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RÉGULER LE COMMERCE ÉLECTRONIQUE PAR LA

RÉSOLUTION DES LITIGES EN LIGNE

UNE APPROCHE CRITIQUE

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CAHIERS DU CENTRE DE RECHERCHES
INFORMATIQUE ET DROIT

Objectifs :

Les Cahiers du Centre de Recherches Informatique et Droit (CRID) ont


pour objectif de diffuser le résultat des études et recherches menées par les
membres du CRID dans les domaines de l’information juridique et du
droit des technologies de l’information (contrats de l’informatique, com-
merce électronique, protection juridique des logiciels, bases de données et
produits multimédias ; protection de la vie privée et des autres libertés fon-
damentales ; réglementation des communications électroniques …).
Chaque Cahier traite un thème de recherche dont les aspects théoriques
et pratiques sont développés par un ou plusieurs spécialistes de la matière.
Le CRID espère ainsi mettre à la disposition tant du chercheur que du
praticien en quête de réflexions et d’informations un ouvrage de synthèse,
clair et complet, dans le domaine de l’informatique et du droit.
La présente collection publie également des supports de cours élaborés
dans le cadre du DES en droit et gestion des technologies de l’information
et de la communication (DGTIC) proposé par les Facultés universitaires
Notre-Dame de la Paix.

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CAHIERS DU CENTRE DE RECHERCHE
INFORMATIQUE ET DROIT

RÉGULER LE COMMERCE
ÉLECTRONIQUE PAR LA
RÉSOLUTION DES LITIGES EN
LIGNE

UNE APPROCHE CRITIQUE

THOMAS SCHULTZ
DOCTEUR EN DROIT, LL.M.
UNIVERSITÉ DE GENÈVE
FACULTÉ DE DROIT

2005

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CAHIERS DU CENTRE DE RECHERCHES
INFORMATIQUE ET DROIT

Comité scientifique :
Prof. Herbert Burkert (Université de Saint-Gallen, Suisse) – Prof.
Santiago Cavanillas (Université des Baléares) – Prof. Jos Dumortier (K.U.
Leuven) – Prof. Yves Poullet (FUNDP) – Prof. André Prüm (Université
de Nancy) – Prof. Pierre Trudel (Université de Montréal) – Prof. Michel
Vivant (Université de Montpellier).
Comité de rédaction :
M. Bernard Amory (Conseiller juridique, Jones, Days, Reavis and Pogue)
– Me Jean-Pierre Buyle (Avocat au Barreau de Bruxelles) – Mme Marie
Demoulin (assistante, FUNDP) – M. Hervé Jacquemin (aspirant, FNRS)
– Prof. Xavier Thunis (FUNDP) – Me Jean-Paul Triaille (Avocat au Bar-
reau de Bruxelles).
Directeur de rédaction :
Prof. Étienne Montero (FUNDP)
Secrétaire de rédaction :
Mme Sarah Fievet
Centre de Recherches Informatique et Droit (CRID)
Faculté de Droit
Rempart de la Vierge, 5
5000 Namur
Tél. : (32) 81 72 47 70
Télécopie : (32) 81 72 52 02
E-mail : sarah.fievet@fundp.ac.be
Abonnements :
Etablissement Emile Bruylant
Rue de la Régence, 67
1000 Bruxelles
Tél. : (32)2 512 98 45

ISBN
D/2005
 2005 Établissements Emile Bruylant, S.A.
rue de la Régence, 67, 1000 Bruxelles

Tous droits, même de reproduction d’extraits, de reproduction photomécanique ou de tra-


duction réservés.

IMPRIMÉ EN BELGIQUE

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À Anne-Laure, ma femme,
évidemment.

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SOMMAIRE
(un plan détaillé figure à la fin de l’ouvrage)
PAGES

Introduction générale.............................................................................................................. 1

Première Partie. — Théorie générale de la régulation du cyberespace........... 11

Chapitre I. — Le cyberespace, un environnement technique de normativité ....................... 17


Chapitre II. — Le droit dans le cyberespace : perturbations annoncées................................ 37
Chapitre III. — Les trois principaux modèles de régulation du cyberespace ........................ 87
Chapitre IV. — Le réseau : un méta-modèle de régulation ................................................ 151

Deuxième Partie. — Le mouvement Online Dispute Resolution (ODR)... 177

Chapitre V. — Les modes de la résolution des litiges en ligne ........................................... 181


Chapitre VI. — La confiance dans le commerce électronique ............................................ 195
Chapitre VII. — La résolution des litiges en ligne comme accès à la justice ...................... 251
Chapitre VIII. — Perspective : vers la processualisation ? .................................................. 271

Troisième Partie. — La validité d’une régulation par les ODR .................. 297

Chapitre IX. — Validité : l’efficacité juridique en trois temps ............................................ 305


Chapitre X. — Validité empirique : l’effectivité d’une régulation par les ODR.................. 311
Chapitre XI. — Validité formelle : légalité et systèmes juridiques...................................... 377
Chapitre XI. — Validité axiologique : légitimité d’une régulation par les ODR ................ 505

Conclusion .......................................................................................................................... 567

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LISTE DES ABRÉVIATIONS

AAA American Arbitration Association


ABA American Bar Association
ABTA Association of British Travel Agents
AcP Archiv für die civilistische Praxis (Tubingue)
ad à
Admin. L. Rev. Administrative Law Review (Washington)
ADR Alternative dispute resolution
ADRLJ Arbitration and Dispute Resolution Law Journal (Londres)
AFDI Annuaire français du droit international (Paris)
aff. affaire
AfP Archiv für Presserecht, Zeitschrift für Medien- und Kommunika-
tionsrecht (Düsseldorf)
AGB Alliance for Global Business
AJP Aktuelle Juristische Praxis (Lachen)
Akron L. Rev. Akron Law Review (Akron, Ohio)
al. alinéa
Alb. L.J. Sci. & Albany Law Journal of Science & Technology (Albany, New
Tech. York)
Alternatives Alternatives to the High Cost of Litigation (New York)
Am. Anthropol. American Anthropologist (Arlington)
Am. J. Int’l. L. American Journal of International Law (Washington)
Am. J. Socio. American Journal of Sociology (Chicago)
Am. Rev. Int’l American Review of International Arbitration (Ardsley-on-
Arb. Hudson)
Am. U. J. Int’l L. American University Journal of International Law and Policy
and Pol’y (depuis 1997 American University International Law
Review) (Washington, DC)
Am. U. L. Rev. American University Law Review (Washington, DC)
APD Archives de philosophie du droit (Paris)
APSR American Political Science Review (Washington)
Arb. Act. Arbitration Act [1996] (Angleterre)
Arb. Int. Arbitration International (Londres)
Ariz. L. Rev. Arizona Law Review (Tucson, Arizona)
Ariz. St. L.J. Arizona State Law Journal (Tempe, Arizona)
ARSP Archiv für Rechts- und Sozialphilosophie (Stuttgart)
ASA Association suisse de l’arbitrage
art. article
ATF Arrêts du Tribunal fédéral suisse
Berkeley Tech. Berkeley Technology Law Journal (Berkeley, Californie)
L.J.

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X LISTE DES ABRÉVIATIONS

L.J.
BEUC Bureau Européen des Consommateurs
BLI Business Law International (Londres)
Brooklyn J. Int’l L. Brooklyn Journal of International Law (Brooklyn, New York)
Brooklyn L. Rev. Brooklyn Law Review (Brooklyn, New York)
Buff. L. Rev. Buffalo Law Review (Buffalo, New York)
B.U. Int’l L.J. Boston University International Law Journal (Boston)
B.U. J. Sci. & Boston University Journal of Science & Technology Law
Tech. L. (Boston)
Bull. ASA Bulletin de l’Association suisse de l’arbitrage (Bâle)
Bull. CCI Bulletin de la Cour internationale d’arbitrage de la CCI (Paris)
Bus. Law. The Business Lawyer (Chicago)
B.Y.U. L. Rev. Brigham Young University Law Review (Provo, Utah)
c. contre
CA Cour d’appel (France)
Cal. California
Calif. L. Rev. California Law Review (Berkeley, Californie)
nd
Cal. Rptr. California Reporter, 2 series – State cases
Canadian J. L. & Canadian Journal of Law and Technology (Halifax)
Tech.
Can.–U.S. L.J. Canada–United States Law Journal (Cleveland)
Cardozo Online J. Cardozo Online Journal of Conflict Resolution (New York)
Conflict Resol.
Cass. Cour de cassation (France)
CCH Commerce Clearinghouse
CCI Chambre de commerce internationale (Paris)
C.D. Cal. Central District Court of California
CE Traité instituant la Communauté européenne, JO C 325 du
24.12.2002, p. 33
CEDH Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme
et des libertés fondamentales, du 4 novembre 1950 (RS
0.101)
cf. confer (comparez)
ch. chiffre
Chi.-Kent. L. Chicago-Kent Law Review (Chicago)
Rev.
chron. chronique
CIArb Chartered Institute of Arbitrators
CIO Comité international olympique
Cir. Circuit
Cj Code judiciaire (Belgique)
CJCE Cour de justice des Communautés européennes
CLP Commercial Law Practitioner (Dublin)
CLug Convention de Lugano concernant la compétence judiciaire
et l’exécution des décisions en matière civile et commer-
ciale, du 16 septembre 1988 (RS 0.275.11)
CL&SR Computer Law and Security Report (Oxford)

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LISTE DES ABRÉVIATIONS XI

Colum. J. Columbia Journal of Transnational Law (New York)


Transnat’l L.
Colum. L. Rev. Columbia Law Review (New York)
Copy. L. Rep. Copyright Law Reporter
CNUCED Conférence des Nations unies sur le commerce et le dévelop-
pement
CNUDCI Commission des Nations unies pour le droit du commerce
international
CNY Convention (de New York) pour la reconnaissance et
l’exécution des sentences arbitrales étrangères, du 10 juin
1958 (RS 0.277.12)
CO Code des obligations (Suisse) (RS 173.119)
CommLaw CommLaw Conspectus : Journal of Communications Law and
Conspectus Policy (Washington, DC)
Conn. L. Rev. Connecticut Law Review (Hartford, Connecticut)
Consum. L.J. Consumer Law Journal : a review of the law on the supply of
goods and services (Andover)
Cornell Int’l L.J. Cornell International Law Journal (Ithaca, New York)
Cornell J.L. & Cornell Journal of Law and Public Policy (Ithaca, New York)
Pub. Pol’y
Cornell L. Rev. Cornell Law Review (Ithaca, New York)
Cour eur. D.H. Cour européenne des droits de l’homme
CP Code de procédure (Norvège)
CPCI Codice di procedura civile (Italie)
CR Computer und Recht (Cologne)
Ct. App. Court of appeals
D. Recueil Dalloz (Paris)
dact. dactylographié
DAOR Le droit des affaires – Het ondernemingsrecht (Bruxelles)
Del. L. Rev. Delaware Law Review (Wilmington, Delaware)
D&Q Diritto & questioni pubbliche. Rivista di filosofia del diritto e
cultura giuridica (Palerme)
D&S Droit et Société. Revue internationale de théorie du droit et de
sociologie juridique (fait suite à la Revue internationale de la
théorie du droit) (Paris)
DG Directorat général (de la Commission européenne)
D. Mass. District Court of Massachusetts
DNS Domain name system (système de nommage pour adresses
url)
DRM Digital rights management
Duke Envtl. L. & Duke Environmental Law & Policy Forum (Durham, Caroline
Pol’y F. du Nord)
Duke L.J. Duke Law Journal (Durham, Caroline du Nord)
Duke L. & Tech. Duke Law and Technology Review (Durham, Caroline du
Rev. Nord)
DWiR Deutsche Zeitschrift für Wirtschaftsrecht (Berlin et New York)
E.D. Va. Eastern District Court of Virginia

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XII LISTE DES ABRÉVIATIONS

EBOR European Business Organization Law Review (La Haye)


ECMS Electronic copyright management systems
éd. édition, éditeur
EDI Electronic data interchange / Échange de données
informatisé
EIPR European Intellectual Property Review (Londres)
EJIL European Journal of International Law (Oxford)
Emory L.J. Emory Law Journal (Atlanta, Géorgie)
Empl. Prac. Dec. Employment Practices Decisions
E-Signature Act Electronic Signatures in Global and National Commerce Act
(États-Unis)
et al. et alii (et les autres)
et seq. et sequitur (et suivant(e)(s))
EWHC England & Wales High Court decisions (Londres)
nd
F.2d Federal Reporter, 2 series – Federal Court of Appeals cases
nd
F.3d Federal Reporter, 3 series – Federal Court of Appeals cases
FAA Federal Arbitration Act (États-unis)
FAI Fournisseur d’accès à Internet
Fed. Comm. L.J. Federal Communications Law Journal (Bloomington, Indiana)
FIA Fédération internationale de l’automobile
FIFA Fédération internationale de football association
Fordham L. Rev. Fordham Law Review (New York)
st
F. Supp. Federal Supplement, 1 series – Federal District Court cases
nd
F. Supp. 2d Federal Supplement, 2 series – Federal District Court cases
Gaz. Pal. Gazette du Palais (Paris)
GBDe Global Business Dialogue on electronic commerce
Geo. Wash. Int’l George Washington International Law Review (Washington,
L. Rev. DC)
Giust. Pen. Giustizia penale e problemi internazionali. Studi (Milan)
GAFTA Grain and Feed Trade Association
Harv. Bus. Rev. Harvard Business Review (Cambridge, Massachusetts)
Harv. J.L. & Harvard Journal of Law and Technology (Cambridge,
Tech. Massachusetts)
Harv. L. Rev. Harvard Law Review (Cambridge, Massachusetts)
Harv. Negotiation Harvard Negotiation Law Review (Cambridge,
L. Rev. Massachusetts)
Hastings Comm. Hastings Communications and Entertainment Law Journal (San
& Ent. L.J. Francisco)
Hofstra L. Rev. Hofstra Law Review (Hempstead, New York)
html HyperText Markup Language
http Hypertext transfer protocol
https Hypertext transfer protocol over Secure socket layer
IAAF Fédération internationale d’athlétisme (International Asso-
ciation of Athletics Federations)
I&C Ideology and Consciousness (Oxford)
ibid. ibidem (au même endroit)
ICANN Internet Corporation for Assigned Names and Numbers

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LISTE DES ABRÉVIATIONS XIII

ICCA International Council for Commercial Arbitration


ICC Bull. ICC International Court of Arbitration Bulletin (Paris)
Id. idem (le même auteur)
IETF Internet Engineering Task Force
IJCLP International Journal of Communications Law and Policy
(Münster et New Haven)
ILSA J. Int’l & ILSA Journal of International and Comparative Law
Comp. L. (Washington)
in fine à la fin
Ind. J. Global Indiana Journal of Global Legal Studies (Bloomington,
Legal Stud. Indiana)
Ind. L.J. Indiana Law Journal (Bloomington, Indiana)
Inf. Comm. Tech. Information & Communications Technology Law (Londres)
Law
Info Info, The journal of policy, regulation and strategy for telecom-
munications (Bradford)
infra ci-dessous
Int. A.L.R. International Arbitration Law Review (Londres)
Int. J. L. & Tech. International Journal of Law and Technology (Oxford)
Int. J. Soc. L. International Journal of The Sociology of Law (Londres, New
York)
Int’l Law. The International Lawyer (Chicago)
Int’l Tech. L. Rev. International Technology Law Review (Londres)
IP Internet Protocol
ISOC Internet Society
J. Bus. Ethics Journal of Business Ethics (Dordrecht)
J. Conflict Res. Journal of Conflict Resolution : research on war and peace
between and within nations (Ann Arbor)
JDI Journal du droit international [Clunet] (Paris)
JdT Journal des tribunaux (Lausanne)
J. Econ. Lit. Journal of Economic Literature (Pittsburgh)
JILT Journal of Information, Law & Technology (Warwick)
JintArb Journal of International Arbitration (Genève)
J. Internet L. Journal of Internet Law (New York)
J. Int’l Econ. L. Journal of International Economic Law (Oxford)
J. Int’l Legal Stud. Journal of International Legal Studies (Arlington, Virginia)
J.L. & Econ. Journal of Law and Economics (Chicago)
J. Law & Soc. Journal of Law and Society (Oxford)
J. Legal Stud. The Journal of Legal Studies (Chicago)
J. Marshall J. John Marshall Journal of Computer & Information Law
Computer & (Chicago)
Info. L.
JO Journal officiel des Communautés européennes
J. Online L. Journal of Online Law (Williamsburg, Virginie)
J. Small & Journal of Small and Emerging Business Law (Portland)
Emerging Bus.
L.

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XIV LISTE DES ABRÉVIATIONS

JT Journal des tribunaux (Bruxelles)


Jurimetrics J. Jurimetrics : journal of law, science and technology (Chicago)
Ky. L.J. Kentucky Law Journal (Lexington, Kentucky)
Law & Soc. Law & Social Inquiry (Chicago)
Inquiry
Law & Soc’y Rev. Law and Society Review (Denver)
LDIP Loi fédérale sur le droit international privé, du 18 décembre
1987 (RS 291)
lit. litera (lettre)
loc. cit. locus citato (à l’endroit cité)
Loy. U. Chi. L.J. Loyola University of Chicago Law Journal (Chicago)
Loy. L. & Tech. Loyola Law and Technology Annual (Chicago)
Ann.
L. & Phil. Law and philosophy : an international journal for jurisprudence
and legal philosophy (Dordrecht et Boston)
L. Rev. M.S.U.- Law Review of Michigan State University – Detroit College of
D.C.L. Law (East Lansing, Michigan)
McGill L.J. McGill Law Journal (Montréal)
Mich. L. Rev. Michigan Law Review (Ann Arbor, Michigan)
Mich. Telecomm. Michigan Telecommunications and Technology Law Review
& Tech. L. (Ann Arbor, Michigan)
Rev.
Mich. J. Int’l L. Michigan Journal of International Law (Ann Arbor,
Michigan)
Minn. L. Rev. Minnesota Law Review (Minneapolis, Minnesota)
MLR The Modern Law Review (Oxford)
MMR MultiMedia und Recht (Munich)
n. note
NADRAC National Alternative Dispute Resolution Advisory Council
(Australie)
Nat’l L.J. National Law Journal (New York)
N.C. J. L. & North Carolina Journal of Law and Technology (Chapel Hill,
Tech. Caroline du Nord)
N.C. L. Rev. North Carolina Law Review (Chapel Hill, Caroline du Nord)
NCPC Nouveau code de procédure civile (France ou Luxembourg)
N.D. Cal. Northern District Court of California
N.D. Ill. Northern District Court of Illinois
Negot. J. Negotiation Journal : On the Process of Dispute Settlement (New
York)
N.J.L.J. New Jersey Law Journal (Newark, New Jersey)
NJW Neue Juristische Wochenschrift (Francfort)
N. Ky. L. Rev. Northern Kentucky Law Review (Highland Heights,
Kentucky)
N.M. L. Rev. New Mexico Law Review (Albuquerque, Nouveau Mexique)
o
n numéro
not. notamment
N.Y.L. Sch. L. New York Law School Law Review (New York)
Rev.

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LISTE DES ABRÉVIATIONS XV

Rev.
OCDE Organisation de coopération et de développement
économiques
ODR Online dispute resolution
Ohio N.U. L. Rev. Ohio Northern University Law Review (Ada, Ohio)
Ohio St. J. on Ohio State Journal on Dispute Resolution (Columbus, Ohio)
Disp. Resol.
OMC Organisation mondiale du commerce
OMPI Organisation mondiale de la propriété intellectuelle
op. cit. opus citato (œuvre citée)
Or. L. Rev. Oregon Law Review (Eugene, Oregon)
passim à divers endroits
P3P Platform for Privacy Preferences
Pepperdine Disp. Pepperdine Dispute Resolution Law Journal (Malibu,
Res. L.J. Californie)
PICS Platform for Internet Content Selection
RabelsZ Rabels Zeitschrift für ausländisches und internationales Privat-
recht (Tubingue)
RB I Règlement 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000,
concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et
l’exécution des décisions en matière civile et commerciale,
JO L 12 du 16.1.2001, p. 1 (Règlement Bruxelles I)
RDAI Revue de droit des affaires internationales (Paris)
RDIPP Rivista di diritto internazionale privato e processuale (Padoue)
RDS Revue de droit suisse, Zeitschrift für Schweizerisches Recht (Bâle)
RDTI Revue du Droit des Technologies de l’Information (Bruxelles)
RDUS Revue de droit de l’Université de Sherbrooke (Sherbrooke,
Québec)
Rec. Recueil de jurisprudence de la Cour de justice des Commu-
nautés européennes (CJCE)
Rec. Cours La Recueil des cours de l’Académie de droit international de La Haye
Haye (La Haye)
REDC Revue européenne de droit de la consommation (Louvain-la-
Neuve)
Rev. arb. Revue de l’arbitrage (Nancy)
Rev. crit. Revue critique de droit international privé (Paris)
Rev. dr. unif. Revue de droit uniforme (Rome)
RFAP Revue française d’administration publique (Paris)
RGDIP Revue générale de droit international public (Paris)
Rich. J.L. & Tech. Richmond Journal of Law and Technology
RIDE Revue internationale de droit économique (Bruxelles)
RIEJ Revue interdisciplinaire d’études juridiques (Bruxelles)
RIW Recht der Internationalen Wirtschaft (Heidelberg)
RJES Revue juridique et économique du sport (Paris)
RQDI Revue québécoise de droit international (Montréal)
RRJ Revue de la recherche juridique (Aix-en-Provence)
RS Recueil systématique du droit fédéral

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XVI LISTE DES ABRÉVIATIONS

RTD civ. Revue trimestrielle de droit civil (Paris)


RTD eur. Revue trimestrielle de droit européen (Paris)
s. dir. sous la direction de
Santa Clara Santa Clara Computer and High Technology Law Journal
Computer & (Santa Clara, Californie)
High Tech L.J.
Santa Clara L. Santa Clara Law Review (Santa Clara, Californie)
Rev.
S.D.N.Y. Southern District Court of New York
Seton Hall Const. Seton Hall Constitutional Law Journal (South Orange, New
L.J. Jersey)
SJ La Semaine judiciaire (Genève)
SchiedsVZ Zeitschrift für Schiedsverfahren (Munich)
spéc. spécialement
SpuRt Zeitschrift für Sport und Recht (Munich, Francfort et Berne)
SSL Secure Sockets Layer
St. John’s J. Legal St. John’s Journal of Legal Commentary (Queens, New York)
Comment.
Stan. L. Rev. Stanford Law Review (Stanford, Californie)
Stan. Tech. L. Stanford Technology Law Review (Stanford, Californie)
Rev.
SU Loi suédoise sur l’arbitrage
supra ci-dessus
Syracuse L. Rev. Syracuse Law Review (Syracuse, New York)
t. tome
TACD Transatlantic Consumer Dialogue
TAS Tribunal arbitral du sport
Temp. Envtl. L. Temple Environmental Law & Technology Journal
& Tech. J. (Philadephie, Pennsylvanie)
Temple Int’l and Temple International and Comparative Law Journal
Comp L.J. (Philadephie, Pennsylvanie)
Temple L. Rev. Temple Law Review (Philadephie, Pennsylvanie)
Texas L. Rev. Texas Law Review (Austin, Texas)
TCP (Internet) Transmission Control Protocol
TGI Tribunal de grande instance
trad. traduit par
Tul. J. Tech. & Tulane Journal of Technology & Intellectual Property (Nouvelle-
Intell. Prop. Orléans, Louisiane)
Tulane L. Rev. Tulane Law Review (Nouvelle-Orléans, Louisiane)
Tulsa L.J. Tulsa Law Journal (Nouvelle-Orléans, Louisiane)
Ubiquité Revue Ubiquité – Droit des technologies de l’information (depuis
2004 Revue du Droit des Technologies de l’Information
(Bruxelles)
U.C. Davis L. University of California at Davis Law Review (Davis,
Rev. Californie)
U. Chi. L. Rev. University of Chicago Law Review (Chicago)
U. Chi. Legal F. University of Chicago Legal Forum (Chicago)

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LISTE DES ABRÉVIATIONS XVII

UCITA Uniform Computer Information Transaction Act (États-


Unis)
UDRP Uniform Domain Name Dispute Resolution Policy
(ICANN)
UEFA Union des associations européennes de football
UETA Uniform Electronic Transactions Act (États-Unis)
U. Ill. L. Rev. University of Illinois Law Review (Champaign, Illinois)
U. Ill. J.L. Tech. University of Illinois Journal of Law, Technology & Policy
& Pol’y (Champaign, Illinois)
U. Miami L. Rev. University of Miami Law Review (Coral Gables, Floride)
UNSW Law University of New South Wales Law Journal (Sydney)
Journal
U. Pa. L. Rev. University of Pennsylvania Law Review (Philadelphie,
Pennsylvanie)
U. Pa. J. Int’l University of Pennsylvania Journal of International Economic
Econ. L. Law (Philadelphie, Pennsylvanie)
U. Pitt. L. Rev. University of Pittsburgh Law Review (Pittsburgh,
Pennsylvanie)
U.S. United States Reports – Supreme Court cases
U.S. App. LEXIS United States Court of Appeals case, disponible sur Lexis
U.S.C. United States Code
U.S. Dist. LEXIS United States district case, disponible sur Lexis
U.S.F. L. Rev. University of San Francisco Law Review (San Francisco)
U.S.P.Q. United States Patents Quarterly
U. Toronto L.J. University of Toronto Law Review (Toronto, Ontario)
URL Uniform resource locator (adresse Internet du type
http://www.)
Va. J.L. & Tech. Virginia Journal of Law and Technology (Charlottesville,
Virginie)
Vand. J. Ent. L. & Vanderbilt Journal of Entertainment Law & Practice (Nashville
Prac. Tennessee)
Vand. J. Transnat’l Vanderbilt Journal of Transnational Law (Nashville
L. Tennessee)
Vill. L. Rev. Villanova Law Review (Villanova, Pennsylvanie)
VJ Vindobona Journal of International Commercial Law and Arbi-
tration (Vienne)
vol. volume
W3C World Wide Web Consortium
Wake Forest L. Wake Forest Law Review (Winston-Salem, Caroline du
Rev. Nord)
Wash. L. Rev. Washington Law Review (Seattle, Washington)
Washington U. Washington University Law Quarterly (St. Louis, Missouri)
L.Q.
Wayne L. Rev. Wayne Law Review (Detroit, Michigan)
WBR Wetboek van Burgerlijke Rechtsvordering (Pays-Bas)
W.D. Wi. Western District Court of Wisconsin
WL Westlaw

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XVIII LISTE DES ABRÉVIATIONS

Wis. L. Rev. Wisconsin Law Review (Madison, Wisconsin)


Wm. & Mary L. William and Mary Law Review (Williamsburg, Virginie)
Rev.
WOA World of Arbitration Newsletter (Saragosse)
XML Extensible Markup Language
Yale J. of L. & Yale Journal of Law and Technology (New Haven,
Tech. Massachusetts)
Yale L.J. The Yale Law Journal (New Haven, Massachusetts)
Yearbook Comm ICCA Yearbook Commercial Arbitration (La Haye)
Arb’n
ZeuP Zeitschrift für Europäisches Privatrecht (Munich)
ZPO Zivilprozessordnung (Allemagne ou Autriche)

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PRÉFACE

Voici une véritable thèse, un travail profond, inventif, remarquable, libéré


des contingences qui accablent souvent le juriste. Conscient qu’à ce stade il
n’a plus à démontrer sa maîtrise de la mécanique juridique – démonstration
qui fait de tant de thèses de doctorat un exercice de style vite ennuyeux –
l’auteur s’est attaqué à l’essentiel et a réussi à faire d’un sujet plutôt ardu un
texte qui se lit avec plaisir.
Remarquable, ce livre l’est aussi parce qu’il reflète des connaissances de
nombreuses disciplines, mobilisées tour à tour pour qu’en soit extraites les
considérations fondamentales, confrontées systématiquement dans une
interdisciplinarité simple et sérieuse. On admire ainsi la capacité analytique
de l’auteur appliquée à de nombreux aspects internationaux du droit de
l’Internet, au droit de l’arbitrage et de la médiation, à des réflexions appar-
tenant à l’analyse économique du droit, à la sociologie et à la philosophie
du droit. Maîtriser ces disciplines est une chose. Mais les combiner, jeter
des ponts de l’une à l’autre, trouver des concordances, comprendre la ferti-
lité de l’une pour l’autre, tout en les ramenant sans cesse à l’idée poursuivie
à travers toute l’étude en est une autre.
La thèse défendue ici est radicale, et son enjeu considérable. Dans le sil-
lage des pionniers du droit de l’Internet pur et dur, tels Lessig ou Perritt,
l’auteur n’hésite pas à conclure que le recours par les institutions d’Online
Dispute Resolution (ODR) à des mécanismes d’auto-exécution pourraient
permettre de détacher complètement ces procédures de tout droit
d’émanation étatique. Cela conduirait même, poursuit l’auteur, à la créa-
tion, autour des institutions d’ODR, de véritables ordres juridiques non
étatiques. Tout en ressemblant aux théories traditionnelles de la délocalisa-
tion de l’arbitrage, cette position va plus loin, englobant la réglementation
du contrat, la résolution du différend et l’exécution de la décision. Des
groupes de sites commerçants adhèreraient à un système d’ODR, adopte-
raient leurs propres règles, tant de droit matériel que de procédure, établi-
raient un mécanisme d’exécution des décisions et fonctionneraient en
quelque sorte en autarcie, groupés en places de marché électroniques, sans
recours nécessaire ni au droit, ni aux tribunaux étatiques. Cette organisa-

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XX PRÉFACE

tion en places de marché isolées et animées par une institution de résolu-


tion en ligne conduirait à son tour, à long terme, au bouleversement de la
régulation générale du commerce électronique.
Utopie naïve ou œuvre visionnaire ? L’avenir le dira. Dans l’intervalle, au
lecteur de décider. Se rangera-t-il aux côtés de notre auteur dans cette
construction bien documentée, armée de concepts puissants empruntés aux
fronts les plus divers ? Ou conclura-t-il que l’on ne peut aussi facilement
écarter le « pouvoir du dernier mot » de l’État, comme disait Jean Dabin, et
qu’il ne faut pas célébrer à tout-va le « triomphe du mou, du flou, du doux »
qu’annonce Mireille Delmas-Marty ?
Ce qui semble certain est que l’auteur nous fait percevoir des aspects
nouveaux qu’il ne sera pas possible d’ignorer dans le futur. Cela n’est pas
seulement vrai dans les domaines immédiats du présent ouvrage (la résolu-
tion des litiges en ligne, ainsi que la régulation du commerce électronique
et de l’Internet en général). Ce qui se joue ici, c’est également une réflexion
sur les fondements du droit international privé, par une mise en perspective
de l’incidence du territoire, et du droit de l’arbitrage, par la mise en lumière
de la transformation lente mais certaine des procédures arbitrales. En
parallèle, cet ouvrage livre des apports inédits à la sociologie et la philoso-
phie du droit, au travers de l’analyse de nouvelles normativités hors de
l’État. Ces diverses altérations du droit, l’auteur nous les rend accessibles
parce qu’il met à la portée de tous des réflexions fondamentales sur les mo-
des contemporains de la résolution des litiges et de la production du droit.
Et quand il s’appuie sur la philosophie du droit, il le fait non pas par pur
plaisir académique ou snobisme intellectuel, mais parce qu’il comprend
qu’en droit toute réflexion doctrinale se fonde nécessairement sur des choix
de valeurs, qu’il appartient justement à la philosophie du droit d’expliciter.
Qui plus est, le présent livre laisse fort bien augurer de la production
scientifique de l’auteur. Ses articles et ses conférences lui auraient déjà valu
d’être qualifié par certains, et non des moindres, de « Monsieur ODR ». A
moins de 30 ans, il signe ici son deuxième ouvrage, qui ne sera certaine-
ment pas le second. Par son travail et par sa personnalité tout entière, il
démontre bien cette vérité qu’Henri Lévy-Buhl nous avait rappelée,
qu’ « un conformisme trop rigide est un obstacle sérieux aux progrès hu-
main ».
GABRIELLE KAUFMANN-KOHLER
PROFESSEURE À L’UNIVERSITÉ DE
GENÈVE

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AVANT-PROPOS

Ce livre traite des relations qu’entretiennent le phénomène de la résolution


des litiges en ligne et la régulation du commerce électronique. Pour appré-
hender ce sujet, il couvre tout d’abord les diverses théories de régulation du
cyberespace développées depuis une dizaine d’années et en propose une
nouvelle, le modèle du réseau, dont l’idée force consiste en l’ouverture à la
multiplicité des acteurs de la régulation et à l’imprévisibilité de l’identité de
ceux-ci, de leurs interactions et des hiérarchies qui les relient. Ensuite, cet
ouvrage fait l’examen du phénomène du règlement par Internet des litiges,
dans son ensemble. Il en présente les origines, les différents modes, les
raisons d’être et les voies possibles de son évolution. Finalement, il jette des
ponts entre ces deux champs d’étude, plaçant les institutions de la résolu-
tion en ligne au sein du modèle projeté de la régulation en réseau. Au
terme de l’analyse, il conclut que ces institutions peuvent être amenées, et
le seront probablement, à acquérir une importance régulative centrale pour
le commerce électronique.
Cette importance régulative et ses modes d’opération concrets sont ana-
lysés en empruntant au droit de l’arbitrage et de la médiation, au droit des
nouvelles technologies, à la théorie et à la philosophie du droit, au courant
law and economics et au fonctionnement de certaines technologies de la
communication électronique. L’analyse mobilise des concepts tels que celui
de système juridique, de souveraineté, de hiérarchies en droit, de
contrainte, d’efficacité, d’effectivité et d’efficience, de légitimité, de régula-
tion, de réglementation, d’autorégulation ou encore de co-régulation.
Quant au concept de droit retenu pour ce travail, toujours déjà révélateur
de l’angle d’approche d’une étude, il convient simplement de dire ici que
l’on considérera comme juridiques les normes qui appartiennent à un sys-
tème juridique. Quant au concept de système juridique, mentionnons uni-
quement à ce stade qu’il se tourne résolument vers le pluralisme juridique,
acceptant donc l’existence de systèmes juridiques non étatiques.
Cet ouvrage n’est en aucun cas un manuel, qui aurait des prétentions de
complétude. Il est la défense d’une idée, d’une thèse. Sa nature focalisée
mais interdisciplinaire lui permet néanmoins de s’adresser à un lectorat

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XXII AVANT-PROPOS

relativement large, soit à tous ceux qui ont un intérêt pour l’évolution du
droit du cyberespace et du commerce électronique, à ceux qui s’attachent à
l’évolution de l’arbitrage, de la médiation, des diverses formes de résolution
en ligne des différends, du droit judiciaire et du droit de procédure, et de
l’impact de ces évolutions sur le milieu dans lequel ils interviennent. Il
s’adresse également aux adeptes de la théorie du droit, de la sociologie du
droit, du pluralisme juridique et de la théorie générale de la régulation,
ainsi qu’à ceux qui s’intéressent davantage au commerce international dans
son ensemble ou à la globalisation et aux diverses formes qu’elle prend. Il
n’est par contre pas destiné à ceux qui s’attachent à l’étude du droit positif
des divers domaines du commerce électronique. Il ne conviendra également
que partiellement à ceux qui recherchent une analyse du droit positif de la
résolution des litiges en ligne, sujet pour lequel nous renvoyons le lecteur à
l’ouvrage Online dispute resolution : challenges for contemporary justice, publié
en 2004 aux éditions Kluwer et co-rédigé avec la Professeure Gabrielle
Kaufmann-Kohler.
Une telle étude nous a semblé nécessaire, parce que le phénomène online
dispute resolution n’a à notre avis par reçu à ce jour la considération scienti-
fique qu’il mérite. De plus, la régulation du cyberespace en général, et du
commerce électronique en particulier, reçoit de la part des théoriciens du
droit une attention qui demeure limitée alors que ces domaines sont, à
notre sens, porteurs d’un nombre non négligeable d’enseignements pouvant
éclairer le phénomène juridique tout entier. Finalement, c’est la relation
entre règlement en ligne des différends et régulation du commerce électro-
nique qui est largement incomprise. L’examen de cette relation permet d’en
comprendre les enjeux, puis de promouvoir, de corriger ou de freiner les
divers aspects de la résolution des litiges en ligne et d’utiliser celle-ci, cons-
ciemment et à bon escient, pour améliorer la régulation du commerce élec-
tronique.
Ce travail est le fruit d’une thèse de doctorat soutenue le 14 janvier 2005
à l’Université de Genève, qui s’est inscrite en continuité d’un projet de re-
cherche réalisé à cette même université et financé par le Fonds national
suisse de la recherche scientifique, d’études effectuées pour un groupe de
travail des Nations unies sur la résolution des litiges en ligne, de divers
travaux sur les modes de régulation rédigés lors d’un LL.M. à l’Académie
européenne de théorie du droit, à Bruxelles, et de diverses contributions à
des colloques entre 2000 et 2004.

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AVANT-PROPOS XXIII

Le titre de docteur a cela d’injuste qu’il n’est accordé, simplement, entière-


ment, qu’à l’auteur de la thèse de doctorat, alors que rares doivent être cel-
les et ceux qui l’achèvent sans une aide quelquefois considérable. Ce sont
ainsi en premier lieu mes directeurs de thèse, les Professeurs Gabrielle
Kaufmann-Kohler et François Ost, qui méritent ma reconnaissance la plus
sincère. D’une efficacité extraordinaire, d’un enthousiasme pour le travail
que nous faisons qui frôle la passion et d’une humanité toute latine, je mets
quiconque au défi de rédiger une thèse sous leur direction sans en retirer un
plaisir rare.
Cette étude doit beaucoup à Gabrielle Kaufmann-Kohler à un autre titre
encore : celui d’avoir offert, en tant qu’employeur, de très bonne conditions
d’écriture pour l’achèvement des travaux. Sans cela, toutes les constructions
théoriques préalables seraient probablement restées vaines. Que ma grati-
tude lui soit exprimée à ce titre aussi.
Ces années de travail se sont achevées sur un point d’orgue à la hauteur
de l’encadrement que j’avais obtenu jusque là, une soutenance dont le jury
était composé, outre les directeurs de thèse, des Professeurs Yves Poullet,
du Centre de recherche informatique et droit de l’Université de Namur, et
Jean-François Perrin, de l’Université de Genève. Cette soutenance s’est
développée en une discussion d’une fertilité et d’un intérêt rare, telle que
seul un jury engagé et réellement ouvert au dialogue peut le susciter. Que
ses membres en soient vivement remerciés ici.
Ce sont ensuite mes amis de l’Université de Genève qui, avec patience et
indulgence, m’ont prêté oreille et intérêt, m’ont nourri de leurs expériences
et ont relu et amélioré une partie ou l’intégralité de l’une ou l’autre version
que le manuscrit a connue : que soient remerciés ici Rashid Bahar, Fabien
Mangilli, Antonio Rigozzi et Rute Vicente. Je dois encore ajouter qu’une
partie fondamentale de mes connaissances en droit de l’arbitrage m’a été
inculquée –au-delà de ce que ma co-directrice de thèse a su m’apprendre –
par Antonio Rigozzi. Enfin, le texte du présent ouvrage doit également
beaucoup, y compris en termes de style, de grammaire et d’orthographe,
aux remarques minutieuses des membres du jury.
Les personnes suivantes (dont la liste est sans aucun doute incomplète,
que ceux que me mémoire ne me laisse pas évoquer me pardonnent) m’ont
également prodigué conseil, commentaire, avis et critique, en relation avec
l’un ou l’autre des divers travaux qui ont conduit à cet ouvrage : Vincent
Bonnet (Kalyss SA), Melissa Conley Tyler (Université de Melbourne),

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XXIV AVANT-PROPOS

Richard Hill (Union internationale des télécommunications), Julia Hörnle


(Queen Mary College, Université de Londres), Jarle Hulaas (École poly-
technique fédérale de Lausanne), Brian Hutchinson (University College
Dublin), les Professeurs Ethan Katsh (Université de Massachusetts) et
Lawrence Lessig (Université de Stanford), Christophe Péterman (cabinet
Pestalozzi Lachenal Patry, Genève), Orna Rabinovich-Einy (Université de
Columbia), Michael Schöll (Cabinet Bär & Karrer, Zurich), Colin Rule
(eBay), Vincent Tilman (Eurochambres), Massimo Vogliotti (Université
de Turin et du Piémont oriental, Facultés universitaires Saint-Louis) et
Erik Wilbers (Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation mon-
diale de la propriété intellectuelle).
Que soit également remercié ici le Professeur Etienne Montero, direc-
teur de la collection Cahiers du CRID, pour l’indulgence et la générosité
qu’il a témoigné à mon égard lors de la préparation de ce manuscrit pour sa
publication.

Celle qui mérite cependant la gratitude la plus profonde est ma femme,


Anne-Laure, parce que, si Françoise Giroud me prête ici sa plume, « les
gens qui écrivent sont très embêtant à vivre. Il faut supporter cette façon
qu’ils ont d’être engloutis dans leur travail, cette distraction, ces crises de
découragement parce que ‘tout ce que je fais est mauvais, je vois bien que
c’est mauvais’. Il faut les aimer vraiment. » Ce livre lui est donc dédié,
amoureusement, en retour.

Genève, février 2005


T.S.

Publication réalisée dans le cadre de projets de recherche financés par le Fonds national
suisse de la recherche scientifique.

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INTRODUCTION GÉNÉRALE

L’histoire des technologies de l’information sur lesquelles reposent les mé-


canismes de résolution des litiges en ligne, le commerce électronique et le
cyberespace avait commencé dans le scepticisme. En 1877, lors d’une jour-
née tempétueuse qui montrait pourtant bien les aléas de la communication
ème
par terre et par mer, Rutherford Hayes, 19 Président des États-Unis,
participa à l’une des premières transmissions téléphoniques transatlanti-
ques. À l’issue de celle-ci, il s’exclama : « Quelle incroyable inven-
tion…mais qui diable va bien vouloir utiliser une chose pareille ? » Deux
ans plus tard, il devait néanmoins être le premier président à demander
l’installation d’un téléphone à la Maison Blanche. L’optimisme général
était tout autre quand, dans les années 1950, le président d’IBM expliquait
fièrement à ses actionnaires que le marché mondial des ordinateurs pourrait
ème
bien atteindre 100 unités à la fin du 20 siècle. Nul doute que ces hommes
imaginaient bien différemment le monde contemporain, qui rit de leur vain
scepticisme et leurs médiocres espoirs, aujourd’hui où plus d’un milliard de
personnes disposent d’une adresse de courrier électronique (1).
Depuis plus d’une décennie, l’interconnexion par des lignes téléphoni-
ques de la gigantesque production du marché informatique mondial forme
une lame de fond à l’origine de nombreuses transformations de notre so-
ciété (2). En rétrospective, on est quelquefois tenté d’imaginer que cette
évolution était presque inévitable. Les ordinateurs étant présents et les
lignes de téléphone posées, il ne manquait plus qu’un protocole informati-
que commun d’échange de données pour que tous les ordinateurs puissent
parler une lingua franca, former un réseau global et ainsi transmettre des
informations de manière quasi instantanée entre toutes les parties du globe.
Ce protocole informatique, introduit au début des années 1980, a fondé
Internet. Celui-ci permit à son tour l’émergence du commerce électroni-

(1) A. DUFOUR et S. GHERNAOUTI-HÉLIE, Internet, 9ème éd., Paris, PUF, 2002, p. 9.


(2) M. CASTELLS, La galaxie Internet, trad. P. Chemla, Paris, Fayard, 2001, p. 11 et ID., La
société en réseaux, t. 1, L’ère de l’information, trad. Ph. Delamare, Paris, Fayard, 1998, p. 25 et seq.

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2 INTRODUCTION GÉNÉRALE

que, qui lui-même appelle aujourd’hui le développement de méthodes de


résolution en ligne des litiges (online dispute resolution – ODR) afin de
prendre en charge une partie grandissante de son contentieux. Ces cinq
dernières années, près de deux millions de litiges ont ainsi été résolus en
ligne, en utilisant des technologies de communication à distance s’appuyant
sur Internet (3). Or, on comprend intuitivement que toute dérivation d’un
contentieux vers un lieu de règlement des différends s’accompagne d’une
inévitable attribution d’un pouvoir régulateur à celui-ci. Mais alors, est-il
louable que les mécanismes de résolution des litiges en ligne deviennent
l’un des acteurs du commerce électronique ? C’est à cette question que nous
entendons apporter réponse ici.
L’économie constitue sans doute le domaine où les transformations en-
traînées par les réseaux électroniques de communication apparaissent le
plus nettement (4). L’extraordinaire facilitation de la transmission d’infor-
mations par Internet forme un facteur central de la globalisation des
échanges commerciaux. Elle conduit à une croissante interdépendance des
économies nationales ou régionales, à l’émergence de nouveaux marchés, à
d’importantes adaptations de la manière dont les activités commerciales
sont exercées et, surtout, au développement d’un secteur économique bien
spécifique au sein de cette mouvance généralisée. Il s’agit là du commerce
électronique, c’est-à-dire de l’ensemble des activités à caractère commercial
véhiculées par Internet. Or, l’une de ses principales caractéristiques – symp-
tomatique de la globalisation des échanges – réside en cela que des
consommateurs ordinaires et de simples PME s’y engagent dans des
contrats internationaux, alors que ceux-ci étaient jusque là réservés à des
acteurs bien particuliers, plus sophistiqués et moins nombreux (5). Les

(3) G. KAUFMANN-KOHLER et Th. SCHULTZ, Online Dispute Resolution : Challenges for Con-
temporary Justice, La Haye, Kluwer, 2004, p. 10 et seq. et 249 et seq. et M. CONLEY TYLER,
« One Hundred and Fifteen and Counting : The State of Online Dispute Resolution 2004 » in
Proceedings of the Third Annual Forum on Online Dispute Resolution, s. dir. M. Conley Tyler, E.
Katsh et D. Choi, Amherst, Mass., Publ. de l’Université de Massachusetts, 2004, <www.odr.info/-
unforum2004/ConleyTyler.htm>.
(4) Th. FRIEDMAN, The Lexus and the Olive Tree, Glasgow, HarperCollins, 2000, p. xvi et seq.
(5) Sur ces transformations économiques par Internet et de manière générale sur leurs effets
fondamentaux pour l’intervention du droit, voir par exemple Ch. REED, Internet Law, 2ème éd.,
Cambridge, Cambridge Univ. Press, 2004, pp. 3–6.

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INTRODUCTION GÉNÉRALE 3

litiges qui en émergent nécessairement de temps à autre s’en trouvent iné-


vitablement affectés (6).
Un autre domaine majeur de la vie sociale est également perturbé par In-
ternet : le droit. La perturbation la plus ostensible concerne ici le présup-
posé de territorialité ancré au plus profond de celui-ci (7). Dans la pensée
juridique traditionnelle, issue d’une époque où prévalait une Weltanschau-
ung reposant sur l’ordre et la stabilité, le droit est essentiellement, voire
exclusivement étatique. Or, l’État nourrit son pouvoir normatif en tout
premier lieu de son assise territoriale, clairement délimitée vers l’extérieur
et illimitée à l’intérieur. Les frontières nationales n’ont par contre quasi-
ment aucune relevance pour la transmission, totalement dématérialisée,
d’informations par les réseaux qui forment Internet. Les activités basées sur
les communications transmises par ces réseaux, comme celles du commerce
électronique, ont en conséquence une qualité ubiquitaire. Ces activités
peuvent, en soi, sortir des effets en tout endroit du monde, puisque la cir-
culation de l’information ne connaît guère de limite géographique. De
manière générale, le problème du droit découle ainsi de la difficulté
d’appliquer la production normative d’un État, destinée par sa conception
même à être limitée au territoire de celui-ci, à des activités dont les moda-
lités d’exercice peuvent enlever au territoire toute incidence inhérente.
Du point de vue de la régulation du cyberespace – émanation sociale
d’Internet constituant le théâtre des activités du commerce électronique –
cette inadéquation du mode opératoire habituel du droit a conduit à deux
positions extrêmes et diamétralement opposées. Au cours de ces dix der-
nières années, on a pu voir ainsi dans le cyberespace, d’un côté, un eldorado
de parfaite liberté où le droit serait totalement absent. De l’autre, on a pu
considérer que les activités véhiculées par les réseaux constituaient simple-
ment des faits entrant nécessairement dans le champ d’application de l’une
ou l’autre norme de droit étatique. On allait jusqu’à affirmer que le droit,
bien présent, ne rencontrerait avec Internet que des difficultés tout à fait
marginales, qui constitueraient autant de cas d’importance secondaire,

(6) G. KAUFMANN-KOHLER, « Commerce électronique : droit applicable et résolution des li-


tiges » in Rec. Cours La Haye, à paraître.
(7) Y. POULLET, « Quelques considérations sur le droit du cyberespace » in Les dimensions in-
ternationales du droit du cyberespace, s. dir. T. Fuentes-Camacho, Paris, Éd. UNESCO/Economica,
2000, p. 185 et seq., spéc. p. 192.

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4 INTRODUCTION GÉNÉRALE

guère dignes de l’attention du juriste. Ces deux pôles extrêmes de


l’approche juridique d’Internet traduisent en réalité deux approches du
droit, voire deux conceptions de celui-ci. L’une apparaît comme essentiel-
lement profane et reposant sur l’empirie, sur une observation immédiate du
droit dans les faits et déformée par une idéologie résolument libertaire.
L’autre, contrainte par l’obstacle épistémologique du positivisme, se focalise
sur le syllogisme juridique, c’est-à-dire sur la logique formelle. En bon
exemple de ce que Gaston Bachelard a pu appeler la « loi de la bipolarité
des erreurs » (8), caractérisant bien d’autres conceptions antinomiques
relatives au phénomène juridique (9), ces deux positions manifestement
insatisfaisantes font chacune ressortir une partie, chaque fois incomplète,
de la vérité sur le droit (10). Ceci force alors à adopter une position
dialectique empruntant des éléments à chacun de ces pôles et conduisant à
reconnaître la question principale du droit dans le contexte d’Internet : sa
mise en œuvre. Le problème que celle-ci représente a été l’un des princi-
paux initiateurs du mouvement ODR.
Si Internet amène ainsi de nouveaux défis de mise en œuvre pour le
droit, les nouvelles technologies de l’information qui le constituent ou en
découlent présentent toutefois également des opportunités. La résolution
des litiges en ligne est le produit de l’exploitation d’une telle opportunité
dans le but principal de réagir à l’un de ces défis. Les nouvelles technolo-
gies de l’information permettent de simplifier, d’accélérer et de baisser les
coûts de la résolution des litiges, rendant ainsi la justice plus accessible. Le
défi, nous l’avons évoqué, est surtout donné par les litiges transfrontières de
faible valeur surgissant des contrats internationaux, conclus dans le do-
maine du commerce électronique par des acteurs ordinaires, par opposition
aux opérateurs professionnels du commerce international. Les mécanismes
traditionnels de résolution des litiges ne sont pas adaptés pour des litiges
émergeant de tels contrats : ces mécanismes sont trop chers, trop lents,
parfois trop complexes et en conséquence trop peu accessibles. Ils laissent

(8) G. BACHELARD, La formation de l’esprit scientifique, Paris, Vrin, 1977, p. 20.


(9) F. OST et M. VAN DE KERCHOVE, « De la bipolarité des erreurs ou de quelques paradigmes
de la science du droit » in ARSP, 1988, vol. 33, p. 177 et seq.
(10) Nous empruntons ici la distinction entre « vérité du droit » (produit de la dogmatique ju-
ridique) et « vérité sur le droit » (produit d’une approche sociologique) de J.-F. PERRIN, « Définir
le droit… selon une pluralité de perspectives » in Droit, Revue française de théorie juridique, 1989,
no 10, p. 63 et seq., spéc. pp. 64–66.

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INTRODUCTION GÉNÉRALE 5

les parties à de tels litiges sans recours à la justice. Cette difficulté d’accès à
la justice, à son tour, constitue un obstacle à la confiance dans le commerce
électronique, freine son développement et ralentit l’économie mondiale.
Les ODR fournissent une possibilité de réponse à ce problème. En consé-
quence, ils pourraient bien devenir la manière privilégiée, voire habituelle
du règlement des différends dans de telles situations. Mais s’ils deviennent
de telles références centrales, l’application du droit ne s’en trouve-t-elle pas
modifiée, puisqu’elle est déplacée hors de ses lieux traditionnels ? Et si
l’application du droit est altérée, sa production ne risque-t-elle pas de suivre
le même chemin ?
Cela revient à poser la question de savoir quelles sont les sources norma-
tives de la régulation du commerce électronique. Au vu de l’évolution ra-
pide des nouvelles technologies, d’Internet, du commerce électronique et
du règlement en ligne des différends, il nous semble nécessaire de se de-
mander non seulement quelles sont les sources normatives actuelles, mais
aussi d’ouvrir l’horizon temporel et de tenter une réflexion plus spéculative
sur l’évolution de ces sources normatives. De nombreux ouvrages et
d’innombrables analyses ont été écrits ces dernières années sur la problé-
matique de la régulation du cyberespace et du commerce électronique.
Pourtant, nulle part le phénomène du règlement des litiges en ligne n’a été
sérieusement pris en considération. Dans d’autres domaines, on conçoit
aisément l’existence de la lex mercatoria, dont l’un des principaux acteurs est
l’arbitrage commercial international (11). L’on évoque aussi l’idée d’un ou
de plusieurs ordres juridiques sportifs, dont l’un des principaux acteurs
serait l’arbitrage international en matière de sport (12). Mais on n’avance
jamais sérieusement l’idée d’une formation de systèmes juridiques dans le
cyberespace, qui seraient spécifiques à la résolution des litiges en ligne, ni
même l’influence normative que celle-ci peut avoir. En conséquence, nous
nous attacherons ici à introduire les ODR comme nouvel acteur de la ré-

(11) Parmi une littérature abondante et souvent prestigieuse, l’une des études les plus rigoureu-
ses nous semble être donnée par F. MARRELLA, La nuova lex mercatoria. Principi UNIDROIT ed
usi dei contratti del commercio internazionale, Padoue, CEDAM, 2003, not. p. 246 et seq. Voir aussi
K.P. BERGER, The Creeping Codification of the Lex Mercatoria, La Haye, Kluwer, 1999.
(12) A. RIGOZZI, L’arbitrage international en matière de sport, Bâle, Helbing & Lichtenhahn,
2005, § 140 et seq.

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6 INTRODUCTION GÉNÉRALE

gulation du commerce électronique (13). Notre thèse est que cet acteur
peut développer, dans certaines situations bien précises, un pouvoir régula-
teur significatif, caractérisé par une indépendance marquée vis-à-vis des
droits étatiques. Ce pouvoir régulateur peut englober le droit applicable au
contrat, le règlement du différend et l’exécution du résultat de ce règle-
ment. L’entrée en scène de la résolution en ligne des litiges comme acteur
de régulation est due en premier lieu au fait que les méthodes de règlement
en ligne des litiges constituent dans certaines situations le seul recours éco-
nomiquement accessible et donc le seul lieu de justice réellement ouvert aux
parties. Un exemple édifiant de ce phénomène de régulation nous est par
ailleurs donné par la procédure UDRP (Uniform Domain Name Dispute
Resolution Policy), relative à la résolution en ligne des différends afférents
aux noms de domaine. Les études les plus systématiques montrent que
cette procédure crée un corpus de décisions formant un ordonnancement
juridique faisant émerger un droit différent des droits étatiques en la ma-
tière (14). En ce qui concerne la présente étude, le champ d’analyse de
l’influence des ODR sera de manière générale limitée au commerce élec-
tronique, étant donné que ces méthodes de règlement des différends ne
jouent guère de rôle en dehors des activités commerciales qui se déroulent
dans le cyberespace. Plus précisément, la toile de fond sera donnée par les
petits litiges, surtout transfrontaliers. Nous nous rapprocherons ainsi du
domaine d’intervention du droit de la consommation, mais notre perspec-
tive inclura également d’autres litiges à faible valeur litigieuse, découlant
par hypothèse de transactions conclues par des PME. Au-delà de cette
réflexion sur les sources du droit, la question se pose de toute évidence, si
cette indépendance par rapport aux droits étatiques devait s’avérer réelle, de
savoir quelles pourraient être les garanties éthiques existantes ou désirables
pour encadrer une telle production du droit.

(13) On retiendra ici la concept d’« acteur de régulation » au sens où il est par exemple utilisé
par Philippe Amblard : « être un acteur de la régulation de l’Internet, c’est prétendre pouvoir
influer sur son cadre normatif » : Ph. AMBLARD, Régulation de l’Internet. L’élaboration des règles de
conduite par le dialogue internormatif, Bruxelles, Bruylant, 2004, p. 69.
(14) A. CRUQUENAIRE, Le règlement extrajudiciaire des litiges relatifs aux noms de domaine. Ana-
lyse de la procédure UDRP, Bruxelles, Bruylant, 2002, p. 193 et seq. et M. MUELLER, Ruling the
Root : Internet Governance and the Taming of Cyberspace, Cambridge (Mass.), MIT Press, 2002,
p. 212 et seq., sous titre « ICANN as Global Regulatory Regime ».

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INTRODUCTION GÉNÉRALE 7

En termes méthodologiques, le but de cette étude est de contribuer à la


réflexion générale concernant la régulation des activités véhiculées par les
réseaux, en nous concentrant plus spécifiquement sur le commerce électro-
nique, domaine privilégié d’intervention de la résolution des litiges en li-
gne. De manière plus abstraite, nous suivons ici une démarche visant au
« dévoilement du droit », c’est-à-dire, comme le définit la nouvelle préface
de la revue Droit et Société visant à dépasser le positivisme juridique retenu
dans la première préface par Léon Duguit et Hans Kelsen, que nous enten-
dons procéder à la « mise en évidence de ses conditions d’émergence et de
ses effets par des procédures qui ne se fondent que sur des prémisses
hypothétiques et non pas des hypostases » (15).
En ce qui concerne la perspective de cette étude, observons ici que l’objet
même de cette dernière implique la nécessité de dépasser les conditions de
juridicité posées par le droit étatique. Il est nécessaire de se défaire de
l’épistémologie autorisée par le positivisme juridique, faute de quoi une
réelle capacité indépendante de production de droit par des acteurs non
étatiques, comme les ODR, constituerait tout simplement une impossibi-
lité logique. La stricte technique juridique visant l’interprétation du droit
positif est ainsi insuffisante pour notre cause. Seule, elle conduit à des
conclusions dont la congruence, la fertilité et la rhétorique sont insatisfai-
santes. En conséquence, l’approche méthodologique de cette étude em-
pruntera un certain nombre d’enseignements à la théorie générale du droit.
Quand nous serons amenés à analyser le droit positif, nous adopterons une
approche de droit comparé, couvrant de manière générale les droits euro-
péens les plus illustratifs et les principes les plus importants du droit améri-
cain. Toutefois, nous ne rapporterons ici de nos analyses du droit positif
applicable aux ODR, conduites ailleurs (16), que les éléments nécessaires à
asseoir nos développements au niveau macro-juridique.

(15) A.-J. ARNAUD, J.-G. BELLEY, J. COMMAILLE, F. OST, J.-F. PERRIN, R. TREVES, M.
VAN DE KERCHOVE, Nouvelle préface au premier numéro de Droit et Société. Revue internationale
de théorie du droit et de sociologie juridique, 1985, vol. 1, p. 11 et seq., spéc. p. 12, faisant suite à la
Revue internationale de la théorie du droit, préfacée en 1926 par L. DUGUIT et H. KELSEN (vol. 1,
p. 3).
(16) Voir surtout G. KAUFMANN-KOHLER et Th. SCHULTZ, Online Dispute Resolution :
Challenges for Contemporary Justice, op. cit. n. 3.

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8 INTRODUCTION GÉNÉRALE

En conformité avec la perspective ainsi énoncée, notre conception du


droit se tournera résolument vers le pluralisme juridique, c’est-à-dire vers
l’idée qu’il existe du droit autre qu’étatique. Partant, nous entendrons par
pouvoir régulateur l’influence normative au sein d’un ensemble d’acteurs
dont les diverses contributions à la normativité s’articulent en réseau. Dans
ce modèle de régulation, les meilleurs théoriciens du droit reconnaissent
d’ailleurs généralement que « le juge, régulateur privilégié du réseau, sera le
plus souvent l’auteur du jugement de validation ou d’invalidation » (17),
c’est-à-dire que les institutions de résolution des litiges constituent, de
manière générale dans les structures contemporaines de production du
droit, un acteur normatif central. Avec cette conception du droit, tout lieu
de justice est un lieu de production du droit. Des normes y sont créées par
l’exercice du pouvoir d’appréciation, nécessairement laissé au tiers dans une
procédure de résolution des litiges par l’inévitable relative indétermination
des normes. Une normativité plus diffuse, mais bien réelle, est également
créée par la répétition de médiations ou de négociations, pour autant que
les résultats de celles-ci soient connus de la communauté de référence.
L’interdisciplinarité, finalement, influencera à plusieurs reprises notre
étude. Nous emprunterons ainsi quelquefois des réflexions appartenant aux
sciences économiques, tout particulièrement en relation avec la question
des modalités de la confiance des internautes dans le commerce électroni-
que. Nous nous tournerons également vers l’informatique, par exemple en
ce qui concerne le fonctionnement général d’Internet et du système de
nommage.
La structure de notre étude s’articulera en trois parties. En premier lieu,
nous nous engagerons dans la théorie générale de la régulation du cyberes-
pace. Il s’agira d’y examiner les particularités que cet environnement, dans
lequel le commerce électronique et la résolution des litiges en ligne se dé-
veloppent, présente à l’égard de la normativité juridique. Ayant pour
théâtre le cyberespace, le commerce électronique demande un autre modèle
de régulation que celui qui nous a été transmis par les penseurs de la mo-
dernité. Toute analyse des conditions de régulation d’une activité véhiculée
par les réseaux se doit de tenir compte, et donc de comprendre, les spécifi-

(17) F. OST et M. VAN DE KERCHOVE, De la pyramide au réseau ? Pour une théorie dialectique
du droit, Bruxelles, Publ. FUSL, 2002, p. 315.

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INTRODUCTION GÉNÉRALE 9

cités des relations que droit et nouvelles technologies de l’information en-


tretiennent au sein du cyberespace. Ce dernier constitue une émanation
d’Internet et est donc tributaire des modalités d’action que celui-ci permet.
L’analyse des différentes formes de régulation du cyberespace, que nous
tenterons de regrouper sous un méta-modèle unique – le modèle du réseau
de la régulation juridique – nous révélera la structure des pouvoirs norma-
tifs dans lesquels les ODR, nouvel acteur de la régulation, viendront
s’insérer.
Dans la deuxième partie, nous présenterons ce nouvel acteur. Nous y
étudierons ainsi le développement de ces nouvelles méthodes de règlement
des litiges en réponse à l’inadaptation des tribunaux étatiques et des modes
extrajudiciaires existants de résolution des litiges, jugés trop lents, trop
chers et trop peu accessibles. Il conviendra d’y examiner la pérennité du
mouvement ODR, soit les raisons qui font des institutions de résolution
des litiges en ligne un acteur à l’expansion apparemment inévitable. Nous
verrons que, d’un côté, ils répondent aux besoins des opérateurs économi-
ques parce qu’ils peuvent contribuer à la confiance dans le commerce élec-
tronique. De l’autre côté, ils correspondent aux exigences des clients du
commerce électronique, de la société en général et de la justice en ce qu’ils
constituent une forme d’accès à la justice pour un grand nombre de litiges.
Ce sera finalement l’occasion d’évoquer l’idée selon laquelle les méthodes
de règlement en ligne pourraient se processualiser en évoluant, donc deve-
nir plus prévisibles et constituer des lieux plus adaptés à la production du
droit.
Dans la troisième partie, nous ferons entrer l’acteur présenté dans la
deuxième partie sur la scène évoquée dans la première. En d’autres termes,
nous y analyserons comment les ODR peuvent participer à la régulation du
commerce électronique. Le principal concept sur lequel nous baserons no-
tre analyse est la validité juridique dans son acception d’efficacité juridique,
c’est-à-dire la capacité d’une norme ou d’un ensemble de normes à sortir les
effets juridiques que ses auteurs ont voulu lui donner. En d’autres termes,
l’intensité de l’élaboration normative des instances de résolution en ligne
des litiges s’examinera à la mesure de la validité juridique des normes ou
ensembles de normes créés, puisque seule importe vraiment une production

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10 INTRODUCTION GÉNÉRALE

normative produisant des effets. La validité juridique, dans l’acception que


nous lui retenons, se compose de trois dimensions (18). La première est
surtout fonction de la capacité à contraindre. La deuxième se réfère à
l’appartenance de la norme ou du groupe de normes à un système juridique
donné. La troisième dépend du caractère éthique de la norme ou des nor-
mes étudiées. Dans cette troisième partie, structurée selon ces trois dimen-
sions, nous examinerons ainsi d’abord dans quelle mesure les ODR peuvent
bénéficier d’une forme d’exécution forcée non étatique des décisions et
accords qu’ils produisent. Nous étudierons ensuite dans quelle mesure et de
quelle manière les normes qu’ils élaborent sont reçues par les systèmes juri-
diques étatiques et si ces normes forment elles-mêmes des systèmes juridi-
ques non étatiques. Nous analyserons enfin les garanties du caractère
éthique de cette production normative.
Comme le montre ce plan, la présente étude ne constitue pas un manuel
de résolution des litiges en ligne. Le lecteur n’y trouvera pas une analyse
systématique et complète du droit applicable à l’arbitrage en ligne ou à la
médiation en ligne. Un tel examen a fait l’objet d’un ouvrage que nous
avons écrit avec Gabrielle Kaufmann-Kohler, intitulé Online Dispute
Resolution : Challenges for Contemporary Justice (19). La présente étude se
conçoit comme le prolongement théorique de cet ouvrage et se concentre
sur la régulation par les ODR au lieu de la régulation des ODR.

(18) La conception de la validité juridique retenue ici est celle défendue dans F. OST,
« Validité » in Dictionnaire encyclopédique de sociologie et de théorie du droit, s. dir. A.-J. Arnaud, 2ème
éd., Paris, LGDJ, 1993, p. 431 et seq.
(19) G. KAUFMANN-KOHLER et Th. SCHULTZ, Online Dispute Resolution : Challenges for
Contemporary Justice, op. cit. n. 3.

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PREMIÈRE PARTIE
Première partie. — Théorie générale de la régulation du cyberespace

Théorie générale de la régulation


du cyberespace

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INTRODUCTION

Afin d’appréhender le rôle régulateur que la résolution des litiges en ligne


peut avoir pour le commerce électronique, il est tout d’abord nécessaire de
comprendre les modalités d’exercice de la normativité juridique dans
l’environnement qui lui est spécifique, à savoir le cyberespace. La produc-
tion du droit connaît de manière générale d’importantes mutations dans
nos sociétés postmodernes, présentant un nombre croissant d’exemples de
falsifications des théories statocentristes de régulation que nous a léguées la
modernité. Ces aspects de la normativité se retrouvent de manière encore
plus marquée dans le cyberespace, c’est-à-dire en relation avec les activités
véhiculées par les réseaux technologiques de communication. En simpli-
fiant brutalement l’argumentaire, on concevra ainsi qu’il ne suffit souvent
pas de prévoir de nouvelles solutions législatives aux nouveaux problèmes
de régulation suscités par l’environnement numérique. Cela constituerait
essentiellement un traitement des symptômes et non des causes de ces dif-
ficultés. Il convient de reconnaître l’existence de transformations relative-
ment profondes des conditions de l’intervention normative. Il apparaît en
conséquence préférable de repenser les modes de production du droit. C’est
à l’examen de ces transformations et de leurs répercussions sur les diverses
modalités de régulation envisageables que nous nous attacherons dans cette
première partie.
Une précision terminologique s’impose à ce stade. Le terme régulation,
dans cette étude, est entendu en son sens le plus large d’« existence ou de
formulation de règles » (20). Il ne s’agit donc pas d’un mode ou d’une
technique d’intervention normative juridique, telle qu’elle est parfois défi-
nie (21). Le terme réglementation, par contre, désigne ici un tel mode

(20) A. JEAMMAUD, « Introduction à la sémantique de la régulation juridique. Des concepts en


jeu » in Les transformations de la régulation juridique, s. dir. J. Clam et G. Martin, Paris, LGDJ,
1998, p. 47 et seq., spéc. p. 52 et seq.
(21) Une autre acception du terme régulation est par exemple celle d’« une œuvre, consistant à
introduire des régularités dans un objet social, à assurer sa stabilité, sa pérennité, sans en fixer tous
les éléments ni l’intégral déroulement, donc sans exclure des changements […] L’intérêt de cette

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14 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

d’intervention normative, il s’agit donc d’un modèle de régulation. Il dési-


gne le « commandement unilatéral, autoritaire, centralisé » (22) propre à la
« conception essentiellement hiérarchique, linéaire et arborescente de la
structure d’un système juridique » : il s’agit ici de l’imposition du droit par
l’État selon sa forme traditionnelle et pyramidale (23). En conséquence,
nous ne parlerons par exemple pas ici d’autoréglementation, ce qui n’aurait
guère de sens au regard de la terminologie retenue, mais d’autorégulation.
Dans le premier chapitre, nous observerons la scène sur laquelle jouent
les acteurs de la régulation du commerce électronique. Nous délimiterons
tout d’abord la notion de cyberespace en définissant ses caractéristiques
techniques. Puis nous poursuivrons cette définition sur un plan sociojuridi-
que, en évoquant d’un côté l’espace social que l’environnement technique a
créé et en examinant de l’autre la pertinence juridique de penser en termes
de régulation du cyberespace. Nous définirons enfin les caractéristiques que
nous pensons inhérentes au cyberespace malgré la nature fondamentale-
ment technologique et donc artificielle, ou construite, de celui-ci.
Le deuxième chapitre constituera l’occasion d’évoquer les diverses per-
turbations que le cyberespace présente à l’égard des modes traditionnels
d’élaboration normative. Nous verrons ainsi qu’il permet l’émergence de
nouveaux acteurs de la régulation, qu’il modifie les équilibres inscrits dans
le droit, qu’il accélère le temps dans ses dimensions sociale, commerciale et

compréhension du concept est d’abord d’évoquer un certain jeu, au sens où un mécanisme peut
avoir du jeu » : ibid., p. 53. Voir aussi G. CANGUILHEM, « Régulation » in Encyclopaedia
universalis, vol. 14, p. 1 et seq., F. OST et M. VAN DE KERCHOVE, De la pyramide au réseau ? Pour
une théorie dialectique du droit, Bruxelles, Publ. FUSL, 2002, p. 26, qui expliquent que le concept
renvoie, dans cette acception de type ou modèle d’intervention normative à l’idée d’un
« ordonnancement assoupli, décentralisé, adaptatif et souvent négocié » et G. TIMSIT, « Les deux
corps du Droit – Essai sur la notion de régulation » in RFAP, 1996, no 78, p. 375 et seq., spéc.
p. 377 : « lorsque l’État moderne est apparu, il a […] trouvé sa traduction dans un droit qui
conservait des origines historiques de son Auteur : l’État, le caractère mystique et abstrait dont
celui-ci était paré. C’est ce droit qui a été le premier corps du droit : un droit abstrait général et
désincarné que j’appelle le droit-réglementation […] Abstrait et désincarné, il ne correspond plus
aux exigences de la gestion des sociétés post-modernes. Trop complexes pour être gérées aussi
généralement, abstraitement et pour ainsi dire d’aussi loin, elles requièrent un autre droit – actuel-
lement en formation – qui se caractérise, au contraire, par son adaptation au concret, son rappro-
chement des individus, son adéquation au contexte exact des sociétés qu’il prétend régir. Concret,
individualisé, contextualisé, c’est un droit que j’appelle de régulation. »
(22) F. OST et M. VAN DE KERCHOVE, De la pyramide au réseau ?, op. cit. n. 21, p. 26.
(23) Ibid., p. 43 et seq. Voir aussi A. JEAMMAUD, « Introduction à la sémantique de la régula-
tion juridique », op. cit. n. 20, p. 56, qui renvoie à l’idée d’un « pouvoir unilatéral et normatif ».

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THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION 15

donc juridique et qu’il enlève au territoire, l’un des fondements du droit,


beaucoup de sa relevance.
Au troisième chapitre seront ensuite étudiés les trois principaux modèles
de régulation habituellement proposés par la doctrine juridique pour le
cyberespace en remplacement du modèle traditionnel et étatiste de la ré-
glementation, non sans avoir au préalable écarté l’hypothèse, défendue un
temps par certains auteurs, d’une simple absence de régulation. Nous y
aborderons ainsi les modèles de l’autorégulation, de la régulation par la
technique et de la co-régulation. On exprimera toutefois déjà, à ce stade
introductif, une mise en garde : ces modèles schématisent les réalités nor-
matives et en forcent les traits. Le modèle de la réglementation, par exem-
ple, repose sur l’idée d’une production législative top-down, en pyramide,
l’État exerçant souverainement son pouvoir normatif ; il commande, il
décide. On sait toutefois pertinemment que les choses ne sont pas aussi
simples en réalité, que le mode opératoire empirique de l’élaboration du
droit étatique suit des chemins beaucoup plus complexes que le modèle de
la réglementation ne le prévoit. Il en va de même pour le modèle de
l’autorégulation, avec lequel on entre dans l’hypothèse d’une entité sociale
se donnant ses propres règles. Au sens strict, l’autorégulation se réfère à
une situation où l’ensemble des normes est donné par l’entité sociale elle-
même, ce qui n’est probablement jamais le cas en réalité, où il existe tou-
jours d’autres producteurs de normes qui interviennent, à divers degrés. Il
n’existe sans doute guère d’occurrences d’une totale autonomie normative,
d’une totale autoréflexivité ou encore d’une réelle autopoïèse d’une entité
sociale. Celle-ci n’est simplement jamais hermétiquement fermée aux in-
fluences normatives de l’extérieur. Ici aussi, le modèle de l’autorégulation
schématise et simplifie. La régulation par la technique, dont l’idée force est
que toute la normativité dans le cyberespace dépend de ceux qui contrôlent
les technologies rendant possibles ou impossibles les activités véhiculées par
les réseaux, est également une radicalisation, car il existe toujours un autre
régulateur intervenant dans la normativité, notamment en agissant sur les
modalités de mise en œuvre d’une technologie donnée.
Le quatrième chapitre nous permettra finalement de dépasser ces trois
modèles émergents en les englobant dans un méta-modèle de régulation :
le réseau. Sa caractéristique principale est l’enchevêtrement des hiérarchies
entre les acteurs de la production du droit, constituant ainsi un modèle
dynamique de régulation pouvant rendre compte de l’évolution des rap-
ports de force entre ces différents acteurs et donc de leur influence respec-

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16 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

tive dans la production du droit. En cela, il dépasse les modèles statiques de


la réglementation, où l’État est l’acteur dominant, de l’autorégulation, où
l’utilisateur d’Internet joue le premier rôle, de la régulation par la technique,
dont le producteur de technologie est l’élément central et la co-régulation,
où État et les secteurs privés co-dominent le paysage juridique.
L’objet de cette première partie est ainsi d’étudier les flux de pouvoir et
donc les flux normatifs dans le cyberespace, qui constitue l’environnement
du commerce électronique. Le but de cette étude est de structurer la réalité
normative afin de faciliter son appréhension et d’y insérer, ultérieurement,
le phénomène du règlement des différends en ligne.

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CHAPITRE I
Chapitre I. — Le cyberespace, un environnement technique de normativité

LE CYBERESPACE, UN ENVIRONNEMENT
TECHNIQUE DE NORMATIVITÉ

Entendu par le Parlement belge sur la problématique de la régulation du


cyberespace, Yves Poullet s’exprimait en ces termes : « contrairement à
l’idée souvent répandue, il est erroné de croire que la technologie est neutre
et que, partant, les solutions anciennes, inchangées par la technologie nou-
velle, restent toujours d’application. En effet, la technologie nouvelle ne
représente pas qu’un simple domaine d’application nouveau. Au contraire,
elle modifie le contexte dans lequel le droit a à s’appliquer et, partant, ap-
pelle des solutions nouvelles » (24). En d’autres termes, la régulation opti-
male de ces activités implique la compréhension d’un certain nombre de
données empiriques, souvent imposées par la technologie. On ne peut in-
tervenir normativement, c’est-à-dire réguler, dans un environnement nu-
mérique de la même manière que dans un environnement matériel. Il est
nécessaire de tenir compte de certaines conditions particulières pour éla-
borer un modèle réaliste de régulation. Nous nous proposons en consé-
quence d’aborder dans ce chapitre les conditions posées par le cyberespace à
sa propre régulation.
Le terme même de cyberespace sera notre premier objet d’étude. Nous
exposerons tout d’abord ses principaux aspects techniques. Puis nous éva-
luerons la pertinence de l’utilisation de ce concept pour le droit. Enfin nous
relèverons les deux principales caractéristiques découlant de ses aspects
techniques et présentant une incidence sur la régulabilité des activités qui
s’y déploient.

(24) Y. POULLET, Compte rendu de l’audition devant le groupe de travail Société de


l’information du Parlement belge, 11 octobre 2000, <www.droit.fundp.ac.be/Textes/CCE.pdf>.

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18 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

SECTION I. — La notion de cyberespace


Avant d’aborder la problématique de la régulation du cyberespace et des
activités qui s’y déroulent (comme le commerce électronique), il convient
de s’arrêter un instant sur la notion de cyberespace. En premier lieu, celui-
ci fait penser à Internet. Il ne s’y confond toutefois pas. En conséquence,
nous nous proposons de commencer par rappeler les aspects principaux
d’Internet à la lumière d’un bref historique, puis de le distinguer du cybe-
respace, afin d’aboutir à une définition de ce dernier.

SOUS-SECTION I. — INTERNET : UN BREF


HISTORIQUE

L’histoire d’Internet a une double origine, universitaire d’un côté, militaire


de l’autre. Le développement universitaire commença en 1969 avec un petit
réseau de communication mis en place par des étudiants postgrades. Ce
réseau, dénommé Arpanet (25), ne reliait que quatre universités mais pré-
sentait déjà en grande partie les concepts architecturaux sur lesquels In-
ternet est fondé à l’heure actuelle (26). En parallèle, le Département de la
défense des États-Unis, cherchant depuis 1949 à repenser la défense natio-
nale à la suite de l’aboutissement des recherches soviétiques sur la produc-
tion d’armes nucléaires, mettait sur pied un autre réseau de com-
munication, du même type. Celui-ci devait permettre au président des
États-Unis de donner, en tout temps, l’ordre d’une attaque nucléaire,
quand bien même le réseau fût gravement endommagé par des frappes
nucléaires. Dans les années 1970, d’autres réseaux suivirent (27). Afin

(25) Ce développement se fit dans le cadre d’une expérience de communication financée par le
gouvernement des États-Unis (Advanced Research Projects Agency – Arpa), qui deviendra en 1971 le
Defense Advanced Research Projects Agency (Darpa), pour redevenir Arpa en 1993, puis à nouveau
Darpa en 1996). L’élément defense montre les interactions croissantes entre les secteurs privés et
militaires.
(26) Soit une série décentralisée de liens redondants entre des ordinateurs et des réseaux
d’ordinateurs, dont le but est de permettre la continuation de recherches et de communications
essentielles même en cas de destruction de parties du réseau, par exemple en situation de guerre :
voir Harvard Law Review, « Developments in the Law – The Law of Cyberspace », Partie I,
« Introduction » in Harv. L. Rev., 1999, vol. 112, p. 1574 et seq., spéc. p. 1578.
(27) Notamment Bitnet, reliant de grandes unités centrales académiques, Usenet, un réseau
spécifique aux systèmes d’exploitation Unix, Mfenet et Hepnet, reliant les chercheurs du Départe-
ment de l’énergie des États-Unis, Span, mettant en communication les chercheurs de la Nasa, et
CSnet pour une communauté académique et industrielle d’informaticiens.

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LE CYBERESPACE 19

d’augmenter les capacités de communication de ces réseaux et d’étendre la


redondance des liens entre les ordinateurs, le réseau militaire et Arpanet
furent reliés, en 1982, grâce à l’introduction du Transmission Control
Protocol / Internet Protocol (TCP/IP) (28). L’adoption de ce protocole
s’étendit peu à peu aux autres réseaux, les ouvrant tous les uns aux autres.
Internet (l’inter-réseau, le réseau des réseaux), constitue le point culminant
des efforts de liaison de ces différents réseaux (29).
Internet a été conçu simplement comme une infrastructure générale sur
laquelle viennent se greffer diverses applications. Il s’agit là d’un concept clé
d’Internet. Le World Wide Web, appelé communément le web, constitue
l’une de ces applications. Inventé par Tim Berners-Lee alors qu’il travaillait
au CERN à Genève, le web offre des possibilités de représentation graphi-
que et de navigation, grâce au protocole de communication supplémentaire
html et aux liens hypertextes. Les informations stockées sur les divers ordi-
nateurs qui forment les éléments de base d’Internet sont en conséquence
devenues plus accessibles au public et, en 1991, Internet s’ouvrit à l’usage
commercial (30).

