de la loi du silence ne se recrutent pas seulement dans le
cercle en vue des happy few : comment le système pourrait-il continuer à
fonctionner sans l’accord, au moins tacite, de la majorité des Français ? Ils
ont entre leurs mains, mais semblent l’ignorer, le pouvoir de briser les
derniers tabous. C’est une tâche immense et si simple en même temps. Elle
consiste juste à transformer, à l’aube du troisième millénaire, la France en
une démocratie digne de ce nom. » On pense à La Boétie, protestant ainsi,
vers 1548, contre l’absurdité de la tyrannie : « Soyez résolus à ne plus servir,
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et vous voilà libres » J’y reviendrai.
La démocratie repose aussi sur la volonté de s’informer, l’exercice civique
de son « droit de savoir », selon la formule d’Edwy Plenel. En ces temps
politiquement troublés, la philosophe Cynthia Fleury affirme de son côté
qu’« être démocrate — entendez faire prévaloir l’État social et de droit sur
l’économie et la finance — va demander une implication citoyenne
journalière dont nous n’avons pas encore réellement idée, ni surtout la
compétence », mais qui suppose que l’on fasse l’effort de s’informer et
d’agir. Voici, tel qu’elle le décrit, le devoir initial du démocrate véritable :
« Ne jamais plus laisser l’avancement de nos compréhensions économiques
ne rien donner du point de vue civique. La démocratie meurt de ne plus rien
faire des informations qui sont données aux citoyens. » Et, en responsabilité
réciproque, le devoir du citoyen exige un journalisme véritable, lui aussi.
« Cela passera d’abord par une révolution de l’information publique, au
64
service de l’amélioration de la démocratie », espère l’auteur de La Fin du
65
courage .
Sur ce point, je risque d’attrister la philosophe, car si quelques valeureux
confrères s’échinent encore, souvent dans une grande solitude, à enquêter et à
publier épisodiquement quelques révélations exclusives, force est de
constater qu’il n’est plus guère qu’un seul journal national qui soit digne des
idéaux professionnels d’Albert Londres, d’Albert Camus ou de George
Orwell, pour citer les maîtres du genre : Mediapart.
Albert Londres écrivait, en 1902, dans ses Visions orientales : « Je
demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son
rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une
corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus
de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. » Albert Camus
ajoutait, dans un manifeste de 1939, destiné au Soir républicain (Alger) : « Il
est difficile aujourd’hui d’évoquer la liberté de la presse sans être taxé
d’extravagance, accusé d’être Mata-Hari, de se voir convaincre d’être le
neveu de Staline. Pourtant cette liberté parmi d’autres n’est qu’un des visages
de la liberté tout court et l’on comprendra notre obstination à la défendre si
l’on veut bien admettre qu’il n’y a point d’autre façon de gagner réellement la
guerre. [...] Un journal indépendant [...] sert la vérité dans la mesure humaine
de ses forces. Cette mesure, si relative qu’elle soit, lui permet du moins de
refuser ce qu’aucune force au monde ne pourrait lui faire accepter : servir le
mensonge. » De son côté, George Orwell aurait, dit-on, déclaré : « Le
journalisme, c’est imprimer quelque chose que quelqu’un d’autre ne voudrait
pas voir imprimé. Tout le reste n’est que relations publiques. »
Dans un monde où l’omerta s’impose, où la voix des pouvoirs et des
puissants dicte la voie à suivre, il faut un courage certain pour ne pas
renoncer à publier « quelque chose que quelqu’un d’autre ne voudrait pas
voir imprimé », surtout lorsque ce « quelqu’un » détient le pouvoir d’acheter
de l’espace publicitaire ou celui de distribuer les aides publiques à la presse.
Et pourtant, je pense, comme Sophie Coignard, qu’il en va de la mission
essentielle de l’information dans une démocratie digne de ce nom.
Une information dérangeante qu’une presse dévitalisée, appartenant à des
industriels influents et sous perfusion des aides de l’État, jette dans les
oubliettes du prétendu « déballage », sans animer pour autant l’authentique
« débat » démocratique. Pour ce qui me concerne, depuis quelque trois ans,
lorsque j’ai jugé qu’il était de mon devoir de porter la plume dans la plaie
afin de servir la vérité dans la modeste mesure humaine de mes forces, c’est
parfois dans un blog hébergé par Mediapart que j’ai publié les informations
que j’avais recueillies. Car d’importantes enquêtes, pourtant fort bien
nourries d’informations, de témoignages et de documents exclusifs, n’avaient
pas été retenues par mon journal : l’affaire UBS, avant de déboucher sur un
66
livre que j’ai publié en mars 2012 , mais aussi tel trafic de bois tropicaux,
avec fraude aux certifications, blanchiment, évasion fiscale, corruption et
financement politique illégal ; ou encore tel nouveau volet frauduleux de
l’affaire Wildenstein, impliquant quatre ministres du Budget successifs ; les
dysfonctionnements de Tracfin à propos du cas Cahuzac ; une enquête sur la
nature et la fonction exactes du « verrou de Bercy » ; le recueil des souvenirs
d’un ex-officier de la DGSE sur le système de corruption dans le secteur
pharmaceutique ; le financement illégal de l’islamisme radical, en France, par
le Qatar ; le repérage d’un canal africain qui pourrait avoir servi au
financement (illégal) de la campagne électorale 2007 de Nicolas Sarkozy par
Kadhafi ; la corruption du marché national du chauffage urbain, impliquant
des personnalités politiques de première importance ; un conflit d’intérêts
majeur concernant la Caisse des dépôts et consignations ; la mise en évidence
de la complicité de certaines administrations dans l’organisation de la fraude
fiscale par UBS, en France ; les témoignages inédits de quatre lanceurs
d’alerte sous les feux de l’actualité... Cela faisait beaucoup. Heureusement,
certains de ces dossiers ont été publiés par des confrères solidaires.
Il s’agit, en notre époque de corruption généralisée et de dérèglement
démocratique profond, d’oser le courage de la vérité. Car « c’est le boulot du
journaliste que de comprendre puis de rendre compte de cette réalité ». C’est
« sa fonction première dans un monde torturé et indéchiffrable ». Car, « plus
le monde est indécis, obscur, confus, plus le travail du journaliste devient
67
nécessaire ». Telles sont les interpellations de Denis Robert . Je les fais
miennes.
Le courage de la vérité, ce n’est pas une plaisanterie romantique.
Je dois à Cynthia Fleury, auteur de La Fin du courage, de m’avoir incité à
lire les pages incandescentes de Michel Foucault sur la parrêsia, autrement
68
dit sur le « courage de la vérité », issues de son dernier cours au Collège de
France (1984) : « La parrêsia a pour fonction justement de pouvoir limiter le
pouvoir des maîtres. Quand il y a de la parrêsia, et que le maître est là — le
maître qui est fou et qui veut imposer sa folie —, que fait le parrèsiaste, que
fait celui qui pratique la parrêsia ? Eh bien justement, il se lève, il se dresse,
il prend la parole, il dit la vérité. Et contre la sottise, contre la folie, contre
l’aveuglement du maître, il va dire le vrai, et par conséquent limiter par là la
folie du maître. À partir du moment où il n’y a pas de parrêsia, alors les
hommes, les citoyens, tout le monde est voué à cette folie du maître. » Se
référant aux philosophes grecs de l’Antiquité (Socrate, les cyniques, Épictète,
etc.), Michel Foucault a abordé la notion de parrêsia dès 1982, en tant que
vertu politique et pour le rôle qu’elle joue dans la démocratie athénienne,
principalement. Ce dire-vrai, ou franc-parler, ou liberté de parole, ou encore
« courage de la vérité », comportait alors le risque — parfois vital — pris par
le citoyen qui prenait la parole dans l’assemblée de la Cité pour y nourrir le
débat contradictoire. Dans son cours de 1983-1984 au Collège de France,
Michel Foucault a orienté sa réflexion sur la dimension éthique, le « souci de
soi », liée à la parrêsia. Une éthique articulée au politique : « La tâche du
dire-vrai est un travail infini : la respecter dans sa complexité est une
obligation dont aucun pouvoir ne peut faire l’économie. Sauf à imposer le
69
silence de la servitude . » Cynthia Fleury a parfaitement pointé ce que peut
coûter le courage de la vérité, lequel s’oppose à la servitude de la
« communication ». « Preuve que la parrêsia n’est pas affaire de
communication, développe-t-elle, elle relève de l’adoxia. Autrement dit, elle
prend le risque majeur de déplaire. Par définition, l’adoxia décrit la mauvaise
70
réputation, la pauvreté, le dépouillement dont se réclament les cyniques . »
De même, Philippe Chevallier a récemment souligné que la parrêsia ne
concerne pas « l’opinion commune », mais qu’elle « privilégie les vérités
71
irritantes » et les dit « dans une forme libre et prophétique » .
Prophètes
Car le « courage de la vérité » — l’éthique parrèsiastique (Cynthia Fleury)
— a partie liée avec le prophétisme, avec la colère de Moïse brisant les tables
de la Loi face au Veau d’or et avec la hardiesse de Jésus chassant les
marchands du Temple, par exemple, ou encore lorsque celui-ci affronte, en
parole de vérité et au risque de sa propre vie, le doute des habitants de
Jérusalem (Jean 7), et lorsqu’il parle pour la dernière fois à ses disciples
(Jean 16,25-29).
Le terme parrêsia et le verbe parrêsiazomai (« se conduire avec
assurance ») se rencontrent une quarantaine de fois dans le Second
Testament, principalement dans l’Évangile selon Jean, les Actes et les
Épîtres. Mais d’abord dans le Premier Testament, le Livre des prophètes.
L’exégète Jacques Nieuviarts a défini les caractères essentiels des « nabi » de
l’Israël ancien : hommes inquiets de l’avenir, mais hommes du présent, car
« le lieu de la parole prophétique est toujours l’aujourd’hui » ; hommes de la
72
« parole en acte » aussi, parole qui s’efface ou se transmute en apocalypses
73
lorsque vient « le temps des deux fermés ».
Temps de fermeture, temps actuels... Temps de prophètes, comme on dit
qu’il fait « un temps de chien » ? Car les prophètes se sont toujours levés
quand le monde sombrait.
Ainsi se sont dressés les « prédicants » des Cévennes, très vite après la
révocation de l’édit de Nantes (octobre 1685), dans des assemblées
clandestines au Désert, face à « Pharaon », c’est-à-dire à Louis XIV qui se
prenait pour le soleil et martyrisait les protestants du royaume. Et de
« prédicants » en « prophètes » (1688-1702), la révolte des camisards s’est
transformée en guerre ouverte contre l’absolutisme, contre le clergé
catholique bénissant les balles en plomb des dragons du roi avec ses
74
goupillons en or, contre la corruption de la « Babylone » de leur temps .
Ainsi, Victor Hugo, en 1852, lorsqu’il lance, depuis son exil bruxellois,
75
son imprécation contre « Napoléon le Petit ». Le poète républicain, qui avait
résisté au coup d’État du 2 décembre 1851 au péril de sa vie, sonde alors le
fond de l’esprit du tyran et de ses (nombreux) affidés. Et qu’y trouve-t-il ? La
corruption, l’achat des consciences et des actes ! Mais il dénonce aussi la
complaisance, voire la « complicité », de tout un peuple. Racontant la
pathétique tentative de soulèvement organisée par Bonaparte à Boulogne-sur-
Mer, Hugo relève : « Il jette de l’argent au passant dans les rues de Boulogne,
met son chapeau à la pointe de son épée et crie lui-même “vive
l’empereur”... » (p. 43). De même, passé le coup d’État de 1851, Napoléon le
Petit sait comment acheter son administration : « Dans ses entreprises, il a
besoin d’aides et de collaborateurs ; il lui faut ce qu’il appelle lui-même “des
hommes”. Diogène [le prophète cynique] les cherchait tenant une lanterne,
lui, il les trouve un billet de banque à la main » (p. 50). Car, mis à part la
violence, « l’argent : c’est là l’autre force de M. Bonaparte », analyse Hugo
(p. 55).
Le brûlot de l’écrivain de combat sonde aussi les ventres du tyran et de ses
collaborateurs. « Ces hommes ont un pouvoir immense, incomparable,
absolu, illimité, constate-t-il [...]. Ils s’en servent pour jouir. S’amuser et
s’enrichir, tel est leur “socialisme”. [...] Millions, millions ! Ce régime
76
s’appelle Million » (p. 85) . Il dénonce l’orgie nihiliste du Veau d’or qui
corrompt la France du second Empire : « Jouir et bien vivre, répétons-le, et
manger le budget ; ne rien croire, tout exploiter ; compromettre à la fois deux
choses saintes, l’honneur militaire et la foi religieuse... » (p. 89). Mais Hugo
lance aussi un bel avertissement aux bourgeois complaisants et soumis, aux
lâches et aux intéressés, aux collaborateurs de la tyrannie, à « tous ceux qui,
propriétaires, serrent la main d’un magistrat ; banquiers, fêtent un général ;
paysans, saluent un gendarme ; tous ceux qui ne s’éloignent pas de l’hôtel où
est le ministre, de la maison où est le préfet, comme d’un lazaret ; tous ceux
qui, simples citoyens, non fonctionnaires, vont aux bals et aux banquets de
Louis Bonaparte et ne voient pas que le drapeau noir est sur l’Élysée ». Je
parle d’avertissement prophétique, car Hugo va jusqu’à interpeller ces
« simples citoyens » — peuple adorateur du Veau d’or impérial — qui, « s’ils
échappent à la complicité matérielle, n’échappent pas à la complicité
morale ». Le jugement tombe alors, infamant : « Le crime du 2 décembre les
éclabousse » (p. 36).
Les mêmes « simples citoyens » n’ont-ils pas été éclaboussés par le crime
du 10 juillet 1940, jour où les parlementaires français des deux Chambres
réunies ont voté (569 pour, 80 contre) les pleins pouvoirs constituants au
maréchal Pétain ? Quatre jours plus tard, le dimanche 14 juillet 1940, le
77
pasteur, théologien et résistant Roland de Pury lançait, depuis son temple
de la rue Lanterne (Lyon), une prédiction inspirée, un appel profond à
78
résister . Une prédication « de justice » qui, choisissant d’interpréter le
commandement « Tu ne déroberas point ! » (Exode 20,15), développait une
méditation sur la corruption humaine, dont le marqueur essentiel est « le
grand vol originel », cette façon de nous emparer de ce qui ne nous revient
pas et de ne pas le rendre — et d’être ainsi acheté, ou vendu.
Et ce dimanche 14 juillet 1940, à Lyon, donc, Roland de Pury poussait
l’audace jusqu’à l’oracle historique : « Mieux vaudrait la France morte que
vendue, défaite que voleuse. La France morte, on pourrait pleurer sur elle,
mais la France qui trahirait l’espoir que les opprimés mettent en elle, mais la
France qui aurait vendu son âme et renoncé à sa mission, nous aurait dérobé
jusqu’à nos larmes. Elle ne serait plus la France. » Vendre son âme... Belle
définition métaphysique de la corruption ! Belle apostrophe prophétique, en
79
« patois de Canaan », mobilisant « la vivacité, la vigueur, parfois la verdeur,
d’une langue et d’une pensée qui puisent dans l’Ancien Testament autant que
dans le Nouveau, et se souviennent de la liberté avec laquelle les prophètes,
un Jésus, un Paul ont su interpeller les puissants et fustiger, avertir ou
consoler leur peuple ».
La nécessité de refonder la société passe par le courage de la vérité
prophétique, certes, mais surtout, comme le journaliste Edwy Plenel l’a
parfaitement compris, par « ce “pacte parrésiastique” où la qualité de la
démocratie se juge aussi bien à l’expression de la vérité qu’à sa réception, au
risque pris par celui qui l’énonce et à la capacité d’écoute de ceux qui
l’entendent, en somme à son interactivité ».
Vaincre la corruption exige enfin la révolte, celle du « révolté
métaphysique » de Camus, de celui qui « se dresse sur un monde brisé pour
en réclamer l’unité », de celui qui « oppose le principe de justice qui est en
lui au principe d’injustice qu’il voit à l’œuvre dans le monde ». Le « révolté
métaphysique » n’est pas un athée, aux yeux de l’auteur de La Peste (1947),
car il « défie plus qu’il ne nie », parlant « d’égal à égal » avec Dieu. Camus
précise ici : « Mais il ne s’agit pas d’un dialogue courtois. Il s’agit d’une
80
polémique qu’anime le désir de vaincre . »
Prophétiser étant sans doute plus à la portée du commun des mortels que de
réaliser le cinquième des douze travaux héroïques d’Héraclès, le nettoyage
des écuries d’Augias, je m’efforcerai, dans ce livre, de dire quelques vérités
irritantes avant de lancer, finalement, un appel à vaincre le règne de la
corruption. Et je le ferai en tant que « révolté métaphysique ».
81
« Une coupe d’or, pleine d’abominations »
Relisant l’avant-propos que j’avais donné lors de la réédition de poche des
600 milliards..., parue en novembre 2012 (Points Seuil), j’y trouve l’ultime
trace d’un naïf espoir dans le « changement », espoir de redressement,
d’engagement gouvernemental et « patriotique » à lutter « d’abord contre
82
l’évasion fiscale ».
Deux ans plus tard, force est de constater que cet espoir a été trahi. La
protection étatique des plus grands fraudeurs, sans cesse perfectionnée sous
les présidences successives de François Mitterrand, Jacques Chirac et Nicolas
Sarkozy, est intacte, voire plus intense que jamais. Car, depuis l’élection de
François Hollande à la présidence de la République, en mai 2012, les
gouvernements Ayrault puis Valls ont agi de telle façon que l’État limite les
marges de manœuvre de la justice. Et ils n’ont pas hésité, eux non plus, à
invoquer le « secret défense », avec pour effet de couvrir certaines activités
civiles, économiques et financières dont la divulgation ne menace pourtant en
rien la sûreté nationale, accroissant d’autant les pouvoirs déjà exorbitants (et
hors contrôle démocratique) de la Direction centrale du renseignement
intérieur (DCRI), créée par Nicolas Sarkozy en 2008, rebaptisée Direction
générale de la sécurité intérieure (DGSI) par Manuel Valls, en mai 2014.
Ils ont également imposé à des parlementaires intimidés le respect du
pouvoir exclusif de l’administration centrale — la commission des infractions
fiscales (CIF), dite « verrou de Bercy », dont je connais, depuis mars 2014, la
composition particulièrement confidentielle — dans le déclenchement (ou
non) d’une poursuite judiciaire à l’encontre des fraudeurs fiscaux, par
autorisation donnée (ou non) à l’administration de porter plainte. Ils ont pesé
sur le déroulement de certaines informations judiciaires portant sur
l’organisation d’une évasion fiscale qui coûte des dizaines de milliards
d’euros à la France, favorisant des négociations bien peu recommandables
entre au moins une grande banque internationale et le parquet de Paris, afin
d’imposer une réparation qui éviterait aux contrevenants une inculpation
complète, un jugement infamant au tribunal correctionnel, et, surtout, d’éviter
la mise en cause publique de certains services de l’État.
Heureusement, les juges d’instruction ont résisté à toutes les pressions. Le
23 juillet 2014, Guillaume Daïeff et Serge Toumaire ont mis UBS en examen
pour « blanchiment aggravé de fraude fiscale », inculpation gravissime pour
une banque.
Ne pas le dire clairement serait mentir par omission.
Le démontrer, par des informations vérifiées et précises, est évidemment
nécessaire. Bien sûr, tout ce que j’écris est issu de témoignages enregistrés et
de documents probants.
Alors, voici, ce que j’ai constaté lors de ces deux dernières années de
poursuite de l’information sur l’univers financier, administratif et politique
français.
Cahuzac, vu de Genève
Parce que j’ai eu la conviction, dès l’automne 2012, que Fabrice Arfi avait
mené une enquête impeccable sur certains avoirs financiers non déclarés de
Jérôme Cahuzac, dissimulés en Suisse et à Singapour, notamment sur des
comptes bancaires d’UBS, j’ai souhaité apporter à mon confrère de
Mediapart quelques compléments d’information, que j’avais récoltés de mon
côté. Je tiens à exprimer ici mon admiration pour le travail de Fabrice Arfï et
ma reconnaissance pour la confiance dont il a fait preuve à mon égard.
Le 4 décembre 2012, Mediapart publie le premier volet d’une série
d’articles affirmant que Jérôme Cahuzac, alors ministre du Budget au
gouvernement nommé par François Hollande en mai 2012, possédait au
moins un compte bancaire non déclaré en Suisse, à la banque UBS, jusqu’en
2010, date à laquelle l’argent dissimulé au fisc avait été transféré à
Singapour. Aussitôt, Jérôme Cahuzac dément de façon virulente et menaçante
ces informations sur son blog et par voie de presse, mais également dans
l’hémicycle de l’Assemblée nationale : « Je n’ai pas, messieurs les députés, je
n’ai jamais eu de compte à l’étranger, ni maintenant ni avant » (5 décembre
2012).
La suite est connue. Le 19 mars 2013, le parquet de Paris ouvre très
83
tardivement une information judiciaire contre X pour qu’une enquête soit
menée sur les soupçons de « blanchiment de fraude fiscale », mais Jérôme
Cahuzac continue d’affirmer son innocence et explique sa démission du
gouvernement par la nécessité de pouvoir se consacrer à sa défense. Ce n’est
que le 2 avril 2013, et après avoir été mis en examen pour « blanchiment de
fraude fiscale », que l’ex-ministre du Budget reconnaît, sur son site Internet,
détenir un compte à l’étranger.
84
Fabrice Arfi a écrit combien la rédaction de Mediapart s’est sentie « un
peu seule » lors de ces longs mois d’enquête, mais aussi le combat qu’il a
fallu mener contre tous ces étouffeurs patentés du scandale : présidence de la
République, ministre de l’Économie et des Finances, parquet de Paris,
parlementaires du groupe socialiste à l’Assemblée nationale comme au
Sénat... Presse aussi ! Sans même parler de l’attitude systématiquement
hostile d’un Jean-Michel Aphatie (RTL et Canal +)... C’est ainsi qu’à cette
occasion presque toute la presse française a joué au chien de garde, soit en
s’abstenant, soit en critiquant ouvertement le travail de Mediapart, de toute
façon en évitant soigneusement d’aller y voir de trop près.