(28) Le TCP/PI remplaça les autres protocoles le 1er janvier 1983 (et entraîna la distribution de
pins « j’ai survécu à la transition TCP/IP »). Ce protocole avait été créé spécifiquement pour
répondre aux besoins d’un réseau à architecture ouverte. Les développeurs du TCP/IP, Robert
Kahn et Vinton Cerf, s’étaient appuyés sur les quatre concepts fondamentaux suivants, découlant
selon eux des besoins de l’architecture ouverte : chaque réseau doit être indépendant et ne doit pas
avoir à s’adapter pour pouvoir communiquer avec les autres réseaux ; l’intégralité de la transmission
des données doit être assurée par une communication dialectique garantissant le renvoi des paquets
de données non arrivés ; des boîtes noires (appelées des routeurs) doivent être utilisées pour
connecter les réseaux entre eux sans que ces boîtes noires conservent des informations et, plus
importants pour notre propos, il ne doit pas y avoir de contrôle global au niveau opérationnel :
B.M. LEINER, V.G. CERF, D.D. CLARK, R.E. KAHN, et al., A Brief History of the Internet, Inter-
net Society, 2003, <www.isoc.org/internet/history/brief.shtml>.
(29) Pour une description plus approfondie d’Internet, voir par exemple A. DUFOUR et S.
GHERNAOUTI-HÉLIE, Internet, 9ème éd., Paris, PUF, 2002, A. DUFOUR, Le cybermarketing, Paris,
PUF, 1997, Harvard Law Review, « Developments in the Law – The Law of Cyberspace », Partie
I, « Introduction », op. cit. n. 26, p. 1577, M. GEIST, « The Reality of Bytes : Regulating Eco-
nomic Activity in the Age of the Internet » in Wash. L. Rev., 1998, vol. 73, p. 521 et seq., spéc.
pp. 525–531 et K.W. GREWLICH, Governance in ‘Cyberspace’. Access and Public Interest in Global
Communications, La Haye, Kluwer, 1999, p. 28 et seq.
(30) Avant 1991, l’usage commercial d’Internet était interdit par l’administration américaine :
voir L.J. GIBBONS, « No Regulation, Government Regulation, or Self-Regulation : Social En-
forcement or Social Contracting for Governance in Cyberspace » in Cornell J.L. & Pub. Pol’y,
1997, vol. 6, p. 475 et seq., spéc. p. 501. Voir aussi E.G. THORNBURG, « Going private : Tech-

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20 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

SOUS-SECTION II. — INTERNET OU


CYBERESPACE ?

Pour de nombreux auteurs, le cyberespace est un moyen, ou plutôt un sys-


tème, de communication et non un espace (31). Or contrôler, c’est-à-dire
réguler, un système de communication semble de toute évidence être très
différent du contrôle ou de la régulation d’un espace ; les deux situations ne
semblent pas présenter les mêmes enjeux ni connaître les même modalités.
En théorie des communications, on distingue depuis Yochai Benkler
trois niveaux ou strates (layers) formant tout système de communica-
tion (32). En premier lieu, on compte le niveau matériel ou physique : les
lignes de téléphone, les appareils téléphoniques, les ordinateurs, les centra-
les de routage, c’est-à-dire les éléments matériels qui permettent aux in-
formations de voyager, d’être transmises. En deuxième vient la strate
logicielle : le code (applications, protocoles), enregistré autrefois dans les
transistors et aujourd’hui dans les puces électroniques et les disques durs,
qui fait fonctionner le niveau matériel et qui détermine comment les in-
formations sont transmises. Le troisième niveau est celui du contenu, des
informations effectivement transmises : les messages envoyés par courrier
électronique, les réunions organisées par vidéoconférence, les sites web
visités (33).

nology, Due Process, and Internet Dispute Resolution » in U.C. Davis L. Rev., 2000, vol. 34,
p. 151 et seq., spéc. p. 156.
(31) Voir par exemple G. KAUFMANN-KOHLER, « Internet : mondialisation de la communica-
tion – mondialisation de la résolution des litiges » in Internet : Quel tribunal décide ? Quel droit
s’applique ?, s. dir. K. Boele-Woelki et C. Kessedjian, La Haye, Kluwer, 1998, p. 89 et seq., spéc.
p. 91 : « il ne s’agit pas d’un espace, d’un lieu ou de lieux, mais d’un moyen de communication. Par
opposition aux moyens de communication classiques, tels le téléphone ou la télécopie, qui relient
en principe deux interlocuteurs, les réseaux connectent un très grand nombre d’utilisateurs. Il n’en
reste pas moins un moyen de communication, non un espace. »
(32) Y. BENKLER, « From Consumers to Users : Shifting the Deeper Structures of Regula-
tion » in Fed. Comm. L.J., 2001, vol. 51, p. 561 et seq., spéc. pp. 562–563.
(33) Si les sites web correspondent à ce troisième niveau, le web lui-même si situe autant au se-
cond niveau (en raison des hyperliens organisant la transmission d’informations) qu’au troisième
(en raison du contenu des pages web). Voir W3C Consortium, « About the World Wide Web »,
2001, <www.w3.org/WWW> : « the [web] is the universe of network-accessible information »,
W3C Consortium, « Architecture of the World Wide Web », 2003, <www.w3.org/TR/2003/-
WD-webarch-20031209> : « the [web] is a network-spanning information space of resources
interconnected by links », E. IZAWA, « The Word Wide Web for the Clueless », Massachusetts
Institute for Technology, 2002, <www.mit.edu/people/rei/wwwintro.html> : the web « is basically

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LE CYBERESPACE 21

Ce troisième niveau nous permet d’entrevoir la distinction entre ce qu’il


convient d’appeler Internet et ce qu’il convient d’appeler le cyberespace :
Internet, réseau de réseaux, forme les deux premiers niveaux (34) et le
cyberespace forme le troisième niveau (35). Le mot espace renvoie ici à
l’idée d’un espace ou d’une sphère sociale (un peu comme la sphère fami-
liale est celle dans laquelle les relations familiales s’expriment), qui se dé-
veloppe aussitôt qu’il y a intercommunication et échange d’informa-
tions (36).
Réguler le cyberespace correspond en conséquence à réguler les infor-
mations échangées en utilisant Internet, c’est-à-dire le contenu des com-
munications véhiculées par la partie matérielle, en fonction des instructions

a lot of different files (all over the world) that are linked to each other, so that you can look at a file
that has a link to another file and then follow that link to read the next file. »
(34) Voir par exemple Ch. REED, Internet Law, 2ème éd., Cambridge, Cambridge Univ. Press,
2004, p. 4 : « the Internet is nothing more than a method of transporting digital information. »
Plus précisément, selon la définition usuelle, Internet est composé d’« une partie matérielle (ordi-
nateurs, terminaux, cartes d’interface réseau, câbles etc.), une partie logicielle (applications, pro-
grammes de gestion du réseau, systèmes de sécurité etc.) et une composante humaine, constituée
d’une part des techniciens et des gestionnaires chargés de la mise en oeuvre du réseau, d’autre part
des clients du réseau, c’est-à-dire des utilisateurs bénéficiaires des services offerts par le réseau. […]
En anglais, hardware–software–manware » : A. DUFOUR, Internet, 5ème éd., Paris, PUF, 1997, p. 4.
Voir aussi, plus simplement, M. GRENIÉ, Dictionnaire de la micro-informatique, Paris, Larousse,
1997, qui, sous le vo « Internet », propose « réseau d’interconnexion mondiale des réseaux informa-
tiques ».
(35) Fondamentalement dans le même sens, L. LESSIG, The Future of Ideas : The Fate of the
Commons in a Connected World, New York, Vintage Books, 2002, p. 19 : « global networks, par-
ticularly the Internet, are technical architectures composed of many devices such as layers, proto-
cols, etc » et p. 26 : « Internet is a network of networks […] This vast networks […] has built one
of the most important innovation commons that we have ever known. Built on a platform that is
controlled [the first layer], the protocols of the Internet [the second layer] have erected a free space
of innovation » (nous soulignons). Voir aussi J. BARKER, « What is the Internet, the World Wide
Web, and Netscape ? », Teaching Library Internet Workshops, UC Berkeley Library, 2004,
<www.lib.berkeley.edu/TeachingLib/Guides/Internet/WhatIs.html> : « the Internet is a network
of networks, linking computers to computers sharing the TCP/IP protocols. »
(36) Comme l’écrit Manuel Castells, le cyberespace, en tant que plateforme globale de com-
munication, ne peut être réduit à sa dimension instrumentale, M. CASTELLS, La galaxie Internet,
trad. Ph. Chemla, Paris, Fayard, 2001, p. 13. Voir aussi M. WERTHEIM, The Pearly Gates of
Cyberspace. A History of Space from Dante to the Internet, Londres, Virago, 1999, p. 299 : le cyber-
espace est un espace social, un « réseau de relations », P. TRUDEL, « Quel droit pour le cyberes-
pace ? » in Légipresse, 1996, no 129, II, p. 9 et seq. : le cyberespace est un « lieu social » et B.D.
LOADER, « The Governance of Cyberspace : Politics, Technology and Global Restructuring » in
Governance of Cyberspace : Politics, Technology & Global Restructuring, s. dir. B.D. Loader, Londres,
Routledge, 1997, p. 1 et seq., spéc. p. 1 : « a computer-generated public domain which has no
territorial boundaries or physical attributes and is in perpetual use. »

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22 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

de la partie logicielle. Réguler ce contenu revient à réguler les activités y


relatives, puisque toute activité véhiculée par les réseaux consiste fonda-
mentalement en échanges d’informations. La régulation du cyberespace
repose quelquefois sur celle d’Internet : on modifie les instructions données
au code informatique pour que les informations soient transmises diffé-
remment ou pour qu’elles ne soient pas transmises (37). Il n’en demeure
pas moins qu’elles constituent deux processus distincts.
Au-delà de cette définition de base, il reste toutefois à examiner com-
ment il convient de traduire le concept de cyberespace en termes juridiques.

SECTION II. — La pertinence juridique du


concept de cyberespace

Un débat passionné a animé ces dernières années une scène sociale, juridi-
que et politique, sur laquelle des acteurs de renom ont endossé des rôles
souvent radicaux de partisans ou de détracteurs du caractère réellement
révolutionnaire d’Internet au plan sociojuridique. Au centre des débats se
situe le terme cyberespace. Ce néologisme, attribué à un romancier du genre
cyberpunk, William Gibson (38), a ainsi été reçu de manières très variées
par la doctrine juridique, allant d’un rejet complet, le reléguant au statut de
fantasme libertaire ne décrivant rien de réel, à une prise en considération de
ce concept en tant que véritable espace international.
Le statut qu’on lui donne conditionne toute proposition ultérieure de ré-
gulation des activités y relatives ; un fantasme libertaire désengagé de la
réalité ne mérite pas la même considération juridique qu’un réel espace
international. De la même manière, la notion de cyberespace entretient une

(37) Pour être plus précis, il faudrait ajouter que le code informatique n’est pas le même pour
tous les domaines, toutes les zones du cyberespace. La transmission d’informations connaît des
contraintes différentes selon ces zones. En conséquence, certains auteurs considèrent que l’on ne
peut pas parler de cyberespace au singulier, qu’il en existe une pluralité. Du point de vue de la
théorie générale de la régulation du cyberespace qui nous concerne ici, nous pouvons toutefois
laisser cette précision de côté puisque notre étude se veut globale et indépendante des spécificités
du code informatique à un moment donné et dans un (cyber)lieu donné. Sur cette question, voir
notamment S. BIEGEL, Beyond our control ? Confronting The Limits of Our Legal System in the Age of
Cyberspace, Londres, MIT Press, 2001, p. 37 et seq. et L. LESSIG, « The Zones of Cyberspace » in
Stan. L. Rev., 1996, vol. 48, p. 1403 et seq.
(38) W. GIBSON, Neuromancer, New York, Ace Books, 1984.

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LE CYBERESPACE 23

relation d’influences réciproques avec certaines considérations idéologiques


relatives à sa régulation. Il est possible à notre sens de synthétiser ces di-
verses réactions de la communauté juridique à cette notion en les regrou-
pant autour de trois positions, trois manières de l’appréhender qui cor-
respondent à autant de courants de pensée : comme espace géographi-
quement distinct, comme métaphore sans pertinence juridique et comme
environnement de normativité (39).

SOUS-SECTION I. — LE CYBERESPACE COMME


ESPACE GÉOGRAPHIQUEMENT DISTINCT

Le cyberespace se conçoit quelques fois comme un réel espace – au sens


géographique du terme – international, autonome et séparé du territoire
des États, similaire à l’espace extra-atmosphérique, la haute mer ou encore
l’Antarctique (40). Cette position découle de deux sources : d’un côté une
idéologie libertaire, de l’autre un argument relatif à la localisation des ac-
teurs et des actions dans le cyberespace.
On peut en effet observer l’existence d’un courant de pensée découlant
d’une idéologie radicalement libertaire (auquel nous reviendrons plus en
détail en présentant les différents modèles de régulation (41)), qui perçoit
le cyberespace comme un nouveau territoire, vierge, sans frontières et aux
dimensions quasiment infinies, un peu comme le Far West des wes-

(39) Pour une telle classification, voir S. BIEGEL, Beyond our control ?, op. cit. n. 37, pp. 31–40,
O. CACHARD, La régulation internationale du marché électronique, Paris, LGDJ, 2002, pp. 13–14,
R.H. WEBER, Regulatory Models for the Online World, La Haye, Kluwer / Zurich, Schulthess,
2002, pp. 44–45.
(40) Pour de telles comparaisons, voir D.R. JOHNSON et D.G. POST, « Law and Borders –
The Rise of Law in Cyberspace » in Stan. L. R., 1996, vol. 48, p. 1367 et seq., M. BURNSTEIN,
« Conflicts on the Net : Choice of Law in Transnational Cyberspace » in Vand. J. Transnat’l L.,
1996, vol. 29, p. 75 et seq., ID., « A Global Network in a Compartmentalised Legal Environ-
ment » in Internet : Which Court Decides, Which Law Applies ?, s. dir. K. Boele-Woelki et C.
Kessedjian, La Haye, Kluwer, 1999, p. 23 et seq., spéc. pp. 24–25, T. BALLARINO, Internet nel
mondo della legge, Padoue, Cedam, 1996, p. 40, J.-J. LAVENUE, « Cyberespace et droit internatio-
nal : pour un nouveau jus communicationis » in RRJ, 1998, p. 811 et seq. et J.A. GRAHAM, Les
aspects internationaux des contrats conclus et exécutés dans l’espace virtuel, thèse Paris I dact., 2001.
Aussi, mais avec une opinion moins tranchée, E. KATSH, Law in a Digital World, New York,
Oxford Univ. Press, 1995 et ID., « Cybertime, Cyberspace, and Cyberlaw » in J. Online L., 1995,
§ 56. Voir aussi, pour un survol, S. BIEGEL, Beyond our control ?, op. cit. n. 37, pp. 38–40 et O.
CACHARD, La régulation internationale du marché électronique, op. cit. n. 39, p. 13.
(41) Voir B. — Approche normative de la non-réglementation, p. 99 et seq. infra.

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24 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

terns (42), où chacun pourrait s’établir où et comme il l’entend, fonder ses


propres communautés virtuelles, sans intervention de l’État (43). Il se com-
prend comme un véritable eldorado où toute réglementation, par les États,
serait non seulement inutile – la cohabitation dans le cyberespace étant ré-
gulée de manière informelle par quelques rares normes sociales – mais éga-
lement impossible, à cause des difficultés d’identification et de
localisation (44). Cette idéologie d’un monde nouveau, échappant à l’em-
prise régulatrice de ces États perçus comme des dinosaures de la vie sociale
et politique, implique la nécessité logique d’une construction théorique
d’un espace nouveau, autonome, un concept juridique permettant de s’op-
poser à la souveraineté étatique.
L’argument de la localisation tient à ce que, au vu des difficultés de
localiser de manière satisfaisante les comportements et les acteurs dans le
territoire d’un État (45), la meilleure solution serait de les localiser dans le
cyberespace, de leur appliquer un droit spécifique, non étatique et qui se
conçoit comme une lex electronica (46). De même, il conviendrait de tran-

(42) S. BIEGEL, Beyond our control ?, op. cit. n. 37, p. 4 et seq., évoquant l’image du cyberespace
comme un territoire semblable aux prairies d’apparence infinie des westerns.
(43) Voir par exemple J.P. BARLOW, « Déclaration d’indépendance du Cyberespace », Davos,
8 février 1996 : « Gouvernements du monde industriel, je viens du Cyberespace, le nouveau domi-
cile de l’esprit. Au nom du futur, je vous demande à vous du passé de nous laisser tranquilles. Vous
n’êtes pas les bienvenus parmi nous. Vous n’avez pas de souveraineté où nous nous rassemblons
[…] Je déclare l’espace social global que nous nous construisons naturellement indépendant des
tyrannies que vous cherchez à nous imposer […] Le Cyberespace ne se situe pas dans vos frontiè-
res. Ne pensez pas que vous pouvez le construire, comme si c’était un projet de construction publi-
que. C’est un produit naturel, et il croît par notre action collective. » Barlow conçoit par ailleurs le
cyberespace comme permettant le développement d’une véritable « civilisation » alternative, d’un
« monde parallèle » : J.P. BARLOW, « Thinking Locally, Acting Globally », Liste de discussion
Cyber-rights, 15 janvier 1996.
(44) Une synthèse de ce courant idéaliste est par exemple présentée dans B. LOADER, « The
Governance of Cyberspace : Politics, Technology and Global Restructuring », op. cit. n. 36, p. 4 et
seq. Voir aussi A. — Approche descriptive de la non-réglementation, p. 95 et seq. infra.
(45) Sur ces difficultés de localisation, voir G. KAUFMANN-KOHLER, « Commerce électroni-
que : droit applicable et résolution des litiges » in Rec. Cours La Haye, à paraître et ID.,
« Arbitration agreements in online business transactions » in Law of International Business and
Dispute Settlement in the 21st Century. Liber Amicorum Karl-Heinz Böckstiegel, s. dir. R. Briner, L.Y.
Fortier, K.P. Berger et J. Bredow, Cologne, Heymanns, 2001, p. 355 et seq., spéc. P. 357. Voir
aussi D.L. BURK, « Jurisdiction in a World Without Borders » in Va. J.L. & Tech., 1997, vol. 1,
art. 3.
(46) Sur les diverses acceptions de la lex electronica, voir Sous-section III. — De la lex
electronica aux systèmes juridiques de places de marché, p. 470 et seq. infra.

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LE CYBERESPACE 25

cher tout litige par des cyberjuridictions. Le cyberespace serait ici réellement
un territoire doté, à terme, d’un corps de règles matérielles qui pourrait (ou
plutôt devrait) être désigné par les règles de conflit de lois des divers droits
étatiques (47).

SOUS-SECTION II. — LE CYBERESPACE COMME


MÉTAPHORE NON PERTINENTE JURIDIQUEMENT

La thèse radicale du cyberespace comme territoire distinct a suscité une


opposition, prévisible, tout aussi radicale, à l’autre extrême de l’échelle
d’importance que l’on peut donner au concept de cyberespace. Bon nombre
de juristes ne voient en effet dans ce dernier rien de plus qu’une simple
métaphore, une appellation mal choisie qui n’aurait pas dû sortir des ro-
mans cyberpunks et qui ne saurait certainement pas décrire une réalité quel-
conque. Ce courant de pensée traditionaliste bâtit dans la plupart des cas
sur l’une des trois positions suivantes : le flou de la notion, une équation
d’Internet et du cyberespace, ou encore le rejet de la spécificité des activités
exercées par le biais d’Internet. Nous nous proposons de les reprendre tour
à tour.

A. — Flou de la notion
Si l’on considère que le terme cyberespace renvoie à l’ensemble des activités
véhiculées par le réseau, il est aisé de conclure qu’une régulation dotée
d’une densité normative significative est certainement impossible au vu de
la diversité des activités et que, partant, un « jus communicationis réduit à
quelques principes généraux ne présente pas grand intérêt » (48). En
d’autres termes, il faudrait nier toute pertinence au concept de cyberespace
parce qu’un réel droit du cyberespace, au sens d’un corps de règles applicables
à toute activité relative au cyberespace, est irréaliste. Cet argument, s’il est
en soi fort convaincant, n’enlève rien à la pertinence du concept de cyber-
espace pour penser la théorie générale des modes de régulation : le

(47) Pour une description de cette position, O. CACHARD, La régulation internationale du mar-
ché électronique, op. cit. n. 39, p. 13, l’auteur rejetant fermement cette position. Voir aussi B.
FAUVARQUE-COSSON, « Le droit international privé classique à l’épreuve des réseaux » in Le droit
international de l’internet, s. dir. G. Chatillon, Bruxelles, Bruylant, 2003, p. 55 et seq., spéc. pp. 61–
63, qui évoque la « lex electronica » et le « fantasme du cyberjuge ».
(48) O. CACHARD, La régulation internationale du marché électronique, op. cit. n. 39, p. 16.

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26 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

cyberespace, comme nous le verrons, présente certaines caractéristiques


architecturales qui remettent en cause plusieurs paradigmes juridiques (49),
et suggèrent en conséquence une réflexion sur sa régulation du point de vue
de la théorie générale du droit.

B. — Équation d’Internet et du cyberespace


L’équation Internet = cyberespace conduit à considérer que l’on recourt à la
notion de « régulation du cyberespace pour désigner à la fois la régulation du
réseau et la régulation des activités véhiculées par le réseau » (50). La
conséquence de cet amalgame est alors une exacerbation du problème du
flou de la notion de cyberespace, de la même manière que nous venons
d’évoquer pour le premier argument. Le droit du cyberespace désignerait en
conséquence à peu près tout comportement en relation avec Internet et,
tout comme pour le premier argument, il ne « présenterait pas un grand
intérêt » car il « serait réduit à quelques principes généraux ». Le terme de
cyberespace est alors évacué de la réflexion juridique (51).

C. — Absence de spécificités des activités véhiculées par


les réseaux
L’argument suivant consiste à considérer qu’Internet n’est rien de plus
qu’un réseau de télécommunication de plus, auquel le droit des télécom-
munications doit s’appliquer, soit directement, soit par analogie ; le déve-
loppement de tout corps de règles spécifique à Internet est inutile et toute
réflexion fondamentale sur la régulation des activités exercées en utilisant
Internet (c’est-à-dire déployées dans le cyberespace) est donc sans
objet (52). Le commerce électronique, par exemple, ne mériterait pas un

(49) Voir Chapitre II : Le droit dans le cyberespace : perturbations annoncées, p. 37 et seq. in-
fra.
(50) O. CACHARD, La régulation internationale du marché électronique, op. cit. n. 39, p. 14. Un
tel flottement terminologique se retrouve notamment dans P. TRUDEL, « La lex electronica » in Le
droit saisi par la mondialisation, s. dir. Ch.-A. Morand, Bruxelles, Bruylant / Bruxelles, Éd. de
l’Université de Bruxelles / Bâle, Helbing & Lichtenhahn, 2001, p. 221 et seq., spéc. p. 227.
(51) Voir plus avant O. CACHARD, La régulation internationale du marché électronique, op. cit. n.
39, p. 14 et seq.
(52) En ce sens, voir par exemple E. VOLOKH, « Technology and the Future of Law » in Stan.
L. Rev., 1995, vol. 47, p. 1375 et seq. et J.L. GOLDSMITH, « Against Cyberanarchy » in U. Chi. L.
Rev., 1998, vol. 65, p. 1199 et seq.

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LE CYBERESPACE 27

nouveau corps de règles, mais au plus une légère adaptation des règles
existantes et prévues pour la vente à distance (qui impliquent régulièrement
les réseaux téléphoniques, de radio et de télévision) (53).

SOUS-SECTION III. — LE CYBERESPACE COMME


ENVIRONNEMENT PARTICULIER

Chacune de ces théories renferme certaines pistes de réflexion intéressan-


tes. Toutefois, les positions elles-mêmes semblent trop radicales. On se
rappellera les termes de François Rigaux, qui montre combien la spécificité
transnationale de certains phénomènes juridiques doit être prise en consi-
dération pour s’éloigner d’une simple approche positiviste, sans pour autant
recourir à la création d’un nouvel espace : « les relations économiques se
sont, pour une large part, transnationalisées. Il ne s’agit pas d’une expres-
sion banale, elle a une signification juridique précise, à savoir que ces rela-
tions se déroulent dans un espace idéal, partiellement mais notablement
affranchi des contraintes étatiques. La nécessité de recourir à la notion
d’espace pour désigner un ordre de phénomènes qui se caractérisent par
leur délocalisation est une des défaillances du langage usuel » (54). Une
telle approche dialectique, suivie par un troisième courant de pensée, paraît
plus fertile (55).
Selon cette approche, les différences entre le cyberespace et le monde
hors ligne sont fonction de l’architecture d’Internet et des activités véhicu-

(53) Par exemple R.H. WEBER, Regulatory Models for the Online World, op. cit. n. 39, p. 44 :
« the need for a new legal framework governing the online world can be justified only under the
condition that cyberspace is materially different from real space […] Some scholars recognize
occasional differences ; however, such differences are not substantial enough to justify a new legal
regime since the problems occurring could be overcome by an adaptation of and amendment to the
existing legal framework. Consequently, even the term cyberspace is called into question as a meta-
phor » et J. KAUFMANN-WINN, « Open Systems, Free Markets, and Regulation of Internet
Commerce » in Tulane L. Rev., 1998, vol. 72, p. 1177 et seq.
(54) F. RIGAUX, « Les situations juridiques individuelles dans un système de relativité géné-
rale » in Rec. Cours La Haye, 1989, vol. 213, p. 68.
(55) Howard Rheingold a traduit cette approche par la définition suivante du cyberespace : il
s’agit de « l’espace conceptuel dans lequel les communications, les relations sociales, les données,
les richesses et le pouvoir se manifestent par des personnes utilisant des communications électroni-
ques » : H. RHEINGOLD, The Virtual Community : Homesteading on the Electronic Frontier,
Reading, Mass., Addison-Wesley, 1993, p. 5. Précisément dans le même sens, D. FOSTER,
« Community and identity in the electronic village » in Internet culture, s. dir. D. Porter, Londres,
Routledge, 1997, p. 23 et seq., spéc. p. 24.

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28 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

lées par le réseau (56). Les spécificités architecturales du cyberespace tien-


nent à ce que la nature décentralisée du réseau et les faibles barrières à
l’entrée pour la communication de masse permettent trois configurations
de communications, qui jusqu’alors n’avaient jamais été réunies en un seul
média : ces configurations peuvent être le un-à-un, le un-à-plusieurs et le
plusieurs-à-plusieurs (57). De plus, les communications empruntant les ré-
seaux qui constituent Internet ont en principe lieu indépendamment de
toute considération territoriale (58).
Cette architecture influence le type d’activités entreprises et la manière
dont elles sont exercées. Il semble en effet évident que la possibilité de
pouvoir communiquer en temps réel à l’échelle mondiale et de s’adresser à
un individu en particulier, à l’ensemble des internautes ou à une partie de
ceux-ci rend possible certains comportements qui ne l’étaient pas avant et
affecte de manière importante certains autres comportements (59). On
relèvera au demeurant que l’identité est établie de manière différente dans
le cyberespace, que la protection de la vie privée y est fonction d’autres
facteurs que dans le monde hors ligne, que certaines lois et certains droits
sont ouvertement violés dans le cyberespace sans qu’une intervention étati-

(56) S. BIEGEL, Beyond our control ?, op. cit. n. 37, p. 37 : « just how different cyberspace – or a
portion of cyberspace – might be is necessarily a function of design and activity. »
(57) Ibid., 33 : « many of the differences in networked environments are function of the unique
combination of features governing interaction in this medium, including the ability to communi-
cate instantaneously on a one-to-one, one-to-many, and many-to-many basis, the independence of
communication from physical distance, the relatively low barriers to entry to communication, and
the entirely software-mediated nature of all communication and interaction. »
(58) Voir notamment Sous-section I. — Ubiquité : dématérialisation, détemporalisation,
déterritorialisation, p. 31 et seq. infra.
(59) R.H. WEBER, Regulatory Models for the Online World, op. cit. n. 39, p. 41: « the Internet as
a new forum for the exchange of information and communication, has three (sic) features that
distinguish it from previous technologies : - the Internet makes possible an instantaneous global
transmission of messages […], - the Internet enables individuals and organizations to communi-
cate with a large number of people, offering three different communication channels, namely one-
to-one, one-to-many, and many-to-many communications., - the internet allows communicating
participants to retain their anonymity to a great extent, - the Internet has become a vehicle for
unprecedented access to information through databases, search engines and robots. » S. BIEGEL,
Beyond our control ?, op. cit. n. 37, p. 34 : « by connecting simultaneously and engaging in varying
levels of simultaneous communication across many geographical barriers, people take part in
activity where things begin to happen in a very different manner. » Voir aussi B. COTTIER,
« Impact des nouveaux médias sur la science et la pratique du droit » in Quelques facettes du droit de
l’Internet. Droit des nouvelles technologies de l’information et de la communication, s. dir. N. Tissot,
Neuchâtel, PAN, 2001, p. 1 et seq.

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LE CYBERESPACE 29

que semble réellement pouvoir y mettre fin (on pense par exemple aux
échanges de fichiers musicaux MP3). Si ces différences rendent possibles,
en ligne, certains comportements qui ne l’étaient pas hors ligne, elles ne
doivent toutefois pas occulter le fait que les actions s’exprimant dans le
cyberespace ne sont pas toujours, loin s’en faut, sans conséquence pour le
monde hors ligne. Il va par ailleurs de soi qu’un internaute n’est pas présent
seulement dans le cyberespace mais que, bien au contraire, il demeure tou-
jours localisé sur le territoire d’un État (60).
En somme, s’il est vrai que le cyberespace ne peut guère être considéré
comme un nouvel espace au sens géographique du terme, rien ne s’oppose
en revanche à suivre la thèse selon laquelle il constitue un nouvel espace
social, un « milieu de vie » comme dirait Pierre Trudel (61), qui mérite une
analyse juridique propre (62). Dans cette perspective, les activités du cyber-
espace, véhiculées par le réseau, ont lieu dans cet environnement technique
où certains paradigmes (63) juridiques traditionnels sont ébranlés par les
spécificités architecturales et les comportements qui s’ensuivent (64). Le
cyberespace est donc un environnement particulier (65), dont les parti-

(60) Sur tout ceci, voir B. — La nécessité de l’activité réglementaire, p. 137 et seq. infra.
(61) P. TRUDEL, F. ABRAN, K. BENYEKHLEF et S. HEIN, Droit du cyberespace, Montréal,
Thémis, 1997, dernière de couverture : « au fur et à mesure que le cyberespace devient un milieu de
vie, s’accroît l’importance d’y trouver des règles du jeu adaptées et équilibrées. »
(62) R.H. WEBER, Regulatory Models for the Online World, op. cit. n. 39, p. 45, « most scholars
assume that the online world is different enough (in terms of architectural design, nature of activi-
ties, a unique combination of features, etc.) to give rise to new regulatory issues which need to be
tackled with different approaches ; however, the degree of deviation from traditional legal notions
can be greater or lesser. »
(63) Un paradigme est un modèle fondamental à une discipline ou sous-discipline qui fournit
aux chercheurs de cette discipline ou sous-discipline « pour un temps au moins, des problèmes-
types et des solutions » : Th. KUHN, La structure des révolutions scientifiques, 2ème éd, Paris, Fayard,
1973, p. 10. Pour une application à la science du droit, F. OST et M. VAN DE KERCHOVE, Jalons
pour une théorie critique du droit, Bruxelles, Publ. FUSL, 1987, p. 116 et seq. et ID., De la pyramide
au réseau ?, op. cit. n. 21, p. 13 et seq.
(64) On notera au demeurant que l’on a souvent pu dire qu’il n’existait pas un cyberespace, mais
plusieurs, parce que les différences architecturales et de types d’activités peuvent être aussi grandes
entre deux activités du cyberespace qu’entre le cyberespace et les activités hors ligne en général. En
ce sens, « chaque technologie crée un nouvel espace » : J.D. BOLTER, Writing Space : The Com-
puter, Hypertext, and the History of Writing, Hillsdale, NJ, Erlbaum, 1991, p. 11. Voir aussi S.
BIEGEL, Beyond our control ?, op. cit. n. 37, p. 40 et L. LESSIG, Code and other Laws of Cyberspace,
New York, Basic Books, 1999, pp. 63–85.
(65) R.H. WEBER, Regulatory Models for the Online World, op. cit. n. 39, p. 28 : « from a legal
point of view, cyberspace can be defined as the invisible, intangible world of electronic information

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30 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

cularités conditionnent (dans une certaine mesure) la normativité qui s’y


construit ou s’y exprime.

SECTION III. — Caractéristiques inhérentes


au cyberespace

Le cyberespace est donc une émanation sociale d’Internet. Sans Internet, il


ne peut y avoir de cyberespace. Le réseau rend possible les comportements
et les activités qui s’y déroulent. Ce faisant, le réseau conditionne ces acti-
vités. Il rend certaines activités possibles et d’autres impossibles ; il en faci-
lite certaines et en rend d’autres plus difficiles. Le commerce électronique,
par exemple, est tributaire des possibilités technologiques données par In-
ternet. Ces possibilités technologiques, quant à elles, sont déterminées par
les composantes logicielle et matérielle des réseaux, qui mettent en œuvre
les instructions données par le code informatique qui les gouverne. Ce code
constitue donc la loi de la nature d’Internet (66). Or, certaines parties de ce
code ne peuvent guère être modifiées sans porter atteinte au fonctionne-
ment d’Internet tout entier. Ces parties du code constituent ce que nous
appellerons ici les caractéristiques inhérentes au cyberespace, dont on peut
s’aventurer à professer qu’elles subsisteront sinon aussi longtemps

and processes stored at multiple interconnected sites, with controlled access and manifold possi-
bilities for interaction. Cyberspace thus includes the interaction of people, business, and other
entities over computer networks. This broad definition recognizes the important role of technol-
ogy for cyberspace without limiting the concept to a technology as such », avec de nombreuses
références.
(66) L. LESSIG, Code and Other Laws of Cyberspace, op. cit. n. 64, p. 3 et seq., sous le titre évo-
cateur de « Code is law » et p. 82 : « cyberspace is not a place ; it is many places. Its places don’t
have one nature ; the places of cyberspace have many different natures. These natures are not given,
they are made. They are set (in part at least) by the architectures that constitute these different
spaces. These architectures are themselves not given ; these architectures of code are set by the
architects of cyberspace – code writers. » Voir aussi W.J. MITCHELL, City of Bits – Space, Place,
and the Infobahn, Cambridge, Mass., MIT Press, 1995, p. 111 : « code is the law. The rules gov-
erning any computer-constructed microworld – of a video game, your personal computer desktop,
a word processor window, an automated teller machine, or a chat room on the network – are
precisely and rigorously defined in the text of the program that constructs it on your screen » et E.
KATSH, « Software Worlds and the First Amendment : Virtual Doorkeepers in Cyberspace » in U.
Chi. Legal F., 1996, p. 335 et seq., spéc. p. 339 : « Software […] determines what we interact with,
how the screen appears, and what options users have. » Pour plus de développements, voir Sous-
section I. — La normativité de la technique, p. 123 et seq. supra.

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LE CYBERESPACE 31

qu’Internet perdurera, du moins jusqu’à ce qu’intervienne une refonte ma-


jeure et forcément mondiale des fondements même d’Internet. Toute ré-
flexion sur les virtualités de la régulation de cet espace social qu’est le
cyberespace se doit donc de tenir compte de cette loi de la nature (67). À
notre sens, il est possible de catégoriser ces caractéristiques inhérentes selon
deux concepts : l’ubiquité et la décentralisation.

SOUS-SECTION I. — UBIQUITÉ :
DÉMATÉRIALISATION, DÉTEMPORALISATION,
DÉTERRITORIALISATION

Pour Gabrielle Kaufmann-Kohler, qui détaille ces caractéristiques du


cyberespace dans son cours à l’Académie de droit international de La Haye,
les activités véhiculées par les réseaux sont marquées par la dématérialisation
(abandon du papier, échanges croissants de biens informationnels au lieu
de biens matériels), la détemporalisation (quasi-instantanéité de la commu-
nication) et la déterritorialisation (affaiblissement des frontières, des distan-
ces et des repères géographiques) (68). L’effet combiné de ces trois
transformations conduit à ce que nous appelons ici la caractéristique de
l’ubiquité (69).

(67) R.H. WEBER, Regulatory Models for the Online World, op. cit. n. 39, p. 89 : « the rule-set-
ting process by whatever body, be it the national government, an international organization, or the
Cyberian community, cannot be successful if the foundations do not adequately consider the
particularities of global networks », voir aussi ID., Vom Monopol zum Wettbewerb : Regulierung der
Kommunikationsmärkte im Wandel, Zurich, Schulthess, 1995, 13-14, l’auteur arguant que
l’évolution technologique peut restreindre les modalités effectives d’intervention par le droit.
(68) G. KAUFMANN-KOHLER, « Commerce électronique : droit applicable et résolution des
litiges », op. cit. n. 45. Dans le même sens, voir Th. HOEREN, « Internet und Recht – Neue
Paradigmen des Informationsrechts » in NJW, 1998, vol. 39, p. 2849 et seq., spéc. p. 2849–2852,
l’auteur retenant « die Dematerialisierung », « die Deterritorialisierung » et « die Extemporalisie-
rung ».
(69) D’autres auteurs retiennent une acception plus modeste de cette caractéristique : l’ubiquité
s’entend pour eux du fait qu’une même information soit disponible sur plusieurs sites web en
même temps, sur ce que l’on appelle des sites miroirs. Cette technique de duplication est quelque-
fois tout à fait intentionnelle, visant à décharger les réseaux de télécommunications vers un seul
site ; les résultats des Jeux olympiques d’Atlanta, par exemple, étaient reproduit sur plusieurs sites
correspondants à plusieurs serveurs de par le monde. Voir par exemple P. TRUDEL et al., Droit du
cyberespace, op. cit. n. 61, p. 1/17 et S. GUILLEMARD, Le droit international privé face au contrat de
vente cyberspatial, thèse Laval et Paris II dact., 2003, p. 228 et seq.

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32 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

Ces trois transformations entretiennent par ailleurs plusieurs relations ;


les évoquer permet de mieux appréhender le phénomène que nous abor-
dons ici. Tout d’abord, il apparaît que la détemporalisation et la déterrito-
rialisation peuvent se concevoir comme deux conséquences de la
dématérialisation : l’absence de matière devant circuler permettant la quasi-
instantanéité des communications et la perte d’incidence des frontières
géographiques. La dématérialisation est donc en quelque sorte la cause
originaire de tout le phénomène examiné ici (70). Ensuite, déterritorialisa-
tion et détemporalisation forment les deux dimensions de l’ubiquité, soit
l’écroulement de l’espace et du temps : l’ubiquité signifie être à plusieurs
endroits en même temps. Entre ces deux aspects de l’ubiquité, une relation
s’établit, à nouveau : plus le temps d’un déplacement tend vers zéro, plus la
relevance de la distance s’affaiblit ; la déterritorialisation dépend de la dé-
temporalisation. Ceci s’éclaircit finalement davantage par une mise en
contexte de l’émergence des effets socioéconomiques d’Internet, qui s’ins-
crivent au centre du mouvement contemporain de la mondialisation.
Selon Thomas Friedman, nous en sommes aujourd’hui à la deuxième
ème
phase de mondialisation (71). La première dura du milieu du 19 siècle à
la fin des années 1920. L’invention des bateaux à vapeur, du télégraphe, des
chemins de fer et finalement du téléphone, combiné au fait que jusqu’en
1914 les États n’exigeaient pas de passeports pour les voyages inter-
nationaux, tout ceci permit aux personnes de voyager beaucoup plus vite et
beaucoup plus loin qu’auparavant, et aux informations d’être transmises
d’un continent à l’autre en des temps qui défiaient l’imagination de l’épo-
que. Certaines activités commencèrent à avoir d’importantes répercussions
ailleurs dans le monde, notamment par les flux démographiques qui se
développaient en réaction à certaines activités. Avec la première guerre
mondiale, les flux démographiques cessèrent. La grande dépression de
1929, puis la seconde guerre mondiale conduisirent à un renforcement
encore accru des frontières nationales. La mondialisation fut pour ainsi dire

(70) Sur la difficulté, en général, pour les États d’appréhender des phénomènes dématérialisés :
H. RUIZ-FABRI, « Immatérialité, territorialité et État » in ARSP, 1999, vol. 43, p. 187 et seq. et F.
CONSTANTIN, « L’informel internationalisé ou la subversion de la territorialité » in Cultures &
Conflits, 1996, vol. 21/22, no spécial L’international sans territoire, s. dir. B. Badie et M.-C. Smouts,
p. 311 et seq.
(71) Sur tout ceci, Th. FRIEDMAN, The Lexus and the Olive Tree, Glasgow, HarperCollins,
2000, p. xvi et seq.

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LE CYBERESPACE 33

gelée. Avec la fin de la guerre froide en 1989, en revanche, la tendance


s’inversa et la seconde phase de la mondialisation commença. Les flux dé-
mographiques reprirent et l’information recommença à circuler librement.
Cette circulation était d’ailleurs facilitée par les inventions qui ont, jusqu’à
maintenant, marqué cette seconde phase de mondialisation : les puces
électroniques, les satellites, les fibres optiques et, surtout, Internet.
On peut ainsi observer que, dans chacune des deux phases, le déplace-
ment de l’information vis-à-vis des personnes, ou des personnes vis-à-vis
de l’information (ce qui revient d’ailleurs au même) est réduit (72). Ceci
conduit à la perception d’un rétrécissement du monde et à une réduction
réelle de l’espace (virtuel) de communication : on tend vers l’ubiquité.
Dans ce monde où l’information prend de plus en plus de valeur, où ce
que l’on appelle aujourd’hui des « biens informationnels » (par exemple des
logiciels) deviennent des objets de commerce de plus en plus courants, où
des fortunes sont déplacées par la simple modification de quelques infor-
mations, où la plupart des informations peuvent être reproduites infini-
ment, nous n’avons jamais été aussi proches de l’absence de distances, et
donc d’absence de frontières. Jamais nous n’avons été aussi proches d’un
monde ubiquitaire, où une action réalisée dans n’importe quelle partie de ce
monde peut avoir des conséquences dans n’importe laquelle de ses autres
parties. D’où que se connecte un internaute, par exemple, ces actions pour-
ront en principe toujours avoir des effets à n’importe quel autre endroit du
globe et un site web est en principe accessible du monde entier (73). Jamais
nous n’avons été aussi proches de la perception du monde comme un
« village global », pour reprendre les termes de McLuhan, qui pronostiquait
cette rupture d’échelle depuis 1960 (74). Répétons-le : on tend vers
l’ubiquité.

(72) C’est donc la dématérialisation qui conduit à la détemporalisation. qui conduit à la déter-
ritorialisation : en ce sens Th. HOEREN, « Internet und Recht – Neue Paradigmen des Informati-
onsrechts », op. cit. n. 68, p. 2850 : « die elektronische Geschwindigkeit deterritorialisiert das
Recht ».
(73) Pour une discussion de ce caractère ubiquitaire, U. SIEBER, « Informationsrecht und
Recht der Informationstechnik – Die Konstituierung eines Rechtsgebietes in Gegenstand,
Grundfragen und Zielen » in NJW, 1998, vol. 30, p. 2569 et seq., spéc. p. 2579.
(74) M. MCLUHAN, Explorations in Communication, Boston, Beacon Press, 1960.

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34 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

Cette tendance suscite des difficultés pour le droit étatique. Tout


d’abord, d’un point de vue très général, on rappellera que le fondement du
droit repose sur le territoire (75) et qu’il est animé de temporalités plus
lentes que celles qui sont évoquées ici (76). C’est dire, déjà, que ces deux
caractéristiques sont susceptibles de causer des problèmes. Plus concrète-
ment, on notera simplement ici l’accélération du temps commercial et du
temps social en général, qui conduit à l’affaiblissement de certains acteurs
qui avaient vu des protections juridiques spécifiques se développer à leur
égard. En effet, celles-ci reposaient précisément sur le ralentissement de ces
temporalités : on pense ici notamment aux consommateurs protégés par les
délais de réflexion (77). En ce qui concerne l’espace, l’absence de frontières
génère des difficultés de contrôle des flux d’informations, parce que la ter-
ritorialité des États entre en conflit avec cette tendance vers l’ubiquité. La
capacité régulatrice des États en est diminuée.

SOUS-SECTION II. — DÉCENTRALISATION


La déterritorialisation n’est en réalité pas seulement causée par la dématé-
rialisation, mais également par la décentralisation généralisée des structures
de contrôle et de pouvoir dans le cyberespace, parce que celles-ci empê-
chent largement la reconstruction des frontières nationales dans le cyberes-
pace.
La décentralisation est la caractéristique véritablement capitale d’Inter-
net (et donc du cyberespace) en tant qu’objet de régulation : elle a fait toute
la réussite du réseau des réseaux et elle suscite aujourd’hui la majorité des
questions sur les possibilités de le réguler. Il est décentralisé en ce sens qu’il
ne peut être contrôlé de manière centrale et cela découle du fait qu’il n’a
tout simplement pas de centre.

(75) Voir par exemple R. CARRÉ DE MALBERG, Contribution à la théorie générale de l’État, t. 1,
Paris, Sirey, 1920, p. 5 : « la sphère de puissance de l’État coïncide avec l’espace sur lequel
s’étendent ses moyens de domination » et « l’État exerce sa puissance non seulement sur un terri-
toire, mais sur un espace, espace qui, il est vrai, a pour base de détermination le territoire lui-
même. »
(76) F. OST, Le temps du droit, Paris, Odile Jacob, 1999, par exemple pp. 281–293, sous titre
« Quand le droit se met à courir », où l’auteur relève diverses inadéquations entre la temporalité
juridique accélérée de l’urgence, très contemporaine et similaire à celle du cyberespace, et les ryth-
mes du droit dans ses fonctions socialisantes fondamentales.
(77) Voir Section II. — Le temps, p. 56 et seq. infra.

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LE CYBERESPACE 35

Cette décentralisation est intentionnelle : lors de la création d’Internet, il


a été spécifiquement décidé de le construire ainsi. Il devait de plus être
quasiment impossible de remettre ultérieurement en cause cette caracté-
ristique. Développé durant la guerre froide, son objectif original était de
constituer un réseau résistant aux attaques militaires : si l’une de ses parties
devait être détruite, le reste devait continuer à fonctionner par un simple
reroutage des communications vers les serveurs et les connexions intou-
chées.
Une rapide incursion en technique nous permet de mieux entrevoir le
fonctionnement décentralisé d’Internet. Quand une connexion doit être
établie entre deux ordinateurs par le biais d’Internet, l’un des deux appelle
l’autre en composant son adresse IP (78) et une série de routeurs établissent
la connexion. Si l’un des routeurs est inutilisable parce qu’il est surchargé
ou détruit, l’information qui devait transiter par cette voie est automati-
quement redirigée vers un autre routeur. La communication emprunte par
ailleurs un nombre assez important de réseaux de télécommunication et ce
non seulement successivement (79), mais également parallèlement. Toute
communication par Internet est en effet scindée en plusieurs paquets,
acheminés par différentes routes pour être recombinés à l’arrivée. Ces par-
cours empruntés par les différents paquets d’informations ne peuvent en
principe être dirigés, prévus ou même vérifiés par les utilisateurs (80). On
comprend donc qu’aucune communication ne passe par un point central
qui pourrait filtrer, censurer ou autrement contrôler les informations. Cette
décentralisation a pour conséquence la difficulté d’imposer d’en haut une
forme de régulation.

(78) Un numéro du type « 129.174.46.232 » (correspondant ici à l’ordinateur sur lequel cette
thèse est écrite).
(79) Internet, l’inter-réseau, est constitué de l’interconnection de plusieurs réseaux. On distin-
gue par exemple les réseaux suivants : les réseaux continentaux servant de support à tous les autres
réseaux (les backbone providers, par exemple Ebone et Europanet pour l’Europe, MCInet,
SPRINTlink, ANSnet-AOL et CERFnet aux États-unis), les réseaux de desserte (par exemple
Renater ou Oléane), les réseaux des fournisseurs d’accès régionaux et les réseaux fermés, internes
ou propriétaires (par exemple AOL ou CompuServe).
(80) A. DUFOUR, Internet, op. cit. n. 34, p. 6 : « la diversité des liaisons utilisées pour véhiculer
les informations sur Internet est totalement […] imperceptible pour l’utilisateur [de telle manière]
que l’on ignore généralement les supports et les routes empruntés réellement par les informations
que l’on reçoit ou que l’on envoie. »

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36 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

Il existe toutefois une exception à cette décentralisation : le système de


nommage (ou Domain Name System - DNS), c’est-à-dire le système d’al-
location et de correspondance des adresses IP et des noms de do-
maine (81). Celui-ci est centralisé du fait de l’existence d’une base de don-
née unique sur laquelle repose tout l’édifice de la conversion des noms de
domaine en adresses IP. Dans ce contexte, la déterritorialisation est d’ail-
leurs beaucoup plus faible : les adresses IP étant distribuées sur base
nationale (82), le système de nommage permet de développer, dans une
certaine mesure, des services de géolocalisation (identification de la lo-
calisation géographique d’un acteur, plus précisément de l’ordinateur de-
puis lequel il se connecte) (83). Nous aurons l’occasion d’y revenir (84).

(81) Voir par exemple Sh.E. GILLETT et M. KAPOR, « The Self-Governing Internet :
Coordination by Design » in Coordinating The Internet, s. dir. B. Kahin et J.H. Keller, Cambridge,
Mass. et Londres, MIT Press, 1997, p. 3 et seq., affirmant qu’Internet est « à 99 pour cent décen-
tralisé » et « centralisé pour un pour cent ».
(82) Rappelons ici que, si les noms de domaine en <.com>, <.org> et <.net>, notamment, ne
correspondent pas à une localisation spécifique, les adresses IP relatives à ces noms de domaine,
quant à elles, sont géodépendantes.
(83) Pour une présentation technique du fonctionnement du système de nommage, W.R.
STEVENS, TCP/IP illustré, vol. 1, Les protocoles, trad. E. Tyberghier, Paris, Thomson, 1997, p. 9 et
seq.
(84) Voir B. — L’affaire Yahoo, p. 69 et seq. infra et Sous-section VI. — Vers un
morcellement du cyberespace ?, p. 229 et seq. infra.

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CHAPITRE II
Chapitre II. — Le droit dans le cyberespace : perturbations annoncées

LE DROIT DANS LE CYBERESPACE :


PERTURBATIONS ANNONCÉES

La production et l’application du droit selon leurs modes traditionnels sont


perturbées dans le cyberespace par les spécificités de cet environnement,
dont nous venons de voir quelques particularités. On peut observer de telles
perturbations dans l’émergence de nouveaux acteurs sur la scène de la pro-
duction du droit et dans l’atteinte portée à certains équilibres que le droit
avait institués au sein de la société civile et de l’État, dans l’accélération de
la temporalité sociale, transactionnelle et juridique, et dans l’irrespect des
réseaux numériques pour les frontières nationales (85).
Le mode traditionnel d’élaboration normative conçoit les flux de pouvoir
et de production du droit uniquement de manière unidirectionnelle du haut
vers le bas, de l’État vers la société civile et, à l’intérieur de l’État, de la
pointe à la base de la pyramide kelsénienne des normes. L’État impose le
droit. Les acteurs de la production juridique sont clairement identifiés (et
l’obstacle épistémologique du positivisme empêche d’en voir en dehors de
l’État). Les rapports de force entre ces acteurs et entre les destinataires des
normes ont été arbitrés et sont inscrits au cœur de l’ordre juridique – les
premiers selon la pyramide évoquée et les seconds selon l’importance que
l’ordre juridique reconnaît aux intérêts qu’ils défendent.
Dans ce mode traditionnel, l’élaboration du droit se fait selon une tem-
poralité relativement lente (on n’abroge pas demain la loi édictée aujour-
d’hui), seule capable d’assurer une réelle sécurité juridique et de permettre
la construction de projets de société.

(85) Pour un survol de toute cette problématique, on peut lire D.J.B. SVANTESSON, « The
characteristics making Internet communications challenge traditional models of regulation – What
every international jurist should know about the Internet » in Int. J. L. & Tech., 2005, vol. 13, p. 39
et seq.

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38 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

Toujours dans ce modèle, le territoire de l’État est la seule limite impo-


sée à sa puissance. Selon la formule consacrée de Georges Abi-Saab, les
États sont, sur la scène internationale, des boules de billard qui se juxtapo-
sent et s’entrechoquent occasionnellement ; leurs pouvoirs ne se chevau-
chent jamais, le pouvoir normatif de l’un n’empiète jamais sur le territoire
de l’autre (86). Sur la scène nationale, l’État est un Léviathan, un être tout-
puissant ; son pouvoir n’a pas de limite : « il n’est, sur terre, aucune puis-
sance qui surpasse la sienne », lit-on sur le frontispice du Léviathan de
Hobbes, archétype de la pensée juridique et politique moderne.
Le cyberespace, quant à lui, se profile comme l’archétype de la négation
de toutes ces caractéristiques. John Perry Barlow, dans son célèbre discours
onirique sur l’indépendance du cyberespace, repris par le mouvement liber-
taire d’Internet tel un « carthago delenda est », s’écriait : « gouvernements du
monde industriel […], vous n’avez pas de souveraineté où nous nous ras-
semblons […] L’espace social que nous nous construisons [est] naturel-
lement indépendant des tyrannies que vous cherchez à nous imposer » (87).
De manière plus rigoureuse, comme nous le verrons dans ce chapitre, on
constate des perturbations dans la production du droit (88). Il faut en pre-
mier lieu prendre acte de la capacité régulatrice de la technique, qui dirige
les comportements comme la nature nous contraint dans le monde hors
ligne. Les lois imposées par la technique, au contraire de celles données par
la nature, peuvent être contrôlées, devenir un instrument de pouvoir et de
mise en œuvre de règles. Puisque la technique n’est pas toujours, loin s’en
faut, contrôlée par l’État, de nouveaux acteurs de la régulation émergent,
remettant en cause les équilibres que le droit s’était efforcé de construire.
Puis le temps, sur les réseaux, s’accélère : tout doit aller vite parce que
tout semble pouvoir aller vite. Le consommateur est poussé à agir vite, sans
prendre le temps pour une réelle détermination de sa volonté et de ses ac-
tions. Le législateur, souvent, est pris de vitesse et se désengage de
l’élaboration du droit dans certains secteurs.

(86) G. ABI-SAAB, « Cours général de droit international public » in Rec. Cours La Haye, 1987,
vol. 207, p. 9 et seq., spéc. pp. 62 et 75.
(87) J.P. BARLOW, « Déclaration d’indépendance du Cyberespace », op. cit. n. 43.
(88) De manière globale sur les interactions entre droit et technologie, voir Y. POULLET, « La
technologie et le droit : du défi à l’alliance » in Liber amicorum Guy Horsmans, Bruxelles, Bruylant,
2004, p. 943 et seq.

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PERTURBATIONS ANNONCÉES 39

De plus, on observe une augmentation des effets extraterritoriaux des


lois, empiétant sur l’espace de souveraineté des autres États, pendant que, à
l’intérieur, c’est la force contraignante des lois qui s’affaiblit parce que ses
destinataires peuvent s’évader de son emprise. L’État, pour reprendre les
termes de Jean Leca (89), deviendrait-il en définitive creux ?

SECTION I. — Acteurs et équilibres

Les caractéristiques techniques du cyberespace conditionnent la manière


dont le pouvoir peut y être exercé, simplement parce que la technique rend
certaines actions possibles et en empêche d’autres. Partant, le contrôle de
celle-ci confère à son titulaire un pouvoir de régulation des activités véhicu-
lées par les réseaux ; la technologie institue, pour écrire comme Yves
Poullet, « des auteurs sans statut constitutionnel » (90). Nous nous
attacherons à démontrer dans ce qui suit que cette capacitation de nou-
veaux acteurs par les spécificités du cyberespace, ce nouvel environnement
dans lequel le droit doit intervenir, modifie les rapports de force entre les
producteurs de droit et les différents groupes destinataires des normes.
D’un côté, le développement d’Internet contribue de manière importante à
la perturbation contemporaine des équilibres à la base des modes tradition-
nels de production du droit, qui étaient le fruit d’une orchestration lon-
guement mûrie des rapports de force entre les acteurs de l’élaboration
normative. De l’autre, ce sont les équilibres inscrits au fondement de cer-
taines branches du droit (protection de la vie privée, droit de la consom-
mation, droit de la propriété intellectuelle) qui sont perturbés par l’essor
des nouvelles technologies de l’information se déployant sur les réseaux.
Si le caractère technique du cyberespace provoque l’émergence de nou-
veaux acteurs de sa régulation et conduit à la modification de certains équi-
libres à la base du droit, sa complexité, le rythme des transformations de
certains de ses domaines et sa nature essentiellement transfrontière causent
une perturbation supplémentaire quant à la production du droit : la diffi-
culté d’une connaissance a priori de tous les enjeux d’une intervention nor-

(89) J. LECA, « L’État creux » in La France au-delà du siècle, La Tour d’Aigues, DATAR / Ed.
de l’Aube, 1994, p. 91 et seq.
(90) Y. POULLET, « La technologie et le droit : du défi à l’alliance », op. cit. n. 88, pp. 946–947.

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40 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

mative juridique, de tous les intérêts en jeu, de tous les rapports de force et
de tous les acteurs. Partant, les normes s’appliquant dans ce contexte sont
souvent assouplies, rendues plus générales pour que les décisions concrètes
puissent a posteriori bénéficier d’une plus grande marge de manœuvre et
donc prendre en compte les intérêts de manière plus adaptée. Cette si-
tuation entraîne un déplacement des centres de la production du droit vers
les acteurs plus rapides, plus adaptatifs, parmi lesquels on compte les insti-
tutions de la résolution des litiges.

SOUS-SECTION I. — ACCÈS AUX RÉSEAUX


La question de l’accès aux réseaux devient toujours plus importante, à me-
sure que le cyberespace se développe, que le nombre d’informations et de
services disponibles augmente et que de plus en plus d’activités sont véhi-
culées par les réseaux. Selon la loi de Metcalfe, la valeur d’un réseau est égale
au carré du nombre de ses utilisateurs ; avec la croissance d’un réseau, sa
valeur augmente de manière asymptotique (91). Ainsi, plus le cyberespace
grandit, plus le nombre de personnes se connectant à Internet et échan-
geant des informations est élevé, plus l’accès aux réseaux acquiert de la
valeur, et plus l’exclusion de cet accès devient un désavantage économi-
que (92).
On relève souvent à cet égard la fracture numérique Nord-Sud, c’est-à-
dire les réalités très différentes d’accès à Internet entre les pays industriali-
sés et les pays en voie de développement ou ayant une économie en trans-

(91) Pour une analyse économique de l’information et de sa mise en réseau, ainsi que de ses
implications pour la régulation du cyberespace, voir B. DU MARAIS, « Auto-régulation, régulation
et co-régulation des réseaux » in Le droit international de l’internet, s. dir. G. Chatillon, Bruxelles,
Bruylant, 2003, p. 293 et seq., spéc. p. 299 : « d’une part, le fonctionnement du réseau crée des
économies d’envergure. Plus le réseau est étendu d’un point de vue géographique ou démographique,
plus l’utilité que chaque intervenant retire, quantitativement, de sa participation au réseau devient
importante. D’autre part, il existe au sein de tout réseau des effets de club. L’appartenance au réseau
a des effets positifs de nature non seulement quantitative, mais aussi de nature qualitative. Chaque
acteur s’enrichit lui-même du contact avec les autres et inversement, l’ensemble de la collectivité
s’enrichit également de l’existence et de la participation de chacun des individus. »
(92) Voir par exemple M. CASTELLS, La galaxie Internet, op. cit. n. 36, p. 11, pour qui « les
activités économiques, sociales, politiques et culturelles cruciales, sur toute la planète, sont au-
jourd’hui structurées par et autour d’Internet. Le non-accès à ces réseaux [i.e. la fracture digitale,
soit l’exclusion en 2000 de 93% de la population mondiale d’Internet] est devenu la forme la plus
dommageable d’exclusion dans notre économie et notre culture. »

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PERTURBATIONS ANNONCÉES 41

ition, qui non seulement prive les habitants de ces derniers d’importantes
possibilités de développer leur capital économique, social et culturel, mais
risque également d’accentuer progressivement les écarts de pouvoir écono-
mique entre les pays riches et les pays pauvres (93). Mais il existe égale-
ment d’autres types de fractures numériques, par exemple entre les
générations ou entre les foyers plus ou moins riches (94). Finalement, il
faut introduire l’idée d’une gradation dans la fracture : d’un côté, il peut
être plus ou moins difficile (et non possible ou impossible) pour une popu-
lation donnée d’accéder au cyberespace et, de l’autre, certaines informations
disponibles par Internet ou certaines zones du cyberespace peuvent être
plus ou moins facilement accessibles.
L’importance de cette fracture est telle que d’aucuns y voient le risque de
l’avènement d’une nouvelle lutte des classes (95). Celle-ci n’opposerait plus
aristocrates, bourgeois et prolétaires, mais ceux que l’on appelle aux États-
Unis les « information haves » et les « information have-nots » (96), c’est-à-
dire ceux qui ont accès aux informations et ceux qui n’y ont pas accès. Si
l’on reprend l’idée de la gradation, cette lutte des classes se laisse bien en-
tendu affiner au-delà des catégories de ceux qui accèdent à Internet et les
autres, pour prendre en compte les divers degrés d’accessibilité aux infor-
mations que l’on trouve sur Internet. Dans ce contexte, la réflexion huma-
niste sur l’accès aux réseaux ne prend plus des allures de justice
redistributive, comme elle le fait dans le contexte socioéconomique général,

(93) Voir par exemple Organisation de coopération et de développement économiques


(OCDE), Understanding the Digital Divide, 2001.
(94) Voir par exemple, R.J. SHAPIRO et G.L. ROHDE, Falling through the Net : Toward Digital
Inclusion. A Report on Americans’ Access to Technology Tools, US Department of Commerce, octobre
2000.
(95) K.W. GREWLICH, Governance in ‘Cyberspace’, op. cit. n. 29, p. 73 : « the way information
is acquired, used and transmitted by individuals and groups largely influences the perception of
their place in society and in the world and thus conditions their actual behaviour and contribution
to societal progress or decline. It is therefore a major political task to fight against information
poverty, to make sure that there are no new underprivileged classes of information poor, in contrast
to information rich. » Voir aussi C. LAMOULINE et Y. POULLET, Des autoroutes de l’information à
la « Démocratie Électronique ». De l’impact des technologies de l’information et de la communication sur
nos libertés. Rapport présenté au Conseil de l’Europe, Bruxelles, Bruylant, 1997, pp. 35–36, pour qui
l’accès « devient, dans une société de l’information, où l’accès à cette dernière est chaque jour plus
vital, le moyen de lutter contre les discriminations sociales » et p. 40 : « la dimension dite culturelle
de [l’accès aux informations véhiculées notamment par Internet] exige une politique de lutte contre
ce que nous qualifierons d’analphabétisme ‘technologique’. »
(96) Par exemple R.J. SHAPIRO et G.L. ROHDE, Falling through the Net, op. cit. n. 94, p. xiii.

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42 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

mais elle se concentre sur la notion d’« accès universel », qui est entendu
« non […] comme le seul accès aux moyens techniques de communication
(l’infrastructure et le service de transport [des informations]), mais éga-
lement comme l’exigence de création et de mise à disposition de contenus
informationnels auxquels chacun doit pouvoir accéder » (97).
L’information transmise par Internet devient donc de plus en plus im-
portante. Elle constitue une ressource de valeur, donnant corps à cette ex-
pression très à la mode de « société de l’information ». Or, comme nous
aurons l’occasion de le revoir dans le cadre de cette étude (98), celui qui
contrôle une ressource de valeur acquiert de ce fait un certain pouvoir nor-
matif, car qui veut accéder aux ressources doit se conformer aux règles
édictées par celui qui les contrôle. Une perspective fondée sur le pluralisme
juridique (c’est-à-dire sur l’idée qu’il existe du droit autre qu’étatique) per-
met d’y voir dans certains cas un pouvoir normatif juridique, que celui-ci
soit d’ailleurs reconnu ou non par l’État. Ce pouvoir normatif permet à
celui qui participe au contrôle de l’accès à Internet ou à certaines zones du
cyberespace (c’est-à-dire à certains univers d’informations) de jouer le rôle
d’un acteur de la régulation du cyberespace.
Concrètement, un tel pouvoir normatif se retrouve par exemple dans le
contexte de l’accès au réseau lui-même (contrôlé en partie par les
fournisseurs d’accès à Internet), des noms de domaine (contrôlé notam-
ment par l’ICANN) (99) et de l’accès aux biens informationnels (les in-
formations sur lesquelles leurs auteurs prétendent avoir un droit d’auteur et

(97) C. LAMOULINE et Y. POULLET, Des autoroutes de l’information à la « Démocratie Électroni-


que », op. cit. n. 94, p. 36, les auteurs précisant la définition en lui distinguant, p. 39, quatre champs
d’application : « – l’accès aux techniques de communication ; – l’accès au bagage culturel indispen-
sable pour permettre à chacun l’indispensable maîtrise minimale des gisements d’information que
la technique rend accessible ; – l’accès à certains contenus notamment dans le cadre d’une revitali-
sation des lois d’accès aux documents administratifs ; – l’amélioration par l’utilisation des techno-
logies de l’information et de la communication de certains services d’intérêt général qu’ils soient ou
non le fait d’administrations. »
(98) Voir Sous-section I. — Le concept de contrôle des ressources, p. 328 et seq. infra.
(99) Voir sur ceci Sous-section II. — Accès à Internet, spamming, noms de domaine et
certification, p. 330 et seq. infra, Sous-section III. — Contrainte architecturale, p. 346 et seq.
infra, E. — Autoexécution technologique, p. 374 et seq. et B. — Un système juridique pour les
noms de domaine : l’ICANN et l’UDRP, p. 481 et seq. infra.

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PERTURBATIONS ANNONCÉES 43

les font protéger par des mesures techniques) (100). Étant donné que tout
contrôle d’accès au cyberespace et au sein de celui-ci repose sur la technique
(puisque les lois de la nature y sont remplacées par les contraintes et les pos-
sibilités de la technique (101)), les acteurs de la régulation qui émergent ici
sont ceux qui contrôlent la technique ; nous les appellerons les producteurs
de technologies (102). L’émergence de ces nouveaux acteurs entraîne inévi-
tablement, dans certains secteurs, une modification des équilibres qui
avaient été instaurés par le droit. Les exemples qui suivent en témoignent.

SOUS-SECTION II. — PROTECTION DE LA VIE


PRIVÉE

L’informatique, science du traitement de l’information, a engendré une


véritable révolution dans la protection des données personnelles, qui cons-
titue aujourd’hui l’aspect le plus critique de la protection de la vie pri-
vée (103). Certains auteurs, tels que Michael Froomkin, sont ainsi allés
jusqu’à annoncer la « mort de la vie privée », tant les nouvelles technologies
permettent de faire fi des mécanismes traditionnels de protection de don-
nées personnelles (104). Avant l’informatique, les données à caractère per-
sonnel étaient conservées dans des dossiers physiques, emplissant des
armoires et des bibliothèques d’archives. Ces dossiers étaient ainsi réunis et
localisés en un endroit spécifique et généralement unique, ils étaient dif-
ficilement transmissibles et les possibilités de détourner la finalité de leur
traitement étaient limitées. Avec l’informatique, à partir des années 1970,
l’enregistrement des données sur support électronique permit à ces dossiers
d’être aisément dupliqués, transmis et consultés à distance ; si l’on conserve
habituellement une banque de données physiquement localisable en un seul

(100) Voir Sous-section IV. — Protection des détenteurs de biens informationnels, p. 50 et


seq. infra.
(101) Voir Sous-section I. — La normativité de la technique, p. 123 et seq. infra.
(102) Voir Sous-section II. — Le modèle de la régulation et la souveraineté du réseau, p. 127
et seq. infra.
(103) De manière générale, voir C. DE TERWANGNE et M.-H. BOULANGER, Internet et le res-
pect de la vie privée, Bruxelles, Story-Scientia, 1997, pp. 189–213. Pour une introduction limpide à
cette problématique, voir par exemple J. FRAYSSINET, « La protection des données est-elle assurée
sur l’Internet ? » in Le droit international de l’internet, s. dir. G. Chatillon, Bruxelles, Bruylant,
2003, p. 435 et seq.
(104) A.M. FROOMKIN, « The Death of Privacy ? » in Stan. L. Rev., 2000, vol. 52, p. 1461 et
seq.

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44 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

endroit, les données n’en devinrent pas moins accessibles de manière dé-
localisée et la diffusion en fut largement facilitée. La révolution ne s’arrêta
toutefois pas à la conservation et à la diffusion, mais s’étendit également
aux traitement des informations, avec le développement de possibilités de
croisement des bases de données et de recherches globales, multicritères et
souvent presque instantanées (105). Quant aux risques suscités par cette
transformation dans la conservation, la diffusion et le traitement des in-
formations, il suffit de se remémorer cette erreur d’un employé de l’en-
treprise pharmaceutique Eli Lilly, produisant le célèbre antidépresseur
Prozac : cliquant par inadvertance sur un mauvais bouton, il avait com-
muniqué à tous les abonnés d’une liste de diffusion pour utilisateurs de
Prozac les noms de tous les autres abonnés de la liste…
La fragilisation contemporaine du respect de la vie privée connaît son
expression la plus radicale dans le contexte du cyberespace. Tout d’abord,
l’un des principaux actifs des sociétés dont l’activité première s’exerce ex-
clusivement en ligne (les dot.coms) a été pendant longtemps leur possession
de banques de données de clients actuels ou potentiels. Ceci les poussait à
développer diverses stratégies d’intrusion dans la vie privée de leurs clients
pour en établir les profils ; en ce sens la fourniture de services gratuits sur
Internet avait souvent pour seul but de récolter de telles infor-
mations (106). Quant aux utilisateurs, ils ne réalisent souvent pas que la
finalité du traitement de ces informations peut être aisément détournée.
Pire encore, ils ne se rendent souvent pas compte du fait qu’ils se trouvent
dans une situation où des données les concernant sont divulguées, parce
que la divulgation a en de nombreuses occasions une composante automa-
tique. Par exemple, les cookies permettent d’établir aisément un profil
d’utilisateur en suivant les mouvements de celui-ci sur les diverses pages
d’un site web ou sur celles de sites partenaires (107), révélant ainsi ses pré-

(105) Sur tout ceci, D. GILLIEROT et A. LEFEBVRE, Internet : la plasticité du droit mise à
l’épreuve, Bruxelles, Fondation Roi Baudouin, 1998, p. 28.
(106) Sur tout ceci, L. EDWARDS, « Consumer Privacy, On-Line Business and the Internet :
Looking for Privacy in all the Wrong Places » in Int. J. L. & Tech., 2003, vol. 11, p. 226 et seq.,
spéc. pp. 227–232.
(107) Certains sites web vendent en effet les informations glanées par leurs cookies à des socié-
tés de cybermarketing, ou les échangent avec des sites partenaires. La société DoubleClick, à
laquelle nous reviendrons sous peu, compte ainsi plus de 12'000 sites desquelles elle achète les

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PERTURBATIONS ANNONCÉES 45

férences et ses intérêts. De surcroît, l’informatique permet le croisement de


ces données avec celles qui se trouvent dans d’autres bases de données ; cela
rend la situation plus grave encore (108). On se rappellera simplement à ce
titre l’affaire DoubleClick : cette entreprise, s’étant déjà constituée une
gigantesque banque de données à partir de renseignements glanés sur le
Net, projetait d’acquérir la société Abacus, qui possédait à l’époque la plus
grande base de données conventionnelle de marketing direct au monde. Ce
projet d’acquisition rencontra toutefois une réaction internationale si vio-
lente des lobbies de protection de la vie privée sur Internet que
DoubleClick dut y renoncer (109)…
On notera au surplus que la fragilisation du respect de la vie privée dans
le cyberespace produit également des externalités négatives : la divulgation
volontaire ou involontaire de données personnelles ne présente pas des
effets négatifs uniquement pour ceux qui divulguent ces informa-
tions (110), mais également pour l’ensemble des utilisateurs des réseaux. La
collecte de ces données facilite en effet le spamming (l’envoi de courriers
électroniques publicitaires indésirables) et la pratique des pop-ups person-
nalisés (fenêtres publicitaires intempestives s’ouvrant automatiquement lors
de la consultation d’une page web). Or on sait que spamming et pop-ups
provoquent une surcharge non négligeable des réseaux, autant dans leurs
composantes matérielle qu’humaine, et donc des coûts supplémentaires,

informations de cookies suivant le comportement de 12 millions d’internautes sur un très grand


nombre de sites : Y. POULLET, Compte rendu de l’audition, op. cit. n. 24, p. 3.
(108) Sur l’idée que cette compilation de données facilite largement les possibilités d’atteinte à
la vie privée, y compris par le croisement de données appartenant en soi au domaine public, L.
AUSTIN, « Privacy and the Question of Technology » in L. & Phil., 2003, vol. 22, p. 119 et seq.
(109) Sur cette affaire, voir A. MCKENNA, « Playing Fair With Consumer Privacy in the On-
Line Environment » in Inf. Comm. Tech. Law, 2001, vol. 10, p. 339 et seq., spéc. p. 346.
(110) Pour une discussion de la nature de ces effets négatifs pour les individus dont les données
privées sont divulguées, notamment l’immixtion dans la sphère privée en tant que telle, la violation
de la dignité humaine et la facilitation des dérives totalitaires de l’État par une sur-effectivité
instrumentale de son droit (c’est-à-dire une trop grande capacité de sanction du droit), voir par
exemple L. LESSIG, Code and Other Laws of Cyberspace, op. cit. n. 64, p. 146–149. Dans le même
ordre d’idée, on se demandera si l’on peut « raisonnablement échanger le bénéfice de sa vie privée
contre des avantages sociaux ou économiques [et si l’on peut] négocier sans limite ce qui représente
une liberté fondamentale, un droit de l’Homme » : D. GILLIEROT et A. LEFEBVRE, Internet : la
plasticité du droit mise à l’épreuve, op. cit. n. 105, p. 29. Pour un survol de tout ceci, voir aussi L.
EDWARDS, « Consumer Privacy, On-Line Business and the Internet », op. cit. n. 106, pp. 231–
232.

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46 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

estimés à environ 20 milliards d’euros pour 2003 dans le monde en-


tier (111).
On voit dans ces développements concernant la protection de la vie pri-
vée que la facilitation de l’intrusion dans celle-ci est fonction de l’évolution
de la technique. Mais si cette dernière permet l’intrusion, elle peut égale-
ment l’empêcher, par ce que l’on commence à appeler, de manière élo-
quente, les rights enhancing technologies (112). Des systèmes technologiques
et des standards visant la protection de la vie privée – qualifiés cette fois
plus spécifiquement de privacy enhancing technologies (113) – ont ainsi été
développés pour le cyberespace. Les plus connus sont les PICS (Platforms
for Internet Content Selection) et le P3P (Platform for Privacy Prefer-
ences).
La technologie PICS a été développée par le World Wide Web
Consortium (W3C), un consortium d’entreprises élaborant des recomman-
dations et des standards pour le Web. Elle permet d’ancrer des
informations décrivant le contenu d’une page web dans la page elle-même,
de manière à ce que des filtres électroniques puissent reconnaître, lire et
comprendre ces informations (ce sont ce que l’on appelle des méta-
données). Ce standard avait été développé à l’origine pour les filtres paren-
taux, empêchant les enfants d’accéder à certains types de pages web et a
ensuite été étendu à des utilisations afférant à la protection de la vie privée
et aux signatures électroniques (114).

(111) Ce chiffre se fonde sur les estimations de la société new-yorkaise Basex et la société cali-
fornienne The Radicati Group : voir J. LYMAN, « Spam Costs $20 Billion Each Year in Lost
Productivity » in E-Commerce Times, 29 décembre 2003, <www.basex.com> et The Radicati
Group, Anti-Spam Market Trends, 2003-2007, juillet 2003. Voir aussi E.A. ALONGI, « Has the
U.S. Canned Spam ? » in Ariz. L. Rev., 2004, vol. 46, p. 263 et seq. et J.E. BROCKHOEFT,
« Evaluating the Can Spam Act of 2003 » in Loy. L. & Tech. Ann., 2004, vol. 4, p. 1 et seq.
(112) Y. POULLET, « La technologie et le droit : du défi à l’alliance », op. cit. n. 88, p. 949 et
seq. : « Si l’expression de ‘Privacy Enhancing Technolgies’ (PETS) a ainsi été promue pour dési-
gner des technologies protectrices de notre vie privée, on peut désormais de manière parallèle
parler de ‘Intellectual Property Enhancing Technologies’ (IPETS) voire de ‘Consumer Protection
Enhancing Technologies’ (CPETS) bref regrouper l’ensemble de ces technologies sous le vocable
générique de ‘Rights Enhancing Technologies’ (RETS). »
(113) Voir par exemple H. BURKERT, « Privacy Enhancing Technologies : Typology, Critique,
Vision » in Technology and Privacy : New Landscape, s. dir. Ph. Agre et M. Rotenberg, Cambridge,
Mass., MIT Press, 1997, p. 125 et seq.
(114) Voir <www.w3.org/PICS>, R.P. WAGNER, « Filters and the First Amendment » in
Minn. L. Rev., 1998, vol. 83, p. 755 et seq. et Y. POULLET, « How to Regulate the Internet : New

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PERTURBATIONS ANNONCÉES 47

Le P3P, développé par le même consortium, constitue un standard de


protection de la vie privée sur Internet, permettant de spécifier les types
d’informations échangées avec les sites web visités (115). Il est perçu par de
nombreux auteurs comme la solution la plus prometteuse au problème
global de la protection des données personnelles sur le Net (116). Certes,
ces solutions techniques à caractère autorégulatoire, visant le user empower-
ment, ne sont pas les seules mesures adoptées en vue de la protection des
données. Les textes législatifs, prévoyant des sanctions légales, abondent
dans ce domaine. Cependant, les enquêtes de terrains révèlent clairement à
cet égard un « fossé plus que considérable […] entre les normes et la réa-
lité », dû au fait que « les évaluateurs [des politiques publiques] se conten-
tent de l’existence théorique des mécanismes sanctionnateurs [et] ne cher-
chent pas à savoir si ceux-ci sont effectivement utilisés » (117).
En définitive, on constate que, dans le cyberespace, atteinte et protection
de la vie privée dépendent très largement de la technique. Or, nous l’avons
déjà évoqué, l’importance de la technique a pour corollaire celle des pro-
ducteurs de technologies, qui acquièrent ici le rôle de nouvel acteur de la
régulation de la protection des données personnelles.

SOUS-SECTION III. — AFFAIBLISSEMENT DES


CONSOMMATEURS

L’affaiblissement des consommateurs dans le cyberespace, c’est-à-dire la


modification de l’équilibre global professionnels–consommateurs, est dû au
moins à trois facteurs, que nous évoquerons simplement ici puisqu’ils se-
ront ou ont été examinés plus en détail ailleurs : (i) l’immixtion dans la vie
privée des consommateurs, permettant l’élaboration de stratégies de vente
plus agressives, (ii) la facilitation de la commande, conduisant à l’accéléra-

Paradigms for Internet Governance » in E-Commerce Law and Practice in Europe, s. dir. I. Walden
et J. Hörnle, Cambridge, Woodhead, 2001, Section 1, Chapitre 2, p. 1 et seq., spéc. pp. 2 et 7.
(115) Voir <www.w3.org/P3P> et L.F. CRANOR, « Agents of Choice : Tools that Facilitate
Notice and Choice about Web Site Data Practices », actes du colloque de la 21ème International
Conference on Privacy and Personal Data Protection, 13–15 septembre 1999, Hong Kong, p. 19
et seq., <lorrie.cranor.org/pubs/hk.pdf>.
(116) Par exemple L. LESSIG, Code and Other Laws of Cyberspace, op. cit. n. 64, pp. 159–163.
(117) J.F. PERRIN, « La notion d’‘effectivité’ en droit européen, international et comparé de la
protection des données personnelles » in Mélanges en l’honneur de Bernard Dutoit, s. dir. R. Bieber,
Genève, Droz, 2002, p. 197 et seq., spéc. pp. 200 et 201.

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48 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

tion de la temporalité de la conclusion du contrat et (iii) la distance


potentielle entre consommateurs et professionnels, qui cause des difficultés
quant à la résolution d’un éventuel litige (118). Une analyse complète de
ces causes prendrait encore en considération la structure actuellement quasi
oligopolistique de nombreux secteurs du commerce électronique ; en raison
de l’instabilité économique de ces secteurs et de la limitation que nous
devons nous imposer dans le cadre de cette présentation illustrative, nous
laisserons toutefois cette question de côté.
Les possibilités d’immixtion dans la vie privée des consommateurs
conférées aux cybermarchands par l’évolution technologique sont selon
toute vraisemblance sans précédent dans l’histoire du commerce, comme
nous venons de le relever (119). En conséquence, le consommateur appa-
raît particulièrement démuni face aux vendeurs et aux fournisseurs de servi-
ces sur Internet qui peuvent s’informer, par les cookies, des pages visitées,
du temps de connexion et des diverses actions sur chaque page, du chemin
emprunté pour y accéder, de la nature et du montant des transactions
conclues. Sur la base de ces informations, ils peuvent percevoir ses intérêts,
ses désirs, ses préférences, son attitude de consommation (prudente ou
impulsive), dans une certaine mesure son pouvoir d’achat, sa localisation, sa
langue de préférence. La connaissance de ces paramètres du consommateur
permet ensuite de cibler les offres, de les rendre plus attrayantes, c’est-à-
dire plus difficilement résistibles. Il est connu, par exemple, que des straté-
gies de prix sont développées sur cette base, notamment par Amazon.com,
afin de mieux accommoder les désirs du consommateur (ou de tirer parti de
ses faiblesses consuméristes) (120). Un site de vente de vêtements en ligne,
par exemple, proposait des promotions sur les articles que l’internaute avait
visionné le plus longtemps ou avec le plus de détails lors de son dernier
passage ; craquera, craquera pas ?
Ensuite, comme nous l’étudierons plus en profondeur quand nous trai-
terons des perturbations du temps dans le cyberespace et plus précisément
de sa temporalité commerciale (121), la facilitation de la réalisation d’une

(118) Pour une présentation de ces trois facteurs : Y. POULLET, Compte rendu de l’audition,
op. cit. n. 24, pp. 3–4.
(119) Voir Sous-section II. — Protection de la vie privée, p. 43 et seq. supra.
(120) Sur tout ceci, Y. POULLET, Compte rendu de l’audition, op. cit. n. 24, p. 3.
(121) Voir Section II. — Le temps, p. 56 et seq. infra.