Fabrice Arfi a pu ainsi écrire : « En ce début d’année 2013, il faut bien le
dire, la rédaction de Mediapart se sent un peu seule dans son enquête sur
Jérôme Cahuzac. Est-ce par manque de temps, de motivation, de moyens,
voire de feu vert de leur hiérarchie ? Toujours est-il que les journalistes des
autres rédactions qui enquêtent sérieusement sur cette affaire sont rares. Et
certains confrères préfèrent sommer Mediapart de publier ses “preuves”,
quand ils ne se contentent pas de dénigrer notre travail. Misère du
journalisme... »
J’ai alors été heureux, dans ce contexte, d’apporter ma modeste pierre à la
« manifestation de la vérité » invoquée par Edwy Plenel auprès du procureur
de la République de Paris en décembre 2013. Fabrice Arfi a rapporté lui-
même l’épisode : « Le 1er février [2013], pourtant, un nouveau front
médiatique va s’ouvrir, avec un billet de blog du journaliste Antoine Peillon.
85
[...] Il [moi] y poste [sur mon blog hébergé par Mediapart ] donc un billet
sous le titre “Affaire Cahuzac : les révélations d’un financier suisse”. À peine
mis en ligne, il va contribuer à relancer l’affaire. [...] Aussi précis qu’informé,
ce texte est lu de très près par les spécialistes du dossier Cahuzac ainsi que
par les enquêteurs. Son apport va s’avérer déterminant. Il n’est désormais
plus possible de balayer l’enquête de Mediapart d’un revers de la main. » J’ai
aussi été amusé par ce tweet matinal d’Edwy Plenel, en date du 2 février
2013 : « Journalisme solidaire : @antoinepeillon renforce avec ses
révélations suisses l’enquête de @fabricearfi sur Cahuzac. » Je lui répondis
alors, ironisant sur les conditions un peu particulières de cette publication :
« @edwyplenel @fabricearfi “Journalisme solidaire”, très juste formule. Une
sorte d’innovation, aussi, de l’ordre du multimédia... »...
Au-delà du travail solidaire et de la confraternité, le témoignage publié le
1er février 2013 sur mon blog apportait, en effet, quelques éclairages inédits
sur la corruption et l’évasion fiscale engageant de nombreuses personnalités
françaises. On y lisait :
« Question : Dans toute cette organisation d’une éventuelle évasion fiscale
de Jérôme Cahuzac, quel aurait été précisément le rôle d’Hervé Dreyfus
[gestionnaire de fortune de Jérôme Cahuzac] ?
Réponse : Hervé Dreyfus a amené un certain nombre de personnalités
politiques et de grands capitaines d’industrie français dans les livres de Reyl,
de façon discrète et subtile. Comme chez UBS, certains des gestionnaires de
Reyl se déplaçaient en France pour organiser la venue à Genève de clients
aux actifs non déclarés. Cela ne se faisait jamais par l’intermédiaire du
bureau parisien de Reyl, mais par l’intermédiaire de gestionnaires qui étaient
basés à Genève et qui voyageaient régulièrement en France et dans d’autres
pays.
Ceci étant dit, le fait que Jérôme Cahuzac ait un compte auprès de Reyl ou,
via Reyl, auprès d’un autre établissement bancaire me semble être une
certitude à 95 % du fait de l’implication d’Hervé Dreyfus. L’autre élément
qui, pour moi, crée un faisceau de présomptions relativement fort, c’est qu’il
y a une proximité très importante entre Hervé Dreyfus et son amie d’enfance
Cécilia Ciganer (ex-Sarkozy). De ce fait, Hervé Dreyfus est d’ailleurs un des
conseillers patrimoniaux de Nicolas Sarkozy, pour des investissements
immobiliers ou autres et pour sa fiscalité.
De ce fait aussi, tout un réseau politique a bénéficié des services financiers
de Reyl. L’avantage d’Hervé Dreyfus, c’est qu’il fait partie de ces très rares
personnes à avoir à la fois de hautes relations, notamment politiques, et à
avoir la technicité financière. Hervé Dreyfus connaît parfaitement les
problématiques particulières des fameuses personnalités politiquement
exposées (PEP).
Q. : Ce que vous décrivez dévoile, au-delà du cas éventuel de Jérôme
Cahuzac, un système d’évasion fiscale presque généralisé. Concerne-t-il
d’autres personnalités politiques ?
R. : Je connais très clairement des dossiers impliquant des gens qui ont des
profils similaires à celui de Jérôme Cahuzac de par leur séniorité politique,
ainsi que ceux touchant aux actifs non déclarés de grands entrepreneurs
français proches des différents pouvoirs politiques de gauche et de droite. Je
peux en témoigner parce que je l’ai vu, entendu et vécu. Hervé Dreyfus a
organisé un système de compensation pour certains clients français du groupe
Reyl.
Quand des clients bénéficiaires de comptes non déclarés à Genève avaient
besoin de liquidités, Hervé Dreyfus transférait les liquidités d’autres clients
qui avaient des excès de liquidités sur leurs comptes gérés en France vers les
comptes français de ceux qui avaient des besoins de liquidités, et puis il
compensait ces mouvements dans l’autre sens sur les comptes suisses non
déclarés des uns et des autres, de façon à ce que ça se rééquilibre.
C’était une façon ingénieuse de mettre à disposition des liquidités auprès
de clients sans avoir à leur faire traverser la frontière, simplement par des
compensations miroirs entre des comptes non déclarés ouverts en Suisse et
des comptes français. Hervé Dreyfus a été en quelque sorte un porte-valises,
et je peux en témoigner. »
Ce témoin ayant été très rapidement entendu — avec son accord express —
par les enquêteurs de la Division nationale des investigations financières
(DNIF) de la police judiciaire française, je publiais le 20 mars suivant —
lendemain de la démission de Jérôme Cahuzac de son poste de ministre du
86
Budget — un deuxième entretien réalisé avec la même source genevoise .
Sous le titre « Un banquier suisse se dit prêt à aider à nouveau la justice », de
nouvelles perspectives étaient ouvertes par ma source genevoise qui
affirmait : « Une enquête judiciaire qui entraînerait une investigation poussée
chez le groupe Reyl représenterait un grand coup de pied dans la fourmilière,
car il y a d’autres personnalités que Jérôme Cahuzac, et tout aussi sensibles,
qui sont gérées chez eux.
On découvrirait alors un vrai secret d’État et un vrai scandale républicain,
c’est-à-dire l’utilisation des places financières offshore par des hommes
politiques français, de gauche et de droite, depuis de nombreuses années. Et
pas seulement dans le cadre d’opérations de financement politique qui ont fait
la une des médias, mais vraiment à des fins personnelles. »
Enfin, le 23 mai 2013, un ultime enregistrement du témoignage-fleuve de
cette source, qui a malheureusement connu, ensuite, les pires ennuis
87
judiciaires en Suisse , fut réalisé à Genève par Fabrice Arfi, Edwy Plenel et
moi-même, solidairement. Une fois encore, son témoignage fut d’une grande
précision. Il a été publié, pour l’essentiel, par Mediapart, les 2 et 3 juillet
88
2013 . Ainsi, à propos de l’organisation de l’évasion fiscale par la banque
UBS en France, un dossier que je connais particulièrement bien, Pierre
Condamin-Gerbier nous a expliqué, détails à la clé : « Et puis il y a la
clientèle politique, qui est très minoritaire, peut-être 2 %. Mais à l’UBS, la
volonté affichée derrière les politically exposed person (PEP) n’est pas
d’acheter des relations qui vont être financièrement rentables, mais d’acheter
de l’influence. C’est clairement cela qui est recherché. Plus indirectement, un
soutien politique peut être intéressant pour ses propres activités sur le
territoire, le jour où on a besoin d’y faire appel. Il n’y a aucune motivation
d’affaires derrière la stratégie PEP. C’est au mieux de l’influence, au pire de
la corruption. »
Lors de mon enquête sur UBS, j’avais effectivement découvert que la
façon dont cette banque travaillait à l’organisation de l’évasion fiscale au
profit des « personnalités célèbres du sport, du spectacle et de l’industrie »
relevait autant d’une stratégie d’influence que de la recherche du profit
immédiat. Comment ne pas faire le parallèle avec le crime organisé, qui
investit (blanchit) beaucoup dans les industries culturelles et de
divertissement, le cinéma en particulier, afin d’y propager l’esprit de
89
transgression, d’« illégalisme », pour reprendre un mot d’Edwy Plenel .
Cahuzac, dans les radars des « services spéciaux »
« Au pire de la corruption... », nous disait Pierre Condamin-Gerbier, lors
de notre dernier entretien à Genève, en mai 2013. Corruption, encore et
toujours... Edwy Plenel, de son côté, a parfaitement établi le lien entre
évasion fiscale, « délinquance d’en haut », et corruption. Il y est revenu à
plusieurs occasions, et toujours de façon saisissante. « Toutes nos enquêtes
ont dévoilé le recours massif à des paradis fiscaux, une pratique généralisée
de fraude et d’évasion fiscales, en somme l’habitude, dans les milieux
privilégiés, de la violation de la loi commune et, plus encore, une acceptation
culturelle de cet illégalisme comme allant de soi », analyse-t-il, en 2013,
90
faisant référence à l’un des livres du grand juge italien Roberto Scarpinato ,
pour « comprendre de quoi le mot mafia est devenu le nom commun », celui
« d’un monde, le nôtre, où le conflit d’intérêts, cette prolifération des intérêts
privés à l’abri de l’intérêt général, est de fait institutionnalisé ; où l’abus de
pouvoir est ainsi légitimé, par accoutumance et résignation ; où la corruption
devient “un code culturel qui façonne la forme même de l’exercice du
pouvoir”... »
Un an plus tard, dans Dire non, Edwy Plenel enfonçait le clou : « Fil rouge
de la plupart des révélations de Mediapart depuis sa création, sous la
présidence de Nicolas Sarkozy comme sous celle de François Hollande, la
question de la fraude fiscale et des paradis fiscaux qui l’abritent illustre la
coupable tolérance de nos élites dirigeantes pour cette délinquance d’en haut
où, dans l’alibi de la fortune, l’on viole la loi la plus commune. Fraude et
paradis à l’abri desquels se trafiquent les financements illicites, doublés
d’enrichissements personnels, dans une proportion qu’on ne mesure sans
doute pas encore. »
Depuis quelques années, je m’attache à suivre ce « fil rouge » de l’évasion
fiscale, qui traverse toutes les corruptions. À ce titre, le fruit des enquêtes
journalistiques et judiciaires menées en 2012 et 2013 sur les affaires Cahuzac
91
(le pluriel s’impose) est révélateur de la prolifération des conflits d’intérêts
qui minent en profondeur la démocratie. Au-delà de l’anecdotique « aveu »
du 2 avril 2013 quant à un compte recelant « environ 600 000 euros », c’est
en effet tout un marigot politique et affairiste qui a été révélé. Ainsi, le
compte UBS-Reyl-Julius Baer (Genève-Singapour) sur lequel porte l’aveu
aurait été ouvert dès 1992 par l’avocat Philippe Péninque, un ancien militant
d’extrême droite (GUD) déjà mêlé à l’affaire des comptes de campagne
d’Édouard Balladur (1995), actuellement proche de Marine Le Pen. En outre,
le 3 avril 2013, Le Canard enchaîné affirma que Jérôme Cahuzac était l’ayant
droit d’au moins un deuxième compte bancaire non déclaré en Suisse, sur
lequel auraient été déposées des commissions versées par l’industrie
pharmaceutique.
En avril 2013 encore, certaines de mes sources ainsi que la Radio
télévision suisse (RTS) ont évalué le montant des avoirs non déclarés de l’ex-
ministre du Budget à environ 15 millions d’euros.
Au cabinet de Claude Évin, ministre de la santé (1988-1991) du
gouvernement Rocard, Jérôme Cahuzac avait la main sur les autorisations de
mise sur le marché des médicaments et des équipements lourds. Selon
92
Mediapart , l’attribution de scanners et d’appareils à imagerie par résonance
magnétique (IRM) à des établissements de santé était conditionnée par le
versement de pots-de-vin à Jérôme Cahuzac par les fabricants de ces
appareils. En effet, « à l’époque, les hôpitaux, les cliniques et les cabinets de
radiologie qui souhaitent s’équiper d’un scanner ou d’une IRM doivent
obtenir l’autorisation du ministre de la Santé. Seulement, une carte sanitaire
limite l’installation de ces machines, que tous rêvent d’acquérir. Pas plus de
50 à 100 autorisations sont délivrées chaque année pour bien plus de
demandes... », rappelle le site d’information. Et un ancien fonctionnaire de
préciser à Mediapart : « Les pots-de-vin à verser étaient de l’ordre de 200 000
francs [environ 45 000 euros] pour un scanner, de 500 000 francs (environ
112 000 euros) pour une IRM. Que voulez-vous ? Des gens ont eu du pouvoir
et ils ont profité du système. Ils ont extorqué, prévariqué. » Dès lors, le
montant potentiel des commissions occultes versées pendant trois ans de
ministère Évin peut être évalué à quelque 10 millions d’euros.
Mais la prévarication n’a pas cessé le 15 mai 1991, dernier jour du second
gouvernement de Michel Rocard — et donc du ministère Evin. C’est que les
liens tissés entre le cabinet de l’ancien ministre de la Santé et l’industrie
pharmaceutique ne sont pas tranchés pour autant. Dès septembre 1991,
Jérôme Cahuzac devient ainsi consultant de Daniel Vial, lobbyiste majeur des
laboratoires. En 1993, la campagne législative de Claude Évin est financée
par les laboratoires Pierre Fabre et par le Syndicat national de l’industrie
pharmaceutique (SNIP)...
En avril 2013, un ancien officier des « services spéciaux » français, ayant
servi pendant une quinzaine d’années à la DGSE, puis ayant travaillé à très
93
haut niveau pour la protection du groupe Sanofi , me faisait part de ses
réflexions sur l’affaire Cahuzac. Il commença par m’affirmer que le
renseignement français, notamment le renseignement intérieur, connaissait
dans le détail tout ce qui concernait les affaires des laboratoires : « La
pharmacie a toujours été considérée comme une activité stratégique en
France. À ce titre, elle a légitimement bénéficié de la protection des services
94
officiels de l’État, dont la DST en la personne [sic] de sa sous-direction de
la protection du patrimoine (économie française). [...] Les archives de ce
service sur la “pharma” sont considérables et portent sur plusieurs dizaines
d’années. [...] La DCRI a donc toute la matière pour faire des points précis
sur différents sujets [concernant le secteur pharmaceutique], dont les
questions de corruption. »
En ce qui concerne le cas de Jérôme Cahuzac en particulier, se souvenant
des années 1990, l’ancien officier de renseignement me précisait : « Dans un
tel contexte, la trajectoire de Cahuzac avait laissé perplexe, à l’époque, et le
conflit d’intérêts était évident. [...] Il est évidemment faux de prétendre que
son circuit acrobatique n’était pas connu [des services de l’État]. » Plus
gravement encore, l’homme considérait comme « plus que probable » la
« piste de financements de partis politiques », évoquant à plusieurs reprises le
nom d’un certain laboratoire, avant de se lancer dans de longs et précis
développements sur la corruption généralisée des partis politiques par les
industries médicales, pétrolières et militaires...
Pour finir, ce spécialiste de la sécurité nationale ironisait sur « un [certain]
trésorier de campagne possédant des sociétés-écrans en offshore », à propos
de « l’élection du Magistrat suprême ». Il n’était pas difficile de comprendre
qu’il faisait en l’occurrence allusion à Jean-Jacques Augier, trésorier de la
campagne présidentielle de François Hollande en 2012, ami de plus de trente
ans du président de la République (promotion Voltaire de l’ENA), actionnaire
de sociétés offshore dans les îles Caïmans, un territoire britannique des
95
Caraïbes connu pour être un paradis fiscal particulièrement opaque .
Une justice toujours sous contrôle
Le candidat François Hollande à la présidence de la République pensait-il à
Jean-Jacques Augier, son ami et trésorier de campagne, lorsqu’il publia son
manifeste, Changer de destin, en février 2012 ? Ou bien à Nicolas Sarkozy,
lorsqu’il en écrivit les pages les plus vibrantes, à propos de « l’empire de
l’argent » ? Ou, déjà, à Jérôme Cahuzac ? Relisons : « François Mitterrand,
dans un célèbre discours prononcé il y a quarante ans à Épinay, avait dénoncé
l’emprise de l’argent. Aujourd’hui, c’est son empire qui est en cause. Il s’est
emparé de tout. Il était instrument, il est devenu maître. L’argent, si
nécessaire à tout un chacun, mais si nuisible quand il se change en force
sociale, en raison abstraite, en pouvoir dominateur. L’argent qui devrait servir
l’économie, mais qui devient la mesure de toute chose, l’étalon de la vie
humaine. Vous en avez ? Vous avez tout ! Vous n’en avez pas ? Vous ne
valez rien ! L’argent, c’est la loi et les prophètes. Je n’ai pas l’illusoire
prétention de mettre fin à son pouvoir. Mais d’installer de solides contre-
feux : faire prévaloir [...] la dignité sur la cupidité, la justice sur les inégalités,
96
la République sur les intérêts de toutes sortes . » La référence à la loi et aux
prophètes est particulièrement touchante.
À propos de loi, le cinquante-troisième engagement « pour la France » du
97
candidat socialiste ne peut qu’être applaudi des deux mains : « Je garantirai
l’indépendance de la justice et de tous les magistrats : les règles de
nomination et de déroulement de carrière seront revues à cet effet. [...]
J’interdirai les interventions du gouvernement dans les dossiers individuels. »
Hélas, le projet de loi sur le parquet, présenté fin mai 2013 par la garde des
Sceaux Christiane Taubira, n’a pratiquement rien changé à la dépendance des
procureurs vis-à-vis du pouvoir exécutif. Certes, désormais, le Conseil
supérieur de la magistrature (CSM) devra donner son avis au moment du
choix, mais ce sera toujours le gouvernement qui proposera leurs noms. À
l’occasion de la présentation du projet de loi à la commission des lois de
l’Assemblée nationale, Christiane Taubira a même rappelé que les procureurs
généraux sont tenus à des « remontées d’information » [au ministère de la
Justice], qui ont « pour but de nous [le gouvernement] informer, notamment
sur les procédures très médiatisées ». C’est pourquoi, le 27 juin 2013, un
nouvel arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) rappelait,
une fois de plus, que le parquet français ne pouvait être considéré comme une
autorité judiciaire au sens de l’article 5 § 3 de la Convention, du fait du lien
hiérarchique entre celui-ci et le pouvoir exécutif, lui-même fixé par les
conditions de nomination des procureurs.
De même, la loi de lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance
économique et financière, votée définitivement le 6 décembre 2013, et dont
j’ai suivi pendant des mois, presque quotidiennement l’élaboration, s’avère
excessivement insuffisante, à en croire la plupart des magistrats, avocats,
douaniers et officiers de police judiciaire engagés dans cette lutte. Deux traits
fondamentaux du dossier permettent, à mon sens, de prendre la mesure d’un
fiasco parfaitement organisé par le gouvernement Ayrault et avalisé par le
président de la République.
Premièrement, le texte législatif institue « un procureur de la République
financier à compétence nationale, qui exercera sa compétence
concurremment à celle des autres parquets ». Et la nouvelle loi de préciser
que ce « procureur sera compétent, d’une part, pour l’ensemble des
infractions dites d’atteintes à la probité, comme la corruption, le trafic
d’influence, la prise illégale d’intérêts, la violation de l’interdiction faite par
le Code pénal aux fonctionnaires de rejoindre à l’issue de leurs fonctions une
entreprise avec laquelle ils avaient été en relation du fait de ces fonctions, le
favoritisme, les détournements de fonds publics et, d’autre part, pour la
fraude fiscale ». Très bien ! Mais elle ajoute que « le procureur financier
dépendra hiérarchiquement du procureur général de Paris, [qu’] il sera
nommé par décret du président de la République, sur proposition du garde
des Sceaux, après avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature ».
Sur ce fait, le commentaire du Syndicat de la magistrature, le 10 décembre
2013, est cinglant : « Après la déflagration de l’affaire Cahuzac et la volonté
affichée du gouvernement de lutter contre la grande délinquance financière,
nous attendions une réforme constitutionnelle garantissant l’indépendance
des magistrats du parquet, seul et unique moyen de rompre avec la confusion
des intérêts politiques et économiques rendue possible par la trop grande
influence du pouvoir exécutif sur le ministère public. Au lieu de cela, il nous
est proposé une farce politicienne ! » Déjà, le 5 novembre 2013, l’association
Transparency International France, très experte en matière de corruption,
avait relevé : « La loi instaure un procureur de la République, spécialiste des
affaires financières, qui pourra agir sur l’ensemble du territoire français.
Cependant, à l’instar de l’ensemble des magistrats du parquet, ce procureur
dépendra hiérarchiquement du ministère de la Justice. Cette absence
d’indépendance est problématique, comme l’a encore rappelé tout récemment
la Cour européenne des droits de l’homme. »
Deuxièmement, la loi ne prévoit ni la suppression ni même la moindre
réforme du « verrou de Bercy », c’est-à-dire de l’exclusivité extraordinaire
dont jouissent le ministère du Budget et son opaque Commission des
infractions fiscales (CIF) en matière de poursuite pénale des fraudeurs du
fisc. Pourtant, dans une tribune que j’ai cosignée, publiée par Libération le 19
septembre 2013 sous le titre « Fraude fiscale : faire sauter le “verrou de
Bercy” ! », huit experts (magistrats et juristes, principalement) expliquaient,
faisant référence à l’affaire Cahuzac et à la façon dont il a été longuement
« blanchi » par son ministère : « Faisons l’hypothèse qu’un nouveau ministre
soit passible de poursuites pour fraude fiscale. Pareille affaire parviendrait-
elle un jour devant le juge ? Si le fisc en est saisi, il faut, passé les validations
hiérarchiques, le feu vert du ministre du Budget pour transmission à la
Commission des infractions fiscales (CIF). [...] La CIF, sans motiver sa
décision, transmet [généralement] ou non les dossiers au procureur. Lequel,
sous la tutelle directe du garde des Sceaux, nomme ou non un juge
d’instruction pour mener une enquête indépendante. Le plus souvent, il ne le
fait pas. »
Un verrou en or massif
J’ai été le témoin documenté, durant toute la discussion parlementaire sur
le projet de loi contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique
et financière, de l’opposition acharnée du ministre du Budget de l’époque,
Bernard Cazeneuve, et des plus hauts fonctionnaires de son administration
(notamment Bruno Bézard, alors directeur général des finances publiques,
directeur général du Trésor depuis le 28 juin 2014) à la moindre mise en
question du « verrou de Bercy », alors qu’à l’évidence ce dispositif viole le
principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs entre l’administration et
la justice.
En avril 2013, le magistrat Charles Prats, fort de son expérience d’ancien
douanier, commentait : « Comment justifier qu’à l’heure de l’inéligibilité en
cas de condamnation pour fraude fiscale, le pouvoir de déclencher — ou non
— les poursuites reste entre les mains d’une autorité politique ? Celle-ci se
verra immanquablement accusée de protéger ses amis d’un procès, ou de
livrer ses adversaires. Le vrai marqueur d’une avancée sera le retour à
l’indépendance de la justice dans le déclenchement des enquêtes. » Son
espoir, étayé par un considérable travail d’expertise offert aux parlementaires
intéressés par le sujet, a été gravement déçu.
J’ai personnellement été informé, jour après jour, des pressions indécentes
exercées par certains membres du gouvernement, de la haute administration
et du groupe PS à l’Assemblée nationale sur certains parlementaires qui
militaient, au nom des meilleurs arguments recueillis auprès des experts, en
faveur de la suppression — ou, au minimum, de l’assouplissement — du
« verrou de Bercy ». Pourquoi ? De même, je peux révéler qu’une note
confidentielle émanant du service des affaires juridiques de l’Assemblée
nationale, datée du 4 juin 2013, à propos « des évolutions envisageables
concernant le monopole des poursuites pénales de l’administration fiscale
pour les faits de fraude fiscale » a été ignorée, méprisée par le gouvernement,
malgré la solidité de ses arguments juridiques et même politiques.
En effet, l’analyse juridique poussée de la loi française en la matière (Livre
des procédures fiscales, articles L. 228 et L. 101) permet de relever que
« l’application de ces deux dispositions [les articles cités ci-dessus] a pour
effet d’interdire à l’autorité judiciaire d’engager des poursuites pénales pour
des faits de fraude fiscale qui seraient portés à sa connaissance, sans une
plainte préalable de l’administration fiscale, elle-même subordonnée à un avis
conforme de la Commission des infractions fiscales (CIF) ». En conséquence,
toujours selon le mémo des juristes de l’Assemblée nationale, « pour de
nombreux magistrats et avocats, le monopole des poursuites de
l’administration fiscale pour les faits de fraude fiscale est l’une des causes de
la rareté et de la faiblesse des sanctions pénales prononcées pour fraude
fiscale ».
Dans ses paragraphes suivants, la note confidentielle destinée au législateur
se présente comme une véritable bombe politique, dans la mesure où elle
désigne les responsables du maintien intégral du « verrou de Bercy », alors
que « pour beaucoup de personnes intéressées à la question de la lutte contre
la fraude fiscale, le renforcement de l’exemplarité des sanctions en matière de
fraude fiscale passerait par la suppression du monopole des poursuites de
Bercy en matière de fraude fiscale ». Elle relève que « le ministère des
Finances y est totalement opposé, souhaitant pouvoir garder la main sur
l’orientation des affaires de fraude fiscale, [et qu’] il semble même opposé à
toute modification, même à la marge, de cette règle », soulignant que,
pourtant, « le ministère de la Justice a indiqué réfléchir à une position de
compromis, consistant à permettre au procureur de la République financier et
aux juridictions interrégionales spécialisées (JIRS) en matière économique et
financière de demeurer saisis, sans qu’il soit besoin d’un aller-retour avec
l’administration fiscale et d’une plainte de celle-ci, des faits de fraude fiscale
découverts à l’occasion d’une enquête ou d’une instruction sur d’autres
faits ».
In fine, le document va jusqu’à affirmer : « Sur un plan politique, une telle
évolution serait un signal fort de la volonté de renforcer la répression pénale
de la fraude fiscale. Elle témoignerait d’un souci de transparence et de
sévérité accrue à l’encontre des fraudeurs, à l’opposé des suspicions souvent
exprimées à l’encontre des transactions effectuées par l’administration
fiscale, sans contrôle ni publicité. » Peine perdue !
Car dans le bras de fer secret engagé entre la justice et le fisc pendant
plusieurs semaines, en ce printemps 2013, le grand vainqueur fut le château
fort de Bercy, dont le « verrou » fut intégralement sauvegardé. Selon des
sources parfaitement sûres, l’arbitrage politique en sa faveur a été pris au
cours du week-end des 25 et 26 mai 2013, dans les bureaux mêmes de
l’Élysée. Étaient présents : François Hollande, président de la République,
Jean-Marc Ayrault, Premier ministre, Pierre Moscovici, ministre de
l’Économie et des Finances, et Bernard Cazeneuve, ministre délégué au
Budget, successeur de Jérôme Cahuzac. Grande absente : Christiane Taubira,
garde des Sceaux, ministre de la Justice. Quelques semaines plus tard, Pierre
Moscovici a tenu à me faire savoir qu’il n’était pas, alors, sur la même
longueur d’onde conservatrice que son ministre délégué au Budget. Mais j’ai
eu du mal à le croire.
De quoi François Hollande est-il le nom ?
En cette fin mai 2013, pourquoi le président de la République a-t-il tranché
en faveur de la sauvegarde intégrale d’un des dispositifs administratifs
d’étouffement de la justice les plus scandaleux ? En faveur d’un « verrou »
qui, « selon les données communiquées par le ministère des Finances, [fait
qu’] environ 1 000 plaintes pour fraude fiscale ont été déposées en 2011, pour
environ 55 000 infractions constatées et redressements effectués » ? En
faveur d’un « verrou » qui a pour conséquence massive que « les demandes
de poursuites [judiciaires] ne seraient adressées que pour les dossiers
d’importance secondaire, les dossiers les plus importants, que ce soit en
termes de gravité des faits que de montants en jeu, étant traités par voie de
98
transaction par l’administration fiscale » ? Pourquoi François Hollande a-t-il
décidé de maintenir une opacité administrative totale en faveur de l’impunité
des plus grands fraudeurs fiscaux, un système d’arrangement qui a profité
pendant des décennies aux Bettencourt ou aux Wildenstein, par exemple, à
celles et ceux qui font que 600 milliards d’euros continuent de manquer à la
France ?
Cette question a partie liée avec « le mystère Hollande », selon la formule
lourde et implicite de l’éclairé Pierre-Yves Cossé, ancien commissaire au
Plan, en février 2014.
En mars 2014, j’ai réussi à me procurer la « Fiche de composition de la
Commission des infractions fiscales après l’arrêté de répartition du 13
septembre 2013 ».
Parmi les vingt-quatre membres de la CIF, douze sont issus du Conseil
d’État (dont deux retraités) et douze proviennent de la Cour des comptes
(dont six retraités). Une rapide analyse des parcours professionnels de la
99
plupart de ses membres (notices du dernier Who ’s Who in France) montre
que nombre d’entre eux sont passés par les cabinets ministériels de ministres
de droite (Raymond Barre, Jean-François Copé, Jean-Louis Borloo, Hervé
Gaymard, Thierry Breton, Francis Mer, Alain Lambert, Simone Veil,
Philippe Douste-Blazy, Renaud Donnedieu de Vabres, Xavier Darcos, Luc
Chatel) et de gauche (Pierre Joxe, Édith Cresson, Jean Le Garrec, Dominique
Perben).
Ce mélange des genres, avalisé pour ce qui concerne le « verrou de Bercy »
par François Hollande lui-même, est l’une des sources de la prolifération des
conflits d’intérêts dans notre vie politique et administrative. Et si elles ne
présentent pas, et de loin, la même gravité que celles qui engagent Nicolas
Sarkozy et son premier cercle politique, les affaires Cahuzac, Aquilino
100 101
Morelle , Faouzi Lamdaoui , etc., diffusent un parfum qui n’a pas grand-
chose à voir avec celui que devrait exhaler la « République exemplaire » en
faveur de laquelle le candidat François Hollande s’était engagé en février
2012.
On prend les Mnef et on recommence ?
Un peu plus de deux ans après l’élection présidentielle de mai 2012, après
les deux catastrophes électorales qu’a connues la gauche aux municipales et
aux européennes du printemps 2014, comment ne pas relever le retour de
proches notoires de Dominique Strauss-Kahn aux premiers rangs du pouvoir
socialiste ? En une semaine à peine, à la mi-avril 2014, Jean-Christophe
Cambadélis est intronisé — bien plus qu’élu — premier secrétaire du PS,
grâce au soutien décisif de Manuel Valls, nouveau Premier ministre, tandis
que Jean-Marie Le Guen est nommé au poste stratégique de secrétaire d’État
102
aux relations avec le Parlement , et que Christophe Borgel, député de
Haute-Garonne, est élu, le 15 avril 2014, secrétaire national aux élections et
animation des SN fonctionnels du PS. Tous trois « sont de nouveau en
grâce », car ils ont comme point commun d’avoir été, auparavant, « inquiétés
103
par la justice dans l’affaire de la Mnef ».
L’histoire de ce scandale doit être rapidement rappelée. Pendant une
vingtaine d’années (1982-1998), la gestion de la Mutuelle nationale des
étudiants de France (Mnef) fut marquée par de nombreuses malversations :
salaires astronomiques des dirigeants, embauche prioritaire de personnes
issues du syndicat étudiant Unef-ID, lequel était lié à des mouvements
trotskistes, certaines d’entre elles intègrent ensuite le parti socialiste (comme
Jean-Christophe Cambadélis, par exemple), dons financiers de
« complaisance » à des associations « amies », multiplication des filiales,
dans le but d’opacifier la gestion de la mutuelle nationale et de salarier des
personnalités politiques (telles que Jean-Marie Le Guen, Manuel Valls ou
Fodé Sylla, l’ex-président de SOS Racisme), émissions de fausses factures...
Bref, en 1998, il se révèle qu’un « entrelacs complexe et obscur d’une
cinquantaine de sociétés commerciales réalisant un chiffre d’affaires
104
d’environ 2,5 milliards de francs » gravite autour de la Mnef . En septembre
de cette année-là, une première information judiciaire contre X pour « faux,
usage de faux, abus de confiance, recel » et « prise et conservation illégale
d’intérêts » est ouverte. Une enquête préliminaire est confiée, par ailleurs, à
la brigade financière : elle porte sur le fonctionnement global de la mutuelle
et de ses filiales. Ces enquêtes mettront au jour un système de fausses
factures et aboutiront à des inculpations pour enrichissement personnel et
emplois fictifs.
Parmi les diverses personnalités mises en cause dans cette affaire se
trouvaient une ancienne conseillère de Lionel Jospin au ministère de
l’Éducation nationale, Marie-France Lavarini, le député Jean-Christophe
Cambadélis, son collègue Jean-Marie Le Guen (qui bénéficiera d’un non-
lieu), mais aussi Dominique Strauss-Kahn (finalement relaxé), alors avocat
d’affaires, mis en examen pour « faux et usage de faux », ainsi que Manuel
Valls, en tant que chargé de mission de Michel Rocard à Matignon, mais qui
105
ne fut pas inquiété . Quant à Christophe Borgel, alors conseiller du ministre
de l’Éducation nationale Claude Allègre, il a été mis en examen, en mars
2000, pour « recel de détournement de fonds publics », car soupçonné d’avoir
perçu, entre 1991 et 1993, 320 000 francs (environ 67 000 euros) de la Mnef
et de sa filiale marseillaise, la Mutuelle interprofessionnelle de France (MIF),
106
pour des travaux qu’il n’aurait pas effectués, ce qu’il contestera toujours .
Près de vingt ans plus tard, force est de constater que certaines (mauvaises)
habitudes n’ont sans doute pas complètement disparu. C’est ainsi que, depuis
107
le 31 décembre 2011, les enquêteurs de la brigade financière « disposent
d’un rapport d’expertise judiciaire décrivant les étranges manœuvres d’une
société de conseil auprès des bailleurs sociaux et collectivités locales »,
108
révèle Didier Hassoux, du Canard enchaîné . Cette entreprise, baptisée
109
Maât , en liquidation judiciaire depuis 2010, s’était auparavant attaché les
services de plusieurs cadres du PS, de l’UMP et du Medef, dont ceux de
Razzye Hammadi, ex-président des jeunes socialistes (2005-2007),
aujourd’hui secrétaire national du PS et député de Seine-Saint-Denis (salaire
annuel versé par Maât : 34 000 euros en 2008, puis près de 46 000 euros en
2009). Mais aussi ceux de Florence Rognard, ex-assistante parlementaire du
député PS de Paris Christophe Caresche, ainsi que ceux de Christophe
Borgel, compagnon de Florence Rognard, qui a perçu, en 2008, quelque
57 000 euros en honoraires versés par Maât, alors qu’il était, à la même
époque, inspecteur de l’académie de Paris.
Didier Hassoux apporte, en outre, des précisions intéressantes quant à la
dimension transpolitique de l’affaire Maât : « Soucieux d’assurer leur avenir,
les époux Naem [gérants de l’entreprise] ont aussi recruté à droite. En 2008,
ils ont fait appel au lobbyiste patenté Jean Simonetti, proche de Pasqua, pour
6 000 euros par an. Mais aussi à une attachée de presse liée au groupe
Lagardère, pour 37 000 euros. Cela ne suffisait pas. Ils ont aussi débauché
Olivia Thibault, l’ex-assistante parlementaire d’Alain Juppé et de Christian
Jacob, pour la modique somme annuelle de 147 000 euros. » La constitution
d’une telle communauté d’intérêts entre des personnalités issues de camps
politiques opposés, ce que cela suppose de complicités éventuelles en termes
de discrétion et de tolérance, tout cela jette un éclairage cru sur ce qu’il faut
bien regarder comme relevant de la constitution d’une véritable oligarchie en
France.
« Oligarchie », le mot et la chose ont obsédé Pierre Péan alors qu’il écrivait
110
sa République des mallettes . La lecture des pages 47 à 49 de son enquête
est, à ce propos, bien éclairante : « Une oligarchie politico-financière
affranchie des règles auxquelles se soumettent les citoyens “ordinaires” s’est
constituée. Les gens qui la composent — hommes politiques, patrons du
CAC 40, hauts fonctionnaires et certains intermédiaires — n’empruntent pas
les transports en commun, mais voyagent en jet privé ou en ABS (avions
utilisés par abus de biens sociaux). Une partie d’entre eux dispose de revenus
qui proviennent directement de l’économie clandestine, constitués de
rétrocommissions et/ou de financements occultes se traduisant en espèces
sorties de valises ou en comptes installés dans des paradis fiscaux. Cette zone
de non-droit — il faudrait plutôt parler d’une principauté de non-droit
commun — dans laquelle ils vivent est protégée par le secret défense. Le
secret défense constitue à la fois les douves, les remparts et les courtines de
cette zone de non-droit, aux fins de résister aux coups de boutoir que
cherchent à lui porter les juges, l’“ennemi”. Elle dispose d’une armée
d’archers et d’arquebusiers, souvent regroupés dans des sociétés privées de
renseignement — l’appellation officielle des officines — dirigées par
d’anciens grands flics, des militaires retraités, d’ex-magistrats ou d’ex-agents
secrets. » On voudrait que ces lignes fussent soumises, chaque année, aux
candidats au grand oral de l’ENA.
Pierre Péan a eu, au cours de sa dernière enquête, la mauvaise surprise de
tomber à nouveau sur Olivier Spithakis, ex-président de la Mnef, condamné à
plusieurs reprises comme pivot de l’affaire du même nom, alors (fin des
années 2000) « en affaires avec EDF Énergies nouvelles et se retrouvant ainsi
auprès de l’un de ses comparses de l’affaire Mnef, l’actuel PDG d’EDF,
111
Henri Proglio », ami d’Alexandre Djouri et de Nicolas Sarkozy . Le
journaliste Éric Conan a résumé l’affaire avec une netteté parfaite : « Péan est
ainsi particulièrement choqué de voir que cette oligarchie transcende le
clivage droite-gauche et que ses membres, qui ne sont mus que par les
ressorts de l’intérêt, ont acquis une influence majeure sur de grandes
décisions publiques concernant la diplomatie ou la restructuration des
groupes industriels sur lesquels repose l’avenir du pays. L’affaire de la Mnef
lui semble exemplaire de ce mélange qui avait vu des affairistes de gauche
s’allier avec des patrons balladuriens, en compagnie de flics et de voyous,
pour faire de l’argent noir et vivre la belle vie sur le dos d’une mutuelle
112
étudiante siphonnée au détriment de ses adhérents . »
La Mnef, une « affaire exemplaire » en effet, et qui dure, et qui éloigne tant
François Hollande de son bel engagement en faveur d’une « République
exemplaire ». Stéphane Fouks, vice-président du groupe Havas et coprésident
exécutif d’Havas Worldwide (ex -Euro RSCG), l’agence de communication
omniprésente dans les ministères, l’un des trois membres du « triumvirat »
qu’il constitue avec Manuel Valls et Alain Bauer, parviendra-t-il à redorer le
blason présidentiel ?
On a gagné des milliards !
Car la com’ va bon train, au printemps 2014, afin de faire croire au bon
peuple que le gouvernement Valls mène une lutte sans merci contre l’évasion
fiscale. Ainsi, au lendemain d’une réunion du Comité de lutte contre la
fraude, pouvait-on lire dans la presse du 23 mai le message triomphaliste de
Bercy : « Les comptes suisses vont rapporter des milliards d’euros à Bercy. »
Et aussi : « Le surplus des recettes permettra de financer la baisse de l’impôt
sur le revenu des plus modestes. » Ou encore : « Avec déjà plus de 20 000
dossiers en cours, la manne qu’encaissera l’État devrait donc atteindre au
minimum 5 milliards d’euros, probablement le double. Et peut-être même
113
davantage ... » Bref, le gros lot !
Seulement, il y avait un hic... Et de simples et rapides vérifications auraient
dû inciter à la prudence. Car, en réalité, 648 millions d’euros seulement ont
été collectés par le biais des régularisations de « soustractions fiscales » entre
début janvier et fin avril 2014, ce qui laissait espérer un maximum de 1,8
milliard d’euros récoltés sur toute l’année 2014, selon des communications
diverses issues du ministre des Finances, Michel Sapin, et du secrétaire d’État
au budget, Christian Eckert. Dès le 22 mai 2014 au soir, le site du Monde
commentait courageusement la situation, se distinguant ainsi de la plupart de
ses confrères : « Si Bercy fait un bilan élogieux de son action en la matière
[lutte contre l’évasion fiscale], les objectifs de recettes [...] sont sans cesse
revus à la baisse... avec des erreurs et des approximations. »
Peu importe, sans doute, les « approximations » en la matière. L’essentiel,
aux yeux des journalistes et des ministres trop pressés, c’est l’effet produit
114
dans les « cerveaux humains disponibles » par la formule magique : « des
milliards ».
« Son amie, c’est la finance ! »
Finalement, au terme de la première moitié du quinquennat de François
Hollande à l’Élysée, le jugement de ses meilleurs supporters, de celles et ceux
qui avaient cru dans la sincérité de son revigorant discours du Bourget, est
sans ambages. Souvenons-nous ; c’était le 22 janvier 2012 : « Mon véritable
adversaire, il n’a pas de nom, pas de visage, pas de parti, il ne présentera
jamais sa candidature, il ne sera jamais élu et pointant il gouverne. Cet
adversaire, c’est le monde de la finance... »
Sur ce ton ironique et prophétique qui lui est propre, et permet d’atteindre
aux rives incertaines de la vérité, Denis Robert se souvient de ce moment de
bravoure verbale du candidat socialiste. Il juge sur résultat : « Dix-huit mois
se sont écoulés. François Hollande n’en a pas grand-chose à faire de la lutte
contre la finance ou les paradis fiscaux. Sinon il s’y serait pris autrement. Il a
cédé sur ce terrain, comme il a cédé à Lakshmi Mittal à Florange. Son
discours du Bourget était une promesse de campagne. »
Dans un registre plus rationnel, presque scientifique, il y a le jugement des
journalistes experts en économie et en finances qui ont suivi l’élaboration,
pendant huit mois (de novembre à juillet 2013), de la loi de séparation et de
régulation des activités bancaires. Ceux-ci ont suivi pas à pas
l’impressionnant travail de sape du lobby bancaire à Bercy et à l’Élysée, et ils
ont pénétré « l’histoire secrète d’une vraie-fausse réforme ». De quoi nourrir
la sainte colère de Gaël Giraud, jésuite et directeur de recherche en économie
115
au CNRS, qui appelle « à entrer en résistance ».