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PERTURBATIONS ANNONCÉES 49

transaction pour le consommateur, dans un endroit qu’il n’associe en prin-


cipe pas à un environnement commercial, entraîne le risque d’une précipi-
tation et donc d’une diminution de son consentement réel. En d’autres
termes, le consommateur est affaibli parce qu’il est amené à agir vite, et
souvent trop vite.
Enfin, les distances entre professionnels et consommateurs, exacerbées
par la caractéristique ubiquiste d’un cyberespace où l’on ne peut pas tou-
jours savoir où son cocontractant est localisé géographiquement, affaiblis-
sent ces derniers. Dans les situations n’impliquant que des transactions
portant sur de faibles montants, la valeur litigieuse sera généralement trop
faible pour qu’une action puisse être raisonnablement intentée en justice. Si
un for est ouvert au lieu de domicile ou de résidence habituelle du consom-
mateur, la disproportion entre coûts et valeur litigieuse apparaîtra au mo-
ment d’entamer une procédure en exécution forcée d’un jugement, par
hypothèse favorable au consommateur. Ce risque de ne pouvoir recourir à
une justice disposant d’une réelle efficacité se révèle en définitive asymétri-
que (il ne concerne que le consommateur et non le professionnel) en raison
du caractère asynchrone de l’exécution des prestations des deux parties. La
pratique dominante en matière de contrats à distance est en effet le paie-
ment à l’avance par le consommateur. Puisque ce dernier devra récupérer
les sommes versées en cas de mauvaise exécution ou de non-exécution du
vendeur ou du fournisseur de services, il devra endosser le rôle de deman-
deur dans la quasi-totalité des cas. Nous aurons l’occasion d’y revenir plus
longuement, étant donné qu’il s’agit là d’une des causes principales de
l’essor de la résolution des litiges en ligne (122).
Il convient toutefois d’évoquer quelques réserves concernant cet affai-
blissement du consommateur. Sa réalité ne fait aucun doute, mais il n’est
pas aussi marqué qu’il n’y paraît de prime abord (123). Tout d’abord, le
consommateur dispose, dans le cyberespace, de nombreuses occasions de

(122) Voir Chapitre VII : La résolution des litiges en ligne comme accès à la justice, p. 251 et
seq. infra.
(123) Voir par exemple, avec toutefois une position extrêmement radicale, S. GUILLEMARD,
« Le cyberconsommateur est mort, vive l’adhérent » in JDI, 2004, p. 7 et seq., spéc. pp. 31–37, qui
conclut que « le cyberconsommateur n’existe pas » ou plutôt qu’il ne devrait pas, au sens juridique du
terme, exister parce qu’il ne mérite pas la protection juridique prévue pour le consommateur
moyen.

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50 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

comparer facilement les offres de plusieurs fournisseurs ou vendeurs et


d’obtenir des informations de sources très variées sur les produits qu’il
s’apprête à acquérir. Quant au marchand, il est dans certains cas une micro-
entreprise, possiblement même composée d’un seul individu, constituant
ainsi une « entreprise unipersonnelle multinationale » (124). De plus, la
stimulation sensorielle, si importante dans de nombreux secteurs du com-
merce de consommation et systématiquement au désavantage du consom-
mateur, est nettement diminuée en ligne.
En dernière analyse, il nous semble que, du point de vue de l’équilibre
global professionnels–consommateurs, les facteurs qui affaiblissent le
consommateur sont davantage déterminants que ceux qui le renforcent.
Certes, l’analyse et la pondération de ces divers facteurs mériteraient en soi
des recherches plus approfondies, mais celles-ci dépasseraient inévitable-
ment le cadre de cette étude ainsi que son orientation juridique. À l’égard
du renforcement du consommateur, nous pensons cependant pouvoir
conclure que, en premier lieu, la faculté de comparer les offres ne permet
guère plus que de faire baisser les prix jusqu’à un profit marginal quasi nul,
vers lequel de nombreux marchés tendent de toute manière ; en ce sens, on
constate empiriquement que les prix pratiqués dans la plupart des domaines
du commerce électronique ne sont pas radicalement plus bas que hors li-
gne. En second lieu, la situation de l’entreprise unipersonnelle multi-
nationale demeure clairement l’exception et non la règle. Quant à la
stimulation sensorielle, on ne peut que constater, quotidiennement, qu’elle
est graduellement reconstruite en ligne, au fur et à mesure que l’on apprend
à se servir d’images animées et interactives pour créer des incitations.

SOUS-SECTION IV. — PROTECTION DES


DÉTENTEURS DE BIENS INFORMATIONNELS

Platon, raconte-t-on, se plaignait déjà que des copies de ses discours circu-
laient sans son autorisation en Sicile. S’il s’en plaignait réellement, on peut
penser qu’il ne pouvait guère s’y opposer : le droit d’auteur n’existait pas. Il
n’existait pas parce qu’il ne semblait pas nécessaire d’interdire les copies

(124) C. KESSEDJIAN, « Aspects juridiques du e-trading : règlement des différends et droit ap-
plicable » in Journée 2000 de droit bancaire et financier, s. dir. L. Thévenoz et Ch. Bovet, Berne,
Stämpfli, 2000, p. 65 et seq., spéc. p. 69 et seq.

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PERTURBATIONS ANNONCÉES 51

abusives, en raison de la limitation naturelle imposée aux copistes par leur


travail : l’imprimerie n’existait pas. Celle-ci ne fut inventée par Gutenberg
que quelque 20 siècles plus tard, en 1440, rendant alors les copies progres-
sivement plus aisées. Dans la même mesure, le besoin de protection des
œuvres originales se fit graduellement sentir. Après une série de balbutie-
ments législatifs dans plusieurs pays d’Europe, Victor Hugo, dans un très
pertinent plaidoyer en faveur de la protection des droits d’auteur prononcé
lors d’un congrès littéraire international en 1877, énonça l’équilibre néces-
saire et les principes fondamentaux du droit d’auteur contemporain, mis en
œuvre quelques années plus tard dans la Convention de Berne (125). D’un
côté, il s’agit de stimuler la création d’idées en récompensant l’auteur par
des droits conférés sur son œuvre. De l’autre, on trouve la nécessité de faire
circuler les idées, pour qu’elles puissent à leur tour être à l’origine de nou-
velles idées, en limitant les droits de l’auteur. Ni manque de protection ni
surprotection, un équilibre doit donc être maintenu entre les intérêts des
auteurs et des utilisateurs, entre les idées existantes et à venir, entre les
anciens et les nouveaux auteurs, la créativité des seconds reposant sur le
travail des premiers (126). Or cet équilibre, constitutif du fondement
même du droit d’auteur, est menacé par la révolution technique introduite
par Internet (127).
Durant les années 1990, on pensait que le droit d’auteur serait l’une des
premières victimes du cyberespace : tout ce qui est véhiculé par Internet est

(125) Convention de Berne pour la protection des oeuvres littéraires et artistiques, du 9


septembre 1886, complétée à Paris le 4 mai 1896, révisée à Berlin le 13 novembre 1908, complétée
à Berne le 20 mars 1914 et révisée à Rome le 2 juin 1928, à Bruxelles le 26 juin 1948, à Stockholm
le 14 juillet 1967, à Paris le 24 juillet 1971, et modifiée le 28 septembre 1979 (RS 0.231.13).
(126) Sur cet équilibre, voir par exemple R.A. POSNER, Law and Literature, 2ème éd.,
Cambridge, Mass., Harvard Univ. Press, 1998, pp. 396-97.
(127) De manière générale sur le sujet, avec une vue plus large que celle retenue en ce qu’elle
prend en compte les effets de cette révolution technique sur l’ensemble des droits d’auteur et de la
créativité dans nos sociétés contemporaines, au-delà des œuvres et des activités véhiculées par In-
ternet, voir L. LESSIG, Free Culture : How Big Media Uses Technology and the Law to Lock Down
Creativity, New York, Penguin Press, 2004.
Sur la distinction entre droit d’auteur et copyright et une brève application aux activités du
cyberespace, voir M. VIVANT, « Droit d’auteur et copyright : quelles relations ? » in Le droit inter-
national de l’internet, s. dir. G. Chatillon, Bruxelles, Bruylant, 2003, p. 445 et seq. et M.B.
ANDERSEN, « Copyright et droits d’auteur. Note sur les différences entre les cultures juridiques et
les implications pratiques – aujourd’hui et demain » in ibid., p. 543 et seq. Sur la même distinction,
de manière plus générale, A. STROWELL, Droit d’auteur et copyright. Divergences et convergences,
Paris, LGDJ, 1993.

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52 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

sous forme numérique et peut, en principe, faire l’objet d’un nombre infini
de copies parfaites, sans dégradation de qualité et à des coûts quasi
nuls (128). John Perry Barlow, célèbre défenseur radical du caractère liber-
taire du cyberespace, clamait ainsi fièrement que « tout ce que vous savez
sur la propriété intellectuelle est [désormais] faux » (129). Il était également
des auteurs beaucoup plus sérieux, comme René-Jean Dupuy, pour défen-
dre la même thèse et affirmer que « pour l’heure, le régime de l’Internet est
celui de la totale liberté. [Le cyberespace] réduit à néant la protection de la
propriété intellectuelle et rend malaisée la perception des droits
d’auteur » (130).
Toutefois, la réalité semble actuellement évoluer dans le sens contraire.
À côté de la crainte d’un manque de protection des titulaires de droits
d’auteur émerge en effet celle d’une surprotection des détenteurs de « biens
informationnels » (131). On se rend compte, aujourd’hui, que la technique,
qui permet de porter atteinte aux droits d’auteur, peut également être uti-

(128) N. NEGROPONTE, Being Digital, New York, Vintage Books, 1995, p. 58 : « most people
worry about copyright in terms of the ease of making copies. In the digital world, not only the ease
is at issue, but also the fact that the digital copy is as perfect as the original and, with some fancy
computing, even better than the original. »
(129) J.P. BARLOW, « Selling Wine Without Bottles : The Economy of Mind on the Global
Net » in Wired, 2 mars 1993.
(130) R.J. DUPUY, « Le dédoublement du monde » in RGDIP, 1996, p. 313 et seq., spéc.
p. 317. Dans le même sens, T. VINJE, « A brave new world of technical protection : will there still
be a room for copyright ? » in EIPR, 1996, vol. 8, p. 430 et seq. Pour une discussion de cette
position, L. LESSIG, Code and Other Laws of Cyberspace, op. cit. n. 64, pp. 124–125 et G.
GREENLEAF, « An Endnote on Regulating Cyberspace : Architecture vs Law ? » in UNSW Law
Journal, 1998, vol. 21, p. 593 et seq., spéc. 618.
(131) L. LESSIG, Code and Other Laws of Cyberspace, op. cit. n. 64, p. 127 : « the power to regu-
late access to and use of copyrighted material is about to be perfected. Whatever the mavens of the
mid-1990s may have thought, cyberspace is about to give holders of copyrighted property the
biggest gift of protection they have ever known » et p. 135 et seq., Y. POULLET, « Quelques
considérations sur le droit du cyberespace » in Les dimensions internationales du droit du cyberespace,
s. dir. T. Fuentes-Camacho, Paris, Éd. UNESCO/Economica, 2000, p. 185 et seq., spéc. p. 192 :
« ces protections rendent inutiles les régimes de protection juridique, elles assurent aux détenteurs
de simples ‘biens’ informationnels une protection dont l’efficacité et l’ampleur sont sans commune
mesure avec celles accordées par le droit de propriété intellectuelle en exception au principe sacré
de libre circulation des idées », ID., Compte rendu de l’audition, op. cit. n. 24, p. 4 et seq., G.
GREENLEAF, « An Endnote on Regulating Cyberspace : Architecture vs Law ? », op. cit. n. 130,
p. 618 et seq., D. GILLIEROT et A. LEFEBVRE, Internet : la plasticité du droit mise à l’épreuve, op.
cit. n. 105, p. 32 et seq. et M. STEFIK, « Shifting the Possible : How Trusted Systems and Digital
Property Rights Challenge Us to Rethink Digital Publishing » in Berkeley Tech. L.J., 1997, vol. 12,
p. 137 et seq.

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PERTURBATIONS ANNONCÉES 53

lisée pour protéger, par des intellectual property enhancing technologies, les
œuvres couvertes par ces droits (132). En d’autres termes, comme l’écrit
Charles Clark, « the answer to the machine is in the machine » (133). Or cette
protection peut atteindre une efficacité que la législation, opérant par la
menace de sanctions, n’aurait jamais pu déployer. Mais cette très grande
efficacité conduit à une trop grande protection : les systèmes de gestion
numérisée des droits d’auteur (que l’on appelle souvent ECMS pour elec-
tronic copyright management systems) confèrent à leurs utilisateurs une dou-
ble surprotection, celle-ci étant à la fois trop large et trop stricte (134).
Nous y reviendrons.
Les ECMS recouvrent un nombre relativement important de techno-
logies (135). Parmi celles-ci, on citera tout d’abord les filigranes ou ta-
touages numériques (digital watermarks), qui peuvent être apposés sur tout
type de document textuel ou graphique, pour autant qu’il soit sous forme
électronique (136). Ces filigranes peuvent contenir des informations inef-
façables sur les titulaires de droits sur le document. Les agents indexeurs
(spiders, crawlers, ou encore bots), qui parcourent le web à la recherche de
copies électroniques d’œuvres identifiables, en forment un autre exem-
ple (137). On mentionnera encore les œuvres numériques envoyant au-
tomatiquement un rapport à une centrale lors de chaque utilisation ou
visualisation de celles-ci et, dans le même ordre d’idées, les conteneurs

(132) Pour une introduction aux mesures techniques de protection des droits d’auteurs, voir par
exemple Th. VERBIEST et É. WÉRY, Le droit de l’internet et de la société de l’information. Droits
européen, belge et français, Bruxelles, Larcier, 2001, p. 122 et seq. Pour une défense de ces méca-
nismes, M. MOSSÉ, « Droits d’auteurs et exception pour copie privée à l’ère de l’Internet » in Le
droit international de l’internet, s. dir. G. Chatillon, Bruxelles, Bruylant, 2003, p. 459 et seq.
(133) Ch. CLARK, « The answer to the machine is in the machine » in The future of copyright in
a digital environment, s. dir. B. Hugenholtz, La Haye, Kluwer, 1996, p. 139 et seq.
(134) De manière générale, voir T.W. BELL, « Fair Use vs. Fared Use : The Impact of Auto-
mated Rights Management on Copyright’s Fair Use Doctrine » in N.C. L. Rev., 1998, vol. 76,
p. 557 et seq.
(135) Sur ces systèmes, S. DUSOLLIER, Droit d’auteur et protection des oeuvres dans l’univers
numérique – Droits et exceptions à la lumière des dispositifs de verrouillage des œuvres, Bruxelles,
Larcier, 2005, à paraître et J. KAESTNER, « Intellectual Property – Law and Technology Conver-
gence : Copyright » in E-Commerce Law and Practice in Europe, s. dir. I. Walden et J. Hörnle,
Cambridge, Woodhead, 2001, Section 3, Part 2.
(136) Voir par exemple Th. VERBIEST et É. WÉRY, Le droit de l’internet et de la société de
l’information, op. cit. n. 132, p. 124.
(137) Sur ces agents, voir L. LESSIG, The Future of Ideas, op. cit. n. 35, pp. 180–183.

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54 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

cryptographiques, qui permettent la libre distribution de copies tout en


soumettant leur utilisation ou visualisation à l’obtention d’une clé électro-
nique. On évoquera au surplus les systèmes ne permettant qu’un nombre
fini de lectures ou pendant une durée limitée, voire sur un équipement
particulier. Finalement, il convient de faire mention des systèmes de
confiance (trusted systems), qui reposent sur la combinaison entre un logiciel
de contrôle et un logiciel de gestion des communications. Le premier est
implanté dans certains ordinateurs où il contrôle l’utilisation des œuvres
protégées, le second restreint la transmission d’œuvres protégées, ne la
permettant que vers les environnements électroniques équipés d’un logiciel
de contrôle. En d’autres termes, ces œuvres ne peuvent être transmises que
vers les systèmes informatiques qui les protègeront (138).
Ces technologies confèrent une protection trop large parce qu’elles sont
aveugles au contenu de l’oeuvre qu’elles protègent. Elles étendent ainsi leur
protection également aux aspects que les législations sur le droit d’auteur ne
visaient pas à protéger, par exemple les œuvres non originales, triviales ou
appartenant au domaine public (139). Ce ne sont donc plus les inventeurs
qui sont protégés, mais tout détenteur d’un « bien informationnel », pour
reprendre ici les termes d’Yves Poullet, c’est-à-dire tout détenteur d’un
ensemble d’informations auquel il applique un ECMS. En effet, toutes les
données qui circulent sur Internet ne forment de toute évidence pas une
œuvre originale et ne sont donc pas juridiquement protégeables par les
droits d’auteur. Cependant, toute donnée qui y circule peut, dans les faits,

(138) L. LESSIG, Code and Other Laws of Cyberspace, op. cit. n. 64, p. 129 : « this system would
function by discriminating in the intercourse it has with other systems […] and copyrighted mate-
rial would be traded only among systems that properly controlled access » et M. STEFIK, « Shifting
the Possible », op. cit. n. 131. Pour des exemples, G. GREENLEAF, « An Endnote on Regulating
Cyberspace : Architecture vs Law ? », op. cit. n. 130, p. 620 et seq.
(139) S. DUSOLLIER, « Incidences et réalités d’un droit de contrôler l’accès aux œuvres en droit
européen » in Le droit d’auteur : un contrôle de l’accès aux œuvres, Bruxelles, Bruylant, 2000, p. 26 et
seq., spéc. pp. 40–41 : « en matière de cryptographie et d’accès sécurisé, la technique n’épouse plus
parfaitement les prérogatives de l’auteur. Il ne s’agit plus seulement de renforcer l’effectivité des
droits exclusifs, droits de reproduction, de communication ou droit moral, par exemple, par le fait
de la technique mais bien d’exercer de manière automatisée la gestion d’un service de distribution
de contenus digitaux, qu’ils soient protégés par le droit d’auteur ou non » (nous soulignons). Voir aussi
Y. POULLET, Compte rendu de l’audition, op. cit. n. 24, p. 5.

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PERTURBATIONS ANNONCÉES 55

être protégée par une technologie appropriée, protection qui se réclame


généralement des droits d’auteur (140).
Ces technologies confèrent ensuite une protection trop stricte parce
qu’elles ignorent la diversité des utilisations qui peuvent être faites d’une
œuvre. Ces technologies ne peuvent guère, et ceux qui les utilisent ne le
désirent souvent pas, discriminer les utilisations effectivement protégées
par les droits d’auteur de celles relevant d’un régime d’exception (dans les
droits de tradition romano-germanique) ou d’une situation de fair use (en
common law). Si la technologie peut ainsi interdire toute utilisation que ses
producteurs ou ses utilisateurs ne veulent pas permettre, les droits de
consulter, de transmettre, de prêter les œuvres acquises (le fondement
même des bibliothèques), les droits à la copie privée, les droits de citation,
les exceptions au bénéfice de la recherche scientifique et de l’éducation
risquent forts d’être bafoués (141). C’est en quelque sorte la proportion-
nalité de la protection qui est ici ignorée : tout bien informationnel peut
être protégé totalement, sans respect des intérêts des utilisateurs et des
futurs inventeurs.
Finalement, ces surprotections sont reconnues, mises en œuvre juridi-
quement, consacrées par un nombre croissant de traités, de directives et de
lois, qui interdisent la neutralisation ou le contournement d’un ECMS,
voire la simple publication d’informations visant une telle neutralisation ou
un tel contournement. Il en va ainsi du Traité de l’OMPI sur le droit
d’auteur (142), de la Directive européenne sur le droit d’auteur (143), de la

(140) Y. POULLET, « Quelques considérations sur le droit du cyberespace », op. cit. n. 131,
p. 192 et D. GILLIEROT et A. LEFEBVRE, Internet : la plasticité du droit mise à l’épreuve, op. cit. n.
105, pp. 32–33.
(141) Sur tout ceci, T.W. BELL, « Fair Use vs. Fared Use », op. cit. n. 134, p. 563 et seq., L.
LESSIG, The Future of Ideas, op. cit. n. 35, p. 180 et seq., ID., Code and Other Laws of Cyberspace, op.
cit. n. 64, pp. 134, 137–139, 197 et Y. POULLET, « Quelques considérations sur le droit du cyber-
espace », op. cit. n. 131, p. 192.
(142) L’art. 11 Traité de l’OMPI sur le droit d’auteur, du 20 décembre 1996 dispose ainsi que
« les Parties contractantes doivent prévoir une protection juridique appropriée et des sanctions
juridiques efficaces contre la neutralisation des mesures techniques efficaces qui sont mises en
œuvre par les auteurs dans le cadre de l’exercice de leurs droits en vertu du présent traité et qui
restreignent l’accomplissement, à l’égard de leurs œuvres, d’actes qui ne sont pas autorisés par les
auteurs concernés ou permis par la loi. »
(143) Art. 6 al. 1 Directive 2001/29 du Parlement Européen et du Conseil, du 22 mai 2001,
sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de
l’information, JO L 167 du 22.6.2001, p. 10 : « les États membres prévoient une protection juridi-

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56 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

Directive européenne sur la protection juridique des programmes


d’ordinateur (144) et du Digital Millennium Copyright Act américain
(DMCA) (145).
À l’issue de l’analyse, on constate donc que la protection des œuvres
informationnelles ne se fait plus tant par le droit étatique, selon les droits
subjectifs que celui-ci reconnaît, que par les nouvelles technologies et les
personnes qui peuvent les financer. Cet exemple montre donc, à nouveau,
la remise en question des équilibres inscrits au fondement du droit et la
montée en puissance de certains acteurs privés ainsi que des producteurs de
technologies.

SECTION II. — Le temps

Comme nous l’avons exposé plus haut (146), les nouvelles technologies en
matière de télécommunication, de transmission d’information et de stoc-
kage des données, les fibres optiques et les satellites évoluant en orbite
basse ont permis de transmettre plus d’informations en moins de temps. Ils
ont en conséquence accéléré le temps de la communication. Conjuguée
avec d’autres causes sociétaires contemporaines, l’accélération du temps de
la communication a conduit à celle du temps social : on veut, pour le dire
simplement, que tout aille vite. L’accélération du temps social a, à son tour,

que appropriée contre le contournement de toute mesure technique efficace, que la personne
effectue en sachant, ou en ayant des raisons valables de penser, qu’elle poursuit cet objectif. » Pour
une analyse de cette directive, S. DUSOLLIER et A. STROWEL, « La protection légale des systèmes
techniques : analyse de la directive 2001/29 sur le droit d’auteur dans une perspective compara-
tiste » in Propriétés Intellectuelles, 2001, vol. 1, p. 10 et seq.
(144) Art. 7 al. 1, lit. c Directive 91/250 du Conseil, du 14 mai 1991, concernant la protection
juridique des programmes d’ordinateur, JO L 122 du 17.5.1991, p. 42 : « les États membres pren-
nent […] des mesures appropriées à l’encontre des personnes qui […] mett[ent] en circulation ou
dét[iennent] à des fins commerciales tout moyen ayant pour seul but de faciliter la suppression non
autorisée ou la neutralisation de tout dispositif technique éventuellement mis en place pour proté-
ger un programme d’ordinateur. »
(145) Digital Millennium Copyright Act, Pub. L. no 105-304, 112 Stat. 2860, 1998, codifié en
diverses sections de 17 U.S.C., 28 U.S.C. et 35 U.S.C. Voir spéc. 17 U.S.C. 1201, lit. a, ch. 1,
sub-lit. A : « no person shall circumvent a technological measure that effectively controls access to
a work protected under this title ». Voir aussi, pour une discussion critique, L. LESSIG, « Law
Regulating Code Regulating Law » in Loy. U. Chi. L.J., 2003, vol. 35, p. 1 et seq., spéc. p. 7 et seq.
(146) Voir Sous-section I. — Ubiquité : dématérialisation, détemporalisation,
déterritorialisation, p. 31 et seq. supra.

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PERTURBATIONS ANNONCÉES 57

conduit, d’un côté, à celle du temps commercial ou transactionnel (vitesse


de la conclusion des contrats) et, de l’autre, à celle du temps de la création
normative juridique (vitesse de la production législative) (147). Ces deux
dernières accélérations constituent des perturbations pour le droit dans le
cyberespace.

SOUS-SECTION I. — ACCÉLÉRATION DU TEMPS


TRANSACTIONNEL

« Freiner la rapidité des transactions [est une] nécessité pour assurer la


protection des consommateurs » (148). Ainsi s’exprimait, en 1988 déjà,
Thierry Bourgoignie, en réaction surtout au développement du télé-achat
et des ventes à distances. Le télé-achat, disait-on déjà à l’époque, facilitait
outre mesure la conclusion de la transaction, favorisant ainsi les achats
d’impulsion (149). La problématique, on le comprend aisément, est exa-
cerbée dans le contexte du commerce électronique ; le temps transactionnel
y est encore accéléré.
La facilitation extrême de la commande, combinée à la flexibilité de la
carte de crédit et à l’identification facilitée des désirs des clients par le ven-
deur ou le fournisseur de services en ligne (150), permet la conclusion de
contrats en un temps extrêmement court. La réflexion nécessaire au
consentement réellement libre et éclairé devient de plus en plus difficile.
On peut voir ainsi comment des auteurs tels que François Ost (théoricien
du temps juridique) et Thomas Hoeren (théoricien du commerce électro-
nique) se rejoignent pour relever un double phénomène. D’un côté, le
« temps des facteurs » est écarté. Le délai postal qui crée un délai de ré-
flexion de fait n’existe plus. En effet, il n’est plus guère possible de formuler
une rétractation avant que la déclaration de volonté ne soit parvenue au

(147) Sur l’accélération du temps du droit, voir surtout F. OST, Le temps du droit, op. cit. n. 76,
pp. 251 et seq.
(148) Th. BOURGOIGNIE, Éléments pour une théorie du droit de la consommation, Bruxelles,
Story-scientia, 1988, p. 197, cité par F. OST, « Le commerce en ligne : courts-circuits et excès de
vitesse » in Le consentement électronique, s. dir. B. de Nayer et J. Laffineur, Louvain-la-Neuve,
Centre de droit de la consommation, 2000, p. 187 et seq., spéc. p. 198.
(149) Pour des statistiques confirmant la réalité de ce phénomène, B. BIZEUL, Le télé-achat et le
droit des contrats, Paris, CNRS, 1998, pp. 114 et seq. et 130 et seq.
(150) Voir Sous-section II. — Protection de la vie privée, p. 43 et seq. supra et Sous-section
III. — Affaiblissement des consommateurs, p. 47 et seq. supra.

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58 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

vendeur ou au fournisseur de services. Certes, la Directive sur la vente à


distance a introduit un droit de rétractation de sept jours après la réception
des biens commandés par le consommateur ou, pour les services, à compter
du jour de la conclusion du contrat (151). Cependant, ce droit est non
seulement méconnu de la plupart des consommateurs, mais il connaît de
plus un certain nombre d’exceptions (152). Il ne peut notamment pas être
exercé dans le contexte d’une vente aux enchères, alors qu’il s’agit là de
l’une des formes privilégiées du commerce en ligne. En conséquence, cette
solution ne semble compenser que tout à fait partiellement la perte du délai
de réflexion de fait (153). Par ailleurs, la signature est facilitée et accélérée à
l’extrême, la coupant du ritualisme qui en fait un acte symbolique. Ainsi, la
signature électronique, en raison de l’automatisation possible de son appo-
sition, ne remplacera probablement jamais totalement « l’engagement sym-
bolique fort que représente la signature en nom propre » (154) et ne pourra
ainsi pas remplir à satisfaction sa fonction d’avertisseur (155). On rappel-

(151) Art. 6 al. 1 Directive 97/7 du Parlement européen et du Conseil, du 20 mai 1997,
concernant la protection des consommateurs en matière de contrats à distance (Directive sur la
vente à distance), JO L 144 du 4.6.1997, p. 19.
(152) L’art. 3 Directive sur la vente à distance prévoit ainsi que « la présente directive ne
s’applique pas aux contrats : portant sur les services financiers dont une liste non exhaustive figure à
l’annexe II, [c’est-à-dire les ‘services d’investissement, les opérations d’assurance et de réassurance,
les services bancaires, les opérations ayant trait aux fonds de pensions et les services visant des
opérations à terme ou en option’], […] [ou] conclus lors d’une vente aux enchères » et l’art. 6 al. 3
dispose que « sauf si les parties en ont convenu autrement, le consommateur ne peut exercer le
droit de rétractation […] pour les contrats : de fourniture de services dont l’exécution a commencé,
avec l’accord du consommateur, avant la fin du délai de sept jours ouvrables […], de fourniture de
biens ou de services dont le prix est fonction de fluctuations des taux du marché financier, que le
fournisseur n’est pas en état de contrôler, de fourniture de biens confectionnés selon les spécifica-
tions du consommateur ou nettement personnalisés ou qui, du fait de leur nature, ne peuvent être
réexpédiés ou sont susceptibles de se détériorer ou de se périmer rapidement, de fourniture
d’enregistrements audio ou vidéo ou de logiciels informatiques descellés par le consommateur, de
fourniture de journaux, de périodiques et de magazines, de services de paris et de loteries. »
(153) En ce sens, Th. HOEREN, « Internet und Recht – Neue Paradigmen des Informations-
rechts », op. cit. n. 68, pp. 2851–2852. Sur le « temps des facteurs », F. OST, « Le commerce en
ligne : courts-circuits et excès de vitesse », op. cit. n. 148, p. 195.
(154) F. OST, « Le commerce en ligne : courts-circuits et excès de vitesse », op. cit. n. 148,
p. 197, qui poursuit, p. 198, en affirmant que « loin de relever d’un formalisme dépassé, ces enga-
gements personnels et ces documents écrits permettent, en effet, outre l’appropriation personnelle
de l’opération par le débiteur, l’indispensable temps de réflexion nécessaire à celle-ci. »
(155) Th. HOEREN, « Internet und Recht – Neue Paradigmen des Informationsrechts », op.
cit. n. 68, p. 2852 « in der Tat wird erfüllt eine digitale Signatur bei Beachtung der [...]
Sicherheitsanforderungen die meisten Funktionen der Unterschrift, von der Abschluss- bis hin zur
Echtheitsfunktion. Großzügig hinweggegangen wird dabei jedoch über den Verlust der Warn-

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PERTURBATIONS ANNONCÉES 59

lera encore que la signature manuscrite n’est certes pas requise ad validatem
pour les transactions de consommateurs hors ligne, mais elle est, de fait,
souvent exigée ad probationem par les fournisseurs. La perte de temps de
réflexion et de décision causée par le gain de temps dans la transaction doit
être compensée et le droit doit réapprendre à instituer la lenteur, au détri-
ment de l’accélération du temps social (156). L’accélération du temps
transactionnel et la facilitation de la conclusion des transactions se réalisent
toujours au désavantage du consommateur ; cela constitue une évidence qui
se dégage inéluctablement de l’expérience quotidienne de tout consomma-
teur ordinaire.
En l’absence de cette protection par la lenteur, on peut s’attendre à ce
que les consommateurs se tournent vers d’autres sources de protection, par
exemple celle des acteurs technologiques (bots pour la comparaison des
prix) ou privés (codes de conduite respectés par les marchands, attestés par
un label et assurés par un moyen spécifique de résolution des litiges opérant
par exemple en ligne).

SOUS-SECTION II. — TEMPS DE LA PRODUCTION


NORMATIVE JURIDIQUE

Avec les nouvelles technologies qui forment Internet et rendent possible le


cyberespace, il est question d’une nouvelle temporalité, contingente, de
l’intervention normative. Ainsi, Axel Lefebvre et Étienne Montero écri-
vent-ils, en ouverture d’un ouvrage tirant les leçons de 20 ans de recherches
en droit de l’informatique au Centre de recherches informatique et droit de
Namur, que « les dispositifs techniques présentent la difficulté de remettre
en cause des équilibres mis en place par le législateur. Faut-il modifier la loi
en y inscrivant ces systèmes techniques pour leur attribuer un régime juri-

funktion. Wer etwas handschriftliches zu unterzeichnen hat, wird durch diesen Vorgang deutlich
darauf hingewiesen, dass er dabei ist, etwas Rechtserhebliches zu tun. Diese Warnung entfällt,
wenn digitale Signaturen binnen Sekundenbruchteilen automatisiert generiert und verschickt
werden. »
(156) Ibid., p. 2852 : « Dieser Verlust [an Zeitlicher Verzögerung] muss kompensiert werden ;
es bedarf in größerem Umfang der juristischen (Wieder-)Entdeckung der Langsamkeit » et F.
OST, « Le commerce en ligne : courts-circuits et excès de vitesse », op. cit. n. 148, p. 198, concluant
qu’il faut « rendre le temps au consommateur en ligne, [ce] temps de refroidir les passions et de
passer de l’impulsion électronique, si bien accordée à la toute puissance du désir, à la médiation
juridique, gage du retour à la réalité. »

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60 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

dique ? On peut en douter car l’évolution de la technologie est telle que les
textes législatifs devraient être refondus avec une périodicité incompatible
avec la notion même de la loi » (157).
Il s’agit donc ici, dans le contexte global de la régulation des activités vé-
hiculées par les réseaux, de la remise en chantier permanente de la norme,
de l’incessante production normative juridique, de la temporalité contin-
gente d’une intervention normative qui doit sans cesse être adaptée à
l’évolution technologique et sociale. Or, dans cette course à la régulation,
« l’importance nouvelle des flux signale un changement des modalités de
contrôle, qui se situent désormais », écrit Habermas, « moins dans l’espace
que dans le temps. Le déplacement du centre d’intérêt, avec le passage du
‘souverain du territoire’ au ‘maître de la vitesse’, semble priver l’État natio-
nal de son pouvoir » (158). En d’autres termes, puisque les territoires et les
frontières se délitent sous l’effet de l’ubiquité de l’information dans le
cyberespace, il devient moins important de maîtriser un territoire (privilège
de l’État) pour pouvoir y imposer sa normativité que d’être le premier à
occuper le terrain régulatoire. Il importe d’être le premier à proposer et
faire accepter – ou d’imposer, si l’acteur non étatique peut mobiliser une
forme de contrainte autre que celle physique sur un territoire délimité (159)
– un corpus de normes, une forme de régulation.
Or ce sont les secteurs privés, et non l’État, qui s’approprient le rôle de
maître de la vitesse en raison de la simplicité, de la souplesse et de la ré-
activité de leurs processus de production normative (160). Par ailleurs, plus

(157) A. LEFEBVRE et É. MONTERO, « Informatique et droit : vers une subversion de l’ordre


juridique ? » in Droit des technologies de l’information. Regards prospectifs, s. dir. É. Montero, Namur,
FUNDP / Bruxelles, Bruylant, 1999, p. iii et seq., spéc. p. xviii (nous soulignons).
(158) J. HABERMAS, Après l’État-nation. Une nouvelle constellation politique, trad. R. Rochlitz,
Paris, Fayard, 2000, p. 56.
(159) Voir Section III. — Concurrence des appareils coercitifs, p. 317 et seq. infra.
(160) Voir F. OST et M. VAN DE KERCHOVE, De la pyramide au réseau ?, op. cit. n. 21, p. 155 :
« dès lors que les territoires sont transis de flux et les frontières traversées de réseaux, quelle est
encore la pertinence de la soi-disant maîtrise des espaces clôturés (territoire de la sécurité politique,
espace symbolique de la conscience citoyenne, frontière de l’économie nationale) ? », puis, ayant
pris acte de l’importance de la vitesse de la réaction normative, les auteurs concluent que « à ce jeu,
l’État est perdant également, la capacité de réaction des acteurs privés transnationaux étant bien
supérieure à la sienne. » Pour un aperçu des techniques législatives devant permettre à l’État
d’accélérer le rythme de sa production normative, appliquées aux problématiques générées par les
communications électroniques, voir B. COTTIER, « Le droit de la communication électronique ou
comment régir l’évolutif » in Le droit des télécommunications en mutation, s. dir. B. Cottier,

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PERTURBATIONS ANNONCÉES 61

le lieu de production du droit est proche de ses destinataires ou de leur


milieu, plus l’adaptativité de la régulation sera grande. Les besoins et les
intérêts en jeu se font dans ce cas plus rapidement sentir et les normes peu-
vent plus facilement viser juste dans un contexte ou la complexité des do-
maines à réguler s’ajoute à leur rapide et permanente évolution. Ici aussi, les
secteurs privés l’emportent : la proximité par rapport au milieu et aux desti-
nataires est précisément l’idée première de l’autorégulation. Dans le même
ordre d’idée, les processus de résolution des litiges extrajudiciaires (et donc
en général privés) sont en principe plus rapides que les procédures judiciai-
res et sont donc généralement préférés à celles-ci, surtout, comme nous le
verrons (161), s’ils ont lieu en ligne.
Tout ceci diminue ultimement la puissance des États, permettant ainsi à
d’autres acteurs de la régulation d’émerger ou de prendre davantage de
puissance. L’État, d’ailleurs, le reconnaît souvent et soit n’intervient sim-
plement pas dans la régulation, ou délègue ses prérogatives et ses tâches aux
secteurs privés, ou encore collabore avec ceux-ci (162).

SECTION III. — L’espace

Le cyberespace pose des problèmes à l’égard de l’espace géographique de


l’intervention normative. Il s’agit probablement là de sa caractéristique la
plus manifeste. Étant donné que la notion d’espace ou de territoire est fon-
damentalement liée à celle de souveraineté, nous nous proposons d’analyser
ces problèmes liés à l’espace géographique à la lumière de deux dimensions
du concept de souveraineté (163). Tout d’abord, nous nous intéresserons à
la souveraineté internationale, en tant que délimitation, fondée sur le ter-
ritoire, de la puissance de chaque État par rapport aux autres. Par la nature
transfrontière des réseaux, les activités véhiculées par ceux-ci ont aisément

Fribourg, Éd. univ. Fribourg, 2001, p. 493 et seq., spéc. p. 501 et seq., sous titre « Légiférer plus
rapidement ».
(161) Voir Chapitre VII : La résolution des litiges en ligne comme accès à la justice, p. 251 et
seq. infra.
(162) Sur ceci, voir Section II. — Premier modèle : l’autorégulation, p. 102 et seq. infra et
Section IV. — Troisième modèle : la co-régulation, p. 134 et seq. infra.
(163) Pour une telle approche, dépassant le contexte du cyberespace mais offrant une grande
clarté dans l’analyse : J. LECA, « L’État creux », op. cit. n. 89, p. 98.

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62 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

des effets extraterritoriaux. En réaction, les États sont poussés à donner eux
aussi des effets extraterritoriaux à leurs lois, afin de protéger leurs popula-
tions et les intérêts essentiels de leurs ordres juridiques. Ensuite, nous exa-
minerons la souveraineté sous l’angle de la puissance d’État, c’est-à-dire la
relation entre ce dernier, dominant, et ses sujets, dominés. En d’autres
termes, nous y évoquerons des questions relatives à son pouvoir de mise en
œuvre du droit. Ici, le problème est que l’ubiquité et l’accessibilité de
l’information dans le cyberespace sapent ce pouvoir de domination en per-
mettant le développement de stratégies d’évitement législatif. Ces stratégies
suscitent le risque d’un dumping réglementaire et conduisent à l’émergence
de nouvelles formes d’intermédiation politique sans l’État. De plus, le dé-
veloppement des technologies contemporaines de cryptographie et d’ano-
nymisation, ainsi que la difficulté technique et temporelle de la régulation
de certains domaines relevant du droit du cyberespace affaiblissent le
pouvoir de l’État par rapport à ses sujets. Avant d’aborder toutefois ces
deux dimensions de la souveraineté mises à mal par le développement d’In-
ternet et les différentes problématiques que nous venons d’énumérer, arrê-
tons-nous quelques instants sur le principe ou paradigme de la territorialité,
afin de donner un premier cadre théorique à la discussion qui suivra.

SOUS-SECTION I. — CONSIDÉRATIONS
GÉNÉRALES SUR LE PRINCIPE DE TERRITORIALITÉ
ET LE CYBERESPACE

Le principe de territorialité repose sur l’idée de la domination de l’État sur


son territoire. Il s’agit d’un paradigme central à la notion même d’État, une
condition essentielle à sa souveraineté. La maîtrise par celui-ci du pouvoir
sur son territoire, « domination consacrée par la loi et par le contrôle direct
des instruments de violence intérieure et extérieure » (164), lui assure sa su-
prématie dans l’ordre interne et son indépendance vers l’extérieur. La
réalisation de ce principe fut même, dit-on, « la première étape de la cons-
titution de l’État » (165).

(164) A. GIDDENS, The Nation-State and violence, Cambridge, Polity Press, 1985, p. 121. Voir
aussi R. CARRÉ DE MALBERG, Contribution à la théorie générale de l’État, op. cit. n. 75, p. 5.
(165) F. OST et M. VAN DE KERCHOVE, De la pyramide au réseau ?, op. cit. n. 21, p. 128.

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PERTURBATIONS ANNONCÉES 63

Ce principe est formé de deux éléments, qui posent tous deux problème
dans le cyberespace : d’un côté, un territoire, « une implantation stable dans
l’espace, délimité par l’existence de frontières » et, de l’autre, un pouvoir de
contrainte, « c’est-à-dire des organes spécialisés investis du pouvoir de
commandement et dotés du privilège de recourir à la force » (166). Ces
deux éléments donnent son efficacité et sa légitimité au processus normatif
étatique. Dans le cyberespace, le premier élément se trouble, s’émousse,
entraînant une certaine perte de contrôle du second.
Le principe de territorialité est donc affaibli dans le cyberespace.
L’efficacité des frontières diminue, les espaces nationaux perdent de leur
pertinence, le pouvoir de contrainte s’amenuise. « D’un côté », écrivait le
grand internationaliste René-Jean Dupuy, « nous avons le monde des
États, qui est celui du cloisonnement. Les pouvoirs s’y répartissent sur des
espaces ajustés ». De l’autre, nous avons le cybermonde, construit sur un
« écheveau communicationnel », « ouvert aux communications et aux
échanges », permettant « à chacun de communiquer avec tous les autres » ;
partant, il « évoque la mappemonde dont la surface lisse n’oppose aucune
entrave aux flux transnationaux » (167). Ces deux mondes co-existent,
entrent en tension, en conflit, tandis que les internautes, eux, se trouvent
dans les deux en même temps. Au détriment d’une souhaitable simplicité
de l’analyse juridique, l’État n’est pas simplement évacué du cyberespace.
Celui-ci n’est pas un nouvel espace en dehors des États ; bien au contraire,
il est dans les États, les traversant sans respect pour leurs frontières ; il est
transnational.
On pourrait, plus avant, risquer une certaine analogie avec l’ordre juridi-
que international, dont François Rigaux rappelle qu’il « ne dispose pas d’un
territoire » (168) : tous deux sont à la fois partout où il y a un État et en
même temps nulle part (puisqu’ils n’ont pas de territoire). Toutefois, la

(166) J. CHEVALLIER, L’État, Paris, Dalloz, 1999, pp. 2-3.


(167) R.J. DUPUY, « Le dédoublement du monde », op. cit. n. 130, pp. 314–315.
(168) F. RIGAUX, Droit international privé, t. I, Théorie générale, 1ère éd., Bruxelles, Larcier,
1977, p. 115 : « entre le droit international et les autres formes non étatiques de droit, il existe une
convergence profonde : leur caractère non territorial. Le seul monopole qui appartienne effective-
ment à l’État est le contrôle des actes matériels de coercition sur l’étendue de son territoire. Il en
résulte que, pas plus que le droit canonique ou le droit transnational, l’ordre juridique international
ne dispose d’un territoire sur lequel ses agents puissent, à la manière des État et sans leur agrément,
accomplir régulièrement des actes de contrainte physique. »

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64 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

différence entre les deux – et c’est ce qui explique l’affaiblissement du prin-


cipe de territorialité dans le cyberespace – est que l’ordre juridique inter-
national est l’émanation de nations (plus précisément d’États-nations). À
tout le moins dans la conception traditionnelle westphalienne (169), les
éléments constitutifs, les créateurs permanents de cet espace virtuel qu’est
l’ordre juridique international sont les États, qui par lien de cause à effet le
contrôlent. Le cyberespace, quant à lui, est en partie constitué par les États,
mais pas seulement ; de nombreux autres acteurs tiennent en vie cet autre
espace virtuel. Le contrôle du cyberespace est, par lien de cause à effet,
entre les mains de tous ces acteurs, que nous nous efforcerons ultérieure-
ment de passer en revue (170).
En d’autres termes, comme l’écrit le politologue Stephen Kobrin : « nous
ne sommes pas en présence de la fin de l’État, mais plutôt en face d’une
efficacité réduite de la gouvernance politique et économique enracinée dans
la souveraineté géographique » (171). Il n’y pas de disparition des frontières
dans le contexte du cyberespace et du commerce électronique, mais un
affaiblissement de leur relevance. Il ne nous semble pas possible, comme
nous l’avons exprimé en abordant la pertinence juridique du concept de
cyberespace pour le droit, de considérer que le cyberespace est un espace
autonome, indépendant du monde réel et qu’il s’agit d’un véritable espace
ou territoire international qui serait le seul lieu de la réalisation de certaines

(169) Sur la conception westphalienne de la souveraineté : R.D. LIPSCHUTZ, « Reconstructing


World Politics : The Emergence of Global Civil Society » in Millenium Journal of International
Studies, 1992, vol. 21, p. 389 et seq., spéc. pp. 401–401 : « Westphalia was a consolidation of
sovereignty that, previously, had been distributed among many actors and entities. In the ensuing
state system the norms of anarchy, self-reliance, absolute sovereignty within the state, and no
authority outside of it prevailed. » Pour une discussion de « l’ordre international westphalien » et
de sa remise en cause par les mouvances de la mondialisation, voir F. OST et M. VAN DE
KERCHOVE, De la pyramide au réseau ?, op. cit. n. 21, p. 162 et seq. (sous le titre : « L’ordre inter-
national ‘westphalien’. Un modèle dépassé »). Pour une introduction à l’inadéquation de cette
conception de la souveraineté avec la structuration du pouvoir par les réseaux : K. BENYEKHLEF,
« L’Internet : un reflet de la concurrence des souverainetés » in Lex Electronica, 2002, vol. 8,
<www.lex-electronica.org/articles/v8-1/benyekhlef.htm>, § 16 et seq.
(170) Voir Section V. — Le modèle du réseau, p. 170 et seq. supra.
(171) S.J. KOBRIN, « Electronic Cash and the End of National Markets » in Global Issues,
1997, vol. 2, no 4, p. 38 et seq., spéc. pp. 42–43, qui poursuit, de manière un peu radicale, en ces
termes : « des questions comme ‘Où s’est effectuée la transaction ?’, ‘Où se trouve la source du
revenu ?’, ‘Où est situé l’établissement financier ?’ et ‘Les lois de quel État sont applicables ?’ vont
perdre tout sens. »

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PERTURBATIONS ANNONCÉES 65

activités ou de la localisation de certains acteurs (172). Bien plus, comme


nous l’avons avancé (173), il s’agit d’un environnement ou contexte juridi-
que dont les spécificités créent une tension avec le lieu naturel
d’intervention du droit qu’est le territoire, qui connaît des difficultés à jouer
son rôle de repère (174). Les références à l’espace territorial se troublent et
deviennent moins pertinentes, parce que « les interactions sont de moins en
moins sensibles aux frontières nationales » (175). L’environnement numéri-
que « érode la relation entre les phénomènes juridiquement pertinents et la
localisation physique » (176).
La conséquence de cette érosion est une difficulté de calibrage du pro-
cessus normatif étatique, celui-là étant habituellement opéré par référence
au territoire et aux frontières. Soit l’intervention est trop large, ou elle est
trop étroite, et souvent elle présente les deux caractéristiques à la fois. En
d’autres termes, le processus normatif connaît des effets extraterritoriaux
indésirables (intervention trop large) tout en perdant sa force contraignante
à l’intérieur de ses frontières (intervention trop étroite).

SOUS-SECTION II. — EXTRATERRITORIALITÉ


Lorsque des effets extraterritoriaux sont conférés à une loi, on porte at-
teinte à la souveraineté de l’État dans lequel ces effets se réalisent. Cette
situation a été illustrée par l’affaire Yahoo, qui avait défrayé la chronique

(172) Voir Sous-section I. — Le cyberespace comme espace géographiquement distinct, p. 23


et seq. supra.
(173) Voir Sous-section III. — Le cyberespace comme environnement particulier, p. 27 et
seq. supra.
(174) Pour une introduction générale, avec de nombreuses références, voir par exemple K.W.
GREWLICH, Governance in ‘Cyberspace’, op. cit. n. 29, pp. 20–21, 27–28 et K. LYNCH, The Forces of
Economic Globalization, La Haye, Kluwer, 2003, pp. 349 et seq. Voir aussi Y. POULLET,
« Quelques considérations sur le droit du cyberespace », op. cit. n. 131, p. 186, S. SASSEN, « When
the State Encounters a New Space Economy : The Case of Information Industries » in Am. U. J.
Int’l L. and Pol’y, 1995, vol. 10, p. 769 et seq. et P. TRUDEL et al., Droit du cyberespace, op. cit. n.
61, pp. 1/16–1/17.
(175) P. TRUDEL, « L’influence d’Internet sur la production du droit » in Le droit international
de l’internet, s. dir. G. Chatillon, Bruxelles, Bruylant, 2003, p. 89 et seq., spéc. p. 90 : « les référen-
ces à l’espace connaissent des mutations ; les interactions sont de moins en moins sensibles aux
frontières nationales. Lorsqu’il s’agit de procurer les régulations des conduites dans les espaces
virtuels, on observe une perte de pertinence […] du droit des États. »
(176) D.R. JOHNSON et D.G. POST, « Law and Borders – The Rise of Law in Cyberspace »,
op. cit. n. 40, p. 1370.

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66 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

juridique, politique et technique durant l’année 2000 : le site américain de


la société californienne Yahoo ! Inc. proposait à la vente des objets faisant
l’apologie du nazisme, ce qu’un tribunal français jugea contraire au droit
français. Il interdit alors à la société californienne de poursuivre ces ventes,
pour autant qu’elles s’adressaient à des personnes résidant en France. Les
réactions furent vives : le juge français empiétait sur la souveraineté des
États-Unis.
Nous nous proposons ici d’analyser plus en détail cette affaire édifiante
pour certains problèmes de territorialité et de souveraineté suscités par
Internet. Toutefois, nous rappellerons avant cela le cadre théorique dans
lequel s’inscrit la réflexion concernant l’affaire Yahoo.

A. — Souveraineté internationale et extraterritorialité


« Ce ne furent pas des érudits détachés et naïfs qui découvrirent la souve-
raineté dans leur chambre d’étude », écrivait Jellinek, « ce furent, bien au
contraire, de colossales puissances qui l’appelèrent à la vie par les batailles
séculaires qu’elles se livrèrent » (177). Ce qui émergea de ces batailles, de
cet état de nature à l’internationale, fut la nécessité de conceptualiser juri-
diquement le droit exclusif d’un État d’agir sur son propre territoire, un
droit qui justifie l’interdiction pour un autre État d’intervenir sur ce même
territoire. La souveraineté, dans son acception ici visée de « souveraineté
internationale » (178) ou « souveraineté dans sa fonction négative » (179),
s’entend donc du « caractère de l’État, qui est supérieur à toute autre entité
interne (une église par exemple) et n’est soumis à aucune entité extérieure
(un autre État) » (180). Depuis la paix de Westphalie de 1648, le concept

(177) G. JELLINEK, Allgemeine Staatslehre, 3ème éd., Berlin, Springer, 1921, p. 435 (trad. par
l’auteur).
(178) G. BURDEAU, F. HAMON, M. TROPER, Droit constitutionnel, 24ème éd., Paris, LGDJ,
1995, p. 178, les autres acceptions étant, pp. 178–179, la souveraineté au sens de Herrschaft, c’est-à-
dire « le caractère, la puissance d’un organe, qui, étant situé au sommet d’une hiérarchie, n’est
soumis à aucun contrôle et dont la volonté est productrice de droit » ; la souveraineté au sens de
Staatsgewalt, savoir « l’ensemble des pouvoirs que cet être [de l’acception précédente] peut exer-
cer » ; et l’essence de la souveraineté, soit « la qualité de l’être, réel ou fictif, au nom de qui est exercé
le pouvoir de l’organe souverain [au sens de Herrschaft]. »
(179) G. JELLINEK, Allgemeine Staatslehre, op. cit. n. 177, p. 454.
(180) G. BURDEAU, F. HAMON, M. TROPER, Droit constitutionnel, op. cit. n. 178, p. 178.

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PERTURBATIONS ANNONCÉES 67

de la souveraineté a ainsi fait des États des « boules de billards » (181),


consacrant le principe de non-ingérence d’un État sur le territoire d’un
autre, dans un « ordre de simple coexistence ou juxtaposition de puissances
souveraines [qui] poursuivaient des objectifs essentiellement privés » (182).
Un droit national doit donc, en principe, s’appliquer sur tout son territoire,
mais rien que sur son territoire ; la législation de chaque État ne doit exer-
cer d’effets juridiques directs que sur le territoire de l’État qui l’a adop-
tée (183). L’une des conséquences de ce principe, du point de vue de la
théorie générale de l’État, est qu’un « effet extraterritorial ne [devrait] ja-
mais se produire qu’en conformité avec les règles de l’État étranger sur le
territoire duquel l’exécution de tel ou tel effet de droit est postulé » (184).
Une norme extraterritoriale, c’est-à-dire celle qui « tend à développer
certains effets au-delà du territoire de l’État qui l’a émise » (185),
contreviendrait donc à ce principe fondamental du droit international pu-

(181) G. ABI-SAAB, « Cours général de droit international public », op. cit. n. 86, pp. 62 et 75.
(182) F. OST et M. VAN DE KERCHOVE, De la pyramide au réseau ?, op. cit. n. 21, p. 162.
(183) Voir par exemple, sur la compétence normative exclusive reconnue à l’État, B. STERN,
« Une élucidation du concept d’application extraterritoriale du droit » in RQDI, 1986, p. 49 et seq.
Voir aussi H. BATIFFOL et P. LAGARDE, Droit international privé, t. II, 7ème éd., Paris, LGDJ,
1983, no 710, ainsi que B. GOLDMAN, « Le champ d’application territoriale des lois sur la concur-
rence » in Rec. Cours La Haye, 1969, vol. 128, p. 696 et seq., spéc. p. 710. On peut toutefois conce-
voir qu’un État entendant régir une activité menée depuis l’étranger puisse invoquer l’effet de cette
activité sur son territoire, effet qui doit cependant présenter une intensité particulière ainsi qu’un
« caractère intentionnel, au moins prévisible, substantiel, direct et immédiat » : ID.,
« L’extraterritorialité revisitée. Où il est question des affaires Alvarez Machain, Pâte de bois et de
quelques autres... » in AFDI, 1992, vol. 38, p. 239 et seq. Sur ceci, dans le contexte du commerce
électronique, voir G. KAUFMANN-KOHLER, « Internet : mondialisation de la communication –
mondialisation de la résolution des litiges », op. cit. n. 31, p. 92 et seq. et les nombreuses références
citées ainsi que O. CACHARD, La régulation internationale du marché électronique, op. cit. n. 39,
p. 54 et seq.
(184) F. OST et M. VAN DE KERCHOVE, De la pyramide au réseau ?, op. cit. n. 21, p. 129. Voir
aussi I. BROWNLIE, Principles of International Public Law, 4ème éd., Oxford, Oxford Univ. Press,
1990, p. 307 : « the governing principle is that a state cannot take measures on the territory of
another state by way of enforcement of national laws without the consent of the latter ».
(185) J.-M. JACQUET, « La norme juridique extraterritoriale dans le commerce international »
in JDI, 1985, vol. 112, p. 327 et seq., spéc. p. 347. Voir aussi F. RIGAUX, « Les situations juridi-
ques individuelles dans un système de relativité générale », op. cit. n. 54, p. 292 « serait extraterrito-
riale une application de la norme […] qui se saisit ou s’efforce de se saisir de faits localisés hors du
territoire de l’État dont cette norme émane » et, pour un importante analyse en droit américain et
des interactions entre extraterritorialité et doctrines de relations internationales, A.-M.
SLAUGHTER, « Liberal International Relations Theory And International Economic Law » in Am.
U. J. Int’l L. & Pol’y, 1995, vol. 10, p. 717 et seq., spéc. p. 731 et seq.

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68 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

blic (186). Du reste, elle manquerait également de légitimité démocratique


en s’appliquant à une population qui n’a pas pu participer, directement ou
indirectement, à son élaboration (187). Une norme extraterritoriale per-
turbe donc les modalités traditionnelles de production du droit, en ce
qu’elle contrevient à deux de ces principes fondamentaux : souveraineté
(internationale) et démocratie.
Or, dans le cyberespace on peut constater une certaine « hypertrophie
des règles » (188). D’un côté, les activités véhiculées par le réseau peuvent
sortir, à des degrés variables, du giron de la maîtrise de la contrainte étati-
que pour entrer dans celui de la maîtrise par la technologie, qui permet
l’exécution d’actes et de contrainte sans le consentement des États. De
l’autre côté, par le fait que les informations véhiculées sur le réseau ne peu-
vent en principe pas s’arrêter aux frontières des États et que l’ubiquité des
réseaux rend plus difficile la localisation réelle des acteurs et des
actions (189), une activité exercée dans le cyberespace peut sortir des effets
sur le territoire d’autres États. Dans bien des cas, l’effet extraterritorial n’est

(186) Si l’on peut concevoir que cette norme de droit international public manque sérieusement
d’effectivité, parce que la violation de cette norme est rarement portée devant une juridiction
internationale, il n’en demeure pas moins qu’une réelle perturbation se développe en cas de viola-
tions fréquentes, ce qui semble bien être le cas dans le cyberespace. Sur ce manque d’effectivité, P.
DE VAREILLES-SOMMIÈRES, La compétence internationale de l’État en matière de droit privé, Paris,
LGDJ, 1997, § 256 et seq. et P. MAYER, « Droit international privé et droit international public
sous l’angle de la notion de compétence » in Rev. crit., 1979, pp. 1–29, 349–388, 537–583, spéc.
p. 544 et seq.
(187) Pour la problématique dans le cyberespace, P. TRUDEL, « L’influence d’Internet sur la
production du droit », op. cit. n. 175, p. 90 : « en favorisant une redéfinition des espaces de réfé-
rence, Internet porte le germe d’une mutation des paramètres selon lesquels se conçoit la légitimité
du droit » et D.R. JOHNSON et D.G. POST, « Law and Borders – The Rise of Law in Cyber-
space » in Stan. L. Rev. 1996, vol. 48, p. 1367 et seq., spéc. p. 1380, qui évoquent l’idée d’un
« illegitimate extra-territorial power grab ».
(188) J.-M. CHEVALIER, I. EKELAND, M.-A. FRISON-ROCHE et M. KALIKA, Internet et nos
fondamentaux, Paris, PUF, 2000, p. 41. Sur les difficultés de contrôler techniquement les flux
d’information sur Internet, conduisant à remettre en question le principe de la souveraineté inter-
nationale, A. MEFFORD, « Lex Informatica : Foundations of law on the Internet » in Ind. J. Global
Legal Stud., 1997, p. 211 et seq. et J.L. GOLDSMITH, « Against Cyberanarchy », op. cit. n. 52,
pp. 1203–1204 : « regulation of the local effects of cyberspace information flows permits all nations
simultaneously to regulate all web-based transactions. The result is multiple and inconsistent
regulation of the same activity. »
(189) Voir G. KAUFMANN-KOHLER, « Commerce électronique : droit applicable et résolution
des litiges », op. cit. n. 45.

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PERTURBATIONS ANNONCÉES 69

visé ni désiré (190). Les États entendent généralement réglementer simple-


ment les activités pouvant s’adresser à leur population, c’est-à-dire exercer
des effets directs sur leur territoire ; en effet, comme l’écrit Olivier
Cachard, « les autorités de marché ne peuvent pas admettre qu’un opéra-
teur étranger sollicite les résidents du for sans obéir aux conditions statu-
taires locales » (191). L’exemple le plus célèbre de cette problématique nous
est donné par l’affaire Yahoo.

B. — L’affaire Yahoo
Au début de l’année 2000, des internautes français découvrirent que des
milliers de reliques, d’insignes, d’emblèmes et d’autres objets du même type
ème
à la gloire du 3 Reich étaient proposés à la vente sur le site d’enchères de
la société californienne Yahoo ! Inc. De plus, cette société hébergeait des
pages personnelles reproduisant des passages de Mein Kampf et du Proto-
cole des Sages de Sion. Les internautes en alertèrent des associations fran-
çaises de lutte contre le racisme et l’antisémitisme (192), qui saisirent le
Tribunal de grande instance de Paris. Par ordonnance de référé rendue le
22 mai 2000, le Tribunal se déclara compétent en arguant que l’événement
causal du dommage (le téléchargement des pages web en question (193))
ainsi que le dommage (194) moral causé aux associations de lutte contre le
racisme et l’antisémitisme avait lieu en France (195). Puis, se fondant sur

(190) S. BIEGEL, Beyond our control ?, op. cit. n. 37, p. 40.


(191) O. CACHARD, La régulation internationale du marché électronique, op. cit. n. 39, p. 53.
Voir aussi S. BIEGEL, Beyond our control ?, op. cit. n. 37, pp. xiii et 111 et seq.
(192) Il s’agissait plus précisément de la Ligue Internationale contre le Racisme et
l’Antisémitisme (LICRA), de l’Union des Étudiants Juifs de France (UEJF), et, se joignant ulté-
rieurement à ces deux associations, le Mouvement contre le Racisme, l’Antisémitisme et pour la
Paix (MRAP).
(193) Sur le téléchargement de pages web comme lieu de l’événement causal de manière géné-
rale, G. KAUFMANN-KOHLER, « Commerce électronique : droit applicable et résolution des
litiges », op. cit. n. 45, p. 111–113 et J. FAWCETT et P. TORREMANS, Intellectual property and
private international law, Oxford, Oxford Univ. Press, 1998, pp. 159–161.
(194) Sur le lieu de survenance du dommage dans cette affaire, A. MANOLOPOULOS,
« Raising ‘Cyber-Borders’ : The Interaction Between Law and Technology » in Int. J. L. & Tech.,
2003, vol. 11, p. 40 et seq., spéc. p. 46 et seq.
(195) Union des Étudiants Juifs de France et la Ligue contre le Racisme et l’Antisémitisme c. Yahoo !
Inc. et Yahoo France, TGI Paris, Ordonnance de référé du 22 mai 2000, <www.legalis.net> : « en
permettant la visualisation en France de ces objets et la participation éventuelle d’un internaute
installé en France à une telle exposition–vente, Yahoo ! Inc. commet une faute sur le territoire
français […] le dommage étant subi en France, notre juridiction est donc compétente. » Voir aussi,

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70 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

l’art. R 645-2 du code pénal français, le Tribunal ordonna à la société cali-


fornienne de « prendre toutes mesures de nature à dissuader et à rendre
impossible toute consultation sur Yahoo.com du service de vente aux en-
chères d’objets nazis et de tout autre site ou service qui constitue une apo-
logie du nazisme ou une contestation des crimes nazis », sous astreinte de
EUR 15'000 par jour de retard en cas de non-exécution dans le délai im-
parti. Les pages web en question devaient donc ne plus être accessibles
depuis le territoire français. Yahoo objecta qu’il lui était techniquement
impossible de se conformer à l’ordonnance de référé sans retirer purement
et simplement de la vente tout objet lié à l’apologie du nazisme, alors que la
liberté d’expression garantie par le Premier amendement de la Constitution
américaine lui permettait d’organiser de telles ventes. En conséquence, une
commission d’experts fut nommée pendant l’été 2000 et chargée de se pro-
noncer sur la faisabilité d’une discrimination des internautes en fonction de
leur localisation géographique (196). La commission conclut à la possibilité
de mettre en œuvre un système automatisé de filtrage territorial d’une ef-
ficacité estimée à au moins 70 pour cent (197). Ayant recueilli cet avis, le
Tribunal de grande instance confirma, le 20 novembre 2000, la décision du
22 mai, accordant à la société un délai de trois mois pour mettre en œuvre
les mesures appropriées (198), après quoi l’astreinte serait due. À la fin de
l’année 2000, soit avant l’écoulement du délai, Yahoo annonça publique-
ment sa décision d’interdire dorénavant, pour des raisons morales qui ne
tenaient aucunement à la décision du juge français, tout objet ou page web
personnelle pouvant être liée à l’apologie du nazisme (199). Aucune mesure

pour un résumé, M.-A. RENOLD, « Internet et le droit d’auteur » in SJ, 2002, no II, p. 83 et seq.,
spéc. p. 86.
(196) Union des Étudiants Juifs de France et la Ligue contre le Racisme et l’Antisémitisme c. Yahoo !
Inc. et Yahoo France, TGI Paris, ordonnance de référé du 11 août 2000, <www.legalis.net>.
(197) Rapport d’expertise établi par F. Wallon, V. Cerf et B. Laurie et remis au TGI Paris le 6
novembre 2000.
(198) Union des Étudiants Juifs de France, la Ligue contre le Racisme et l’Antisémitisme et MRAP
(intervenant volontaire) c. Yahoo ! Inc. et Yahoo France, TGI Paris, ordonnance de référé du 20
novembre 2000, <www.juriscom.net/txt/jurisfr/cti/tgiparis20001120.pdf >.
(199) On peut toutefois douter du caractère strict de cette interdiction, puisque un nombre non
négligeable (mais inférieur aux « milliers » du début de l’année 2000) d’objets nazis purent être
trouvés sur Yahoo.com en 2002 et en août 2004, date à laquelle nous écrivons : voir, pour la re-
cherche effectuée en 2002, D.A. LAPRÈS, « L’exorbitante affaire Yahoo » in JDI, 2002, vol. 129,
p. 975 et seq., spéc. p. 977. En août 2004, une recherche sous Mein Kampf, laissait encore appa-
raître deux liens publicitaires sur le site de Yahoo. Le terme nazi renvoyait à une trentaine d’objet

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PERTURBATIONS ANNONCÉES 71

de filtrage géographique ne fut en conséquence mise en œuvre. Finalement,


Yahoo, qui renonça à faire appel en France, demanda et obtint des tribu-
naux californiens un jugement en référé qui déclara que l’ordonnance fran-
çaise ne saurait être ni reconnue ni exécutée aux États-Unis parce
qu’enfreignant le Premier amendement de la Constitution (200). Ce juge-
ment fut ultérieurement annulé en deuxième instance, mais pour des rai-
sons tenant uniquement à la compétence du tribunal de première instance
vis-à-vis des défenderesses (201).
L’extraterritorialité qui caractérise cette affaire réside dans le fait qu’un
juge français interdit à une société dont le siège est aux États-Unis
d’exercer une certaine activité licite selon le droit américain qui, sans qu’elle
vise la France (202), y cause des effets inadmissibles au regard du droit

dont certains avaient clairement une légitimité historique, d’autres moins (par exemple la Very Rare
Nazi Color Adolf Hitler Tobacco Card vendue par une personne dont l’identifiant est reichstamps). Le
terme swastika conduisait à un certain nombre de cartes postales arborant des croix gammées…
On peut se demander quelle a été la véritable raison de cette interdiction, et l’on évoquera à ce
titre des intérêts de marketing, les pressions des associations de défense des intérêts juifs aux États-
Unis (en ce sens Y. POULLET, « L’affaire Yahoo ! Inc. ou la revanche du droit sur la technolo-
gie ? » in Ubiquité, 2001, vol. 9, p. 81 et seq., spéc. p. 84) ou celle des autres fournisseurs de servi-
ces de ventes aux enchères sur Internet visant à protéger le secteur tout entier. On observera qu’il
s’agit là de formes de régulation sociale se rapprochant de l’autorégulation.
(200) Yahoo ! Inc. c. La Ligue Contre Le Racisme et L’Antisémitisme et autres, 169 F. Supp. 2d
1181, p. 1194 (N.D. Cal. 2001) : « in light of the Court’s conclusion that enforcement of the
French order by a United States court would be inconsistent with the First Amendment, the
factual question of whether Yahoo ! possesses the technology to comply with the order is immate-
rial. Even assuming for purposes of the present motion that Yahoo ! does possess such technology,
compliance still would involve an impermissible restriction on speech. »
(201) Yahoo ! Inc. c. La Ligue Contre Le Racisme et L’Antisémitisme et autres, 379 F.3d 1120 (9th
Cir. Cal. 2004). Le juge conclut que les actions des associations françaises sur le territoire califor-
nien ne remplissaient pas le critère de purposeful availment.
(202) Comme le relève Valérie Sédaillan, « les informations disponibles sur Yahoo.com sont des-
tinées aux internautes américains, elles sont rédigées en langue anglaise, les publicités sur ce site
font la promotion de produits destinés aux américains, la monnaie de référence est le dollar et les
conditions d’utilisations du service sont rédigées en langue anglaise et soumises à la loi américaine »
et il s’agit d’objets de faible valeur nécessitant une livraison physique : V. SÉDAILLAN,
« Commentaire de l’affaire Yahoo !. À propos de l’ordonnance du Tribunal de grande instance de
Paris du 22 mai 2000 » in Juriscom.net, 24 octobre 2000, <www.juriscom.net/chr/2/fr20001024.-
htm>, § 27. Par ailleurs, Yahoo France, la filiale française de Yahoo ! Inc., s’était expressément
conformée à l’interdiction de mettre en vente des objets liés à l’apologie du nazisme et indiquait
aux internautes passant de Yahoo.fr à Yahoo.com que, sur ce dernier site, ils pourraient accéder à
des pages glorifiant le 3ème Reich et dont l’accès était interdit selon le droit français : voir P.S.
BERMAN, « The Globalization of Jurisdiction » in U. Pa. L. Rev., 2002, vol. 151, p. 311 et seq.,
spéc. p. 338.

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72 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

français. En d’autres termes, un tribunal français prétendait pouvoir régle-


menter les activités d’une société étrangère simplement parce que son site
web était accessible depuis la France, comme en principe tout site
web (203). Cette situation, outre le fait que l’ordonnance de référé française
empiète sur la souveraineté des États-Unis, est problématique dans une
double perspective.
Abordons la première problématique. Si l’on part de l’idée que l’illicéité
d’un comportement fait de l’existence de celui-ci une situation inaccepta-
ble, on peut s’attendre à l’un des deux cas de figure suivant : aucune discri-
mination géographique n’est introduite et des problèmes de légalité
surgissent, ou alors une telle discrimination tente d’être mise en œuvre et
des difficultés techniques et financières se posent. En effet, en l’absence de
systèmes techniques particuliers, un site web est accessible depuis le monde
entier, plus exactement depuis tout pays connecté à Internet. Dans ce cas,
les activités fournies en ligne sont potentiellement soumises aux législations
d’ordre public de tous les États où l’activité peut causer des effets inad-
missibles, soit toutes les législations de tous les États du monde (204). Le
droit le plus restrictif s’imposerait à titre de plus petit dénominateur com-
mun que toute activité en ligne devrait respecter (205).
Il est toutefois possible d’introduire des systèmes techniques visant à
opérer un zonage (206), un morcellement géographique du cyberespace
reposant essentiellement sur une identification du lieu depuis lequel
l’internaute se connecte à Internet (indiqué, dans la plupart des cas, par
l’adresse IP). Si ces techniques sont actuellement encore relativement in-

(203) Pour un résumé, P.S. BERMAN, « The Globalization of Jurisdiction », op. cit. n. 202,
p. 337 et seq.
(204) J.-C. BURKEL, Le vieux continent et la révolution de l’information, Genève, euryopa, 2003,
p. 55 et V. SÉDAILLAN, « Commentaire de l’affaire Yahoo ! », op. cit. n. 202, § 19.
(205) P.S. BERMAN, « The Globalization of Jurisdiction », op. cit. n. 202, p. 337 et B. DE
GROOTE et J.-F. DERROITTE, « L’internet et le droit international privé : un mariage boiteux ? À
propos des affaires Yahoo ! et Gutnick » in Ubiquité, 2003, vol. 16, p. 61 et seq., spéc. p. 63 :
« l’ordre juridique le plus sévère servirait de norme minimale à respecter pour les sites hébergés
sous le portail de Yahoo. »
(206) Sur ce « zoning », voir L. LESSIG et A. RESNICK, « Zoning Speech on the Internet : A
Legal and Technical Model » in Mich. L. Rev., 1999, vol. 98, p. 395 et seq. et L. LESSIG, « The
Zones of Cyberspace », op. cit. n. 37.

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PERTURBATIONS ANNONCÉES 73

certaines (207), il semble probable qu’elles seront progressivement perfec-


tionnées (208) sous l’impulsion des autorités étatiques et des secteurs
économiques (209).
La première possibilité consisterait à ce qu’un tel système de zonage fût
mis en œuvre par le fournisseur de services sur Internet, qui limiterait
l’émission de l’information à certaines zones géographiques ou, en d’autres
termes, qui ne permettrait la réception de l’information émise qu’aux inter-
nautes situés dans certains pays. Cependant, dans ce cas, un nombre po-
tentiellement important de filtres différents devraient être prévus pour
surveiller l’accès des internautes de divers États à divers types
d’informations ou de services, dans une combinatoire qui pourrait se révéler
assez complexe.
La deuxième possibilité impliquerait que chaque État prévît un tel sys-
tème pour toutes les informations entrantes (au niveau de l’immission de
l’information) : les fournisseurs d’accès à Internet, par exemple, bloque-
raient la consultation, par leurs abonnés, de certaines informations émises
dans certains pays (210). Dans ce cas, la difficulté se situerait essentiel-
lement dans l’identification automatisée des informations dont l’accès est
permis ou interdit : comment distinguer, par exemple, une analyse psycho-
logique de Hitler au travers de Mein Kampf de cet ouvrage lui-même ?

(207) Voir par exemple Y. POULLET, « L’affaire Yahoo ! Inc. ou la revanche du droit sur la
technologie ? », op. cit. n. 199, p. 83 : « l’adresse IP révèle, sauf quelques exceptions (passage par un
fournisseur d’accès non local tel AOL, accès à travers un [réseau] dont le gateway est situé hors
frontières, ou passage par un serveur d’anonymisation hors frontières), l’origine du message. Celle-
ci peut donc être détectée automatiquement et déclencher le blocage d’accès aux pages jugées
contraires à l’ordre public. »
(208) Par exemple, l’adoption du protocole IPv6 serait, semble-t-il, un pas important dans cette
direction : S.E. DEERING et R.M. HINDEN, « Internet Protocol, Version 6 (IPv6) Specification »,
décembre 1998, <www.ietf.org/rfc/rfc2460.txt?number=2460> et M. FAGIN, « Regulating Speech
Across Borders : Technology vs. Values » in Mich. Telecomm. & Tech. L. Rev., 2003, vol. 9, p. 395
et seq., spéc. p. 412.
(209) H. MUIR-WATT, « Yahoo ! Cyber-Collision of Cultures : Who Regulates ? » in Mich. J.
Int’l L., 2003, vol. 24, p. 673 et seq., spéc. p. 687 et seq., pour qui le filtrage est de plus en plus
possible, le cyberespace évoluant avec l’introduction de nouvelles techniques de zonage. Voir, de
manière générale sur ces évolutions et ses moteurs, L. LESSIG, Code and Other Laws of Cyberspace,
op. cit. n. 64, pp. 39–42, sous titre « The controls for commerce ».
(210) Y. POULLET, « L’affaire Yahoo ! Inc. ou la revanche du droit sur la technologie ? », op.
cit. n. 199, p. 84 : « le juge français eût pu parvenir au même résultat sans franchir les frontières. Il
lui suffisait de réclamer des fournisseurs d’accès localisés en France le blocage des demandes d’accès
aux pages litigieuses. »

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74 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

Comment différencier un modèle réduit d’un avion de la Luftwaffe d’un


emblème à la gloire de ce corps d’armée ? Comment distinguer, dans un
autre registre, un livre pornographique interdit dans certains États d’un
livre sur l’éducation sexuelle ou d’un traité de médecine (211) ? Des tech-
nologies de reconnaissance des images, qui traitent le contenu de celles-ci
et non la description qui l’accompagne, sont certes en développement, mais
elles ne permettent de répondre qu’à une partie limitée de la problémati-
que. Le chemin reste long.
En définitive, un zonage total ne semble guère réalisable et une discri-
mination géographique apparaît difficile à mettre en œuvre. En consé-
quence, les problèmes de légalité que nous avons évoqués surgissent inévi-
tablement. La définition de la compétence juridictionnelle selon le lieu de
téléchargement des pages web ne constitue pas, loin s’en faut, une solution
idéale à ces problèmes de légalité. Elle conduirait en effet, dans un premier
temps, à doter les lois nationales d’une importante portée extraterrito-
riale (212). Dans un deuxième temps, elle impliquerait soit une définition
de la liberté d’expression selon le plus petit dénominateur commun des
diverses législations en la matière, soit une acceptation de la possibilité de
l’existence de jugements concluant à l’illicéité d’un comportement au regard
de l’une de ces législations.
Venons-en à la seconde problématique, qui découle de la pre-
mière. Peut-on raisonnablement conclure au rejet du critère de rattache-
ment fondé sur le lieu où la page web peut être téléchargée ? Peut-on exi-
ger, par exemple, que le site web doive viser (critère du targeting) l’État du
for, critère qui n’aurait à notre sens pas été rempli dans le contexte de
l’affaire Yahoo (213) ? Peut-on raisonnablement prétendre que le juge fran-

(211) Sur cette problématique, voir par exemple V. SÉDAILLAN, « Commentaire de l’affaire
Yahoo ! », op. cit. n. 202, § 30 : « il ne suffit pas de déterminer l’origine géographique de
l’internaute, ce qui soulève déjà un certain nombre de problèmes, il faut également identifier les
contenus litigieux à filtrer. »
(212) Ibid., § 20, qui conclut que ce critère de rattachement conduit « à doter toutes les lois
d’une portée extraterritoriale absolue ».
(213) Sur le targeting test, M. GEIST, « Is There a There, There ? Towards Greater Certainty
for Internet Jurisdiction » in Berkeley Tech. L.J., 2001, vol. 16, p. 1345 et seq., spéc. pp. 1384 et seq.
et 1406 (concluant que le critère aurait été satisfait). Sur les éléments fondant notre opinion que le
critère n’aurait pas été satisfait, voir n. 202 supra. Tout dépend en définitive, bien entendu, de
l’exigence de connexité que l’on traduit par le critère de targeting.

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PERTURBATIONS ANNONCÉES 75

çais dans cette affaire n’aurait pas dû se déclarer compétent, pour des rai-
sons autres que de technique juridique (c’est-à-dire pour des raisons
axiologiques) ? À notre sens, il s’agit là de l’une de ces situations « où refu-
ser cette extraterritorialité équivaudrait purement ou simplement à priver
des nationaux de protection ou à admettre des contraventions patentes au
droit national » (214). Ne s’en prendre dans l’affaire Yahoo qu’à la filiale
française, Yahoo.fr, aurait été illusoire en vue de protéger la mémoire col-
lective appréhendée par la disposition invoquée, puisque les internautes, par
un simple clic de souris sur le lien proposé sur Yahoo.fr, pouvaient accéder
au site Yahoo.com (215). On ne peut que suivre Yves Poullet quand il af-
firme, au terme de son analyse de l’affaire Yahoo, que « l’appartenance d’un
individu à un État lui donne le droit de bénéficier d’une protection par son
État des garanties et libertés constitutionnelles qui lui sont octroyées [et
celles-ci] ne peuvent être remises en cause du seul fait que les technologies
de l’information […] abolissent les frontières physiques. La souveraineté
doit dès lors être envisagée comme l’obligation positive de l’État et de ses
juges d’obtenir, y compris vis-à-vis des États étrangers et des opérateurs
étrangers, le respect de telles valeurs dans leurs relations avec les personnes
résidant sur son territoire » (216). Par ailleurs, rejeter le critère de rattache-
ment au lieu de téléchargement conduit à ce qu’« un contenu banni d’un
territoire soit [simplement] diffusé depuis [un autre] » (217).

(214) M. PINET, « Directive 95/46 du 24 octobre 1995 et droit national applicable », Confé-
rence relative à la mise en oeuvre de la Directive 95/46 du 24 octobre 1995, Bruxelles, 30 septem-
bre–1er octobre 2002, <europa.eu.int/comm/internal_market/privacy/docs/lawreport/pinet_fr.pdf>,
p. 3 qui poursuit en affirmant que « ce fut cette pure logique qui guida les choix respectifs des
tribunaux allemands dans la célèbre affaire Compuserve2 et les tribunaux français dans l’affaire
Yahoo. »
(215) P.S. BERMAN, « The Globalization of Jurisdiction », op. cit. n. 202, p. 338 : « of course,
one can easily see why the court and the complainants in this action would have taken this addi-
tional step. Shutting down access to web pages on Yahoo.fr does no good at all if French citizens
can, with the click of a mouse, simply go to Yahoo.com and access those same pages. On the other
hand, Yahoo ! argued that the French assertion of jurisdiction was impermissibly extraterritorial in
scope. »
(216) Y. POULLET, « L’affaire Yahoo ! Inc. ou la revanche du droit sur la technologie ? », op.
cit. n. 199, p. 84. Voir aussi J.R. REIDENBERG, « Yahoo and Democracy on the Internet » in
Jurimetrics J., 2002, vol. 42, p. 261 et seq., spéc. p. 265, qui conclut que le juge du pays où les effets
ont lieu peut difficilement se déclarer incompétent, laissant sa population exposée à ce qui contre-
vient fondamentalement à l’ordre public de son pays.
(217) P. TRUDEL, « Les implications de l’affaire Yahoo ! Inc. : entrevue avec le Professeur
Pierre Trudel » in Juriscom.net, janvier/mars 2001, <www.juriscom.net/uni/doc/yahoo/trudel.htm>.

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76 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

Cette double problématique, conduisant soit à l’imposition du plus petit


dénominateur commun de la liberté d’expression, soit à une sous-protec-
tion de valeurs fondamentales, constitue une perturbation patente du mode
d’intervention habituel du droit et favorise le développement de modes
d’élaboration normative non limités par les frontières d’un État (218). Il
s’agirait en ce sens soit de la voie internationale, c’est-à-dire de traités in-
ternationaux, ce qui semble impossible à court terme et improbable à
moyen terme (219), soit par le jeu de mécanismes transnationaux, tels
l’autorégulation ou la régulation par la technique, auxquels nous revien-
drons (220).
Il s’agissait moins ici de faire l’analyse de cette affaire au regard des lois
de droit international privé afin de savoir si le juge français a eu raison ou
tort de se prononcer, ni de se demander si la décision technique était la
bonne – les deux propos dépassant le contexte de notre étude – que de
montrer simplement comment les réseaux perturbent les modes habituels
d’intervention du droit (221). Ces problèmes ne sont certes pas insolubles,
mais leur difficulté de résolution favorise l’émergence, comme nous le ver-

Voir aussi H. MUIR-WATT, « Yahoo ! Cyber-Collision of Cultures : Who Regulates ? », op. cit. n.
209, p. 677 : « on the one hand, persons in the United States denounce European regulations
restricting the content of public expression as extraterritorial meddling with democratic values ; on
the other, the same values cause European observers to denounce the perverse race to the bottom
generated by First Amendment liberalism, as neo-Nazi websites seeking safe haven relocate mas-
sively across the Atlantic. »
(218) P. TRUDEL, « L’influence d’Internet sur la production du droit », op. cit. n. 175,
p. 91 : « des systèmes de valeurs différents les uns des autres coexistent dans le cyberespace. Ce
dernier possède la faculté de télescoper les manifestations de valeurs procédant de civilisations
éloignées. En rapprochant les territoires, Internet brouille les cadres de référence. Les communau-
tés sont de plus en plus les usagers que l’on définit en fonction de leurs intérêts, de la langue qu’ils
utilisent ou des prédilections qu’ils partagent. Cela réclame une normativité qui serait apte à ré-
pondre aux préoccupations des communautés du cyberespace plutôt qu’à celles des États-nations. »
(219) Voir par exemple R.H. WEBER, Regulatory Models for the Online World, op. cit. n. 39,
p. 62: « the attempt to create an international legal framework cannot be successful by simply
inducing a national legislator to take an initiative on behalf of the whole world. As international
regulation requires a collaborative effort by many nations, this approach only makes sense if at least
a majority of the nations whose citizens use the tools of the online world participates in the norm-
setting process » et A. ROßNAGEL, « Weltweites Internet – globale Rechtsordnung ? » in MMR,
2002, p. 67 et seq., spéc. p. 70.
(220) Voir Section II. — Premier modèle : l’autorégulation, p. 102 et seq. et Section III. —
Deuxième modèle : la régulation par la technique, p. 123 et seq.
(221) Pour d’autres affaires ayant défrayé la chronique en raison des effets extraterritoriaux
qu’elles impliquaient : R.H. WEBER, Regulatory Models for the Online World, op. cit. n. 39, p. 49.

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PERTURBATIONS ANNONCÉES 77

rons dans le prochain chapitre, de modes de production du droit moins


touchés par les frontières.

SOUS-SECTION III. — AFFAIBLISSEMENT DE LA


PUISSANCE D’ÉTAT

La notion de souveraineté est intimement liée à la puissance, au pouvoir, au


pouvoir de faire les lois et de les appliquer, de contraindre. « Les hommes
ne brandissent pas la souveraineté, ni ne s’y soumettent », écrivait Francis
Hinsley, « ce qu’ils brandissent, ou ce à quoi ils se soumettent, c’est
l’autorité ou le pouvoir. Ceux-ci sont des faits aussi anciens et ubiquistes
que la société elle-même, mais ils n’ont pas partout et en tout temps béné-
ficié de l’appui que la souveraineté leur offre ou souffert des contraintes que
celle-ci leur impose […] [La souveraineté] est un concept que les hommes
ont, dans certaines circonstances, appliqué au pouvoir politique qu’eux ou
d’autres hommes exerçaient pour lui attribuer cette qualité ou pour la lui
nier » (222). La souveraineté prend ici une dimension radicalement verti-
cale, alors qu’elle était résolument horizontale dans son acception de sou-
veraineté internationale : elle se réfère au pouvoir non plus vis-à-vis des
autres souverains, c’est-à-dire les autres États qui sont autant de boules de
billard s’entrechoquant, mais à l’égard des sujets de l’État, de sa population.
En ce sens, la souveraineté s’entend de la puissance d’État (Staatsgewalt).
L’essence de celle-ci se situe dans la puissance législative, qui couvre no-
tamment la capacité à contraindre l’application des lois. Quand un État,
dans un domaine spécifique, peine à produire une législation disposant
d’une effectivité suffisante pour être réellement valide (223), c’est, dans ce
domaine, la souveraineté de l’État au sens envisagé ici qui est mise à mal.
L’argument que nous entendons aborder est que, dans le monde
contemporain, la puissance d’État ne diminue pas seulement à cause de la
montée en puissance endogène d’autres acteurs. Selon l’illustration devenue
traditionnelle de ce phénomène, la puissance d’État est notamment mise à
mal par les multinationales, ou plus précisément par le fait de fusions
d’entreprises, de conglomérats économiques, de concentrations et de la

(222) F.H. HINSLEY, Sovereignty, 2ème éd., Cambridge, Cambridge Univ. Press, 1986, p. 1.
(223) Voir Chapitre IX : Validité : l’efficacité juridique en trois temps, p. 305 et seq. infra.

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78 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

diminution du nombre d’acteurs économiques sur un marché donné (224).


Dans le contexte qui nous intéresse ici, cette puissance diminue également
en raison de l’ubiquité de l’information dans le cyberespace. Celle-ci contri-
bue à son tour à la montée en puissance (exogène, cette fois-ci) d’autres ac-
teurs que l’État, ce qui conduit finalement au développement de nouveaux
modes de régulation. Nous nous proposons d’introduire cette problémati-
que par un rappel de l’affaire Mitterrand, qui est la première de l’histoire
d’Internet a avoir réellement défrayé la chronique.

A. — L’affaire Mitterrand
Onze fois ministre sous la Quatrième République, titulaire du plus long
mandat présidentiel de l’histoire de France, homme de culture, génie poli-
tique, constructeur de l’Europe. Voici comment on décrit, aujourd’hui en-
core, François Mitterrand. Face à une telle aura, on imagine aisément, ou
l’on se souvient, du raz-de-marée médiatique que provoqua l’affirmation
publique de son médecin personnel, Claude Gubler, que le grand homme
était accablé par un cancer durant toute la durée de sa présidence et qu’il
était même, à la fin de son second mandat, incapable d’exercer ses fonc-
tions. Cette affirmation avait saisi le public au travers d’un livre, Le grand
secret, publié par une maison d’édition prestigieuse en janvier 1996, quel-
ques jours après la mort du président. Sa famille réagit immédiatement et
obtint en référé le retrait du livre deux semaines après sa publication. Jus-
que-là, l’histoire est relativement classique.
Malgré la décision prononcée en référé, le livre réapparut, sur Internet.
À l’heure où moins de cinq pour cent de la population des pays industria-
lisés disposaient d’une adresse de courrier électronique (225), la possibilité

(224) En ce sens, parmi une littérature abondante, R. VERNON, Sovereignty at Bay, New York,
Basic Books, 1971.
(225) En 1996, on estimait à 50 millions le nombre d’utilisateurs du courrier électronique dans
le monde (pour comparaison, l’estimation actuelle est d’un milliard), sur une population, à
l’époque, d’un peu moins de 6 milliards. La majorité de ces utilisateurs se situant dans les pays
industrialisés, on peut raisonnablement estimer à moins de cinq pour cent la population disposant
d’une adresse de courrier électronique dans ces pays : C. ROMM, N. PLISKIN et W. RIFKIN,
« Diffusion of Email : An Organisational Learning Perspective » in Information and Management,
1996, vol. 31, p. 37 et seq., spéc. p. 37 et B.R. GAINES, « The Learning Curves Underlying
Convergence », Centre for Person-Computer Studies Research Reports, 1998, <www.repgrid.-
com/reports/MFIT/Converge/Converge.pdf>, p. 6.

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PERTURBATIONS ANNONCÉES 79

de lire dans les cybercafés naissants ou chez des voisins connectés à Internet
un livre interdit et retiré de toutes les librairies laissa plus d’un Français
perplexe. Pascal Bourbaud, gérant d’un cybercafé de Besançon, avait acheté
le livre avant son interdiction, l’avais scanné et mis en ligne, clamant qu’il
ne faisait là que répondre à son obligation d’informer le public sur la santé
et la capacité à exercer ses fonctions de feu le plus haut personnage de
l’État. Les médias assurant à cette action la publicité qui en fit une réelle
atteinte à la vie privée du président défunt, les internautes encore relative-
ment rares de l’époque se précipitèrent sur leurs ordinateurs et, étant
jusqu’à 30'000 à se connecter sur les lignes de téléphone de la Franche-
Comté, mirent l’ensemble du réseau téléphonique de l’Est de la France
hors service. Les possibilités et les dangers créés par Internet entrèrent pour
la première fois réellement dans la conscience collective.
La famille Mitterrand sommant Bourbaud de retirer l’ouvrage des ré-
seaux et le menaçant de poursuites, celui-ci déclara que si la force publique
devait le contraindre à retirer le livre de son site hébergé à Besançon, il
l’enverrait aux États-Unis, le délocaliserait à l’étranger. On retrouva effecti-
vement l’ouvrage, quelque temps après, sur des sites web aux États-Unis,
au Royaume-Uni et au Canada. Ces sites web étaient bien entendu acces-
sibles depuis la France… Quelques jours plus tard, l’affaire connut une
chute burlesque : le matériel informatique de Bourbaud fut saisi à l’occasion
d’une poursuite pour dette intentée longtemps avant le début de l’affaire
par l’un de ses fournisseurs et Bourbaud lui-même dut peu après purger une
peine de prison parce qu’il refusait de payer une pension alimentaire… Le
grand secret disparut ainsi du serveur du cybercafé. Quant aux autres copies
du livre, hébergées sur des sites web de par le monde, elles sont toujours
accessibles à l’heure où nous écrivons (226).
En 1996, les médias présentèrent la situation comme relevant du « vide
juridique », ce qui traduisait en réalité la perception, fort justifiée, de
l’ineffectivité du droit et de l’affaiblissement de la puissance d’État. La
plupart des juristes commentant l’affaire à l’époque considérèrent qu’il ne
s’agissait en aucun cas d’un « vide juridique », puisque le droit demeurait

(226) Sur les faits de l’affaire Mitterrand, voir J.C. GINSBURG, « The Private International
Law of Copyright in an Era of Technological Change » in Rec. Cours La Haye, 1998, vol. 273,
p. 239 et seq., spéc. pp. 253–354. Pour une copie du livre accessible actuellement, voir par exemple
<alain.knaff.linux.lu/grand-secret.pdf>.

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80 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

applicable. Cependant, on l’a compris, cet argument omet la distinction


cruciale entre légalité et effectivité ou entre validité formelle et validité
matérielle. Nous aurons l’occasion d’y revenir (227).

B. — Caractéristiques contemporaines du cyberespace


affaiblissant la puissance d’État
La puissance d’État (Staatsgewalt) s’entend des attributs de la souveraineté,
de la totalité des pouvoirs qu’un État peut exercer du fait de sa souverai-
neté. Ces pouvoirs et attributs remontent tous en dernière analyse à la
puissance législative (228). Or, on le sait (229), la notion de souveraineté
que nous a léguée la modernité est indissociable de celle de la territorialité.
Celle-ci constitue le « support concret » de celle-là (230) et elle en est la li-
mite. Dans la conception westphalienne (231) ou moderne (232) de la
souveraineté, il n’y a, comme l’écrit René-Jean Dupuy, « de limitation ni
ratione materiae, ni ratione personae. Elle est seulement limitée ratione

(227) Voir Chapitre IX : Validité : l’efficacité juridique en trois temps, p. 305 et seq. infra.
(228) Voir G. BURDEAU, F. HAMON, M. TROPER, Droit constitutionnel, op. cit. n. 178,
p. 178 : « ces attributs ne se situent pas tous sur le même plan. L’un d’eux implique l’exercice d’une
puissance supérieure, qui permet à son titulaire de dominer les autres. C’est évidemment le pouvoir
de faire des lois. Si les décisions de justice ne sont que l’application de la loi, la souveraineté
consiste non dans l’exercice de la fonction juridictionnelle, mais dans celui de la fonction législa-
tive. La souveraineté peut donc être entendue seulement comme puissance législative. » Il ne s’agit
bien entendu ici que de la conception traditionnelle, moderne et dogmatique de la structuration
des pouvoirs au sein des États, conception qui est notamment remise en question par les théories
de Ost et van de Kerchove (surtout au plan national) ainsi que de Slaughter (surtout au plan trans-
national) : voir F. OST et M. VAN DE KERCHOVE, De la pyramide au réseau ?, op. cit. n. 21 et A.-
M. SLAUGHTER, « International Law in a World of Liberal States » in EJIL, 1995, vol. 6, p. 503
et seq. Voir également Chapitre IV : Le réseau : un méta-modèle de régulation, p. 151 et seq. infra.
(229) Voir Sous-section I. — Considérations générales sur le principe de territorialité et le
cyberespace, p. 62 et seq. supra.
(230) Ch. JARROSSON, « Réflexions sur l’imperium » in Études Offertes à Pierre Bellet, Paris,
Litec, 1991, p. 245 et seq., spéc. p. 251.
(231) Nous laissons de côté ici la problématique liée à la limitation de la puissance législative
par le droit international public, qui relève de la même question puisqu’elle provoque une limita-
tion de la souveraineté au sens de Staatsgewalt, mais dépasse le cadre de cette étude. Pour un très
bref résumé de cette question, voir J. STARKE, Introduction to International Law, 7ème éd. Londres,
Butterworths, 1972, p. 106 : « sovereignty of a state means the residuum of power which it pos-
sesses within the confines laid down by international law ».
(232) Il nous semble utile de rappeler que la modernité, en philosophie politique et juridique
comme en histoire, s’entend de la période s’étendant de la fin du Moyen Âge à la Révolution
française.

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PERTURBATIONS ANNONCÉES 81

loci » (233). La puissance de l’État, seul détenteur du pouvoir, ne connaît


donc de limites que territoriales. En deçà de ses limites territoriales, l’État
se conçoit comme « seul maître à bord » ; sur son territoire, il n’existe
« nulle autorité concurrente à la sienne, nulle contrainte qui ne soit le pro-
duit de sa libre volonté » (234). Du haut de la pyramide des pouvoirs et des
normes, l’État fait le droit et ordonne. Mais avec l’avènement d’Internet,
un certain nombre de domaines se développent où cette puissance législa-
tive sans limite est mise à mal, non pas parce qu’elle est limitée par d’autres
normes (hypothèse que nous laisserons de côté ici, nous l’avons dit (235)),
mais parce qu’elle est limitée par les faits : son effectivité et plus spécifi-
quement sa capacité à contraindre sont gravement affaiblies.
Tout d’abord, on relèvera les stratégies d’évitement législatif ou d’évasion
territoriale. L’affaire Mitterrand l’a montré : la facilité pour les acteurs pri-
vés de mettre à contribution l’ubiquité de l’information dans le cyberespace
pour soustraire leurs activités à la coercition d’un État sape la force contrai-
gnante de certaines lois.
Un autre exemple est éloquent. Le site web miditext.com proposait aux
internautes français le téléchargement de fichiers musicaux en violation du
code français de la propriété intellectuelle. Le 31 mai 2002, le Tribunal de
grande instance de Paris ordonne à la société Gandi, enregistreur du nom
de domaine <miditext.com>, de mettre en place une redirection du site web
vers le texte de l’ordonnance du Tribunal, c’est-à-dire que l’internaute en-
trant le nom de domaine en question dans son navigateur était automati-
quement renvoyé à une page web du Tribunal sur lequel figurait
l’ordonnance. Quelques jours à peine après la mise en place de la redirec-
tion, le site web était réenregistré, avec le même nom de domaine mais avec
le suffixe <.net> au lieu de <.com>, à Bombay (236). Il va sans dire qu’il

(233) R.J. DUPUY, « Souveraineté » in Répertoire de droit international, t. II, 1ère éd., s. dir. Ph.
Francescakis, Paris, Dalloz, 1969, p. 861 et seq., spéc. p. 862, § 7.
(234) J. CHEVALLIER, L’État, op. cit. n. 166, p. 104.
(235) Voir n. 231 supra.
(236) Voir « Décisions judiciaires : après les hébergeurs, les registrars » in Homo Numericus, 17
juin 2002, <www.homo-numericus.net/breve.php3?id_breve=312>.

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82 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

était de nouveau immédiatement accessible de la France. En vérité, dans ce


domaine, les exemples abondent (237).
On notera que ces stratégies d’évitement ne conduisent pas seulement à
un affaiblissement direct de la puissance d’État par la diminution de
l’effectivité du droit qu’il produit, mais qu’elles génèrent également une
tendance à la transnationalisation (affaiblissement indirect de la puissance
d’État) de la production du droit. On entend par là l’idée, défendue notam-
ment par Anne-Marie Slaughter, d’une interaction s’appuyant sur une
interdépendance transnationale des divers organes étatiques produisant le
droit. Ceux-ci forment, pour combattre les pratiques de lex shopping et pour
éviter le dumping réglementaire (238), un réseau transfrontière (239).
L’interdépendance des organes étatiques est une forme indirecte d’affaiblis-
sement de la puissance d’État.
Il convient ensuite de mentionner deux caractéristiques contemporaines
du cyberespace qui portent atteinte à ce que l’on appelait dans les années
1970 la « souveraineté informationnelle », ce qui correspond en substance à

(237) On citera simplement, dans le domaine particulièrement illustratif des casinos virtuels,
cette étude de l’Institut suisse de droit comparé, Cross-border gambling on the Internet : challenging
national and international law, Zurich, Schulthess, 2004.
(238) Sur ces phénomènes dans le cadre du cyberespace, voir A. — Approche descriptive de la
non-réglementation, p. 95 et seq. infra.
(239) A.-M. SLAUGHTER, « International Law in a World of Liberal States », op. cit. n. 228,
pp. 534–535 : « the State is composed of multiple centres of political authority […] each of these
institutions operates in a dual regulatory and representative capacity with respect to individuals and
groups in domestic society […] The proliferation of transnational economic and social transactions
creates links between each of these institutions and individuals and groups in transnational society
[which] in turn generates contacts among these institutions, either directly or indirectly […]
Interactions among counterpart or coordinate institutions from different States […] are shaped by
both an awareness of a common or complementary function transcending a particular national
identity, and a simultaneous recognition of an obligation to defend and promote the interests of a
particular subset of individuals and groups in transnational society […] A world [which] could be
conceptualized as a transnational polity. » Une raison supplémentaire à ce mouvement réside dans
l’accroissement de l’interdépendance économique des États causé par l’ubiquité des informations :
H.H. PERRITT, « The Internet as a Threat to Sovereignty ? Thoughts on the Internet’s Role in
Strengthening National and Global Governance » in Ind. J. Global Leg. Stud., 1998, vol. 5, p. 423
et seq., spéc. pp. 438–439 et Th. FRIEDMAN, The Lexus and the Olive Tree, op. cit. n. 71, p. xvii et
seq. Pour un raisonnement similaire, mais appliqué aux réseaux d’acteurs de la société civile, défen-
dant notamment des valeurs fondamentales ancrées dans le droit de l’environnement et les droits
de l’homme, voir Y. DEZALAY et B.G. GARTH, « Legitimating the New Legal Orthodoxy » in
Global Prescriptions. The Production, Exportation and Importation of a New Legal Orthodoxy, s. dir. Y.
Dezalay et B.G. Garth, Ann Arbor, Michigan Univ. Press, 2002, p. 306 et seq.

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PERTURBATIONS ANNONCÉES 83

la capacité d’un État à contrôler les activités de production et d’échange


d’informations qui se déroulent sur son territoire (240). La dématérialisa-
tion des activités que les réseaux impliquent provoque une augmentation de
la valeur de l’information. En conséquence, son contrôle devient également
plus important pour la capacité régulatrice d’un État. Les deux caractéristi-
ques qui y portent atteinte sont, d’un côté, la capacitation des acteurs non
étatiques par l’amélioration de leur accès immédiat à l’information et, de
l’autre, la disponibilité de techniques de cryptographie et d’anonymisation.
Du côté de la capacitation des acteurs non étatiques au travers de leur
accès à l’information, on observera avec Henry Perritt qu’« Internet réorga-
nise les interactions politiques en rendant possibles de nouvelles formes
d’intermédiation politique ». Les réseaux constituent un outil servant à la
constitution de groupes potentiellement transnationaux de défense
d’intérêts communs, ils permettent le regroupement de membres de dias-
poras dispersés (dans divers pays ou non) et la restructuration du pouvoir
autour de ces nouvelles communautés. Internet est également un véhicule
d’informations concernant les menaces qu’une action de l’État peut poser
pour les intérêts de certains groupes minoritaires, qui peuvent organiser
leur opposition sur la base de ces informations et bénéficier des possibilités
d’interaction avec d’autres membres du groupe procurées par les techno-
logies de l’information et de la communication. En ce sens, poursuit
l’auteur, « Internet menace les intermédiaires [informationnels] politiques
existants, parce qu’il offre de nouveaux canaux de communication entre les
sources de l’information et les individus » (241). Évoquons d’abord un
exemple extrême : nous ne serions plus réduits aujourd’hui, en cas de guer-
re, à nous cacher dans la cave pour écouter une radio clandestine. Consi-
dérons ensuite un exemple éloquent : on sait combien certains États aux
régimes non démocratiques mettent en œuvre, afin d’asseoir leur pouvoir,
de considérables moyens pour contrôler aussi strictement que possible les
informations transitant par les réseaux électroniques (242). Retenons

(240) A. GOTLIEB, Ch. DALFEN et K. KATZ, « The Transborder Transfer of Information by


Communications and Computer Systems : Issues and Approaches to Guiding Principles » in Am.
J. Int’l. L., 1974, vol. 68, p. 227 et seq., spéc. pp. 229 et 255.
(241) H.H. PERRITT, « Cyberspace and State Sovereignty » in J. Int’l Legal Stud., 1997, vol. 3,
p. 155 et seq., spéc. p. 163.
(242) Sur cette problématique en général et sur les tentatives de la Corée du Nord, de la Chine
et de Singapour de contrôler les flux d’informations transitant par Internet : Ch. ENGEL, « Das

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84 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

finalement un exemple concret : on se souvient peut-être de la déroute


infligée à l’OMC lors du Seattle Round de 1999, orchestrée en grande par-
tie par des altermondialistes se servant d’Internet, et de cette association de
consommateurs américains qui fit échouer les négociations de l’Accord
multilatéral sur les investissements, en se servant là encore d’Internet (243).
On peut imaginer, finalement, que cette capacitation des acteurs non étati-
ques et de leurs interactions puisse conduire à « donner consistance à
l’utopie d’une société civile mondiale, formée d’un tissu associatif (alliances
citoyennes, plateformes d’action, réseaux d’O.N.G., collectifs…) aussi éloi-
gné des marchés que des institutions étatiques » (244).
Du côté de la cryptographie et de l’anonymisation, Karim Benyekhlef
note que « la possibilité pour tout usager de recourir à la cryptographie fait
en sorte que chacun peut transmettre des informations cryptées contreve-
nant aux législations qui consacrent les intérêts concurrents à la liberté

Internet und der Nationalstaat » in Völkerrecht und Internationales Privatrecht in einem sich globali-
sierenden internationalen System – Auswirkungen der Entstaatlichung transnationaler Rechtsbeziehun-
gen, Heidelberg, Müller, 2000, p. 353 et seq., spéc. p. 395 et Ch.R. KEDZIE, « The Third Wave »
in Borders in Cyberspace. Information Policy and the Global Information Infrastructure, Cambridge, s.
dir. B. Kahin et Ch. Nesson, Mass. et Londres, MIT Press, 1977, p. 106 et seq., spéc. p. 125 :
« while many of the least democratic states became more democratic without being interconnected,
not a single one of them became even moderately interconnected without also becoming more
free. » Pour une analyse moins négative (diminution de la puissance d’État) et plus positive (capa-
citation des acteurs non étatiques), voir H.H. PERRITT, « The Internet as a Threat to Sover-
eignty », op. cit. n. 239, p. 439, sous titre « Empowering non-state actors » et, de manière générale,
J. ABRAMSON, « Democracy and Global Communications » in Governance of Global Networks in
the Light of Differing Local Values, s. dir. Ch. Engel et K.H. Keller, Baden-Baden, Nomos, 2000,
p. 119 et seq., spéc. 124 : « if Tocqueville was right to stress the importance of voluntary associa-
tions to the spirit of democracy in the United States, then the proliferation of such associations on
the web is a positive development. »
(243) Exemples mentionnés par F. OST, « Mondialisation, globalisation, universalisation :
s’arracher, encore et toujours, à l’état de nature » in Le droit saisi par la mondialisation, s. dir. Ch.-
A. Morand, Bruxelles, Bruylant / Bruxelles, Éd. de l’Université de Bruxelles / Bâle, Helbing &
Lichtenhahn, 2001, p. 5 et seq., spéc. p. 28. Pour d’autres exemples, au niveau national, O.
RABINOVICH-EINY, « Balancing the Scales : The Ford-Firestone Case, the Internet, and the
Future Dispute Resolution Landscape » in Yale J. of L. & Tech., 2004, vol. 6, p. 2 et seq.
(244) F. OST, « Mondialisation, globalisation, universalisation », op. cit. n. 243, p. 28. Il
s’agirait donc ici, comme le cite d’ailleurs l’auteur, d’un « modèle d’organisation dans lequel les
citoyens, où qu’ils se trouvent dans le monde, ont une voix, un accès et une représentation dans les
affaires internationales, de façon parallèle et indépendante par rapport à leurs propres gouverne-
ments » (traduction par F. Ost) : D. ARCHIBUGI et D. HELD, « Introduction » in Cosmopolitan
Democracy : An Agenda for a New World Order, s. dir., D. Archibugi et D. Held, Oxford et
Cambridge, Mass., Polity Press, 1995, p. 1 et seq., spéc. p. 13.

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PERTURBATIONS ANNONCÉES 85

d’expression (pornographie, secrets commerciaux, etc.) » (245). Si l’on ex-


clut les circonstances tout à fait exceptionnelles d’un Da Vinci Code à la
Dan Brown, c’est aujourd’hui la première fois dans l’histoire de la crypto-
graphie que les individus ont à leur disposition des outils de cryptage aussi
performants. Ils sont en vérité si performants qu’il faut – selon les modèles
mathématiques utilisés pour calculer le temps moyen nécessaire à déchiffrer
un message codé – un investissement humain, technique et surtout tem-
porel totalement disproportionné par rapport à l’importance de quasiment
tout message possible, étant donné que cette importance est généralement
proportionnelle à son actualité. Il s’ensuit que les messages cryptés par des
particuliers, sans même que ne soient requises des compétences techniques
particulières, semblent réellement indéchiffrables pour les gouverne-
ments (246). Par ailleurs, en plus d’en crypter le contenu, il existe un cer-
tain nombre de techniques permettant d’anonymiser les messages, par
exemple en ayant recours à des systèmes automatiques de reroutage ano-
nyme (anonymous remailer), qui ne laissent apparaître au destinataire d’un
message que l’adresse du système de reroutage (247). La difficulté de sur-
veiller les communications des utilisateurs d’Internet affaiblit le contrôle
que l’État peut exercer sur ceux-ci, réduisant ainsi la capacité de contrainte
de l’État et donc l’effectivité de ses lois.
Finalement, on évoquera encore brièvement la technicité et la rapidité
d’évolution de nombreux domaines du droit du cyberespace, qui amoindris-
sent la puissance d’État en obligeant les États à déléguer des compétences,
à recourir à des autorités administratives indépendantes voire à délaisser de
larges parties de certains secteurs à l’autorégulation (248).

(245) Voir par exemple K. BENYEKHLEF, « L’Internet : un reflet de la concurrence des sou-
verainetés », op. cit. n. 169, § 4.
(246) Voir par exemple S. SINGH, Fermat’s Last Theorem, Londres, Fourth Estate, 1998,
pp. 103–105, 166–175, qui démontre le caractère révolutionnaire de la cryptographie contempo-
raine, utilisée essentiellement dans le contexte de communications véhiculées par Internet. Pour
une analyse circonstanciée des conséquences de l’évolution de la cryptographie moderne sur le
caractère gouvernable des activités véhiculées sous format électronique, voir S.A. BAKER et P.R.
HURST, The Limits of Trust : Cryptography, Governments, and Electronic Commerce, La Haye,
Kluwer, 1998, not. p. xv.
(247) A.M. FROOMKIN, « The Internet as a Source of Regulatory Arbitrage » in Borders in Cy-
berspace. Information Policy and the Global Information Infrastructure, s. dir. B. Kahin et Ch. Nesson,
Cambridge, Mass., MIT Press, 1997, p. 129 et seq., spéc. pp. 133–140.
(248) K.W. GREWLICH, Governance in ‘Cyberspace’, op. cit. n. 29, p. 326.

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86 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

En guise de conclusion, on se demandera avec Anne-Marie Slaughter


s’il ne faut pas, pour comprendre réellement les flux normatifs qui animent
les activités véhiculées par les réseaux, se distancer de la notion tradition-
nelle de la souveraineté. Les frontières des États sont devenues perméables
à des forces qui dépassent le pouvoir de contrôle de chaque gouvernement
pris isolément. Ne doit-on pas alors considérer que l’équivalent de la puis-
sance d’État est réparti aujourd’hui entre de nombreux acteurs ? et recon-
naître que ce qui importe vraiment, dans la structuration actuelle des
pouvoirs, c’est la capacité dévolue à tous ces acteurs (dont certains sont
étatiques et d’autres non) de participer aux processus régulatoires trans-
nationaux (249) ? En effet, tout l’enjeu du pouvoir semble résider, comme
nous le verrons, dans la participation aux flux normatifs structurés en ré-
seau (250).

(249) A.-M. SLAUGHTER, « International Law in a World of Liberal States », op. cit. n. 228,
p. 537 : « sovereignty becomes the capacity to participate in an international regulatory process.
The redefinition of sovereignty in a world of liberal States pushes this redefinition one step fur-
ther, devolving it onto the component institutions of individual States and giving it substantive
content with regard to the relationship between these institutions and individuals and groups in
transnational society. »
(250) Voir Chapitre IV : Le réseau : un méta-modèle de régulation, p. 151 et seq. infra.

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CHAPITRE III
Chapitre III. — Les trois principaux modèles de régulation du cyberespace

LES TROIS PRINCIPAUX MODÈLES DE


RÉGULATION DU CYBERESPACE

Dans un célèbre rapport du Conseil d’État français, portant sur la question


de savoir si et comment le cyberespace peut être gouverné, toute la problé-
matique qui nous a intéressé jusqu’ici a été résumée, sans équivoque, par les
mots suivants : « cet espace n’est pas naturellement celui du droit. Celui-ci,
d’application territoriale, s’appuie sur des comportements, des catégories
homogènes et stables, tous éléments qui font défaut dans le cas
d’Internet ». Et le Conseil d’État de conclure à un « antagonisme avec le
droit » (251). Cet « antagonisme » entre le droit et le cyberespace a fait
l’objet de très nombreux débats, qui ont conduit à des positions aussi radi-
cales qu’opposées.
L’une des principales réactions aux nombreuses transformations, intui-
tivement perçues, de la normativité juridique dans les environnements
électroniques a été un durcissement de la dogmatique juridique. Celle-ci,
confrontée au positivisme comme obstacle épistémologique, se plût en
substance à conclure que ce n’est pas parce qu’une activité est dématéria-
lisée qu’elle échappe aux droits étatiques. On allégua ainsi que, de toute
manière, les champs d’application respectifs de ces derniers quadrillaient
nécessairement le monde entier. S’il était difficile de nier que le dé-
veloppement d’Internet avait provoqué quelques situations qui n’avaient pas
été prévues lors de l’élaboration du droit d’avant Internet, on argua qu’il
aurait simplement suffit d’adopter quelques dispositions réglementaires
nouvelles et tout serait rentré dans l’ordre. Surtout, pensait-on en bon ju-
riste, pas d’affolement, il ne s’agissait en définitive que d’une simple in-
novation technique. C’est ainsi qu’un juge de renom, en introduction à un

(251) Conseil d’État (français), Internet et les réseaux numériques, Paris, La documentation fran-
çaise, 1998.

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88 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

discours qui allait plus tard défrayer la chronique, s’écria qu’il était aussi
pertinent pour un juriste de s’intéresser au « droit du cyberespace » qu’au
« droit du cheval » (252).
D’autres penseurs prirent une position diamétralement opposée. Cons-
tatant l’efficacité des stratégies d’évitement des acteurs du cyberespace, la
difficulté de les localiser et même de les identifier, ils conclurent que l’État
n’avait aucun pouvoir de contrôle sur les activités véhiculées par les réseaux
numériques. Mêlant ce constat à l’euphorie générale qu’avait entraîné la
popularisation d’Internet, ils transformèrent cet argument descriptif en un
argument normatif : l’État ne devait en aucun cas intervenir dans le cyber-
espace, qui était désormais perçu comme le royaume de la pensée libre. La
bannière sous laquelle se regroupent les partisans de ce courant libertaire
est, aujourd’hui encore, la flamboyante Déclaration d’indépendance du cyber-
espace de John Perry Barlow dans laquelle son auteur clame cette revendica-
tion radicale : « Gouvernements du monde industriel […] je déclare
l’espace social que nous nous construisons naturellement indépendant des
tyrannies que vous cherchez à nous imposer ». Et de conclure que « vos
définitions légales de propriété, d’expression, d’identité, de mouvement, de
contexte ne s’appliquent pas à nous » (253).
S’inspirant de ces deux pôles de pensée mais sans s’y identifier, un troi-
sième courant doctrinal tente aujourd’hui de dépasser le débat entre les
tenants de la présence et de l’absence du droit étatique dans le cyberespace,
pour réfléchir à un nouveau paradigme (254) de régulation, apte à rendre
compte des phénomènes de normativité dans les environnements numéri-
ques. De ce courant, trois modèles de régulation émergent, qui tous ont
vocation à remplacer le paradigme de la réglementation par l’État, sans
toutefois nier la présence du droit dans le cyberespace. Il s’agit de
l’autorégulation, dont la forme la plus poussée défend l’idée de la souverai-
neté de l’utilisateur ; de la régulation par la technique, dont la forme la plus
radicale érige les producteurs de standards techniques au rang de souve-
rains ; et de la co-régulation, qui suggère plus simplement une forme atté-

(252) F.H. EASTERBROOK, « Cyberspace and the Law of the Horse » in U. Chi. Legal F.,
1996, p. 207 et seq. Voir aussi la réponse amusée et non moins célèbre de L. LESSIG, « The Law
of the Horse : What Cyberlaw Might Teach » in Harv. L. Rev., 1999, vol. 113, p. 501 et seq.
(253) J.P. BARLOW, « Déclaration d’indépendance du cyberespace », op. cit. n. 43.
(254) Pour une définition de la notion de paradigme, voir n. 63 supra.

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TROIS MODÈLES DE RÉGULATION 89

nuée de réglementation étatique, incorporant toutefois des mécanismes de


consultation du secteur privé à un point tel qu’il y aurait bien changement
de paradigme.

SECTION I. — Résistance du paradigme de la


réglementation

Malgré les perturbations mises en lumière dans le chapitre précédent, mal-


gré les coups portés au modèle de la réglementation des activités du cyber-
espace par les États, malgré l’affaiblissement dans ce contexte de la théorie
dogmatique positiviste en termes de congruence (255), de fertilité (256) et
de rhétorique (257), le modèle de la réglementation résiste. Si la « vérité
concernant le droit » (produit d’une approche sociologique) révèle
incontestablement la nécessité d’une analyse en profondeur des modalités
de régulation du cyberespace, la « vérité du droit » (produit de la dogmati-
que juridique) (258) n’en demeure pas moins encore fortement attachée à
l’analyse pure et simple de l’applicabilité du droit positif aux activités véhi-
culées par les réseaux (259). Nous verrons en effet qu’une partie importante

(255) Elle ne prend par exemple pas en compte le rôle normatif de la technologie.
(256) Elle n’explique par exemple pas l’affaiblissement de la souveraineté par les stratégies
d’évitement et les effets extraterritoriaux des droits étatiques, notamment révélés par l’affaire
Yahoo.
(257) La communauté juridique, de plus en plus, est convaincue que l’on ne peut réguler les ac-
tivités véhiculées par les réseaux numériques sans s’intéresser aux effets pratiques et aux conséquen-
ces en termes éthiques et moraux d’une simple application des divers droits nationaux.
Explicitons brièvement ici ces trois critères, qui permettent l’évaluation de la pertinence d’une
théorie : la congruence est fonction du nombre d’indices, d’éléments qu’une théorie prend en
compte ; le critère de la fécondité se rapporte à la capacité de rendre compte des événements qui se
produisent ou qui vont se produire ; et le critère de la rhétorique signifie simplement que la théorie
doit convaincre une communauté scientifique. L’approche est, par ces trois critères, gradualiste : F.
OST, « Science du droit » in Dictionnaire encyclopédique de sociologie et de théorie du droit, s. dir. A.-J.
Arnaud, 2ème éd., Paris, LGDJ, 1993, p. 540 et seq.
(258) Nous empruntons ici la distinction entre « vérité du droit » et « vérité sur le droit » de J.-
F. PERRIN, « Définir le droit… selon une pluralité de perspectives » in Droit, Revue française de
théorie juridique, 1989, no 10, p. 63 et seq., spéc. pp. 64–66.
(259) On conçoit également que la vision que l’on a du cyberespace influence le sentiment que
l’on a de ce que sa régulation doit être : si l’on considère qu’il est une opportunité commerciale
merveilleuse ou un espace de libre expression répondant à nos intimes aspirations libertaires, on sera
plus facilement tenté, d’un point de vue émotionnel, de franchir l’obstacle épistémologique que si
l’on perçoit le cyberespace comme « une allée sombre, dans laquelle la pornographie est produite,

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90 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

de la doctrine consacrée à la normativité dans le cyberespace se base sur le


paradigme de la réglementation, qui est soit accepté soit rejeté, mais qui
demeure toujours le point focal de la discussion.

SOUS-SECTION I. — LE POSITIVISME COMME


OBSTACLE ÉPISTÉMOLOGIQUE

Le positivisme constitue un obstacle, pour une partie de la doctrine relative


à la régulation du cyberespace, à la conception de nouveaux modèles de
régulation. Certains auteurs ne conçoivent en effet la régulation du cyber-
espace qu’en termes de réglementation : soit les activités véhiculées doivent
simplement être réglementées (simple application top-down du droit étati-
que), ou elles ne doivent pas l’être et l’on allègue ou appelle de ses vœux
l’absence totale de droit étatique (c’est-à-dire de droit tout court) et donc
de régulation juridique dans le cyberespace. D’un côté, on conclut qu’il faut
absolument s’en tenir au droit étatique et au modèle de la réglementation
pour qu’il y ait une justice dans le cyberespace (en dépit des nombreux pro-
blèmes d’effectivité et de légitimité que le droit étatique connaît), de l’autre
on s’y oppose, en arguant que le droit étatique ne peut pas et ne doit pas
intervenir. On conclut ainsi que le cyberespace doit être laissé à un hypo-
thétique stade d’état de nature, où règnerait le primat de l’autodéter-
mination et de l’autonormativité, affranchies de toute contrainte normative.
En d’autres termes, ou bien le droit étatique est imposé coûte que coûte, ou
bien le cyberespace apparaît comme un espace de non-droit. Cette vision
dichotomique de la régulation du cyberespace – déjà intuitivement défail-
lante – procède à notre sens simplement de l’inadaptation du paradigme de
la réglementation. Les partisans de cette approche, dont nous évoquerons
les thèses ci-dessous, ne parviennent pas à se détacher de ce paradigme, en
raison d’une conception positiviste du droit constituant un réel obstacle
épistémologique. Cette affirmation appelle quelques précisions termino-
logiques avant que nous abordions des exemples de ces perspectives.

où l’on porte atteinte à la pudeur des enfants, où les trafics de stupéfiants s’organisent et où l’argent
est blanchi tandis que les citoyens honnêtes sont victimes de fraudes à large échelle » : sur tout ceci
V. MAYER-SCHÖNBERGER, « The Authority of Law in Times of Cyberspace » in U. Ill. J.L. Tech.
& Pol’y, 2001, p. 1 et seq., spéc. p. 5 et seq.

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TROIS MODÈLES DE RÉGULATION 91

L’obstacle épistémologique est un type de paradigme (260) qui tente de


protéger la théorie à laquelle il appartient contre une éventuelle remise en
question ou infirmation, quand celle-ci est confrontée à des difficultés
d’application qui pourraient laisser penser qu’elle est inexacte, lacunaire ou
autrement imparfaite. Ce paradigme, qui constitue souvent une véritable
Weltanschauung pour les partisans de la théorie dans laquelle il s’inscrit,
survalorise la théorie en étendant indûment sont pouvoir explicatif et, par
ce fait, refoule les questions irrésolues que suscitent ses difficultés d’appli-
cation (261).
À notre sens, le positivisme (c’est-à-dire la thèse selon laquelle il n’y a
pas de droit en dehors du droit de l’État) est un tel obstacle épistémologi-
que. Il constitue un paradigme qui empêche la remise en question du mo-
dèle de la réglementation.
On observe ainsi tout d’abord aisément que le positivisme forme une ré-
elle Weltanschauung pour ses partisans. Des auteurs comme Duguit et
Kelsen affirmaient par exemple qu’il « n’y [a] pas d’autre justice que celle
que l’on trouve dans le droit positif des États » (262). Appliqué à la réalité
du droit, elle survalorise le modèle de la réglementation en lui faisant expli-
quer tout phénomène juridique, quelquefois au prix de constructions déli-
cates. Il empêche ainsi la remise en question du modèle de la
réglementation : repenser fondamentalement les modèles de régulation
implique en effet généralement d’accepter que du droit soit produit hors et
indépendamment de l’État.
Le juriste traditionaliste, respectueux de la dogmatique positiviste et en
conséquence confronté à cet obstacle épistémologique, n’a guère d’autre
solution que de s’en tenir au modèle de la réglementation, au droit positif,
et donc à ne pas réfléchir de manière réellement engagée à d’autres modes
de régulation. Son point de vue interne (au sens d’interne à la dogmatique
juridique) le contraint à une telle économie d’analyse parce que, comme

(260) Pour une définition de la notion de paradigme, voir n. 63 supra.


(261) Sur le concept d’obstacle épistémologique, voir G. BACHELARD, La formation de l’esprit
scientifique, Paris, Vrin, 1996, chapitre 1. Pour une application de ce concept à la science du droit,
voir F. OST et M. VAN DE KERCHOVE, Jalons pour une théorie critique du droit, op. cit. n. 63, p. 121
et seq.
(262) L. DUGUIT et H. KELSEN, Préface au premier numéro de la Revue internationale de la
théorie du droit, 1926-1927, vol. 1, p. 3.

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92 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

l’écrivait Max Weber, « le juriste se demande ce qui a valeur de droit du


point de vue des idées, c’est-à-dire qu’il s’agit pour lui [uniquement] de
savoir quelle est la signification, autrement dit le sens normatif qu’il faut
attribuer logiquement à une certaine construction de langage donnée
comme norme de droit » (263). Se fondant sur une perspective positiviste,
et considérant en conséquence qu’il n’y a pas de droit hors l’État, de nom-
breux auteurs n’imaginent de réponses juridiques à ces transformations
qu’au travers de quelque amendement législatif, rejetant toute idée de re-
penser les modes d’intervention du droit. C’est à cette ligne de pensée
qu’est consacré le prochain point.

SOUS-SECTION II. — DURCISSEMENT DU


MODÈLE DE LA RÉGLEMENTATION

Un premier courant de pensé défend les bastions de la souveraineté west-


phalienne : quelques ajustements au droit étatique seraient suffisants pour
appréhender les phénomènes nouveaux, les États se devant de conserver
jalousement le rôle principal sur la scène de la régulation et de dominer le
paysage juridique depuis les sommets du dispositif normatif (264). Pour les
auteurs de ce courant, les activités véhiculées par les réseaux ne sauraient en
aucun cas être traitées, au plan du droit, différemment des activités réalisées
dans d’autres environnements. L’État, et personne d’autre, doit élaborer le
droit, l’appliquer et sanctionner ses violations.
Parmi ces auteurs, Joseph Sommer constitue un exemple radical. Il se
plaît tout d’abord à se poser sans cesse cette même question au sujet

(263) M. WEBER, Économie et société, t. 2, L’organisation et les puissances de la société dans leur
rapport avec l’économie, trad. J. Freund et al., Paris, Plon, 1995, p. 11.
(264) Voir par exemple P. HUET, H. MAISL, J. HUET et A. LUCAS, Le droit du multimédia, de
la télématique à Internet, Paris, Éd. du téléphone, 1996 et O. ITÉANU, Internet et le droit. Aspects
juridiques du commerce électronique, Paris, Eyrolles, 1996. Sur ce courant, P. TRUDEL et al., Droit du
cyberespace, op. cit. n. 61, p. 8/1.
En guise d’aparté ludique, rapportons ici une saillie emblématique de certaines réactions
tentant radicalement de se démarquer de cette approche : « en abordant Internet comme un simple
outil de communication, [l]a France est extrêmement en retard, car son élite ne comprend pas ce
qui se passe. Elle n’est pas moins intelligente que l’élite américaine, mais, à l’Université, elle n’a pas
appris à utiliser le clavier et le courrier électronique » : Entretien avec J.M. Billaut, responsable de
la « veille technologique » à la Compagnie bancaire, Le Monde, 8 juillet 1997, p. 14, cité par J.A.
GRAHAM, Les aspects internationaux des contrats conclus et exécutés dans l’espace virtuel, thèse Paris I
dact., 2001, p. 62.

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TROIS MODÈLES DE RÉGULATION 93

d’Internet : « is anything new ? » (265). Le développement d’Internet a-t-il


eu des conséquences quelconques qui légitimeraient que nous pensions en
termes de droit du cyberespace ? La réponse est laconique : « no ». Non,
conclut l’auteur, Internet est simplement une innovation technologique
parmi d’autres, telle les automobiles. Tout comme il n’existe pas de droit de
la voiture, poursuit l’auteur ignorant le droit de la circulation routière, il ne
doit pas y avoir de droit du cyberespace (266). Cette innovation techno-
logique ne doit appeler aucune réelle réflexion juridique, outre l’adaptation
de quelques règles secondaires. L’Amérique, se trahit finalement l’auteur,
n’a guère changé depuis la description qu’en avait faite Alexis de
Tocqueville (267).
De manière moins amusante mais défendant le modèle de la réglemen-
tation avec presque autant de détermination, des auteurs comme Olivier
Cachard concluent, à la suite d’une brève analyse des écrits de certains au-
teurs américains relevant l’inadéquation entre la territorialité du droit inter-
national privé et la relative déterritorialisation des activités véhiculées par
les réseaux, que « le thème de l’inadaptation du droit international privé aux
nouvelles technologies constitue un artifice rhétorique » (268). L’auteur en
veut pour argument les conclusions d’un rapport du Conseil d’État français,
qui rappelle avec force que « l’ensemble de la législation existante s’applique
aux acteurs d’Internet » (269). L’auteur en déduit, en bonne logique juridi-
que, que si la législation s’applique, « le vide juridique n’est qu’un my-
the » (270) et il y a bien au contraire « permanence du droit éta-
tique » (271). Finalement, le « droit du cyberespace » (272) est donc une
« méthode inappropriée » (273), n’étant qu’une « fausse analogie avec la lex

(265) J. SOMMER, « Against Cyberlaw » in Berkeley Tech. L.J., 2000, vol. 15, p. 1145 et seq.,
spéc. p. 1168, sous titre « Is anything new ? »
(266) Ibid., p. 1147.
(267) Ibid., p. 1146 : « de Tocqueville is a good starting point. He is surprisingly topical :
surprisingly little has changed […] De Tocqueville always seems current. »
(268) O. CACHARD, La régulation internationale du marché électronique, op. cit. n. 39, p. 13.
(269) Conseil d’État (français), Internet et les réseaux numériques, op. cit. n. 251, cité par O.
CACHARD, La régulation internationale du marché électronique, op. cit. n. 39, p. 12.
(270) O. CACHARD, La régulation internationale du marché électronique, op. cit. n. 39, p. 11.
(271) Ibid., p. 16.
(272) Ibid., p. 11.
(273) Ibid.

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94 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

mercatoria » (274). La perspective étant ainsi énoncée, suit ensuite, dans le


restant de son ouvrage, une démonstration systématique et fournie de ce
que les activités véhiculées sur les réseaux numériques constituent simple-
ment un marché parmi d’autres, qui entre forcément dans le champ
d’application d’une ou de plusieurs lois que les États ont pu adopter. Il n’y
aurait donc – formellement – aucune raison de se départir du modèle de la
réglementation. On notera toutefois que l’auteur se défend de l’argument
qui consiste à dire que « puisque le réseau internet constitue un réseau
transnational, les activités qu’il véhicule devraient être régies par un droit
transnational » en alléguant essentiellement que « le vide juridique n’est
qu’un mythe et le cyberespace n’est qu’une métaphore » et que l’on ne sau-
rait « déceler les conditions d’émergence d’un droit transnational auto-
nome » (275). On remarquera que l’auteur répond à un argument normatif
par un argument descriptif.
L’analyse se retire donc ici vers le point de vue interne de la dogmatique
juridique, en s’efforçant d’analyser les conditions d’applicabilité du droit
étatique qu’il se fixe lui-même, en se crispant sur le pôle formel de la vali-
dité (276) et en concluant, en quelque sorte par nécessité épistémologique, que
le modèle de la réglementation doit être maintenu. Il s’agit donc ici d’un
durcissement du paradigme de la réglementation, dont la remise en ques-
tion est évitée par une approche purement formelle du droit (277).

SOUS-SECTION III. — REJET DU MODÈLE DE LA


RÉGLEMENTATION

À l’extrême inverse de cette position s’est développé un courant de pensée


rejetant radicalement toute intervention des États dans le cyberespace et
concluant à l’absence pure et simple de régulation ; la non-réglementation

(274) Ibid., p. 18.


(275) Ibid., p. 11, nous soulignons.
(276) Voir Chapitre IX : Validité : l’efficacité juridique en trois temps, p. 305 et seq. infra et
Chapitre XI : Validité formelle : légalité et systèmes juridiques, p. 377 et seq. infra.
(277) Notons encore que d’autres auteurs, comme Neil Netanel, se dégagent d’une telle appro-
che purement formelle, mais aboutissent à la même conclusion, en raison, semble-t-il, d’un certain
manichéisme : N.W. NETANEL, « Cyberspace Self-Governance : A Skeptical View from Liberal
Democratic Theory » in Calif. L. Rev., 2000, vol. 88, p. 395 et seq., spéc. p. 483 et seq., l’auteur
arguant, en substance, que si le cyberespace n’est pas réglementé par l’État, il sera inévitablement
un état de nature, où règnerait l’hégémonie de la force vive.

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TROIS MODÈLES DE RÉGULATION 95

se confond ici avec la non-régulation. Ce courant de pensée a connu essen-


tiellement deux phases : la première, durant laquelle le rejet de l’inter-
vention étatique mobilisait des arguments descriptifs (l’État ne peut pas
intervenir), a débouché sur une phase où les tenants de cette théorie s’ar-
mèrent d’arguments normatifs (l’État ne doit pas intervenir) (278).

A. — Approche descriptive de la non-réglementation


La première phase s’est construite sur l’allégation de l’impossibilité de
contrôler le cyberespace : comme le décrit Lawrence Lessig, « une idée
définit la pensée de première génération au sujet de cet espace. Le cybe-
respace, disait-on, ne peut pas être régulé. Il ne ‘peut pas être gouverné’, il a
une ‘habilité innée’ à résister à la régulation. C’est là sa nature, son essence,
c’est ainsi que sont les choses […] Le cyberespace est un espace de non-
contrôle » (279).
Si le cyberespace ne peut pas être régulé, soutenait-on, c’est que les lois
ne peuvent rien. Tout d’abord, disait-on, c’est toute l’activité sur Internet
qui n’a trait qu’à des « bits d’informations » (280) (dématérialisation). De
plus, la conception constitutive de l’architecture technique d’Internet rend
impossible l’édification d’une structure pyramidale de contrôle semblable à
celle instaurée par le droit étatique dans les États (décentralisation). En-
suite, le caractère ubiquitaire de la circulation de l’information sur les ré-
seaux rend ineffective toute tentative non mondiale de contrôle (281)
(déterritorialisation). Finalement, tout s’y passe de manière beaucoup trop
rapide pour que la lente machine de l’État puisse arrêter quoi que ce soit

(278) De manière générale, voir Sh. SHIPHANDLER, « The Wild Wide Web : Non-Regulation
as the Answer to the Regulatory Question » in Cornell Int’l L.J., 2000, vol. 33, p. 435 et seq.
(279) L. LESSIG, Code and Other Laws of Cyberspace, op. cit. n. 64, p. 24, se référant notamment
à T. STEINERT-THRELKELD, « Of Governance and Technology » in Inter@active WeekOnline, 2
octobre 1998 : « some things never change about governing the Web. Most prominent is its innate
ability to resist governance of any form. »
(280) Voir par exemple P. TRUDEL, « Quel droit et quelle régulation dans le cyberespace ? » in
Sociologie et sociétés, 2000, vol. 32, no 2, p. 190 et seq., spéc. p. 200, qui rappelle que « dans les
premières époques d’Internet, on a proclamé que tout n’étant désormais que des ‘bits
d’informations’, les lois ne pouvaient rien dans cet univers d’extrême liberté ! »
(281) N.W. NETANEL, « Cyberspace Self-Governance : A Skeptical View from Liberal De-
mocratic Theory », op. cit. n. 277, p. 401 : « by its very architecture and global reach, [cyberians]
contend, cyberspace will ultimately elude the strictures of state-created law, challenging the effi-
cacy and theoretical underpinnings of the territorial sovereign state. »

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96 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

(détemporalisation). Pour Nicholas Negroponte, qui entend clore ces cati-


linaires contre l’État par un « vixerunt ! », le droit (étatique) est « un pois-
son mourant sur les quais, parcouru de spasmes, tentant de happer une
dernière bouffée d’air, en vain, car le monde numérique est un lieu diffé-
rent » (282).
Outre ces critiques, au plan de l’abstraction, quant aux des modes de
fonctionnement du droit, on alléguait à tout le moins deux problèmes
concrets : les difficultés d’identification des acteurs et les stratégies d’évi-
tement (lex shopping) (283).
Les difficultés d’identification sont dues aux nombreuses possibilités
techniques de masquer les codes d’identification des ordinateurs se
connectant sur Internet (par exemple les logiciels d’anonymisation, dispo-
nibles gratuitement sur le web) et les adresses de courrier électronique
(notamment par des sites relais de réadressage automatique des courriers)
ou à l’accessibilité gratuite pour tout utilisateur de technologies de cryptage
suffisamment efficaces pour s’opposer aux services secrets les plus presti-
gieux (284).
Quant aux stratégies d’évitement, on comprend que toute tentative de
réglementation d’une activité conduirait forcément, si la réglementation ne
convient pas aux destinataires, au déplacement des acteurs concernés vers
un autre État où la législation leur est plus favorable (lex shopping). On
rappellera à cet égard, parmi de très nombreux exemples, cette affaire de
contournement de la loi française interdisant la publication des sondages
d’opinion publique à la veille d’élections législatives. Lors des élections de
mars 1997, de tels sondages avaient été dévoilés, la veille de l’ouverture des

(282) N. NEGROPONTE, Being Digital, op. cit. n. 128, p. 237 (trad. par l’auteur)
(283) Voir aussi, pour un survol de cette problématique, Harvard Law Review, « Developments
in the Law – The Law of Cyberspace », Partie II, « Communities Virtual and Real : Social and
Political Dynamics of Law in Cyberspace » in Harv. L. Rev., 1999, vol. 112, no 7, p. 1586 et seq.,
spéc. p. 1587 : « many commentators have argued that regardless of how carefully designed Inter-
net legal rules are, they may be irrelevant because they are largely unenforceable, as a result of both
jurisdictional and practical constraints. »
(284) Voir par exemple S. BIEGEL, Beyond our control ?, op. cit. n. 37, pp. 112-113 et B. —
Caractéristiques contemporaines du cyberespace affaiblissant la puissance d’État, p. 80 et seq.
supra.

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TROIS MODÈLES DE RÉGULATION 97

urnes, sur un site web genevois, auquel plusieurs quotidiens parisiens ont
simplement renvoyé par lien hypertexte (285).
Dans la mesure où les États ont un certain avantage à conserver la pré-
sence d’acteurs sur leur territoire (notamment pour des raisons fiscales),
l’effet cumulé des diverses tentatives de réglementation conduirait forcé-
ment, affirment les tenants de ce courant de pensée, vers un dumping ré-
glementaire, vers une réduction progressive de la présence du droit étatique
tendant vers sa disparition, exactement comme un marché en situation de
concurrence parfaite fait tendre le superprofit vers sa disparition (286).
Le constat de ces difficultés de contrôle a conduit certains auteurs à ce
qui peut être qualifié de nomoscepticisme (287), qui défend l’idée que les
normes juridiques n’ont pas de rôle à jouer dans le cyberespace, où
l’autodétermination et l’autonormativité règnent en maître. Pour Pierre
Trudel, dans cette ligne de pensée, c’est « la configuration [même] du
cyberespace [qui] situe au niveau de l’individu le lieu de détermina-

(285) Si cette action n’avait à notre connaissance pas été jugée illicite à l’époque, il en irait pro-
bablement autrement en l’état actuel du droit : Th. VERBIEST et É. WÉRY, Le droit de l’internet et
de la société de l’information, op. cit. n. 132, p. 164 et seq.
(286) Sur tout ceci, voir par exemple A.M. FROOMKIN, « The Internet as a Source of Regula-
tory Arbitrage », op. cit. n. 247, D.L. BURK, « Virtual Exit in the Global Information Economy »
in Chi.-Kent. L. Rev., 1998, vol. 73, p. 943 et seq., L.J. GIBBONS, « No Regulation, Government
Regulation, or Self-Regulation », op. cit. n. 30, p. 501 et seq. : « the legal enforcement model uses
positive law enforced through administrative agencies and the courts. There is very little to be said
for this approach. The futility of a nation-state approach to law, jurisdiction, and dispute resolu-
tion is best shown by some cyberspace aphorisms [such as] the unique nature of the cyberspace
requires a uniform global system of regulation [and bars] nation-states from enacting inconsistent
national legislation. » Voir aussi D.R. JOHNSON et D.G. POST, « Law and Borders – The Rise of
Law in Cyberspace », op. cit. n. 187, pp. 1373–74, R. QUECK et Y. POULLET, « En conclusion –
Le droit face à Internet » in Internet face au droit, s. dir. É. Montero, Bruxelles, Story Scientia,
1997, p. 232 et seq., spéc. p. 235 et Y. POULLET, « Quelques considérations sur le droit du cyber-
espace », op. cit. n. 131, p. 196 : « on notera, en outre, que la dimension internationale d’Internet
conduit à une certaine concurrence. Lorsqu’un État veu[t] réglementer tel comportement, il est
loisible aux acteurs de déplacer leurs activités et de préférer un cadre plus souple et moins contrai-
gnant. Ce phénomène de dumping réglementaire est réel » et, pour une analyse plus économique de
cette problématique, Ch.T. MARSDEN, « Towards Regulation of the Global Information Society »
in L. Rev. M.S.U.-D.C.L., 2001, p. 355 et seq., spéc. p. 17 et seq.
(287) En anglais, le terme regulation skeptics est courant, voir par exemple J.L. GOLDSMITH,
« Against Cyberanarchy », op. cit. n. 52, p. 1202 et seq., sous titre « The Regulation Skeptics’
Claims ».

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98 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

tion » (288). D’après René-Jean Dupuy, nous sommes dans ce sens


confrontés à un contexte nouveau, où le droit tout entier semble être ab-
sent ; l’auteur considère ainsi qu’« au monde des États, système de légalité,
se mêle un monde dont les acteurs sont des forces vives, portées par des
flux transnationaux et animés du seul désir de l’efficacité. Ce second monde
se distingue radicalement du premier : il est sans frontières ; il est hors la
loi […] Le monde, ainsi tapissé [de flux transnationaux], n’a pas de centre.
Dès lors, il est sans droit » (289).
De là, le pas est aisément franchi de conclure que « dans le monde du
cyberespace, l’anarchie règne. Il n’y a pas d’autorité de régulation et les
utilisateurs d’ordinateurs ont toutes les libertés » (290). Il s’agirait ainsi d’un
réel état de nature, qui s’imposerait tout naturellement par l’inadaptation
du droit étatique et donc du droit en général (291).
Si cet argumentaire présente de nombreux défauts, il paraît au surplus
exagérément manichéen : ce n’est pas parce que le contrôle du cyberespace
est difficile qu’il est impossible (292). De même, les difficultés rencontrées

(288) P. TRUDEL, « Quel droit et quelle régulation dans le cyberespace ? », op. cit. n. 280,
p. 199.
(289) R.J. DUPUY, « Le dédoublement du monde », op. cit. n. 130, pp. 314–316.
(290) Dans le sens du courant des théories décrites, B.M. RYGA, « Cyberporn : Contemplating
the First Amendment in Cyberspace » in Seton Hall Const. L.J. 1995, vol. 6, p. 221 et seq., spéc.
p. 223: « in the world of Cyberspace… anarchy reigns. There is no regulatory body, and computer
users are capable of anything. The Internet is a place where everyone is welcome, regardless of
gender, age, race, or association… Since there is no regulatory body policing the Internet, the
extent to which an individual is capable of [acting] without restriction is an enigma » et W.S.
BYASSEE, « Jurisdiction in Cyberspace : Applying Real World Precedent to the Virtual Commu-
nity » in Wake Forest L. Rev. 1995, vol. 30, p. 197 et seq., spéc. p. 199.
(291) On relèvera ici l’amalgame entre droit et droit étatique. Pour une description de cette po-
sition, L.J. GIBBONS, « No Regulation, Government Regulation, or Self-Regulation », op. cit. n.
30, p. 476, sous titre « Cyberspace in a State of Nature ? »
(292) Le cyberespace est par ailleurs devenu plus régulable par le développement de nouvelles
technologies et de la maîtrise des technologies existantes. Parmi les nombreuses références sur la
régulabilité du cyberespace, voir S. BIEGEL, Beyond our control ?, op. cit. n. 37, p. 4, B.D. LOADER,
« The Governance of Cyberspace : Politics, Technology and Global Restructuring », op. cit. n. 36,
pp. 5–7, sous titre « Demystifying the electronic frontier », N.W. NETANEL, « Cyberspace Self-
Governance : A Skeptical View from Liberal Democratic Theory », op. cit. n. 277, pp. 402, 446–
451, T. WU, « Cyberspace sovereignty ? The Internet and the International System » in Harv. J.L.
& Tech., 1997, vol. 10, p. 647 et seq., spéc. p. 649 et seq., L. LESSIG, Code and Other Laws of
Cyberspace, op. cit. n. 64, pp. 40–42, A.L. SHAPIRO, The Control Revolution : How The Internet is
Putting Individuals in Charge and Changing the World We Know, New York, Public Affairs, 1999,
N.W. NETANEL, « Cyberspace 2.0 » in Texas L. Rev., 2000, vol. 79, p. 447 et seq., spéc. p. 453 et

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TROIS MODÈLES DE RÉGULATION 99

par les États en vue de réglementer les activités et les acteurs du cyber-
espace ne permettent pas de conclure à une absence totale de réglementa-
tion. En ce sens, Lawrence Lessig rappelle qu’« une réglementation n’a pas
besoin d’une effectivité absolue pour avoir une effectivité suffisante. Il n’est
pas nécessaire d’augmenter infiniment le coût d’une activité [que l’on en-
tend empêcher] pour réduire substantiellement le taux de pratique de cette
activité. Si une réglementation augmente le coût d’[un comportement], elle
réduira ce [comportement], même si elle ne le réduit pas à zéro » (293).

B. — Approche normative de la non-réglementation


Ce manichéisme perçu, l’argument devient non plus descriptif (l’État ne
peut pas réguler et le cyberespace est un espace de non-droit) mais norma-
tif (l’État ne doit pas réguler et le cyberespace doit demeurer, autant que
possible, un espace de non-droit) (294). Pour bon nombre de théoriciens
du cyberespace de la première génération, idéalistes et libertaires, cette nou-
velle sphère publique renfermait la promesse d’un futur d’autodétermina-
tion enfin libéré des affres de la domination de l’État. La non-réglemen-
tation des activités exercées au travers d’Internet était perçue comme une
occasion unique donnée par l’histoire aux minorités de se libérer du joug
des majorités (295). Vinton Cerf, co-fondateur de la prestigieuse Internet

seq., J.P. TRACHTMAN, « Cyberspace, Sovereignty, Jurisdiction, and Modernism » in Ind. J.


Global Legal Stud., 1998, vol. 5, p. 561 et seq., spéc. p. 573 et N.W. ALLARD et D.A. KASS, « Law
and Order in Cyberspace : Washington Report » in Hastings Comm. & Ent. L.J., 1997, vol. 19,
p. 563 et seq., spéc. p. 569.
(293) L. LESSIG, « The Zones of Cyberspace », op. cit. n. 37, p. 1405. En ce sens, voir aussi
R.H. WEBER, Regulatory Models for the Online World, op. cit. n. 39, 2002, p. 58.
(294) Pour de nombreux auteurs, les deux aspects (descriptif et normatif) se combinent : voir
par exemple K. LYNCH, The Forces of Economic Globalization, op. cit. n. 174, pp. 354–357, qui
rapporte cette perspective selon laquelle le cyberespace est un espace non réglementé et non régle-
mentable. L’un des arguments des tenants de cette théorie est que l’action de réglementation de
l’État constitue une entreprise futile car forcément inopérante et ainsi elle ne devrait pas être
tentée. Pour une défense de cet argument de la futilité de l’intervention normative des États, voir
D.R. JOHNSON et D.G. POST, « Law and Borders – The Rise of Law in Cyberspace », op. cit. n.
187, p. 1372 et seq. Voir aussi, pour un rapide survol des divers arguments normatifs s’opposant au
modèle de la réglementation, P. SIRINELLI, « L’adéquation entre le village virtuel et la création
normative – Remise en cause du rôle de l’État » in Internet : Quel tribunal décide ? Quel droit
s’applique ?, s. dir. K. Boele-Woelki et C. Kessedjian, La Haye, Kluwer, 1998, p. 1 et seq.
(295) B.D. LOADER, « The Governance of Cyberspace : Politics, Technology and Global Re-
structuring », op. cit. n. 36, p. 2 « to some, [cyberspace] heralds a libertarian future of self-expres-
sion freed from the impositions of government domination ».

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100 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

Society et l’un des pères d’Internet, écrit en ce sens qu’« au moment où


nous passons dans un siècle nouveau marqué par l’omniprésence de l’Inter-
net, nous devons tout mettre en œuvre pour conserver le réseau sans
restriction, sans entrave et non réglementé » (296).
Outre cet idéal libertaire, on allègue notamment que le droit (toujours
entendu au sens de droit étatique, produit et appliqué selon le modèle de la
réglementation) ne doit pas intervenir dans le cyberespace car il sortirait
nécessairement des effets extraterritoriaux et manquerait ainsi de légitimité
démocratique, s’appliquant à des acteurs non localisés sur le territoire de
l’État qui adopte les normes juridiques en question (297). Le droit
s’appliquerait en plus à une réalité technique beaucoup trop complexe et
changeante pour le mode de fonctionnement habituel de la production
normative juridique (étatique) (298), lui-même « contraire à la nature fon-
damentale du cyberespace » (299) ; la lourde machinerie juridique des États
ne pourrait ainsi produire que des « règles démodées » (300).
On le voit : le cyberespace doit rester une sphère de non-contrôle, un es-
pace de liberté pour lequel le droit apparaît comme élément réellement
allochtone, car radicalement inadapté et indésiré (301). Et à ceux qui s’op-

(296) V. CERF, « The Internet Is for Everyone » in On the Internet, juillet-août 1999, cité par J.
BERLEUR, « Risk and Vulnerability of Democracy in Information Societies » in Report of
COMEST Sub-Commission on “The Ethics of the Information Society”, Paris, UNESCO, 2001, p. 40
et seq., spéc. p. 48.
(297) Sur cette question, voir Sous-section II. — Extraterritorialité, p. 65 et seq. supra. Voir
aussi P. FRISSEN, « The virtual state. Postmodernisation, informatisation and public administra-
tion » in The Governance of Cyberspace : Politics, Technology and Global Restructuring, s. dir. B.D.
Loader, Londres–New York, Routledge, 1997, p. 111 et seq., spéc. p. 115 : « the trend towards
deterritorialisation produced by ICTs therefore undermines the legitimacy of a political system
which is territory-bound and which receives support on the basis of elections held in a territory. »
(298) S. BIEGEL, Beyond our control ?, op. cit. n. 37, p. 111, indiquant que « le cyberespace a été
perçu, autant selon un point de vue interne qu’externe, comme un enchevêtrement extrêmement
complexe de réalités interconnectées, disposant d’une vie propre et incompréhensible. »
(299) Ibid., p. 76 (« against the very nature of cyberspace itself ») et cf. J.P. BARLOW,
« Déclaration d’indépendance du cyberespace », op. cit. n. 43 : « le Cyberespace ne se trouve pas à
l’intérieur de vos frontières. Ne pensez pas que vous pourrez le construire comme un projet de
travaux publics. Vous ne le pouvez pas. C’est une création de la nature, qui croît d’elle-même. »
(300) S. BIEGEL, Beyond our control ?, op. cit. n. 37, p. 76 (« outmoded rules »).
(301) R.H. WEBER, Regulatory Models for the Online World, op. cit. n. 39, p. 56 : « les premiers
partisans du cyberspace le concevaient comme un nouveau lieu anarchique, sans organes de régula-
tion, laissant aux utilisateurs une liberté d’action totale. » Il s’agissait ainsi du « rêve d’un espace
sans règles ni contrôle » (trad. par l’auteur).

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TROIS MODÈLES DE RÉGULATION 101

poseraient à cette absence de contrôle, ces « cyberanarchistes » (302)


répondent simplement : « if you don’t like it, stay out of cyberspace » (303).

C. — Vers une rupture avec le paradigme de la


réglementation
Cette vision du cyberespace comme espace de non-droit, explique Stuart
Biegel, était pour un temps relativement bien acceptée dans les divers mi-
lieux juridiques et économiques. Avec la véritable explosion commerciale
de l’utilisation du cyberespace en 1997 et la bulle financière du secteur des
nouvelles technologies qui suivit, d’importants profits furent réalisés dans
un environnement qui constituait à l’époque un réel mystère pour la plupart
des observateurs. La quasi-totalité des analystes financiers prédisaient un
fleurissement colossal de l’économie des entreprises et des États sachant
mettre à profit les possibilités offertes par Internet, qui demeuraient pour la
plupart à découvrir. Devant ce qui se présentait donc comme un miracle
économique, la première réaction, fort compréhensible, fut de laisser jouer
le miracle et d’éviter autant que possible d’y mettre un terme par une inter-
vention juridique inadaptée (304).
Quelques années plus tard, la disponibilité croissante de statistiques sur
les pratiques commerciales frauduleuses et de nombreux autres comporte-
ments indésirables, combinée à l’éclatement de la bulle des nouvelles tech-
nologies et le fait qu’il devenait largement impossible de « rester hors du
cyberespace », conduisit, aux États-Unis, à un abandon progressif de cette
attitude de laisser-faire et, en Europe, au renforcement d’une attitude déjà
un peu plus étatiste (305). « Il y a place pour le droit sur le réseau », écrit
ainsi Michel Vivant, « le droit se doit d’être sur le réseau » (306).

(302) Le terme est de N.W. NETANEL, « Cyberspace Self-Governance : A Skeptical View


from Liberal Democratic Theory », op. cit. n. 277, p. 412 et seq.
(303) S. BIEGEL, Beyond our control ?, op. cit. n. 37, p. 76.
(304) Ibid., p. 66, résumant la situation ainsi : « things were going well, the government ar-
gued, and there was no need to step in ».
(305) Ibid., p. 66 et 76. Voir aussi K. LYNCH, The Forces of Economic Globalization, op. cit. n.
174, p. 248 : « The absence of any coherent policy and rules specifically designed for cyberspace
markets, and the preference of international business for greater certainty, has provided the impe-
tus for the imposition of some form of law and order in cyberspace on a more systematic and
rational basis » et, sur l’impulsion donnée par les secteurs économiques en quête de sécurité ju-
ridique, G.-P. CALLIESS, « Rechtssicherheit und Marktbeherrschung im elektronischen Welthan-

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102 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

Constatant donc, d’un côté, l’inexactitude d’un certain nombre de pos-


tulats du cyberanarchisme relatif à la non-régulabilité du cyberespace (307)
et, d’un autre côté, reconnaissant les difficultés inhérentes à la production
de normes juridiques selon le modèle de la réglementation et réalisant
l’inacceptabilité de l’absence de contrôle, de nombreux théoriciens se mi-
rent à étudier les diverses possibilités d’adaptation des modes de production
de droit, se détachant progressivement du paradigme de la réglementa-
tion (308).

SECTION II. — Premier modèle :


l’autorégulation

James Dale Davidson et Lord William Rees-Mogg ont écrit un livre quel-
que peu étonnant, mais révélateur d’une conception importante de la régu-
lation juridique à l’heure où l’on évoque la montée en puissance de la
société de l’information. Étonnant, il l’est par son titre qui, en traduction
française, se lit : L’individu souverain : comment survivre et prospérer pendant

del : die Globalisierung des Rechts als Herausforderung der Rechts- und Wirtschaftstheorie » in
E-Commerce und Wirtschaftspolitik, Stuttgart, Lucius&Lucius, 2001, p. 189 et seq., spéc. p. 202.
(306) M. VIVANT, « Internet et modes de régulation » in Internet face au droit, s. dir. É.
Montero, Bruxelles, Story Scientia, 1997, p. 215 et seq., spéc. pp. 220 et 219 : « Internet est ainsi
un espace social et, comme tel, doit être ‘naturellement’ saisi par le droit qui n’a d’autre objet que
de réguler les relations sociales. Espace social par le mot, par l’image… mais espace social où l’on
peut séduire, blesser, commercer tout autant que dans une espace plus traditionnel. »
(307) Voir A. — Approche descriptive de la non-réglementation, p. 95 et seq. supra.
(308) Par exemple E. LONGWORTH, « Opportunité d’un cadre juridique applicable au cyber-
espace – y compris dans une perspective néo-zélandaise » in Les dimensions internationales du droit
du cyberespace, s. dir. T. Fuentes-Camacho, Paris, Éd. UNESCO/Economica, 2000, p. 11 et seq.,
spéc. p. 13, sous titre « L’abandon du paradigme du droit positif centralisé » et M.J. RADIN et R.P.
WAGNER, « The Myth of Private Ordering : Rediscovering Legal Realism in Cyberspace » in
Chi-Kent L. Rev., 1998, vol. 73, p. 1295 et seq., les auteurs alléguant qu’il faut cesser de voir le
débat en termes de top-down et bottom-up, de réglementation ou absence de réglementation, mais
qu’il faut réfléchir à d’autres modèles de régulation. Pour une synthèse de ce mouvement
d’inadaptation / reconstruction des modes de production du droit, voir notamment D. GILLEROT
et A. LEFEBVRE, Internet : la plasticité du droit mise à l’épreuve, op. cit. n. 105. Voir aussi P.
TRUDEL, « Le cyberespace et le droit » in Interface, 1997, vol. 18, no 5, <agora.qc.ca/textes/-
trudel1.html> : « pour rendre compte de l’application du droit dans le cyberespace, un nouveau
paradigme doit émerger. Il faut se défaire de la conception étroitement étatiste du droit pour
reconnaître l’activité normative des autres acteurs. L’État n’est pas et n’a jamais été le seul produc-
teur de règles de conduite. Le cyberespace, en rendant futiles les frontières des États, nous invite à
revoir nos manières d’envisager le droit en général. »

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TROIS MODÈLES DE RÉGULATION 103

l’écroulement de l’État-providence. Étonnant, il l’est également par son pro-


pos : les auteurs prédisent sans hésiter que les États-nations ne manqueront
pas d’être remplacés par des « républiques marchandes du cyberes-
pace » (309). C’est en substance cette idée qui est défendue par les tenants
d’une forme radicale d’autorégulation du cyberespace, où l’utilisateur est
conçu comme souverain.
Si le dogme de la non-régulabilité du cyberespace par les États a été lar-
gement mis à mal par un grand nombre d’études récentes (310) et qu’il est
aujourd’hui incontesté que la position du non-droit et de l’anarchisme est
inacceptable, ces lignes de pensée ont amené une idéologie qui leur a sur-
vécu : que le cyberespace doit être contrôlé essentiellement par des méca-
nismes d’autorégulation, l’État n’intervenant que de manière parfaitement
subsidiaire (311).

SOUS-SECTION I. — PRÉCISIONS
TERMINOLOGIQUES ET ASPECTS DE
L’AUTORÉGULATION DANS LE CYBERESPACE

Avant toute analyse, il est nécessaire d’extraire un sens commun des dif-
férentes acceptions que connaît le concept d’autorégulation et d’examiner
plus spécifiquement la signification qu’il faut lui donner dans le contexte du
cyberespace et du commerce électronique. L’étude du modèle de l’auto-
régulation requiert ensuite que nous dégagions les sources de cette forme
de régulation du cyberespace et que nous examinions les instruments juri-
diques mettant en œuvre les normes produites par ces sources.

A. — Le concept d’autorégulation
De manière générale, l’autorégulation s’entend du mode de production de
droit fondé sur l’adoption par les acteurs d’un système social de normes

(309) J.D. DAVIDSON et W. REES-MOGG, The Sovereign Individual : How to Survive and
Thrive During the Collapse of the Welfare State, New York, Simon & Schuster, 1997, p. 17–26.
(310) Voir sous A. — Approche descriptive de la non-réglementation, p. 95 et seq. supra.
(311) Pour une introduction, et plus particulièrement sur le principe de subsidiarité qui anime
le concept d’autorégulation, voir A. LANGHART, Rahmengesetz und Selbstregulierung : kritische
Betrachtungen zur vorgeschlagenen Struktur eines Bundesgesetzes über die Börsen und den Effektenhan-
del unter Berücksichtigung des amerikanischen und englischen Börsenrechts, Zurich, Schulthess, 1993,
pp. 103–106.

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104 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

juridiques qui s’appliquent à ces mêmes acteurs (312). En ce sens, un État-


nation en régime démocratique peut être considéré comme s’autorégulant
par la droit étatique (313). Toutefois, on évoque en principe le concept
d’autorégulation à une autre échelle et il est habituellement appliqué aux
secteurs privés, qui parfois s’autorégulent en adoptant des normes juridi-
ques d’origine privée ; c’est ainsi que l’on considère généralement qu’il ren-
voie à « un certain degré de contrainte collective, autre que celle émanant
directement du gouvernement » (314). On précisera encore la notion par la
distinction de deux sources. Le concept renvoie ainsi « aussi bien aux for-
mes d’autorégulation spontanée, qui concernent les formes de régulation
par des normes privées dans les communautés particulières, qu’aux formes
d’autorégulation par délégation, qui se basent sur une délégation de pouvoir
par le gouvernement à une agence autorégulée » (315). On peut finalement,
à la suite de cette dernière précision, placer la notion d’autorégulation sur
un axe définitoire allant d’une forme radicalement spontanée, confinant à
l’absence de système normatif organisé (316), à une forme fortement enca-
drée ou dirigée, qui confine à la co-régulation (317).