Dans la veine sociologique, excellemment documentée, les époux Michel
Pinçon et Monique Pinçon-Chariot ont mis au jour, il y a longtemps déjà, les
racines idéologiques de « l’oligarchie » soutenue par François Hollande et
« ses acolytes ». Ayant retrouvé La gauche bouge, l’œuvre oubliée de
François Hollande et de ses quatre plus proches « camarades », publiée en
octobre 1985 chez Lattès, sous le pseudonyme de « Jean-François Trans »,
les deux chercheurs y décryptent une pure doctrine « néolibérale ». Ils
racontent aussi comment le futur président de la République et ses coauteurs,
116
Jean-Pierre Jouyet (un camarade de la promotion Voltaire de l’ENA) ,
Jean-Yves Le Drian (actuel ministre de la Défense), Jean-Pierre Mignard
(avocat) et Jean-Michel Gaillard (Cour des comptes, ENA), fondèrent alors le
mouvement « Transcourants » au sein du Parti socialiste, se réunissant « dans
une arrière-salle de la maison d’édition P.O.L, dont Jean-Jacques Augier
possédait alors 60 % des parts ». Un Jean-Jacques Augier lui aussi ancien de
la promotion Voltaire de l’ENA, qui dirigea les taxis G7 de 1987 à 1999,
sous l’aile protectrice et initiatrice d’André Rousselet, financier des
campagnes électorales, ancien directeur de cabinet et exécuteur testamentaire
de François Mitterrand...
Plus politique, mais rigoureusement expert aussi, le jugement de
l’économiste Pierre Larrouturou, cofondateur du collectif citoyen
« Roosevelt 2012 » et du parti Nouvelle Donne, s’exprime tout entier dans le
titre de son dernier livre : La Grande Trahison. La mise en cause personnelle
de François Hollande, vis-à-vis de l’aggravation continue des « crise sociale,
crise financière, crise environnementale, crise de l’Europe... », y est décrite
au vitriol. Impitoyablement, Pierre Larrouturou détaille, pour étayer sa
dénonciation, les nombreux échanges et rendez-vous qui eurent lieu, d’avril à
septembre 2013, entre Michel Rocard et lui-même, d’une part, les conseillers
du président de la République, le premier ministre Jean-Marc Ayrault et ses
conseillers, d’autre part. Au terme de ces discussions intensives, nourries
d’expertises économiques et d’espérance sociale, un commentaire sibyllin de
Michel Rocard paraît résumer le sentiment partagé face à l’échec final :
« C’est effrayant ! »
Effrayé, Edwy Plenel l’est aussi, lorsqu’il dit, lui qui a laissé loyalement
toutes ses chances à l’hôte de l’Élysée, notamment au moment le plus délicat
de l’affaire Cahuzac, que s’« il y a bien des raisons d’être déçu par la
présidence de François Hollande, il en est qui ne pardonnent pas : plus fatales
que d’autres, plus décisives pour bien des électeurs de gauche »... Avant
d’avertir, pensant surtout aux complaisances xénophobes : « Jamais leur
discipline électorale [celle des électeurs de gauche], serait-elle résignée,
n’outrepassera leur morale républicaine au point de la renier. » Oui,
certainement. Mais en va-t-il aujourd’hui de la seule « morale
républicaine » ?
III - Penser la corruption
Tout itinéraire de libération, personnelle et
collective, implique une déstructuration des
impostures culturelles qui imprègnent nos vies dès le
plus jeune âge. Voilà pourquoi le combat pour la
construction d’un pouvoir au service des hommes, et
non sur les hommes, passe forcément par le champ du
savoir : tant qu’on ne construit pas un savoir libéré
des chaînes du pouvoir, celui-ci se perpétue, égal à
lui-même, maintenant les individus dans cette illusion
qu’ils se déterminent de manière autonome.
Roberto Scarpinato, Le Dentier des juges, La
Contre-Allée, 2011.
On l’a compris, à gauche comme à droite, là où le pouvoir se concentre, les
conflits d’intérêts et la pure corruption, le jeu des services rendus, des
emplois fictifs, des fausses factures, des commissions et des
rétrocommissions, des très mauvaises fréquentations, du renseignement hors
la loi... sont devenus le modus vivendi des oligarchies qui régentent la
République, aussi bien que les grands groupes industriels, commerciaux et
financiers. Aux faits rapportés aux chapitres précédents, il serait possible
d’ajouter, par exemple, ce que je savais des négociations occultes entre la
banque UBS et l’État, via le parquet de Paris, afin de trouver une solution à
l’amiable, un deal de justice prétendument gagnant-gagnant, au détriment
d’une information judiciaire complète et d’un procès où justice et vérité
seraient réellement satisfaites. Ces négociations ont échoué et, le 23 juillet
2014, UBS a été mise en examen pour « blanchiment aggravé de fraude
fiscale ». Il serait intéressant aussi de questionner les embauches croisées qui
interviennent, entre la direction générale d’UBS France et la haute
117
administration , entre fin 2013 et début 2014. Il faudrait encore relever
combien l’entourage du président de la République, dans sa vie privée autant
118
qu’à l’Élysée, est saturé de banquiers ; s’étonner de la nomination par
décret présidentiel, le 18 septembre 2012, du sarkozyste Philippe Parini au
119
poste hypersensible de trésorier-payeur général (TPG) de Paris ;
s’inquiéter du traitement très particulier réservé au dossier Cahuzac par la
120
direction de Tracfïn, en avril et mai 2012 déjà, puis en avril 2013 .
Mais à quoi bon, puisque la coupe d’or est déjà pleine à ras bord
121
d’« abominations » ? Et que la « lettre volée » est partout sous nos yeux !
Des rencontres remarquables
Dans sa « grosse enquête » intitulée « Corruption : une spécialité
provençale ? », Le Ravi, excellent mensuel satirique de la région PACA,
donnait la parole, en septembre 2013, au sociologue Laurent Mucchielli,
directeur de recherche au CNRS et responsable de l’Observatoire régional de
la délinquance et des contextes sociaux. « Penser la corruption, un enjeu pour
les sciences sociales », affirmait-il en titre de sa tribune, constatant que « la
corruption est un phénomène encore assez largement impensé dans nos
sociétés démocratiques dites “avancées” » et faisant référence, tout de même,
aux travaux du sociologue et criminologue américain Edwin H. Sutherland
(1883-1950).
Oui, il nous faut donc « penser la corruption ». Et, au risque de contredire
un peu Laurent Mucchielli, il m’est apparu, depuis deux ans, que le
phénomène est en réalité étudié, mesuré, évalué, analysé par un grand
nombre de personnes, venues d’horizons divers. Avant même la parution de
mes 600 milliards qui manquent à la France, en mars 2012, j’ai eu le
bonheur de rencontrer régulièrement une trentaine de sociologues,
économistes, anthropologues, historiens, philosophes, théologiens, mais aussi
de nombreux criminologues, magistrats, avocats, policiers, officiers de
renseignement, journalistes qui pensent et luttent contre la corruption. Et ce
furent toujours, pour moi, des rencontres remarquables.
Remarquables par la qualité des réflexions confiées, le courage qu’elles
révélaient, mais aussi par l’inquiétude profonde dont elles témoignaient — et
le souci de mettre en commun connaissances et analyses.
Déjà, en décembre 2011, je publiais dans La Croix deux pages de tribune
sous le titre général : « La corruption ronge la démocratie ». J’y affirmais que
les spécialistes invités à s’y exprimer « expliqu [ai] ent que la corruption se
nourrit de la banalité des conflits d’intérêts et de petits arrangements avec la
morale civique ».
122
Ainsi, dans ces colonnes, la philosophe Cynthia Fleury pointait, certes,
que la corruption témoigne d’une « dégénérescence du pouvoir » et qu’elle
renforce « la désillusion considérable des citoyens à l’égard de la
démocratie », mais elle s’inquiétait aussi du « ressentiment qui monte du côté
citoyen » face au constat de la « dégénérescence du pouvoir ». Plus durement,
elle mettait en garde contre la tentation mimétique de tout un chacun
d’espérer accéder à « quinze minutes de pouvoir, de toute-puissance ou de
corruption — puisque les trois finissent par se superposer dans l’imaginaire et
les comportements communs ». Car, dans notre monde purement marchand,
dérégulé, où ceux qui sont censés « incarner le droit usent trop de la jungle »,
l’imaginaire social dégénère lui aussi : « Chacun rêve d’emporter la mise,
comme au poker, de faire sa place au soleil, et si cela doit passer par quelques
minutes de corruption, après tout, ce sera le prix à payer pour une vie
meilleure. » Par là, Cynthia Fleury dénonçait l’effet politique catastrophique
des « transgressions des puissants [qui] font croire aux individus ordinaires
qu’ils ont tout à gagner à se désolidariser des démocraties et de leur pseudo-
droit ».
Dans la même page, l’avocat parisien Yann Le Bihen, grand expert en
matière d’économie occulte, confirmait, sur la base d’expériences concrètes,
qu’« aujourd’hui, la corruption métastase l’ensemble du corps social », que
« la loi du silence règne » et qu’en conséquence « il est temps de décréter une
forte mobilisation face à un phénomène qui nous conduit à la destruction
certaine de l’État de droit » et à la « mise en péril de la République ».
Responsabilité première des « puissants », puis corruption mimétique des
« individus ordinaires », et donc mise en danger de la démocratie et de la
République : ces premières réflexions débouchaient, dans ces mêmes pages,
sur des développements affirmant la responsabilité fondamentale de tous et
de chacun, en son âme et conscience.
123
Le sociologue Pierre Lascoumes , fort de recherches personnelles et
collectives sur les pratiques et les perceptions différenciées de la corruption,
montrait de son côté combien la majorité des « citoyens » français pratique
une forte tolérance, et à géométrie variable, à propos des passe-droits, petits
arrangements, favoritismes, abus de fonction, conflits d’intérêts et autres
124
corruptions « de basse intensité », surtout lorsque ces « pratiques mal
régulées » sont le fait de proches — voire de soi-même. Sur ce point, les
résultats obtenus par certains « travaux d’enquête sociologique » menés
depuis les années 1990 sont franchement inquiétants : « En France,
notamment, il est frappant d’observer le caractère minoritaire de la “culture
civique” censée faire de la probité publique une norme centrale de la “vertu
républicaine”. Elle n’est partagée que par un petit quart de la population.
Pourtant, a priori, “tout le monde” dit condamner les pratiques corrompues.
Les sondages sur la perception de l’honnêteté des politiques entretiennent ce
mythe : depuis les années 2000, à la question : “Les dirigeants politiques
sont-ils plutôt honnêtes ou plutôt corrompus ?”, la seconde opinion prévaut et
se situe, selon les périodes, entre 65 et 75 %. Mais il ne s’agit que d’un
jugement de surface. Il suffit de poser d’autres questions et de confronter les
personnes à un ensemble de situations concrètes pour mettre en valeur des
attitudes plus laxistes. Ainsi, le groupe le plus important (un tiers des
enquêtés !), dit des “tolérants optimistes”, est celui qui à la fois minimise le
plus l’importance des faits de corruption et se montre le plus tolérant pour le
favoritisme et les passe-droits. Le deuxième groupe en importance (un gros
quart des sondés), celui des “pragmatiques inquiets”, est plus paradoxal. Il
estime que la corruption est répandue chez les dirigeants, mais se montre
125
aussi très tolérant à l’égard des petits arrangements ... »
Ainsi, la dénonciation rituelle de la corruption des élites et sa formulation
populiste, « tous pourris », nous reviennent en plein visage, comme dans un
miroir, plaçant chacun face à sa conscience. À partir de ce constat, issu de la
sociologie, Paul H. Dembinski, directeur de l’Observatoire de la finance, à
126
Genève , économiste politique, éthicien, professeur à l’université de
Fribourg (Suisse), conteste la « prééminence du juridique dans l’étude de la
corruption ». Et d’affirmer que « l’ordre de la conscience, ou celui des
loyautés, à l’instar d’une clé de voûte, coiffe les trois autres ordres (juridique,
culturel et économique) de la société, en ramenant leurs prescriptions, rôles et
devoirs à la conscience de l’acteur qui en reste le point de référence ultime ».
Dans cette perspective, il est urgent de délaisser le « tous pourris »
déculpabilisant au profit de la seule question éthique qui vaille : « Et moi, que
fais-je ? »
Mais Paul H. Dembinski ne s’en tient pas à cette inversion de la mise en
cause. Il analyse aussi comment nos consciences individuelles sont tributaires
d’un certain contexte économique, social et culturel contemporain, où
« l’intérêt devient l’unique mobile et justification de tout acte ». L’intérêt,
telle est la notion centrale, au point qu’« on en vient à se demander si les
situations typiques de corruption ne constituent pas seulement une catégorie
particulière d’un phénomène nettement plus répandu et peu stigmatisé », le
conflit d’intérêts.
En septembre 2011, grâce à Cynthia Fleury, Yann Le Bihen, Pierre
Lascoumes et Paul H. Dembinski, voici donc, en résumé, comment j’abordais
la question générale de la corruption :
— celle-ci menace gravement l’État de droit, la République et la
démocratie ; elle est la cause et l’effet de la dégénérescence du pouvoir, tel
que l’exercent les dirigeants et autres puissants de notre monde ;
— elle se propage par mimétisme jusqu’aux individus ordinaires, lesquels,
en France en particulier, se déclarent très massivement tolérants et s’avèrent
même laxistes, en pratique, vis-à-vis des arrangements, passe-droits et autres
transgressions, surtout quand leurs intérêts sont mieux servis ;
— le conflit d’intérêts est le phénomène dominant de la corruption ; or
celui-ci relève, en première instance, de l’ordre de la conscience, clé de voûte
des ordres culturel, social, économique et politique.
Le 17 janvier 2014, à la faveur de la tenue d’un séminaire de philosophie
du droit organisé par l’Institut des hautes études sur la justice (IHEJ) et
l’École nationale de la magistrature (ENM), du 14 octobre 2013 au 9
127
avril 2014 , je publiai à nouveau une série de tribunes sur la corruption. À
cette occasion, de nouvelles rencontres remarquables eurent lieu, confirmant
que l’heure était désormais à la « mobilisation ».
Une mobilisation qui ne néglige pas la nécessité d’approfondir nos
connaissances en la matière. En témoigne d’ailleurs que l’un des principaux
motifs du séminaire organisé par l’IHEJ était que « le problème de la
corruption est récurrent dans nos sociétés, mais qu’il est peu pensé ». Un des
éminents participants à cette rencontre, et auteur d’une tribune dans La Croix,
Thierry Ménissier, professeur de philosophie à l’université de Grenoble,
constatait dans ce même esprit : « Ce qui manque aujourd’hui, c’est une
connaissance anthropologique du phénomène. »
Physiologie du dégoût
C’est précisément à cette tâche que j’ai décidé de m’atteler, en vue de
donner une meilleure assise intellectuelle, morale et — pourquoi pas ? —
spirituelle à la lutte, plus que jamais nécessaire, contre la corruption.
Dans cette perspective, il faut en passer par une rapide « physiologie » du
phénomène. Dans sa tribune intitulée « Criminalité organisée, corruption et
paradis fiscaux », publiée le 17 janvier 2014 dans La Croix, la juriste Chantal
128
Cutajar montrait combien « les organisations criminelles » ont aujourd’hui
infiltré l’économie légale. Plus grave encore, le blanchiment à travers les
paradis fiscaux et une ingénierie juridique et financière favorisée par Internet
ont « permis aux organisations criminelles de se doter d’une capacité
financière telle qu’il leur est possible d’acheter la décision publique ». Elle
établissait ainsi le lien organique entre paradis fiscaux et corruption
criminelle.
Trois jours plus tard, au séminaire de philosophie du droit organisé par
l’IHEJ, Chantal Cutajar développait la description de ce lien organique : « Le
passage de la sphère de l’illégal vers celle du légal se réalise par
l’intermédiaire de techniques juridiques garantissant l’anonymat pour celles
et ceux qui souhaitent contourner les règles. Cet anonymat leur permettra
d’échapper à la répression et mettra leurs biens à l’abri des poursuites, de la
saisie et de la confiscation. Ce contournement des règles se réalise au moyen
de constructions juridiques opaques, trusts ou fiducies et autres sociétés-
écrans, que des spécialistes de l’ingénierie juridique organisent au sein de
montages pour empêcher toute traçabilité des flux financiers. L’opacité ainsi
créée va empêcher non seulement de relier les flux financiers aux trafics
illicites ou aux opérations de corruption et à leurs auteurs, mais elle va
également faire obstacle à l’appréhension des actifs criminels et les tenir ainsi
à l’abri des poursuites et de la confiscation. Réinvestis dans l’économie
légale, ils augmenteront la puissance financière des organisations criminelles
et renforceront leur capacité à étendre les trafics criminels en recourant à la
corruption. Ainsi, c’est l’opacité, consubstantielle à la structure et à la
définition même des paradis fiscaux, qui en fait un moyen de commettre en
toute impunité la corruption transnationale. »
Elle insistait encore sur l’ampleur du phénomène dialectique blanchiment-
corruption et sur son ancrage principal dans les pays les plus puissants au
monde : « Une étude internationale conduite par des chercheurs de
l’université du Texas, Brigham et Griffith, publiée en septembre 2012, a mis
en lumière de manière scientifique le caractère criminogène de ces structures
juridiques et le peu de cas qu’il était fait du respect des règles visant à
prévenir l’utilisation du système financier à des fins de blanchiment, de
corruption, de terrorisme. Les chercheurs ont envoyé 7 400 demandes par e-
mail à des fournisseurs de sociétés offshore, dans 182 pays. Ils se sont fait
passer pour des blanchisseurs, des officiels corrompus, des terroristes
potentiels. Ainsi seuls 10, sur les 1722 fournisseurs de sociétés, ont respecté
les règles d’identification du bénéficiaire réel exigées par les standards du
129
GAFI . Les chercheurs relatent que les prestataires étaient insensibles au
risque d’avoir affaire à des criminels, des terroristes ou des corrupteurs ou
corrompus. Mais l’apport sans doute le plus marquant de l’étude est d’avoir
révélé que les petits paradis fiscaux, ceux sur qui est focalisée l’attention
internationale, étaient plus rigoureux que les États-Unis et la Grande-
Bretagne dans le respect des règles internationales en matière de lutte contre
le blanchiment et le financement du terrorisme. »
Ce 20 janvier 2014, la conclusion de Chantal Cutajar n’était pas
particulièrement optimiste : « D’un côté la corruption fait l’objet d’une
condamnation unanime par la communauté internationale. Rappelons-nous le
discours de Thorbjørn Jagland, secrétaire général du Conseil de l’Europe, le
22 janvier 2013, dans lequel il voit dans la corruption “la plus grande menace
qui pèse sur la démocratie en Europe aujourd’hui”. De l’autre, toutes les
tentatives pour ériger la transparence des structures offshore échouent et sont
sacrifiées sur l’hôtel de la rentabilité de l’industrie financière. L’économiste
Daniel Cohen a raison de dire : “Quand l’économie chasse les valeurs qui
soudent la société au nom de l’efficacité, le système s’effondre” et avec lui la
démocratie. »
Et cet effondrement aurait les États-Unis et la Grande-Bretagne comme
épicentres ès blanchiments corruptifs, si l’on entend bien Chantal Cutajar.
Comment est-ce possible ? La réponse de l’éminente juriste est claire et
nette : « La compréhension du néolibéralisme est fondamentale pour
comprendre les liens entre la corruption et les paradis fiscaux. Elle est aussi
incontournable lorsque l’on s’interroge sur la définition et le contenu d’une
politique cohérente et efficace de lutte contre la corruption. Pourquoi ? La
finalité du néolibéralisme, magnifiquement décryptée dans l’ouvrage de
Pierre Dardot et Christian Laval, La Nouvelle Raison du monde est de
construire le marché et d’ériger l’entreprise comme modèle de gouvernement
des hommes. Cette conception a eu naturellement pour conséquence de faire
prévaloir le règne de l’économique sur le politique. Mais l’économie a été
réduite à la science de l’intérêt. Sa méthode, qui combine un raisonnement
assis sur le formalisme mathématique et une vérification expérimentale née
de l’étude statistique du comportement des individus ou des groupes sociaux,
ne laisse aucune place au jugement de valeur. Que la recherche économique
porte sur le mariage, le profit ou le crime, il n’y a aucune place pour le
jugement de valeur. Il n’y a ni bien ni mal, et ce n’est pas parce qu’un
phénomène est moralement condamnable qu’il a un impact économique
négatif. Si la finalité est d’ériger une société sur le mode de l’entreprise dont
la rationalité est de maximiser les profits, alors, c’est aussi le renoncement à
toute quête du bien commun. Il n’y a, dans un tel système, aucune place pour
la recherche du bien commun, cette quête qui postule, à l’inverse, un
jugement de valeur, qui postule la reconnaissance et la protection de valeurs
non marchandes universelles en contrepoids des valeurs marchandes qui ont
130
d’ores et déjà acquis le statut d’universalité . »
Pour en finir avec la « gouvernance »
Ce jour-là, l’analyse politique au lance-flammes de la directrice du Groupe
de recherches approfondies sur la criminalité organisée (GRASCO) n’a été
contestée par aucun des participants — tous très experts — au séminaire de
l’IHEJ organisé par le magistrat Antoine Garapon sur le thème de la
corruption. Bien au contraire. Antoine Garapon a lui-même porté, dans le
même contexte, un point de vue profond sur la corruption comme un « mal
décuplé par la mondialisation ». Dans un article majeur, publié par la revue
Esprit en février 2014, le magistrat, secrétaire général de l’IHEJ, relevait :
« Tout se passe comme si la mondialisation radicalisait la corruption qui était
en germe dans les démocraties libérales. [...] La mondialisation, pourrait-on
dire en schématisant, décuple la puissance des entités non étatiques comme
les entreprises, les banques ou les organisations criminelles, en même temps
qu’elle affaiblit les États. [...] La professionnalisation de la corruption
s’explique également par le sentiment d’impunité que génère l’espace global,
qui n’est pas sans rappeler celui dont jouissaient les pirates autrefois. Ce
monde “liquide” opère certainement une désensibilisation au mal. » En
conclusion de sa réflexion, lui aussi s’en prenait au libéralisme, lorsqu’il
dégénère au seul service de l’économie : « La justification de la corruption
est résumée par cette réplique de Don Calogero, l’intendant du prince Salina
dans Le Guépard : “Le profit est une loi naturelle.” Le libéralisme dit-il autre
131
chose ? » Grave question.
Mais les questions soulevées par Antoine Garapon vont plus loin encore.
Et pour ce qui me concerne, je dois admettre que ma participation au
séminaire de l’IHEJ, pendant l’hiver 2013-2014, et la lecture du dossier
publié par Esprit en février 2014 ont fait sauter bien des verrous, qui
entravaient encore ma compréhension du système, l’enfermaient dans une
approche exclusivement économique, financière et judiciaire. Antoine
Garapon, organisateur de ces rencontres remarquables avec Chantal Cutajar
(juriste), Charles-Henri de Choiseul Praslin (avocat et criminologue), Thierry
Ménissier et Céline Spector (philosophes), Olivier de Sardan et Marcel
Hénaff (anthropologues), Olivier Abel (philosophe et théologien), etc., a su, à
cette occasion, disqualifier définitivement, aux yeux des participants,
l’approche exclusivement économique du phénomène de la corruption, celle
que recommandent les grandes institutions publiques (ONU, Banque
mondiale, OCDE) ou associatives (grandes ONG internationales) : « Tous ces
dispositifs de lutte contre la corruption participent d’une même vision du
monde mécaniste, formaliste, néolibérale et, dans le fond, antipolitique. »
C’est dit !
Alors, comment devons-nous penser la corruption aujourd’hui ? Antoine
Garapon ouvre les premières pistes de travail :
— Non, la corruption n’est pas seulement « un simple problème de
gouvernance » économique, réglementaire et législative !
— Pour autant, la corruption est bien d’abord « une question politique »,
dans la mesure où elle est « un mal originaire, consubstantiel au pouvoir qui
affecte toutes les formes de gouvernement et qui, à ce titre, n’a cessé d’être
132
au cœur de la pensée politique, de Platon à Judith Shklar en passant par
Machiavel et Montesquieu ».
— Elle est aussi une « question morale », métaphysique en quelque sorte,
physiologiquement articulée à la question politique, surtout depuis qu’elle a
été conceptualisée en Grèce antique, notamment par Platon et Aristote, qui
concentrent leur attention sur le jeu dialectique entre la corruption-
décomposition-destruction (phtora) et la force vitale de génération-
régénération (genesis), question qui engage tout à la fois les corps, les mœurs
et la cité.
— Elle est encore, selon Antoine Garapon, un « crime contre la loi », car,
« à bien y regarder, le plus inquiétant dans la corruption n’est pas tant la
confusion entre le privé et le public que le fait que la règle est transgressée
par celui-là même qui doit la faire respecter ». C’est pourquoi « la corruption
recèle non pas une protestation contre la loi mais une négation sourde et
invisible de la règle », écrit-il. Si bien qu’« elle aboutit à aspirer l’universel
des institutions publiques dans le particulier de l’intérêt ». Il est difficile, à la
lecture de ces lignes, d’échapper aux images astrophysiques du trou noir et de
l’antimatière.
— Elle disqualifie, enfin, nos « fictions démocratiques » et nous livre
progressivement, en vertu d’une « dynamique mortifère », à la tyrannie, par
la destruction insensible du sens même des mots, par la systématisation du
mensonge dans les discours institutionnels, par l’inversion même de la
justice. Parvenues à ce point de dégénérescence où la démocratie a muté en
tyrannie, « les lois anticorruption ne servent pas à se débarrasser des
politiciens véreux mais des opposants politiques qui dénoncent la
corruption ».
Sommes-nous si éloignés de ce terme ? Depuis quelques mois, tous les
experts en la matière, et quel que soit leur domaine (renseignement, police,
douane, magistrature, droit, économie, sociologie, anthropologie,
philosophie...), toutes mes « rencontres remarquables » répondent
unanimement à la question, et souvent avec angoisse : « Non, nous y
sommes. » Elles répondent aussi qu’elles souhaitent travailler désormais
ensemble à la divulgation publique de ce mal, à l’appel aux consciences, à la
mobilisation civique qui, seuls, peuvent nous sauver, in extremis, de la
tyrannie millénaire.
La vérité éthique du porte-voix
Afin de contribuer à ce travail collectif, j’ai entrepris d’exposer, dans les
chapitres qui suivent, ce que l’anthropologie et la sociologie nous apprennent
sur la corruption, mais aussi les enjeux politiques et métaphysiques du
combat qu’il faut engager contre elle.
Pour ce faire, je citerai fidèlement ce que j’ai entendu et lu de meilleur,
sachant qu’il n’est de réflexion nouvelle qui ne soit tissée de toutes celles qui
l’ont précédée. Il n’est pas de création non plus qui ne soit issue de la
tradition. Bref, je ne serai pas seul sur le chemin de la connaissance. Et je
n’hésiterai pas à citer abondamment mes sources, me conformant ainsi au
bon usage talmudique du « Il est écrit » ou de ce « R. a dit » qui ouvre « la
133
lecture infinie ».
Qui connaît encore la définition scolastique de l’auctor (distingué des
scriptor, compilator et commentator), celui qui développe ses propres idées
en prenant appui sur d’autres autorités ? Cela fait un peu plus d’une trentaine
d’années que les analyses structuralistes du discours ont signé le déclin, si ce
n’est la mort, de l’idolâtrie littéraire pour l’auteur, telle qu’instituée par les
Lumières et hystérisée par le romantisme. Lisant ensemble Michel Foucault
et Primo Levi, le philosophe italien Giorgio Agamben a organisé le sauvetage
du sujet humain au-delà de cette mise en cause radicale de l’auteur. Et
pourtant la confusion perdure, aujourd’hui encore, entre la relativisation de
l’auteur et la mort du sujet : brouillage savamment entretenu, sans doute, par
quelques auteurs qui tentent de sauver leur statut, certes avantageux, par le
sacrifice de l’homme, pas moins ! Les deux notions sont, pourtant, clairement
distinctes, par leur histoire autant que par leur statut.
Parce que les voix de celles et de ceux qui luttent contre la corruption,
chuchotantes ou tonitruantes, anciennes ou nouvelles, fortes ou fragiles,
célèbres ou ignorées, confluent en une irrésistible volonté de comprendre,
mon propre travail sera d’abord celui du porte-voix, se nourrissant de
l’enseignement collectif, discuté, multiple, qui seul peut prétendre à
l’authenticité éthique.
Emmanuel Levinas l’a dit, une bonne fois pour toutes : « Le miracle de la
confluence est plus grand que le miracle de l’auteur unique. Or le pôle de
cette confluence est l’éthique... [...] Oui, la vérité éthique est commune. [...]
La condition subjective de la lecture est nécessaire à la lecture du
prophétique. Mais il faut y ajouter certainement la nécessité de la
confrontation et du dialogue et, dès lors, surgit tout le problème de l’appel à
134
la tradition, lequel n’est pas une obédience mais une herméneutique . »
IV - Politique du crime organisé
Le pouvoir tend à corrompre, le pouvoir absolu corrompt
absolument.
Lord Acton (1834-1902).
64.
[←64]
65. Cynthia Fleury, « Si une nouvelle offre politique a du sens... », La Croix, 28
février 2014, p. 12.
[←65]
66. Id., La Fin du courage, Fayard, 2010, Le Livre de Poche, 2011.
[←66]
67. Ces 600 milliards qui manquent à la France, op. cit.
[←67]
68. Denis Robert, Vue imprenable sur la folie du monde, op. cit., p. 97.
[←68]
69. Michel Foucault, Le Gouvernement de soi et des autres. Cours au Collège de
France 1982-1983, Gallimard/Éditions du Seuil, coll. « Hautes Études », 2008, et Le
Courage de la vérité. Le Gouvernement de soi et des autres II. Cours au Collège de
France 1983-1984, Gallimard/Éditions du Seuil, coll. « Hautes Études », 2009. Pour une
vue d’ensemble : Thomas Berns, Laurence Blésin et Gaëlle Jeanmart, Du courage. Une
histoire philosophique, Encre marine, 2010. Pour une histoire plus précise de la
redécouverte de la parrêsia par Foucault : Carlos Lévy, « Parrêsia », dans Jean-François
Bert et Jérôme Lamy (sous la direction de), Michel Foucault. Un héritage critique, CNRS
Éditions, 2014, p. 143 à 152.
[←69]
70. « Le souci de la vérité », entretien avec François Ewald, dans Le Magazine
littéraire, n° 207, mai 1984, repris dans Dits et Écrits II. 1976-1988, Gallimard, coll.
« Quarto », 2001, p. 1497.
[←70]
71. Cynthia Fleury, La Fin du courage, op. cit., p. 138.
[←71]
72. Philippe Chevallier, Michel Foucault. Le pouvoir et la bataille, PUF, 2e édition,
2014, p. 94.
[←72]
73. Du grec άποκαλυψις/apokálupsis qui signifie « dévoilement », « révélation », bien
plus que « catastrophe ». Le prophétisme du Jean de l’Apocalypse est parfaitement établi
par le travail exégétique monumental de Pierre Prigent : L’Apocalypse de saint Jean,
Labor et Fides, édition revue et augmentée, 2014.
[←73]
74. Guide de lecture des prophètes, Bayard, 2010, p. 14 à 20. Pour le contexte
historique : Adolphe Lods, Les prophètes d’Israël et les débuts du judaïsme, Albin
Michel, coll. « L’évolution de l’humanité », 1969 et Armand Abécassis, La Pensée juive,
vol. 2, De l’état politique à l’éclat prophétique, Le Livre de Poche, 1987.
[←74]
75. Jean-Paul Chabrol, La Guerre des camisards en 40 questions, Alcide, 2010, p. 82
et p. 29 à 33 (« Qu’est-ce que le prophétisme ? »). Cf. aussi Daniel Vidal, Le Malheur et
son prophète. Inspirés et sectaires en Languedoc calviniste (1685-1725), Payot, 1983 ;
Philippe Joutard, Les Camisards, Gallimard, coll. « Folio », 1994, tout le chapitre « Les
prophètes protestants » ; les extraordinaires Mémoires d’un camisard, Jacques
Bonbonnoux, présentés par Jean-Paul Chabrol, notamment p. 28 et 29 sur « les activités
religieuses [intenses] des camisards », Alcide, 2011.
[←75]
76. Victor Hugo, Napoléon le Petit, Actes Sud, 2007. Mes citations sont extraites de
l’édition Jean-Jacques Pauvert, 1964.
[←76]
77. Et le texte prophétique continue ainsi, enflammé par la révolte : « M. Bonaparte a
trois cents chevaux de luxe, les fruits et les légumes des châteaux nationaux, et des parcs
et jardins jadis royaux ; il regorge ; il disait l’autre jour : toutes mes voitures, comme
Charles-Quint disait : toutes mes Espagnes, et comme Pierre le Grand disait : toutes mes
Russies. Les noces de Gamache sont à l’Élysée ; les broches tournent nuit et jour devant
des feux de joie ; on y consomme — ces bulletins-là se publient, ce sont les bulletins du
nouvel empire — six cent cinquante livres de viande par jour ; l’Élysée aura bientôt cent
quarante-neuf cuisines comme le château de Schönbrunn ; on boit, on mange, on rit, on
banquette : banquet chez tous les ministres, banquet à l’École militaire, banquet à l’Hôtel
de Ville, banquet aux Tuileries, fête monstre le 10 mai, fête encore plus monstre le 15
août, on nage dans toutes les abondances et dans toutes les ivresses. Et l’homme du
peuple, le pauvre journalier, auquel le travail manque, le prolétaire en haillons, pieds nus,
auquel l’été n’apporte pas de pain et auquel l’hiver n’apporte pas de bois, dont la vieille
mère agonise sur une paillasse pourrie, dont la jeune fille se prostitue au coin des rues
pour vivre, dont les petits enfants grelottent de faim, de fièvre et de froid dans les bouges
du faubourg Saint-Marceau, dans les greniers de Rouen, dans les caves de Lille, y songe-t-
on ? Que devient-il ? Que fait-on pour lui ? Crève, chien ! » (op. cit., 1964, p. 85 et 86).
[←77]
78. Roland de Pury (1907-1979) est Juste parmi les nations (notice du Comité français
pour Yad Vashem : http://www.yadvashem-france. org/les-justes-parmi-les-nations/les-
justes-de-france/dossier-1066/). Dans sa belle biographie du prédicateur de Lyon, Daniel
Galland (Roland de Pury. Le souffle de la liberté, Les Bergers et les Mages, 1994) le dit
« pasteur, prophète, résistant ».
[←78]
79. Patrick Cabanel, Résister. Voix protestantes, Alcide, 2012.
[←79]
80. Rhétorique utilisant expressions bibliques, tournures empruntées à l’hébreu ou au
grec et termes évangéliques. Fait référence au pays de Canaan, terre promise aux Hébreux
après leur sortie d’Égypte.
[←80]
81. Albert Camus, L’Homme révolté, Gallimard, 1951 et coll. « Folio », 1995, p. 42 et
43.
[←81]
82. Apocalypse de Jean 17, traduction Nouvelle Bible Segond : « 1. Alors l’un des
sept anges qui tenaient les sept coupes vint parler avec moi. Il me dit : Viens, je te
montrerai le jugement de la grande prostituée qui est assise sur de grandes eaux. 2. C’est
avec elle que les rois de la terre se sont prostitués, et les habitants de la terre sont ivres du
vin de sa prostitution. 3. Il me transporta, par l’Esprit, dans un désert. Je vis alors une
femme assise sur une bête écarlate, pleine de noms blasphématoires, qui avait sept têtes et
dix cornes. 4. Cette femme était vêtue de pourpre et d’écarlate, parée d’or, de pierres
précieuses et de perles. Elle tenait à la main une coupe d’or, pleine d’abominations et des
impuretés de sa prostitution. 5. Sur son front était écrit un nom, un mystère : Babylone la
Grande, la mère des prostituées et des abominations de la terre. »
[←82]
83. Discours du nouveau Premier ministre Jean-Marc Ayrault, le 3 juillet 2012, à
l’Assemblée nationale (déclaration de politique générale du gouvernement) : « À tous les
niveaux, le gouvernement que je dirige se donnera les moyens de lutter contre la fraude, et
d’abord contre l’évasion fiscale ! Dans ce combat pour le redressement, nous avons besoin
de tous les acteurs. Il ne peut être l’affaire du gouvernement seul. Le changement ne se
décrète pas. Il ne se mesure pas au nombre de lois votées. Il est un mouvement qui inspire
toute la société, un mouvement porté par tous les corps intermédiaires : les collectivités
locales, les partenaires sociaux, les associations, les ONG. »
[←83]
84. Edwy Plenel écrit, le 27 décembre 2012, en tant que directeur de Mediapart, au
procureur de la République de Paris : « En l’état, aucune procédure judiciaire ne vise donc
à satisfaire la vérité. D’où la question que nous vous posons dans un souci de
manifestation de cette vérité, et sur laquelle nous aimerions connaître votre réponse :
pourquoi ne pas confier à un juge indépendant les investigations qu’appellent les
informations qui, aujourd’hui, font l’objet du débat public sur ce qui est devenu “l’affaire
Cahuzac” ? Pourquoi ne pas permettre au juge d’instruction déjà en charge des procédures
en cours visant la banque UBS pour des faits d’évasion et de fraude fiscales,
M. Guillaume Daïeff, d’enquêter sur ces faits nouveaux, sur la base d’un supplétif que
vous lui accorderiez et qui étendrait son champ d’investigation ? Les faits révélés par
Mediapart sont à l’évidence contigus à ceux sur lesquels enquête ce juge : il s’agit de la
même banque suisse, UBS, et d’évasion fiscale concernant un résident et ressortissant
français. » Peu après, le 8 janvier 2013, une enquête préliminaire était ouverte pour
« blanchiment de fraude fiscale » à l’encontre du ministre du Budget.
[←84]
85. Fabrice Arfi, L’Affaire Cahuzac. En bloc et en détail, Don Quichotte, 2013,
p. 163 sq.
[←85]
86. L’interview enregistrée le 24 janvier 2013, à Genève, était destinée à être publiée
dans les pages de La Croix. À noter que, mise en examen en octobre 2013 dans l’affaire
du compte non déclaré de Jérôme Cahuzac, la banque Reyl affirme qu’elle a agi « en
conformité avec les législations et réglementations qui lui sont applicables ».
[←86]
87. Cette fois-ci, ce fut sur le site Internet de La Croix : http://www. la-
croix.com/Actualite/France/Affaire-Cahuzac-un-banquier-suisse-se-dit-pret-a-aider-a-
nouveau-la-justice-_NG_-2013-03-20-923161.
[←87]
88. Il s’agit de Pierre Condamin-Gerbier, qui fut entendu par les policiers, les juges
d’instruction, les parlementaires et les journalistes français, jusqu’à son arrestation, en
Suisse, le 5 juillet 2013. Il a été emprisonné, dès lors, pendant deux mois et demi, à Berne,
sous le coup d’une accusation d’« espionnage économique ».
[←88]
89. Fabrice Arfi, « Pierre Condamin-Gerbier : dans le secret des banques suisses »
(Mediapart, 2 juillet 2013, http://www.mediapart.fr/joumal/ intemational/020713/pierre-
condamin-gerbier-dans-le-secret-des-banques-suisses). Et Fabrice Arfi, « Pierre
Condamin-Gerbier : “Je suis au milieu d’une énorme machine à blanchir” » (Mediapart, 3
juillet 2013 ; http:// www.mediapart.ff/joumal/intemational/030713/pierre-condamin-
gerbier-je-suis-au-milieu-d-une-enorme-machine-blanchir).
[←89]
90. Jean-François Gayraud, Showbiz, people et corruption, Odile Jacob, 2009, et
Thierry Colombié, Stars et truands, Fayard, 2013.
[←90]
91. Roberto Scarpinato et Saverio Lodato, Le Retour du prince, La Contre-Allée,
2012.
[←91]
92. L’enquête parlementaire, dont le rapporteur était Alain Claeys, député socialiste
de la Vienne et ancien trésorier du Parti socialiste entre 1994 et 2003, a été dénoncée
comme une « mascarade » par de nombreux élus de l’opposition, au premier rang
desquels le président de la commission, Charles de Courson.
[←92]
93. Michaël Hajdenberg et Mathilde Mathieu, « Affaire Cahuzac : la piste de la
corruption », Mediapart, 13 juin 2013.
[←93]
94. Première entreprise pharmaceutique française et numéro 5 mondial du secteur en
2011. En 2013, du point de vue des bénéfices, Sanofi est le numéro 2 mondial. C’est aussi
l’un des leaders mondiaux en matière de vaccins (filiale Sanofi Pasteur). Le lobbyiste
Daniel Vial, ami et employeur de Jérôme Cahuzac, fut par ailleurs conseiller spécial du
directeur général de Sanofi jusqu’au 25 avril 2013.
[←94]
95. Direction de surveillance du territoire, dite familièrement « service de contre-
espionnage », fondue avec les Renseignements généraux (RG), dans la Direction centrale
du renseignement intérieur (DCRI), en avril 2008.
[←95]
96. Anne Michel et Raphaëlle Bacqué, « Le trésorier de campagne de François
Hollande a investi aux Caïmans », et Raphaëlle Bacqué, « Jean-Jacques Augier, un ami de
trente ans du président de la République », Le Monde, 4 avril 2013. Le 4 avril 2013,
François Hollande assurait qu’il ne connaissait « rien » des « activités privées » de son ex-
trésorier de campagne.
[←96]
97. François Hollande, Changer de destin, Robert Laffont, 2012, p. 50.
[←97]
98. Id., Le Changement, c’est maintenant. Mes 60 engagements pour la France, 26
janvier 2012, p. 34.
[←98]
99. Extraits de la note du service des affaires juridiques de l’Assemblée nationale,
datée du 4 juin 2013.
[←99]
100. Je dois aux sociologues Michel Pinçon et Monique Pinçon-Chariot ces premières
informations.
[←100]
101. Le 15 mai 2012, Aquilino Morelle, énarque et médecin, est nommé conseiller
politique auprès du président de la République François Hollande. Début février 2014, il
est également nommé chef du « pôle communication » de l’Élysée. Le 17 avril 2014, une
enquête de Mediapart révèle qu’il « avait travaillé en cachette pour des laboratoires »
pharmaceutiques pendant qu’il exerçait à l’Inspection générale des affaires sociales
(IGAS), où il était censé les contrôler. L’enquête de Mediapart souligne aussi l’utilisation
de moyens attachés à la République pour traiter des affaires privées. Le 18 avril 2014,
Aquilino Morelle démissionne de ses fonctions de conseiller à l’Élysée. Le même jour,
une enquête préliminaire visant l’ex-conseiller est ouverte par le parquet national
financier, en rapport avec ses liens passés avec des laboratoires pharmaceutiques. Cf.
Michaël Hadjenberg, « Élysée : les folies du conseiller de François Hollande «, Mediapart,
17 avril 2014.
[←101]
102. Faouzi Lamdaoui, présenté par Le Monde comme un « sherpa » de François
Hollande, a été chef de cabinet dans le dispositif de sa campagne lors de l’élection
présidentielle de 2012. En mai 2012, il est nommé conseiller chargé de « l’égalité et de la
diversité » auprès du président de la République. Le 11 juin, Faouzi Lamdaoui a été
entendu par les policiers de l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions
financières et fiscales de Nanterre, qui le soupçonnent de « recel d’abus de biens sociaux »
et de « fraude fiscale ».
[←102]
103. Deux mois plus tard, le 27 juin 2014, il apparaît que Jean-Marie Le Guen a
initialement sous-déclaré son patrimoine d’environ 700 000 euros à la Haute Autorité pour
la transparence de la vie politique.
[←103]
104. Bastien Bonnefous, « Le retour des strauss-kahniens aux affaires », Le Monde, 16
avril 2014.
[←104]
105. Jean-Loup Reverier et al., « Le PS et la Sécu des étudiants », Le Point, 4 juillet
1998.