(312) Voir P. VAN OMMESLAGHE, « L’autorégulation : rapport de synthèse » in


L’autorégulation, Bruxelles, Bruylant, 1995, p. 233 et seq., spéc. p. 238 : « l’autorégulation peut être
définie comme une technique juridique selon laquelle des règles de droit ou de comportement sont
créées par les personnes auxquelles ces règles sont destinées à s’appliquer – soit que ces personnes
les élaborent elles-mêmes, soit qu’elles soient représentées à cet effet » et P. TRUDEL, « Les effets
juridiques de l’autoréglementation » in RDUS, 1989, vol. 19, p. 247 et seq., spéc. p. 247, pour qui
l’autoréglementation est le « recours aux normes volontairement développées et acceptées par ceux
qui prennent part à une activité. »
(313) On notera à cet égard que Habermas évoque « la capacité de l’État à maintenir les fron-
tières de son système et à réguler de manière autonome les processus de ses échanges avec son
environnement [c’est-à-dire] la capacité d’une société nationale à assurer son autorégulation démo-
cratique » : J. HABERMAS, Après l’État-nation. Une nouvelle constellation politique, trad. R.
Rochlitz, Paris, Fayard, 2000, p. 57.
(314) M. MAESSCHALCK et T. DEDEURWAERDERE, « Autorégulation, éthique procédurale
et gouvernance de la société de l’information » in Gouvernance de la société de l’information. Loi –
Autoréglementation – Éthique, s. dir. J. Berleur, C. Lazaro et R. Queck, Bruxelles, Bruylant, 2002,
p. 77 et seq., spéc. p. 87.
(315) Ibid.
(316) Voir par exemple R.H. WEBER, Regulatory Models for the Online World, op. cit. n. 39,
p. 79, renvoyant à certaines formes modérées du cyberanarchisme et concluant que les tenants
d’une telle position « do not call for an established form of self-regulation, but rather favor sponta-
neous regulation. Such regulatory autonomy means independence from any structured form of
rulemaking. Therefore spontaneous regulation does not correspond to self-regulation. »
(317) Ibid., p. 80, l’auteur évoquant la « directed self-regulation » et l’« audited self-regulation ».
Sur le concept de co-régulation, qui s’entend de la collaboration de l’État et des secteurs privés

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TROIS MODÈLES DE RÉGULATION 105

L’autorégulation dans le cyberespace se conçoit généralement en ce sens


que « l’individu a la possibilité de fréquenter des lieux crédibles ou de pren-
dre le risque de fréquenter des sites offrant peu ou pas de garanties de fia-
bilité. Il peut commercer avec une entreprise qui adhère à des normes
élevées de rigueur ou prendre la chance de contracter avec un aventurier ; il
se voit imputer une plus grande part de responsabilité dans le déroulement
des interactions auxquelles il accepte de prendre part » (318). Ces inter-
actions entre les divers acteurs privés du cyberespace – notamment entre les
opérateurs économiques du commerce électronique et les utilisateurs des
services disponibles sur Internet – constituent autant de contrats ou d’usa-
ges, qui quelquefois s’articulent à partir de codes de conduite ou d’autres
instruments d’autorégulation (319).
Notons encore, avant de préciser ces sources de l’autorégulation, que
l’attitude politique envers ce mode de régulation semble être liée de ma-
nière importante à la culture juridique ; il est typiquement mieux accepté
aux États-Unis et au Japon qu’en Europe (320). Ce constat a son impor-
tance pour notre propos car ce lien a eu une incidence directe sur le déve-
loppement de la doctrine selon laquelle la cyberespace doit être laissé à
l’autorégulation (321).

B. — Sources de l’autorégulation
Pour des auteurs comme Trotter Hardy, le cyberespace est (et doit être)
régulé par des « mécanismes de régulation contractuelle » (322), c’est-à-

dans la production normative, voir Sous-section II. — Le modèle de la co-régulation, p. 139 et


seq. infra.
(318) P. TRUDEL, « Quel droit et quelle régulation dans le cyberespace ? », op. cit. n. 280,
pp. 191–192.
(319) Sur les codes de conduite, les usages, les contrats et une appréciation juridique de ces
sources, voir de manière générale Ph. AMBLARD, Régulation de l’Internet. L’élaboration des règles de
conduite par le dialogue internormatif, Bruxelles, Bruylant, 2004.
(320) L’une des raisons pour ceci semble résider en cela que notre conception européenne de
l’État comme expression d’un bien commun et de l’unité d’une nation est nettement moins mar-
quée aux États-Unis et au Japon. En conséquence, il est plus aisé d’accepter que le droit et la
régulation juridique peuvent ne pas être étatiques : L. COHEN-TANUGI, Le droit sans l’État, Paris,
PUF, 1986.
(321) Sur ceci R.H. WEBER, Regulatory Models for the Online World, op. cit. n. 39, p. 86, énu-
mérant des exemples d’attitudes envers l’autorégulation du cyberespace.
(322) T. HARDY, « The proper legal regime for ‘Cyberspace’ » in U. Pitt. L. Rev., 1994,
vol. 55, p. 993 et seq., spéc. p. 1029 : « can we identify in general the situations in cyberspace for

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106 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

dire par l’effet combiné des normativités issues des contrats conclus dans le
cyberespace (323). Pour cet auteur, le principal flux normatif dans les envi-
ronnements électroniques s’articule (et doit s’articuler) selon le « paradigme
contractuel » (324), selon lequel tout sur le réseau est (et doit demeurer)
contrat (325). Cette position repose sur une progression simple : toute
action dans le cyberespace (à commencer par la visite d’une page web) se-
rait intercommunication et plus précisément échange de volontés, corres-
pondant en termes juridiques à la notion de contrat (326). Ce dernier en
devient, en quelque sorte par la force des choses, « l’instrument régulateur
le plus important du cyberespace » (327).
La légitimation de cette progression repose sur le postulat que, dans le
cyberespace, tout est laissé à la liberté des usagers, qui demeurent toujours
libres (et donc responsables) de leurs choix, décidant de se connecter à tel
ou tel service, de visiter telle ou telle page web, choisissant librement de
recueillir ou non une information, de communiquer avec une personne

which contracts are an appropriate response ? We know that parties who deal with each other in
regard to transactions that have high value to the participants, relative to the costs of the transac-
tion, can be expected to form their own contracts. The Coase theorem, moreover, tells us that in
such circumstances, the parties will reach an economically efficient result. »
(323) N.W. NETANEL, « Cyberspace Self-Governance : A Skeptical View from Liberal De-
mocratic Theory », op. cit. n. 277, p. 401, qui indique que pour les « cyberiens », c’est-à-dire les
défenseurs d’une autorégulation du cyberespace sans contrôle extérieur, les contrats ne sont pas de
simples arrangements locaux, leurs normativités se combinant pour former un système de régula-
tion tout entier.
(324) R.L. DUNNE, « Deterring Unauthorized Access to Computers : Controlling Behavior in
Cyberspace Through a Contract Law Paradigm » in Jurimetrics J., 1994. vol. 35, p. 1 et seq. Plus
spécifiquement pour les droits d’auteurs, M.A. JACCARD, « Securing Copyright in Transnational
Cyberspace : The Case for Contracting with Potential Infringers » in Colum. J. Transnat’l L., 1997,
vol. 35, p. 619 et seq., discuté dans J.C. GINSBURG, « The Private International Law of Copyright
in an Era of Technological Change », op. cit. n. 226, pp. 394–398.
(325) T. HARDY, « The proper legal regime for ‘Cyberspace’ », op. cit. n. 322, p. 1015 et seq.
(326) Décrivant cette optique, M. VIVANT, « Internet et modes de régulation », op. cit. n. 306,
p. 221. On notera également que s’il est vrai que du point de vue étatique le fait de visiter un site
web peut ne pas équivaloir, faute de consentement explicite, à l’adhésion à un contrat
d’« utilisation » (voir par exemple en ce sens Ticketmaster Corp. c. Tickets.com, 2003 U.S. Dist.
LEXIS 6483, Copy. L. Rep. (CCH) P28607 (C.D. Cal. 2003)), cela n’a aucune pertinence à
l’égard de la présente perspective, qui considère précisément que le droit du cyberespace évolue en
marge du droit étatique. On verra par ailleurs que les mécanismes de mise en œuvre (enforcement)
du droit étatique sont quelquefois remplacés par des mécanismes d’autoexécution. Contra J.A.
GRAHAM, Les aspects internationaux des contrats conclus et exécutés dans l’espace virtuel, op. cit. n. 264,
pp. 243–244.
(327) P. TRUDEL et al., Droit du cyberespace, op. cit. n. 61, p. 18/1.

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TROIS MODÈLES DE RÉGULATION 107

plutôt qu’une autre, d’échanger des biens, des services, des sommes d’argent
sans jamais qu’une telle action ne leur soit imposée. La technologie est
réputée permettre des choix et donc offrir à l’internaute la possibilité de
prendre ses propres responsabilités, par exemple en consentant aux cook-
ies (328), à tel traitement de ses données à caractère personnel, de révéler
son identité, de s’opposer à l’envoi de courriers non sollicités et, bien en-
tendu, de conclure une transaction commerciale (329). L’idée est donc,
comme l’explique Yves Poullet, que « l’interactivité des réseaux donne au
consentement de l’internaute des potentialités d’application sans précé-
dent » (330). Cette liberté de l’usager conduirait à sa responsabilité, qui
s’exprimerait juridiquement sous la forme d’un contrat. On reconnaît ainsi
que les principes juridiques sur lesquels se base le paradigme contractuel de
l’autorégulation sont l’autonomie de la volonté et la convention-loi, unani-
mement reconnus dans tous les ordres juridiques.
Finalement, la responsabilité démocratique et collective de l’État de ré-
glementer les agissements est ainsi remplacée par la responsabilité
individuelle de l’acteur lui-même qui, par son consentement ou ses
consentements successifs, autorisera ou non les agissements d’un autre
acteur entrepris à son égard (331).
Par ailleurs, cette ligne de pensée retient également comme source de
l’autorégulation, en prolongement de l’autonomie de la volonté, les usages
et les pratiques contractuelles. Pour Pierre Trudel par exemple, l’obser-
vation de certains comportements des acteurs du cyberespace montre « des
régularités donnant à conclure que, sur Internet, les usages se développent
selon une vélocité différente de celle qui prévaut dans le monde phy-
sique » (332). L’auteur constate par exemple une émergence très claire des
éléments considérés comme constitutifs d’une déclaration de volonté,
puisque « la pratique est quasi universelle d’assimiler le ‘clic’ à un consente-

(328) Un cookie est un fichier texte situé sur l’ordinateur d’un internaute visitant un site web. Il
est utilisé pour l’enregistrement d’informations, personnelles ou non, par le serveur du site web
visité.
(329) P. TRUDEL, « Le cyberespace : réseaux constituants et réseau de réseaux » in Les autorou-
tes de l’information : enjeux et défis, Montréal, Chemins de la recherche, 1996, p. 137 et seq.
(330) Y. POULLET, « Les diverses techniques de réglementation d’Internet : l’autorégulation et
le rôle du droit étatique » in Ubiquité, 2000, vol. 5, p. 55 et seq., spéc. p. 59.
(331) Ibid.
(332) P. TRUDEL, « L’influence d’Internet sur la production du droit », op. cit. n. 175, p. 96.

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108 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

ment » (333). L’auteur en conclut finalement que les « comportements


suivis et espérés des acteurs du cyberespace » produisent des « tendances
susceptibles de constituer des ensembles normatifs assortis d’un degré de
contrainte comparable aux règles de droit » (334).

C. — Instruments d’autorégulation et mise en œuvre des


normes produites
Ces sources de l’autorégulation – les contrats et les usages – sont parfois
formalisées ou positivées en des documents d’autorégulation. Par ailleurs,
certaines techniques sont développées pour assurer la mise en œuvre de ces
documents et des sources non formalisées de l’autorégulation. Ensemble,
ces documents et ces techniques forment les instruments de l’autorégula-
tion.
Parmi les documents d’autorégulation, on citera notamment, du côté des
contrats, les codes de bonne conduite ou de déontologie, les contrats
modèles, les memoranda of understanding (335), les standards techniques ou
administratifs et, du côté des usages, les « chartes », les 10 ou 12 « com-
mandements » (336), les codes d’éthique (337) ou encore les « déclaration
de droits » (338).

(333) Ibid., l’auteur renvoyant ici à I. DE LAMBERTERIE et M. VIVANT, « Commerce électro-


nique : de nouvelles pratiques contractuelles » in L’Internet et le droit. Droit français, européen et
comparé de l’Internet, Paris, Légipresse, 2001, p. 379 et seq.
(334) Ibid. Cet argument de l’ensemble normatif a conduit certains auteurs à développer le
concept de lex electronica, qui se conçoit généralement en référence à la lex mercatoria comme un
ordre juridique global et anational, fondée sur les contrats et les usages. La présente section servant
uniquement d’introduction à l’autorégulation, nous retrouvons cette question pour une analyse sous
A. — La lex electronica n’est pas un système juridique, p. 472 et seq. infra.
(335) On prête au terme memorandum of understanding (MOU) de nombreuses significations. Il
peut être un contrat contraignant ou non contraignant, une déclaration unilatérale de volonté
exprimant l’intention de collaborer avec un partenaire ou encore un contrat établi pour régir des
négociations dont la durée semble devoir être longue.
(336) Voir par exemple les « 10 commandements du savoir-vivre informatique », élaborés par le
Computer Ethics Institute de Washington, <www.ac-orleans-tours.fr/anglais-liens/siteoutils/divers/-
dixcom.htm> et <www.brook.edu/its/cei/overview/Ten_Commanments_of_Computer_Ethics.-
htm>.
(337) On pense notamment à la célèbre Netiquette d’Arlene Rinaldi : voir A. RINALDI, The
Net : User Guidelines and Netiquette, 1992, <www.fau.edu/netiquette/net> et, pour une traduction
française, Règles de conduite et savoir-vivre de l’utilisateur du Réseau, trad. J.P. Kuypers, <www.sri.-
ucl.ac.be/SRI/netetiq.html>. Voir aussi, pour une conception plurielle des netiquettes (spécifiques

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TROIS MODÈLES DE RÉGULATION 109

Parmi les techniques de mise en œuvre, on rencontre avant tout les mé-
canismes de certification et de labellisation visant à rassurer les cyber-
consommateurs du respect par l’acteur accrédité de certains standards dans
ses transactions (339). De plus, l’autorégulation peut aussi inclure des élé-
ments de mise en œuvre technologique. Celle-ci peut avoir elle-même un
effet normatif sur les comportements des utilisateurs d’Internet et peut
devenir un instrument à l’usage de l’autorégulation. On peut plus précisé-
ment distinguer plusieurs cas de figure : soit les parties s’y réfèrent
contractuellement (la certification peut ainsi être liée à un standard techni-
que mis en œuvre par un filtre) ; ou une autorité privée de standardisation
élabore et impose un standard technique (340) ; ou encore la technologie
est utilisée comme sanction ou comme moyen de contrainte (déconnexion,
flaming) (341). Finalement, ce sont les mécanismes de résolution des litiges
en ligne qui viennent compléter cette liste.
Au travers de tous ces instruments, on peut observer que l’autorégulation
du cyberespace acquiert graduellement un caractère systémique, qu’elle

au réseau Usenet, aux courriers électroniques ou encore au web), Th. VERBIEST et É. WÉRY, Le
droit de l’internet et de la société de l’information, op. cit. n. 132, p. 554 et seq.
(338) Sur ces divers documents, voir par exemple Y. POULLET, « How to Regulate the Inter-
net : New Paradigms for Internet Governance », op. cit. n. 114, p. 1 et seq., spéc. p. 2, J. BERLEUR
et Y. POULLET, « Réguler Internet » in Revue Études, 2002, vol. 397, no 5, p. 463 et seq., spéc. p
467 et J. BERLEUR, « Self-regulation : Content, Legitimacy and Efficiency – Governance and
Ethics » in Human Choice and Computers. Issues of Choice and Quality of Life in the Information
Society, s. dir. K. Brunnstein et J. Berleur, Norwell, Mass., Kluwer, 2002, p. 89 et seq.
(339) Par exemple les labels Webtrust (certification très large, comprenant le respect de la vie
privée, la confidentialité, la sécurité, l’accessibilité, les pratiques commerciales – voir <www.cpa-
webtrust.org/onlnover.htm>) ou ICPA et TrustE (essentiellement protection de la vie privée des
consommateurs). La présente section ne servant que d’introduction à la thèse de l’autorégulation
du cyberespace, la problématique de la mise en œuvre des normes juridiques d’origine privée sera
développée plus longuement sous Section VI. — Mécanismes d’autoexécution et ODR, p. 349 et
seq. infra.
(340) Y. POULLET, « How to Regulate the Internet : New Paradigms for Internet Govern-
ance », op. cit. n. 114, p. 2 et 7. De tels standards sont notamment, dans le contexte de la protec-
tion de la vie privée, PICS et P3P, tous deux développés par le W3C, un consortium d’entreprises
élaborant des recommandations et des standards pour le Web : voir Sous-section II. —
Protection de la vie privée, p. 43 et seq. supra. Cette problématique connaîtra finalement plus de
développements sous Section III. — Deuxième modèle : la régulation par la technique, p. 123 et
seq. infra. Sur ces standards, voir aussi L. LESSIG, Code and Other Laws of Cyberspace, op. cit. n. 64,
pp. 159–163 et L. EDWARDS, « Consumer Privacy, On-Line Business and the Internet », op. cit.
n. 106, pp. 244–247.
(341) Le flaming est l’envoi massif de messages délibérément hostiles et insultants à un groupe
de discussion, un forum, une liste de diffusion ou une adresse de courrier électronique individuelle.

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110 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

n’est plus limitée à des normes isolées et disparates, mais comprend de


manière croissante des corps de normes structurés, notamment parce
qu’elle ne propose pas seulement des normes substantielles, mais également
des moyens de mettre en œuvre ces normes (342). Dans certaines situa-
tions, tout se passe comme si l’autorégulation se dirigeait vers un accapare-
ment de toute la chaîne de production du droit : de l’élaboration de la règle,
à son application, à la sanction de son non-respect prononcée dans des
lieux privés de résolution des litiges (343). Un cas de figure de cette com-
plétude est le label attribué sous condition du respect d’un code de
conduite, respect pouvant être constaté par des instances privées de résolu-
tion des litiges, par exemple un système de règlement des différends en
ligne (344).

SOUS-SECTION II. — L’AUTORÉGULATION


COMME DOCTRINE

En continuité des défenseurs de la non-régulabilité du cyberespace, un


courant de pensée avance l’autorégulation comme solution à adopter. Ce
mode de régulation fait réellement ici l’objet d’une doctrine. Il s’agit d’une
position normative et non descriptive, d’une finalité appelée par une ré-
flexion de technique législative. La promotion de l’autorégulation est tou-
tefois avant tout un discours de délégitimation de l’intervention étatique et
du modèle de la réglementation. Cette opposition au droit étatique est
justifiée par une série d’arguments que nous pensons pouvoir classer en
deux catégories, l’une regroupant les arguments contingents, qui concer-
nent le mode de fonctionnement actuel de la production normative juridi-
que par l’État, l’autre propre aux arguments touchant à la tension suscitée

(342) Y. POULLET, « Les diverses techniques de réglementation d’Internet : l’autorégulation et


le rôle du droit étatique », op. cit. n. 330, p. 58, pour qui les sources privées de la régulation consti-
tuent ainsi « progressivement un ensemble cohérent et complet de normes incluant non seulement
le prononcé de certains contenus mais aussi l’ensemble des moyens propres à leur mise en oeuvre ».
(343) ID., « How to Regulate the Internet : New Paradigms for Internet Governance », op. cit.
n. 114, p. 3 : « we can see that private regulatory sources set up their own mechanisms for express-
ing the rules, controlling their application and finally for sanctioning non-respect, in certain cases,
the sanctions are pronounced by their own ‘magistrates’. »
(344) ID., « Les diverses techniques de réglementation d’Internet : l’autorégulation et le rôle du
droit étatique », op. cit. n. 330, p. 58.

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TROIS MODÈLES DE RÉGULATION 111

par la nature territoriale de l’État et la dimension intrinsèquement globale


du cyberespace.

A. — Arguments contingents
Tout d’abord, le caractère technique et évolutif d’Internet appelle une ré-
gulation flexible, à temporalité juridique courte (donc facilement révisable),
qui s’oppose à l’élaboration législative par les lentes administrations de
l’État, que les secteurs privés perçoivent souvent comme affectée d’une
complexité quasi kafkaïenne. Seules les procédures informelles et privées,
qui ne s’embarrassent pas de l’établissement de compromis acceptables pour
les tiers affectés par les externalités de la régulation d’un secteur, seraient
suffisamment flexibles et rapides (345).
Cet informalisme entraîne par ailleurs une certaine efficience, les normes
rapidement adoptées par une procédure autorégulative simplifiée et proche
des destinataires minimisant les coûts (346).
Ensuite, la qualité des auteurs de l’élaboration normative est perçue
comme supérieure quand elle s’attache à des producteurs juridiques plus
proches des comportements à réguler : les acteurs appartenant eux-mêmes
aux secteurs à réguler sont les seuls capables de reconnaître les enjeux des
solutions adoptées (347). L’État est réputé être un organisme allochtone et
incapable de comprendre en profondeur les nouvelles formes d’intercom-
munication, de commerce et de sociabilité propres au cyberespace (348).

(345) R.H. WEBER, Regulatory Models for the Online World, op. cit. n. 39, p. 84 : « meaningful
self-regulation provides the opportunity to adapt the legal framework to changing technology in a
flexible way » et « effective self-regulation induces the concerned persons to be open to a perma-
nent consultation process in respect of development and implementation of the rules » et L.J.
GIBBONS, « No Regulation, Government Regulation, or Self-Regulation », op. cit. n. 30, p. 509 et
seq. Voir aussi P. MANKOWSKI, « Wider ein transnationales Cyberlaw » in AfP, 1999, p. 138 et
seq., l’auteur s’engageant dans une conclusion aussi critique que positiviste.
(346) R.H. WEBER, Regulatory Models for the Online World, op. cit. n. 39, p. 84 : « self-regula-
tion can usually be implemented at reduced costs (saving effect) ».
(347) Ibid., p. 83 : « rules created by the participants of a specific community are efficient be-
cause they respond to real needs and mirror the technology. »
(348) M.D. GOODMAN, « Why the Police Don’t Care About Computer Crime » in Harv. J.
Law & Tech., 1997, vol. 10, p. 465 et seq., spéc. pp. 482–484 et M.A. LEMLEY, « Shrinkwraps in
Cyberspace » in Jurimetrics J., 1995, vol. 35, p. 311 et seq., spéc. p. 313

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112 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

Un argument supplémentaire est celui de l’adéquation et de l’effectivité


de l’appareil de sanction disponible : une condamnation judiciaire ou ad-
ministrative est souvent moins adéquate et effective que le blocage, par
exemple par l’ensemble des fournisseurs d’accès, d’un site dont le contenu
est contraire au code de conduite applicable (349).
On allègue également que les acteurs de l’autorégulation, ne pouvant
simplement imposer des règles comme le pourrait l’État, s’efforceront de
développer des incitations poussant les destinataires à respecter volontai-
rement les normes produites par l’autorégulation (350).

B. — Arguments fondés sur la nécessaire indadéquation


de la territorialité de l’État
« Le reproche qu’on peut, à l’évidence, adresser à [la] prétention [des États]
à régenter le net », écrit Michel Vivant, « est tout entier compris dans la
contradiction […] qu’il y a entre un phénomène qui ignore les frontières et
des entités qui n’existent et n’ont compétence qu’à l’intérieur de frontières
données » (351). Finalement, c’est donc la capacité de l’autorégulation à
opérer à une échelle globale qui est avancée comme argument décisif.
L’autorégulation du cyberespace, déterritorialisée, se présente comme une
solution adéquate à la perte de validité des paradigmes orthodoxes de sou-
veraineté territoriale sur lesquels s’appuyent les pouvoirs réglementaires
traditionnels, donnés par les constitutions aux autorités étatiques (352).

(349) Voir T. HARDY, « The proper legal regime for ‘Cyberspace’ », op. cit. n. 322, p. 1033 et
seq. et Y. POULLET, « Les diverses techniques de réglementation d’Internet : l’autorégulation et le
rôle du droit étatique », op. cit. n. 330, p. 58, l’auteur relevant l’argument « de l’adéquation et de
l’effectivité des sanctions proposées l’autoréglementation : le blocage immédiat par l’ensemble des
fournisseurs d’accès d’un site dénoncé par le mécanismes d’une hot-line constitue la réponse appro-
priée et efficace à l’existence d’un site pornographique, bien plus qu’une condamnation juridiction-
nelle. »
(350) R.H. WEBER, Regulatory Models for the Online World, op. cit. n. 39, p. 84 : « since rules
are not imposed by a specific authority in cases of self-regulation, chances are good that the rules
contain incentives for compliance. Their involvement is necessary to ensure that the self-regulatory
mechanism accurately reflects real needs. »
(351) M. VIVANT, « Internet et modes de régulation », op. cit. n. 306, p. 226.
(352) D.R. JOHNSON et D.G. POST, « Law and Borders – The Rise of Law in Cyberspace »,
op. cit. n. 187, p. 1370, Y. POULLET, « How to Regulate the Internet : New Paradigms for Inter-
net Governance », op. cit. n. 114, p. 1 et ID., « Les diverses techniques de réglementation
d’Internet : l’autorégulation et le rôle du droit étatique », op. cit. n. 330, p. 58.

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TROIS MODÈLES DE RÉGULATION 113

L’argumentaire relatif à la territorialité se subdivise plus avant en plu-


sieurs éléments (353). D’entrée de cause, on se souvient de cet argument,
souvent avancé, selon lequel une réglementation émanant d’un État isolé a
de forts risques d’aboutir à l’une des deux (voire les deux) situations sui-
vantes, à cause de la nature ubiquitaire du réseau : soit la fuite des acteurs et
des activités réglementées par une législation perçue comme nuisible, soit
l’existence d’effets extraterritoriaux. La fuite des acteurs et des activités est
fondamentalement un argument basé sur la futilité de l’intervention, dont
on se souvient tout de même qu’elle est toute relative (354).
Du côté de l’extraterritorialité, on rencontre tout d’abord l’argument le
plus concret, celui de la sécurité juridique. Comme l’indique Jack
Goldsmith, la fréquente imprévisibilité pour les non-juristes des solutions
résultant des divers systèmes de droit international privé à l’égard de nom-
breuses activités véhiculées par les réseaux rend la prévision difficile, voire
impossible, de savoir quel droit s’appliquera (et quel juge sera compé-
tent) (355).
Le deuxième argument, que nous avons déjà rencontré (356), est plus
théorique. Toute loi qui a un effet extraterritorial s’applique à des individus
situés hors de l’État ayant adopté la norme en question et n’ayant pas pu,
de ce fait, participer au processus démocratique de la production du droit.
En bref, l’application extraterritoriale d’une norme de droit étatique man-
que de légitimité démocratique (357).

(353) Nous n’avons pas retenu ici un argument qui était quelques fois allégué aux premières
heures d’Internet, mais qui fut rapidement rejeté : cet argument s’appuyait sur une notion qui
ressemble étrangement au droit à l’autodétermination des peuples, ses défenseurs avançant que le
cyberespace était composé d’une communauté à part entière, distincte des États et que, en consé-
quence, toute ingérence de ceux-ci s’apparente à du colonialisme. Étant donné que personne ne
peut être citoyen du web sans être en même temps citoyen d’un État, l’argument a fait long feu. Voir
sur ceci N.W. NETANEL, « Cyberspace Self-Governance : A Skeptical View from Liberal De-
mocratic Theory », op. cit. n. 277, pp. 402–403.
(354) Voir A. — Approche descriptive de la non-réglementation, p. 95 et seq. supra.
(355) J.L. GOLDSMITH, « Against Cyberanarchy », op. cit. n. 52, p. 1204.
(356) Voir B. — Approche normative de la non-réglementation, p. 99 et seq. supra.
(357) D.R. JOHNSON et D.G. POST, « The New Civic Virtue of the Internet » in The Emerging
Internet : The 1998 Report of the Institute for Information Studies, Washington DC, Aspen Institute,
1998, p. 25 et seq., spéc. pp. 30–31 et D.L. BURK, « Federalism in Cyberspace » in Conn. L. Rev.,
1996, vol. 28, p. 1095 et seq., spéc. pp. 1123–34.

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114 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

Le troisième argument appartient plus radicalement au domaine du spé-


culatif : il s’agit cette fois de la reconstruction postmoderne de l’identité
culturelle (358). On entend par là la crise généralisée de la correspondance
entre la culture d’un peuple et l’État sur le territoire duquel il vit, cette
correspondance formant l’État-nation dont la modernité a connu l’apogée.
Les frontières des États ne correspondent plus aux frontières culturelles et
identitaires, la reconstruction politique s’effectue de plus en plus au plan
local et global, au détriment du niveau national (359). Avec le cyberespace,
le phénomène se renforce. La perte de pertinence de l’État comme espace
de définition culturelle se dessine encore davantage, entraînée par l’affai-
blissement du rôle de ses frontières pour les échelles géographiques de
sociabilité, qui se font soit selon des communautés numériques loca-
les (360), ou de manière diffuse et générale selon les linéaments de la socié-
té globale de l’information (361). Il s’ensuit que seule l’autorégulation
pourrait agir à la bonne échelle (362).

(358) Voir par exemple B. BADIE, « Du territoire à l’espace » in La France au-delà du siècle, La
Tour d’Aigues, DATAR / Éd. de l’Aube, 1994, p. 7 et seq., spéc. pp. 13–14 : « toutes les tendan-
ces vont ainsi dans le même sens et réaménagent l’espace de la même manière : en déterritorialisant
le jeu social, en relativisant le niveau national qui perd son statut prioritaire, en libérant de façon
peu contrôlée les identités, en démultipliant les réseaux, en inscrivant chaque individu et chaque
groupe dans des espaces multiples d’action et d’identification […] En bref, ce changement de
millénaire nous fait passer d’une politique du territoire, faite de centres et de périphéries, de borna-
ges et de compétences exclusives, à une politique de l’espace faite d’appartenances multiples,
d’échanges et de réseaux. »
(359) Sur ceci, A.-J. ARNAUD, Entre modernité et mondialisation. Cinq leçons d’histoire de la phi-
losophie du droit et de l’État, Paris, LGDJ, 1998, p. 32 et E. JAYME, Identité culturelle et intégration :
le droit international privé postmoderne, La Haye, Nijhoff, 1996. Voir aussi M. VOGLIOTTI, « De
l’auteur au rhapsod” ou le retour de l’oralité dans le droit contemporain » in RIEJ, 2005, vol. 50,
p. 81 et seq., spéc. p. 119, pour qui « la configuration de la narration juridique est liée au contexte
(au temps et au lieu) de la performance des différents acteurs connectés à la Toile du droit. »
(360) Voir Section III. — Reformer des communautés de confiance, p. 211 et seq. infra.
(361) En générale, voir B.D. LOADER, « The Governance of Cyberspace : Politics, Technol-
ogy and Global Restructuring », op. cit. n. 36, pp. 7–19. Sur la dimension globale, voir J. BERLEUR
et Y. POULLET, « Réguler Internet », op. cit. n. 338, p. 475 : « sans doute la réalité du cyberespace
l’ouvre-t-il chaque jour davantage aux autres cultures et valeurs, et dès lors plaide pour la recherche
de consensus non plus locaux ni nationaux, mais à l’échelon de régions ou mondiaux. » Sur la
dimension locale, voir D.G. POST, « Governing Cyberspace » in Wayne L. Rev., 1996, vol. 43,
p. 155 et seq., spéc. pp. 170–171.
(362) En ce sens, G.-P. CALLIESS, « Globale Kommunikation – staatenloses Recht. Zur
(Selbst-)Regulierung des Internet durch prozedurales Recht am Beispiel des Verbraucherschutzes
im elektronischen Geschäftsverkehr » in ARSP, 2001, Beiheft no 79, p. 61 et seq.

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TROIS MODÈLES DE RÉGULATION 115

Le dernier argument se base sur l’idée que la démocratie représentative


n’est de toute manière pas une bonne forme de régulation, le pouvoir étant
trop éloigné des sujets de droit, trop centralisé, trop hiérarchique et trop
dépendant de la seule majorité. Une autre forme de gouvernance ne serait
toutefois pas praticable dans le monde hors ligne, selon les auteurs défen-
dant ce point de vue, essentiellement pour des raisons de coûts liés à la
diffusion de l’information, à la négociation du pouvoir, aux actions collecti-
ves et à la défection (quitter le territoire de l’État à la réglementation in-
désirable). Le cyberespace, poursuivent-ils, donne enfin cette occasion tant
attendue de réduire radicalement ces coûts et donc de permettre
l’émergence d’une autre forme de gouvernance, préférable à la démocratie
représentative, même hors ligne. Cette autre forme de gouvernance serait
l’autorégulation, perçue comme une forme de démocratie directe hors de
l’État, très largement désinstitutionnalisée et totalement décentralisée, per-
mettant aux minorités de s’auto-organiser hors de la tyrannie de la majo-
rité (363).

SOUS-SECTION III. — DÉFICIENCES DU MODÈLE


DE L’AUTORÉGULATION

La position fondant ce dernier argument en faveur de l’autorégulation cor-


respond en définitive au modèle non majoritaire de la démocratie (364),
qui « vise à partager, à répartir, à déléguer et à limiter le pouvoir » (365). Il
se concentre sur la protection des minorités de la tyrannie de la majorité et
il cherche, avant tout, à créer des garde-fous à l’usurpation du pouvoir par
certains acteurs s’imposant au nom de la majorité mais ne défendant en
réalité que leurs propres intérêts (366). Ce modèle défend donc l’idée d’un
éclatement du pouvoir, de sa répartition entre plusieurs acteurs non hiérar-
chisés, une telle diffusion constituant un meilleur moyen de contrôle dé-

(363) Voir D.G. POST, « The Unsettled Paradox : The Internet, the State, and the Consent of
the Governed » in Ind. J. Global Legal Stud., 1998, vol. 5, p. 521 et seq., spéc. p. 535–542. Cette
thèse est décrite brièvement dans N.W. NETANEL, « Cyberspace Self-Governance : A Skeptical
View from Liberal Democratic Theory », op. cit. n. 277, pp. 402–403.
(364) Voir R.A. DAHL, A Preface to Democratic Theory. How does popular sovereignty function in
America ?, Chicago, Phoenix, 1956.
(365) G. MAJONE, « Regulatory Legitimacy » in Regulating Europe, s. dir. G. Majone, Londres
et New York, Routledge, 1996, p. 284 et seq., spéc. p. 286 (trad. par l’auteur).
(366) Ibid., p. 285 et seq.

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116 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

mocratique qu’une responsabilité politique concentrée. À notre sens tou-


tefois, l’autorégulation manque précisément cet objectif de répartition du
pouvoir ou de représentativité de la diversité. C’est, pour l’essentiel, ce dont
nous traiterons ici.
En tant que modèle de régulation, l’autorégulation connaît un certain
nombre de déficiences, que nous nous proposons de classifier en deux caté-
gories : d’un côté les déficiences que nous pensons pouvoir qualifier de mi-
neures, de l’autre ce que nous appellerons, en suivant des auteurs comme
Marc Maesschalck et Tom Dedeurwaerdere, l’insuffisance réflexive, qui
semble devoir être érigée en défaut principal de l’autorégulation.

A. — Déficiences mineures
Nous pensons pouvoir qualifier de mineures les déficiences que nous abor-
derons brièvement ici, quelques fois en raison de la faiblesse du désavantage
qu’elles représentent pour les individus ou les intérêts concernés, à d’autres
occasions par le fait de la relative facilité avec laquelle il est possible d’y
remédier et dans certaines situations à cause de la contingence temporelle
qui les caractérise.
Tout d’abord, on relève quelques fois le manque de transparence des
processus de production de normes juridiques par l’autorégulation (367).
Dans le cyberespace, le constat de cette déficience concerne tout particu-
lièrement l’ICANN (368) – dont on dit parfois qu’elle constitue l’archétype
de l’autorégulation dans le cyberespace (369) – au sujet de laquelle un cer-
tain nombre d’auteurs ont dénoncé le caractère parfaitement opaque des
procédures de prise de décision (370). On notera à cet effet que ce manque

(367) De manière générale, voir D.C. MICHAEL, « Federal Agency Use of Audited Self-Regu-
lation as A Regulatory Technique » in Admin. L. Rev., 1995, vol. 47, p. 171 et seq., spéc. pp. 190–
191.
(368) L’Internet Corporation for Assigned Names and Numbers (ICANN) est la société qui admi-
nistre la majorité des noms de domaine, dont les groupes les plus importants, par exemple les noms
se terminant en <.com>, <.org> ou <.net>.
(369) Bertelsmann Stiftung, « Wer regiert das Internet ? Empfehlungen zu Internet Gover-
nance », 2001, <www.democratic-internet.de/berlin2001/empfehlungen.pdf>, p. 18 : « damit ist
ICANN [ein] herausragendes Modell für die Selbstregulierung von technischen Sachverhalten im
Internet. ».
(370) O. ITÉANU, « L’Icann, un exemple de gouvernance originale ou un cas de law intelli-
gence ? » in Homo Numericus, 2002, <www.homo-numericus.net/IMG/_article_PDF/article_154-

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TROIS MODÈLES DE RÉGULATION 117

de transparence semble être loin de constituer un défaut intrinsèque de


l’autorégulation ; ne suffirait-il pas, en effet, de définir précisément les
diverses procédures de prise de décision et d’assurer une certaine publicité
des débats ? C’est en un sens très proche que Michael Froomkin (371) a
conclu que les procédures d’adoption de standards de l’Internet Engineer-
ing Task Force (IETF) (372) remplissent les conditions d’éthique commu-
nicationnelle posées par Habermas (373), qui impliquent une importante
transparence de la procédure d’adoption des normes. Froomkin, analysant
tour à tour les conditions posées par Habermas, note ainsi qu’à l’IETF la
recherche de consensus se fait « de manière impartiale », selon un « dis-
cours rationnel ». Tout d’abord, toutes les opinions pertinentes sont enten-
dues, grâce aux listes de diffusion de l’IETF où toutes les propositions de
standards, accompagnées de rapports, sont véhiculées et peuvent être com-
mentées par chacun. Ensuite prévalent les meilleurs arguments disponibles
selon l’état des connaissances des participants, grâce à la présence dans les
listes de discussion de techniciens de haut vol et à l’existence de structures
d’évaluation de la qualité des arguments soumis. Finalement, seule la force
du meilleur argument détermine l’acceptation ou le rejet d’une proposition

.pdf>, p. 10 : « mais peut être plus grave que tout, c’est l’absence totale de transparence qui frappe
lorsque l’on s’approche du saint des saints. Une épaisse brume faite d’acronymes multiples qui
recouvrent des réalités très diverses, des procédures de travail et de décisions qui font la part belle à
ceux qui sont capables de disposer du temps et des moyens de suivre sur l’ensemble de la planète
des échanges disparates et peu structurés. Ainsi, peu nombreux sont ceux qui ont une connaissance
réelle des travaux de l’ICANN. »
(371) A.M. FROOMKIN, « Habermas@Discourse.net : Towards a Critical Theory of Cyber-
space » in Harv. L. Rev., 2002, vol. 116, p. 749 et seq., spéc. p. 838 et seq.
(372) Le but de l’IETF est d’assurer la pleine interopérabilité des réseaux par la promotion de
standards et de normes conçus à cet effet. Tout standard et toute norme technique relative à
l’architecture d’Internet est traité par l’IETF. Indépendante, elle est soutenue depuis sa création, en
1986, par l’Internet Society (ISOC). Elle est composée de fournisseurs de services sur Internet,
d’utilisateurs d’Internet, de vendeurs de matériel informatique et de logiciels, de chercheurs,
d’opérateurs réseau et de toute autre personne intéressée. Sur l’IETF et l’ISOC, voir Th. HART et
G. ROLLETSCHEK, « The challenges of regulating the Web » in Info, 2003, vol. 5, no 5, p. 6 et
seq., spéc. p. 10 et seq.
(373) J. HABERMAS, Raison et légitimité. Problèmes de légitimation dans le capitalisme avancé,
trad. F. Lacoste, Paris, Payot, 1978, pp. 149–153. Ces conditions sont, fondamentalement, les
suivantes : les participants et les thèmes de la discussion ne doivent pas être limités ; aucune
contrainte ne doit s’exercer en dehors du meilleur argument ; et les arguments avancés doit l’être de
manière hypothétique et en admettant la possibilité d’alternatives. Voir aussi les écrits ultérieurs de
l’auteur, tels que ID., Morale et communication : conscience morale et activité communicationnelle, trad.
Ch. Bouchindhomme, Paris, Cerf, 1991, chapitre 3 et ID., De l’éthique de la discussion, trad. M.
Hunyadi, Paris, Cerf, 1992, pp. 16–19.

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118 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

par les participants, étant donné que la très grande majorité des participants
ne se connaissent pas et n’entretiennent aucune relation entre eux. Cette
situation écarte l’essentiel des pressions et des hiérarchies qui pourraient
affaiblir la force du meilleur argument.
En deuxième lieu, on relève parfois le problème des free riders des pro-
cessus de production normative (374). Dans le système de la réglemen-
tation, chacun contribue financièrement au fonctionnement de l’État et par
ce biais aux coûts de la production des normes juridiques du droit étatique.
Par contre, dans le système de l’autorégulation, certains individus investis-
sent d’importantes ressources dans l’élaboration et la mise en œuvre de
codes, de standards ou d’autres instruments, alors que d’autres destinataires
de ces normes ne font que retirer les avantages découlant de l’existence de
celles-ci. On peut toutefois estimer que ce désavantage est souvent com-
pensé par le pouvoir d’influence sur la production normative acquis en re-
tour sur l’investissement.
En troisième lieu, on peut aussi relever le manque de prévisibilité du
droit produit par l’autorégulation (375), parce que ce mode de production
du droit présente une double tendance. D’un côté, il répond de manière
pragmatique à un problème concret et procède selon une casuistique réac-
tive au lieu de mettre en place une action programmatique de régulation
d’un secteur appréhendé avec une perspective globale (376). De l’autre, il
conduit à l’édiction de principes trop généraux et trop vagues (377). Toute-
fois, selon toute vraisemblance, ces déficiences sont appelées à s’atténuer au
fur et à mesure que l’autorégulation s’organisera, se systématisera et pro-

(374) R.H. WEBER, Regulatory Models for the Online World, op. cit. n. 39, p. 84.
(375) Voir par exemple J.M. CHEFFERT, « Le commerce électronique : autorégulation et asy-
métrie d’information » in Ubiquité, 2002, vol. 12, p. 31 et seq.
(376) La problématique est plus particulièrement connue dans la contexte d’Internet pour ce
qui a trait à certaines données techniques des réseaux, telles que les protocoles de transmission de
données (notamment le protocole IP constituant le fondement de toutes les communications sur
Internet, qui doit bientôt être remplacé par l’IPv6), qui durent être révisés souvent, en raison du
manque de perspective à moyen terme des organismes qui les ont adoptés.
(377) On pense ici notamment aux codes de conduite ne prévoyant que des dispositions mini-
males, vagues et indéterminées. On rencontre notamment de tels codes de conduite dans le
contexte de la résolution des litiges en ligne : voir G. KAUFMANN-KOHLER et Th. SCHULTZ,
Online Dispute Resolution : Challenges for Contemporary Justice, La Haye, Kluwer, 2004, p. 96 et seq.

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TROIS MODÈLES DE RÉGULATION 119

gressera vers un système de normes plus complet, comme cela a été le cas
pour le système de nommage dans le cyberespace (378).
Finalement, l’argument est quelques fois soulevé que l’autorégulation,
n’ayant pas accès à la contrainte physique, qui est du ressort exclusif de
l’État, ne saurait assurer la mise en œuvre des normes qu’elle produit (379).
Il existe toutefois, comme nous le verrons plus tard, un certain nombre
d’autres formes de contrainte que celle physique (notamment les contrain-
tes sociale, économique et architecturale), qui peuvent toutes être utilisées
pour conférer aux systèmes d’autorégulation un réel pouvoir de sanc-
tion (380).

B. — Insuffisance réflexive
Le défaut majeur de l’autorégulation concerne à notre sens son insuffisance
réflexive, c’est-à-dire l’équilibre toujours fragile de la représentativité de
tous les intérêts des destinataires des normes produites (381).

(378) Pour un historique de la régulation du système de nommage, débouchant sur le cadre


normatif relativement complet développé par l’ICANN, voir M. MUELLER, « ICANN and Inter-
net Governance, Sorting Through The Debris of ‘Self-Regulation’ » in Info, 1999, vol. 1, no 6,
p. 477 et seq., spéc. pp. 479–516. Voir aussi Section IV. — La procédure UDRP de l’ICANN,
p. 188 et seq. infra.
(379) H.H. PERRITT, « The Internet is Changing the Public International Legal System » in
Ky. L.J., 1999/2000, vol. 88, p. 885 et seq., spéc. p. 923 : « to be credible, private self-regulatory
schemes have to produce enforceable decisions. Enforceability implicates the concept of enforce-
ment jurisdiction. Self-regulation works only to the extent that government permits it to work […]
Self-regulatory schemes must be linked to public law and to public authorities » et A. ROßNAGEL,
« Weltweites Internet – globale Rechtsordnung ? », op. cit. n. 219, p. 69 : « die selbstgesetzten
Regeln können gegen Abweichende nicht durchgesetzt werden, da die Regulierungsgremien über
keine wirksamen Kontroll- und Zwangsmechanismen verfügen. Im Konfliktfall vermögen sie
keinen effektiven Schutz der zu schützenden Interessen zu bieten. » Voir aussi M.J. RADIN et R.P.
WAGNER, « The Myth of Private Ordering : Rediscovering Legal Realism in Cyberspace », op. cit.
n. 308, pp. 1313–1316.
(380) Voir Section III. — Concurrence des appareils coercitifs, p. 317 et seq. infra et Section
V. — Instruments de coercition et modalités de contrainte dans le cyberespace, p. 337 et seq.
infra.
(381) Dans un sens proche, mais limité au droit de la consommation, J. GOLDRING, « Netting
the Cybershark : Consumer Protection, Cyberspace, the Nation-State, and Democracy » in Borders
in Cyberspace. Information Policy and the Global Information Infrastructure, s. dir. B. Kahin et Ch.
Nesson, Cambridge, Mass., MIT Press, 1997, p. 323 et seq., qui affirme notamment, p. 323, que
« historically, consumer protection laws have been the device used to catch the sharks of the mar-
ketplace. These laws are a typical outcome of the democratic process. They flow directly from on
exercise of people’s political sovereignty that expresses popular interests effectively, in ways that

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120 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

La réflexivité s’entend de la participation dans les processus de produc-


tion de normes juridiques des destinataires de ces normes. Une situation de
réflexivité parfaite est présente quand « toutes les personnes intéressées par
l’activité sont capables de participer de façon active aux débats sur les sujets
qui [les] concernent » (382).
Cette participation est nécessaire pour garantir la qualité éthique des
normes produites. L’histoire de la production du droit étatique illustre ce
propos. Comme nous l’avons évoqué ci-dessus, la production de ce droit
par un État-nation constitue un exemple – particulier, il est vrai – d’auto-
régulation : l’État-nation s’autorégule par le droit étatique, les citoyens
(destinataires des normes de ce droit) participent, directement ou par le
biais de la représentation, à son élaboration. Ce que l’histoire a montré,
c’est la nécessité éthique du suffrage universel : en principe, tous les
destinataires des normes du droit étatique doivent pouvoir participer, d’une
manière ou d’une autre, à son élaboration. De la même manière, il semble
donc nécessaire que, dans le contexte de l’autorégulation du commerce
électronique, il y ait un « dialogue réel et [une] participation des personnes
qui prennent part aux activités définissant le commerce électronique » (383).
Sans une telle participation, rien ne garantit la prise en compte de tous les
intérêts lors de la production normative. Partant, l’autorégulation n’est
acceptable que « si elle parvient […] à réfléchir les conditions d’émergence
d’une réflexivité sociale articulée aux pratiques de codification propo-
sées » (384).
Il semble pour l’heure patent que cette nécessité n’est pas satisfaite.
Jacques Berleur et Yves Poullet, par exemple, constatent en ce sens que,
dans le cyberespace comme partout ailleurs, les acteurs les plus puissants
« en viennent vite à définir l’autorégulation […] dans une perspective
d’autoprotection d’un secteur ou d’une entreprise contre des pratiques

other mechanisms – particularly those of the market – rarely can. Such laws represent a means by
which people control or proscribe antisocial behavior. »
(382) J. BERLEUR, « Risk and Vulnerability of Democracy in Information Societies », op. cit. n.
296, p. 51 : « we must see to it that all the persons who are interested are able to take part in the
debate on matters of concern to them in what Habermas calls their ‘world experience’ » ; l’auteur
n’utilise toutefois pas le terme réflexivité.
(383) J. BERLEUR et Y. POULLET, « Réguler Internet », op. cit. n. 338, p. 470.
(384) M. MAESSCHALCK et T. DEDEURWAERDERE, « Autorégulation, éthique procédurale
et gouvernance de la société de l’information », op. cit. n. 314, p. 88.

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TROIS MODÈLES DE RÉGULATION 121

dommageables à leur encontre » (385), imposant ainsi à leur avantage cette


« absence de dialogue réel et de participation » (386) qui doit justement
être évitée. À titre illustratif, on retiendra que les conditions générales de
contrats conclus dans le cyberespace constituent l’un de ces « relais capa-
ble[s] de rendre opposable à l’internaute l’autoréglementation décidée sans
lui » (387). En d’autres termes, avec le modèle de l’autorégulation, « tout
groupe pertinent n’est pas nécessairement impliqué » (388). Il y a donc
insuffisance réflexive (389).

(385) J. BERLEUR et Y. POULLET, « Réguler Internet », op. cit. n. 338, p. 468.


(386) Ibid., 470.
(387) Y. POULLET, « Les diverses techniques de réglementation d’Internet : l’autorégulation et
le rôle du droit étatique », op. cit. n. 330, p. 59 : « la contractualisation des relations entre internau-
tes et prestataires des services de la société de l’information peut, d’une part, être une source
d’autoréglementation du comportement des uns et des autres et, d’autre part, être le relais capable
de rendre opposable à l’internaute l’autoréglementation décidée sans lui. À ce second cas répond
par exemple l’idée de faire souscrire aux candidats abonnés à un service d’accès à Internet le devoir
de respecter certaines conditions fixées par le code de conduite élaboré par une association de
fournisseurs d’accès à Internet. »
(388) R.H. WEBER, Regulatory Models for the Online World, op. cit. n. 39, p. 85 (trad. par
l’auteur).
(389) Plus avant sur l’idée générale du manque de réflexivité, voir T. DEDEURWAERDERE,
« Ethics and Learning. From State Regulation Towards Reflexive Self-Regulation of the Informa-
tion Society » in Human Choice and Computers. Issues of Choice and Quality of Life in the Information
Society, s. dir. K. Brunnstein et J. Berleur, Norwell, Mass., Kluwer, 2002, p. 121 et seq. Voir aussi
N.W. NETANEL, « Cyberspace Self-Governance : A Skeptical View from Liberal Democratic
Theory », op. cit. n. 277, p. 498 : « an untrammeled cyberspace would ultimately be inimical to
liberal democratic principles. It would free majorities to trample upon minorities and would serve
as a breeding ground for invidious status discrimination, narrowcasting and mainstreaming content
selection, systematic invasions of privacy, and gross inequalities in the distribution of basic requi-
sites for netizenship and citizenship in the information age » ainsi que Y. POULLET, « La vie
privée est-elle bien préservée ? Entretiens sur la protection des données personnelles » in Droit &
Toile, 2002, vol. 1, <www.unitar.org/isd/dt1/ddt1-interviewYP.html> : « dans l’affaire Yahoo, on
peut imaginer que la solution trouvée par Yahoo sous la pression des lobbies sémites, appréciable
en l’occurrence, soit demain opérée de la même façon par une association militant contre les mou-
vements islamistes, contre toute forme de pornographie, bref conduisant à des censures bien plus
dangereuses que celles des juges. » Voir au surplus A. ROßNAGEL, « Weltweites Internet – globale
Rechtsordnung? », op. cit. n. 219, p. 69 : « In der Selbstregulierung setzen sich meist die wirt-
schaftlich stärksten Interessen durch, zu Lasten von Konkurrenten, Verbrauchern, Zulieferern,
unbeteiligter Dritter oder künftiger Generationen. Individual- und Minderheiteninteressen wer-
den benachteiligt. Den durch Selbstregulierung entstandenen Regelungen fehlt nicht nur die
demokratische Legitimation, sie ermangeln meist auch der Interessenrepräsentativität » et J.R.
REIDENBERG, « L’instabilité et la concurrence des régimes réglementaires dans le Cyberespace »
in Les incertitudes du droit, s. dir. E. MacKaay, Montréal, Thémis, 1999, p. 133 et seq., spéc.
p. 148 : « le cyberespace tel qu’on le connaît aujourd’hui est antidémocratique. Le processus de
normalisation des standards techniques n’est guère ouvert aux citoyens. Les normes importantes

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122 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

Le vrai problème semble résider dans le caractère quasi inévitable de


cette insuffisance réflexive, tant il est vrai que « l’autorégulation n’est jamais
à l’abri », comme l’écrivent Marc Maesschalck et Tom Dedeurwaerdere,
« des tentatives d’accaparement de ressources par un secteur particu-
lier » (390). La déficience capitale de l’autorégulation se situe donc dans la
représentativité des intérêts en jeu. En effet, hormis le cas particulier de
l’autorégulation d’un État-nation par le droit étatique, l’autorégulation ne
peut fournir qu’une garantie insuffisante de la « capacitation de la réflexi-
vité sociale » (391) et une assurance imparfaite du « maintien de l’ouverture
de l’espace autorégulé » (392).
En réaction à cette déficience, il semble nécessaire de suivre les auteurs
qui, partant du constat que le modèle de la réglementation et les structures
de production du droit étatique forment le système fournissant la meilleure
garantie de réflexivité, suggèrent qu’il manque fondamentalement à l’auto-
régulation un « cadre institutionnel » (393). Avec ces auteurs, il faut donc
rechercher un « couplage entre les capacités d’autorégulation des commu-
nautés locales […] et les capacités politiques de protection de ce méca-
nisme d’ouverture par rapport au pouvoir d’accaparement ou de concen-

comme le PICS et le P3P sont élaborées au sein de groupes privatifs tels que W3C. Les décisions
de ces groupes imposent les règles de participation des citoyens au sein de la société d’information
sans qu’ils y soient représentés. Ce processus est contraire aux principes démocratiques qui accor-
dent le droit aux citoyens de participer aux décisions d’ordre réglementaire. »
(390) M. MAESSCHALCK et T. DEDEURWAERDERE, « Autorégulation, éthique procédurale
et gouvernance de la société de l’information », op. cit. n. 314, p. 88, les auteurs renvoyant notam-
ment aux études M. MUELLER, « ICANN and Internet Governance, Sorting Through The
Debris of ‘Self-Regulation’ », op. cit. n. 378 et ID., « Technology and Institutional Innovation, In-
ternet Domain Names » in IJCLP, 2000, vol. 5, p. 1 et seq.
(391) Ibid.
(392) Ibid.
(393) É. BROUSSEAU, « Régulation de l’Internet : L’autorégulation nécessite-t-elle un cadre
institutionnel ? » in Revue Économique, hors série Économie de l’Internet, s. dir. É. Brousseau et N.
Curien, 2001, vol. 52, p. 349 et seq., notons toutefois que l’auteur n’en conclut pas à l’inévitable
intervention de l’État : la « coordination centralisée dans certains domaines [et ses] modalités
[sont] non nécessairement étatiques, mais obligatoirement hiérarchiques. »

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TROIS MODÈLES DE RÉGULATION 123

tration des biens » (394). C’est, autrement dit, la co-régulation qui est ici
recherchée (395). Nous y reviendrons (396).

SECTION III. — Deuxième modèle : la


régulation par la technique

« On ne commande à la nature qu’en respectant ses lois », écrivait Francis


Bacon (397) : l’homme doit suivre les règles que lui dicte la nature pour
réaliser son entreprise, ces règles déterminent ce qu’il est possible ou non de
faire. Si toutefois les lois de la nature n’avaient pas été immuables, peut-
être aurait-il écrit « on commande à la nature en modifiant ses lois » :
l’homme pourrait alors réaliser son entreprise en dictant ses règles à la na-
ture, c’est lui qui déterminerait ce qu’il est possible de faire ou non dans la
nature. C’est précisément cette hypothèse que le modèle de la régulation
par la technique défend à l’égard du cyberespace.

SOUS-SECTION I. — LA NORMATIVITÉ DE LA
TECHNIQUE

Les lois de la nature du cyberespace sont, pour l’essentiel, techniques (398).


Le cyberespace est « construit par la technique », écrit Pierre Trudel, il
n’existe que grâce à celle-ci et « il est [en conséquence] possible de conce-
voir la configuration même de l’espace en y incluant des règles qui doivent
être suivies » (399). La technique y détermine dans une large mesure la
possibilité et l’impossibilité des activités véhiculées par les réseaux et elle

(394) M. MAESSCHALCK et T. DEDEURWAERDERE, « Autorégulation, éthique procédurale


et gouvernance de la société de l’information », op. cit. n. 314, p. 81, les auteurs indiquant au sur-
plus que cette deuxième capacité « repose sur une généralisation de l’intérêt telle qu’elle échappe
aux capacités d’autorégulation des communautés locales ».
(395) Ibid., p. 93, les auteurs concluent ainsi que ce qui manque en définitive au modèle de
l’autorégulation, ce sont des « mécanismes incitatifs de prise en compte d’une communauté la plus
large possible pour garantir l’accès au bénéfice général engendré par la construction d’une société
de la connaissance co-régulée ».
(396) Voir Section IV. — Troisième modèle : la co-régulation, p. 134 et seq. infra.
(397) F. BACON, Novum Organum, 1620, introduction. Citation rapportée par C. ROJINSKY,
« Cyberespace et nouvelles régulations technologiques » in D., 2001, chron., p. 844 et seq., spéc.
§ 6.
(398) Voir par exemple W.J. MITCHELL, City of Bits, op. cit. n. 66, pp. 107–131.
(399) P. TRUDEL, « L’influence d’Internet sur la production du droit », op. cit. n. 175, p. 100.

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124 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

définit les modalités nécessaires des actions dans le cyberespace (400). Or


la technique, création de l’homme, peut être contrôlée par celui-ci.
Déterminant les modalités nécessaires des activités dans le cyberespace,
la technique constitue une forme de contrainte (401), qui peut être instru-
mentalisée pour régir les comportements dans le cyberespace (402). Par-
tant, elle peut véhiculer certaines valeurs, qui seront en principe celles des
auteurs de cette instrumentalisation (403) ; elle permet la mise en œuvre de
règles reflétant certains choix des producteurs de ces technologies. Par
exemple, une décision sur un standard technologique permet de protéger
davantage ou bien les intérêts de l’auteur d’une œuvre, ou bien ceux de la
personne qui entend la consulter (404). En somme, il est question ici de la
non-neutralité de la technique au regard de la normativité et de la régulabi-
lité des comportements dans le cyberespace (405). Au-delà de ce simple

(400) Pour une étude de cette forme de régulation, au travers notamment des cookies et du
standard PICS, voir R.C. SHAH et J.P. KESAN, « Manipulating the governance characteristics of
code » in Info, 2003, vol. 5, no 4, p. 3 et seq.
(401) Voir Sous-section III. — Contrainte architecturale, p. 346 et seq. infra.
(402) Parmi de nombreuses références, citons simplement E.G. THORNBURG, « Going pri-
vate : Technology, Due Process, and Internet Dispute Resolution », op. cit. n. 30, p. 157 :
« sometimes this exercise of power is hidden because it is embedded in the very architecture of the
Internet. When a result is compelled by software programming, or by the way the Internet is
structured, it obtains the power of law » et, p. 154, « the law becomes what is specified in the
contract or programmed into the software. »
(403) Le World Wide Web Consortium (W3C), organisme de régulation technique d’Inter-
net, dont le directeur est le créateur du protocole de base du web, le hypertext transfer protocol
(http), est par exemple réputé pour laisser largement ses idéaux politiques, qui avaient déjà marqué
la création du http, – ouverture et décentralisation – imprégner les normes techniques qu’il émet.
(404) Voir Sous-section IV. — Protection des détenteurs de biens informationnels, p. 50 et
seq. supra. Voir aussi, par exemple, J.R. REIDENBERG, « L’instabilité et la concurrence des régimes
réglementaires dans le Cyberespace », op. cit. n. 389, pp. 142–143 : « la technologie impose ses
contraintes aux flux d’informations. Ces contraintes et ces choix d’architecture ont des conséquen-
ces réglementaires fondamentales sur les activités des acteurs du cyberespace. La technologie peut
imposer des droits qui dépassent les limites des règles juridiques notamment dans le domaine du
droit d’auteur. Par exemple, la loi peut autoriser le reverse engineering par l’utilisateur d’un logiciel,
tandis qu’une protection technique interdit cette utilisation par ailleurs licite. En effet, les choix
technologiques et les règles qui en découlent sont de fait des droits aux flux d’information. »
(405) C’est précisément à ce constat qu’appelle le manifeste posant les bases du « mouvement
technoréaliste » : « la technologie n’est pas neutre. Une des grandes méprises de notre époque
consiste à croire que les technologies ne comportent pas de biais sous prétexte qu’il s’agit d’objets
inanimés qui n’ont aucun impact sur nos comportements. En réalité, les technologies comportent
volontairement ou involontairement des biais sociaux, politiques et économiques. Chaque outil
amène ses usagers à voir le monde et à interagir avec les autres d’une certaine façon. Il importe de
bien analyser ces biais et les orientations qu’elles sous-tendent et de choisir celles qui reflètent nos

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TROIS MODÈLES DE RÉGULATION 125

constat de la régulabilité par la technique, certains auteurs, dont notam-


ment Lawrence Lessig (406) et Joel Reidenberg (407), soutiennent que
celle-ci constitue même un facteur tout à fait central de la régulation des
activités véhiculées par les réseaux. Partant, la technique a été érigée en
« paradigme de la gouvernance des réseaux » (408), instituant un nouveau
modèle de régulation.
À ce stade, avant d’aborder la discussion du modèle de régulation, quel-
ques brèves illustrations de la régulation par la technique s’imposent sans
doute. On pensera tout d’abord à la protection des ressources mises en
ligne. S’il est courant d’affirmer que le format électronique de telles res-
sources permet un nombre infini de copies, il faudra toutefois admettre que
cela n’est réellement possible que « si le code permet de telles copies » ; or
quelle raison conduirait les auteurs de ressources mises en ligne à ne pas
rendre cela impossible (409) ? On a en effet pu observer l’émergence de
systèmes techniques permettant de protéger ces ressources contre les co-
pies, d’organiser l’accès à ces ressources et d’assurer leur traçabilité, c’est-à-
dire le suivi de leur dissémination sur le réseau (410).

valeurs et nos aspirations » : A. SHAPIRO, D. SHENK et S. JOHNSON, « Manifeste pour un tech-


noréalisme », 1998, <www.technorealism.org>, trad. Manifestes.net, <www.manifestes.net/article.-
php3?id_article=8>.
(406) Parmi les nombreux écrits de cet auteur sur ce sujet, citons simplement L. LESSIG,
« Intellectual Property and Code » in St. John’s J. Legal Comment., 1996, vol. 11, p. 635 et seq., ID.,
« Reading the Constitution in Cyberspace » in Emory L.J., 1996, vol. 45, p. 869 et seq., ID., « The
Constitution of Code : Limitations on Choice-based Critiques of Cyberspace Regulation » in
CommLaw Conspectus, 1997, vol. 5, p. 181 et seq., ID., « The Law of the Horse : What Cyberlaw
Might Teach », op. cit. n. 252, et ID. Code and Other Laws of Cyberspace, op. cit. n. 64.
(407) J.R. REIDENBERG, « Governing Networks and Rule-Making in Cyberspace » in Borders
in Cyberspace, s. dir. B. Kahin et Ch. Nesson, Cambridge, Mass., MIT Press, 1997, p. 84 et seq.,
ID., « Lex Informatica : The Formulation of Information Policy Rules Through Technology » in
Tex. L. Rev., 1998, vol. 76, p. 553 et seq. et ID., « Rules of the Road on Global Electronic High-
ways : Merging the Trade and Technical Paradigms » in Harv. J.L. & Tech., 1993, vol. 6, p. 287 et
seq.
(408) ID., « Governing Networks and Rule-Making in Cyberspace », op. cit. n. 407, p. 96 « a
network governance paradigm must emerge to recognize the complexity of regulatory power
centers, [and] utilize new policy instruments such as technical standardization to achieve regula-
tory objectives. »
(409) Sur ceci, L. LESSIG, « The Law of the Horse : What Cyberlaw Might Teach », op. cit. n.
252, p. 523 et seq. sous titre « Code Displacing Law : Intellectual Property ».
(410) C. ROJINSKY, « Cyberespace et nouvelles régulations technologiques », op. cit. n. 397,
§ 13. Voir aussi, parmi de nombreuses références, L. LESSIG, Code and Other Laws of Cyberspace,
op. cit. n. 64, pp. 122–142 et ID., The Future of Ideas, op. cit. n. 35 et ID., Free Culture, op. cit. n.

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126 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

On évoquera ensuite la régulation du spamming par le filtrage centralisé


de courriers électroniques, en fonction d’une « liste noire » détenue par une
société dénommée MAPS. Là tout porte à croire que cette initiative privée,
fondée sur le contrôle de la technique, est beaucoup plus efficace que les
nombreuses interventions législatives visant à interdire le spamming (411).
On notera également la proposition du rapport Bertelsmann sur la régu-
lation du contenu de sites web (412), qui prévoyait un système global et
complet de filtrage du contenu de sites web. Mis en œuvre par les fournis-
seurs de service sur Internet, ces derniers seraient devenus les acteurs cen-
traux de la régulation du contenu d’Internet.
Les exemples de la régulation par la technique, au-delà de ces trois il-
lustrations, sont encore nombreux, et l’on mentionnera simplement les
questions de la protection de la vie privée (413) (anonymat / identification
électronique (414), traçabilité des comportements d’un internaute sur un
site commercial, cryptage des transmissions (415)), des noms de do-
maine (416), de la liberté d’expression (417) et de la liberté de concur-
rence (418).

127. Voir aussi Sous-section IV. — Protection des détenteurs de biens informationnels, p. 50 et
seq. supra.
(411) Sur ces exemples, voir Sous-section II. — Accès à Internet, spamming, noms de
domaine et certification, p. 330 et seq. infra. Pour une comparaison de l’efficacité des mesures
légales et des mesures techniques de lutte contre le spamming, voir D.E. SORKIN, « Technical and
Legal Approaches to Unsolicited Electronic Mail » in U.S.F. L. Rev., 2001, vol. 35, p. 325 et seq.
et É. LABBÉ, « Spamming en Cyberespace : à la recherche du caractère obligatoire de
l’autoréglementation » in Lex Electronica, 2000, vol. 6, n°1, <www.lex-electronica.org/articles/v6-
1/labbe.htm>. Pour un survol du cadre juridique du spamming en Europe, voir Th. VERBIEST et
É. WÉRY, Le droit de l’internet et de la société de l’information, op. cit. n. 132, p. 177 et seq.
(412) Bertelsmann Stiftung, « Self-Regulation of Internet Content », septembre 1999 et M.E.
PRICE et S. VERHULST, « The Concept of Self Regulation and the Internet » in Protecting our
Children on the Internet : Towards a New Culture of Responsibility, s. dir. J. Waltermann et M.
Machill, Gütersloh, Bertelsmann Foundation Publishers, 1999, p. 133 et seq.
(413) L. LESSIG, Code and Other Laws of Cyberspace, op. cit. n. 64, pp. 142–164.
(414) S. BIEGEL, Beyond our control ?, op. cit. n. 37, pp. 199–200 et G. GREENLEAF, « An
Endnote on Regulating Cyberspace : Architecture vs Law ? », op. cit. n. 130, pp. 609–612.
(415) G. GREENLEAF, « An Endnote on Regulating Cyberspace : Architecture vs Law ? », op.
cit. n. 130, pp. 612–613.
(416) Parmi de nombreuses références, voir notamment S. BIEGEL, Beyond our control ?, op. cit.
n. 37, pp. 194–198 et Sous-section II. — Accès à Internet, spamming, noms de domaine et
certification, p. 330 et seq. infra, Sous-section III. — Contrainte architecturale, p. 346 et seq.
infra, E. — Autoexécution technologique, p. 374 et seq. infra et B. — Un système juridique
pour les noms de domaine : l’ICANN et l’UDRP, p. 481 et seq. infra.

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TROIS MODÈLES DE RÉGULATION 127

SOUS-SECTION II. — LE MODÈLE DE LA


RÉGULATION ET LA SOUVERAINETÉ DU RÉSEAU

Le modèle de la régulation par la technique (code-based regulation (419)) ou


régulation par l’architecture technique (420) (rulemaking through technical
architecture (421)), consiste à « exploiter la dimension technique du cyber-
espace afin de poser des limites aux activités qui s’y déroulent » (422) ou
plus exactement de réguler les comportements qui s’y expriment. Les ac-
teurs privilégiés – qui sont aussi les seuls acteurs directs – en sont les pro-
ducteurs de technique (423) (ou de technologies (424)). On reconnaîtra

(417) L. LESSIG, Code and Other Laws of Cyberspace, op. cit. n. 64, pp. 164–186.
(418) G. GREENLEAF, « An Endnote on Regulating Cyberspace : Architecture vs Law ? », op.
cit. n. 130, p. 616 et seq., plus spécifiquement sur les moteurs de recherche.
(419) Notons que le mot code dans code-based regulation couvre aussi bien la partie matérielle
que la partie logicielle des réseaux. Voir de manière générale L. LESSIG, Code and Other Laws of
Cyberspace, op. cit. n. 64.
(420) En ce sens que « l’architecture représente ici l’encadrement technique dans lequel évolue
l’activité humaine du cyberespace » : É. LABBÉ, « La technique dans la sphère de la normativité :
aperçu d’un mode de régulation autonome » in Juriscom.net, novembre 2000, <www.juriscom.net/-
uni/doc/20001108.htm>, § 40.
(421) R.H. WEBER, Regulatory Models for the Online World, op. cit. n. 39, p. 89 et seq.
(422) É. LABBÉ, « La technique dans la sphère de la normativité : aperçu d’un mode de régula-
tion autonome », op. cit. n. 420, § 1.
(423) Pour une meilleure mise en contexte de cette affirmation, rappelons simplement, en em-
pruntant la plume d’Arnaud Dufour, que « les réseaux comportent une partie matérielle (ordina-
teurs, terminaux, cartes d’interface réseau, câbles, etc.), une partie logicielle (applications, pro-
grammes de gestion du réseau, systèmes de sécurité, etc.) et une composante humaine, constituée
d’une part des techniciens et des gestionnaires chargés de la mise en oeuvre du réseau, d’autre part
des clients du réseau, c’est-à-dire des utilisateurs bénéficiaires des services offerts par le réseau. Les
trois composantes matériel-logiciel-humain sont à la base de toute question télématique » : A.
DUFOUR, Internet, op. cit. n. 34, p. 4. C’est donc la « partie humaine » des réseaux (à l’exclusion, en
principe, des utilisateurs) qui constitue les acteurs privilégiés que nous avons mentionnés. La
technique ou technologie qu’ils instrumentalisent pour leur activité régulatrice est formée de la
« partie matérielle » et de la « partie logicielle ». En ce sens, L. LESSIG, Code and Other Laws of
Cyberspace, op. cit. n. 64, p. 89 : « an analog for architecture regulates behavior in cyberspace – code.
The software and hardware that make cyberspace what it is constitute a set of constraints on how
you can behave […] they are features selected by code writers ; they constrain some behavior by
making other behavior possible, or impossible. The code embeds certain values or makes certain
values impossible. In this sense, it too is regulation, just as the architectures of real-space codes are
regulations. » Voir aussi T. WU, « Cyberspace sovereignty ? The Internet and the International
System », op. cit. n. 292, pp. 650–655, analysant successivement la « regulation via hardware » et la
« regulation via software ».
(424) À la suite notamment de Labbé, nous ne ferons pas ici de réelle distinction entre la tech-
nique et la technologie, si ce n’est un simple rapprochement de la technique à un certain pragma-
tisme et de la technologie à une certaine sophistication. Pour une discussion de ces différences et

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128 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

qu’il existe en principe, dans ce modèle de régulation, également d’autres


acteurs, qualifiés d’indirects, par exemple l’État ou les utilisateurs des ré-
seaux quand ils exercent une influence (par la force et des pressions ou par
le dialogue et la persuasion) sur les producteurs de technique ou de tech-
nologies.
Notons d’emblée que le caractère pur ou radical du modèle est propor-
tionnel à l’importance du rôle des producteurs de technique (acteurs di-
rects) et à la faiblesse du pouvoir d’influence des autres acteurs (acteurs
indirects) (425). Plus l’importance de ce rôle et la faiblesse de ce pouvoir
sont marqués, plus une hiérarchie au sommet occupé par les producteurs de
technique s’établira entre ces acteurs.
La forme radicale de ce modèle de régulation est quelquefois qualifiée de
« souveraineté du réseau » (426). Cette position se base sur une progression
simple. On constate tout d’abord que la « normativité [est] un phénomène
tributaire de la technique » (427) : dans le cyberespace, la plupart des ini-
tiatives de régulation se concrétisent par une mise en œuvre technique. On
observe ensuite que la régulation par la technique connaît un avantage in-
hérent par rapport aux autres instruments de régulation, parce que la tech-
nique « opère une transformation immédiate, finale et complète » (428) de

de leurs implications pour la théorie générale de la régulation du cyberespace, voir É. LABBÉ, « La


technique dans la sphère de la normativité : aperçu d’un mode de régulation autonome », op. cit. n.
420, § 8 et seq.
(425) Voir S. BIEGEL, Beyond our control ?, op. cit. n. 37, p. 188 : « it must be emphasized that
code-based regulation can take place completely apart from any legal regulation on either a na-
tional or an international level. In fact, more often than not, code-based regulation today occurs as
a result of independent decisions-making on the part of various private or quasi-private entities, at
different stages of the technical structure and hierarchy. »
(426) Voir par exemple M. VIVANT, « Internet et modes de régulation », op. cit. n. 306, p. 225
et P. TRUDEL, « Quel droit et quelle régulation dans le cyberespace ? », op. cit. n. 280, pp. 191–
193, sous titre « Souveraineté du réseau », l’auteur précisant toutefois la notion en retenant la
« souveraineté des réseaux » (p. 193 : « les réseaux se présentent de plus en plus comme les entités
souveraines du cyberespace ») : la souveraineté des producteurs de technique se limite, selon
l’auteur, aux divers sous-réseaux qui constituent Internet et non à Internet tout entier. Il fonde
cette distinction sur le fait que le pouvoir d’exclusion d’un réseau est toujours limité à un sous-
réseau, jamais à Internet tout entier. Si cette précision mériterait une étude plus approfondie, elle
n’est pas nécessaire pour notre propos et ne sera en conséquence pas prise en compte ici.
(427) É. LABBÉ, « La technique dans la sphère de la normativité : aperçu d’un mode de régula-
tion autonome », op. cit. n. 420, § 4.
(428) S. BIEGEL, Beyond our control ?, op. cit. n. 37, p. 188, l’auteur se fondant ici de manière
générale sur les théories de Lessig.

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TROIS MODÈLES DE RÉGULATION 129

la situation régulée. Partant, on allègue une « ascendance de la technique


sur [les autres sources de] normativité » (429) – dont on s’attend par ail-
leurs qu’elle ira en s’accroissant au fur et à mesure que de nouvelles techno-
logies de contrôle des comportements dans le cyberespace se développent
sous l’impulsion des opérateurs économiques tentant de protéger leurs in-
térêts (430). Puis on en conclut à la souveraineté des producteurs de tech-
nique et donc du réseau, plus précisément de la composante humaine de ce
dernier (431).
Il convient finalement de mentionner quelques distinctions et recoupe-
ments entre autorégulation et régulation par la technique. La première
forme de régulation se distingue de la seconde en ce que celle-ci opère ex-
clusivement par la technique, alors que l’autorégulation peut avoir recours à
une panoplie plus vaste d’instruments de régulation ou de formes de
contrainte, dont la technique peut faire partie. Les deux modèles se distin-
guent encore par leurs auteurs : si les producteurs de la technologie mettant
en œuvre une norme ne sont pas eux-mêmes destinataires de la norme, où
s’ils ne représentent qu’une très faible minorité des destinataires, il n’y a pas
d’autorégulation. Quand en revanche un groupe adopte ses propres normes
et les met en œuvre par la technique, alors nous sommes à la fois dans
l’autorégulation et dans la régulation par la technique.

(429) É. LABBÉ, « La technique dans la sphère de la normativité : aperçu d’un mode de régula-
tion autonome », op. cit. n. 420, passim, spéc. § 7. Voir L. LESSIG, Code and Other Laws of Cyber-
space, op. cit. n. 64, p. 130 : « the code in effect is doing the work that the law used to do […] far
more effectively than the law used to do », concluant que cela conduit à « a shift in effective regu-
latory power – from law to code ». Voir aussi J.R. REIDENBERG, « L’instabilité et la concurrence
des régimes réglementaires dans le Cyberespace », op. cit. n. 389, pp. 142–143.
(430) Une telle tendance était surtout prédite à la fin des années 1990 par L. LESSIG, Code and
Other Laws of Cyberspace, op. cit. n. 64, pp. 39–42, sous titre « The controls for commerce » et
p. 206 : « while nations argue about what regulation there should be, the code of cyberspace con-
tinues to develop with a certain kind of sovereign authority », prédiction qui s’est largement réali-
sée depuis, tout particulièrement dans le domaine de la protection des droits d’auteurs ou plus
généralement des biens informationnels : voir Sous-section IV. — Protection des détenteurs de
biens informationnels, p. 50 et seq. supra et L. LESSIG, The future of ideas, op. cit. n. 35 et ID., Free
Culture, op. cit. n. 127.
(431) Sur la composante humaine du réseau, voir n. 423 supra.

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130 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

SOUS-SECTION III. — ÉVALUATION DE LA


RÉGULATION PAR LA TECHNIQUE

En ce qui concerne les côtés positifs de la régulation par la technique, on


trouve tout d’abord l’efficacité des solutions techniques, souvent rele-
vée (432) et constituant son avantage le plus évident. Nous ne nous y attar-
derons donc pas. On peut également lui reconnaître, dans certains cas, une
prévisibilité accrue par rapport aux normes élaborées et mises en œuvre
selon d’autres modèles de régulation. Ainsi, selon Joel Reidenberg, la nor-
mativité par la technique « permet une exécution ex ante au lieu d’ex post.
Cette différence accorde à [ce modèle de régulation] un avantage et un
pouvoir par rapport à la loi. Par exemple, les mécanismes technologiques
tels que les agents intelligents, la labellisation, le filtrage ou les certificats de
sécurité permettent d’assurer à l’avance le respect des règles de traitement
d’information », l’auteur concluant que, dans ce cas, « il n’y [a] plus
l’incertitude des décisions de la Justice » (433). Cette qualité de la régula-
tion par la technique doit toutefois être tempérée au regard de l’existence
de formes de contrainte par la technique intervenant précisément ex post,
telle que l’exclusion d’un réseau ou d’une place de marché.
Du côté des déficiences de ce modèle de régulation, on relèvera tout
d’abord que, dans le domaine de la protection de la vie privée notamment,
l’utilisateur n’est protégé par les dispositifs techniques à sa disposition que
s’il a conscience des problèmes qui se posent et qu’il a réagi en prenant les
mesures actives correspondantes (par exemple le blocage des cookies ou la
protection contre les chevaux de Troie). Cela présuppose certaines connais-
sances techniques de la part de l’utilisateur et éventuellement certains
moyens financiers, puisque la divulgation d’informations à caractère privé
et sensible correspond souvent à des incitations financières dont se servent
les sites commerciaux.
Par ailleurs, il est fort possible que les normes mises en œuvre par la
technique soient contraires à celles du droit étatique et il apparaît en consé-
quence que « le risque existe [que la technique] se substitue […] au droit

(432) Voir par exemple S. BIEGEL, Beyond our control ?, op. cit. n. 37, p. 188.
(433) J.R. REIDENBERG, « L’instabilité et la concurrence des régimes réglementaires dans le
Cyberespace », op. cit. n. 389, p. 148.

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TROIS MODÈLES DE RÉGULATION 131

dans son rôle régulateur » (434), que les solutions technologiques condui-
sent au contournement de la protection offerte par l’État. Toutefois, cela
ne constitue pas nécessairement un défaut. Il est sans doute vrai que, dans
de nombreuses situations où les solutions imposées par la technique sont
différentes de celles prévues par la plupart des ordres juridiques étatiques,
les premières sont jugées moins bonnes, moins désirables, plus problémati-
ques d’un point de vue éthique que les secondes (435). Néanmoins, cela
n’est en aucun cas une nécessité ontologique, tant il est vrai que le droit
étatique produit parfois, dans le domaine qui nous intéresse ici comme
dans tous les autres, des solutions tout à fait inadaptées.
Par contre, l’insuffisance réflexive, que nous avons déjà rencontrée dans
le contexte de l’autorégulation (436) et qui concerne le manque de par-
ticipation des destinataires des normes à leur élaboration, constitue néces-
sairement un défaut (437). Le problème est toutefois encore plus marqué
ici que dans le cas de l’autorégulation. Une brève présentation du concept
d’effectivité d’une norme permet d’éclairer ce propos.
Comme nous allons le voir plus en détail, le respect d’une norme par ses
destinataires est fonction, d’un côté, de son effectivité instrumentale, c’est-
à-dire en substance de sa capacité à contraindre et, de l’autre, de son effec-
tivité symbolique, concept qui couvre notamment la capacité d’une norme à
convaincre les destinataires du bien-fondé du commandement qu’elle in-
corpore (438). La plupart des normes connaissent les deux formes
d’effectivité. Toutefois, chacune des formes peut, jusqu’à un certain degré,
compenser l’absence ou du moins la faiblesse de l’autre : une norme qui
convainc parfaitement les destinataires (en principe parce qu’elle est en

(434) A. LEFEBVRE et É. MONTERO, « Informatique et droit : vers une subversion de l’ordre


juridique » in Droit des technologies de l’information. Regards prospectifs, s. dir. É. Montero, Bruxelles,
Bruylant, 1999, p. iii et seq., spéc. p. xiv.
(435) Le systèmes P3P, par exemple, permet à l’usager de négocier (par hypothèse pour des rai-
sons financières) tous ses droits à la vie privée, y compris les droits impératifs. Voir sur tout ceci Y.
POULLET, « How to Regulate the Internet : New Paradigms for Internet Governance », op. cit. n.
114, p. 10 : « the technology aims at substituting the intervention of public authorities for the
protection of certain values » et l’auteur conclut en conséquence qu’il faut veiller à « embody in the
early developments of technology the specific legal requirements to ensure that technology is fully
compliant with the legal requirements ».
(436) Voir B. — Insuffisance réflexive, p. 119 et seq. supra.
(437) En ce sens, L. LESSIG, Code and Other Laws of Cyberspace, op. cit. n. 64, pp. 220–225.
(438) Voir Section II. — Effectivité symbolique et instrumentale, p. 315 et seq. supra.