[←105]
106. Éric Decouty, « Mnef : la lettre qui accuse le PS », Le Parisien, 13 septembre
2000.
[←106]
107. Sur tout cela, lire Éric Decouty, Les Scandales de la Mnef. La véritable enquête,
Michel Lafon, 2000. Christophe Borgel obtiendra un non-lieu.
[←107]
108. Une enquête préliminaire a été ouverte, en août 2011, par le parquet de Paris.
[←108]
109. Didier Hassoux, « Une société bordée à gauche et à droite. Pour obtenir des
marchés auprès des collectivités, la société Maât avait embauché plusieurs cadres du PS,
de l’UMP et du Medef. Des emplois de complaisance », Le Canard enchaîné, 15 février
2012.
[←109]
110. L’ironie a-t-elle prévalu lors du choix de ce nom ? La déesse Maât, dans la
mythologie égyptienne, est la déesse de l’ordre, de l’équilibre du monde, de l’équité, de la
paix, de la vérité et de la justice.
[←110]
111. Op. cit. Lire aussi « L’oligarchie dans la France de François Hollande »,
troisième chapitre de La Violence des riches (Zones/La Découverte, 2013) des
sociologues Michel Pinçon et Monique Pinçon-Chariot, ainsi que les deux derniers livres
de Sophie Coignard et Romain Gubert : L’Oligarchie des incapables, Albin Michel, 2012,
et La Caste cannibale, Albin Michel, 2014.
[←111]
112. À propos d’Henri Proglio, voici quelques précisions intéressantes (mars 2012) :
« Lorsqu’en 1999, empêtré dans l’affaire de la Mnef, DSK a dû démissionner du ministère
des Finances, c’est l’ami Proglio qui a fourni aux juges le témoignage qui devait
contribuer à l’innocenter. Olivier Spithakis, l’ancien directeur général de la Mnef, est
d’ailleurs resté proche de DSK et de Proglio. Longtemps exilé à Barcelone, il a conseillé
une société bien connue des Corses qui exploite des machines à sous. Aujourd’hui, il
travaille pour... EDF Énergies nouvelles, dirigée depuis janvier par le banquier Antoine
Cahuzac, frère de Jérôme... » (Raphaëlle Bacqué et Ariane Chemin, « Les mauvais calculs
d’Henri Proglio », Le Monde, 1er mars 2012). Le 24 juin 2014, Libération s’interrogeait :
« Henri Proglio a-t-il mis les entreprises qu’il dirige au service de sa femme ? » Avant de
raconter : « La justice enquête déjà sur les 60 000 euros versés en 2012 par EDF pour
financer un spectacle de la comédienne Rachida Khalil, épouse du patron d’EDF à la ville.
Mais ce n’est pas le seul coup de pouce dont elle a bénéficié. Selon nos informations, son
précédent one-woman-show, L’Odyssée de ta race, a été subventionné à hauteur de
135 000 euros en 2009 par Veolia Environnement, dont Henri Proglio était alors le
PDG. »
[←112]
113. Marianne, 10 septembre 2011.
[←113]
114. La Croix, 23 mai 2014, p. 16.
[←114]
115. « Il y a beaucoup de façons de parler de la télévision. Mais, dans une perspective
“business”, soyons réalistes : à la base, le métier de TF1, c’est d’aider Coca-Cola, par
exemple, à vendre son produit [...]. Or, pour qu’un message publicitaire soit perçu, il faut
que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation de le
rendre disponible : c’est-à-dire de le divertir, de le détendre pour le préparer entre deux
messages. Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain
disponible [...] » (Patrick Le Lay, P-DG de TF1, le 9 juillet 2004).
[←115]
116. Adrien de Tricomot, Mathias Thépot, Franck Dedieu, avec une introduction de
Gaël Giraud, Mon amie, c’est la finance ! Comment François Hollande a plié devant les
banques, Bayard, 2014.
[←116]
117. Jean-Pierre Jouyet sera secrétaire d’État chargé des Affaires européennes dans le
gouvernement Fillon, en 2007, puis président de l’Autorité des marchés financiers (AMF)
de 2008 à 2012. Il deviendra directeur général de la Caisse des dépôts et consignations et
président de la Banque publique d’investissement (BPI) entre 2012 et 2014. Le 16 avril
2014, il a été nommé secrétaire général de la présidence de la République.
[←117]
118. Françoise Bonfante, « déontologue » d’UBS pendant toutes les années où cette
banque a organisé une évasion fiscale massive, fut nommée à la commission des sanctions
de l’Autorité des marchés financiers (AMF), le gendarme de la finance, le 20 décembre
2013, par le ministère de l’Économie et des Finances. Face au scandale déclenché par les
lanceurs d’alerte d’UBS (mes sources en France) et porté par le sénateur du Nord Éric
Bocquet, Françoise Bonfante fut obligée de démissionner le 27 février 2014. Le 15 janvier
2014, UBS France nommait Agnès de Clermont-Tonnerre (promotion Voltaire de l’ENA)
au poste de directrice des risques et de la conformité pour l’ensemble des entités de la
banque suisse dans l’Hexagone, c’est-à-dire au poste de Françoise Bonfante. Il y aurait
aussi beaucoup à dire sur des faits avérés et documentés de porosité entre UBS France et
le Conseil d’État.
[←118]
119. Cf. le livre de Martine Orange, Rothschild. Une banque au pouvoir, Albin Michel,
2012, notamment les p. 347 à 355.
[←119]
120. Carole Barjon, « Hollande impose un Sarko-boy à Bercy », Le Nouvel
Observateur, 26 septembre 2012.
[←120]
121. Cf. Antoine Peillon, « Lanceurs d’alerte — 2 — Olivier Thérondel/Tracfin » et
« Lanceurs d’alerte — 4 — Olivier Thérondel/Tracfin », dans mon blog personnel
hébergé par Mediapart, 6 février 2014.
[←121]
122. La Corruption en France. La République en danger de Gilles Gaetner (François
Bourin, 2012) permet, entre autres, de faire le tour des « abominations » dont est frappé
notre pays.
[←122]
123. Auteur, entre autres, des Pathologies de la démocratie (Le Livre de Poche, 2009)
et de La Fin du courage (Le Livre de Poche, 2011).
[←123]
124. Directeur de recherche au CNRS, auteur de Favoritisme et corruption à la
française. Petits arrangements avec la probité, Presses de Sciences-Po, 2010, et d’Une
démocratie corruptible. Arrangements, favoritisme et conflits d’intérêts, Seuil, coll. « La
République des idées », 2011.
[←124]
125. Je reprends ici une expression de Charles-Henri de Choiseul Praslin, avocat et
président de l’Observatoire géopolitique des criminalités (OGC), dans ses propos publiés
par La Croix, 17 janvier 2014, p. 15.
[←125]
126. Pierre Lascoumes, « Une déviance largement tolérée », La Croix, 2 décembre
2011, p. 13.
[←126]
127. Auteur de Finance servante ou finance trompeuse ?, Desclée de Brouwer, 2008,
éditeur de Pratiques financières, Regards chrétiens, Desclée de Brouwer, 2009, et
coauteur de Lutte contre la corruption internationale. The never ending story, Schulthes/
Éditions romandes, 2011. Depuis 1999, il codirige la revue Finance & Bien commun.
[←127]
128. « La corruption ou le nouvel âge de la transparence », sous la direction d’Antoine
Garapon, magistrat, secrétaire général de l’Institut des hautes études sur la justice, auteur
d’une trentaine de livres, dont Le Gardien des promesses. Justice et démocratie, avec une
préface de Paul Ricœur, Odile Jacob, 1996.
[←128]
129. Maître de conférences, habilitée à diriger les recherches à la faculté de droit, de
sciences politiques et de gestion de Strasbourg, directrice du Groupe de recherches
approfondies sur la criminalité organisée (GRASCO).
[←129]
130. Le Groupe d’action financière (GAFI) a été créé en juillet 1989, à l’occasion du
Sommet du G7 de Paris, afin d’examiner et d’élaborer des mesures de lutte contre le
blanchiment de capitaux. En octobre 2001, le GAFI a étendu son mandat, dans la
perspective de favoriser l’intégration des efforts de lutte contre le financement du
terrorisme et ceux qui sont dirigés contre le blanchiment de capitaux.
[←130]
131. Exposé de Chantal Cutajar au séminaire de philosophie du droit (IHEJ et ENM),
le lundi 20 janvier 2014 : « Paradis fiscaux et corruption » (inédit).
[←131]
132. « La peur de l’impuissance démocratique », dans le dossier « La corruption,
maladie de la démocratie », Esprit, n° 402, février 2014, p. 29 et 30.
[←132]
133. Paul Magnette, Judith Shklar. Le libéralisme des opprimés, Michalon, coll. « Le
bien commun », 2006. Présentation de l’éditeur : « Née dans une famille juive lituanienne
d’expression allemande, exilée aux États-Unis à l’aube de la Seconde Guerre mondiale,
Judith Shklar (1928-1992) fut au cœur des grands tourments du siècle. Marquée par le
désenchantement des années d’après-guerre, sa pensée politique s’inscrit dans la grande
tradition sceptique inspirée de Montaigne. Se situant au confluent de l’histoire et de
l’éthique, prêtant une attention étroite aux dimensions psychiques du politique, elle
débarrasse le libéralisme de son abstraction et de son penchant optimiste. Reconstruit
selon le point de vue des victimes, son libéralisme offre un nouvel éclairage aux grandes
questions du temps : la justice, la démocratie, la reconnaissance. »
[←133]
134. David Banon, La Lecture infinie. Les voies de l’interprétation midrachique, avec
une préface d’Emmanuel Levinas, Seuil, 1987, et Marc-Alain Ouaknin, Le Livre brûlé.
Philosophie du Talmud, nouvelle édition, Seuil, coll. « Points Sagesse », 1993.
[←134]
135. Emmanuel Levinas, Éthique et infini (dialogues avec Philippe Nemo), Fayard et
France Culture, 1982, p. 123 et 124 et Le Livre de Poche, 1984, p. 113 et 114.
[←135]
136. Roberto Scarpinato est né en Sicile en 1952. Il s’engage, en 1989, dans le pool
antimafia de Palerme et travaille avec Giovanni Falcone et Paolo Borsellino. Au parquet
de Palerme, il dirige les départements Mafia-économie, Mafia de Trapani et Criminalité
économique. Procureur au procès Andreotti, Scarpinato a instruit les plus importants
procès menés contre la mafia et ses liens au sein du monde politique et institutionnel. Il
est, depuis 2010, procureur général près la cour d’appel de Caltanissette, en charge des
enquêtes relatives aux assassinats politico-mafieux de 1992 et 1993. Roberto Scarpinato
vit sous protection policière depuis plus de vingt ans.
[←136]
137. Jean de Maillard, dans sa préface à Thierry Colombié, La French Connection, op.
cit., p. 14.
[←137]
138. Adoptée le 31 octobre 2003 et entrée en vigueur le 14 décembre 2005, ratifiée par
la France le 11 juillet 2005 et par l’Union européenne le 12 novembre 2008.
[←138]
139. Pour rappel, TRACFIN (Traitement du renseignement et action contre les circuits
financiers clandestins) est une structure entièrement dépendante du ministère des Finances
dédiée à la lutte antiblanchiment.
[←139]
140. Auteur de l’impérissable Un monde sans loi. La criminalité financière en images,
Stock, 1999, et d’un article qui fait méthode, « L’économie trafiquante, paradigme de la
mondialisation », Politique, revue de débats, n° 42, Bruxelles, décembre 2005.
[←140]
141. Jacques de Saint Victor, Un pouvoir invisible. Les mafias et la société
démocratique, XIXe-XXIe siècle, Gallimard, coll. « L’esprit de la Cité », 2012, p. 322 à
325.
[←141]
142. Eugène-François Vidocq (1775-1857), forçat évadé du bagne, fut indicateur, puis
chef de brigade de sûreté, un service de police dont les membres étaient d’anciens
condamnés. Il fut également le fondateur de la toute première agence de détectives privés
de l’histoire, le Bureau de renseignements pour le commerce, qui fournissait des services
de renseignement et de surveillance économiques.
[←142]
143. Certains des oligarques de l’ère Eltsine (1991-1999) se sont rapprochés du
nouveau tsar, Poutine, et ont obtenu des postes importants au sein de structures étatiques
russes, en contrepartie de la mise au service du pays de leurs fortunes (souvent acquises
dans des conditions douteuses). Ce fut notamment le cas de Roman Abramovitch,
d’Anatoli Tchoubaïs, de Mikhail Fridman ou de Vladimir Potanine. D’autres jouissent
d’une évidente protection, comme Pavel Fedoulev, qui, en septembre 2000, s’est emparé
du combinat métallurgique d’Ouralkhimmach, avec l’aide des forces spéciales du
ministère de l’Intérieur. Les privatisations dans l’industrie métallurgique russe,
commencées en 1991, se sont poursuivies sous les présidences de Vladimir Poutine. Lire :
Hélène Blanc et Renata Lesnik, Les Prédateurs du Kremlin (1917-2009), Seuil, 2009, et
Jacques de Saint Victor, Un pouvoir invisible, op. cit., p. 263 à 284.
[←143]
144. Sophie Coignard et Romain Gubert, L’Oligarchie des incapables, Albin Michel,
2012, et des mêmes journalistes, La Caste cannibale. Quand le capitalisme devient fou,
Albin Michel, 2014. Lire aussi : Jean — Louis Servan-Schreiber, Pourquoi les riches ont
gagné, Albin Michel, 2014 ; Hervé Kempf, L’Oligarchie ça suffit, vive la démocratie,
Seuil, coll. « L’histoire immédiate », 2011, et Points, 2013 ; Yvan Stefanovitch, Aux frais
de la princesse. Enquête sur les privilégiés de la République, Jean-Claude Lattès, 2007...
[←144]
145. La situation d’oligopole, ou oligopolistique, se constitue sur les marchés où un
très petit nombre d’offreurs (vendeurs) se retrouve devant un très grand nombre de
demandeurs (clients). Cette situation aboutit souvent à des ententes illicites et à des abus
de position dominante organisée (logique des cartels).
[←145]
146. Michel Tomi a été mis en examen pour corruption d’agent public étranger, faux et
usage de faux, abus de confiance, recel d’abus de bien social, complicité d’obtention
indue d’un document administratif et travail dissimulé.
[←146]
147. Voir, sous la direction d’Antoine Garapon et de Pierre Servan-Schreiber (sous la
direction de), Deals de justice. Le marché américain de l’obéissance mondialisée, PUF,
2013. Et aussi : Antoine Garapon, « La piste des “deals de justice” américains », La Croix,
17 janvier 2014, p. 14 : « Une nouvelle politique de lutte contre la corruption a été mise en
place ces dernières années par les autorités américaines. Elle consiste à offrir, à une
entreprise suspectée, de coopérer avec le procureur américain, faute de quoi l’accès au
marché américain serait fermé à l’entreprise susdite, ce qui, dans la situation actuelle de
l’économie mondialisée, équivaudrait à un suicide économique. En échange de l’abandon
des poursuites, il lui est demandé de pratiquer à ses propres frais l’enquête sur la réalité
des accusations, par le moyen d’avocats et non plus de policiers, de s’acquitter d’une
amende négociée, de mettre en place des mécanismes de prévention au sein de l’entreprise
et d’accepter la nomination d’un contrôleur interne pour en vérifier l’efficacité, lequel
rendra compte directement aux autorités américaines, quelle que soit la nationalité de
l’entreprise concernée. [...] Cependant, ces nouvelles pratiques des “deals de justice” ont
aussi un coût : elles n’offrent pas toutes les garanties du procès équitable et le fruit des
amendes vertigineuses ainsi récolté ne va pas aux victimes de la corruption, mais au
Trésor américain. »
[←147]
148. Le « plaider-coupable » désigne un mode de traitement des infractions qui
consiste, au terme d’une procédure allégée, à proposer au prévenu une peine de
compromis en échange de la reconnaissance de sa culpabilité. D’origine anglo-saxonne,
cette procédure a été introduite en France sous le nom de « comparution sur
reconnaissance préalable de culpabilité » (CRPC) par la loi du 9 mars 2004. Initialement
réservée au jugement de petits délits, la CRPC peut concerner, depuis la loi du 13
décembre 2011, tous les délits (à l’exception des délits de presse et de certaines atteintes
graves aux personnes), dans le cas où le mis en cause majeur reconnaît les faits qui lui
sont reprochés.
[←148]
149. Témoignage d’un ancien financier d’UBS à Genève et documentation personnelle
corroborant les révélations d’Ali Auguste Bourequat et de Jacqueline Hémard, en 1995,
aux États-Unis, pays où ils obtinrent l’asile politique, ce qui est rarissime.
[←149]
150. Par exemple, cette question : les fabuleux avoirs de feu le président ivoirien Félix
Houphouët-Boigny chez UBS, décédé en 1993, au profit de quels intérêts ont-ils été
détournés ? Cf. Benoît Collombat, « Enquête sur la fortune cachée d’Houphouët-
Boigny », France Inter, 13 avril 2014.
[←150]
151. Christophe Guilly, Fractures françaises, François Bourin, 2010, et Flammarion,
coll. « Champs Essais », 2013.
[←151]
152. Edgar Quinet, Philosophie de l’histoire de France (1857), Payot et Rivages, 2009,
p. 65 et 66. Lire aussi Emmanuel Todd, Après la démocratie, Gallimard, 2008, et Susan
George, « Cette fois-ci, en finir avec la démocratie. » Le rapport Lugano II, Seuil, 2012.
[←152]
153. Lionel Jospin, Le Mal napoléonien, Seuil, 2014.
[←153]
154. Cornélius Castoriadis, « Les enjeux actuels de la démocratie », conférence donnée
à l’université de Montréal, le 9 avril 1986, publiée dans Une société à la dérive. Entretiens
et débats, 1974-1997, Seuil, coll. « Points Essais », 2011, p. 204.
[←154]
155. Id., « Une société à la dérive », entretien publié dans L’Autre Journal, n° 2, mars
1993, repris dans Une société à la dérive, op. cit., p. 317 à 331.
[←155]
156. Cornélius Castoriadis, « Le délabrement de l’Occident », entretien publié dans
Esprit, décembre 1991, repris dans La Montée de l’insignifiance, Seuil, coll. « Points
Essais », 2007, p. 68.
[←156]
157. Paul Jorion, Comprendre les temps qui sont les nôtres, 2007-2013, Odile
Jacob, 2014, p. 213.
[←157]
158. On lira à ce propos : Jean de Maillard et Pierre-Xavier Grèzaud, Un monde sans
loi, op. cit. ; Marc Roche, Le Capitalisme hors la loi. Enquête, Albin Michel, 2011 ; Paul
Vacca, La Société du hold-up. Le nouveau récit du capitalisme, Mille et Une Nuits, 2012 ;
Xavier Raufer, avec Jean-François Gayraud, Pascal Junghans, Noël Pons, Charles Prats,
La Finance pousse-au-crime, Choiseul, 2011 ; Jean-François Gayraud, La Grande
Fraude. Crime, subprimes et crises financières, Odile Jacob, 2011, et Le Nouveau
Capitalisme criminel, avec une préface de Paul Jorion, Odile Jacob, 2014 ; Noël Pons, La
Corruption des élites, op. cit.
[←158]
159. « “Vous avez un nom en i, ça plaira à Pasqua”, avait lancé Yves Bertrand à
Bernard Squarcini, en 1994, pour le convaincre de devenir son second aux RG. Le
patron du renseignement français a ceci de commun avec “Charles”, son compatriote
passé place Beauvau (ministère de l’Intérieur), d’aimer s’entourer d’insulaires. “Les
Corses, ils sont solides, ils ont fait l’administration coloniale”, explique Bernard
Squarcini [...]. Éternel clanisme ? “Les Corses sont fidèles”, élude celui qui, partie
civile au procès Clearstream, parce que son nom figurait sur le faux listing aux côtés de
la chanteuse ajaccienne Alizée ou de Laetitia Casta, évoque à la barre un “racisme
anticorse” au sommet de l’État. [...] » (« Bernard Squarcini, l’officier traitant de la
Sarkozie », Le Monde, 19 octobre 2011). Le 30 mai 2012, Bernard Squarcini devient
préfet hors cadre. Il quitte la fonction publique le 28 février 2013 et crée le cabinet
d’enquête privée Kymos Conseil, puis intégrera le groupe américain d’intelligence
économique Arcanum en juin 2013.
[←159]
160. Yvan Colonna, condamné en 2011 à la réclusion criminelle à perpétuité pour
l’assassinat du préfet Claude Érignac, a saisi la Cour européenne des droits de
l’homme à Strasbourg le 11 janvier 2013. Son avocat considère qu’il n’a pas eu droit à
un procès équitable. Yvan Colonna a toujours clamé son innocence. La Cour de
cassation avait rejeté, le 11 juillet 2012, le pourvoi formé par la défense du berger
corse, fermant la voie à tout recours en France.
[←160]
161. Brian Hayden, L’Homme et l’Inégalité. L’invention de la hiérarchie à la
préhistoire, CNRS Éditions, 2008. Il en a été publié une nouvelle édition, sous le titre
Naissance de l’inégalité. L’invention de la hiérarchie durant la préhistoire, CNRS
Éditions, coll. « Biblis », 2013. Je cite à partir de l’édition de 2008.
[←161]
162. Lire de Christophe Darmangeat, Conversation sur la naissance des inégalités,
Agone, 2013, notamment les p. 103 à 107, où il est question de « clientélisme », même
si le mot paraît anachronique à l’auteur... qui l’utilise malgré tout.
[←162]
163. Chercheur en sciences sociales, Paul Jorion a enseigné dans les universités de
Bruxelles, de Cambridge, de Paris VIII et de Californie. Il a également été fonctionnaire
des Nations unies (FAO), participant à des projets de développement en Afrique. Il détient
depuis 2012 la chaire Stewardship of Finance (Finance au service de la communauté), à la
Vrije Universiteit Brussel. Il est l’auteur d’une vingtaine d’ouvrages qui font autorité en
économie politique.