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132 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

parfaite adéquation avec leurs aspirations morales et éthiques) n’aura guère


besoin de recourir à la contrainte pour faire plier ceux-ci, et une norme dont
la contrainte est parfaite, incontournable, n’a pas besoin de convaincre pour
être respectée.
La contrainte est souvent bien plus forte dans le contexte de la régula-
tion par la technique que, par exemple, dans les formes non techniques de
l’autorégulation (439). Dans ces dernières, la contrainte n’est pas parfaite ;
elle est même plutôt faible quand elle est sociale ou économique ou quand
l’autorégulation renvoie à la contrainte physique du droit étatique (440).
Par contre, s’il s’agit de créer une contrainte technique, une technologie
peut être mise en œuvre de manière à ce qu’elle ne puisse pas être contour-
née (comme le montre l’exemple de la régulation du système de nommage
par l’ICANN (441)). Dans ce cas, elle peut rendre une action telle que la
copie ou l’accès strictement impossible, sauf à avoir des compétences infor-
matiques exceptionnelles. Il s’ensuit que l’exigence d’effectivité symbolique
en vue du respect de la norme mise en œuvre par la technique est affaiblie.
Si elle fait un usage judicieux de la technique, une norme réellement révol-
tante, choquante pour ses destinataires, peut tout de même connaître un
très fort taux de respect en pratique, à tout le moins pour un temps, avant
que les pressions des destinataires s’organisent et fassent à leur tour plier les
producteurs de la technologie en question.
C’est en ce sens que Lawrence Lessig, par exemple, écrit que « tandis
que les États continuent à se demander quel type de réglementation devrait
être adopté, le code du cyberespace continue à se développer avec quelque
chose qui ressemble à une autorité souveraine. C’est que cette forme de
régulation requiert moins d’accords ou de consentements » (442). Et Joel

(439) Sur les formes techniques de l’autorégulation et la distinction, dans ce cas de figure, entre
autorégulation et régulation par la technique, voir Sous-section II. — Le modèle de la régulation
et la souveraineté du réseau, p. 127 et seq. supra, in fine.
(440) Voir A. — Déficiences mineures, p. 116 et seq. supra et, sur les formes de contrainte,
Section V. — Instruments de coercition et modalités de contrainte dans le cyberespace, p. 337 et
seq. supra.
(441) Voir Sous-section II. — Accès à Internet, spamming, noms de domaine et certification,
p. 330 et seq. infra, Sous-section III. — Contrainte architecturale, p. 346 et seq. infra, E. —
Autoexécution technologique, p. 374 et seq. infra et B. — Un système juridique pour les noms de
domaine : l’ICANN et l’UDRP, p. 481 et seq. infra.
(442) L. LESSIG, Code and Other Laws of Cyberspace, op. cit. n. 64, p. 206 (trad. par l’auteur).
Dans le même sens, R.H. WEBER, Regulatory Models for the Online World, op. cit. n. 39, p. 89 :

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TROIS MODÈLES DE RÉGULATION 133

Reidenberg de renchérir que « l’élaboration [des normes mises en œuvre


par la technique] ne dépend pas de la participation de tous les acteurs de
l’Internet. Ce sont les spécialistes seuls qui décident des règles […] Les
techniciens choisissent la mise en œuvre des protocoles techniques. Les
citoyens à qui ces règles s’appliquent ne participent pas de façon directe à
leur développement » (443).
On voit ici que le pouvoir de déterminer l’architecture d’un espace dis-
pense dans une large mesure l’acteur normatif du consentement des des-
tinataires de ses normes. Il s’ensuivra aisément une insuffisance réflexive,
un manque de participation des destinataires des normes dans l’élaboration
normative et une absence générale de garanties de la représentativité des
intérêts. Or dans le cyberespace, on le sait désormais, la détermination de
l’architecture est fonction de la technique, qui y joue le rôle des lois de la
nature en rendant certaines actions possibles ou impossibles, facilement ou
difficilement réalisables. En conséquence, ici comme pour l’autorégulation,
un certain nombre d’auteurs en concluent à l’intervention nécessaire des
États (444). Et comme pour l’autorégulation, on peut discerner ici la né-
cessité d’une co-régulation, dans laquelle les autorités étatiques et les
autorités indépendantes de production de technologies collaboreraient, les
premières s’assurant essentiellement du respect de certaines garanties pro-
cédurales fondamentales visant à préserver ou à établir la réflexivité sociale,
les secondes produisant les technologies en respectant ces garanties (445).

« the architecture gives a technical framework whereas the self-regulatory concept allows a nego-
tiation approach. »
(443) J.R. REIDENBERG, « L’instabilité et la concurrence des régimes réglementaires dans le
Cyberespace », op. cit. n. 389, p. 143. Voir aussi M. MAHER, « An Analysis of Internet Standardi-
zation » in Va. J.L. & Tech., 1998, vol. 3, art. 5, spéc. § 32 et seq.
(444) L. LESSIG, Code and Other Laws of Cyberspace, op. cit. n. 64, p. 59 : « but isn’t it clear that
government should do something to make this architecture consistent with important public
values ? If commerce is going to define the emerging architectures of cyberspace, isn’t the role of
government to ensure that those public values that are not in commerce’s interest are also built into
the architecture ? » et J. BERLEUR et Y. POULLET, « Réguler Internet », op. cit. n. 338, pp. 474-
475 : « les autorités publiques ne peuvent rester absentes des débats techniques, dans la mesure où
les choix opérés ont un impact important sur les droits et libertés des utilisateurs. […] Si, comme
chacun se plaît à l’affirmer, les technologies de l’information gouvernent de plus en plus nos modes
d’action, conditionnent le vie des entreprises et déterminent l’avenir de nos sociétés, il ne peut être
question de laisser de tels choix à la discrétion des forces du marché ou de lobbies. »
(445) Dans un sens proche, Y. POULLET, « Quelques considérations sur le droit du cyberes-
pace », op. cit. n. 131, p. 198 : « on notera deux tendances particulières du droit étatique. D’une
part, celle de préférer le recours à des notions à contenu vague, évolutif et susceptibles de moult

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134 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

SECTION IV. — Troisième modèle : la


co-régulation

Le concept de la co-régulation repose sur l’idée que la hiérarchie entre


l’État et les secteurs privés n’est pas une nécessité ontologique. Elle peut
fort bien ne pas exister, il n’y a pas nécessairement prééminence de l’un sur
l’autre. Le modèle de la co-régulation est ensuite inspiré d’une double ob-
servation. D’un côté, la souveraineté des États est mise à mal par la montée
en puissance des opérateurs économiques et technologiques à un point tel
que la conception de la souveraineté « une et indivisible » n’est plus que la
manifestation de la résistance d’un paradigme ne rendant plus vraiment
compte de la réalité. De l’autre côté, l’État n’a pas disparu (loin s’en faut) et
ne doit pas disparaître. Admettant donc la possibilité d’une absence de
hiérarchie entre État et secteurs privés, et constatant une évolution vers un
certain équilibre de leurs pouvoirs respectifs, le modèle de la co-régulation
suggère la collaboration, sur pied d’égalité, de ces deux acteurs. C’est que la
collaboration, simplement, vaut mieux que le conflit.
Les modalités de la montée en puissance des opérateurs économiques et
technologiques ayant déjà été étudiées dans les sections précédentes (446),
nous aborderons ici l’autre composante de l’hypothèse d’un équilibre des
pouvoirs, soit la permanence de l’État et du droit étatique. Au-delà des
arguments descriptifs visant à démontrer la réalité de la présence du droit
étatique, nous relèverons également quelques arguments normatifs défen-
dant cette idée que le droit étatique conserve un rôle important à jouer. À
la suite de cela, nous nous attacherons à présenter le modèle de la co-régu-
lation.

interprétations, des ‘standards’ et, d’autre part, celle de confier l’interprétation de ces standards à
des organes-relais, parfois qualifiés d’autorités administratives indépendantes : ainsi les commis-
sions multiples créées en matière de vie privée, d’audiovisuel, de télécommunications, etc. »
(446) Voir respectivement Section II. — Premier modèle : l’autorégulation, p. 102 et seq. su-
pra et Section III. — Deuxième modèle : la régulation par la technique, p. 123 et seq. supra.

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TROIS MODÈLES DE RÉGULATION 135

SOUS-SECTION I. — NE PAS ENTERRER LE DROIT


ÉTATIQUE

Dans les versions radicales des modèles de l’autorégulation et de la régula-


tion par la technique, qui conduisent à la souveraineté des utilisateurs, res-
pectivement des producteurs de technologies, le droit étatique est toujours
supposé être « trop lent, trop peu expert, trop national pour encadrer une
réalité aussi mouvante, technique et globale que le cyberespace » (447). Le
droit étatique, perçu comme une relique d’un passé différent, est enterré en
ce qu’il touche au cyberespace. L’objet de notre propos ici sera simplement
de montrer tout d’abord que l’activité réglementaire étatique est bien exis-
tante, que le droit étatique, en évoluant, en s’adaptant et en augmentant sa
densité normative, se construit de plus en plus comme une force avec la-
quelle les autres régulateurs – au premier plan les opérateurs économiques
et technologiques – doivent compter, soit en croisant le fer, soit en colla-
borant. Nous aborderons ensuite l’idée que s’il est vrai que le droit étatique
est trop lent, peu expert et national, il connaît d’autres avantages qui font
de sa présence une nécessité éthique.

A. — La permanence de l’activité réglementaire


La permanence de l’activité réglementaire (448) est en réalité évidente. Il
suffit de consulter n’importe quel journal officiel pour constater que de
nombreux domaines du droit du cyberespace font l’objet d’interventions
réglementaires régulières. Nous pensons par exemple, pour ne citer que les
exemples les plus connus, à la protection des données et de la vie privée,
aux aspects généraux du commerce électronique ainsi que certaines de ses
modalités spécifiques (par exemple l’utilisation des signatures électroniques
ou le spamming), à la responsabilité des fournisseurs d’accès et de contenu,
à celle des organisateurs de forums de discussion, au vote électronique, à la
protection des droits d’auteur attachés à des œuvres mises en ligne, à la

(447) J. BERLEUR et Y. POULLET, « Réguler Internet », op. cit. n. 338, p. 470 : « parmi les ré-
gulateurs d’Internet, certains auteurs ont, trop rapidement sans doute, enterré le législateur décrit
comme trop lent, trop peu expert, trop national pour encadrer une réalité aussi mouvante, techni-
que et globale que le cyberespace. »
(448) Par activité réglementaire, nous entendons ici l’activité qui consiste en la mise en œuvre
du modèle de la réglementation et non l’adoption d’un règlement par opposition à l’adoption d’une
loi.

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136 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

cybercriminalité ou encore à l’e-administration. Il serait en vérité vain de


tenter d’énumérer toutes les directives, réglementations, lois et décrets
adoptés ces dernières années dans le monde pour réglementer les activités
véhiculées par les réseaux. Certains auteurs proposent par ailleurs des étu-
des traduisant très nettement l’intensité de l’activité réglementaire (449).
Nous jugeons plus opportun de relever ici quelques actions d’éclat menées
par certains États pour rappeler leur présence et pour signaler qu’ils
n’allaient pas laisser le cyberespace s’autoréguler.
Dès la fin des années 1990, des agents du FBI se mirent à participer de
manière soutenue à des forums de discussion. La Federal Trade Commis-
sion des États-Unis intervint avec une très forte couverture médiatique
dans une série de cas de fraudes en ligne et de violations de la vie privée. Le
16 octobre 1997, les autorités chargées de la protection des consommateurs
dans 25 États avertirent simultanément des centaines d’opérateurs écono-
miques du caractère légalement douteux de leurs activités de commerce en
ligne. En septembre 1998, les autorités policières et judiciaires de 22 États
démantelèrent en deux jours, par une action commune, le plus grand réseau
de pornographie enfantine connu à ce jour. Ces actions d’éclat révélèrent au
grand public, et en conséquence aux autorités politiques, l’importance des
enjeux et des incertitudes juridiques qui se posaient en rapport avec Inter-
net, et elles donnèrent une impulsion législative importante dans de nom-
breux États. En d’autres termes, on réalisa simplement que le cyberespace
n’était plus cette prouesse technologique amusante réservée à quelques férus
d’informatique, mais une révolution technique, comparable à l’imprimerie
et au téléphone, qui véhiculait un nombre croissant d’activités appartenant

(449) Pour une présentation générale, F. OLIVIER et E. BARRY, « Richesse et complexité du


cadre juridique afférent aux autoroutes de l’information et au multimédia » in Le droit des autoroutes
de l’information et du multimédia : un nouveau défi, Bruxelles, Bruylant, 1997, p. 40 et seq., K.W.
GREWLICH, Governance in ‘Cyberspace’, op. cit. n. 29. Pour un survol très bref mais instructif, voir
« Governments Move to Control the Free Flow of Information on the Net » in Cyberspace Lawyer,
1996, vol. 1, p. 27. Pour le droit américain, A.M. RUTKOWSKI, « Factors Shaping Internet Self-
Governance » in Coordinating The Internet, s. dir. B. Kahin et J.H. Keller, Cambridge, Mass. et
Londres, MIT Press, 1997, p. 92 et seq. Pour les droit français et européen, Ch. FÉRAL-SCHUHL,
Cyberdroit, 3ème éd., Paris, Dalloz/Dunod, 2002 et Forum des droits sur l’internet, Le forum des
droits sur l’internet. Rapport d’activité 2003, Paris, La Documentation française, 2004. Voir aussi O.
CACHARD, La régulation internationale du marché électronique, op. cit. n. 39, p. 16 et seq., sous titre
« La permanence du droit étatique ».

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TROIS MODÈLES DE RÉGULATION 137

à la vie sociale et professionnelle habituelle d’une partie de plus en plus


importante de la population des pays industrialisés (450).
On notera finalement que si les limites territoriales de l’intervention du
droit étatique demeurent un obstacle à sa mise en œuvre et donc à sa per-
manence, comme le notent Jacques Berleur et Yves Poullet, « la construc-
tion d’espaces juridiques régionaux comme l’Union européenne et les dis-
cussions de plus en plus nombreuses au sein d’organismes supranationaux
officiels comme l’OCDE, l’OMPI, l’OMC, le Conseil de l’Europe »
constitue l’une des adaptations des modalités d’intervention du droit étati-
que permettant aux États de maintenir, ou de récupérer, une importante
capacité de régulation (451).

B. — La nécessité de l’activité réglementaire


En plus du constat de la permanence du droit étatique, le modèle de la co-
régulation repose sur l’idée que le droit étatique et le modèle de la régle-
mentation doivent perdurer, tout en reconnaissant et en s’accommodant du
rôle croissant que jouent les opérateurs économiques et technologiques. Les
arguments invoqués en vue de la nécessité de l’activité réglementaire sont
essentiellement que les activités véhiculées par les réseaux exercent des
effets hors ligne, que seul le droit étatique peut réellement donner un cadre
de confiance aux acteurs du cyberespace et que seule l’activité réglementaire
garantit une réflexivité suffisante et donc la prise en compte d’une très large
palette d’intérêts et de valeurs sociétales.
La plupart des activités réalisées en ligne sortent des effets hors ligne,
qui se concrétisent sur le territoire de l’un ou l’autre des États dont les ter-
ritoires couvrent le monde terrestre. Un contrat de vente conclu en ligne et
aux termes duquel une chose doit être livrée hors ligne ne se distingue en

(450) N.W. NETANEL, « Cyberspace Self-Governance : A Skeptical View from Liberal De-
mocratic Theory », op. cit. n. 277, p. 400: « as cyberspace grows to encompass ever-increasing areas
of human thought, interaction, and commerce, it regularly commingles with the sorts of real world
activity, ranging from product sales to criminal conspiracy, commonly subject to state regulation.
As a result, courts and legislators have increasingly applied real world, state-promulgated law to
cyberspace activity, steadily constricting the domain of semiautonomous cyberspace rule making. »
(451) J. BERLEUR et Y. POULLET, « Réguler Internet », op. cit. n. 338, p. 471. Voir aussi, sur
cette question, B. HOLZNAGEL, « Neues europäisches Recht für Elektronische Kommunikation »
in Rechtstheorie, 2003, vol. 34, p. 307 et seq. et S. BIEGEL, Beyond our control ?, op. cit. n. 37,
p. 157.

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138 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

effet d’un contrat de vente traditionnel, conclu hors ligne, que par le moyen
de communication utilisé pour sa conclusion ; les conséquences sur le
monde réel sont exactement les mêmes que le contrat soit conclu par quel-
ques clics de souris, par une conversation téléphonique, par un échange de
lettres ou encore lors d’une rencontre in persona. Une entreprise confrontée
à l’impossibilité d’obtenir un site web dont l’adresse correspond à sa raison
sociale sera plus difficile à trouver sur le web pour les internautes désirant
obtenir des informations ou conclure une transaction. Cela peut lui faire
perdre des parts de marché, même si l’entreprise fournit ses prestations
exclusivement hors ligne – on pense par exemple à une compagnie aé-
rienne. Une diffamation découlant de propos publiés dans un journal
n’existant que sur le web peut porter atteinte à la réputation d’une personne
qui, par hypothèse, ne s’est même jamais connectée à Internet. La vente en
ligne d’objets nazis contribue à alimenter l’antisémitisme et la diffusion de
propos racistes sert la cause de la haine raciale. Les exemples peuvent être
multipliés à souhait. Il importe simplement de retenir l’existence d’exter-
nalités du monde virtuel sur le monde réel, c’est-à-dire que certaines actions
réalisées dans le premier sortent des effets sur le second (452). Puisque ces
externalités se réaliseront nécessairement sur le territoire d’un ou de plu-
sieurs États, ceux-ci auront à ce titre une certaine légitimité, voire un
certain devoir, d’intervenir. Plus un domaine social causera des externalités
pour d’autres domaines sociaux, moins ses prétentions à l’autorégulation
seront acceptables (453).

(452) M.A. LEMLEY, « The Law and Economics of Internet Norms » in Chi.-Kent. L. Rev.,
1998, vol. 73, p. 1257 et seq., spéc. p. 1277 et seq., l’auteur insistant sur l’argument que les normes
sociales d’une communauté ont en principe toutes la caractéristique de ne pas prendre suffisam-
ment en compte les externalités qu’elles produisent pour d’autres communautés.
(453) Sur tout ceci, voir par exemple A.L. SHAPIRO, « The Disappearance of Cyberspace and
the Rise of Code » in Seton Hall Const. L.J., 1998, vol. 8, p. 703 et seq., ID., The Control Revolu-
tion, op. cit. n. 292, pp. 217–230, L. LESSIG, « The Zones of Cyberspace », op. cit. n. 37, ID., Code
and Other Laws of Cyberspace, op. cit. n. 64, pp. 213-221, ID., « The Constitution of Code », op. cit.
n. 406, p. 872, O. CACHARD, La régulation internationale du marché électronique, op. cit. n. 39,
p. 15, R.H. WEBER, Regulatory Models for the Online World, op. cit. n. 39, pp. 56–58, K. LENK,
« The Challenge of Cyberspatial Forms of Human Interaction to Territorial Governance and
Policing » in Governance of Cyberspace : Politics, Technology & Global Restructuring, s. dir. B.D.
Loader, Londres, Routledge, 1997, p. 126 et seq. et S.R. SALBU, « Who Should Govern the Inter-
net ? Monitoring and Supporting a New Frontier » in Harv. J.L. & Tech., 1998, vol. 11, p. 429 et
seq., spéc. p. 450 et seq.

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TROIS MODÈLES DE RÉGULATION 139

Le deuxième argument défendant la nécessité de la présence du droit


étatique est que l’une des fonctions de la loi est de conférer aux divers ac-
teurs sociaux un cadre de prévisibilité, et donc de confiance, pour leurs
activités. C’est précisément sur cette idée que Jacques Berleur et Yves
Poullet fondent la raison de tout ce phénomène de la réglementation que
traduisent les importantes initiatives législatives relatives à Internet :
« Comment expliquer ce phénomène ? Un seul mot, nous l’avons déjà dit :
la confiance. Que la loi ait une fonction rassurante est indéniable. Elle crée
un cadre de référence clair, soumet les acteurs à des prescrits qui garanti-
ront la sécurité, la loyauté et la bonne fin des opérations » (454). La pré-
sence du droit étatique est donc perçue ici comme un élément nécessaire au
développement des activités en ligne et, partant, du secteur de l’économie
basé sur le commerce électronique.
Finalement, on évoquera ces déficiences que nous avons pu relever au
chapitre de l’autorégulation et de la régulation par la technique –
l’insuffisance réflexive, soit le manque de représentativité de tous les inté-
rêts en jeu – pour nous souvenir que la solution appelée des vœux des au-
teurs dénonçant ces déficiences était précisément l’intervention de l’État
selon un mécanisme de co-régulation, étant donné que « ce mécanisme vise
à maintenir l’ouverture du réseau afin d’éviter que les autorégulations ne
soient détournées par des groupes d’intérêts particuliers » (455). Le fonde-
ment démocratique de la production étatique de normes juridiques offre la
possibilité aux représentants de tous les intérêts de participer, directement
ou indirectement, à la création du droit. La réflexivité sociale du droit éta-
tique, depuis le suffrage universel, est en principe totale.

SOUS-SECTION II. — LE MODÈLE DE LA CO-


RÉGULATION

Au plan de la plus grande généralité, on dira que la co-régulation repose


sur l’idée essentielle d’une « approche coopérative de la régulation » (456),
traduisant une complémentarité entre la réglementation et l’autorégulation.

(454) J. BERLEUR et Y. POULLET, « Réguler Internet », op. cit. n. 338, pp. 470-471.
(455) M. MAESSCHALCK et T. DEDEURWAERDERE, « Autorégulation, éthique procédurale
et gouvernance de la société de l’information », op. cit. n. 314, p. 94.
(456) Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), « Cooperative
Approaches to Regulation », Public Management Occasional Paper no 18, Paris, 1997.

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140 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

Si l’on tente de préciser et de modéliser cette complémentarité, avec les


relations qu’elle implique entre État et acteurs privés, on réalise rapidement
qu’elle se cristallise de nombreuses manières, qui correspondent à autant
d’acceptions du modèle de la co-régulation. C’est pourquoi, après avoir
brièvement défini ses traits généraux, nous passerons en revue les diverses
formes de co-régulation que l’on rencontre dans les textes officiels et chez
les théoriciens de la régulation. Au terme de cet examen, nous retiendrons
l’idée que la co-régulation, dans son acception la plus pure, met en avant
l’égalité entre l’État et les acteurs privés. Nous nous pencherons ensuite sur
les raisons d’être de cette forme de régulation et en relèverons les limites
qui nous amènent à privilégier, dans le contexte de notre approche descrip-
tive, le modèle du réseau.

A. — Traits généraux
En termes généraux, la co-régulation s’envisage donc comme une notion
hybride, alliant réglementation et autorégulation, visant un réel dialogue
internormatif entre l’État et les opérateurs privés en vue de la recherche
d’alliances. Elle correspond à cette idée générale que nous venons
d’évoquer, qui consiste à dire que « loin d’être un substitut à la réglementa-
tion, l’autorégulation doit être plutôt son complément, offrant une réelle
valeur ajoutée » (457). En ce sens, la co-régulation se veut donc une « nou-
velle forme de coopération entre la société civile et les pouvoirs pu-
blics » (458), une « meilleure combinaison entre l’autorégulation des acteurs
et l’action étatique » (459), une « autorégulation réglementée » (460).

(457) Y. POULLET, « Vers la confiance. Vues de Bruxelles : un droit européen de l’Internet ?


Quelques considérations sur la spécificité de l’approche réglementaire européenne du cyberespace »
in Bulletin d’actualité – Lamy droit de l’informatique et des réseaux, 2001, no 141, supplément, p. 1 et
seq. puis no 142, supplément, p. 1 et seq., spéc. § 48.
(458) Ch. PAUL, Du droit et des libertés sur l’internet. La corégulation, contribution française pour
une régulation mondiale. Rapport au Premier ministre, Paris, La Documentation française, 2000,
p. 91, P. FRISSEN, « The virtual state. Postmodernisation, informatisation and public administra-
tion », op. cit. n. 297, p. 116, qui note, au chapitre des développements des formes de gouvernances
dans le contexte du cyberespace, la « co-production of policies : creating policy networks of societal
and government actors to produce policies » et le Livre blanc de la Commission européenne,
« Gouvernance européenne », Bruxelles, 25 juillet 2001, COM (2001) 428 final, p. 25, définissant
la co-régulation comme « l’association de mesures législatives ou réglementaires contraignantes à
des mesures prises par les acteurs les plus concernés, en mettant à profit leur expérience pratique ».
(459) Ph. AMBLARD, Régulation de l’Internet, op. cit. n. 319, p. 104.

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TROIS MODÈLES DE RÉGULATION 141

Plus concrètement, elle repose sur l’institutionnalisation d’un « processus


de concertation […] visant à fédérer les différents acteurs dans un lieu de
dialogue » (461), elle constitue un « dispositif d’encadrement de l’autorégu-
lation » (462). Dans ce sens général, la co-régulation se rapproche, voire se
confond avec le concept de gouvernance, qui est « le processus de coordi-
nation d’acteurs, de groupes sociaux, d’institutions (publiques ou non) pour
atteindre des buts propres discutés et définis collectivement dans des envi-
ronnements fragmentés et incertains » (463). On accepte alors que l’État
édicte les principes généraux, tandis que les acteurs privés révèlent et
codifient les usages. L’État soulève les questions axiologiquement ou poli-
tiquement importantes, les secteurs privés informent de l’état de la techni-
que. L’État puise dans les « ‘normativités’ présentes dans le réseau […]
l’inspiration pour définir, si possible au plan international, des règles de
loi » (464) ; les acteurs privés se réfèrent au droit étatique pour véhiculer un
cadre de confiance. L’État incite, les acteurs privés agissent.

(460) W. SCHULZ et Th. HELD, Regulierte Selbstregulierung als Form modernen Regierens,
Hambourg, éd. du Hans-Bredow-Institut für Medienforschung (coll. « Arbeitspapiere des Hans-
Bredow-Instituts », no 10), 2002, passim (trad. par l’auteur).
(461) P. TRUDEL, « L’influence d’Internet sur la production du droit », op. cit. n. 175, p. 97.
Voir aussi P. FRISSEN, « The virtual state. Postmodernisation, informatisation and public admini-
stration », op. cit. n. 297, p. 119, qui observe que « vertical bureaucratic relations of command and
control are substituted increasingly by horizontal relations of compromising and organizing con-
sensus on a non-hierarchical basis ».
(462) M. MAESSCHALCK et T. DEDEURWAERDERE, « Autorégulation, éthique procédurale
et gouvernance de la société de l’information », op. cit. n. 314, p. 91.
(463) J. COMMAILLE, « La régulation des temporalités juridiques par le social et le politique »
in Temps et droit. Le droit a-t-il pour vocation de durer ?, s. dir. F. Ost et M. van Hoecke, Bruxelles,
Bruylant, 1998, p. 317 et seq., spéc. p. 335. Voir aussi Y. PAPADOPOULOS, « Gouvernance et
transformations de l’action publique : quelques notes sur l’apport d’une perspective de sociologie
historique » in Historicité de l’action publique, s. dir. P. Laborier et D. Trom, Paris, PUF, 2003,
p. 119 et seq., spéc. p. 120 : « on souligne désormais le caractère nécessairement communicationnel
et délibératif d’une action publique inévitablement polycentrique. Par conséquent sont mises en
place des procédures de coordination (policy networks à configurations variables, commissions,
cercles d’experts, tables rondes, etc.) destinées avant tout à transcender le point de vue particulier
des divers acteurs, en les intégrant dans la formulation ou la mise en œuvre des politiques publi-
ques. »
(464) Y. POULLET, « Quelques considérations sur le droit du cyberespace », op. cit. n. 131,
p. 213.

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142 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

L’idée force de la co-régulation repose donc dans l’échange


d’information et la coopération (465) entre deux types de producteurs de
droit en négociation, mettant ainsi en œuvre ce principe que John Nash a
démontré mathématiquement : la collaboration est préférable au conflit.
Au plan institutionnel, cette collaboration est quelquefois formalisée par la
présence d’une « instance spécifique d’incitation et de consultation des dif-
férents acteurs privés et étatiques, dans le cadre d’une structure de régu-
lation centralisée » (466).

B. — Les formes de la co-régulation


Comme nous l’avons évoqué, le modèle de la co-régulation connaît de
nombreuses variations, qui correspondent à autant d’acceptions de la no-
tion d’autorégulation. À notre sens, ses principales variations peuvent être
projetées sur un plan d’interventionnisme étatique, construit selon un axe
allant de l’autorégulation pure à la stricte réglementation top-down éta-
tique. C’est en ce sens qu’écrit Yves Poullet quand il affirme, dans une
étude de grand intérêt sur l’analyse des diverses formes de ce modèle de
régulation, que cette dernière constitue une « troisième voie qui se décline
en des modes variés tantôt plus proches du pôle de l’autorégulation, tantôt
confinant à un pur interventionnisme étatique » (467). Nous pensons plus
avant qu’il existe au centre de cet axe définitoire un pôle de définition,
correspondant à l’acception la plus étroite du modèle de la co-régulation,
qui se situe là où État et acteurs privés collaborent strictement sur un pied

(465) Ch. PAUL, Du droit et des libertés sur l’internet, op. cit. n. 458, p. 75 : « un échange perma-
nent et fourni entre les acteurs de l’internet et les autorités de la régulation publique, de manière à
soulever les questions importantes, à les instruire plus rapidement en tenant mieux compte de la
dimension technique ainsi que de la réalité et de l’évolution des usages. Une coopération entre les
instances de la régulation publique, qui interviennent chacune dans leur domaine de compétence,
et les différentes formes d’autorégulation des acteurs économiques et sociaux, qui contribuent à
définir les usages et à offrir aux utilisateurs les espaces de liberté et de confiance qu’ils demandent.
C’est cet échange et cette coopération que nous désignerons comme la corégulation. »
(466) M. MAESSCHALCK et T. DEDEURWAERDERE, « Autorégulation, éthique procédurale
et gouvernance de la société de l’information », op. cit. n. 314, p. 91.
(467) Y. POULLET, « Technologies de l’information et de la communication et ‘co-régulation’ :
une nouvelle approche ? » in Liber amicorum Michel Coipel, s. dir. Y. Poullet, P. Wéry et P.
Wynants, La Haye, Kluwer, 2004, p. 167 et seq., spéc. p. 187. Une version anglaise de cet article
est à paraître sous le titre « ICT and co-regulation : Towards a new regulatory approach ».

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TROIS MODÈLES DE RÉGULATION 143

d’égalité. Nous reviendrons à cette définition étroite après avoir présenté les
diverses formes de la co-régulation que l’on peut répertorier.
On peut donc tout d’abord concevoir la co-régulation, du côté de son
acception la plus proche du modèle de la réglementation, comme une sim-
ple procédure de consultation des acteurs privés. Elle prend dans ce cas la
forme d’un « processus ‘pré-normatif’ [intervenant] dans la phase prélimi-
naire d’une réglementation qui, si elle est prise par l’État ou une autre au-
torité de régulation, verra sa légitimité renforcée et son effectivité mieux
assurée » (468). Il s’agit en d’autres termes simplement d’une forme adoucie
de la réglementation étatique, déjà très largement répandue dans tous les
domaines du droit. Le caractère innovateur de cette acception du modèle
est (nous semble-t-il) tout à fait limité.
La co-régulation peut ensuite prendre la forme d’une délégation de com-
pétences, qui n’est pas sans rappeler les rapports qu’entretiennent parlement
et administration. Dans cette perspective, la co-régulation consiste, comme
le définit par exemple l’Accord interinstitutionnel européen Mieux légiférer,
en un « mécanisme par lequel un acte législatif […] confère la réalisation
des objectifs définis par l’autorité législative aux parties concernées
reconnues dans le domaine (notamment les opérateurs économiques, les
partenaires sociaux, les organisations non gouvernementales ou les associa-
tions) » (469). Ici aussi, il ne s’agit que d’une forme de réglementation dont
l’interventionnisme est limité par des considérations de subsidiarité et
d’efficience : il vaut mieux laisser les acteurs s’auto-organiser dans les limi-
tes du droit imposé par l’État que de leur imposer, souvent à grands frais,

(468) Ibid., p. 172.


(469) Art. 18 Accord interinstitutionnel entre le Parlement, le Conseil et la Commission :
Mieux légiférer, JO C 321 du 31.12.2003, p. 1, cité ibid., p. 173 et seq., Yves Poullet définissant,
pp. 180–181, cette forme de co-régulation dans les termes suivants : « un texte législatif ou gouver-
nemental prévoit l’existence de mécanismes de co-régulation et encourage les acteurs du secteur
privé concerné à transposer par autorégulation les objectifs que ce texte a lui-même définis ». Voir
aussi British Department of Trade and Industry, « A New Future for Communications. Commu-
nications White Paper », Londres, décembre 2000, <www.communicationswhitepaper.gov.uk/-
pdf/index.htm>, § 8.11, p. 83 : « the regulator may for example set objectives which are to be
achieved, or provide support for the sanctions available, while still leaving space for self-regulatory
initiatives by industry, taking due account of the interests and views of other stakeholders, to meet
the objectives in the most efficient way. »

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144 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

une réglementation détaillée (470). Ici aussi, le caractère innovateur n’est


pas radical, il s’agit simplement d’une forme adoucie de réglementation.
On peut également entendre par co-régulation un mécanisme plus relâ-
ché d’encadrement de l’autorégulation, dans lequel l’État exercerait essen-
tiellement une fonction de surveillance : l’autorégulation n’est pas ici initiée
ou déléguée par l’État, mais spontanée et simplement encadrée par des
autorités de surveillance qui n’interviennent que si les résultats de l’auto-
régulation sont réellement insatisfaisants (471). Cette acception du modèle
est plus intéressante, parce qu’elle fait ressurgir cette idée de l’État, sûr de
son pouvoir mais conscient de ses limites, se retirant du champ d’action
problématique.
Ce modèle de régulation peut ensuite être conçu en ce sens que la régu-
lation privée constitue un champ d’expérimentation, testant des solutions qui
seront ensuite reprises, si leur adéquation est avérée, par l’État.
L’autorégulation se voit ici réduite à un rôle d’éclaireur, rapportant des
expériences dans lesquelles le droit étatique puise des informations utiles à
la détermination de sa politique législative (472). Il n’y a au vrai pas ici de
réelle collaboration entre l’État et les acteurs privés, mais une simple ex-
ploitation par celui-là des données émergeant spontanément du champ
social dans lequel il compte intervenir. À notre sens, il ne s’agit pas ici d’un
réel modèle de régulation, mais plutôt d’une technique législative, qui
existe d’ailleurs dans des domaines très divers et a fait ses preuves depuis
longtemps.
Si l’on se déplace plus loin sur l’axe définitoire en direction de l’auto-
régulation, on constate qu’outre les formes de co-régulation évoquées, qui

(470) Le principe de subsidiarité, consacré notamment à l’art. 5 CE, prévoit en substance que
le niveau supérieur ne doit intervenir que si le niveau inférieur ne peut régler la question de ma-
nière adéquate. Il convient encore de mentionner que la délégation aux acteurs privés, au plutôt la
non-intervention de l’État dans les activités régulatrices de ceux-ci, est prévue aux art. 16 et seq.
Accord interinstitutionnel européen : « les trois institutions rappellent que la Communauté ne
légifère que dans la mesure nécessaire, conformément au [principe] de subsidiarité […] Elles
reconnaissent l’utilité de recourir […], lorsque le traité CE n’impose pas spécifiquement le recours
à un instrument juridique, à des mécanismes de régulation alternatifs » tels que la co-régulation
(art. 18 et seq.) ou l’autorégulation (art. 22 et seq.).
(471) Y. POULLET, « Technologies de l’information et de la communication et ‘co-régulation’ :
une nouvelle approche ? », op. cit. n. 467, p. 181.
(472) Ibid.

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TROIS MODÈLES DE RÉGULATION 145

toutes renvoient à l’idée d’un encadrement plus ou moins serré de


l’autorégulation par l’État, il existe des acceptions de la co-régulation où ce
dernier est réduit au rôle d’un initiateur (473). Celui-ci n’encadre donc plus
à proprement parler le processus normatif, mais se cantonne à attirer l’at-
tention des acteurs privés sur des problématiques spécifiques et à leur sug-
gérer des solutions (474). L’acception du modèle de régulation envisagé ici
le réduit à une variante de l’autorégulation, qui refoule le pouvoir d’action
réel de l’État.
Plus éloigné encore du pôle de la réglementation, la co-régulation peut
également couvrir la situation, simple inversion de la première acception
que nous avons rapportée ci-dessus, où la procédure de consultation ne s’adres-
se plus aux acteurs privés, mais à l’État. On aboutit dans ce cas, qui concerne
notamment l’ICANN, à un « renversement de la hiérarchie traditionnelle
dans la mesure où l’autorité publique ne dispose que d’une voix consultative
dans le processus d’adoption d’une décision [privée] » (475). On fera ici la
même remarque que pour l’acception précédente du modèle, avec cette
note supplémentaire qu’il convient de prêter attention à l’idée du
renversement de la hiérarchie traditionnelle, qui constitue l’élément central
du modèle du réseau, que nous aborderons au prochain chapitre.
Finalement, la notion la plus stricte du modèle de la co-régulation, qui
confère à celui-ci son caractère le plus innovateur, correspondant à la col-
laboration la plus étroite, la plus pure, entre les producteurs de droit, est
celle qui place les acteurs sur pied d’égalité. Dans cette optique, la co-régu-
lation s’entend de la « co-intervention sur pied d’égalité de l’État, des en-

(473) Ibid., p. 182 : « ce shéma de co-régulation où l’intervention publique se résume à


l’initiative de départ ».
(474) Dans ce sens, voir notamment British Department of Trade and Industry, « White Pa-
per : Modern Markets : Confident Consumers », Londres, 1999, <www.dti.gov.uk/consumer/-
whitepaper>.
(475) Y. POULLET, « Technologies de l’information et de la communication et ‘co-régulation’ :
une nouvelle approche ? », op. cit. n. 467, p. 185, qui note ainsi qu’« une des modifications essen-
tielles réclamées par l’Union européenne dans la structure de l’ICANN a été la création d’un
comité consultatif gouvernemental (G.A.C.), chargé de défendre auprès des instances de l’ICANN
les intérêts publics fondamentaux de la société (par ex. vie privée, concurrence, fracture numéri-
que). » Voici aussi, plus avant sur la rédaction des principes UDRP par l’ICANN, société privée
qui a simplement consulté l’OMPI, organisation internationale (étatique), A.M. FROOMKIN,
« Semi-private international rule making » in Regulating the Global Information Society, s. dir.
Ch.T. Marsden, Londres et New York, Routledge, 2000, p. 211 et seq.

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146 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

treprises et des groupes d’intérêt dans les procédures de régulation » (476).


Ainsi, ce modèle de régulation prend ici l’image d’une hydre à deux têtes,
l’une étatique, l’autre privée, qui ensemble dirigent ce corps de l’hydre
qu’est la pyramide des normes. C’est, nous l’avons dit, cette acception que
nous retiendrons, parce qu’elle est la plus précise, la plus nette en termes de
système de régulation et c’est elle qui fait le mieux ressortir ce nouveau
grand axe de la réflexion sur la régulation du cyberespace, qui fait l’éloge
d’un réel partenariat entre le public et le privé.
La forme la plus aboutie de l’institutionnalisation de ce modèle de régu-
lation, dans l’acception que nous lui retenons, nous semble être donnée par
la France : sur la base du rapport au Premier ministre de Christian Paul,
qui défendait vivement la co-régulation, une telle « instance spécifique
d’incitation et de consultation » fut mise en place sous le nom de Forum des
Droits sur l’internet. L’énoncé de son rôle reflète parfaitement le modèle de
régulation dans lequel il s’inscrit : le Forum vise à « améliorer l’information
des acteurs et des utilisateurs, [à] assurer un travail de vigilance internatio-
nale sur les questions relatives aux usages de l’internet et [à] organiser le
débat sur les questions juridiques soulevées en France et à l’étranger de
manière, d’une part à faciliter l’action du législateur, et d’autre part à favo-
riser l’exercice des différentes formes d’autorégulation, sous réserve que
celles-ci rencontrent un large assentiment » (477).

(476) É. BROUSSEAU, « Régulation de l’Internet : l’autorégulation nécessite-t-elle un cadre


institutionnel ? », op. cit. n. 393, p. 26. Voir aussi P. FRISSEN, « The virtual state.
Postmodernisation, informatisation and public administration », op. cit. n. 297, p. 122, qui relève
des « political-administrative developments in the direction of co-production of policies, increasing
participation, setting up public/private […] partnerships ».
(477) Ch. PAUL, Du droit et des libertés sur l’internet, op. cit. n. 458, p. 19. Pour une telle des-
cription, voir aussi I. FALQUE-PIERROTIN, « La gouvernance du monde en réseau » in Gouver-
nance de la société de l’information. Loi – Autoréglementation – Éthique, s. dir. J. Berleur, C. Lazaro et
R. Queck, Bruxelles, Bruylant, 2002, p. 109 et seq. On notera finalement que la co-régulation est
également pratiquée en Australie, depuis 1999 dans le contexte d’Internet, depuis 1992 pour le
secteur des télécommunications et depuis un plus grand nombre d’années encore pour d’autres
secteurs économiques. Le modèle y semble toutefois accorder un rôle moins important aux secteurs
privés : voir M. MAESSCHALCK et T. DEDEURWAERDERE, « Autorégulation, éthique procédu-
rale et gouvernance de la société de l’information », op. cit. n. 314, p. 91 et P. GRABOSKY et J.
BRAITHWAITE, Of Manners Gentle. Enforcement Strategies of Australian Business Regulatory Agen-
cies, Oxford, Oxford Univ. Press, 1986.

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TROIS MODÈLES DE RÉGULATION 147

C. — Raison d’être et limites du modèle de la co-


régulation
La raison d’être du modèle de la co-régulation procède d’un côté de consi-
dérations éthiques sur la réflexivité sociale et, de l’autre, de soucis
d’efficacité pratique (capacité à atteindre les buts que la loi s’est fixés) et
d’efficience (coûts nécessaires pour atteindre ces buts (478)). Les défenseurs
de ce modèle de régulation rappellent ainsi tout d’abord que « la régulation
publique par la loi et les juges […] reste légitime » (479) et même indis-
pensable. Elle présente la meilleure garantie d’éviter l’accaparement de la
production normative par certains acteurs au détriment d’autres. Partant,
elle assure au mieux la défense de la diversité des valeurs sociétales. Elle
rencontre toutefois un certain nombre de difficultés, dues notamment à « la
nouveauté des sujets à traiter ainsi [qu’à] la diversité des acteurs concer-
nés » (480), auxquelles on ajoutera la territorialité de son intervention (481)
et la rapidité de l’évolution sociale et technique du domaine à réglementer.
Malgré cela, on reconnaîtra sans conteste que « le droit [étatique] ne peut
se contenter de déplorer la difficulté de son application et d’affirmer que
l’espace virtuel est un espace sans droit [étatique] » (482). L’État ne peut
simplement se désengager en invoquant l’inefficacité de son intervention et
les coûts démesurés qu’implique souvent la simple application du modèle
de la réglementation. Ce modèle doit être adapté, avoir une meilleure em-
prise sur les faits en établissant des « relais entre les valeurs à préserver et les

(478) Sur les concepts d’efficacité pratique et juridique, d’efficience et d’effectivité, voir F. OST,
« Validité » in Dictionnaire encyclopédique de sociologie et de théorie du droit, s. dir. A.-J. Arnaud, 2ème
éd., Paris, LGDJ, 1993, p. 431 et seq., ID. et M. VAN DE KERCHOVE, De la pyramide au réseau ?,
op. cit. n. 21, pp. 309 et 314 (efficacité juridique), 331–332 (effectivité, efficacité pratique, effi-
cience) et C. MINCKE, « Effets, effectivité, efficience et efficacité du droit : le pôle réaliste de la
validité » in RIEJ, 1998, vol. 40, p. 115 et seq., spéc. pp. 126–137. Voir aussi Chapitre IX :
Validité : l’efficacité juridique en trois temps, p. 305 et seq. infra.
(479) Ch. PAUL, Du droit et des libertés sur l’internet, op. cit. n. 458, p. 18.
(480) Ibid., p. 17.
(481) Sur la question de la territorialité, pour laquelle l’avantage de la co-régulation est moins
évident, on notera simplement que le rapport d’activité 2003 du Forum des Droits sur l’internet,
auquel nous reviendrons, annonce la création d’un réseau européen de co-régulation, impliquant
des organismes de six pays européens : Forum des droits sur l’internet, Le forum des droits sur l’inter-
net. Rapport d’activité 2003, op. cit. n. 449.
(482) Y. POULLET, « Quelques considérations sur le droit du cyberespace », op. cit. n. 131,
p. 213.

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148 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

réalités vécues par les usagers » (483) dans le but de « faire naître des
consensus » (484), d’« assurer la rencontre entre les points de vue » (485),
de « dégager les tendances et consensus et [finalement de] favoriser
l’adoption de règles de droit » (486). Or, pour que les conclusions tirées de
ces « réalités vécues » soient réellement entendues, il semble indispensable
qu’il y ait une « expression normative plurielle » (487) et donc que « les
régulations privées individuelles, communautaires ou économiques [soient]
encouragées » (488). Et l’on conclut, finalement, que « la co-régulation naît
de l’existence reconnue de ces deux dynamiques » (489).
Avec le modèle de la co-régulation, nous nous dirigeons donc, nous
l’avons dit, vers la reconnaissance d’une possible égalité de l’État et des
acteurs privés sur le plan de la production du droit. Au contraire de la ré-
glementation et de l’autorégulation, qui érigent un acteur ou un type d’ac-
teurs au rang d’une suprématie fermement établie dans la production du
droit, la co-régulation pose l’hypothèse d’un réel partenariat entre plusieurs
producteurs de droit, édifiant ainsi une pyramide de normativité au som-
met de laquelle ne se situent plus un, mais deux types d’acteurs. La pyra-
mide des normes semble toutefois demeurer fermement établie.
Afin de tester plus avant ce modèle, il convient de se demander si la ré-
alité qu’il tente d’affirmer n’est pas profondément remise en cause si le
partenariat entre l’État et les acteurs privés prend la forme d’un pacte léo-
nin, en faveur de l’un ou de l’autre des partenaires. En vérité, on peut se
demander ce qui peut réellement empêcher qu’un acteur de la production
normative – l’État, les secteurs privés ou, parmi ceux-ci, les producteurs de
technologies – prenne un réel ascendant sur les autres producteurs de droit,
dans un domaine spécifique, voire même dans tout un secteur d’activités.
Qu’est-ce qui peut s’opposer à ce que l’un des acteurs devienne capable
d’imposer ses normes à la volonté des autres ? N’est-ce pas là une réalité
patente que la régulation d’un secteur donné ne sera toujours que la somme

(483) P. TRUDEL, « L’influence d’Internet sur la production du droit », op. cit. n. 175, p. 97.
(484) Ch. PAUL, Du droit et des libertés sur l’internet, op. cit. n. 458, p. 17
(485) Ibid., p. 17.
(486) Ibid., p. 18.
(487) Y. POULLET, « Quelques considérations sur le droit du cyberespace », op. cit. n. 131,
p. 213.
(488) Ch. PAUL, Du droit et des libertés sur l’internet, op. cit. n. 458, p. 18.
(489) Ibid.

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TROIS MODÈLES DE RÉGULATION 149

des forces en présence, chaque acteur tentant d’imposer les normes proté-
geant les intérêts qu’il entend défendre ? Or aucun des modèles présentés
jusqu’ici ne prend réellement en compte l’enchevêtrement des hiérarchies
entre les différents acteurs de la production normative que les rapports de
force entre ces derniers semblent nécessairement devoir instituer. La co-
régulation repose certes sur la reconnaissance d’une importante montée en
puissance des secteurs privés débouchant sur une quasi-égalité, à tout le
moins un partenariat avec l’État dans leurs influences normatives. Cepen-
dant, ce modèle ne va à notre sens pas encore assez loin dans la reconnais-
sance de la diversité des sources normatives. Il est par ailleurs trop statique,
concrétisant simplement l’état des rapports de force à un moment donné,
alors que ces forces évoluent sans cesse. Il ne peut finalement pas prendre
en compte tous les intérêts des destinataires des normes, tels qu’ils pour-
raient par exemple être exprimés par une diversité d’acteurs ; le modèle de
la co-régulation est en principe limité au partenariat retenu.
La co-régulation constitue un modèle normatif attrayant de régulation,
mais elle demeure un modèle descriptif inexact. Ce n’est certes pas qu’il soit
indésirable qu’État et acteurs privés collaborent sur un pied d’égalité, mais
il est douteux que leurs relations se situent toujours réellement dans un tel
rapport. La hiérarchie entre les producteurs de droit, si l’on admet que le
droit puisse ne pas être qu’étatique, ne peut sans doute jamais être définiti-
vement établie a priori. Sa réalité dépendra toujours des rapports de force
entre les acteurs. Cette impossibilité d’une définition ex ante de l’identité
des producteurs de droit et de la hiérarchie que ceux-ci entretiennent est
précisément l’élément central d’un autre modèle de régulation : le réseau.
Là où la co-régulation évoquait un partenariat fermement établi et stati-
que entre un nombre limité d’acteurs bien définis, le réseau présente
l’image d’une concurrence en mouvement permanent, dont l’issue n’est pas
toujours prévisible, entre un nombre ouvert d’acteurs à l’identité incertaine.
Le réseau prend ici la forme d’un méta-modèle de régulation englobant
tous les autres modèles que nous avons rencontrés jusqu’ici. C’est que
l’avènement d’un nouveau modèle de régulation n’a souvent pas pour effet
de supprimer l’ancien. Au contraire, les nouveaux modèles et les anciens
s’entremêlent, créant une tension dialectique qui reste ouverte (490). En

(490) Ainsi R.J. DUPUY, « Le dédoublement du monde », op. cit. n. 130, p. 319.

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150 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

cela, le réseau est prospectif. Les autres modèles, prévoyant une hiérarchie
statique, ne peuvent être que rétrospectifs et propres à une situation et un
moment donnés. Le réseau modélise le dynamisme des rapports de force.
En raison de ce caractère englobant du réseau, de son importance parti-
culière au regard de la théorie générale du droit et de la dimension nova-
trice de sa prise en considération pour la théorie générale de la régulation
du cyberespace, nous lui consacrerons l’intégralité du chapitre qui s’ouvre.

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CHAPITRE IV
Chapitre IV. — Le réseau : un méta-modèle de régulation

LE RÉSEAU : UN MÉTA-MODÈLE DE
RÉGULATION

À notre sens, les modèles de régulation étudiés au chapitre précédent sont


trop limitatifs, trop focalisés sur un, parfois deux types de producteurs de
droit. Ainsi, la réglementation se focalise sur l’État, l’autorégulation sur les
secteurs privés, la régulation sur les créateurs de technologies et la co-régu-
lation sur le partenariat entre État et secteurs privés. Le problème de cette
focalisation est qu’elle conduit systématiquement à la conception d’une
prééminence institutionnalisée ou a priori d’un ou de deux types d’acteurs
de la production normative, à savoir celui ou ceux sur lequel le modèle est
centré. Cette prééminence, nous l’avons vu au chapitre précédent, est parti-
culièrement marquée dans les formes radicales de ces divers modèles. De
celle-ci découle nécessairement une hiérarchie linéaire des normes juridi-
ques, qui devront toujours se conformer en dernier lieu à celles émises par
l’acteur dont on allègue la prééminence. Cependant, le caractère institu-
tionnalisé ou a priori de cette prééminence ainsi que la linéarité de la hié-
rarchie des normes juridiques ne correspondent souvent pas à la réalité des
faits. Le modèle du réseau permet de résoudre ces inadéquations.
La thèse de la prééminence a priori d’un type de producteur de droit et
de la hiérarchie linéaire des normes est largement connue en théorie du
droit. Le positivisme juridique (prééminence de l’État, droit pyramidal) et
le courant réaliste américain tel qu’Oliver Holmes, notamment, le conce-
vait (prééminence du juge, création bottom-up du droit) y sont les cas
d’école de cette thèse, et ils sont largement remis en cause par de nombreux
modèles théoriques contemporains qui tentent de dépasser, en les englo-
bant, ces hiérarchies linéaires. Parmi ces modèles, celui qui nous semble le
plus fertile, le plus congruent et en définitive le plus convaincant est le
modèle du réseau, développé avant tout et depuis de nombreuses années
par François Ost et Michel van de Kerchove. Ce modèle retient en effet,
comme idée fondamentale, l’enchevêtrement des hiérarchies des normes.

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152 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

Le concept de réseau semble aujourd’hui en passe de devenir l’un des


nouveaux paradigmes contemporains de nombreuses disciplines,
constituant une notion d’une grande fertilité pour expliquer notre monde,
où « le pouvoir des flux prend le pas sur le flux des pouvoirs » (491). Cette
transition, qui relève probablement autant du déplacement de la perspective
de l’utilisateur que de la réalité des changements dans les flux de pouvoir,
ne concerne pas que le droit, bien qu’elle le touche également. De manière
générale, il semble que, comme l’écrit le grand sociologue Manuel Castells,
« les réseaux constituent la nouvelle morphologie sociale de nos sociétés, et
la diffusion de la logique de la mise en réseau détermine largement les pro-
cessus de production, d’expérience, de pouvoir et de culture » (492). Il s’agit
donc d’une vision globale de la structuration de notre société contempo-
raine. Or, quand la structuration d’une société change, celle du droit suit.
Internet étant un facteur important de la transformation de notre so-
ciété (493) (tout comme la presse et le téléphone l’avaient été en leur
temps), on peut s’attendre à trouver dans le cyberespace, et en conséquence
dans les flux de pouvoirs normatifs juridiques qui le parcourent, une ex-
pression particulièrement claire de ce phénomène d’organisation en réseau.
La paternité du modèle du réseau pour le droit revient pour l’essentiel,
nous l’avons dit, à François Ost et à Michel van de Kerchove, dont les tra-
vaux sur le sujet ont débuté il y a à tout le moins une vingtaine d’an-
nées (494), pour culminer (provisoirement) dans leur récent ouvrage De la
pyramide au réseau (495). S’il faut sans doute tenter, à titre introductif, de le
résumer ici en une phrase, nous emprunterons alors avec les auteurs la

(491) L. BOLTANSKI et E. CHIAPELLO, Le nouvel esprit du capitalisme, Paris, Gallimard, 1999,


p. 208, les auteurs affirmant ainsi que « la notion de réseau […] se trouve maintenant au cœur d’un
nombre élevé, et d’ailleurs assez diversifié, de travaux théoriques ou empiriques relevant de plu-
sieurs disciplines, au point que les promoteurs de ces développements n’hésitent pas à parler d’un
nouveau paradigme », cité par F. OST et M. VAN DE KERCHOVE, De la pyramide au réseau ?, op.
cit. n. 21, p. 23.
(492) M. CASTELLS, La société en réseaux, t. 1, L’ère de l’information, trad. Ph. Delamare, Paris,
Fayard, 1998, p. 525.
(493) Voir par exemple Th. FRIEDMAN, The Lexus and the Olive Tree, op. cit. n. 71, p. xvii et
seq. pour qui Internet est l’un des facteurs tout à fait centraux des divers mouvements contempo-
rains de globalisation.
(494) L’idée en est déjà solidement ancrée dans leur ouvrage paru en 1987 : F. OST et M. VAN
DE KERCHOVE, Jalons pour une théorie critique du droit, op. cit. n. 63, pp. 183–254, sous chapitre
« Création et application du droit. Structure linéaire ou circulaire du système juridique ? »
(495) F. OST et M. VAN DE KERCHOVE, De la pyramide au réseau ?, op. cit. n. 21.

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LE RÉSEAU : UN MÉTA-MODÈLE DE RÉGULATION 153

plume de Michel Foucault, quand il écrivait qu’il ne faut pas chercher le


pouvoir « dans un foyer unique de souveraineté d’où rayonneraient des
formes dérivées et descendantes », mais plutôt dans « la multiplicité des
rapports de force qui sont immanents au domaine où ils s’exercent » (496).
L’idée fondamentale est donc que le modèle du réseau procède d’une re-
mise en question des conceptions pyramidales de la production du droit,
qui se basent sur l’idée de la linéarité des hiérarchies, pour lui préférer des
hiérarchies enchevêtrées. Afin d’expliciter cette progression, il s’agira pour
nous d’approfondir dans un premier temps le concept de la linéarité des
hiérarchies, puis de montrer que ce concept ne rend pas compte des nor-
mativités dans le cyberespace. Nous illustrerons ensuite la notion d’enche-
vêtrement de hiérarchies, avant de conclure par une présentation du modèle
du réseau.

SECTION I. — Linéarité des hiérarchies

L’idée de l’existence de hiérarchies linéaires et unidirectionnelles est très


présente dans la théorie générale du droit. Nous nous proposons en consé-
quence de l’illustrer, en suivant les auteurs du modèle du réseau, à la lu-
mière des modèles de production juridique qui animent traditionnellement
la théorie générale du droit : le modèle de la réglementation, le réalisme
américain et le dualisme de Hart opposant les easy cases aux hard cases. Nous
rappellerons ensuite rapidement l’idée de hiérarchie unilatérale sous-ten-
dant les autres modèles de régulation que nous avons étudiés au chapitre
précédent.

SOUS-SECTION I. — LA RÉGLEMENTATION
Selon la conception traditionnelle et dogmatique de la création du droit –
qui se conçoit comme forcément étatique – une norme juridique est élabo-
rée selon un processus unidirectionnel allant du haut vers le bas (top-down).
Cette vision du phénomène de l’élaboration normative, particulièrement
typique de l’Europe continentale, est appréhendée par le modèle de la ré-

(496) M. FOUCAULT, La volonté de savoir, Paris, Gallimard, 1975, pp. 128 et 122, cité par F.
OST et M. VAN DE KERCHOVE, De la pyramide au réseau ?, op. cit. n. 21, p. 12.

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154 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

glementation, de la pyramide, du code (au sens de code civil, il s’entend, et


non du code informatique abordé avec la régulation par la technique) ou
encore du droit « jupitérien » (497). Selon ce modèle, le droit émane
toujours du haut et vise de préférence à interdire, en s’exprimant à
l’impératif, tel Jupiter du haut de l’Olympe, la foudre à la main. Le droit
découle d’un « point focal d’où émane toute justice » (498), il trouve son
fondement dans un foyer de juridicité, code et constitution. En consé-
quence, le droit est organisé de telle manière qu’un système juridique,
comme le défendait Kelsen, « n’est pas un complexe de normes en vigueur,
les unes à côté des autres, mais une pyramide ou hiérarchie de normes qui
sont superposées les unes aux autres, supérieures ou inférieures » (499). Les
normes du haut de la pyramide déterminent « l’organe par lequel et la pro-
cédure selon laquelle seront créées les normes inférieures » (500) ainsi que
le contenu de ces normes (501). Celles-ci sont donc toujours déterminées
par celles qui leur sont supérieures et le processus de la création d’une
norme nouvelle va exclusivement du haut vers le bas (502), dans un mouve-
ment linéaire et unidirectionnel, « la création d’une norme constituant
toujours l’application d’une norme supérieure » (503). Les organes de la
production du droit sont rigoureusement hiérarchisés et les normes hiérar-
chiquement dérivées (504). Ce modèle de la création du droit correspond
dans sa logique, explique François Ost, à l’idée qu’« il faudrait des dieux
pour donner des lois aux hommes », à cause de son renvoi en dernier lieu à
un point focal transcendantal (505).

(497) Voir F. OST, « Jupiter, Hercule, Hermès : trois modèles du juge » in La force du droit, s.
dir. P. Bouretz, Paris, Esprit, 1991, p. 241 et seq., spéc. p. 245 et seq. Voir aussi F. OST, « Le rôle
du juge. Vers de nouvelles loyautés » in Le rôle du juge dans la cité, Bruxelles, Bruylant, 2002, p. 15
et seq.
(498) F. OST, « Jupiter, Hercule, Hermès : trois modèles du juge », op. cit. n. 497, p. 242.
(499) H. KELSEN, Théorie pure du droit, trad. Ch. Eisenmann, Paris, Dalloz, 1962, p. 266.
(500) Ibid., p. 259.
(501) Ibid., p. 316.
(502) Voir M.P. GOLDING, « Kelsen and the Concept of Legal System » in More Essays in Le-
gal Philosophy. General Assessments of Legal Philosophies, s. dir. R.S. Summers, Berkeley et Los
Angeles, Univ. of California Press, 1971, p. 69 et seq., spéc. p. 93.
(503) F. OST et M. VAN DE KERCHOVE, Jalons pour une théorie critique du droit, op. cit. n. 63,
p. 187.
(504) F. OST, « Jupiter, Hercule, Hermès : trois modèles du juge », op. cit. n. 497, p. 246.
(505) Ibid., pp. 246-247, citant la célèbre formule de J.-J. ROUSSEAU, Du contrat social, ou prin-
cipes du droit politique, Paris, Bordas, 1972, p. 107. Voir aussi W. KRAWIETZ, « Die Lehre vom

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LE RÉSEAU : UN MÉTA-MODÈLE DE RÉGULATION 155

SOUS-SECTION II. — LE RÉALISME AMÉRICAIN


Avec le réalisme américain, le point focal, la source première de la juridicité
se déplace vers le juge. La pyramide est renversée, le dossier prend le pas
sur le code, le droit devient « herculéen » (506). La citation, célèbre,
d’Oliver Holmes en reflète l’essence : « les prophéties de ce que feront ef-
fectivement les cours et les tribunaux, et rien de plus prétentieux, voilà ce
que j’entends par droit » (507). C’est que le juge, dans son travail herculéen
de justicier, met en route le processus de la production juridique en rendant
les décisions d’espèce et il s’ensuit que « la singularité et le concret du casus
prennent le pas sur la généralité et l’abstraction de la loi » (508). Le droit
trouve donc, dans ce modèle aussi, son fondement dans un foyer de juridi-
cité unique : le juge et ses décisions de justice. Comme l’expliquent
François Ost et Michel van de Kerchove, dans ce modèle « la règle ne
constitue plus une justification de la décision dans la mesure où elle ne
s’impose pas a priori au décideur ; tout au plus représente-t-elle une pré-
diction de la future décision... Ce n’est plus la décision qui dérive de la
règle mais celle-ci de celle-là » (509). Ce modèle s’organise en conséquence
également autour d’une hiérarchie linéaire et unidirectionnelle, mais elle va

Stufenbau des Rechts. Eine säkularierte politische Theologie ? » Rechtstheorie, 1984, Beiheft no 5,
1984, p. 257 et seq.
(506) F. OST, « Jupiter, Hercule, Hermès : trois modèles du juge », op. cit. n. 497, pp. 242–243,
249–256.
(507) O.W. HOLMES, « The Path of the Law » in Harv. L. Rev., 1897, vol. 10, p. 457 et seq.,
spéc. p. 461 : « the prophecies of what the courts will do in fact, and nothing more pretentious, are
what I mean by the law. » Pour des positions comparables, voir K. LLEWELLYN, The Bramble
Bush, New York, Oceana, 1930, pp. 3–4, J. FRANK, Law and the Modern Mind, New York,
Brentano’s, 1930, p. 46 et F. COHEN, « Transcendental nonsense and the functional approach » in
Colum. L. Rev., 1935, vol. 35, p. 809 et seq., spéc. pp. 828–829, 839.
(508) F. OST, « Jupiter, Hercule, Hermès : trois modèles du juge », op. cit. n. 497, p. 243.
(509) F. OST et M. VAN DE KERCHOVE, Jalons pour une théorie critique du droit, op. cit. n. 63,
p. 194. C’est ce que l’on appelle la théorie prédictive du réalisme américain. Elle peut être résumée
ainsi : « according to the predictive theory, a norm is a norm of law just in case it constitutes an
accurate prediction of what a court will do […] If a court declines to find an enforceable contract
in the case at hand, then, on the predictive theory, there is, as a matter of law, no contract. Thus,
the final criterion of legality, for the predictive theory, is what courts do in the particular case, and
an accurate statement of law is equivalent to an accurate prediction of what the court will do […]
We abandon the normative ambition of telling judges how they ought to decide cases in order to
undertake the descriptive study of the causal relations between input (facts and rules of law) and
outputs (judicial decisions) » : B. LEITER, « Legal Realism » in A Companion to Philosophy of Law
and Legal Theory, s. dir. D. Patterson, Cambridge, Mass. et Oxford, Blackwell, 1996, p. 261 et
seq., spéc. pp. 262 et 264.

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156 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

cette fois du bas vers le haut (bottom-up), « toutes les sources du droit
convergeant […] dans la personne du juge, seul interprète de la juridi-
cité » (510). Les autres acteurs de la production du droit sont également
toujours hiérarchisés, car ils ne font que rationaliser, par le biais de règles,
les prophéties relatives aux comportements futurs des tribunaux (511).

SOUS-SECTION III. — LES ZONES DE CLARTÉ ET


LES ZONES DE PÉNOMBRE DE HART

Considérant ces deux visions du monde juridique comme étant les « Scylla
et Charybde de la théorie juridique » (512), Hart a adopté une position
intermédiaire – mais non dialectique. En substance, elle se résume en cela
qu’il distinguait, pour toute règle juridique, à côté des « cas centraux et
clairs auxquels elle s’applique avec certitude, d’autres pour lesquels il existe
des raisons aussi bien d’affirmer que de nier qu’elle s’y applique » (513). Les
premiers, les easy cases, forment ce que l’auteur qualifiait de zones de clarté ;
les seconds, les hard cases, constituaient les zones de pénombre. On peut
soutenir que Hart opposait en réalité deux hiérarchies linéaires et unidirec-
tionnelles, l’une allant du haut vers le bas pour les zones de clarté et l’autre
allant en sens inverse pour les zones de pénombre. Retenant le principe
hiérarchique de la dogmatique classique pour les « vastes domaines cen-
traux du droit » (514), c’est-à-dire pour les zones de clarté, il accueillait en

(510) F. OST et M. VAN DE KERCHOVE, Jalons pour une théorie critique du droit, op. cit. n. 63,
p. 196.
(511) O.W. HOLMES, « The Path of the Law », op. cit. n. 507, pp. 457-458 : « when we study
law we are studying […] what we shall want in order to appear before judges […] The reason why
it is a profession, why people will pay lawyers to argue for them or to advise them, is that in socie-
ties like ours the command of the public force is intrusted to the judges […] The object of our
study, then, is prediction, the prediction of the incidence of the public force through the instru-
mentality of the courts […] Far the most important and pretty nearly the whole meaning of every
new effort of legal thought is to make these prophecies more precise, and to generalize them into a
thoroughly connected system. […] It is to make the prophecies easier to be remembered and to be
understood that the teachings of the decisions of the past are put into general propositions and
[…] that statutes are passed in a general form. […] a legal duty so called is nothing but a predic-
tion that if a man does or omits certain things he will be made to suffer in this or that way by
judgment of the court ; - and so of a legal right. » Voir aussi F. OST et M. VAN DE KERCHOVE,
Jalons pour une théorie critique du droit, op. cit. n. 63, p. 194.
(512) H.L.A. HART, Le concept de droit, trad. M. van de Kerchove, Bruxelles, Publ. FUSL,
1976, p. 181.
(513) Ibid., p. 153.
(514) Ibid., p. 188.

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LE RÉSEAU : UN MÉTA-MODÈLE DE RÉGULATION 157

revanche favorablement des propositions telles que « la loi (ou la Constitu-


tion) est ce que les tribunaux disent qu’elle est » (515) pour les zones de
pénombre (516). Dans ces zones, le pouvoir d’interprétation créateur de
droit du juge « retentit, au moins dans certaines limites, sur le contenu
général des dispositions interprétées et il retentit également sur les disposi-
tions relatives à la répartition des compétences respectives du législateur et
du juge » (517). En conséquence du distinguo a priori des cas soumis à la
hiérarchie du haut vers le bas des cas soumis à la hiérarchie inverse, on ne
peut affirmer que ces hiérarchies soient enchevêtrées ; elles sont juxtapo-
sées.

SOUS-SECTION IV. — AUTORÉGULATION


Dans leurs formes radicales, les modèles de la régulation du cyberespace
exposés au chapitre précédent participent de la même idée de linéarité des
hiérarchies gouvernant la production du droit. Ainsi, pour l’autorégulation,
le point focal de l’élaboration normative est en dernière analyse l’utilisateur,
l’acteur économique et social. Il est réputé parfaitement libre des contrain-
tes de l’État, puisque ces actes s’inscrivent dans un espace sans frontières où
les stratégies d’évitement législatif lui permettent de se soustraire aux règles
indésirables (518). Libre, il est réputé l’être également par rapport aux pro-
ducteurs de technologies qui tenteraient par hypothèse de limiter ses ac-
tions en lui imposant des obstacles techniques, parce que le caractère
globalement décentralisé d’Internet empêche une quelconque solution
technique de s’imposer dans tout le cyberespace, dans lequel il restera en
conséquence toujours des zones de liberté (519). La hiérarchie des acteurs
de la production normative, dont le sommet est donc occupé ici par
l’utilisateur, est révélée dans la perspective de ce modèle par les pratiques
étatiques de dumping réglementaire qui réagissent à celles de lex et de fo-
rum shopping par l’utilisateur. En d’autres termes, tout comme sur un mar-
ché le client est roi parce qu’il peut librement choisir entre plusieurs biens ou

(515) Ibid., p. 175.


(516) Ibid., p. 188.
(517) F. OST et M. VAN DE KERCHOVE, Jalons pour une théorie critique du droit, op. cit. n. 63,
p. 200.
(518) Voir A. — Approche descriptive de la non-réglementation, p. 95 et seq. supra.
(519) Voir aussi Sous-section I. — Libéralisme et défection, p. 528 et seq. infra.

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158 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

services qui lui sont offerts, l’utilisateur est ici perçu comme un pouvoir
dominant de la régulation en raison des choix dont il dispose d’utiliser à ses
fins l’un ou l’autre des systèmes juridiques étatiques. Les usages et pratiques
commerciales, dont on allègue qu’elles émergent dans le cyberespace, sont
perçues comme une autre manifestation de la formation de la règle à partir
des choix répétés, et libres, des utilisateurs (520).

SOUS-SECTION V. — RÉGULATION PAR LA


TECHNIQUE

La même idée de linéarité inspire également le modèle de la régulation par


la technique. Reprenons ici cette citation de Francis Bacon, quand il affir-
mait que l’« on ne commande à la nature qu’en respectant ses lois » (521) :
on comprend que le respect des lois de la nature s’impose à tous. Si elles
pouvaient être contrôlées par un acteur, si celui-ci pouvait modifier les lois
de la nature pour qu’elles véhiculent et mettent en œuvre les valeurs qu’il a
choisies et si les lois de la nature pouvaient en conséquence devenir
l’instrument de normes par hypothèse juridiques, cet acteur acquerrait alors
une position centrale dans la production normative. Il se hisserait au som-
met de la hiérarchie des normes. Cette hypothèse, nous l’avons vu (522), se
trouve précisément à la base du modèle de la régulation par la technique.
Premièrement, les lois de la nature du cyberespace sont constituées par le
code informatique incorporé dans les parties logicielle et matérielle des
réseaux et, deuxièmement, le code informatique est contrôlé par les acteurs
de sa production, que nous avons appréhendés par le terme de producteurs
de technologies (523). En synthèse, l’idée est donc qu’aucune action ne
peut être entreprise dans le cyberespace (c’est-à-dire en utilisant les réseaux
qui constituent Internet) sans avoir recours à certaines technologies, qui
peuvent être modifiées de manière à rendre un comportement donné plus
facile ou plus difficile, voire impossible. Ces modifications peuvent mettre
en œuvre certaines normes juridiques et rendre la mise en œuvre d’autres
normes plus difficile ou impossible. En conséquence, les producteurs de

(520) Voir A. — La lex electronica n’est pas un système juridique, p. 472 et seq. infra.
(521) F. BACON, Novum Organum, voir supra, n. 397.
(522) Voir Sous-section I. — La normativité de la technique, p. 123 et seq. supra.
(523) Voir Sous-section II. — Le modèle de la régulation et la souveraineté du réseau, p. 127
et seq.

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LE RÉSEAU : UN MÉTA-MODÈLE DE RÉGULATION 159

technologies peuvent, selon ce modèle, librement imposer leurs normes et


ce à l’exclusion de tout autre producteur de normes. Il s’ensuit leur pré-
éminence hiérarchique.

SOUS-SECTION VI. — CO-RÉGULATION


Il suffit à notre sens de relever ici ces propos de détracteurs de la co-régula-
tion pour comprendre comment une hiérarchie linéaire s’établit dans le
modèle de la co-régulation. Pour IRIS, une association dont le but statu-
taire est de « favoriser la défense et l’élargissement des droits de chacun à la
libre utilisation des réseaux électroniques », la co-régulation représente un
réel danger pour les droits et les libertés conférés par le droit étatique aux
utilisateurs d’Internet. Un rapport de l’association sur la co-régulation af-
firmait en effet que, si le modèle de la co-régulation devait être mis en
œuvre, « l’organisme de corégulation centralisera, harmonisera, et finale-
ment prévaudra sur les instances actuelles de contrôle, ses décisions
s’appliquant à tous. [Il] prévaudra entre autres sur le Conseil National de la
Consommation. Il prévaudra même à terme, de fait sinon de droit, sur la
Commission Nationale Informatique et Libertés ». Et le rapport de
conclure que « plutôt que de concentrer tous les pouvoirs dans les mains d’un
organisme […], laissons donc les différentes instances de contrôle démocra-
tique continuer leur travail dans leur secteur » (524). On comprend ici que
dans l’organisme de co-régulation se joignent ces deux têtes (l’une étatique,
l’autre privée) de l’hydre de la régulation et que cet organisme prime sur
tout autre acteur. Il prime notamment sur les acteurs privés quand ceux-ci
ne sont pas représentés au sein de l’organisme de co-régulation. Il s’impose
également face à l’État, quand celui-ci est en dehors de son alliance avec les
opérateurs privés.
Au sommet de la hiérarchie des normes se situe donc cette entité formée
à la fois de l’État et des opérateurs privés. Celle-ci prévaut sur chacune des
parties de cette entité prises isolément. Elle prédomine aussi, du fait du

(524) Imaginons un réseau Internet Solidaire (IRIS), Pour une alternative démocratique à la coré-
gulation d’Internet : Proposition de création d’une mission interministérielle pour la citoyenneté et l’accès
au droit sur Internet (MICADNET). Contribution d’IRIS au débat sur la corégulation d’Internet, 2002,
<www.iris.sgdg.org/documents/rapport-coreg/index.html> (nous soulignons).

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160 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

pouvoir combiné de ces deux parties, sur tous les autres acteurs de la régu-
lation.

SECTION II. — Aucun acteur n’est souverain

Dans le chapitre précédent, nous avons pu voir plusieurs modèles de régu-


lation qui tous, à tout le moins dans leur forme la plus systématisée et radi-
cale, posent l’idée d’un flux de pouvoir linéaire et érigent un type particulier
d’acteurs de la régulation du cyberespace en souverain : les États dans le
cadre de la réglementation, les utilisateurs en ce qui concerne l’autorégu-
lation, les producteurs de technologies ou la composante humaine des ré-
seaux pour ce qui est de la régulation par la technique, et les États
s’associant à certains opérateurs privés pour la co-régulation. L’idée de la
souveraineté étatique, traditionnelle, a de la sorte été remplacée tour à tour
par la souveraineté de l’utilisateur et celle du réseau : on considère en effet
dans ces modèles que l’utilisateur, respectivement la composante humaine
du réseau, dispose de cette « puissance d’un être qui n’est soumis à aucun
autre [et qui appartient à] celui qui, étant au sommet d’une hiérarchie, n’est
soumis à aucun contrôle » (525). Avec la co-régulation, la souveraineté s’est
vue divisée ou multipliée, répartie entre l’État et les opérateurs écono-
miques et technologiques ; elle demeure toutefois fermement établie dans
le chef de ces acteurs.
Chacun de ces modèles a cependant quelques défauts. La réglementa-
tion se heurte à des problèmes de territorialité, de vitesse de réaction et de
compétences techniques, qui souvent mettent à mal la souveraineté de
l’État. Celui-ci ne peut ni ne doit réglementer toutes les activités véhiculées
par les réseaux en imposant sa production normative (526). L’autorégu-

(525) Voir M. TROPER, « Souveraineté » in Dictionnaire encyclopédique de sociologie et de théorie


du droit, s. dir. A.-J. Arnaud, 2ème éd., Paris, LGDJ, 1993, p. 580 et seq., spéc. p. 580. qui définit la
souveraineté, au sens de Herrschaft, en ces termes : « 1. Puissance d’un être qui n’est soumis à aucun
autre. […] b) s’agissant d’un organe, la puissance de celui qui, étant situé au sommet d’une hiérar-
chie, n’est soumis à aucun contrôle et dont la volonté est productrice de doit. On parle ainsi de la
souveraineté du Parlement ou d’une cour souveraine. »
(526) Voir par exemple, sur la question de l’État ne devenant plus qu’un acteur de la régulation
parmi d’autres : J. BERLEUR et Y. POULLET, « Réguler Internet », op. cit. n. 338, p. 470, au sujet
des codes de conduite, les auteurs écrivent que « les États, autant que les associations de consom-
mateurs, devraient davantage être présents dans les milieux où de tels outils régulateurs se prépa-

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LE RÉSEAU : UN MÉTA-MODÈLE DE RÉGULATION 161

lation et la régulation par la technique conduisent à des déficiences éthi-


ques qui amènent l’État à reconnaître la nécessité de son intervention.
Cette dernière demeure par ailleurs suffisamment forte pour que l’on ne
puisse observer, de manière générale, la réalité d’une souveraineté de l’uti-
lisateur ou du réseau. Ni celui-ci ni celui-là ne peuvent ni ne doivent régner
en souverain sur le cyberespace (527). La co-régulation se base sur l’idée
d’une coopération entre l’État et les opérateurs privés, mais il ne fait aucune
doute que dans la réalité une telle coopération n’est pas toujours présente et
qu’il existe parfois des divergences d’intérêts suffisamment fortes pour
conduire à des conflits entre ces acteurs. Cette co-souveraineté devrait peut-
être, mais ne peut régir tout ce qui a trait à Internet (528). De manière

rent » et, p. 475, « il s’agit surtout [pour l’État] de mettre sur pied des lieux de dialogue et de veille
où tous les acteurs intéressés pourront confronter leurs points de vue, analyser les solutions techni-
ques et autoréglementaires, et proposer des actions – y compris, si nécessaire, législatives. »
(527) Voir par exemple, en ce qui concerne la régulation par la technique, le pouvoir
qu’exercent, à tout le moins quelques fois, les opérateurs économiques ou l’État sur les opérateurs
technologiques : L. LESSIG, Code and Other Laws of Cyberspace, op. cit. n. 64, pp. 34 et 52, A.L.
SHAPIRO, The Control Revolution, op. cit. n. 292, p. 203 et D.G. POST, « What Larry Doesn’t
Get : Code, Law, and the Consent of the Governed » in Stan. L. Rev., 2000, vol. 52, p. 1439 et
seq., spéc. pp. 1450–1451 et N.W. NETANEL, « Cyberspace Self-Governance : A Skeptical View
from Liberal Democratic Theory », op. cit. n. 277, pp. 461–62. Voir aussi Y. POULLET, « How to
Regulate the Internet : New Paradigms for Internet Governance », op. cit. n. 114, p. 9 : « the
parties themselves are calling for legal measures to legitimize technical solutions and, on the other
hand, the law is calling on the parties to implement those technical measures ». En fait, la techno-
logie développe souvent des solutions qui sont ensuite largement utilisées avant d’être adoptées par
la législation. Il s’agit bien là d’un renversement de hiérarchie : les producteurs de code détermi-
nent le contenu de normes juridiques, qui sont simplement avalisées par les États. Les signatures
électroniques et les ECMS, qui ont notamment conduit à la réforme de la convention de Berne sur
les droits d’auteurs, constituent des exemples importants : voir ibid., p. 9 : « in the case of ECMS,
the recent reform of the Bern Convention on author’s rights criminalizes any attempts to outwit
the technological protection systems offered by copyright management services. » Dans d’autres
situations, le droit enjoint aux opérateurs technologiques de prendre des mesures techniques : ibid.,
pp. 9–10 : « the application of the principle of liability could lead a judge to sanction, in a civil or
criminal suit, access providers and servers who have not taken acceptable and appropriate technical
measures to prevent possible harm to clients using their services. It is in reaction to such fears and
particularly the fear of a legislative intervention like the ‘Decency Act’ that the American industry
has developed the filter standard known as PICS. It is quite clear that the legislator sometimes has
an interest to maintain high level standards of liability as a way to exercise pressure on the eco-
nomic actors so that these actors will develop technological solutions in order to avoid liability. »
(528) Voir en ce sens les critiques, que nous rapportées ci-dessus, des défenseurs de la régle-
mentation en réaction à la perte de souveraineté étatique que ce modèle de régulation implique :
Imaginons un réseau Internet Solidaire (IRIS), Pour une alternative démocratique à la corégulation
d’Internet, op. cit. n. 524.

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162 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

générale, il semble donc que les structures de normativité dans le cyber-


espace ne connaissent pas réellement d’acteur souverain (529).

SECTION III. — Vers la multirégulation ?

On peut estimer que les défauts que nous venons d’énumérer soient
contextuels, qu’ils dépendent du domaine ou du contexte à réguler. Le
rapport de la Mission interministérielle française sur l’Internet, présidée par
Isabelle Falque-Pierrotin, affirmait à ce propos qu’« aucune démarche uni-
voque ne sera efficace, [qu’]il n’existe pas un remède, une solution
unique » (530) ; bien au contraire, certains modèles de régulation s’avèrent
désirables et correspondent à la réalité pour certains secteurs des activités
véhiculées par les réseaux, mais pas pour d’autres. Le Conseil supérieur de
l’audiovisuel en France lui emboîte le pas en déclarant à son tour qu’« à des
enjeux de société différents (commerce, information, communication pri-
vée, communication audiovisuelle, lutte contre la cybercriminalité …), il
faudra appliquer, comme pour toutes les activités humaines, des règles
spécifiques. Ni régulation unique, ni simple corégulation, il faudra parler
d’une multirégulation, c’est-à-dire de coexistence sur le réseau de plusieurs
types de régulation répondant à des objectifs différents, par des méthodes
différentes et également légitimes » (531). Quant à Michel Vivant, il
conclut au terme d’une analyse remarquée des divers modèles de régulation
du cyberespace qu’« au final, c’est bien de régulations – au pluriel – qu’il

(529) Chez S. BIEGEL, Beyond our control ?, op. cit. n. 37, p. 9, il apparaît très clairement que le
type d’acteurs et leurs interactions sont « jockeying for positions of power » et créent des structures de
normativité où il n’y a pas de hiérarchie prédéfinie, inaltérable, pyramidale. Bien au contraire, il y
observe une bataille de pouvoirs d’acteurs tous indispensables, mais tous interdépendants. Voir
aussi R.H. WEBER, Regulatory Models for the Online World, op. cit. n. 39, p. 53 : « considering the
structure of the players in the online world […], it can be hardly said that any specific entity (na-
tional government, international organization, private enterprise) has gained control over the
online world » et Ph. AMBLARD, Régulation de l’Internet, op. cit. n. 319, p. 69 et seq., par exemple
p. 69 : « l’ensemble des acteurs du réseau […] détiennent tous potentiellement une part du pouvoir
normatif dans le cyberespace. Mais seuls, ils ne sont rien, l’ordre de l’Internet n’est assuré que par la
somme de leurs activités régulatrices. »
(530) I. FALQUE-PIERROTIN, Les technologies de l’information – Mission interministérielle sur
l’Internet, Paris, 1996, <www.internet.gouv.fr>.
(531) Propos rapportés par M. MAESSCHALCK et T. DEDEURWAERDERE, « Autorégulation,
éthique procédurale et gouvernance de la société de l’information », op. cit. n. 314, p. 88.

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LE RÉSEAU : UN MÉTA-MODÈLE DE RÉGULATION 163

convient de parler, de modes de régulation qu’il convient d’articuler au


mieux, de combiner en raison » (532). Finalement, pour Klaus Grewlich, la
notion même de gouvernance, en particulier quand son objet est le cyber-
espace, se confond avec l’idée d’une interaction de multiples acteurs (États,
alliances économiques, multinationales et société civile internationale).
Ceux-ci interagissent sur une multitude de plans (local, national, régional,
global) et selon diverses modalités (actes unilatéraux ou multilatéraux de
souveraineté étatique, conventions passées entre les États et les acteurs pri-
vés, autorégulation) (533). La modalité spécifique d’interaction entre les
acteurs est, dans ces perspectives, toujours fonction d’un secteur donné à un
moment donné.
La question est ainsi posée : si la multirégulation repose sur l’idée d’une
pluralité de modes de régulation, quel modèle correspond à quelle situa-
tion, à quel secteur ? Ici, le rapport de la Mission interministérielle recom-
mande en substance au gouvernement français d’accepter l’idée que,
parfois, son pouvoir de commandement doit être exercé avec modération,
qu’il doit reconnaître qu’« à l’encadrement législatif et réglementaire doi-
vent s’adjoindre des approches contractuelles, consensuelles, pédagogiques
ou informationnelles [quand] ces approches correspondent à la sociologie
du réseau » (534).
On remarque bien que cette conception de la multirégulation est encore
foncièrement ancrée dans l’idée de la suprématie et de la souveraineté de
l’État : celui-ci décide quel est le modèle de régulation le mieux adapté
pour chaque situation (535). Toutefois, on sait bien que les problèmes de
territorialité, d’évasion réglementaire, de lex et de forum shopping
constituent des obstacles tout à fait réels au pouvoir des États. Ils remettent
en cause (pour autant que l’on adopte une approche réaliste, descriptive et
non dogmatique) sa prééminence, sa suprématie et sa souveraineté. L’État

(532) M. VIVANT, « Internet et modes de régulation », op. cit. n. 306, p. 229.


(533) K.W. GREWLICH, Konstitutionalisierung des Cyberspace : zwischen europarechtlicher Re-
gulierung und völkerrechtlicher Governance, Baden-Baden, Nomos, 2001, pp. 53–54.
(534) I. FALQUE-PIERROTIN, Les technologies de l’information – Mission interministérielle sur
l’Internet, op. cit. n. 530.
(535) Voir en ce sens, sans toutefois qu’il évoque le terme de multirégulation, P. FRISSEN,
« The virtual state. Postmodernisation, informatisation and public administration », op. cit. n. 297,
p. 118 : « politics is developing more and more into a sort of broker-politics, in which government
plays a more organizing and procedural role. »

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164 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

ne pourra pas, dans tous les cas, décider librement, comme s’il n’existait
d’autre volonté que la sienne, du modèle de régulation qui existera effecti-
vement pour un secteur et un contexte donnés. Il devra bien plus composer
avec les volontés et les forces des autres acteurs de la production normative
juridique.
C’est en définitive le tableau dessiné par la combinaison des effets de
toutes ces forces qui révélera le modèle de régulation régissant un secteur et
un contexte donnés. C’est la création de ce tableau que tente de décrire le
modèle du réseau, qui se conçoit donc, dans le sens que nous voulons lui
donner ici, comme un méta-modèle de régulation, c’est-à-dire un modèle
sur les modèles de régulation.
À la base du modèle du réseau se situe, on l’a compris, la remise en
question de ces souverainetés que nous avons rapportées au début de ce
chapitre. Il s’agit plus précisément de l’idée qu’aucun des modèles abordés
dans le chapitre précédent (réglementation, autorégulation, régulation par
la technique, co-régulation) ne couvre à lui seul tous les secteurs et tous les
contextes de la normativité dans le cyberespace. Au contraire, la régulation
se fait en réalité selon les rapports de force existants entre les différents
acteurs. Ces rapports de force détermineront, pour chaque secteur, dans
chaque contexte, le modèle de régulation applicable. À notre sens, le mo-
dèle du réseau décrit ainsi mieux la réalité des flux normatifs et la capacité
des acteurs à s’imposer en renversant la hiérarchie des normes et des pro-
ducteurs de ces normes. C’est précisément cette hiérarchie des normes et de
leurs producteurs qui constitue le point d’ancrage et l’instrument d’analyse
de ce modèle : unilatérales et linéaires dans les modèles érigeant un acteur
ou un type d’acteurs en souverain, les hiérarchies deviennent ici enchevê-
trées, fluctuantes, au sommet toujours incertain dans une perspective a
priori.

SECTION IV. — Enchevêtrement des


hiérarchies : illustration générale

Si l’on se demande comment s’organisent réellement les rapports entre


producteurs de droit, si l’on se penche sur la question du pouvoir, défini par

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LE RÉSEAU : UN MÉTA-MODÈLE DE RÉGULATION 165

Michel Foucault comme « la multiplicité des rapports de force qui sont


immanents au domaine où ils s’exercent et sont constitutifs de leur organi-
sation » (536), dans et entre les systèmes juridiques, on est amené à remet-
tre en question l’idée de la linéarité des hiérarchies. Observant la réalité du
phénomène de la production normative juridique, on peut en effet consta-
ter, de manière tout à fait générale, l’existence de hiérarchies enchevêtrées.
Celles-ci sont données quand, en dépit d’une assomption de hiérarchie
entre des éléments, des boucles étranges se produisent, c’est-à-dire quand on
constate une « interaction entre des niveaux dans laquelle le niveau supé-
rieur redescend vers le niveau inférieur et l’influence tout en étant lui-
même en même temps déterminé par le niveau inférieur » (537). Un enche-
vêtrement de hiérarchies se caractérise donc par « l’élément de surprise ou
d’étrangeté [...] lié au fait que des niveaux distincts se rabattent les uns sur
les autres au mépris de la hiérarchie présumée » (538). Notons encore que
ce concept doit être distingué de celui d’« hétérarchie », qui renvoie à
l’absence pure et simple de hiérarchie.
L’idée de l’enchevêtrement des hiérarchies se doit d’être illustré à ce
stade. Nous y procéderons pour l’instant en recourant à des exemples hors
du cyberespace (539), le but de cette illustration étant exclusivement
d’éclairer le concept et non de le considérer comme une conjecture devant
être soumise ici à un test de falsification à la Karl Popper. Le concept de
hiérarchies enchevêtrées sera ensuite utilisé pour présenter le modèle du
réseau, qui sera à son tour appliqué à la régulation du commerce électroni-
que.
Des occurrences de boucles étranges apparaissent sans doute avec le plus
de clarté dans le contexte du contrôle de constitutionnalité des lois. En
effet, comme l’écrivent Michel van de Kerchove et François Ost, « ou bien
le droit positif exclut tout contrôle judiciaire de la conformité des lois aux
dispositions constitutionnelles et le pouvoir législatif apparaît souverain

(536) M. FOUCAULT, La volonté de savoir, op. cit. n. 496, pp. 121-122.


(537) D. HOFSTADTER, Gödel, Escher, Bach. Les brins d’une guirlande éternelle, Paris, InterÉdi-
tions, 1985, p. 799.
(538) F. OST et M. VAN DE KERCHOVE, Jalons pour une théorie critique du droit, op. cit. n. 63,
p. 213.
(539) Il ne s’agira ici que de relever très rapidement quelques exemples, qui sont en soi très
nombreux, comme le montrent F. OST et M. VAN DE KERCHOVE, De la pyramide au réseau ?, op.
cit. n. 21, pp. 49–124.

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166 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

dans la mesure où les lois promulguées s’incorporent à l’ordre juridique,


quelles que soit les critiques de constitutionnalité qu’elles suscitent ; ou
bien une juridiction suprême exerce le contrôle de constitutionnalité des
lois et se place donc […] dans une position de prééminence à l’égard des
pouvoirs constitués » (540).
L’interprétation des lois adoptées par le parlement, elle aussi, peut
s’articuler selon des boucles étranges. Ainsi Jean-François Perrin a-t-il
observé dans certaines pratiques judiciaires relatives au divorce une viola-
tion très nette du principe de hiérarchie linéaire. Les tribunaux suisses ont,
explique l’auteur, prononcé pendant vingt ans un nombre extrêmement
important de divorces par consentement mutuel sous l’empire de l’ancien
droit du divorce, qui pourtant ne le permettait pas. Ces jugements de di-
vorce se fondaient sur une interprétation contra legem du code civil. Or,
après ces vingt ans, le législateur, cédant à une réalité qui s’imposait d’en
bas, a réformé le code pour permettre ce genre de divorces (541).
Le rapport entre les règlements ou ordonnances administratives et les
lois fournit d’autres illustrations du concept de boucle étrange et
d’enchevêtrement de hiérarchies. Dans la région Bruxelles-Capitale, les
organes exécutifs bruxellois adoptent plusieurs types d’ordonnances admi-
nistratives (542) ; celles-ci ont la particularité, surprenante, qu’elles sem-
blent avoir force de loi (543). En effet, selon la loi qui les prévoit,
« l’ordonnance peut abroger, compléter, modifier ou remplacer les disposi-

(540) M. VAN DE KERCHOVE et F. OST, Le système juridique entre ordre et désordre, Paris,
PUF, 1988, pp. 108–109. Voir aussi F. OST et M. VAN DE KERCHOVE, Jalons pour une théorie
critique du droit, op. cit. n. 63, p. 229, qui retiennent notamment cet exemple donné par un arrêt du
Conseil d’État belge qui, se prononçant sur la question du champ d’application du principe
d’égalité devant la loi, a jugé que « le champ d’application de ce principe est nécessairement déter-
miné par la conception [...] que le législateur se fait à tout moment des exigences de son respect ;
que ce champ d’application [...] varie selon les extensions que le législateur lui donne à raison des
circonstances qu’il prend en considération » (nous soulignons). Notons encore que si la suite que
prend une telle interprétation inconstitutionnelle de la Constitution est celle, possible et réelle,
d’une modification de celle-ci, alors l’influence du niveau inférieur sur le niveau supérieur, qui avait
au départ lui-même influencé le niveau inférieur, s’accomplit définitivement : voir F. DELPÉRÉE,
« Au nom de la loi » in JT, 1976, p. 489 et seq., spéc. p. 490.
(541) J.-F. PERRIN, Sociologie empirique du droit, Bâle et Francfort-sur-le-Main, Helbing &
Lichtenhahn, 1997, p. 74 et seq.
(542) Voir F. DELPÉRÉE, « La Constitution, la loi, le décret et l’ordonnance » in JT, 1990,
p. 108 et seq.
(543) Ibid., p. 108, affirmant que dans ce contexte « toute ordonnance a force de loi ».

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LE RÉSEAU : UN MÉTA-MODÈLE DE RÉGULATION 167

tions légales en vigueur » (544). De plus, selon le grand constitutionnaliste


belge Francis Delpérée, « si un conflit surgit [dans ce contexte] entre une
loi, un décret, une ordonnance, la Constitution n’établit pas un principe qui
donnerait primauté de plein droit à une ou plusieurs règles sur l’ordon-
nance. Au contraire. Partant de l’idée que ces trois règles de droit pos-
sèdent la même force juridique, elle se doit de confier le règlement à une
Cour d’Arbitrage » (545) ! En dépit donc de l’assomption de hiérarchie dé-
coulant du principe de la légalité, une ordonnance édictée par l’admini-
stration de la région Bruxelles-Capitale peut influencer voire déterminer
matériellement et formellement la loi, c’est-à-dire le niveau supé-
rieur (546).
On évoquera encore brièvement cette rébellion de tribunaux nationaux
contre la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE). Celle-ci
avait conclu dans un arrêt de 1959 qu’elle ne pouvait statuer sur une éven-
tuelle violation de droits fondamentaux, même s’ils sont garantis par une ou
plusieurs constitutions nationales (547). Cette position ayant été jugée
inacceptable par plusieurs juridictions d’États membres, quelques décisions
judiciaires nationales ont, en substance, remis en cause l’autorité et l’appli-
cabilité directe du droit communautaire jusqu’à ce que la CJCE opère un
revirement de jurisprudence (548). Celui-ci intervint effectivement, en plu-

(544) Art. 7 loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises (nous souli-
gnons).
(545) F. DELPÉRÉE, « La Constitution, la loi, le décret et l’ordonnance », op. cit. n. 542,
p. 109.
(546) De manière moins nette mais plus générale, on peut ajouter ici cette idée que quand les
administrations préparent les lois qu’elles sont ensuite amenées à appliquer, leur contenu est
« largement déterminé par les contraintes et les facteurs qui s’exercent au plan spécifique de
l’exécution » : F. OST et M. VAN DE KERCHOVE, Jalons pour une théorie critique du droit, op. cit. n.
63, p. 239. Voir aussi G. MAJONE, « Theories of Regulation » in Regulating Europe, s. dir. G.
Majone, Londres et New York, Routledge, 1996, p. 28 et seq., spéc. p. 36 et D.B. WOOD et R.W.
WATERMAN, « The Dynamics of Political Control of the Bureaucracy » in APSR, 1991, vol. 85,
p. 801 et seq., spéc. pp. 802–803.
(547) CJCE, arrêt Stork c. Haute Autorité de la CECA du 4 février 1959, aff. 1/58, Rec. 1959,
p. 43, jurisprudence confirmée par CJCE, arrêt Comptoir de vente de charbon de la Ruhr du 15 juillet
1960, aff. 36 à 38/59 et 40/59, Rec. 1960, p. 857.
(548) Bundesfinanzhof, arrêt du 10 juillet 1968, dans lequel ce tribunal juge qu’« un règlement
[communautaire] peut ne pas être applicable dans un État membre s’il contrevient à des règles [...]
relatives à la protection des droits fondamentaux » et Corte costituzionale, arrêt Frontini no 183 du
27 décembre 1973, reproduit in RTD eur., 1974, p. 148, cités par M. DARMON, « La prise en
compte des droits fondamentaux par la Cour de justice des Communautés européennes » in Vers un

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168 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

sieurs étapes, durant les quelques années qui suivirent (549). Les juridic-
tions nationales, hiérarchiquement inférieures à la CJCE, avaient de la
sorte poussé cette dernière à se soumettre à leurs décisions.
Plus proche de notre problématique, on peut encore aborder les prati-
ques de lex et de forum shopping (550), elles aussi constitutives de boucles
étranges. Par ces pratiques, les opérateurs économiques parviennent à dé-
terminer une partie de la production juridique, en poussant à l’adoption
d’un certain droit, par exemple par l’importation du droit d’un autre État.
De toute évidence, un droit national donné connaîtra généralement la pré-
férence des opérateurs à qui il est particulièrement favorable. Une suite
logique à cette situation est le déplacement, l’importation de ces opérateurs
vers l’État en question ; mais il se peut aussi que le droit de cet État soit
exporté vers d’autres États soucieux d’attirer ces opérateurs. Comme l’écrit
Mireille Delmas-Marty, « il y a en effet un marché de la loi, car la règle de
droit subit elle-même la concurrence entre places financières. Si la règle de
droit est défavorable à un acteur financier, qu’il soit l’émetteur,
l’investisseur, ou même l’intermédiaire, il ira faire l’opération sur une autre
place. De ce fait, la vitalité d’une place financière va dépendre du caractère
attractif de sa réglementation » (551). Ainsi, un droit particulièrement

droit pénal communautaire ? Le titre VI du Traité sur l’Union européenne et la matière pénale, s. dir. M.
Delmas-Marty, Paris, Dalloz, 1995, p. 23 et seq., spéc. pp. 26–28, qualifiant le second arrêt de
« coup de semonce ».
(549) Dans l’arrêt Stauder c. Ville d’Ulm du 12 novembre 1969, aff. C-29/69, Rec. 1969, p. 419,
la CJCE déclare qu’elle peut prendre en compte les droits fondamentaux au travers des « principes
généraux du droit communautaire » et, dans l’arrêt Internationale Handelsgesellschaft c. Einfuhr und
Vorratsstelle für Getreide und Futtermittel du 17 décembre 1970, aff. C-11/70, Rec. 1970, p. 1125,
elle franchit une étape de plus en déclarant assurer la sauvegarde des droits fondamentaux compris
dans les « principes généraux du droit ». Un pas supplémentaire est entrepris dans l’arrêt Nold,
Kohlen und Baustoffgroßhandlung c. Commission du 14 mai 1974, aff. C-4/73., Rec. 1974, p. 491, où
la Cour affirme assurer la sauvegarde des droits fondamentaux compris dans les « principes géné-
raux du droit », dans les « constitutions des États membres » ainsi que dans les « instruments
internationaux concernant la protection des droits de l’homme ».
(550) Pour une synthèse de la problématique du lex et forum shopping dans le commerce électro-
nique, voir par exemple J.L. GOLDSMITH, « Against Cyberanarchy », op. cit. n. 52, pp. 1245–46.
(551) M. DELMAS-MARTY, Trois défis pour un droit mondial, Paris, Seuil, 1998, p. 22. À cet
égard on mentionnera le « réseau des régulateurs » étatiques qui se forme notamment en réaction à
ces problèmes de lex et forum shopping : A.-M. SLAUGHTER, « The Real New World Order » in
Foreign Affairs, septembre–octobre 1997, p. 183 et seq., sous titre « The Regulatory Web » : « the
densest area of transgovernmental activity is among national regulators. Bureaucrats charged with
the administration of antitrust policy, securities regulation, environmental policy, criminal law
enforcement, banking and insurance supervision – in short, all the agents of the modern regulatory

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LE RÉSEAU : UN MÉTA-MODÈLE DE RÉGULATION 169

attrayant d’un point de vue économique aura une propension à s’imposer


dans les États qui se veulent concurrentiels. Il en résulte qu’un droit
s’imposera non pas parce qu’il est un droit particulièrement légitime ou
effectif, mais parce qu’il est désirable par les opérateurs économiques.
Mireille Delmas-Marty en conclut métaphoriquement à une « souveraineté
normative des milieux économiques transnationaux » (552).
En dernière instance, on mentionnera simplement ces propos de Luc
Silance qui, analysant une série de décisions judiciaires de hautes cours,
constate que « les traits dominants de ces [...] décisions et leur caractère
commun sont, de notre point de vue, qu’elles font application des règles du
jeu : règles des fédérations internationales ou nationales sportives, Charte
olympique, au détriment de dispositions faisant partie du droit positif, loi
nationale, Traité de Rome, convention internationale » (553). Dans ces cas,
conclut l’auteur, « l’ordre juridique sportif s’applique dans le domaine qui
lui est propre et y fait échec au droit national, l’ordre juridique du sport en
question étant appliqué exclusivement » (554) : les juges appliquent les
normes de l’ordre juridique sportif « en les préférant aux dispositions du
droit national » (555). L’étude évoque ainsi une situation où c’est le droit
national et international qui s’accorde – son applicabilité étant limitée par
les juges – à l’ordre juridique sportif, supposé hiérarchiquement inférieur.

state – regularly collaborate with their foreign counterparts » et M.L. CHEEK, « The Limits of
Informal Regulatory Cooperation in International Affairs : A Review of the Global Intellectual
Property Regime » in Geo. Wash. Int’l L. Rev., 2001, vol. 33, p. 277 et seq., spéc. pp. 316–321.
(552) M. DELMAS-MARTY, Le flou du droit, Paris, PUF, 1986, p. 210.
(553) L. SILANCE, « Logique, sport et droit » in Justice et argumentation, essais à la mémoire de
Chaïm Perelman, s. dir. G. Haarscher et L. Ingber, Bruxelles, Éd. de l’Univ. de Bruxelles, 1986,
p. 29 et seq., p. 38 (nous soulignons), se référant à CJCE, arrêt Walrave et Koch c. Association Union
Cycliste Internationale du 12 décembre 1974, aff. C-36/74, Rec. 1974, p. 1405, CJCE, arrêt Dona c.
Mantero du 14 juillet 1974, aff. C-13/76, Rec. 1976, p. 1333, Cour de cassation (Belgique), arrêt
du 16 juin 1969, Pas. 1969-I-650, Lassalle c. Bouc, Cass. 2ème civ., 21 juin 1979, in Bulletin des arrêts
de la Cour de cassation, 1979, p. 136 et seq., Corte di Cassazione, arrêt du 9 octobre 1950, in Giust.
Pen., 1951, no 2, p. 230 et seq., Carpentier c. Baur et Roux, CA Douai, 3 décembre 1912, in D.,
1913, p. 189 et seq. et Martin c. International Olympic Committee, 740 F.2d 670, 1984 U.S. App.
LEXIS 21274, 35 Empl. Prac. Dec. (CCH) P34705 (9th Cir. Cal. 1984).
(554) Ibid., p. 46.
(555) Ibid., p. 45 (nous soulignons).

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170 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

SECTION V. — Le modèle du réseau

Pour Manuel Castells, le réseau est un « ensemble de nœuds interconnec-


tés » où un nœud est un « point d’intersection d’une courbe par elle-
même » (556). Dans l’hypothèse de la régulation juridique, les courbes sont
les flux de pouvoir, la circulation des discours constituent les hiérarchies et
les nœuds sont les acteurs de la production normative.
Comme le suggère cette image, dans le modèle du réseau le foyer su-
prême de juridicité – auquel on tente habituellement de faire remonter
toute la genèse du droit – est remplacé par la « pluralité et la diversité des
acteurs qui jouent sur la scène juridique et contribuent, chacun à leur ma-
nière, à dire le droit » (557), ses acteurs se positionnant l’un par rapport à
l’autre selon des hiérarchies changeantes et enchevêtrées, dans lesquelles a
priori « aucune autorité ne dispose plus du privilège du premier ou du der-
nier mot » (558). L’élaboration des normes est le produit d’une « circu-
lation de sens juridique s’opérant dans l’espace public et nul ne pourrait,
sans violence ou illusion, prétendre se l’accaparer » (559). A priori, l’input
de n’importe quel acteur de la production normative n’est qu’une « infor-
mation qui circule parmi d’autre, dans le réseau interactif de la production
juridique » (560). Le réseau en effet « ne connaît d’autre loi que la circula-
tion des discours » (561), qui sont autant de flux normatifs.
En ce qui concerne la régulation du cyberespace, cela signifie que le
droit ne se crée pas de manière compliquée, selon une cascade, un processus

(556) M. CASTELLS, La société en réseaux, t. 1, L’ère de l’information, op. cit. n. 492, p. 526. Une
définition plus étoffée a été proposée par F. OST et M. VAN DE KERCHOVE, De la pyramide au
réseau ?, op. cit. n. 21, p. 24 : « le réseau constitue une ‘trame’ ou une ‘structure’, composée
d’‘éléments’ ou de ‘points’, souvent qualifiés de ‘nœuds’ ou de ‘sommets’, reliés entre eux par des
‘liens’ ou ‘liaisons’, assurant leur ‘interconnexion’ ou leur ‘interaction’ et dont les variations obéis-
sent à certaines ‘règles de fonctionnement’. De manière négative, par ailleurs, on souligne généra-
lement que, à la différence sans doute de la structure d’un système, et certainement d’une structure
pyramidale, arborescente ou hiérarchique, dans un réseau, ‘aucun point n’est privilégié par rapport
à un autre, aucun n’est univoquement subordonné à tel ou tel’ » (références omises).
(557) F. OST, « Jupiter, Hercule, Hermès : trois modèles du juge », op. cit. n. 497, p. 255.
(558) ID., « La régulation : des horloges et des nuages… » in Élaborer la loi aujourd’hui, mission
impossible ?, s. dir. B. Jadot et F. Ost, Bruxelles, Publ. FUSL, 1999, p. 11 et seq., spéc. p. 16.
(559) ID., « Jupiter, Hercule, Hermès : trois modèles du juge », op. cit. n. 497, p. 256.
(560) ID., « La régulation : des horloges et des nuages… », op. cit. n. 558, p. 17.
(561) ID., « Jupiter, Hercule, Hermès : trois modèles du juge », op. cit. n. 497, pp. 244 et 255 et
seq.

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LE RÉSEAU : UN MÉTA-MODÈLE DE RÉGULATION 171

unidirectionnel allant du haut vers le bas ou l’inverse, une déduction systé-


matique d’un niveau de norme vers un autre selon une hiérarchie linéaire.
Au contraire, il s’élabore en suivant des cheminements empreints d’impré-
visibilité, sujet de rétroactions et de boucles étranges (562). États, utilisa-
teurs des réseaux (opérateurs économiques, particuliers, consommateurs,
etc.) et producteurs de technique, sont tous des acteurs (563) de la scène de

(562) Voir P. TRUDEL, « L’influence d’Internet sur la production du droit », op. cit. n. 175,
p. 98 : « les règles de droit sont de plus en plus exprimées comme une composante d’un réseau dans
lequel elles ne constituent qu’un relais », p. 101 : « des processus de négociation, de médiation de
même que le développement d’outils techniques contribuent à dégager la teneur des règles qui
trouvent application à l’égard des activités prenant place sur Internet. Internet favorise le délaisse-
ment des processus hiérarchiques d’élaboration des normes. Les normes s’élaborent en réseau : elles
sont proposées, débattues, appliquées ou remodelées dans le cadre de processus informels relayant
les valeurs et principes et consensus obtenus dans les forums officiels ou dans les communautés » et
P. FRISSEN, « The virtual state. Postmodernisation, informatisation and public administration »,
op. cit. n. 297, p. 115 : « the increase in electronic connections within and between organisations
has led to the horizontalisation of relations. Horizontal relations are becoming more important
than vertical relations. In public administration […] this leads to a growing correspondence be-
tween electronic networks and policy networks or configurations. Policy-making, then, is less
hierarchical in nature. As a result, the so-called primacy of politics (for instance the concept of
ministerial responsibility) is at stake. The multi-centred world of cyberspace relates to the multi-
centred world of policy domains » et p. 119 « a more networking type of policy-making, the recog-
nition of the relative autonomy of societal domains, the increasing participation of societal actors
in policy-making, the non-hierarchical and non-bureaucratic mode of steering » et p. 123 « the
grand narrative of political ideology is increasingly problematic, partly because of the previously
sketched developments. The pyramidal nature of public administration increasingly changes into
an archipelago of network configurations. » Voir aussi Ch.D. SIEGAL, « Rule Formation in Non-
Hierarchical Systems » in Temp. Envtl. L. & Tech. J., 1998, vol. 16, p. 173 et seq., spéc. pp. 179-
208, qui traite toutefois essentiellement de la formation de règles (qui sont plutôt sociales que
juridiques) dans LambdaMOO, une plateforme multi-utilisateurs interactive, accessible par Inter-
net, conçue pour la construction de jeux d’aventure textuels.
(563) Pour une énumération plus développée de ces acteurs, voir par exemple R.H. WEBER,
Regulatory Models for the Online World, op. cit. n. 39, pp. 51-52 et S. BIEGEL, Beyond our control ?,
op. cit. n. 37, pp. 4–9 qui retiennent comme acteurs : les gouvernements, les fournisseurs d’accès et
de contenu, les compagnies de téléphonie locale, les opérateurs des réseaux longue distance (Inter-
net backbones), les producteurs de logiciels et de matériel informatique, les organisations de standar-
disation pour Internet, les communautés virtuelles (implicitement pour Weber, voir p. 53) et
l’ICANN (pour Biegel, p. 9). Voir aussi K.W. GREWLICH, Governance in ‘Cyberspace’, op. cit. n.
29, pp. 36-37, J. HUET, « Réflexions sur les sources du jeune ‘droit de l’Internet’ » in D., 2000,
vol. 28, p. iv et seq. et Ph. AMBLARD, Régulation de l’Internet, op. cit. n. 319, p. 69 et seq. Pour une
énumération des instruments qui expriment ces normativités, voir par exemple P. TRUDEL, « La
lex electronica », op. cit. n. 50, p. 236 et seq., qui énumère « l’architecture technique », « les pratiques
contractuelles », « les usages », « les textes internationaux », « les textes modèles », « les lois modè-
les », « les modèles d’autoréglementation », les standards des « instances des normalisation » et les
décisions des « structures adjudicationnelles du cyberespace ». Voir aussi N.W. NETANEL,
« Cyberspace Self-Governance : A Skeptical View from Liberal Democratic Theory », op. cit. n.

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172 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

la production normative juridique ; ils participent tous à « l’interaction


d’une pluralité d’acteurs gouvernants qui ne sont pas tous étatiques ni même
publics » (564). Et chacun contribue à cette interaction par le flux normatif
qu’il crée.
Or, l’incidence de chacun de ces flux normatifs dépend des rapports de
force qui déterminent le pouvoir de chaque flux et ainsi, dans le réseau, « le
pouvoir des flux prend le pas sur le flux des pouvoirs » (565).
Conformément à notre conception du modèle du réseau comme un méta-
modèle de régulation, le résultat de ces rapports de force ou des pouvoirs
des flux fera basculer une situation concrète tantôt dans l’un, tantôt dans
l’autre de ces modèles que nous avons étudiés : réglementation, réalisme
américain, autorégulation, co-régulation ou encore, dans le cyberespace,
régulation par la technique (566). C’est un peu comme si l’on ne pouvait
savoir à l’avance où se situeraient, pour reprendre ici la terminologie de

277, pp. 399–400 : « rule making […] finds expression in myriad forms and settings, including
web site terms of use ; behavioral norms of virtual chat rooms and discussion groups ; network
administration guidelines ; listserv moderator filtering ; Internet service provider contracts ; Usenet
voting procedures ; local area network acceptable use policies ; newsgroup frequently-asked ques-
tion files ; decisions of virtual magistrates ; help manners and programmers’ manuals for multi-user
dimensions ; the code embedded in browsers, servers, and digital content ; and the technical
protocols that enable intra- and internet work communication. All such norms shape and delimit
the possibilities for human interaction and commerce in cyberspace. In that sense, they have much
the same effect as formal state-promulgated law. »
(564) J. LECA, « L’État creux », op. cit. n. 89, p. 98. Notons que le modèle de réseau se rappro-
che ici du concept de gouvernance, mais en ce qui concerne une acceptation différente de ce
concept que celle que nous avions relevée en relation avec la co-régulation : il s’agit ici de cette
acception où « governance is about a varied cast of actors : people acting together in formal and
informal ways, in communities and countries, within sectors and across them, in non-governmen-
tal bodies and citizens’ movements, and both nationally and internationally » : Commission on
Global Governance, Our Global Neighborhood, Oxford/New York, Oxford Univ. Press 1995,
p. 225.
(565) M. CASTELLS, La société en réseaux, t. 1, L’ère de l’information, op. cit. n. 492, p. 525.
(566) Dans un sens proche, voir J.R. REIDENBERG, « L’instabilité et la concurrence des régi-
mes réglementaires dans le Cyberespace », op. cit. n. 389, pp. 137 et 141 : « la réglementation du
cyberespace provient des trois sources. La plus classique est le droit, mais il y a aussi une série de
règles issues des coutumes et usages des participants aux réseaux. Finalement, les normes et les
contraintes de la technologie créent tout un régime de règles. […] La juxtaposition de ces trois
régimes est […] à la source d’une concurrence […] parmi les régimes juridiques et chaque régime
cherche à trouver une solution en même temps » (nous soulignons) et P. TRUDEL, « L’influence
d’Internet sur la production du droit », op. cit. n. 175, p. 101 : « sur Internet, le droit résulte de la
synergie parfois transitoire de normativités interagissantes » (nous soulignons).

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LE RÉSEAU : UN MÉTA-MODÈLE DE RÉGULATION 173

Hart (567), les zones d’ombres (où l’on constate a posteriori que l’on est en
situation de réglementation) et les zones de clarté (où l’on constate a pos-
teriori que l’on est dans une situation correspondant aux hypothèses du
réalisme américain). Tout changement dans les rapports de force entre les
producteurs de droit produit en conséquence un « flux d’ajustements quasi
réflexes d’une multitude de points en interaction » (568). Les cartes sont
redistribuées, le paysage normatif (habité par les acteurs de la production
juridique) se redessine et l’on peut passer d’une situation correspondant à
un modèle de régulation à une situation correspondant à autre modèle, car
« nous vivons », selon Boaventura de Sousa Santos, « dans un temps de
légalité poreuse ou de porosité juridique, où de multiples réseaux d’ordres
juridiques nous forcent constamment à des transitions ou des empiéte-
ments » (569).
Selon ce modèle, la création du droit est dialectique et complexe. Dia-
lectique, elle l’est en ce sens qu’elle correspond à une pensée, pour repren-
dre les termes de Merleau-Ponty, « à plusieurs centres et plusieurs
entrées » (570). Complexe – paradigme se substituant à celui de compliqué –
elle l’est en ce sens que l’on ne peut plus rendre compte de la réalité de
l’élaboration normative en la modélisant selon un agencement purement
déductif d’éléments, selon un processus linéaire et prévisible (571), mais
que l’on doit au contraire prendre en considération, comme l’expliquent
Michel van de Kerchove et François Ost, « la relative imprévisibilité [de ce
phénomène] (échappe à l’observateur un certain nombre d’informations sur
leur fonctionnement qui peut dès lors évoquer un désordre apparent) et [...]
les structures de rétroaction qui s’y développent » (572).

(567) Voir Sous-section III. — Les zones de clarté et les zones de pénombre de Hart, p. 156
et seq. supra.
(568) F. OST, « Le temps virtuel des lois postmodernes ou comment le droit se traite dans la
société de l’information » in Les transformations de la régulation juridique, s. dir. J. Clam et G.
Martin, Paris, LGDJ, 1998, p. 423 et seq., spéc. p. 429.
(569) B. DE SOUSA SANTOS, « Droit : une carte de lecture déformée. Pour une conception
postmoderne du droit » in D&S, 1988, vol. 10, p. 379 et seq., spéc. p. 382.
(570) M. MERLEAU-PONTY, Les aventures de la dialectique, Paris, Gallimard, 1955, p. 274, cité
par F. OST et M. VAN DE KERCHOVE, De la pyramide au réseau ?, op. cit. n. 21, p. 37.
(571) M. VAN DE KERCHOVE et F. OST, Le système juridique entre ordre et désordre, op. cit. n.
540, p. 106.
(572) Ibid.

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174 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

Toutefois, en dépit de ces indéterminations a priori des hiérarchies, de


leurs enchevêtrements, « reconnaissons cependant », écrivent François Ost
et Michel van de Kerchove, « que le juge, régulateur privilégié du réseau,
sera la plus souvent l’auteur du jugement de validation ou d’invalida-
tion » (573). Le juge n’est pas souverain, bien entendu, il est simplement
proche des litiges et donc de l’application du droit : la norme individuelle et
concrète qu’il va créer n’est susceptible que de peu d’influences ultérieures
quant à la formation de sa substance par son interprétation et son applica-
tion. Il n’est pas souverain, aussi parce qu’il n’y a plus réellement de sou-
verain dans le réseau, toutes les hiérarchies sont, comme nous l’avons dit,
changeantes, enchevêtrées, dépendant du contexte. Mais le juge demeure,
par sa proximité du cas concret et de la mise en œuvre définitive de la
norme, un « régulateur privilégié ». À notre sens, la même chose est vraie,
dans certains contextes du commerce électronique, pour les organismes de
résolution des litiges en ligne. Ce sera l’une des hypothèses que nous
tenterons de démontrer au fil des chapitres restants de cette étude, et plus
spécifiquement quand nous aborderons l’analyse de l’effectivité du droit
qu’ils produisent (574).

*
* *

Nous avons vu, dans cette première partie, que le cyberespace est un espace
social reposant sur un environnement technique où le code technologique
remplace les lois de la nature et dont les spécificités (caractère déterritoria-
lisé, décentralisé, global et multipersonnel des communications) condition-
nent les modalités et les conséquences des activités véhiculées par les
réseaux, ainsi que les formes des normativités qui s’y construisent ou s’y
expriment. Cet environnement crée corrélativement des perturbations pour
la production et l’application du droit selon leurs modes traditionnels. Il
remet en cause les équilibres sur lesquels ceux-ci reposaient et introduit de
nouveaux acteurs de régulation. Il accélère les dimensions sociale, commer-

(573) F. OST et M. VAN DE KERCHOVE, De la pyramide au réseau ?, op. cit. n. 21, p. 315.
(574) Voir Chapitre X : Validité empirique : l’effectivité d’une régulation par les ODR, p. 311
et seq. infra.

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LE RÉSEAU : UN MÉTA-MODÈLE DE RÉGULATION 175

ciale et juridique du temps. Surtout, il délite la relevance des frontières


entre les territoires des États. Cette croissante insignifiance des frontières
conduit à un affaiblissement des États. Celui-ci se manifeste aussi bien à
l’extérieur, par l’augmentation des effets extraterritoriaux de nombreuses
lois, qu’à l’intérieur, au travers des manœuvres d’évitement législatif,
d’évasion territoriale et de lex shopping que la dématérialisation des activités
dans le cyberespace permet. Face à ces perturbations, deux réactions dia-
métralement opposées se développèrent dans un premier temps. Certains,
concluant à une stricte permanence du mode habituel d’intervention nor-
mative par l’État, pensèrent que l’adoption de quelques dispositions sup-
plémentaires de nature législative voire réglementaire suffirait à éliminer
tout problème sérieux. D’autres en revanche, radicalement libertaires, esti-
mèrent que le cyberespace constituait un espace de liberté totale, d’où toute
forme de régulation serait absente. Au-delà de ces deux positions radicales,
d’autres auteurs, les considérant comme les Charybde et Scylla de la régu-
lation du cyberespace, ont développé depuis lors trois modèles principaux
de régulation : l’autorégulation (dont l’acception extrême revendique la
souveraineté de l’utilisateur), la régulation par la technique (dont la
conception la plus poussée envisage la souveraineté des producteurs de
technologies) et la co-régulation (qui repose sur l’idée d’un partenariat sur
pied d’égalité de l’État et des acteurs privés). Chacun de ces modèles véhi-
cule une part de vérité mais est trop limité à un seul producteur de normes.
Un modèle supplémentaire de régulation nous est donc apparu nécessaire.
Celui-ci consiste en une perspective de réseau. Dans le réseau, les hiérar-
chies entre les divers producteurs de normes dépendent toujours de la
somme des rapports de force que ceux-ci entretiennent. Ce modèle permet
ainsi d’appréhender l’entrée de tout nouvel acteur dans la production du
droit. Cet acteur pourra par ailleurs accéder à toute position hiérarchique
au sein du réseau.
C’est dans cet environnement modélisé par le réseau que le phénomène
du règlement des litiges en ligne se développe. Notre but dans cette pre-
mière partie a ainsi été de synthétiser les diverses théories de régulation du
cyberespace en modèles de régulation correspondant à autant de courants
de pensée, dont chacune met à jour une partie des phénomènes de norma-
tivité du cyberespace et du commerce électronique. L’examen de ces cou-
rants de pensée permet de mieux comprendre l’environnement normatif et
conceptuel dans lequel s’insérera l’étude de la normativité produite par le
phénomène de la résolution des litiges en ligne. En d’autres termes, cela

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176 THÉORIE GÉNÉRALE DE RÉGULATION

nous permettra de donner un contexte à l’étude des questions d’effectivité,


de légalité et de légitimité de la production de normes juridiques par le
règlement des différends en ligne et de comprendre comment cette pro-
duction interagit avec d’autres sources de normativité présentes dans le
cyberespace. Dans cet environnement en réseau, la résolution des litiges en
ligne pourrait bien acquérir une position importante de régulation. Avant
d’étudier ce pouvoir régulateur, nous devons toutefois présenter le mouve-
ment online dispute resolution, décrire ses modalités, ses origines et ses buts,
ainsi qu’envisager certains aspects de sa possible évolution future. C’est à
cette fin qu’est consacrée la deuxième partie de cette étude, sur laquelle les
rideaux s’ouvrent ici.

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DEUXIÈME PARTIE
Deuxième partie. — Le mouvement Online Dispute Resolution (ODR)

L e mouvement Online Dispute


Resolution (ODR)

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INTRODUCTION

Dans la première partie, nous avons dégagé divers modèles de régulation


du cyberespace, c’est-à-dire que nous avons étudié l’identité des divers ac-
teurs de cette régulation ainsi que les interactions qui s’établissent entre
eux. Nous y avons conclu qu’il était préférable de retenir un modèle ouvert
et évolutif, dans lequel le nombre et l’identité des acteurs, ainsi que leurs
interactions et plus précisément les diverses hiérarchies qui peuvent s’établir
entre eux ne sont pas prédéterminés et statiques, mais indéterminés a priori
et dynamiques. Il nous reste maintenant à introduire un nouvel acteur dans
ce modèle et à étudier les relations qu’il peut entretenir avec ceux qui ont
été identifiés dans la première partie. L’acteur en question est les institu-
tions de résolution des litiges en ligne.
Cet acteur semble être en passe de devenir un élément incontournable de
la régulation du cyberespace, et plus précisément du commerce électroni-
que, puisqu’il s’agit là de son domaine d’intervention privilégié. Tout se
passe en effet aujourd’hui comme si le mouvement online dispute resolution
(ODR), c’est-à-dire le développement de méthodes de règlement en ligne
des différends, s’imposait pour répondre à une nécessité capitale du com-
merce électronique. L’intérêt des gouvernements, des professionnels de ce
secteur commercial et des associations de consommateurs en attestent. Le
nombre de litiges résolus – environ 800'000 par an – en apporte la confir-
mation. Toutefois, ce mouvement n’a reçu jusqu’à présent qu’une attention
mineure de la part de la recherche juridique. Quant à l’analyse de
l’influence qu’il peut avoir sur la régulation des litiges résolus par ces mé-
thodes, elle demeure presque inexistante. Nous nous proposons en consé-
quence, dans cette deuxième partie, de présenter ce mouvement et d’ana-
lyser les principales raisons de son développement ainsi que les aspects les
plus importants de son fonctionnement. Cela nous permettra, dans la
troisième partie, d’étudier ses influences réelles et potentielles sur la régula-
tion du commerce électronique.
Au chapitre 5, nous proposerons tout d’abord une introduction générale
à la résolution des litiges en ligne, en présentant ses divers modes ou mé-
thodes. Nous y verrons que le mouvement ODR est essentiellement une

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180 LE MOUVEMENT ODR

transposition en ligne des méthodes traditionnelles de résolution extrajudi-


ciaires des différends. Nous y aborderons en conséquence la négociation en
ligne, la médiation en ligne et l’arbitrage en ligne. Nous y examinerons éga-
lement une procédure spécifique de règlement en ligne pour les litiges
relatifs aux noms de domaine (la procédure UDRP de l’ICANN), en raison
de son importance spécifique, tant quantitative que qualitative. Nous y évo-
querons également les procédures judicaires conduites en ligne et les cyber-
tribunaux.
Aux chapitres 6 et 7, nous nous attacherons à analyser en quoi les ODR
répondent à cette nécessité fondamentale du commerce électronique que
nous avons évoquée. Le chapitre 6 sera l’occasion de s’arrêter sur un pro-
blème crucial de cette forme de commerce, à savoir la confiance des inter-
nautes. Nous y verrons comment les mécanismes de règlement des diffé-
rends en ligne peuvent contribuer à inspirer confiance dans le commerce
électronique. Au chapitre 7, nous traiterons d’une question qui appartient
partiellement à la problématique de la confiance, mais qui la dépasse : il
s’agit de l’accès à la justice que les ODR proposent.
Finalement, au chapitre 8, nous développerons une conjecture concer-
nant le futur des mécanismes de règlement des litiges en ligne. Nous y
conclurons que les ODR nous semblent devoir inévitablement se proces-
sualiser au fur et à mesure de l’accroissement de leur utilisation. Selon toute
vraisemblance, comme nous le verrons, cette processualisation influencera
la capacité régulatrice de ces modes de résolution des différends pour le
commerce électronique.

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CHAPITRE V
Chapitre V. — Les modes de la résolution des litiges en ligne

LES MODES DE LA RÉSOLU TION DES


LITIGES EN LIGNE

Une première vague de mécanismes de résolution des litiges opérant de


manière informelle, la plupart du temps en dehors des tribunaux, nous était
déjà venue des États-Unis (575). Connus sous la dénomination d’alterna-
tive dispute resolution (ADR), ces modes alternatifs (576) se sont dévelop-
pés comme circuits de dérivation du contentieux en marge de l’institution
judiciaire. Ils se conjuguent selon les trois archétypes de la négociation, la
conciliation ou médiation et l’arbitrage (577), et se sont déployés dans

(575) La présentation de la résolution des litiges en ligne qui suit constitue une mise à jour et
une adaptation de certains passages de Th. SCHULTZ, « Online dispute resolution (ODR) : réso-
lution des litiges et ius numericum » in RIEJ, 2002, vol. 48, p. 153 et seq., spéc. p. 195 et seq. La
mise à jour se fonde essentiellement sur les données empiriques rapportées dans G. KAUFMANN-
KOHLER et Th. SCHULTZ, Online Dispute Resolution : Challenges for Contemporary Justice, La
Haye, Kluwer, 2004, p. 10 et seq. et 249 et seq. et dans M. CONLEY TYLER, « One Hundred and
Fifteen and Counting : The State of Online Dispute Resolution 2004 » in Proceedings of the Third
Annual Forum on Online Dispute Resolution, s. dir. M. Conley Tyler, E. Katsh et D. Choi,
Amherst, Mass., Publ. de l’Université de Massachusetts, 2004, <www.odr.info/unforum2004/-
ConleyTyler.htm>.
(576) Le terme alternatif fait l’objet d’un flou conceptuel. Dans le contexte des ADR, il désigne
en principe les alternatives à la justice. Ces dernières peuvent être définies selon trois axes, dépen-
dant de la dimension de la justice dont on se distingue. Il s’agit de procédures ou de pratiques qui
sont soit extrajudiciaires (dimension institutionnelle), soit informelles (dimension procédurale), ou
encore non juridictionnelles (dimension décisionnelle). La définition anglo-saxonne, que nous
retiendrons ici, se réfère en principe à la deuxième acception, ce qui permet notamment d’y inclure
l’arbitrage et les cybertribunaux : voir A.-J. ARNAUD et J.-P. BONAFÉ-SCHMITT, « Alternatif
(Droit) – Alternative (Justice) » in Dictionnaire encyclopédique de sociologie et de théorie du droit, s.
dir. A.-J. Arnaud (éd.), 2ème éd., Paris, LGDJ, 1993, p. 11 et seq.
(577) Sur ces catégories fondamentales, voir par exemple Ch. JARROSSON, « Les modes alter-
natifs de règlement des conflits : présentation générale » in RID comp., 1997, p. 325 et seq., B.
OPPETIT, « Arbitrage, médiation et conciliation » in Rev. arb., 1984, p. 307 et seq. et Ph.
FOUCHARD, « Alternative dispute resolution et arbitrage » in Souveraineté étatique et marchés
internationaux à la fin du 20e siècle : à propos de 30 ans de recherche du CREDIMI : mélanges en
l’honneur de Philippe Kahn, s. dir. Ch. Leben et al., Paris, Litec, 2000, p. 95 et seq.

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182 LE MOUVEMENT ODR

quasiment tous les domaines du droit, jusqu’aux confins du commerce


électronique et d’Internet. À partir de 1991, le cyberespace est peu à peu
passé d’un forum universitaire à une plateforme commerciale ouverte au
grand public, grâce aux possibilités de présentation graphique offertes par
le web. Les contrats conclus sur cette plateforme impliquent quelquefois
des personnes éloignées géographiquement les unes des autres, grâce à la
nature ubiquitaire du réseau. Quand des litiges surgissent, le recours aux
tribunaux peut devenir inefficace, voire impossible en pratique, en raison de
l’éloignement et du caractère non global de ceux-ci. Les ADR ne sont pas
d’un grand secours, puisqu’ils requièrent en principe la présence physique
des parties en un même lieu. L’incompatibilité entre, d’un côté, ubiquité,
absence de frontières, difficultés d’identification géographique des parties
et, de l’autre côté, ancrage territorial et nécessité de rencontre physique
constitue la principale raison de l’essor actuel d’une deuxième vague de
mécanismes de résolution des litiges.
L’idée d’utiliser les nouvelles technologies de la communication pour
résoudre des conflits remonte au début des 1990. Après avoir pu suivre
l’émergence d’une nouvelle forme de médiation par voie téléphonique à la
fin des années 1980 (578), c’est en 1992 qu’Henry Perritt évoqua le pre-
mier l’idée de la résolution par voie électronique (579), avant d’envisager
concrètement un tel mode de règlement en 1993 (580). Une année plus
tard, David Johnson décrivit les virtualités d’une possible résolution en
ligne, se fondant sur ces caractéristiques des réseaux que constituent leur
tendance à l’instantanéité, leur caractère transfrontière et leur évolution
continue par interaction avec les utilisateurs (581). Ces nouveaux mécanis-
mes tirent ainsi spécifiquement parti de l’ubiquité du cyberespace : les liti-
ges sont résolus comme les contrats sont conclus, par Internet. D’alterna-
tive dispute resolution, on est ainsi passé à online dispute resolution (ODR).

(578) C. SCHWEBER, « Your Telephone may be a Party Line : Mediation by Telephone » in


Mediation Quarterly, 1989, vol. 7, p. 191 et seq.
(579) H.H. PERRITT, « The Electronic Agency and the Traditional Paradigms of Administra-
tive Law » in Admin. L. Rev., 1992, vol. 44, p. 79 et seq.
(580) H.H. PERRITT, « Dispute Resolution in Electronic Network Communities » in Vill. L.
Rev., 1993, vol. 38, p. 349 et seq., spéc. p. 394.
(581) D.R. JOHNSON, « Dispute Resolution in Cyberspace » in N.J.L.J., 1994, p. 136 et seq.
Notons que l’auteur évoquait que la résolution par électronique pourrait bien constituer le vecteur
de développement d’un régime juridique spécifique au cyberespace.

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LES MODES DE L’ODR 183

Avec le développement des technologies de l’information, de nom-


breuses possibilités nouvelles de communiquer sont apparues, offrant
d’abondantes variantes de modélisation de la résolution d’un litige (582).
Sous la dénomination d’ODR, celles-ci peuvent être regroupées en fonc-
tion de concepts tels que la négociation assistée, la négociation automati-
sée, l’expertise arbitrale et la simple évaluation par une tierce partie, la
médiation, la médiation-arbitrage ou med-arb, l’arbitrage et les cybertribu-
naux et les programmes de consommateurs (583). Nous limiterons notre
présentation aux plus importants de ces processus, à savoir les variantes en
ligne des principales catégories des ADR (négociation, médiation et arbi-
trage), la procédure ICANN en matière de noms de domaine et les cyber-
tribunaux.

SECTION I. — La négociation en ligne

Partant de l’importance fondamentale de la négociation dans la plupart des


modes de règlement des litiges (584), le mouvement ODR a développé
deux mécanismes, la négociation automatisée et celle assistée par ordina-
teur, qui mettent spécifiquement en tension les deux pôles du cyberespace
et de la négociation.

(582) Pour une catégorisation des types de procédures résultant de l’utilisation des nouvelles
technologies, voir M. WAHAB¸ « The Global Information Society and Online Dispute Resolu-
tion : A New Dawn for Dispute Resolution » in JintArb, 2004, vol. 21, p. 143 et seq., l’auteur
distinguant (p. 168) : « (a) technology-assisted ODR mechanisms, where the role of technology is
restricted to the provision of an adequate and secure medium of communication and information
exchange ; (b) technology-based ODR mechanisms, where a fully-fledged application of cutting-
edge technology is utilized to resolve e-disputes ; and (c) technology-facilitated online dispute
prevention (‘ODP’) guarantees, which help reduce the risk of potential e-disputes and incontro-
vertibly enhance trust and security in e-business. »
(583) Pour un aperçu de la diversité des procédures en ligne, voir par exemple A.
VAHRENWALD, « Out-of-court dispute settlement systems for e-commerce, Report on legal
issues », Partie III, « Types of Out-of-Court Dispute Settlement », rapport du Joint Research
Center, Commission européenne, Ispra, 2000, <econfidence.jrc.it>.
(584) Sur le rôle fondamental de la négociation dans la résolution des conflits, Y. DEZALAY,
« Négociation » in Dictionnaire encyclopédique de sociologie et de théorie du droit, s. dir. A.-J. Arnaud
(éd.), 2ème éd., Paris, LGDJ, 1993, p. 387 et seq.

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184 LE MOUVEMENT ODR

SOUS-SECTION I. — LA NÉGOCIATION
AUTOMATISÉE

La négociation automatisée constitue la méthode de résolution des litiges


qui repose sur la recherche d’une transaction extrajudiciaire sans interven-
tion de tiers, par offres successives et comparées. Le processus est simple :
chacune des parties, tour à tour, fait une offre chiffrée pour le règlement
transactionnel du litige, s’engageant d’avance à être liée par le résultat. La
procédure est divisée en tours de négociation. Les offres sont faites à un
ordinateur avec lequel on communique par un site web – et non à la partie
adverse. Pour chaque tour de négociation, l’ordinateur effectue une com-
paraison arithmétique entre les deux offres. Si elles sont suffisamment pro-
ches l’une de l’autre (585), l’ordinateur calcule la moyenne entre les deux
chiffres et une transaction extrajudiciaire à concurrence de cette somme
moyenne met automatiquement fin au litige. Si les deux offres sont trop
éloignées l’une de l’autre, les parties passent au prochain tour (586). Les
offres de chacune des parties ne sont en principe pas communiquées à
l’autre (587) : il s’agit d’une procédure d’offres à l’aveugle – ou blind-bid-
ding. Aux États-Unis, cette forme de négociation somme toute très limitée
connaît un certain succès (588).

SOUS-SECTION II. — LA NÉGOCIATION EN LIGNE


ASSISTÉE PAR ORDINATEUR

La négociation assistée vise une transaction extrajudiciaire sans l’interven-


tion de tiers durant la procédure, conclue à la suite de communication en

(585) Chacun des centres fournissant ce type de service définit cette marge à l’avance. En géné-
ral, elle est fixée à 30 pour cent, mais elle peut descendre, selon les centres ou les montants en jeu, à
10 voire 5 pour cent.
(586) Le nombre de rounds de négociation est en principe limité à trois, quoique certains cen-
tres ne prévoient pas de limites.
(587) Un seul fournisseur de négociation automatisée permet aux parties de prendre connais-
sance réciproquement de leurs offres (il s’agit de The Claim Room).
(588) Plus de 20 institutions proposent de la négociation automatisée, parmi lesquels on citera
ClickNsettle, Cybersettle, DisputeManager, Intersettle, MARS, SmartSettle, The Claim Room,
WebAssured, WebMediate et WeCanSettle. Cybersettle administre en moyenne 3'000 litiges par
mois. Pour davantage d’information sur la pratique de la négociation automatisée, voir G.
KAUFMANN-KOHLER et Th. SCHULTZ, Online Dispute Resolution : Challenges for Contemporary
Justice, op. cit. n. 575, p. 17 et seq. et M. CONLEY TYLER, « One Hundred and Fifteen and
Counting », op. cit. n. 575.

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LES MODES DE L’ODR 185

ligne. Dans ce cas aussi, la procédure est simple : les parties négocient à
l’aide d’outils informatiques, d’une manière similaire à ce que nous ferions
in persona, par téléphone ou par écrit. Les services fournis par les centres
proposant de la négociation assistée consistent en des plateformes de com-
munication, des logiciels de communication à télécharger, des sites web
sécurisés, des logiciels interactifs guidant les parties vers des agendas et des
solutions types ou encore des formules types de transaction. Le succès de ce
type de procédures est impressionnant : SquareTrade, qui traite notam-
ment des litiges émergeant de la place de marché électronique eBay, admi-
nistre aujourd’hui la négociation en ligne d’environ 800'000 différends par
an (589).

SECTION II. — La médiation en ligne

Lors d’une médiation en ligne, un tiers neutre sans pouvoir décisionnel


intervient dans la résolution du litige en communiquant avec les parties par
des voies essentiellement électroniques. Il s’agit en substance de la trans-
position en ligne d’une procédure classique de médiation : on retrouve
d’ailleurs dans le cyberespace les différentes variantes ou stratégies connus
hors ligne – comme la médiation facilitative ou évaluative (590) – et certai-
nes procédures en ligne dérivent directement des règlements de grands
centres permanents de médiation (591). Cependant, certaines institutions
d’ODR limitent leurs stratégies de médiation par les outils de communica-
tion qu’ils proposent. Parfois, seule la diplomatie de la navette (shuttle diplo-

(589) Une quinzaine d’institutions d’ODR proposent de la négociation assistée, parmi lesquels
on nommera l’Association des Consommateurs d’Islande, ECODIR, Eurochambres (Online-
Confidence), Internet Ombudsman, Intersettle, MARS, MediationFirst (OurDivorceAgreement),
Online Resolution, Resolution Forum, SquareTrade, TheClaimRoom.com, TRUSTe
(Watchdog), Trusted Shops et Web Assured.com.
(590) Pour une description de ces variantes de médiation, voir par exemple A. BEVAN, Alterna-
tive Dispute Resolution, Londres, Sweet & Maxwell, 1992, pp. 21–23, Th.F. MASTRONARDI,
Mediation als Weg, Kunst und Technik der Vermittlung, Ittigen, Signifix, 2000, p. 192 et seq., M.
GUILLAUME-HOFNUNG, La médiation, Paris, PUF, 1995, pp. 71-92, G. HERRMANN, « La
conciliation, nouvelle méthode de règlement des différends » in Rev. arb., 1985, p. 343 et seq. et
Ph. FOUCHARD, « Alternative dispute resolution et arbitrage », op. cit. n. 577, p. 109 et seq.
(591) Online Resolution, notamment, se réfère aux standards de médiation émis par trois gran-
des institutions d’arbitrage ou de médiation (l’American Bar Association, la Society of Profession-
als in Dispute Resolution et l’American Arbitration Association).

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186 LE MOUVEMENT ODR

macy) (suite de séances de communication avec l’une des parties seulement


et le médiateur) est possible (592). Quelquefois, seules les communications
triangulaires par forum de discussion sont disponibles. Les procédures les
plus sophistiquées offrent cependant la possibilité de communiquer par
courriers électroniques, forums de discussion, téléconférences et vidéo-
conférences, et permettent des discussions bilatérales et triangulaires, voire
une participation en direct de témoins, experts et conseils (593). Du point
de vue du nombre de centres qui proposent de la médiation en ligne, le
succès de cette forme d’ODR semble important, puisque l’on en compte
plus d’une vingtaine (594). Du point de vue du nombre de litiges réel-
lement administrés, le succès est plus difficile à évaluer. Les statistiques,
rares en pratique, culminent à quelques centaines de différends résolus pour
la plupart des institutions (595), avec l’exception notable de SquareTrade,
dont le volume de litiges soumis à la médiation en ligne avoisine le chiffre
de 350'000 par an.

SECTION III. — L’arbitrage en ligne

Dans un arbitrage en ligne, un tiers communique avec les parties par des
moyens de communication électroniques, en vue de remplir la mission juri-
dictionnelle qu’il a reçue des parties pour trancher leur différend (596). Les

(592) Chez e-Mediator et MARS par exemple, la communication s’opère uniquement par des
courriers électroniques que chacune des parties adresse au médiateur. Par contre, chez Cybercourt
et Online Resolution par exemple, les parties ne peuvent que laisser des messages sur un forum
commun de discussion.
(593) The Claim Room, par exemple, offre de telles possibilités étendues de communication.
(594) Parmi ceux-ci figurent notamment The Claim Room, ARyME, BRC, la Camera Arbi-
trale di Milano, le Cibertribunal Peruano, ClickNsettle, DisputeManager, Consensus Mediation,
eNeutral, Internet Neutral, JAMS, MARS, Mediation First, National Arbitration Forum,
NovaForum, Online Resolution, PrivateJudge.com, Resolution Forum, Retail Tenancy Unit NSW
Online Mediation, SettleTheCase, SquareTrade et WebMediate
(595) Par exemple environ 600 pour Mediate.com.
(596) Sur la notion d’arbitrage, voir par exemple Ch. JARROSSON, La notion d’arbitrage, Paris,
LGDJ, 1987, ID., « Les frontières de l’arbitrage » in Rev. arb., 2001, p. 5 et seq., J.-F. POUDRET
et S. BESSON, Droit comparé de l’arbitrage international, Bruxelles, Bruylant / Paris, LGDJ / Zu-
rich, Schulthess, 2002, p. 3, A. REDFERN et M. HUNTER, Law and Practice of International Com-
mercial Arbitration, 3ème éd., Londres, Sweet & Maxwell, 1999, pp. 3-4, M.J. MUSTILL,
« Arbitration : History and Background » in JintArb, 1989, vol. 6, p. 43 et seq., A.J. VAN DEN
BERG, The New York Convention of 1958 : Towards a Uniform Judicial Interpretation, Deventer,

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LES MODES DE L’ODR 187

moyens de communication utilisés sont par exemple le courrier élec-


tronique (597), les forums de discussion (598) ou parfois la vidéoconfé-
rence (599). Certains organismes prévoient également des moyens plus
traditionnels, comme le téléphone ou le fax (600), voire recourent à des au-
diences en présence des parties, hors ligne (601), ce qui montre qu’une pro-
cédure d’arbitrage en ligne ne se déroule pas toujours exclusivement sur
Internet (602).
Une différence importante entre l’arbitrage en ligne et hors ligne doit
être relevée : un nombre non négligeable d’institutions d’arbitrage en ligne
prévoient de l’arbitrage non contraignant (non-binding arbitration). On en-
tend par là des procédures dans lesquelles la décision n’a pas la force obli-
gatoire d’une vraie sentence arbitrale (force obligatoire similaire à un
jugement) au moment de sa communication aux parties. Ou bien la déci-
sion peut être acceptée ou rejetée pendant un délai déterminé par l’une ou
les deux parties (arbitrage conditionnellement contraignant), ou bien la
procédure a expressément pour but de ne pas produire de décisions liant les
parties comme un jugement (arbitrage réellement non contraignant). En

Kluwer, 1981, p. 44 et seq. et T.E. CARBONNEAU, Cases and Materials on the Law and Practice of
Arbitration, 2ème éd., Yonkers, NY, Juris Publ., 2000, p. 2.
(597) Le Virtual Magistrate limite les communications aux courriers électroniques.
(598) MARS et NovaForum, par exemple, proposent des forums de discussion pour la soumis-
sion de mémoires ou de pièces ainsi que pour l’équivalent d’audiences écrites en temps réel.
(599) Voir par exemple MARS, NovaForum, eNeutral, Internet Neutral, JAMS, Mediation
First, DisputeManager.com, ClickNsettle, SmartSettle et e@dr.
(600) Des conférences téléphoniques sont prévues chez MARS et RisolviOnline. L’utilisation
du fax est suggérée auprès d’ECODIR et Word&Bond.
(601) WebMediate et SmartSettle prévoient des auditions hors ligne.
(602) Pour une introduction générale à l’utilisation des technologies de l’information en arbi-
trage, voir A.R. LODDER et G.A.W. VREEWIJK, « Les services d’arbitrage en ligne à la croisée des
chemins » in Bull. CCI (numéro spécial sur la technologie au service des différends commerciaux),
2004, p. 35 et seq. Voir aussi, pour une analyse centrée sur le développement projeté des technolo-
gies utilisées, D. PROTOPSALTOU, Th. SCHULTZ et N. MAGNENAT-THALMANN, « Taking the
fourth party further ? Considering a shared virtual workspace for arbitration » in Information and
Communication Technology Law (numéro spécial sur online dispute resolution), à paraître 2005. Sur
l’influence probable des ODR sur les procédures d’arbitrage hors ligne, G. KAUFMANN-
KOHLER, « Online Dispute Resolution and its Significance for International Commercial Arbi-
tration » in Festschrift Robert Briner, à paraître 2005.

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188 LE MOUVEMENT ODR

raison des questions que cette forme d’arbitrage soulève, nous lui consa-
crerons des développements spécifiques (603).
Quant au succès de l’arbitrage en ligne, on observe que, sur la vingtaine
d’institutions qui le proposent (604), celles qui prévoient des formes non
contraignantes d’arbitrage bénéficient actuellement du plus grand nombre
d’affaires inscrites au rôle. À titre indicatif, on notera que le Chartered In-
stitute of Arbitrators à Londres, dont la plupart des procédures d’arbitrage
en ligne ne sont qu’optionnellement contraignantes, a administré environ
400 litiges. L’UDRP, à laquelle nous consacrerons la prochaine section, a
déjà régi plus de 11'000 litiges.

SECTION IV. — La procédure UDRP de


l’ICANN

L’ICANN (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers) est la


société qui administre aujourd’hui la majorité des noms de domaine. Elle
gère notamment les domaines génériques de premier niveau, globalement
les plus importants, dont les suffixes sont <.com>, <.org>, <.net>, <.biz>,
<.info> et <.name> (605). Cette société, privée mais sans but lucratif, a été
crée en 1998 par l’administration Clinton selon le principe directeur de
l’autorégulation par les secteurs économiques concernés (606), après un
affrontement économique et politique dans lequel se sont imposés les in-
térêts des titulaires des droits de propriété intellectuelle. Comme ces droits
ont un ancrage territorial et que les noms de domaine ont une portée glo-
bale, les uns entrent en collision avec les autres, génèrant des litiges. En

(603) Voir Sous-section III. — L’arbitrage non contraignant : vers une distanciation par
rapport aux droits étatiques, p. 428 et seq.
(604) Une vingtaine d’institutions de règlement en ligne des litiges proposent des services
qu’elles qualifient d’arbitrage, parmi lesquelles l’American Arbiration Association, le ADR Group,
ARyME, BBBOnline, BRC, CIArb, le Cibertribunal Peruano, Consensus Mediation, Dispute
Manager, eNeutral, JAMS, MARS, NovaForum, le Online Public Disputes Project, Online
Resolution, PrivateJudge, Resolution Canada, Resolution Forum, SettleTheCase, SquareTrade, le
Virtual Magistrate, Web Assured, WebMediate et Word&Bond.
(605) Pour plus de développements sur les noms de domaine, voir Sous-section II. — Accès à
Internet, spamming, noms de domaine et certification, p. 330 et seq. infra et B. — Un système
juridique pour les noms de domaine : l’ICANN et l’UDRP, p. 481 et seq. infra
(606) M. MUELLER, « ICANN and Internet Governance, Sorting Through The Debris of
‘Self-Regulation’ » in Info, 1999, vol. 1, no 6, p. 477 et seq.

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LES MODES DE L’ODR 189

conséquence, l’ICANN a développé une procédure, dénommée Uniform


Dispute Resolution Policy (UDRP) (607), qui est centralisée (608), anatio-
nale (609), rapide (610), peu onéreuse (611) et spécifiquement adaptée à la
résolution de ce genre de litiges. L’objectif principal de la procédure UDRP
est de combattre le cybersquatting, c’est-à-dire l’enregistrement d’un nom de
domaine dans le seul but de le revendre au titulaire du droit de marque cor-
respondant.
La procédure UDRP se déroule, en quelques mots, de la manière sui-
vante (612) : un « requérant » dépose une « plainte » concernant l’enregis-
trement d’un nom de domaine auprès de l’une des quatre institutions
accréditées par l’ICANN (613). Cette plainte, communiquée par courrier
électronique (614), doit indiquer en quoi le nom de domaine est similaire à

(607) Le règlement UDRP se subdivise en principes directeurs et en règles d’application régis-


sant le règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine, tous deux adoptés le 26 août
1999.
(608) Voir Sous-section II. — Décentralisation, p. 34 et seq. supra et B. — Régulation
locale : places de marché, noms de domaine, p. 516 et seq. infra.
(609) La procédure UDRP s’applique à tous les sites en <.com>, <.org>, <.net>, <.biz>, <.info>
et <.name> mondialement : le titulaire de tout droit de marque, où que ce dernier soit enregistré,
peut mettre en question l’attribution d’un nom de domaine. Par ailleurs, elle incorpore un système
d’autoexécution des décisions, par des moyens technologiques, ce qui réduit de manière importante
sa dépendance vis-à-vis des ordres juridiques nationaux : sur ceci, voir Sous-section III. —
Contrainte architecturale, p. 346 et seq. infra et E. — Autoexécution technologique, p. 374 et
seq. infra.
(610) La durée moyenne d’une procédure est de 45–50 jours, entre le dépôt de la requête et la
notification de la décision.
(611) Pour la résolution d’un litige portant sur un nom de domaine par un panel d’un seul
membre, les frais de procédure s’élèvent à USD 1'500. L’accessibilité économique est une nécessité,
car le cybersquatting, auquel nous reviendrons, est extrêmement aisé et ne requiert quasiment pas
d’investissement économique.
(612) Pour une description plus complète, voir par exemple P. LASTENOUSE, « Le Règlement
ICANN de résolution uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine » in Rev. arb., 2001, p. 95
et seq., spéc. pp. 101–106.
(613) Ces quatre institutions sont : le Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation
mondiale de la propriété intellectuelle, le National Arbitration Forum, l’Asian Domain Name
Dispute Resolution Centre (remplaçant eResolution, qui s’est retiré le 30 novembre 2001) et le
CPR Institute for Dispute Resolution.
(614) Il est vrai que l’art. 3 lit. b règles d’application prévoit que « la plainte doit être présentée
sur papier et [...] sous forme électronique » tandis que l’art. 3 lit. a règles additionnelles
d’application de l’OMPI dispose que les communications peuvent être faites par télécopie, fax ou
courrier électronique. En pratique, les communications se font généralement par courrier électro-
nique exclusivement, P. LASTENOUSE, « Le Règlement ICANN de résolution uniforme des litiges
relatifs aux noms de domaine », op. cit. n. 612, p. 101.

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190 LE MOUVEMENT ODR

une marque, l’absence d’intérêt légitime au nom de domaine visé et la


mauvaise foi du défendeur (615). L’institution saisie contacte le défendeur
pour qu’il soumette ses conclusions, également par courrier électronique.
Un panel, d’un ou de trois membres, est ensuite constitué. Les panélistes,
qui peuvent être physiquement dans des États éloignés les uns des autres,
communiquent entre eux et avec les parties toujours par courrier élec-
tronique, par exemple pour demander à ces dernières de fournir des docu-
ments additionnels (616). Le panel rend ensuite une décision, qui est
notifiée aux parties par voie électronique. Si les parties ne saisissent pas un
tribunal étatique dans les dix jours à compter de la notification, la décision
sera exécutée par l’opérateur de registre (registrar) (617) du nom de do-
maine concerné.
L’UDRP est analogue à une procédure arbitrale, mais, comme en
conclut la jurisprudence internationalement unanime (618) et la doc-
trine (619), elle ne constitue pas un arbitrage au sens juridique du terme.

(615) Art. 3 lit. B, ch. ix règles d’application.


(616) Art. 12 règles d’application.
(617) Art. 4 lit. k des principes directeurs. L’opérateur de registre est l’entité qui enregistre les
noms de domaine dans la base de données qui établit la correspondance entre les noms de domaine
et les adresses IP. Tous les opérateurs de registre des noms de domaine en <.com>, <.org>, <.net>,
<.biz>, <.info> et <.name> doivent être accrédités par l’ICANN. Ils sont contractuellement tenus
d’exécuter les décisions des institutions de règlement, sans droit de contrôle sur ces décisions.
(618) Voir par exemple Broadbridge Media LLC c. HyperCD.com, 106 F. Supp. 2d 505
(S.D.N.Y. 2000), Parisi c. NetLearning, Inc., 139 F Supp. 2d 745 (E.D. Va. 2001), Weber-Stephen
Prods Co. c. Armitage Hardware & Bldg Supply, 54 U.S.P.Q. 2d 1766 (N.D. Ill 2000), Heathmount
c. Technodome.com, 106 F Supp. 2d 860 (E.D. Va. 2000) et Michel Le P. c. Société Miss France, CA
Paris, 1ère ch., 17 juin 2004.
(619) On se bornera ici à renvoyer à ces quelques références : A. CRUQUENAIRE,
« L’identification sur Internet et les noms de domaine : quand l’unité suscite la multiplicité » in JT,
2001, vol. 120, p. 146 et seq., spéc. p. 152, P. LASTENOUSE, « Le Règlement ICANN de résolu-
tion uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine », op. cit. n. 612, p. 106 et seq., G.B.
DINWOODIE, « A New Copyright Order : Why National Courts Should Create Global Norms »
in U. Pa. L. Rev., 2000, vol. 149, p. 469 et seq., ID., « (National) Trademark Laws and the (Non-
National) Domain Name System » in U. Pa. J. Int’l Econ. L., 2000, vol. 21, p. 495 et seq., M.
HALPERN et A.K. MEHROTRA, « From International Treaties to Internet Norms : The Evolu-
tion of International Trademark Disputes in the Internet Age » in U. Pa. J. Int’l Econ. L., 2000,
vol. 21, p. 523 et seq., A.M. FROOMKIN, « Wrong Turn in Cyberspace : Using ICANN to Route
Around the APA and the Constitution » in Duke L.J., 2000, vol. 50, p. 17 et seq., D.E. SORKIN,
« Judicial Review of ICANN Domain Name Dispute Decisions » in Santa Clara Computer & High
Tech L.J., 2001, vol. 18, p. 35 et seq., E.G. THORNBURG, « Going private : Technology, Due
Process, and Internet Dispute Resolution » in U.C. Davis L. Rev., 2000, vol. 34, p. 151 et seq. et
B.G. DAVIS, « The New New Thing. Uniform Domain-Name Dispute Resolution Policy of the

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LES MODES DE L’ODR 191

En effet, elle n’exclut pas le recours antérieur, parallèle ou postérieur aux


tribunaux. Le règlement UDRP prévoit ainsi expressément qu’une décision
UDRP n’empêche pas les parties d’entamer une procédure judiciaire de
novo (620) ; une telle décision n’emporte donc nullement l’autorité de la
chose jugée. Elle n’a plus précisément aucune force obligatoire pour les
parties ; elle lie uniquement l’opérateur de registre du ou des noms de do-
maine concernés. On rappellera simplement qu’un réel arbitrage exclut tout
accès aux tribunaux étatiques si ce n’est un recours contre la sentence, li-
mité à des moyens très restreints, et qu’une sentence arbitrale est dotée
d’une force obligatoire similaire à un jugement (621). Pourtant, l’effectivité
des décisions UDRP est extrêmement élevée : la fréquence de la saisine
d’une juridiction étatique à l’issue d’une telle procédure est de l’ordre de
moins d’un pour cent des cas.
Du point de vue du volume d’affaires, le succès de la procédure de
l’ICANN est appréciable, plus de 11’000 litiges ayant été traités en moins
de cinq ans (622).

SECTION V. — Procédures judiciaires en


ligne et cybertribunaux

La différence entre ce que nous entendons par procédure judiciaire en ligne


et par cybertribunal est avant tout quantitative : le second est une procédure
judiciaire entièrement reconstituée en ligne tandis que le premier n’est
qu’une reconstitution partielle.

Internet Corporation of Assigned Names and Numbers » in JintArb, 2000, vol. 17, p. 115 et seq.,
spéc. pp. 137–138.
(620) L’art. 4 lit. k des principes directeurs dispose ainsi que la procédure UDRP « n’interdit
pas [au titulaire du nom de domaine], non plus qu’elle n’interdit au requérant, de porter le litige
devant un tribunal compétent appelé à statuer indépendamment avant l’ouverture de cette procédure
[…] ou après sa clôture » (nous soulignons).
(621) Sur ces caractéristiques de l’arbitrage, nous renvoyons aux références citées n. 596 supra.
(622) En septembre 2004, les statistiques indiquaient que plus de 6'500 affaires avaient été sou-
mises à l’OMPI (voir <arbiter.wipo.int/domains/statistics/cumulative/results-fr.html>), plus de
4'400 au National Arbitration Forum, (voir <www.arb-forum.com/domains/domain-decisions.-
asp> et effectuer une recherche sans entrée), environ 90 au CPR Institute (voir <www.cpradr.org/-
ICANN_Cases.htm>) et près de 50 à l’Asian Domain Name Dispute Resolution Centre.
EResolution, avant sa fermeture, avait eu à connaître d’environ 400 litiges.

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192 LE MOUVEMENT ODR

La première procédure judiciaire en ligne, dénommée e@dr, a été déve-


loppée en 2000 par les tribunaux de première instance de Singapour ; il
s’agit d’un programme de médiation dans lequel le médiateur est un juge ou
une personne accréditée par le tribunal. Toutes les communications s’y font
par courrier électronique (623). La procédure mise en place par les tribu-
naux anglais sous le nom de UK Money Claim Online Pilot est un second
exemple, mais très modeste dans son fonctionnement : le demandeur peut
soumettre sa requête par courrier ou formulaire électronique et une au-
dience (hors ligne) n’a lieu que si le défendeur s’oppose à la requête (624).
À cet égard, on relèvera par ailleurs l’utilisation progressive d’outils de
communication électroniques par les tribunaux, démontrant un dévelop-
pement des procédures ordinaires en direction des cybertribunaux ; les
moyens de communication ainsi utilisés sont surtout le courrier électroni-
que pour la soumission de requêtes (qui est habituellement suivie d’une
procédure hors ligne traditionnelle) et la vidéoconférence (625).
Il existe également un certain nombre de projets de cybertribunaux, qui
devraient donc opérer entièrement en ligne, mais aucun n’est à ce jour
opérationnel (626). On mentionnera surtout dans ce contexte le projet du
Michigan, qui prévoit de mettre en œuvre une procédure judiciaire com-
plète en ligne. Dans celle-ci, prévue pour les litiges commerciaux de plus de
USD 25'000 (627), les échanges avec le tribunal et les audiences se feraient

(623) Sur ce programme de médiation en ligne C.M. GANELES « Cybermediation : A New


Twist on an Old Concept » in Alb. L.J. Sci. & Tech., 2002, vol. 12, p. 715 et seq., spéc. p. 733. Sur
ce tribunal et le recours qu’il fait aux nouvelles technologies de l’information, voir Y.S. THIAN,
« Singapore » in IT Support of the Judiciary in Australia, Singapore, Venezuela, Norway, The Nether-
lands, and Italy, s. dir. A. Oskamp et al., Cambridge, Cambridge Univ. Press, 2004, p. 45 et seq.
(624) Voir <www.moneyclaim.gov.uk>.
(625) Pour une présentation de ces développements, couvrant les tribunaux allemands (soumis-
sion électronique au Bundesgericht et au Handelsgericht de Hambourg), australiens (utilisation de la
vidéoconférence), californiens (vidéoconférence et soumissions électroniques), new-yorkais (vidéo-
conférence et soumissions électroniques) et suisse (soumissions électroniques au Tribunal fédéral),
voir F. WALTHER, « Elektronischer gerichtlicher Rechtsverkehr – Bestandsaufnahme und Zu-
kunftsperspektiven » in Internet-Recht und Electronic Commerce Law. Tagungsband 2003, s. dir. O.
Arter et F.S. Jörg, Berne, Stämpfli, 2003, p. 204 et seq.
(626) Pour une introduction générale, datant de 2002 mais encore largement valable au-
jourd’hui parce que la plupart des projets avaient été développés avant cette date : S.N. EXON,
« The Internet Meets Obi-Wan Kenobi in the Court of Next Resort » in B.U. J. Sci. & Tech. L.,
2002, vol. 8, p. 1 et seq., spéc. pp. 5–9.
(627) Voir §§ 8001 al. 1, lit. b et 8005 al. 1, al. 2, lit. a–f et al. 3, lit. a–f House Bill 4140 ou
Public Act 262 de 2001 de l’État du Michigan.