[←163]
164. Les Pêcheurs de l’île de Houat, Hermann, 1983.
[←164]
165. Le Débat, n° 161, avril 2010, p. 129 à 142.
[←165]
166. École des hautes études en sciences sociales (EHESS), à Paris, à l’époque.
[←166]
167. Institut de recherche pour le développement (IRD), à Marseille, à l’époque.
[←167]
168. « La corruption au quotidien », Politique africaine, n° 83, mars 2001, Karthala.
Intégralement accessible en ligne : http://www.caim.info/revue-politique-africaine-2001-
3.htm.
[←168]
169. Esther Duflo, La Politique de l’autonomie. Lutter contre la pauvreté II, Seuil,
coll. « La République des idées », 2010.
[←169]
170. Marcel Hénaff, Le Prix de la vérité. Le don, l’argent, la philosophie, Seuil, 2002 ;
Le Don des philosophes. Repenser la réciprocité, Seuil, 2012.
[←170]
171. Id., « Le don perverti. Pour une anthropologie de la corruption », Esprit, n° 402,
février 2014, p. 45 à 56.
[←171]
172. Marcel Hénaff se réfère à l’indice annuel de perception de la corruption, établi par
l’ONG Tansparency International.
[←172]
173. Luc 6,41-42 (traduction NBS) : « Pourquoi regardes-tu la paille qui est dans
l’œil de ton frère, et ne remarques-tu pas la poutre qui est dans ton œil à toi ? Comment
peux-tu dire à ton frère : “Mon frère, laisse-moi ôter la paille qui est dans ton œil”, toi
qui ne vois pas la poutre qui est dans ton œil ? Hypocrite, ôte d’abord la poutre de ton
œil ! Alors tu verras comment ôter la paille qui est dans l’œil de ton frère. » Et
Matthieu 7,2-5 : « Car c’est avec le jugement par lequel vous jugez qu’on vous jugera,
et c’est avec la mesure à laquelle vous mesurez qu’on mesurera pour vous. Pourquoi
regardes-tu la paille qui est dans l’œil de ton frère, et ne remarques-tu pas la poutre qui
est dans ton œil ? Ou bien comment peux-tu dire à ton frère : “Laisse-moi ôter la paille
de ton œil”, alors que dans ton œil il y a une poutre ? Hypocrite, ôte d’abord la poutre
de ton œil ! Alors tu verras comment ôter la paille de l’œil de ton frère. »
[←173]
174. Dans Œuvres complètes (texte établi à partir des éditions de 1580, 1588 et
1595), Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1962, p. 923, et dans Les Essais
(à partir de l’édition de 1595), LGF-Le Livre de Poche, « La pochothèque », 2001,
p. 1478.
[←174]
175. Sous la direction de Pierre Lascoumes, Favoritisme et corruption à la française.
Petits arrangements avec la probité, Les Presses de Sciences-Po, 2010. En 1999, Pierre
Lascoumes avait déjà publié un très pédagogique Corruptions, aux Presses de Sciences-
Po, dans la « Bibliothèque du citoyen ».
[←175]
176. Pierre Lascoumes, Une démocratie corruptible. Arrangements, favoritisme et
conflits d’intérêts, Seuil, coll. « La République des idées », 2011.
[←176]
177. Éric Alt et Irène Luc, L’Esprit de corruption, Le Bord de l’eau, 2012.
[←177]
178. Cynthia Fleury, Les Pathologies de la démocratie, Fayard, 2005, et Le Livre de
Poche, coll. « Biblio Essais », 2010, p. 297 à 305.
[←178]
179. Un temps disqualifiée par la philosophie contemporaine à tendance nihiliste, la
métaphysique est de nouveau et heureusement à l’ordre du jour de la philosophie. Cf. Jean
Grondin, Du sens des choses. L’idée de la métaphysique, PUF, 2013 ; Catherine Tiercelin,
La Connaissance métaphysique, Collège de France et Fayard, 2011 ; Frédéric Nef, Qu
’est-ce que la métaphysique ?, Gallimard, coll. « Folio Essais », 2004.
[←179]
180. Citons ici : L’Idolâtrie du marché (Jan Assmann, Franz Hinkelammert), Le Divin
Marché et La Cité perverse (Dany-Robert Dufour), L’Homme superflu (Patrick Vassort),
les réflexions sur l’homme économique (Serge Audier, Christian Laval, Marcel Gauchet),
les révoltes contre le « vivre comme des porcs » et la pulsion de mort du capitalisme
néolibéral (Gilles Châtelet, Peter Sloterdijk, Gilles Dostaler et Bernard Maris, Jean-Claude
Michéa, Jacques Généreux, Isabelle Stengers), les archéologies de l’individualisme
possessif et de l’égoïsme bourgeois (Christopher Lasch, Macpherson, Jacques Ellul, Louis
Dumont), les analyses de la cupidité et des « esprits animaux » de l’Homo œconomicus
(Joseph Stiglitz, Bernard Stiegler, Frédéric Lordon, George Akerlof, Tobert Shiller, etc.).
[←180]
181. Emilio Gentile, L’Apocalypse de la modernité. La Grande Guerre et l’homme
nouveau, Aubier, 2011.
[←181]
182. Alain, « Propos sur les pouvoirs », 10 février 1911, in Propos sur les pouvoirs.
Éléments d’éthique politique, Gallimard, coll. « Folio », 1985.
[←182]
183. La grande référence, à ce propos, est le traité d’Aristote, De la génération et de
la corruption. J’ai utilisé les traductions de Jules Tricot (Vrin, 2005) et de Marwan
Rashed (Les Belles Lettres, 2005).
[←183]
184. André Lalande, Vocabulaire technique et critique de la philosophie, PUF,
1972, p. 193.
[←184]
185. Paul Claudel, La Crise, Amérique, 1927-1932. Correspondance diplomatique,
Métailié, 2009. Pour un récit, heure par heure, du krach de 1929, cf. Gordon Thomas et
Max Morgan-Witts, The Day the Bubble burst. A social History of the Wall Street Crash
of 1929, New York, Doubleday, 1979.
[←185]
186. « Mais à la fin, menaçante et triomphale, de ce texte [“Matinée d’ivresse”], les
Assassins ne seraient-ils pas, dans l’esprit de Rimbaud, les poètes qui ont la mission de
détruire notre civilisation en vue de la refaire ? » (Antoine Fongaro, De la lettre à l’esprit,
Champion, 2004, p. 166).
[←186]
187. Vincent Fauque, La Dissolution d’un monde. La Grande Guerre et l’instauration
de la modernité culturelle en Occident, Presses de l’Université Laval, 2002.
[←187]
188. Sur le nazisme comme gangstérisme, lire : Ron Rosenbaum, Pourquoi Hitler ?
Enquête sur l’origine du mal, Jean-Claude Lattès, 1998, et surtout Gérard Rabinovitch,
Questions sur la Shoah, Les Essentiels Milan, 2000, qui continue, entre autres, les travaux
pionniers de Franz Neumann (Béhémoth. Les structures et pratiques du national-
socialisme, 1933-1944, Payot, 1987, premières éditions : Behemoth. The Structure and
Practice of National Socialism, Londres, 1942, puis Oxford University Press, 1944) et
d’Eugen Kogon (L’État SS. Le système des camps de concentration allemands, édition
intégrale, Seuil, 1993 ; première édition : Der SS Staat, Francfort-sur-le-Main, 1946).
[←188]
189. C’est à partir de 1995 seulement que la question de la spoliation des biens juifs et
de sa réparation a été posée par des organisations juives aux États européens (Suisse,
France, Allemagne, Autriche, Suède...), à leurs musées, banques, compagnies
d’assurances, industriels... Cf. la description du processus de spoliation, dont la
déportation fut le prolongement fatal, dans la somme de Renée Poznanski, Être juif en
France pendant la Seconde Guerre mondiale, Hachette, 1994, p. 76 à 83.
[←189]
190. Franz Neumann, Béhémoth, op. cit., et Gérard Rabinovitch, « Carnets du jusant
(fragments) », in Barca, n° 13, novembre 1999. À Raul Hilberg aussi, la référence au
Béhémoth biblique paraît évidente, dans La Politique de la mémoire, Gallimard, 1996,
p. 181. L’invocation du monstre biblique est-elle si efficiente, notamment pour échapper à
l’idée trop globalisante du « totalitarisme », qu’elle est occultée par la philosophie
politique contemporaine ? La traduction du Behemoth or the Long Parliament de Thomas
Hobbes (Pion, 1991) est demeurée longtemps non disponible, avant d’être publiée par
Vrin (tome 10 des œuvres complètes, janvier 2000).
[←190]
191. David Rousset, L’Univers concentrationnaire, Éditions du Pavois, 1946, p. 145.
[←191]
192. La Traversée du mal. Entretiens avec Jean Lacouture, Arléa, 2000, p. 74. Lire
aussi, les chapitres « Le marché aux esclaves » et « L’exploitation jusqu’à la fin » du
Grand Livre des témoins, édité chez Ramsay par la Fédération nationale des déportés et
internés résistants et patriotes (FNDIRP) en 1995.
[←192]
193. Isaac Lewendel, avec Bernard Weisz, Vichy, la pègre et les nazis, avec une
préface de Serge Klarsfeld, Nouveau Monde éditions, 2013.
[←193]
194. Hermann Langbein, Hommes et femmes à Auschwitz, UGE, coll. « 10/18 », 1994,
p. 285. Lire aussi, en synthèse, Gérard Rabinovitch, De la destructivité humaine, PUF,
2009, p. 24.
[←194]
195. Chef minable d’une bande de gangsters du Bronx, Arturo Ui parvient à s’imposer
par la terreur comme « protecteur » du trust du chou-fleur à Chicago. Il réduit au silence
un politicien corrompu, Hindsborough (alias Hindenburg) ; fait éliminer par Gori (Göring)
et Gobbola (Goebbels), ses séides, un homme de main à lui, Roma (Roehm) ; assassine le
patron du trust des légumes de Cicero, la ville voisine (l’Autriche), et séduit la veuve de
celui-ci, quasiment sur le cercueil de la victime. Le résultat est que l’on vote partout pour
lui, tant à Cicero qu’à Chicago. D’autres crimes et d’autres conquêtes s’ensuivent. Rien
n’arrêtera Arturo Ui, hormis les peuples qui finiront par avoir raison de sa démesure.
« Mais il ne faut pas chanter victoire, il est toujours trop tôt, le ventre est encore fécond
d’où a surgi la bête immonde. »
[←195]
196. Hans Mommsen, Le National-Socialisme et la société allemande. Dix essais
d’histoire sociale et politique, Maison des sciences de l’homme, 1998. Cf. aussi Götz Aly,
Comment Hitler a acheté les Allemands, Flammarion, 2005.
[←196]
197. Emmanuel Levinas, « Nom d’un chien ou le droit naturel », dans Difficile Liberté,
Albin Michel, 1995, p. 202.
[←197]
198. Joerg Baten, Rainer Schulz, « Making Profits in Wartime. Corporate Profits,
Inequality, and GDP in Germany during the First World War », The Economic History
Review, vol. 58, n° 1, février 2005, p. 34 à 56 ; François Bouloc, Les Profiteurs de guerre,
1914-1918, Complexe, 2008 ; Jean-Marie Moine, « Basil Zaharoff (1849-1936), le
“marchand de canons” », Ethnologie française, vol. 36, n° 1, 2006, p. 139 à 152.
[←198]
199. André Loez, Les 100 Mots de la Grande Guerre, PUF, coll. « Que sais-je ? »,
2013, p. 99.
[←199]
200. François Bouloc, Les Profiteurs de la Grande Guerre. Histoire culturelle et socio-
économique, université Toulouse-Mirail sous la direction de M. le Professeur Rémy
Cazals, le 11 mars 2006. Thèse publiée sous le titre : Les Profiteurs de guerre, 1914-1918,
Complexe, 2008.
[←200]
201. François Bouloc, « Des temps heureux pour le patronat : la mobilisation
industrielle en France » (1914-1918), Matériaux pour l’histoire de notre temps, n° 91,
mars 2008, p. 76 à 79.
[←201]
202. Antoine Prost, Jay Winter, Penser la Grande Guerre. Un essai d’historiographie,
Paris, Seuil, 2004, p. 163.
[←202]
203. Cf. Les Marchands de canons contre la nation, numéro spécial du Crapouillot,
octobre 1933.
[←203]
204. Voir, par exemple, Henri Guillemin, Nationalistes et nationaux (1870-1940),
Gallimard, 1974, ou Denis Wonoroff, François de Wendel, PFNSP, 2001.
[←204]
205. Louis Bergeron, « La maison Schneider dans l’avant-guerre et dans la Première
Guerre mondiale : un témoignage inédit », in Jean-François Belhoste et al. (sous la
direction de), Autour de l’industrie. Histoire et patrimoine. Mélanges offerts à Denis
Woronoff, Comité pour l’histoire économique et financière, 2004, p. 397 à 423,
citation : p. 418.
[←205]
206. Cf. François Bouloc, « “Marchands de canons” et “profiteurs de guerre” ou
entreprises “au service de la Défense nationale” ? Schneider, Hotchkiss et les ambiguïtés
de la mobilisation industrielle en France », in Rémy Cazals et al. (sous la direction de),
La Grande Guerre. Pratiques et expériences, Privat, 2005, p. 87 à 96.
[←206]
207. François Bouloc, « Des temps heureux pour le patronat : la mobilisation
industrielle en France (1914-1918) », Matériaux pour l’histoire de notre temps, op. cit.
[←207]
208. Annie Lacroix-Riz, Le Choix de la défaite. Les élites françaises dans les
années 1930, deuxième édition, Armand Colin, 2012, p. 13.
[←208]
209. Industriels et banquiers français sous l’Occupation, préface d’Alexandre Jardin,
nouvelle édition entièrement refondue, Armand Colin, 2013.
[←209]
210. Antoine Peillon, Céline, un antisémite exceptionnel. Une histoire française, Le
Bord de l’eau, 2011.
[←210]
211. André Rossel-Kirschen, Céline et le grand mensonge, Mille et Une Nuits, 2004.
[←211]
212. Ralph Schor, L’Antisémitisme en France dans l’entre-deux-guerres, Complexe,
1992 et 2005 ; Michel Winock, Nationalisme, antisémitisme et fascisme en France, Seuil,
coll. « Points Histoire », 1990 ; Pierre Milza, Fascisme français. Passé et présent,
Flammarion, coll. « Champs », 1987.
[←212]
213. Cahiers Céline, n° 5, « Lettres à des amies », textes réunis et présentés par Colin
Nettelbeck, Gallimard, 1979, p. 249 ; cité par Philippe Alméras, Les Idées de Céline.
Mythe de la race, politique et pamphlets, Berg International, 1992, p. 138.
[←213]
214. Philippe Alméras, Les Idées de Céline, op. cit., p. 189 à 191, et, du même auteur,
l’article « L’or », dans son monumental Dictionnaire Céline, Pion, 2004, p. 638 à 642.
[←214]
215. Programme politique fantaisiste, développé dans Les Beaux Draps, qui se présente
comme inspiré par l’égalitarisme petit-bourgeois, une doctrine parfaitement adaptée au
Français moyen et à ses aspirations fondamentales, notamment à son besoin de sécurité.
Ainsi, dit Céline, tout le monde devrait être petit propriétaire d’un pavillon et d’un jardin
de 500 m2, transmissibles héréditairement...
[←215]
216. Philippe Burrin, La France à l’heure allemande, 1940-1944, Seuil, 1995, p. 427.
[←216]
217. Matthieu 6,24 et Luc 16,13
[←217]
218. Eugène Labiche (1815-1888) est l’auteur de 176 pièces de théâtre (vaudevilles).
« Dans ce monde étriqué et risible, comme dans l’univers immense de Balzac, l’argent
joue un rôle prépondérant. Le discours des bourgeois de Labiche, qu’il exalte ou qu’il nie
la toute-puissance de l’argent, renvoie à un contexte historique précis : le règne de la haute
finance sous le Second Empire » (Musée de Seine-Port).
[←218]
219. Discours d’ouverture du Sommet sur la moralisation, à Johannesburg, Afrique du
Sud, le 22 octobre 1998.
[←219]
220. Dans le château de Barbe-bleue. Notes pour une redéfinition de la culture,
Gallimard, 1986. Première édition en français, parue sous le titre La Culture contre
l’homme, au Seuil, en 1973.
[←220]
221. « L’homme, invité de la vie », dans Gérard Rabinovitch (sous la direction de),
Éthique et environnement, La Documentation française, 1997, p. 19. À propos de
l’effet destructeur du néolibéralisme déchaîné sur la biosphère : voir Hervé Kempf,
Comment les riches détruisent la planète, Seuil, 2007.
[←221]
222. Michael J. Sandel, Ce que l’argent ne saurait acheter, Seuil, 2014.
[←222]
223. Jean de Maillard et Pierre-Xavier Grézaud, avec Bernard Bertossa, Antonio
Gialanella, Benoît Dejemeppe et Renaud Van Ruymbeke, Eva Joly et Laurence
Vichnievski, Un monde sans loi, Stock, 1998.
[←223]
224. Gaspard Koenig, Les Discrètes Vertus de la corruption, Grasset, 2009.
[←224]
225. The Fable of the Bees. Or, Private Vices, Publick Benefits, Londres, 1714 et
1729.
[←225]
226. Friedrich August von Hayek (1899-1992), considéré comme le plus grand
théoricien libéral de 1’« ordre spontané », se réfère une dizaine de fois à Mandeville
dans son œuvre majeure, Droit, législation et liberté, 1973, 1976 et 1979.
[←226]
227. Sébastien Caré, La Pensée libertarienne, PUF, 2009, et Les Libertariens aux
États-Unis. Sociologie d’un mouvement asocial, Presses universitaires de Rennes, 2010.
[←227]
228. La grande référence est Robert K. Merton, Éléments de théorie et de méthode
sociologique (1957), traduction chez Pion, 2e édition 1965, chapitre ni, « L’analyse
fonctionnelle en sociologie », p. 60 à 135.
[←228]
229. Jean-Fabien Spitz, article « Corruption », dans le Dictionnaire de philosophie
politique, PUF, coll. « Quadrige », 2003, p. 142 et 143.
[←229]
230. Épître aux Romains 5,12 : « C’est pourquoi, de même que par un seul homme
(Adam) le péché est entré dans le monde, et par le péché la mort, et qu’ainsi la mort est
passée à tous les humains, parce que tous ont péché... » En réalité, c’est saint Augustin,
lisant le chapitre III de la Genèse et l’épître aux Romains de Paul, qui thématisa
formellement le « péché originel ».
[←230]
231. Sigmund Freud, Das Unbehagen in der Kultur, Intemationaler
Psychoanalytischer Verlag, 1930 ; traduction : Le Malaise dans la civilisation, Seuil,
coll. « Points », 2010 : « La question du sort de l’espèce humaine me semble se poser
ainsi : le progrès de la civilisation saura-t-il, et dans quelle mesure, dominer les
perturbations apportées à la vie en commun par les pulsions humaines d’agression et
d’autodestruction ? À ce point de vue, l’époque actuelle mérite peut-être une attention
toute particulière. Les hommes d’aujourd’hui ont poussé si loin la maîtrise des forces
de la nature qu’avec leur aide il leur est devenu facile de s’exterminer mutuellement
jusqu’au dernier. Ils le savent bien, et c’est ce qui explique une bonne part de leur
agitation présente, de leur malheur et de leur angoisse. Et maintenant, il y a lieu
d’attendre que l’autre des deux “puissances célestes”, l’Éros éternel, tente un effort
afin de s’affirmer dans la lutte qu’il mène contre son adversaire non moins immortel. »
[←231]
232. Jean Grondin, Du sens des choses. L’idée de la métaphysique, PUF, 2013.
[←232]
233. Emmanuel Kant, Fondements de la métaphysique des mœurs (1785), Vrin,
1992, p. 48 et 49.
[←233]
234. L’anomie (du grec νομία/anomia, du préfixe a — « absence de » et νόμος/nómos
« loi, ordre, structure ») est l’état d’une société caractérisée par une désintégration des
normes qui règlent la conduite des hommes et assurent l’ordre social. Après avoir
introduit une première fois le terme, dès 1893, dans De la division du travail social, Émile
Durkheim y recourt à nouveau, en 1897, dans Le Suicide, pour décrire une situation
sociale caractérisée par l’effacement des valeurs (morales, religieuses, civiques...) et par la
croissance associée du sentiment d’aliénation et d’irrésolution. Le recul des valeurs
conduit, selon le sociologue, à la destruction de l’ordre social, ce qui peut conduire les
individus, en masse, jusqu’au suicide.
[←234]
235. Marcel Mauss, Essai sur le don. Forme et raison de l’échange dans les sociétés
archaïques, PUF, coll. « Quadrige », 2012. Outre l’article essentiel de Marcel Hénaff
(Esprit, février 2014) cité supra, lire Alain Caillé, Don, intérêt et désintéressement.
Bourdieu, Mauss, Platon et quelques autres, Le Bord de l’eau, 2014, et Alain Caillé et
Jean-Édouard Grésy, La Révolution du don, Seuil, 2014.
[←235]
236. In L’Humanité, le 16 juillet 2013. Autant préciser immédiatement que Jean-
François Gayraud est considéré comme étant plutôt « de droite » (si cette terminologie a
encore un sens) et surtout gaulliste.
[←236]
237. Gérard Rabinovitch, De la destructivité humaine, PUF, coll. « La condition
humaine », 2009.
[←237]
238. Jean-François Lyotard, La Condition postmoderne. Rapport sur le savoir, Minuit,
1979.
[←238]
239. Id., « La mainmise », in Un trait d’union, Presses universitaires de Grenoble,
1993.
[←239]
240. Götz Aly, Comment Hitler a acheté les Allemands, Flammarion, 2005.
[←240]
241. Franz Neumann, Béhémoth. Les structures et pratiques du national-socialisme,
Payot, 1987, et Gérard Rabinovitch, « Carnets du jusant (fragments) », in Barca, n° 13,
novembre 1999. Aux yeux de Raul Hilberg aussi, la référence au Béhémoth biblique va de
soi, in La Politique de la mémoire, Gallimard, 1996, p. 181. L’invocation du monstre
biblique est-elle si efficiente, notamment lorsque l’on cherche à échapper à l’idée trop
globalisante du « totalitarisme », qu’elle est occultée par la philosophie politique
contemporaine ? La traduction du Behemoth or the Long Parliament de Thomas Hobbes
(Pion, 1991) est demeurée longtemps non disponible, avant d’être publiée par Vrin
(tome 10 des œuvres complètes, janvier 2000)... Dans la Bible : Genèse 1,24 : « Dieu dit :
“Que la terre produise des êtres vivants selon leurs espèces : bestiaux (Béhémoth),
reptiles, et bêtes sauvages selon leurs espèces !” Cela s’accomplit. » ; Job XL, 15 : « Vois
donc le Bestial (Béhémoth) que j’ai créé comme je t’ai fait. »
[←241]
242. Le mot nazi pour nommer le génocide des Juifs d’Europe était Vemichtung,
littéralement « Anéantissement ».
[←242]
243. Mehdi Belhaj Kacem fait référence, dans ces pages, à La Société du spectacle
de Guy Debord (Buchet-Chastel, 1967).
[←243]
244. Mehdi Belhaj Kacem, L’Esprit du nihilisme, op. cit., p. 181.
[←244]
245. Jean Vouliac, La Logique totalitaire, PUF, coll. « Épiméthée », 2013.
[←245]
246. Albert Camus, « Le siècle de la peur », repris dans Actuelles. Écrits politiques,
Gallimard, 1950 ; nouvelle édition, coll. « Folio Essais », 1997, p. 117.
[←246]
247. Cari Gustav Jung, Un mythe moderne (1958), Gallimard, coll. « Idées », 1961 ;
nouvelle édition, 1974, p. 185.
[←247]
248. Viktor Frankl, Le Dieu inconscient, Éditions du Centurion, 1975, pour la
traduction française ; nouvelle édition chez InterÉditions, en novembre 2012. Lire aussi
du même auteur, Man’s Search for Meaning, et notamment sa première partie :
« Expériences in a Concentration Camp », 1946 (Découvrir un sens à sa vie).
[←248]
249. Michel Fromaget, « Des rapports de la psychothérapie et de l’éveil spirituel », in
Dix Essais sur la conception anthropologique « corps, âme, esprit », L’Harmattan, 2000,
p. 168.
[←249]
250. Jean-François Mattéi, La Crise du sens, Cécile Défaut, 2006. En 1951, déjà, le
grand psychiatre et philosophe allemand Karl Jaspers (1883-1969) publiait un « bilan
spirituel » très inquiet du monde contemporain : La Situation spirituelle de notre époque,
Foi vivante, 1951.
[←250]
251. George Steiner, Nostalgie de l’absolu, 10/18, 2003. Du même penseur, lire le
considérable Dans le château de Barbe-Bleue, Seuil, 1973, qui élucide la cause
métaphysique de l’antisémitisme exterminateur européen. De même : Léo Strauss,
Nihilisme et politique, Payot & Rivages, 2001, sur le nihilisme nazi et la modernité.
[←251]
252. Dany-Robert Dufour, Le Divin Marché. La révolution culturelle libérale, Denoël,
2007.
[←252]
253. Id., La Cité perverse. Libéralisme et pornographie, Denoël, 2009.
[←253]
254. Jacques Julliard, L’Argent, Dieu et le diable, Flammarion, 2008.
[←254]
255. Charles Péguy, « Note conjointe sur M. Descartes » (posthume, juillet 1914),
in Œuvres en prose complètes, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1965, t.
III, p. 1455.
[←255]
256. Emmanuel Mounier, « Argent et vie privée », Esprit, n° 33, 1933, p. 56 à 67,
repris dans Révolution personnaliste et communautaire, Seuil, 1961 et, en coll. « Points
Essais », 2000, cité ici in Contre l’argent fou, op. cit., p. 177 à 188.
[←256]
257. Jacques Delarue, Trafics et crimes sous l’Occupation, nouvelle édition, Fayard,
coll. « Pluriel », 2013.
[←257]
258. Bernard Guibert, L’Ordre marchand. Réflexions sur les structures élémentaires
de la vénalité, Cerf, 1986 ; et (sous la direction de), Anti-productivisme,
altermondialisme, décroissance, Parangon, 2006. Bernard Guibert est économiste
statisticien (INSEE), ancien élève de l’École polytechnique, docteur d’État en
économie.
[←258]
259. Id., « Comment nous guérir de la folie de l’argent ? », Entropia, n° 7,
L’Effondrement, et après ?, Parangon, 2009, p. 88 à 98.
[←259]
260. Henry David Thoreau, L’Esprit commercial des temps modernes et son influence
sur le caractère politique, moral et littéraire d’une nation (1837), Le Grand Souffle,
2007, p. 29.
[←260]
261. Karl Marx, Écrits philosophiques, Flammarion, coll. « Champs classiques »,
2011, p. 148 à 151, et Le Caractère fétiche de la marchandise et son secret, extrait du
livre I du Capital (2e édition de 1872), Allia, 1999.
[←261]
262. Freud, Malaise dans la civilisation, 1929 : « La question du sort de l’espèce
humaine me semble se poser ainsi : le progrès de la civilisation saura-t-il, et dans quelle
mesure, dominer les perturbations apportées à la vie en commun par les pulsions
d’agression et d’autodestruction ? À ce point de vue, l’époque actuelle mérite peut-être
une attention toute particulière. Les hommes d’aujourd’hui ont poussé si loin la maîtrise
des forces de la nature qu’avec leur aide il leur est devenu facile de s’exterminer
mutuellement jusqu’au dernier. Ils le savent bien, et c’est ce qui explique une bonne part
de leur agitation présente, de leur malheur et de leur angoisse. »
[←262]
263. La meilleure édition disponible : Discours de la servitude volontaire, Payot, coll.
« Petite bibliothèque », 2002, avec une introduction et des textes de Miguel Abensour,
Pierre Clastres et Claude Lefort, Marc Gauchet, Lamennais, Pierre Leroux, Simone Weil.
[←263]
264. Auteur, entre autres, de Pour l’abolition de la société marchande, pour une
société vivante, Payot & Rivages, 2002.
[←264]
265. Claude Lefort, « Le nom d’un », dans Étienne de La Boétie, Le Discours de la
servitude volontaire, op. cit., p. 269 à 335, ici p. 328 et 329.
[←265]
266. Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, op. cit., vol. 1, p. 312 à
314.
[←266]
267. Cf. les pages lumineuses de Cynthia Fleury sur cette leçon de Tocqueville, dans
Les Pathologies de la démocratie, chapitre « Métaphysique de la démocratie », Fayard,
2005.
[←267]
268. Agnès Antoine, L’Impensé de la démocratie. Tocqueville, la citoyenneté et la
religion, Fayard, 2003, p. 33.
[←268]
269. Georges Zimra, Résister à la servitude, Berg International, 2009, p. 133. En appui,
lire aussi : Yves Charles Zarka et Les Intempestifs, Critique des nouvelles servitudes,
PUF, 2007, et Nicolas Chaignot, La Servitude volontaire aujourd’hui. Esclavages et
modernité, Le Monde et PUF, 2012.
[←269]
270. Emmanuel Mounier, « Argent et vie privée », art. cit., p. 182.
[←270]
271. Jacques Ellul, Métamorphose du bourgeois, La Table ronde, coll. « La petite
vermillon », 1998, p. 31
[←271]
272. Serge Audier, Tocqueville retrouvé. Genèse et enjeux du renouveau tocquevillien
français, Virin et HESS, 2004.
[←272]
273. Bernard Stiegler, Économie de l’hypermatériel et Psychopouvoir, Mille et Une
Nuits, 2008.
[←273]
274. Jean Ziegler, Les Nouveaux Maîtres du monde, Seuil, coll. « Points », 2013.
[←274]
275. Hervé Kempf, Comment les riches détruisent la planète, Seuil, coll. « Points »,
2007, p. 93.
[←275]
276. Thierry Pech, Le Temps des riches. Anatomie d’une sécession, Seuil, 2011, p. 160
et 162.
[←276]
277. George Steiner, Dans le château de Barbe-bleue. Note pour une redéfinition de la
culture, Seuil, 1973, et Gallimard, coll. « Folio », 1991, p. 56.
[←277]
278. Marc-Alain Ouaknin, Les Dix Commandements, Seuil, 1999.
[←278]
279. André Chouraqui, Moïse, Éditions du Rocher, 1995.
[←279]
280. André Neher, Moïse et la vocation juive, Seuil, 1956.
[←280]
281. Josy Eisenberg et Benjamin Gross, Le Testament de Moïse. À Bible ouverte, VI,
Albin Michel, 1996.
[←281]
282. Raphaël Draï, La Traversée du désert. L’invention et la responsabilité, Fayard,
1988.
[←282]
283. Luc 16,13-15.
[←283]
284. II Pierre 1,3-7.
[←284]
285. Pour un commentaire exégétique particulièrement précis, lire : Ibiladé Nicomède
Alagbada, Le Prophète Michée face à la corruption des classes dirigeantes, thèse de
doctorat, Globethic.net, 2013. Par ailleurs, la Bible, en ses deux Testaments, revient à de
très nombreuses reprises sur la corruption ainsi que sur le culte de l’argent comme
idolâtrie : Proverbes 3,14-15 ; 8,10 et 16. Ecclésiaste 5,9 ; 7,12 ; 31,6. 1 Timothée 3,3 ;
6,10. Matthieu 6,24, et Luc 16,13 : « Nul ne peut servir deux maîtres. Car, ou il haïra l’un,
et aimera l’autre ; ou il s’attachera à l’un, et méprisera l’autre. Vous ne pouvez servir Dieu
et Mamon. » Augustin, Luther et Calvin font également référence en ce domaine...
[←285]
286. Jean-Pierre Vemant entre au CNRS en 1948 et devient un des meilleurs
spécialistes de la Grèce antique, de sa religion et de ses mythes. De 1958 à 1975, il exerce
à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS). De 1975 à 1984, il est
professeur au Collège de France. Compagnon de la Libération, grand officier de la Légion
d’honneur, grand-croix de l’ordre national du Mérite et titulaire de nombreuses autres
distinctions, il est l’auteur de nombreux ouvrages savants et de souvenirs.
[←286]
287. Serge Ravanel, L’Esprit de Résistance, avec Jean-Claude Raspiengeas, Seuil,
1995.
[←287]
288. Voir Maurice Olender et François Vitrani, Jean-Pierre Vemant, dedans dehors,
revue Le Genre humain, Seuil, 2013.
[←288]
289. Vincent Peillon, « Jean-Pierre Vemant philosophe », in Maurice Olender et
François Vitrani, Jean-Pierre Vemant, dedans dehors, op. cit., p. 141.
[←289]
290. Patrick Cabanel, Résister. Voix protestantes, Alcide, 2012, p. 56 à 66.
[←290]
291. Roland de Pury, Journal de cellule, La Guilde du livre, 1944, p. 90. Roland de
Pury (1907-1979), on l’a dit, est Juste parmi les nations. Cf. Daniel Galland, Roland de
Pury. Le souffle de la liberté, op. cit.
[←291]
292. On se reportera en particulier à : Georges-Marc Benamou, C’était un temps
déraisonnable. Les premiers résistants racontent, Robert Laffont, 1999 ; Julien Blanc, Au
commencement de la Résistance. Du côté du musée de l’Homme, 1940-1941, Seuil, 2010 ;
Alain Vincenot, La France résistante. Histoire de héros ordinaires, Syrtes, 2004.
[←292]
293. François de Bernard, L’Emblème démocratique, Mille et Une Nuits, 1998,
p. 43 à 47.
[←293]
294. Christopher Lasch, La Révolte des élites, Climats, 1996, p. 37.
[←294]
295. Le Civisme, Autrement, 2002, p. 86 à 92.
[←295]
296. À propos du lien entre l’indifférence et le mal, y compris dans ses manifestations
les plus monstrueuses, lire : Christian Delacampagne, De l’indifférence. Essai sur la
banalisation du mal, Odile Jacob, 1998.
[←296]
297. Hervé Hamon, Ceux d’en haut. Une saison chez les décideurs, Seuil, 2013, p. 260
et 261.
[←297]
298. En 2004, il avait écrit La Crise du capitalisme américain. Aucun éditeur français
n’avait voulu le publier à cette époque. En 2005, La Revue du MAUSS publiait
l’introduction de ce livre. Finalement, en 2007, Alain Caillé (La Revue du MAUSS)
l’éditait à La Découverte. Paul Jorion y annonçait la crise des subprimes...
[←298]
299. Joseph Stiglitz, La Grande Désillusion, Fayard, 2002 ; Quand le capitalisme perd
la tête (titre original : The Roaring Nineties : « Les rugissantes années 1990 »), Fayard,
2003 ; Le Triomphe de la cupidité, Les liens qui libèrent, 2010.
[←299]
300. Paul Jorion, L’Implosion. La finance contre l’économie : ce qu’annonce et révèle
la crise des subprimes, Fayard, 2008 ; La Crise. Des subprimes au séisme financier
planétaire, Fayard, 2008.
[←300]
301. Télérama, 31 octobre 2008, interview de Paul Jorion : « Pire qu’une crise
économique, c’est une crise de civilisation. »
[←301]
302. Ramsay MacMullen, Le Déclin de Rome et la corruption du pouvoir, Les Belles
Lettres, 1991 ; Perrin, coll. « Tempus », 2012.
[←302]
303. Lucien Jerphagnon, Histoire de la Rome antique. Les armes et les mots, Fayard,
coll. « Pluriel », 2013, p. 574.
[←303]
304. Clara Auvray-Assayas, Cicéron, Les Belles Lettres, 2006.
[←304]
305. Saint Augustin, Sermons sur la chute de Rome, Introduction, traduction et notes
de Jean-Claude Fredouille, Nouvelle Bibliothèque augustinienne (NBA) 8, Institut
d’études augustiniennes (IEA), 2004. Du 24 au 27 août 410 apr. J.-C., Rome est pillée par
les troupes du roi wisigoth Alaric. C’est le fameux sac de Rome. Marcellin, haut
fonctionnaire de l’Empire romain, écrit alors à son ami Augustin pour lui rapporter
l’opinion qui court quant à la raison de cette catastrophe : « C’est sous des princes
chrétiens, pratiquant de leur mieux la religion chrétienne, que de si grands malheurs sont
arrivés à Rome » (Lettre 136). Saint Augustin va se consacrer durant treize ans, de 413 à
426, à l’écriture de La Cité de Dieu, qu’il dédiera à Marcellin, afin de réfuter cette
opinion.
[←305]
306. Montesquieu, Grandeur et décadence des Romains, Gamier-Flammarion, 1968,
p. 84 à 86, et p. 105 et 106.
[←306]
307. Mot attesté à la fin du XVIIIe siècle. Dérivé du latin civis, « citoyen ».
[←307]
308. Aristote, Les Politiques, 3, 9, Flammarion, coll. « GF », 1990, p. 234 et 235.
[←308]
309. Sur tout cela, le remarquable article de Thieny Ménissier, « L’usage civique de la
notion de corruption selon le républicanisme ancien et moderne », Anabases, n° 6,
université de Toulouse, Éditions de Boccard, octobre 2007.
[←309]
310. Quentin Skinner, Machiavel, Seuil, coll. « Points », 2001, p. 105 à 113.
[←310]
311. Lire aussi, dans la perspective de mon enquête : John-Greville-Agard Pocock, Le
Moment machiavèlien. La pensée politique florentine et la tradition républicaine
atlantique, PUF, 1998 ; Paul Valadier, Machiavel et la fragilité du politique, Seuil,
« Points », 1996 ; Michel Bergès, Machiavel, un penseur masqué, Complexe, 2000 ;
Bertrand Dujardin, Terreur et corruption. Essai sur l’incivilité chez Machiavel,
L’Harmattan, 2004 ; Serge Audier, Machiavel, conflit et liberté, Vrin et EHESS, 2005.
[←311]
312. Jean-Claude Waquet, De la corruption, Fayard, 1984.
[←312]
313. Céline Spector, « Corruption », in le Dictionnaire Montesquieu :
http://dictionnaire-montesquieu.ens-lyon.fr/fr/article/1376473889/fr/, et « Montesquieu
ou les infortunes de la vertu », Esprit, n° 402, février 2014, p. 31 à 44.
[←313]
314. Serge Audier, Machiavel, conflit et liberté, op. cit., et Les Théories de la
république, La Découverte, coll. « Repères », 2004, p. 25 à 30.
[←314]
315. Serge Audier, Les Théories de la république, op. cit., et Juliette Grange, L’Idée de
République, Pocket, 2008, p. 165 à 183.
[←315]
316. Comment ne pas penser aux « transcendantalistes » américains, Ralph W.
Emerson et David H. Thoreau ?
[←316]
317. Serge Audier, Les Théories de la république, op. cit., p. 108.
[←317]
318. La tradition théologique de 1’« eschatologie “au présent” » (Évangile de
Jean 4,23 ; 5,25 et 28 ; 16,32 ; Apocalypse de Jean 14,7) est la première source
spirituelle du « principe Responsabilité » de Hans Jonas et du catastrophisme éclairé de
Jean-Pierre Dupuy (Pour un catastrophisme éclairé. Quand l’impossible est certain,
Seuil, 2002 ; coll. « Points », 2004, p. 161 à 174), lequel souscrit explicitement à la
métaphysique de Jonas. Cf. Hans Jonas, Das Prinzip Verantwortung. Versucheiner Ethik
für die technologische Zivilisation, Insel, 1979 (traduction française : Le Principe
Responsabilité. Une éthique pour la civilisation technologique, Éditions du Cerf, 1990
(Flammarion, coll. « Champs », 1998). L’influence de Hans Jonas sur l’écologie politique
fut et continue d’être considérable. Le fameux « rapport Bruntland », Our Common
Future (Commission mondiale sur l’environnement et le développement, Oxford
University Press, 1987 ; traduction française : Notre avenir à tous, Éditions du Fleuve/Les
Publications du Québec, 1988), initiateur du concept de « développement durable »
(sustainable development), lui doit presque tout sur le plan éthique (cf. Dominique Bourg,
Les Scénarios de l’écologie, Hachette, 1996, p. 61).
[←318]
319. Edwy Plenel, Le Droit de savoir, Don Quichotte, 2013, p. 50 à 52.
[←319]
320. John Dewey, Une foi commune, La Découverte/Les Empêcheurs de penser en
rond, 2011 ; et Après le libéralisme. Ses impasses, son avenir, Climats, 2014.
[←320]
321. Vincent Peillon, Pierre Leroux et le socialisme républicain. Une tradition
philosophique, Le Bord de l’eau, 2003.
[←321]
322. Edgar Quinet, L’Enseignement du peuple, suivi de La Révolution religieuse au
XIXe siècle, Hachette, coll. « Pluriel », 2001 ; François Furet, La Gauche et la Révolution
au XIXe siècle, Hachette, coll. « Pluriel », 2001.
[←322]
323. Cf. Vincent Peillon, Une religion pour la République. La foi laïque de Ferdinand
Buisson, Seuil, coll. « La Librairie du XXIe siècle », 2010.
[←323]
324. Henri Guillemin, L’Arrière-Pensée de Jaurès, Gallimard, 1966 ; Vincent Peillon,
Jean Jaurès et la religion du socialisme, Grasset, 2000 ; Éric Vinson et Sophie Viguier-
Vinson, Jaurès le prophète, Albin Michel, 2014 ; Jaurès, Œuvres philosophiques III.
Écrits et discours théologico-politiques, Vent Terral, 2014.
[←324]
325. Vaclav Havel, Essais politiques, Calmann-Lévy, 1989, et Il est permis d’espérer,
Calmann-Lévy, 1997.
[←325]
326. Christophe Bouton, professeur à l’université de Bordeaux III, auteur de Faire
l’histoire. De la Révolution française au Printemps arabe, Éditions du Cerf, 2013.
[←326]
327. Jean Ziegler, Les Nouveaux Maîtres du monde et ceux qui leur résistent, Fayard,
2002 ; Michael Hardt et Antonio Negri, Commonwealth, Stock, 2012 ; Laurent Muratet et
Étienne Godinot (sous la direction de), Un nouveau monde en marche, Yves Michel,
2012, avec, entre autres, Akhenaton, Christophe André, Stéphane Hessel (préface), Jean-
Marie Pelt, Pierre Rabhi, Matthieu Ricard ; Jérôme Baschet, Adieux au capitalisme.
Autonomie, société du bien vivre et multiplicité des mondes, La Découverte, coll.
« L’horizon des possibles », 2014.
[←327]
328. Benjamin R. Barber, Démocratie forte, Desclée de Brouwer, 1997.
[←328]
329. Florence Hartmann, Lanceurs d’alerte. Les mauvaises consciences de nos
démocraties, Don Quichotte, 2014, et William Bourdon, Petit Manuel de désobéissance
citoyenne, Jean-Claude Lattès, 2014.
[←329]
330. Voir notamment Bernard Stiegler, Ce qui fait que la vie vaut la peine d’être
vécue, Flammarion, 2010, et surtout Peter Sloterdijk, Tu dois changer ta vie !, Libelle
et Maren Sell, 2011.
[←330]
331. Denis Moreau, Les Voies du salut. Un essai philosophique, Bayard, 2010,
notamment les p. 328 à 336 qui proposent une « critique existentielle du capitalisme »
et de ses « structures de péchés ».
[←331]
332. Marc-Alain Ouaknin, Les Dix Commandements, Seuil, 1999 ; coll. « Points
Sagesses », 2008, p. 173 à 198.