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LES MODES DE L’ODR 193

par divers moyens de communication électroniques, dont notamment le


courrier électronique, la vidéoconférence et les forums de discussion (628).
L’applicabilité de cette procédure en ligne serait toutefois soumise au
consentement des deux parties (629). Elle serait par ailleurs limitée à la
première instance, une possibilité de recours étant ouverte devant les tribu-
naux ordinaires (et hors ligne) de deuxième instance (630). Une médiation
judiciaire en ligne serait également possible dans le cadre de cette procé-
dure (631). Le début des opérations, initialement prévu pour 2002, a été
reporté plusieurs fois en raison de difficultés financières de l’État du
Michigan (632). Notons encore que la Malaisie connaît également un pro-
jet de cybertribunal, et ce depuis 1997, mais il est à ce jour resté lettre
morte (633).

(628) Voir §§ 8001 al. 4, 8019 et 8015.


(629) Voir §§ 8005 al. 1, 8011, 8013 et 8019, le défendeur étant réputé accepter l’application
de la procédure en ligne s’il ne s’y oppose pas dans les 14 jours suivant la saisine du tribunal par le
demandeur.
(630) Voir § 8021, al. 1.
(631) Voir §§ 8001 al. 3 et 8023.
(632) Pour une description plus détaillée, voir L.M. PONTE, « The Michigan Cyber Court : A
Bold Experiment in the Development of the First Public Virtual Courthouse » in N.C. J. L. &
Tech., 2002, vol. 4, p. 51 et seq., spéc. pp. 58–67. Voir aussi L.M. PONTE et Th.D. CAVENAGH,
Cyberjustice : Online Dispute Resolution (ODR) for E-Commerce, New Jersey, Prentice Hall, 2004,
pp. 110–111 et <www.michigancybercourt.net>.
(633) L’annonce de ce projet avait à l’époque retenu l’attention de la presse, voir par exemple
A.N. NETTO, « Malaysia : Cyber Laws Passed to Support High-Tech Dreams », Inter Press
Service, 4 avril 1997, <us.cryptosoft.de/snews/apr97/02049700.htm>.

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CHAPITRE VI
Chapitre VI. — La confiance dans le commerce électronique

LA CONFIANCE DANS LE COMMERCE


ÉLECTRONIQUE

L’environnement dans lequel se déroule le commerce électronique, soit le


cyberespace, est nouveau, différent, surprenant, aux frontières incertaines et
aux repères troublés voire inexistants. Il est déconcertant, il suscite l’incer-
titude. Celle-ci entraîne un déficit de confiance de la part des internautes.
Or la confiance des internautes forme une condition essentielle au dévelop-
pement du commerce électronique et une des toutes premières priorités
politiques du secteur. Le consensus est clairement établi sur ce point.
L’opinion est en général exprimée avec beaucoup de vigueur et
d’empressement, et cela autant du point de vue étatique (notamment par
l’Union européenne (634), les États-Unis (635) et l’Australie (636)), que de
celui des groupements d’entreprises (637), des organisations internationa-
les (638), des associations de consommateurs (639), des associations du

(634) Voir la Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Co-


mité économique et social et au Comité des régions - Une initiative européenne dans le domaine
du commerce électronique, COM (97) 157 final, § 35, déclarant que le premier objectif est de
construire la confiance.
(635) W.J. CLINTON et A. GORE, « A Framework for Global Electronic Commerce », Wash-
ington DC, 1997, § III.8 : « in order to realize the commercial and cultural potential of the Inter-
net, consumers must have confidence ».
(636) National Alternative Dispute Resolution Advisory Council (NADRAC), Australie,
« Consumer Protection in Electronic Commerce », vol. 2, 1998 : « [it is necessary to] foster public
confidence in the electronic marketplace ».
(637) Global Business Dialogue on electronic commerce (GBDe), « The Paris Recommenda-
tions », Paris, 1999, pp. 5-10, spéc. p. 7 : « industry associations should put a high priority on
informing their members about electronic commerce and the need to build consumer confidence
in electronic commerce ».
(638) Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), « Forum on
Electronic Commerce : Report on the Forum », SG/EC(99)12, Paris, 1999, p. 6 : « users must
gain confidence in the digital marketplace. National regulatory frameworks and safeguards that
provide such confidence in the physical marketplace must be adjusted, where necessary, to help
ensure continued confidence in the context of global networks. »

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196 LE MOUVEMENT ODR

barreau (640) et des universitaires analysant le rôle de la résolution des


litiges en ligne (641). L’avenir du commerce électronique dépend de la
confiance de l’internaute, principalement de l’acheteur en ligne ou du bé-
néficiaire d’un service fourni en ligne. Comment, alors, susciter cette
confiance ?
Les ODR sont souvent présentés comme l’un des facteurs incontourna-
bles de cette confiance. Les systèmes classiques de résolution des litiges
sont trop lents et trop onéreux par rapport aux valeurs habituelles des trans-
actions électroniques, défauts que les méthodes de règlement en ligne ne
connaissent pas ou seulement dans une moindre mesure. Il ne suffit toute-
fois pas de mettre simplement en ligne des mécanismes rapides et peu
coûteux de résolution des litiges. Bien plus, il faut placer ces mécanismes au
sein d’une certaine architecture de confiance, les entourer d’autres outils
indispensables à la reconstruction d’un monde prévisible. La Commission
européenne, pour ne citer qu’un exemple, considère dans ce sens que « les
ODR sont une composante importante et inséparable d’une matrice de
mécanismes et de garanties contribuant à la création d’un climat de
confiance électronique » (642). Si l’on élargit d’ailleurs le champ d’analyse,

(639) Organisation internationale des consommateurs (Consumers International), Program for


Developed Economies and Economies in Transition, « Consumers@shopping : An international
comparative study of electronic commerce », Londres, 1999, p. 7 : « if consumers are to take full
advantage of the global shopping mall theoretically offered by the Internet, they must feel confi-
dent of receiving a consistent standard of consumer protection wherever they shop ».
(640) American Bar Association Task Force on Electronic Commerce and Alternative Dispute
Resolution and Shidler Center for Law, Commerce and Technology, University of Washington,
« Addressing Disputes in Electronic Commerce : Final Recommendations and Report » in Bus.
Law, 2002, vol. 58, p. 415 et seq., spéc. p. 437 : « it is considered axiomatic that the creation of
trust and confidence is the most critical factor for an online business to build and maintain satis-
factory customer relationships ».
(641) Ayant analysé le comportement des clients de la place de marché virtuelle eBay et ayant
notamment relevé les incertitudes liées aux identités et réputations des acheteurs et des vendeurs,
E. KATSH, J. RIFKIN et A. GAITENBY, « E-Commerce, E-Dispute, and E-Dispute Resolution :
In the Shadow of ‘eBay Law’ » in Ohio St. J. on Disp. Resol., 2000, vol. 15, p. 705 et seq., spéc.
pp. 728–729 : « eBay, like other online marketplaces, needs to be perceived as a place where risk of
loss is low and trust in the process working as advertised is high. EBay needs to address public
safety concerns because a marketplace in which offers to sell are made by persons with uncertain
identities and no reputations is likely to be a high risk and low trust environment in the extreme. If
one could not predict that auctions and transactions would occur according to expectations, the
marketplace would not thrive. »
(642) Les éléments supplémentaires à la simple résolution en ligne sont notamment, pour la
Commission européenne, des codes de conduite, des mécanismes d’exécution des décisions et une

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CONFIANCE DANS LE COMMERCE ÉLECTRONIQUE 197

dépassant le mouvement ODR comme construction de repères de justice,


si l’on tente une vue générale du cyberespace, on y observe clairement une
introduction généralisée de repères divers.
Il s’agit, en plus des repères de justice, d’une mouvance vers une meil-
leure identification des acteurs, une authentification plus certaine des par-
ties et des documents et un contrôle plus efficace des données du
commerce électronique. Au surplus, on observe une croissante socialisation
des communications numériques. En réalité, les composantes technologi-
que, sociale et institutionnelle-légale du cyberespace forment graduel-
lement une architecture commerciale. Celle-ci se construit sous la pression
du commerce en ligne, parce que tous ces repères sont nécessaires à la
confiance, qui constitue elle-même une condition du développement com-
mercial d’Internet.
Notre but, ici, est de déconstruire la problématique de la confiance pour
isoler ses composantes et de reconstruire ensuite une architecture de
confiance complète sur la base des éléments isolés, une architecture com-
prenant les ODR. Le but de cette réflexion ne sera pas la confiance ou le
commerce électronique en eux-mêmes, mais la part des ODR dans
l’édification d’une architecture de confiance. La poursuite de ce but in-
fluencera les formes que les ODR pourront prendre et ainsi leur capacité
régulatrice du commerce électronique. Les particularités, problématiques
au regard de la confiance, de l’environnement électronique que nous allons
discuter et auxquelles nous allons tenter de trouver des correctifs sont la
perte des repères physiques (ou la dématérialisation), l’éclatement de la
communauté dans laquelle se déroulent ordinairement les affaires (ou la
désocialisation) et la faiblesse (à tout le moins subjective) de la sécurité juri-
dique due à l’effacement des repères de justices (ou la déjudiciarisation).

supervision par une tierce partie : T. FENOULHET, « The Policies and Activities of the European
Union in the Field of Online Dispute Resolution (ODR) » in actes du Premier Forum sur la
résolution des litiges en ligne de la Commission Économique pour l’Europe des Nations Unis
(UNECE), Genève, 6–7 juin 2002 (trad. par l’auteur).

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198 LE MOUVEMENT ODR

Section I. — La perte des repères

Un acteur s’engageant dans une activité commerciale en ligne est inévita-


blement amené à se demander s’il peut faire confiance à son partenaire
contractuel. Hors ligne, le client d’une entreprise peut évaluer son parte-
naire en fonction d’un certain nombre d’indices et de repères physi-
ques (643). Il peut, en fréquentant ses locaux, estimer le temps depuis
lequel l’entreprise est active, son volume d’affaires et l’identité de la clien-
tèle. Une entreprise étant habituellement implantée localement, il est pro-
bable qu’il y ait d’autres personnes dans la communauté locale qui la
connaissent et qui auront un avis sur la qualité de ses services et de ses
biens. Le client peut souvent apprécier de ses yeux (de ses mains, de son
nez) la qualité de la marchandise (644). Le contact avec des représentants
de l’entreprise est également un indice du comportement de celle-ci et ces
derniers servent souvent de personnes de référence en cas de survenance
d’un différend, pour engager une première procédure informelle et interne
de gestion du litige. Si cette première procédure échoue, le client peut ha-
bituellement saisir le tribunal local – dans certains pays selon une procédure
spécialement adaptée, comme celles des cours des petites créances (small
claims courts).
Ces indices matériels (locaux, contact visuel avec les cocontractants et la
possibilité de voir, toucher et sentir leurs marchandises) sont absents des
relations électroniques. Il peut dès lors s’avérer difficile de déceler l’identité
réelle de son cocontractant ou de démontrer qu’une communication a bien
eu lieu et qu’elle avait une certaine teneur. C’est ainsi la dimension factuelle
du commerce électronique qui est fortement affaiblie. Il faut donc prendre

(643) De manière générale sur la confiance dans la connaissance par l’électronique, voir T.
GOVIER, Dilemmas of Trust, Montréal et Kingston, McGill et Queen’s Univ. Press, 1998, p. 125,
l’auteur arguant que la connaissance personnelle et directe a un statut plus élevé que, par exemple,
la connaissance médiate fondée sur des communications sans présence humaine directe, parce que
cette dernière est basée sur une expérience multidimensionnelle permettant de se faire une impres-
sion de la personne en entier en la voyant, en établissant un contact visuel, en entendant sa voix, en
voyant et jaugeant ses mouvements, ses gestes, ses réponses, etc.
(644) J. NADLER, « Electronically-Mediated Dispute Resolution and E-Commerce » in Negot.
J., 2001, 17, p. 333 et seq., spéc. pp. 335–336.

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CONFIANCE DANS LE COMMERCE ÉLECTRONIQUE 199

acte de sa dématérialisation (645). Celle-ci appelle le développement d’une


nouvelle architecture de contrôle, essentiellement technologique.
De plus, une transaction en ligne est souvent réalisée hors de toute
communauté, en raison de l’absence de contacts et de communications
horizontales, au sein des clients et des marchands. Les transactions en ligne
ont fréquemment lieu entre des partenaires qui ne savent rien l’un de
l’autre. La dimension communautaire ou sociale du commerce diffère donc
selon que l’on opère en ligne ou hors ligne. Nous qualifierons cette situa-
tion de désocialisation du commerce électronique. Celle-ci appelle la forma-
tion de nouvelles communautés de confiance.
Enfin, les tribunaux, ainsi que les autres formes de résolution des litiges
hors ligne sont souvent trop onéreux et donc inaccessibles pour les petits
litiges du commerce électronique, en raison de la distance géographique qui
sépare les parties. Il s’agit ici d’une déjudiciarisation, au sens large de perte
d’efficacité des tribunaux et des autres modes de règlement des différends.
Une réintroduction des repères de justice est en conséquence nécessaire.
Ce que nous voulons démontrer ainsi est que l’environnement électroni-
que du commerce en ligne ne connaît pas suffisamment de repères qui
permettent de juger de la confiance qu’il est raisonnable de placer dans une
transaction. Dans le commerce hors ligne, les communautés de marchands
et même la société civile en général ont développé depuis longtemps des
critères de confiance et des repères. Mais dans le commerce électronique, il
faut constater la réalité d’une nouvelle donne dans les relations de confiance
concernant les rapports commerciaux.
L’amélioration de ces relations de confiance semble requérir, de manière
primordiale, une meilleure gestion de la perception du risque. Certes, les
internautes sont également exposés à certains risques objectifs. Par exem-
ple, les parties à une transaction électronique sont généralement amenées à
ne pas s’exécuter simultanément et la partie qui remplit la première ses
obligations – le paiement par l’acheteur, en principe – craindra naturel-

(645) Sur les différences structurelles entre le commerce en ligne et hors ligne, G.
KAUFMANN-KOHLER, « Commerce électronique : droit applicable et résolution des litiges » in
Rec. Cours La Haye, à paraître, l’auteur concluant à la dématérialisation, la détemporalisation et la
délocalisation du commerce électronique.

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200 LE MOUVEMENT ODR

lement que l’autre partie ne remplisse pas les siennes (646). De surcroît,
tout contrat à distance implique des risques supérieurs à un simple échange
de main à main (647). Cependant, de nombreuses études laissent penser
que le vrai problème semble résider davantage dans la perte des repères
connus dans l’environnement électronique que dans les risques objective-
ment encourus (648). Partant, même si la protection des cybercommer-
çants et des consommateurs en ligne doit sans aucun doute être encore
renforcée, l’internaute doit avant tout être simplement replacé dans un
environnement de confiance. Comme l’écrit Ethan Katsh, « les signes de
confiance, qui étaient jusqu’à présent perçus implicitement et qui ont été
formés depuis bien longtemps par l’expérience, doivent maintenant être
créés ou recréés par le code informatique. Tout comme il existe de nouvel-
les possibilités de susciter le développement de relations sociales en ligne, il
y a également de nouvelles manières de gérer le risque perçu dans un nou-
vel environnement » (649).
Recréer un environnement de confiance, arguerons-nous, ne peut se
faire que par une transformation partielle de l’architecture dans laquelle la

(646) Sur la méfiance inhérente aux rapports contractuels dans lesquels l’exécution des presta-
tions est asynchrone, L.H. BLUHM, « Trust, Terrorism, and Technology » in J. Bus. Ethics, 1987,
vol. 6, p. 333 et seq., spéc. p. 338 : « in the marketplace, where the self-interest of one actor is
likely to be advanced at the expense of another, there is an inherent fear that others will succumb
to the temptation to misrepresent behavior and use deception in the exchange process ».
(647) Pour une liste des risques inhérents à la vente à distance pour le consommateur, H.
KÖHLER, « Die Rechte des Verbrauchers beim Teleshopping (TV-Shopping, Internet-Shop-
ping) » in NJW, 1998, p. 185 et seq., spéc. p. 186.
(648) La crainte la plus fréquemment citée par les internautes est l’utilisation frauduleuse de
leur carte de crédit. Pourtant, les détenteurs de cartes de crédit sont en général bien protégés contre
ce risque : en droits européens, R. PICHLER, « Kreditkartenzahlung im Internet » in NJW, 1998,
p. 3234 et seq., spéc. p. 3237. En droit américain, R. GAINER, « Allocating the Risk of Loss for
Bank Card Fraud on the Internet » in J. Marshall J. Computer & Info. L., 1996, vol. 15, p. 39 et
seq., spéc. p. 48 : « consumers should not be concerned about potential theft of their bank card
data, because federal statutes generally prevent the consumer from incurring liability for any sig-
nificant misuse of the card data » et J. KAUFMAN WINN, « Clash of the Titans : Regulating the
Competition Between Established and Emerging Electronic Payment Systems » in Berkeley Tech.
L.J., 1999, vol. 14, p. 675 et seq., spéc. p. 687 : « [US laws on credit cards] minimize the trans-
action risks assumed by consumers in Internet transactions by shifting the risks back onto the
merchant, the merchant’s bank or the card issuer. »
(649) E. KATSH, « Adding Trust Systems to Transaction Systems : The Role of Online Dis-
pute Resolution » in actes du Premier Forum sur la résolution des litiges en ligne de la Com-
mission Économique pour l’Europe des Nations Unis (UNECE), Genève, 6–7 juin 2002, <www.-
ombuds.org/un/unece_june2002.doc>, p. 4.

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CONFIANCE DANS LE COMMERCE ÉLECTRONIQUE 201

transaction se déroule. Plus précisément, il est nécessaire de conférer à cette


architecture un degré plus important de similitude par rapport au monde
commercial hors ligne, ce dernier constituant le contexte d’échange de réfé-
rence. Cette transformation doit s’opérer sur les plans technologique, à
cause de la dématérialisation ; sociale, à cause de la désocialisation ; et intitu-
tionnelle-légale, à cause de la déjudiciarisation.

SECTION II. — Vers une architecture de


contrôle

Il y a une dizaine d’années encore, les autorités publiques jugeaient le cy-


berespace insuffisamment sûr pour y faire du commerce ; il était ainsi in-
terdit, aux États-Unis, d’utiliser Internet à des fins commerciales jusqu’en
1991. La National Science Foundation, qui avait émis cette interdiction,
estimait que le cyberespace ne présentait pas une architecture technologi-
que offrant la sécurité nécessaire à l’exploitation d’une activité commerciale
et que le code informatique, en l’état, ne permettait pas un contrôle suffi-
sant des activités menées en ligne. Il est vrai qu’Internet avait été conçu à
l’origine comme outil de communication destiné à la recherche, ultérieu-
rement quelque peu adapté aux exigences que posait son utilisation mili-
taire, mais jamais prévu pour conclure ou exécuter des contrats en
ligne (650). Les protocoles originaires de transmission de données, au-
jourd’hui encore largement utilisés, ne visaient que l’ouverture d’Internet et
sa capacité à communiquer avec divers réseaux. La valeur principale qui
sous-tendait le code originaire était la liberté. Cette valeur conditionnait
toute la configuration du cyberespace et déterminait son architecture. On
ne se souciait guère de la sécurité, de la confidentialité ou de la traçabilité
des informations échangées. Les communications empruntant ce jeune
Internet pouvaient facilement être interceptées et les informations volées ;
mais les utilisateurs de ce réseau ne s’en souciaient guère, car il s’agissait

(650) G.L. GRANT, Understanding Digital Signatures : Establishing Trust over the Internet and
other Networks, New York, McGrave-Hill, 1998, p. 5.

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202 LE MOUVEMENT ODR

principalement de libertaires chevronnés en informatique qui arrivaient à


leurs fins par des méthodes ad hoc (651).
Depuis lors, la valeur sous-jacente au code a changé. Comme l’explique
Lawrence Lessig, le cyberespace est en train de passer d’une architecture de
liberté à une architecture de contrôle, sous la pression des secteurs écono-
miques. La valeur sous-tendant le code n’est plus tant la liberté que l’utilité
commerciale d’Internet (652). Le cyberespace se transforme parce que
l’économie et le commerce en ligne ne sont pas aussi libertaires et adapta-
tifs que les pionniers d’Internet : une plateforme commerciale doit présen-
ter certaines propriétés nécessaires à tout commerce, certains outils de
contrôle qui la rendent régulable et qui constituent autant de repères indis-
pensables pour inspirer la confiance.
Lessig donne un aperçu des outils facilitant le contrôle des activités dans
le cyberespace, développés sous la pression du commerce électronique et
constituant autant d’exemples de la relation existant entre rematérialisation
de l’environnement commercial et confiance. Toute architecture de
confiance pour une activité commerciale, affirme l’auteur, est par essence
une architecture de contrôle matériel et doit offrir les propriétés suivantes :
« (1) l’authentification, pour s’assurer de l’identité de son correspondant ;
(2) l’autorisation, pour s’assurer qu’une personne est habilitée à exercer une

(651) La déclaration la plus libertaire, correspondant largement à l’idéal du jeune Internet, est
probablement celle de John Perry Barlow, quand il s’exclamait, dans sa célèbre Déclaration
d’indépendance du cyberespace, que « [l]e Cyberespace est constitué de transactions, de relations et de
Pensée elle-même, surgissant partout, telle une vague, sur la toile de nos communications. Notre
monde est à la fois partout et nulle part, mais pas là où vivent nos corps. Nous sommes en train de
bâtir un monde où tous peuvent entrer sans privilège ni préjudice accordé par la race, le pouvoir
économique, la force militaire ou le rang de naissance. Nous sommes en train de créer un monde
où n’importe qui, n’importe où, peut exprimer ses croyances, aussi étranges soient-elles, sans
crainte d’être réprimé et enfermé dans le silence ou le conformisme. Vos définitions légales de
propriété, d’expression, d’identité, de mouvement, de contexte ne s’appliquent pas à nous. Ils sont
basés sur la matière, et ici, il n’y pas de matière... Nos identités n’ont pas de corps, donc, contrai-
rement à vous, nous ne pouvons pas créer l’ordre par la coercition physique. »
(652) L. LESSIG, Code and Other Laws of Cyberspace, New York, Basic Books, 1999, not. p. 30 :
« the nature of the Net is set by its architecture, and […] the possible architectures of cyberspace
are many. The values that these architectures embed are different, and one type of difference is
regulability – a difference in the ability to control behavior within a particular cyberspace. Some
architectures make behavior more regulable ; other architectures make behavior less regulable.
These architectures are displacing architectures of liberty. […] As the Net is being remade to fit
the demands of commerce, architectures are being added to make it serve commerce more effi-
ciently. »

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CONFIANCE DANS LE COMMERCE ÉLECTRONIQUE 203

certaine fonction ; (3) la sécurisation des échanges d’informations, pour


s’assurer du respect de la confidentialité des données échangées ; (4) l’inté-
grité, pour s’assurer qu’une information transmise n’a pas été altérée en
route ; et (5) la non-répudiation, pour s’assurer que l’expéditeur ne puisse
pas contester son envoi ou que le destinataire ne puisse pas contester la
réception » (653).
Dans l’espace réel, poursuit-il, ces propriétés sont réalisées par des
« architectures familières d’espace réel ». L’authentification d’un partenaire
commercial se fait soit par l’apparence physique soit par la présentation
d’une pièce d’identité, l’autorisation par des documents indiquant un man-
dat, la sécurisation des échanges par des enveloppes fermées ou cachetées,
l’intégrité par l’exercice de compétences graphologiques et la non-répudia-
tion par des envois recommandés. Ces outils forment l’architecture de
contrôle familière de l’espace réel et leur mise en œuvre constitue souvent
une condition de participation à une activité commerciale. Il convient
d’observer qu’il s’agit là d’un environnement construit, de créations sociales
et commerciales.
Dans le code originaire du jeune Internet, ces outils, cette architecture et
ces constructions n’existaient pas. Il a fallu, et il faut encore, les créer, les
développer. Si hors ligne il existe de nombreux indices (dont nous ne nous
servons souvent qu’inconsciemment) permettant d’estimer si un canal de
communication est suffisamment sûr pour qu’un numéro de carte de crédit
soit communiqué, en ligne ces repères n’existent pas ou sont largement
affaiblis ; il a donc fallu en trouver d’autres. L’une des solutions est ainsi de
protéger des zones du cyberespace par le protocole SSL et d’indiquer cette
protection dans la barre d’adresse du navigateur (qui affiche https://… au
lieu de http://… quand l’utilisateur échange des informations par
l’intermédiaire d’une page web sécurisée). L’authentification de partenaires
commerciaux, quant à elle, s’opère de manière croissante par signatures
électroniques (à tout le moins pour les transactions importantes) et ce
même outil informatique permet de coder le contenu d’un message de ma-
nière à ce que toute modification en route puisse aisément être constatée.
Cependant, cette architecture de contrôle (ou de confiance) doit encore
être améliorée. Les signatures électroniques sont trop onéreuses et les sys-

(653) L. LESSIG, Code and Other Laws of Cyberspace, op. cit. n. 653, p. 40 (trad. par l’auteur).

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204 LE MOUVEMENT ODR

tèmes d’identification ne sont pas suffisamment souples ni assez répandus.


Selon Lessig, nous nous dirigeons ainsi vers le développement de cartes
d’identités numériques et de sortes de casiers commerciaux (équivalent com-
mercial du casier judiciaire) accessibles en ligne (654) ; c’est simplement,
explique-t-il, que « le commerce en ligne ne se développera pas complète-
ment tant qu’une telle architecture ne sera pas établie » (655).
On assiste ainsi à un mouvement de rematérialisation du cyberespace
pour le commerce électronique. Le cyberespace est un nouvel environne-
ment pour le commerce, où les repères matériels habituels, les outils de
contrôle constituant l’architecture du commerce traditionnel, ont dû et
doivent encore être reconstruits. Vu la nature essentiellement technologi-
que du cyberespace, ce sont en premier lieu des outils technologiques de
contrôle qui sont capables de répondre à l’affaiblissement de la matérialité
du commerce. Puisque l’environnement technologique induit ce manque
d’outils de contrôle (qui entraîne à son tour la méfiance dans le commerce
électronique), il est nécessaire de transformer partiellement cet environne-
ment et de modifier l’architecture du cyberespace. On a pu constater par
ailleurs que ce mouvement de rematérialisation a déjà fait un certain che-
min, puisque les autorités publiques ont permis l’utilisation commerciale du
cyberespace. Ce chemin n’est toutefois pas encore assez long pour atteindre
pleinement la confiance des acteurs du commerce électronique.
Il semble ainsi acquis que les acteurs économiques, principalement les
internautes moins expérimentés, estiment l’environnement électronique
encore trop incertain pour se lancer couramment dans le commerce élec-
tronique. La perte des repères matériels utilisés dans les activités commer-
ciales habituelles constitue un facteur important de cette méfiance. C’est

(654) Une première réalisation de cette prophétie nous est donnée par la Chine, qui a récem-
ment introduit une carte d’identité pour Internet, obligatoire dans les cybercafés. La carte fonc-
tionne de cette manière : « [the] system requires customers to register their names, ages and ad-
dresses, information which is then loaded into a police database […]. They get an access card,
which is swiped on an identifying machine when they go online. That sends a signal to police who
continuously monitor the Web for people attempting to reach barred sites. Police can also block
access to selected cardholders » : Ch. BODEEN, « China Launches Net Cafe ID System » in
FindLaw (Associate Press), 4 Novembre 2002, <news.findlaw.com/ap/ht/1700/11-4-2002/2002-
1104124501_01.html>.
(655) L. LESSIG, Code and Other Laws of Cyberspace, op. cit. n. 653, p. 42 (trad. par l’auteur).

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CONFIANCE DANS LE COMMERCE ÉLECTRONIQUE 205

dans ce contexte que les ODR doivent opérer, sur cette scène, notamment,
qu’ils doivent jouer leur rôle.
Le mouvement de rematérialisation et la résolution des litiges en ligne
entretiennent deux relations, que nous examinerons tour à tour dans ce qui
suit.

SOUS-SECTION I. — LA MATÉRIALISATION DES


PROCÉDURES DE RÉSOLUTION DES LITIGES EN
LIGNE

La première relation entre rematérialisation et ODR est une incidence


procédurale : la procédure ODR est conditionnée par la rematérialisation.
La quasi-totalité des problèmes juridiques que pose l’arbitrage en ligne sont
dus à la dématérialisation des communications (656). On citera notamment
l’exigence de l’écrit pour la conclusion des clauses d’arbitrage, le droit d’être
entendu lors de la procédure arbitrale et plus précisément le droit à des
débats oraux, ou encore la nécessité de fournir l’original ou une copie
conforme de la sentence arbitrale en vue de sa reconnaissance ou de son
exécution (657). On le voit bien : toutes ces exigences sont matérielles ;
hors ligne, elles constituent toutes des repères procéduraux, des outils de
contrôle des comportements des parties et des autres faits du commerce.
En ligne, ces exigences soulèvent des questions parce que la matière sur
laquelle elles se basent n’est plus utilisée. L’écrit, au sens originel de docu-
ment écrit sur un support en papier, est remplacé par des courriers électro-
niques ou des clics de souris qui semblent à première vue éphémères. Le
droit d’être entendu ne peut être exercé que par des moyens électroniques
et les débats oraux prennent la forme de vidéoconférences ou d’audiences
écrites dans des chat rooms ; les communications évacuent ainsi des éléments

(656) G. KAUFMANN-KOHLER, « Commerce électronique : droit applicable et résolution des


litiges », op. cit. n. 645, « la dématérialisation a des incidences lorsqu’une forme est requise, comme
l’écrit en matière de clauses d’arbitrage ou d’élection de for. Elle a encore une incidence s’agissant
de procédures en ligne. »
(657) Voir art. IV CNY. Toutes ces questions seront analysées plus substantiellement dans
Section II. — Intégration de la résolution des litiges en ligne dans les ordres juridiques étatiques,
p. 389 et seq. infra. Ici, nous n’entendons que mettre en contexte les ODR, indiquer les incidences
que peuvent avoir, sur ces derniers, les tendances générales de l’évolution du cyberespace. Le
commerce électronique, le cyberespace et les ODR entretiennent une relation dialectique,
s’inspirant l’un de l’autre et se conditionnant réciproquement.

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206 LE MOUVEMENT ODR

importants de matérialité qui sont ancrés, souvent de manière implicite,


dans la loi. Les notions d’original et de copie conforme sont non seulement
difficiles à concevoir en forme électronique mais leur réalisation paraît éga-
lement beaucoup plus falsifiable que pour leur équivalent papier. Pour les
acteurs du commerce électronique, ces questions constituent le prolonge-
ment dans la résolution des litiges de l’effacement des repères matériels que
connaît leur activité commerciale.
Les voies actuellement empruntées pour répondre aux questions juridi-
ques de l’arbitrage en ligne sont largement bilatérales et même souvent
dialectiques, combinant des éléments juridiques et technologiques. Ainsi,
du côté du droit, on voit surtout le développement de la notion d’équivalent
fonctionnel, c’est-à-dire l’idée qu’un document électronique peut, à certains
conditions, remplir les mêmes fonctions qu’un document papier (658). Du
côté de la technologie, on observe le développement de services de messa-
gerie plus perfectionnés, utilisant par exemple des formats d’échange d’in-
formations standardisés, ou le recours aux signatures électroniques (659).
Un autre exemple de l’introduction dans les procédures ODR de repères
numériques équivalents aux repères matériels est l’utilisation d’agents élec-
troniques qui suivent toutes les communications des parties (660), bloquant

(658) On peut ainsi lire, dans les commentaires introductifs à la loi modèle CNUDCI sur le
commerce électronique, ce passage qui reflète bien les différentes fonctions de l’écrit, qui consti-
tuent autant de repères matériels pour un acteur commercial : §16 « la Loi type propose donc une
nouvelle approche, parfois désignée sous l’appellation ‘approche fondée sur l’équivalent fonction-
nel’, qui repose sur une analyse des objectifs et des fonctions de l’exigence traditionnelle de docu-
ments papier et vise à déterminer comment ces objectifs ou fonctions pourraient être assurés au
moyen des techniques du commerce électronique. Par exemple, un document papier assume no-
tamment les fonctions suivantes : fournir un document lisible par tous ; fournir un document
inaltérable ; permettre la reproduction d’un document de manière à ce que chaque partie ait un
exemplaire du même texte ; permettre l’authentification des données au moyen d’une signature ;
enfin, assurer que le document se présentait sous une forme acceptable par les autorités publiques
et les tribunaux. Il convient de noter que pour toutes les fonctions du papier susmentionnées, les
enregistrements électroniques peuvent garantir le même niveau de sécurité. »
(659) Les formats d’échange d’informations standardisés sont des protocoles de transmission de
données permettant aux systèmes informatiques de comprendre les informations échangées, c’est-à-
dire d’appréhender la signification de leur contenu sémantique. Ces formats, plus connus sous le
nom d’XML (Extensible Markup Language), sont parfois développés spécifiquement pour les
ODR : voir par exemple les travaux du Joint Research Center, Commission européenne, <econfi-
dence.jrc.it>.
(660) Sur la réalité de l’utilisation de tels agents électroniques filtrant et enregistrant toutes les
communications, voir par exemple E-Arbitration-T, Online Arbitration : What Technology can do for

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CONFIANCE DANS LE COMMERCE ÉLECTRONIQUE 207

les messages qui pourraient constituer une violation du droit au procès


équitable (661). Finalement, pour la reconnaissance et l’exécution de la
sentence sous la Convention de New York, la solution généralement
recommandée et souvent utilisée en pratique est simplement d’imprimer la
sentence, de la faire signer par les arbitres et de l’envoyer ensuite par cour-
rier traditionnel (662).
Ces questions seront développées plus avant quand nous analyserons les
particularités de l’arbitrage en ligne (663). Il importe simplement d’obser-
ver ici le mouvement généralisé de rematérialisation, de réintroduction de
repères et d’outils de contrôle électroniques dans le commerce en ligne et
dans les procédures ODR.

Arbitral Institutions, IST-2000-25464/11.5/UBRUN/2048/R/2, 2003, <www.e-arbitration-t.-


com/papersadr/ubrun_seminar_content.pdf>, p. 12.
(661) Nous pensons ici notamment aux communications ex parte, entre l’arbitre et l’une des
parties seulement. Ces communications mettent en péril les trois principes fondamentaux du droit
au procès équitable (ou due process, soit l’égalité des parties, le droit d’être entendu et le principe du
contradictoire) : A. REDFERN et M. HUNTER, Law and Practice of International Commercial Arbi-
tration, 3ème éd., Londres, Sweet & Maxwell, 1999, pp. 217–218. Voir aussi M. BLESSING, Intro-
duction to Arbitration – Swiss and International Perspectives, Bâle, etc., Helbing & Lichtenhahn,
1999, §§ 863–866. Pour une brève discussion des principes fondamentaux du procès équitable, P.
LALIVE, « Principe d’inquisition et principe accusatoire dans l’arbitrage commercial international »
in Rev. dr. unif., 2001, p. 887 et seq., spéc. p. 895. Voir aussi D. PROTOPSALTOU, Th. SCHULTZ
et N. MAGNENAT-THALMANN, « Taking the fourth party further ? », op. cit. n. 602.
(662) J. ARSIC, « International Commercial Arbitration on the Internet – Has the Future
Come Too Early ? » in JintArb, 1997, vol. 14, p. 209 et seq., spéc. p. 217 : « though nowhere
specifically required by the New York Convention, it is questionable whether an arbitral award
itself – made on the Internet and written in an electronic version with the digital signatures of
arbitrator – would qualify as an original copy of the arbitral award. One practical solution to this
problem would be to send the printed version of the arbitral award to the arbitrators to sign it, or
to use trusted third party services to confine that the digital signatures are those of the arbitrators. »
M.E. SCHNEIDER et Ch. KUNER, « Dispute Resolution in International Electronic Commerce »
in JintArb, 1997, vol. 14, p. 5 et seq., spéc. p. 24 : « the parties to an online arbitration are well
advised to require the arbitrators to issue a hard copy of the award, in order to comply with the
requirements of form to make it binding on the parties. » Voir aussi A. VAHRENWALD, « Out-of-
Court Dispute Settlement Systems for E-Commerce, Report on Legal Issues », Partie IV,
« Arbitration », rapport du Joint Research Center, Commission européenne, Ispra, 2000, <econfi-
dence.jrc.it>, p. 112. Nous avons pu conclure ailleurs qu’il s’agit là de la solution la plus sûre dans le
contexte actuel, mais qu’elle ne correspond pas à l’esprit de rapidité et de faibles coûts des ODR,
voir Th. SCHULTZ, « Online Arbitration : Binding or Non-Binding ? » in ODR Monthly, novem-
bre 2002, <www.ombuds.org/center/adr2002-11-schultz.html>.
(663) Voir Section II. — Intégration de la résolution des litiges en ligne dans les ordres
juridiques étatiques, p. 389 et seq. infra.

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208 LE MOUVEMENT ODR

SOUS-SECTION II. — ODR, LABELS ET


CONFIANCE DANS LE COMMERCE ÉLECTRONIQUE

La deuxième relation qu’entretiennent rematérialisation et règlement en


ligne des différends tient au contrôle technologique que les institutions
d’ODR sont amenées à exercer sur les opérateurs du commerce électroni-
que et leurs clients.
Tous les outils et repères dont il a été fait mention dans ce qui précède
concernent le bon déroulement (et la confiance dans le bon déroulement)
soit de la procédure de conclusion et d’exécution du contrat, soit de la pro-
cédure de résolution d’un litige. Ces éléments ne concernent toutefois pas
la prévision de la conduite commerciale du marchand en ligne et de son
comportement en cas de litige. Les outils de contrôle de l’identité du co-
contractant, de la non-répudiation des communications, de la sécurisation
des informations ou encore du bon déroulement formel-légal de la procé-
dure de règlement des différends (validité de la clause, respect du droit au
procès équitable, notification et transmission de la sentence pour son exé-
cution) ne permettent pas de contrôler, ni même de vérifier les pratiques
habituelles du partenaire commercial auquel un internaute est confronté.
Pour introduire un repère qui permette de prévoir ce comportement, il est
nécessaire de développer ce qu’Ethan Katsh appelle les « systèmes de
confiance », qui doivent complémenter les « systèmes de transac-
tion » (664).
Selon Katsh, les développements dans le domaine du commerce en ligne
se sont à ce jour concentrés essentiellement sur la mise en relation de mar-
chands et de clients potentiels. Les acteurs numériques se sont efforcés
d’assurer à leur marché de faibles coûts, des sites web aisément accessibles
et la disponibilité de mécanismes de conclusion de contrats qui soient sou-
ples, efficaces et économiquement efficients. Grâce à ces développements,
des processus relativement sophistiqués existent aujourd’hui sur Internet
pour amener les parties à conclure des transactions en toute facilité : ce sont

(664) E. KATSH, « Adding Trust Systems to Transaction Systems : The Role of Online Dis-
pute Resolution », op. cit. n. 649, p. 3 : « the systems that bring buyers and sellers together so that
it is possible for transactions to occur need to be joined by systems that allow buyers to feel com-
fortable and confident in engaging in the transaction. For this to occur, transaction systems must
be joined by trust systems. »

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CONFIANCE DANS LE COMMERCE ÉLECTRONIQUE 209

là les « systèmes de transaction » (665). Si le commerce en ligne ne connaît


pas actuellement l’essor que l’on pouvait attendre, poursuit l’auteur, c’est
que l’importance de mécanismes induisant la confiance des parties, c’est-à-
dire ces systèmes de confiances que nous venons de mentionner, n’a pas été
suffisamment prise en considération (666). La propriété de ces systèmes est
qu’ils visent à améliorer la mise en relation des acteurs commerciaux de
manière à susciter la volonté de ces acteurs de conclure une transaction, en
leur inspirant confiance dans ce système de relations plutôt qu’en leur fai-
sant miroiter, comme le font la plupart des outils commerciaux actuel-
lement utilisés sur Internet, des transactions particulièrement aisées,
profitables ou rapides. Comme exemples de tels mécanismes, on peut pen-
ser aux infrastructures à clé publique des signatures électroniques (667) ou à
l’accréditation de sites de commerce électronique par des associations de
consommateurs ou d’autres entités de confiance.
Les relations entre opérateurs du commerce électronique et institutions
de résolution des litiges en ligne sont influencées par cette nécessité de
développer des systèmes de confiance. Concrètement, cette influence
s’exprime par l’utilisation de labels. Il s’agit là de marques ou sceaux de
confiance (668), prenant la forme d’un logo visualisé sur un site web et
dont l’affichage est contrôlé, dans cette hypothèse, par une institution de
règlement en ligne des différends. Le label est en principe le témoin du

(665) Ibid. : « bringing the parties together was the first challenge that ecommerce entrepre-
neurs needed to address. Once online opportunities for interaction were designed, it was necessary
to construct the payment and other processes that allow for the commercial exchange of goods. »
(666) Ibid. : « we have impressive new systems for bringing interested buyers together with in-
terested sellers. eCommerce will not thrive, however, only by making it possible to make purchases.
Buyers also need to be willing to make purchases. »
(667) « L’expression d’‘infrastructure à clé publique’ désigne l’organisation des activités de certi-
fication selon un modèle pyramidal et hiérarchisé. […] L’organisation pyramidale de
l’infrastructure de signature électronique est ainsi coiffée dans chaque État par un organisme de
contrôle appelé root authority. Le système est fondé sur une certification en cascade, l’autorité
centrale exerçant un contrôle sur les organismes de certification qui, à leur tour, certifieront des
organes se trouvant sous leur dépendance (par exemple, les autorités d’enregistrement chargées de
procéder à la vérification de l’identité du signataire) » : O. CACHARD, La régulation internationale
du marché électronique, Paris, LGDJ, 2002, p. 300. Sur le fonctionnement de la cryptographie à clé
publique et de celle à clé privée (dans la première, la clé de décryptage est accessible librement sur
Internet, dans la seconde, elle doit être communiquée par le crypteur au destinataire), voir B.
SCHAUER, E-Commerce in der Europäischen Union, Vienne, Manz, 1999, pp. 52–57.
(668) La terminologie anglo-américaine des labels dans le cadre des ODR utilise le terme trust-
mark.

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210 LE MOUVEMENT ODR

respect par le cybermarchand d’un code de bonne conduite commerciale


donné et de l’acceptation du marchand de participer à une procédure en
ligne en cas de litige. L’idée est, d’un côté, de construire une architecture de
contrôle des opérateurs du commerce électronique, dans laquelle le contrôle
s’effectue a posteriori lors de la résolution d’un litige par l’institution
d’ODR. De l’autre, on vise à matérialiser cette relation par un signe figu-
rant sur le site web. Du point de vue de la confiance, le but de cette cons-
truction est que le label constitue un repère pour les internautes. Ce repère
doit inspirer leur confiance, à l’instar des nombreux indices existant hors
ligne aidant à prévoir les comportements des partenaires commerciaux lors
de la conclusion ou de l’exécution d’une transaction, ou lors de la surve-
nance d’un litige.
L’objectif de cette introduction aux labels, auxquels nous aurons
l’occasion de revenir pour de plus amples développements (669), est de
faire apparaître les connexions suivantes : premièrement, la confiance dans
le commerce électronique dépend de la rematérialisation du cyberespace et
du déploiement d’une architecture de contrôle. Ensemble, rematérialisation
et architectures de contrôle forment une totalité organique, dans ce sens
que ces deux éléments agissent comme un tout et que ce tout a des pro-
priétés – une réelle création de confiance – qui manquent à chacun des
éléments constitutifs. Deuxièmement, une telle architecture de contrôle se
construit notamment par une mise en relation des acteurs du commerce
électronique, visant la constitution de réseaux socioéconomiques de
confiance ; cette relation est matérialisée, exprimée, par des outils ou des
signes particuliers. Finalement, les ODR participent à cette rematérialisa-
tion du cyberespace, et à celle des réseaux socioéconomiques, par
l’utilisation des labels ; ces derniers permettent l’établissement d’une archi-
tecture de contrôle des marchands du commerce en ligne.
Jusqu’ici, nous avons essentiellement analysé les transformations tech-
nologiques du cyberespace qui sont nécessaires au développement d’une
architecture de contrôle. Toutefois, transformer l’architecture technologi-
que ne suffit pas à reconstruire un environnement de confiance pour le
commerce électronique. Les dimensions sociale et institutionnelle-légale de
l’environnement dans lequel la transaction se déroule doivent encore être

(669) Voir A. — Labellisation des sites web, p. 353 et seq. infra.

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CONFIANCE DANS LE COMMERCE ÉLECTRONIQUE 211

rendues plus similaires à l’environnement commercial hors ligne. Dans ce


qui suit, nous nous attacherons en conséquence à étudier l’importance et la
possibilité de reformer des communautés de confiance dans le cyberespace,
dont le but serait de contribuer au développement d’une architecture sociale
pour le commerce en ligne. Ensuite, dans la section qui suivra, nous por-
terons notre attention au cadre institutionnel-légal du commerce électroni-
que.

SECTION III. — Reformer des communautés


de confiance

Nous avons souvent eu recours, jusqu’à présent, au terme confiance. Si son


acception intuitive a suffit pour la réflexion qui a précédé, il est nécessaire,
avant de poursuivre, de préciser cette notion. Elle connaît en effet au moins
deux dimensions distinctes et la suite de notre raisonnement repose sur une
dichotomie inspirée de ces deux dimensions. La langue française connaît à
cet endroit une pauvreté conceptuelle qui nous oblige à nous tourner vers
l’anglais et l’italien (670).
La confiance, au sens général de confidence, renvoie à un état d’esprit, à la
prévision du bon déroulement d’une affaire. Cet état d’esprit peut être ré-
alisé par l’une des deux dimensions de la confidence. La première dimension
est le trust, la fiducia, c’est-à-dire, dans une situation n’impliquant que deux
acteurs, l’assurance de l’un d’eux se fiant à l’autre avec le sentiment que la
réalisation du comportement attendu de lui est probable : dans la problé-
matique du commerce électronique, cela signifie que le client qui fait
confiance s’attend à ce que son partenaire contractuel se comportera en
honnête marchand. La seconde dimension est la reliance, l’affidamento,
c’est-à-dire, dans une situation impliquant au moins trois acteurs,
l’assurance de celui qui se fie à un tiers avec le sentiment que l’intervention
de celui-ci est probable en cas de difficulté dans une situation donnée, par
exemple lors de la survenance d’un litige relatif à une transaction électroni-
que.

(670) Le Petit Robert définit le vo « confiance » par : « Espérance ferme, assurance de celui qui
se fie à quelqu’un ou à quelque chose », et le vo « espérance » par : « sentiment qui fait entrevoir
comme probable la réalisation de ce que l’on désire ».

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212 LE MOUVEMENT ODR

Cette distinction aide à préciser les causes du manque de confiance dans


le commerce électronique. Au-delà d’une perte globale de confiance due à
la dématérialisation, qui concerne la confiance dans ses deux dimen-
sions (671), on peut constater, d’un côté, un manque de trust, dû à la dé-
socialisation du commerce électronique, qui demande une reformation de
communautés de confiance (qui prendront la forme de communautés nu-
mériques). De l’autre, on observe un manque de reliance, dû à la déjudicia-
risation, soit à la crise du cadre institutionnel-légal dans le cyberespace.
Nous y reviendrons dans la prochaine section. Avant cela, il convient d’étu-
dier les communautés de confiance.

SOUS-SECTION I. — DES RÉSEAUX CHOISIS DE


SOCIABILITÉ

Les pionniers de l’interaction sociale sur Internet défendaient un propos


ambitieux : ils concluaient à une communauté mondiale du cyberespace
réunissant la quasi-totalité des internautes (672). À l’heure des premiers
développements du cyberespace, l’hypothèse d’un lien social aussi fort et
aussi large à la fois était probablement défendable au vu du faible nombre
de participants et de leur cohésion sociale relativement marquée (673).
Avec le développement commercial d’Internet, il ne fait aucun doute que
cela n’est plus vrai (674). Bien au contraire, la conclusion s’impose d’elle-
même qu’il n’est plus aujourd’hui de communauté rassemblant ne serait-ce
qu’une grande majorité des utilisateurs d’Internet, pour ne pas parler de la
totalité de ceux-ci, et ce quelle que soit la définition que l’on puisse retenir

(671) Nous venons de conclure que la dématérialisation rend nécessaire l’édification d’une ar-
chitecture technologique de contrôle, importante autant pour la prévisibilité des comportements du
cocontractants (donc pour le trust) que pour l’activité des ODR (donc pour la reliance).
(672) Voir par exemple D.R. JOHNSON et D.G. POST, « Law and Borders – The Rise of Law
in Cyberspace » in Stan. L. Rev., 1996, vol. 48, p. 1367 et seq., spéc. p. 1387, évoquant la
« communauté du Net » et les « citoyens du cyberespace ».
(673) Les premiers internautes étaient largement des contestataires désireux de construire un
monde nouveau, ils interagissaient beaucoup et présentaient des traits de caractère communs assez
marqués : M. CASTELLS, La galaxie Internet, trad. Ph. Chemla, Paris, Fayard, 2001, p. 150.
(674) A.L. SHAPIRO, « The Disappearance of Cyberspace and the Rise of Code », op. cit. n.
453, p. 710 : les communautés originaires ont été dissoutes par l’utilisation commerciale du Net,
moins interactive et socialisante.

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CONFIANCE DANS LE COMMERCE ÉLECTRONIQUE 213

du terme communauté (675). Il faut aujourd’hui admettre l’existence, dans le


cyberespace, d’une hétérogénéité culturelle forte, d’une diversité identitaire
marquée et d’une altérité souvent décrite comme emblématique de la so-
ciété postmoderne. La cause en réside largement dans la déterritorialisation
ou l’ubiquité du cyberespace, qui réunit des individus d’horizons très (ou
trop) variés (676).
Néanmoins, l’idée de la présence de communautés en ligne ne doit pas
être écartée. Pour mieux comprendre la formation et le développement, les
buts et le fonctionnement de ces communautés, nous nous proposons ici de
suivre le sociologue Manuel Castells, qui insère cette problématique dans
une discussion générale de la sociabilité de l’environnement électroni-
que (677).
Quand on aborde la sociabilité de l’environnement électronique, il est
tout d’abord indispensable, avance l’auteur, de constater la remise en ques-
tion généralisée, avec les théories contemporaines sur la sociabilité, de la
centralité du territoire dans la constitution des communautés. Castells ex-
plique ainsi que la sociologie urbaine entretient un vieux débat qui oppose
les « nostalgiques de la communauté territoriale d’hier et les partisans des
communautés choisies ». S’articulant selon des « liens choisis » entre des
personnes partageant des valeurs ou des intérêts communs, et non plus
selon la proximité territoriale, les communautés choisies se sont principa-
lement développées dans le cadre de l’urbanisation (678). Il ne s’agit pas ici

(675) Pour une synthèse des diverses définitions du terme communauté et leurs applications à la
problématique du cyberespace, voir Harvard Law Review, « Developments in the Law – The Law
of Cyberspace », Partie II, « Communities Virtual and Real : Social and Political Dynamics of Law
in Cyberspace » in Harv. L. Rev., 1999, vol. 112, p. 1586 et seq., spéc. p. 1589, retenant comme
facteurs communs de ces définitions la continuité de la qualité de membre, le partage d’expérience,
de projets, de délibérations et d’objectifs par les membres, un certain investissement personnel,
l’existence de frontières établies et la possibilité de distinguer les membres des non-membres.
(676) N’oublions toutefois pas que l’altérité, entraînant la dérégulation et la déformalisation (des
thèmes chers à la normativité dans le cyberespace) ne sont pas l’apanage exclusif du cyberespace et
ne sont pas dus exclusivement à l’ubiquité entraînant le panachage culturel ; elles correspondent à
une mouvance généralisée dans les sociétés développées : J. DE MUNCK, « Déformalisation, déré-
gulation et justice procédurale » in Les Carnets du Centre de Philosophie du Droit, 1993, vol. 9, p. 5
et seq., spéc. pp. 6–7.
(677) M. CASTELLS, La galaxie Internet, op. cit. n. 673, pp. 147–169, l’auteur démontrant que
la plasticité d’Internet lui permet de servir les phénomènes sociaux les plus divers et même les plus
contradictoires. L’auteur consacre un chapitre entier aux communautés virtuelles.
(678) Ibid., pp. 157-159.

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214 LE MOUVEMENT ODR

de prendre position dans ce débat, il convient simplement de noter, à ce


stade, la reconnaissance sociologique de communautés fondées sur des liens
choisis (679). L’hypothèse que nous allons développer repose sur l’idée que
les communautés en ligne constituent un prolongement de ce mouvement,
une forme extrême de communauté choisie.
La reconnaissance de l’existence de communautés choisies est donc ins-
pirée d’un découplage entre la réalité sociétale et un type unique de support
matériel, les réseaux de communication se substituant à la communication
territoriale (680). Ensuite, cette reconnaissance repose sur la restructuration
conceptuelle de l’interaction sociale. Celle-ci s’articule en effet de manière
croissante selon le partage de valeurs et se construit en vertu de choix et de
stratégies (681). Le nouveau mode de sociabilité qui a acquis une valeur
paradigmatique dans nos sociétés postmodernes (682) est ainsi « l’indivi-
dualisme en réseau », qui découle d’un phénomène de « privatisation de la
sociabilité », ce qui correspond à l’idée que l’on choisit soi-même les liens
que l’on entend tisser, plutôt que de se les voir imposés par la proximité
géographique (683). Dans le cyberespace, la déterritorialisation permet
bien entendu d’atteindre une forme extrême de choix des liens sociaux. En
conséquence, conclut l’auteur, les communautés numériques reposent sur
« des réseaux de sociabilité, à géométrie variable et composition chan-
geante, selon l’évolution des centres d’intérêt des acteurs sociaux et la forme
du réseau lui-même. Le thème autour duquel il s’édifie contribue largement
à déterminer ses membres » (684).

(679) Voir également G.S. ALEXANDER, « Dilemmas of Group Autonomy : Residential Asso-
ciations and Community » in Cornell L. Rev., 1989, vol. 75, p. 1 et seq., spéc. p. 25 : « this emerg-
ing conception shifts the focus of attention from the territorial context of community to the quality
of social relationships within groups. That is, it locates community, both as a concept and as a
social practice, in a particular kind of social experience rather than in a particular territorial envi-
ronment. »
(680) Voir aussi P. VIRILIO, La bombe informatique, Paris, Galilée, 1998, pp. 69–70, relevant
un « nouveau type de proximité, la téléproximité sociale », qui surgit quand des internautes tissent
des liens sociaux en raison d’un intérêt commun, par exemple autour d’un site web spécifique (qui
peut être commercial), formant ainsi une communauté.
(681) M. CASTELLS, La société en réseaux, t. 1, L’ère de l’information, trad. Ph. Delamare, Paris,
Fayard, 1998, p. 160.
(682) Voir en général ibid., passim.
(683) Ibid., pp. 161–162.
(684) Ibid., p. 163. Voir par ailleurs Ph. GIORDANO, « Invoking Law as a Basis for Identity in
Cyberspace » in Stan. Tech. L. Rev., 1998, p. 1 et seq., spéc. § 10 : « cyberspace users have been

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CONFIANCE DANS LE COMMERCE ÉLECTRONIQUE 215

En conclusion, si l’on ne peut observer de communauté numérique


géante, mondiale, regroupant une grande majorité des utilisateurs
d’Internet, il semble correct de retenir l’idée de la formation de commu-
nautés en ligne plus restreintes, s’articulant autour d’intérêts communs ou
de valeurs partagées, se construisant en vertu de choix et de straté-
gies (685). Ce point étant acquis, il importe maintenant de replacer les
communautés numériques dans la problématique générale de la confiance
dans le cyberespace ; nous avons en effet affirmé que leur création doit
répondre à un manque de confiance induit par la désocialisation du com-
merce électronique.

SOUS-SECTION II. — COMMUNAUTÉS


NUMÉRIQUES ET CONFIANCE

Si une transaction en ligne est réalisée hors de toute communauté, si le


contrat est conclu entre des partenaires qui ne savent rien l’un de l’autre
parce que, par exemple, ils n’ont pas pu établir de contacts avec d’autres
clients du même vendeur, les parties n’auront pas d’autre choix que de dé-
cider de faire confiance à leur partenaire sur la base des seules communica-
tions qu’elles ont établies entre elles. Il s’agit dans ce cas d’une situation où
la relation d’affaires est désocialisée, c’est-à-dire que les repères sociaux, par
exemple les opinions d’autres clients, sont absents. Dans ce genre de situa-
tions, la seule forme de confiance (au sens de trust) qui peut être dévelop-
pée entre les parties est la confiance interpersonnelle. Elle en devient une
condition essentielle à la naissance d’une relation d’affaires.

able to create thriving and multi-dimensional relationships for a number of reasons. First, the
members of a newsgroup have much in common – they self-select according to their interest in a
particular topic » et H. RHEINGOLD, The Virtual Community : Homesteading the Electronic Frontier,
Dallas, Addison-Wesley, 1993.
(685) Dans le sens de communautés organisées autour d’intérêts communs, R.C. BORDONE,
« Electronic Online Dispute Resolution : A Systems Approach – Potential, Problems, and a Pro-
posal » in Harv. Negotiation L. Rev., 1998, vol. 3, p. 175 et seq., spéc. pp. 178 : « cyberspace com-
munities, unlike real space communities, are organized around unidimensional areas of interest.
That is to say, individuals join specific conversations relating to ‘communities of interest, educa-
tion, tastes, belief, and skill’. In physical communities we may often find that the only significant
thing we share in common with our neighbors is physical proximity. Yet that physical proximity
prompts us to deal with our neighbor along other dimensions that we may not otherwise choose
were it not necessary ».

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216 LE MOUVEMENT ODR

Avant de s’engager dans une transaction en ligne, les acteurs commer-


ciaux mettront en balance, d’un côté, la confiance (interpersonnelle) qu’ils
peuvent avoir dans leur partenaire commercial et, de l’autre, les risques
impliqués par la transaction (686). Dans le commerce électronique, la
confiance interpersonnelle est en principe largement affaiblie, du fait de la
dépersonnalisation des contacts (687). Les risques, quant à eux, sont sou-
vent amplement surestimés, parce que l’internaute moyen méconnaît les
réalités technologiques, économiques et juridiques du commerce électroni-
que (688). Il en résulte une retenue commerciale. Une solution à ce pro-
blème est d’avoir recours à un autre type de confiance, la confiance dite
sociale. Si la transaction est réalisée au sein d’une communauté, si le contrat
est conclu entre des partenaires qui peuvent obtenir des renseignements

(686) Sur les différents types de confiance et le rôle qu’ils peuvent jouer dans l’établissement
d’une transaction en ligne, voir R. PICHLER, « Trust and Reliance – Enforcement and Compli-
ance : Enhancing Consumer Confidence in the Electronic Marketplace », Stanford Law School,
2000, <www.law.stanford.edu/library/biblio/rufus.pdf>, pp. 35-44.
(687) Un rapide regard du côté de l’analyse économique du droit (plus précisément du dilemme
du prisonnier), nous permet même de conclure au caractère irrationnel du fait de faire confiance à
un inconnu dans une situation où l’exploitation d’un risque généré par le type de relation est profi-
table quel que soit le comportement de l’autre partie (rappelons le, l’exécution asynchrone des
prestations caractéristiques des ventes à distances fait intrinsèquement courir un risque à tout le
moins subjectif à la partie qui s’exécute en premier) : voir par exemple G. TULLOCK, « The Pris-
oner’s Dilemma and Mutual Trust » in Ethics, 1967, vol. 77, p. 229 et seq. et V. HELD, « On the
Meaning of Trust » in Ethics, 1968, vol. 78, p. 156 et seq. Toutefois, le dilemme du prisonnier ne
permet de conclure à l’irrationalité de la confiance que dans une situation de one-shot transaction.
En situation de rapports commerciaux répétés, chacune des parties profiterait de la non-exploita-
tion du risque lié au caractère asynchrone de l’exécution des obligations, ce qui rend la confiance
rationnelle. Or, créer une situation de rapports commerciaux répétés est justement l’un des buts de
l’établissement de communautés numériques.
On réservera bien entendu ici les situations, tout à fait minoritaires, dans lesquelles la présence
physique des interlocuteurs inspire la méfiance. À cet égard, relevons que Jerry Kang conclut à un
avantage pour la confiance interpersonnelle constitué par « l’anonymat racial » que l’environnement
électronique permet. Kang se fonde sur une étude démontrant que l’identité éthnique est une
composante de la formation de la confiance interpersonnelle et que celle-là peut être décisive pour
la réalisation d’une transaction commerciale. En l’absence d’identité éthnique, il n’y pas de percep-
tion subjective d’un risque transactionnel de ce fait et donc un accroissement de transactions : J.
KANG, « Cyber-race » in Harv. L. Rev., 2000, vol. 113, p. 1131 et seq., spéc. pp. 1191–1192 et
1195 : « we have before us an opportunity to abolish race in significant economic transactions that
affect the lives of racial minorities. To the extent that disparate treatment still prevents minorities
from enjoying equal economic opportunities, abolition [of racial identity on the Net] delivers a
concrete payoff we should pursue. »
(688) Nous pensons par exemple aux craintes de vol de numéros de cartes de crédit et de leur
subséquente utilisation frauduleuse, voir supra, n. 648.

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CONFIANCE DANS LE COMMERCE ÉLECTRONIQUE 217

l’un sur l’autre, les parties pourront en effet décider de se faire confiance
soit sur la base des communications qu’elles auront pu établir entre elles
(confiance interpersonnelle), soit sur la base de l’appartenance de l’autre
partie à une communauté (confiance sociale).
Une communauté permet d’instituer la confiance sociale grâce au double
rôle qu’elle joue dans un contexte transactionnel. Premièrement, les mem-
bres d’une communauté constituent une source importante d’informations
sur la partie adverse. D’un côté, l’environnement social permet l’évaluation
du cocontractant par le jeu de la prévisibilité des comportements sur la base
d’agissements passés. De l’autre, cet environnement constitue en lui-même
un mécanisme d’incitation à éviter les litiges ou à en faciliter la résolution.
Il suscite en effet la confiance par la prévisibilité des comportements selon
une rationalité économique, aucune partie économiquement rationnelle ne
désirant avoir une réputation dénotant une attitude anti-commerciale lors
de la survenance de litiges (689). Deuxièmement, une communauté facilite
l’établissement d’une certaine homogénéité normative entre les membres
(prévisibilité de comportements selon les normes de cette communauté).
Nous reviendrons plus tard à cette dernière idée (690). Retenons pour
l’instant que la confiance sociale caractérise les relations entre un individu
et la communauté dont il fait partie, où chaque individu constitue, pour les
autres, un repère social de confiance dans une relation d’affaires.
Nous pensons que les communautés numériques constituent une condi-
tion nécessaire et suffisante pour permettre à la confiance sociale de se
développer dans certains cyberlieux du commerce électronique. L’idée est
en conséquence de promouvoir la réalisation de transactions grâce à une
confiance sociale plutôt que d’espérer la confiance interpersonnelle. La
dépersonnalisation du commerce électronique se caractérise notamment par
l’absence de liens sociaux préexistants à une relation commerciale ; cela
cause, nous l’avons dit, un manque de confiance interpersonnelle. Une

(689) A.M. FROOMKIN, « The Essential Role of Trusted Third Parties in Electronic Com-
merce » in Or. L. Rev., 1996, vol. 75, p. 49 et seq., spéc. p. 72, comparant les architectures de
confiance du commerce hors ligne et du commerce électronique : « the accessibility of the store’s
physical location also makes it easier for an irate customer to create bad publicity, either in the
store itself or in the store’s community, further creating an incentive for [the seller] to resolve any
difficulty. »
(690) Voir Sous-section V. — L’homogénéisation des normes de référence, p. 226 et seq. in-
fra.

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218 LE MOUVEMENT ODR

communauté numérique peut être une solution car elle se fonde, justement,
sur l’établissement de liens sociaux prolongés dans le temps.
Selon Francis Fukuyama, qui considère que la confiance sociale est l’une
des conditions essentielles au développement économique d’une société, à
sa capacité à être compétitive (691), cette tentative d’impliquer les commu-
nautés numériques est déjà exploitée dans la réalité du commerce électroni-
que. Il existe des stratégies commerciales visant à attirer de nouveaux
clients vers un site web en exploitant la tendance naturelle au regroupement
social. Ces stratégies, convenant de la difficulté d’établir la confiance inter-
personnelle dans le cyberespace, reposent sur le remplacement de la relation
client / marchand par une relation client / communauté, sur l’encourage-
ment du sentiment de communauté chez les acteurs économiques et de leur
confiance sociale dans cette communauté. Dans ce qui suit, nous tenterons
d’en apporter quelques exemples probants.

SOUS-SECTION III. — LA RÉALITÉ DES


COMMUNAUTÉS NUMÉRIQUES

Concrètement, les communautés en ligne se forment la plupart du temps


autour d’un cyberlieu, normalement une plateforme commerciale. La réalité
de telles plateformes constituant un cyberlieu autour duquel gravite une
communauté numérique est promue depuis quelque temps déjà par les
spécialistes en stratégies numériques. Ces communautés sont en effet ré-
putées constituer de puissants outils pour le commerce électronique (692).
Les stratèges du commerce électronique arguent que les fournisseurs de
biens et de services, les portails de distribution et les autres acteurs com-

(691) F. FUKUYAMA, La confiance et la puissance. Vertus sociales et prospérité économique, trad. P.-
E. Dauzat, Paris, Plon, 1997, p. 19 : « la prospérité d’une nation et sa compétitivité sont condi-
tionnées par une seule et unique caractéristique culturelle omniprésente : le niveau de confiance
propre à la société. »
(692) Voir surtout L. DOWNES et Ch. MUI, L’innovation irrésistible. Produit ou services : straté-
gies numériques pour dominer le marché, trad. M. Le Seac’h, Paris, Village Mondial, 1998, pp. 125–
134 ainsi que J. HAGEL et A.G. ARMSTRONG, Bénéfices sur le Net, trad. M. Le Seac’h (titre origi-
nal : Net Gain : Expanding Markets through Virtual Communities), Paris, Éd. d’Organisation, 1999 :
le meilleur résumé de l’idée de base est exprimé dans la version originale, p. ix : « our view is that
the profit motive will in fact create new forms of virtual communities whose strong commercial
element will enhance and expand the basic requirements of community - trust and commitment to
each other. »

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CONFIANCE DANS LE COMMERCE ÉLECTRONIQUE 219

merciaux d’Internet ont un avantage économique à se servir de leur cyber-


lieu commercial (leur site web en tant que plateforme commerciale) pour en
faire un cyberlieu social se développant autour de leurs services économi-
ques. La faiblesse des coûts d’entrée, de sortie et de transaction, ainsi que la
mondialisation radicale du marché modifient certaines règles de concur-
rence et rendent la clientèle beaucoup plus mobile (693). En conséquence,
il est nécessaire de fidéliser cette clientèle, mais d’une nouvelle façon : il
faut prévoir une architecture permettant des échanges d’informations à
large bande entre tous les partenaires contractuels – entre l’entreprise et ses
clients et entre les clients eux-mêmes. L’idée est que la facilitation des
communications permet la création de communautés numériques.
Les stratégies commerciales visant à établir une relation personnalisée
au-delà du rapport contractuel et financier existent depuis longtemps pour
les relations entre l’entreprise et ses clients ; les solutions sont nombreuses et
connues (694). L’élément innovateur de cette stratégie numérique réside
dans la création de relations personnalisées entre les clients d’une même
entreprise. Comme exemples, on peut citer SportsZone/ESPN, un site
offrant des informations sportives de dernière minute, qui propose des
championnats virtuels entre les internautes, calqués sur les événements
réels (695). AOL attire des utilisateurs en offrant des salons de discussion
aux thèmes très variés, visant ainsi à susciter le développement de relations
interpersonnelles (696). Mobil Oil tient un site web spécialisé dans les
courses automobiles ; attirant les amateurs de Formule 1, le site interroge
ses visiteurs sur des questions d’environnement, pour ensuite se créer une
base politique fondée sur les opinions exprimées, ce qui permet aux mem-
bres de cette communauté numérique de Mobil Oil de développer un sen-

(693) Voir par exemple et J. HAGEL et A.G. ARMSTRONG, Bénéfices sur le Net, op. cit. n. 692,
p. 26 : l’économie en réseau crée des « marchés inversés », où « ce sont les clients qui recherchent
les fournisseurs et négocient avec eux sur un pied bien plus égalitaire grâce aux informations dont
ils disposent ».
(694) On pensera notamment aux cartes de membres, à l’envoi de vœux pour certains événe-
ments de la vie des clients, ou encore aux bases de données permettant à l’entreprise de se souvenir
de certaines particularités personnelles de ses clients.
(695) Le nom SportsZone a été repris par de nombreux sites proposant des activités sociales
(salons de discussion en ligne, jeux, etc.) relatives au sport. Le géant de la télévision sportive câblée
ESPN l’utilisait largement il y a quelques années, mais ne s’en sert actuellement que pour les
moteurs de recherches. Le concept du site n’a pas changé. Voir <msn.espn.go.com/main.html>.
(696) Voir notamment les rubriques people & chat sur le site <www.aol.com>.

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220 LE MOUVEMENT ODR

timent de participation politique à certaines décisions environnementales


de l’entreprise (697). Le New York Times a mis en ligne de nombreux
forums de discussion sur des sujets très divers, donnant aux abonnés parti-
cipant le sentiment de contribuer à la diffusion d’information par ce jour-
nal (698). Le site eBay, en tant que site de vente aux enchères, est
particulièrement exposé aux problèmes de confiance et a en conséquence
développé, lui aussi, un système de promotion du sentiment de commu-
nauté. eBay a ainsi mis en œuvre un système de réputation, qui assigne à tout
utilisateur du site, une fois son identité réelle établie, une page web sur
laquelle les autres utilisateurs peuvent émettre des avis concernant son
comportement commercial (699). De la sorte, chaque utilisateur est maté-
rialisé et acquiert un historique commercial au sein de la communauté nu-
mérique eBay (700). Ces quelques exemples d’architectures favorisant la
communication entre clients ont tous le même objectif : créer ou favoriser,
chez les participants, un sentiment d’appartenir à une communauté.
Les conséquences économiques de ces architectures de socialisation sont
multiples : elles permettent de véhiculer une marque en jouant avec les

(697) Voir <www.mobil.com/mobil1_racing/racing/index.html> et la description intéressante


de l’activité politique et économique de ce site dans L. DOWNES et Ch. MUI, L’innovation irrésis-
tible, op. cit. n. 692, pp. 131–132.
(698) Voir le site de la New York Times concernant le courrier de lecteurs, <www.nytimes.com/-
pages/readersopinions>. Cette page web propose les courriers de lecteurs ordinaires, qui se
retrouvent dans la version imprimée du journal et qui sont donc soumis à un contrôle des éditeurs,
mais aussi des forums de discussion très diversifiés où tout abonné peut placer un message sans
approbation préalable des éditeurs. La participation des abonnés à ce genre de discussion est édi-
fiante, quelque 75'000 messages étant reproduits par an dans les forums les plus animés.
(699) eBay indique ainsi les deux manières d’établir une réputation pour un utilisateur au sein
de la communauté eBay : « Your User ID : Other eBay members will come to recognize you by
your User ID, so it’s a good idea to choose one you’ll want to use for the long term. Your feedback
profile : Made up of comments and ratings from users who have traded with you, your feedback
profile is the most important aspect of your reputation at eBay. Be the best and most responsive
buyer or seller you can be, and good feedback will follow » : <pages.ebay.com/help/new/reputa-
tion_overview.html>. Le site d’eBay comporte également une page « community » proposant une
série d’événements sociaux en ligne pour les utilisateurs : forums de discussion, bibliothèques en
ligne, collecte pour des œuvres caritatives, déclaration des valeurs fondamentales de la communauté
eBay, etc. : <pages.ebay.com/community/index.html>.
(700) Pour une analyse de la force contraignante effective de ce type de « systèmes multilaté-
raux de réputation », R. PICHLER, « Trust and Reliance – Enforcement and Compliance », op. cit.
n. 594, p. 115 et seq., l’auteur concluant que ces systèmes peuvent être tout à fait efficaces à condi-
tion d’être liés à des parties tierces (plus spécialement, pour l’auteur, des intermédiaires
d’information ; dans notre optique, ces intermédiaires sont englobés dans les procédures ODR).

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CONFIANCE DANS LE COMMERCE ÉLECTRONIQUE 221

ferveurs, les attachements émotionnels de certains adeptes des produits de


la marque (701), d’offrir un espace commun pour réaliser les trans-
actions (702), d’attirer de nouveaux clients par l’effet d’une tendance
naturelle au regroupement social et d’éviter les litiges ou leur prise d’am-
pleur par la facilitation de l’expression des réclamations.
Nous avons évoqué ici les avantages économiques rattachés à la consti-
tution de communautés numériques et leur réalité. Notre but était de dé-
montrer leur existence et de rendre leur avenir crédible. Nous devons
maintenant analyser les implications qu’elles peuvent présenter pour l’hypo-
thèse de la régulation du commerce électronique par les ODR.

SOUS-SECTION IV. — LA PRÉSENCE D’UN


SYSTÈME DE RÉSOLUTION DES LITIGES

Pour développer ou promouvoir une communauté numérique, un système


adéquat de résolution des litiges est indispensable. Trois arguments en
faveur de l’existence d’un système de règlement des différends au sein d’une
communauté méritent d’être évoqués. Le premier, tiré de la psychologie
sociale de la justice, réside dans la possibilité nécessaire d’une catharsis en
ligne. La liberté d’expression est la condition sine qua non du dévelop-
pement d’une identité numérique et du tissage des liens sociaux qui rendent
possible la création d’une communauté en ligne (703). En cas de litige, le
lien social est rompu et il importe de le rétablir. Un mécanisme d’ODR est,

(701) « Les dirigeants d’une importante brasserie à la marque mondialement connue nous ont
demandés s’ils devaient bientôt investir le cyberespace. Avec une simple recherche sur le Web,
nous avons découvert que des milliers de pages, créées la plupart du temps par des consommateurs
enthousiastes, présentaient déjà leur produit. […] Une telle ferveur affichée pour un produit, c’est
le rêve de tout commercial. […] La gestion de marques dans le cyberespace nécessite une véritable
collaboration avec les clients. Vous devez vous assurer que leur satisfaction se transforme en bit qui
augmentent la valeur de vos actifs informationnels, et leur offrir un forum organisé pour exprimer
leur désapprobation. Même les plaintes peuvent devenir des bits fort précieux », L. DOWNES et
Ch. MUI, L’innovation irrésistible, op. cit. n. 692, pp. 131–132.
(702) L’avantage économique pour les sites web peut tenir par exemple aux commissions sur les
transactions. L’idée, dans sa version la plus optimiste, est qu’avec l’agrandissement de la commu-
nauté, le nombre de transactions augmente, et réciproquement. Les communautés numériques se
comporteraient donc selon la loi des rendements croissants (« plus vous vendez, plus vous ven-
dez ») : J. HAGEL et A.G. ARMSTRONG, Bénéfices sur le Net, op. cit. n. 692, pp. 19, 61–62.
(703) Ph. GIORDANO, « Invoking Law as a Basis for Identity in Cyberspace », op. cit. n. 684,
§§ 9–34, l’auteur arguant que la liberté d’expression est la passage obligé du développement d’une
identité numérique, elle-même requise pour la création d’une communauté numérique.

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222 LE MOUVEMENT ODR

dans cette optique, un cyberlieu institutionnalisé servant à rétablir le lien


social déchiré par le litige, en permettant une expression en ligne ritualisée
des griefs.
Retenons ensuite l’argument, tiré de l’anthropologie juridique, de
l’encadrement social de la communauté en ligne. Une analyse en anthro-
pologie juridique des communautés numériques montre que celles-ci déve-
loppent systématiquement une normativité juridique dès qu’un certain seuil
d’interactions est atteint (704) : un ordre, de nature sociale voire juridique,
est ainsi énoncé. Le désordre (les litiges) crée inévitablement une tension
vers un retour à cet état d’origine, tel un élastique qui est étiré ; le désordre
appelle un cyberlieu de réaménagement de ce désordre, c’est-à-dire un
système de résolution des litiges. Il est moins question ici des effets d’un
litige sur les personnes qui en constituent les parties que de la pathologie
systémique que constitue la transgression de l’ordre énoncé. Une institution
de règlement en ligne des différends est, dans cette perspective, un lieu
d’ordonnancement des comportements dans une communauté numéri-
que (705).
Finalement, l’argument économique sera peut-être le plus facilement
suivi par les architectes commerciaux d’une communauté en ligne.
L’argument repose sur l’idée que la gestion des litiges est un service client
visant non seulement la satisfaction du client, mais également le renfor-
cement de ses liens avec la communauté. En d’autres termes, la résolution
des litiges est essentielle à la construction ou au maintien d’une relation
commerciale à plus longue durée. Or les opérateurs désirant avoir recours

(704) Ibid., Giordano poursuivant son raisonnement sur la liberté d’expression en affirmant que
le pouvoir de s’exprimer électroniquement est le seul canal possible de création d’une normativité
juridique en ligne, §§ 35-72, spéc. §§ 47 et seq. Réguler Internet pour y limiter la liberté
d’expression, ainsi, « [would] threaten to encroach not just upon electronic speech, but upon the
quasi-legal institutions that define community and identity online » (§ 79). Voir aussi L. LESSIG,
Code and Other Laws of Cyberspace, op. cit. n. 653, pp. 65-82.
(705) Sur la normativité juridique, l’ordre et le désordre en anthropologie juridique, voir L.
ASSIER-ANDRIEU, « Le juridique des anthropologues » in D&S, 1987, p. 91 et seq., spéc. p. 101 :
« au droit, on attribue volontiers ces deux fonctions, logiquement opposées, d’encadrement du
champ social : l’énonciation de l’ordre et l’aménagement du désordre. Dans cette logique, toute trans-
gression de l’ordre édicté, de la norme proéminente, apparaît comme l’effet d’une pathologie –
quelle que soit la forme que revête la règle. »

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CONFIANCE DANS LE COMMERCE ÉLECTRONIQUE 223

aux communautés en ligne recherchent précisément une telle rela-


tion (706).
Quant à l’adéquation du système de résolution des litiges aux commu-
nautés numériques du commerce électronique, nous ne voulons qu’aborder
ici, sans l’approfondir, l’idée qu’un tel système ne peut être constitué par les
tribunaux étatiques. Au contraire, tout porte à croire qu’une communauté
numérique désire développer ses propres mécanismes de règlement des
différends. Sous la plume énergique d’un des premiers auteurs ayant étudié
le phénomène ODR, on peut lire que « la plupart des résidents de cyberia
préféreraient être soumis au jugement de leur propre communauté virtuelle
plutôt qu’aux lois d’un lieu physique très éloigné de leur lieu de rési-
dence » (707). L’argument est sans doute un peu catégorique, voire sim-
pliste, mais il a l’avantage de renfermer une idée occupant une position
centrale dans la résolution des litiges, à savoir l’idéal de proximité (708).
Celui-ci se compose de deux dimensions : la recherche du particularisme et
de la privatisation.
Le concept de particularisme correspond à l’idée du développement d’un
système de résolution des litiges propre à une communauté numérique. Le
caractère réaliste de cette idée est soutenu par l’importance croissante attri-
buée, de manière générale dans nos sociétés, au particularisme en droit,
c’est-à-dire à la spécialisation des compétences dans un domaine spécifi-
que (709). L’accent, dans la sélection d’un système réputé adéquat de règle-

(706) J. HAGEL et A.G. ARMSTRONG, Bénéfices sur le Net, op. cit. n. 692, p. 60 et seq.
(707) E.C. LIDE, « ADR and Cyberspace : The Role of Alternative Dispute Resolution in
Online Commerce, Intellectual Property and Defamation » in Ohio St. J. on Disp. Res., 1996,
vol. 12, p. 193 et seq., spéc. p. 218 (trad. par l’auteur).
(708) De manière générale sur cette question de la proximité du lieu de résolution des litiges,
appliquée aux ODR, voir F. GÉLINAS, « Le point sur l’ODR : du concept à la réalité commer-
ciale » in Bull. ICC (numéro spécial sur la technologie au service des différends commerciaux),
2004, p. 7 et seq., spéc. pp. 17–18 : « une place de marché sur Internet est un espace virtuel nette-
ment délimité dans lequel un système d’ODR pourrait jouer un jour le rôle d’un palais de justice
virtuel. »
(709) L’importance du particularisme en droit économique s’accroît par la poussée des acteurs
commerciaux qui poursuivent, selon Dezalay, un double mouvement : premièrement, l’adage « un
mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès » ne vaut plus dans les milieux d’affaires.
Deuxièmement, la complexification technico-légale du droit économique et la spécialisation des
avocats de ce milieu se renforcent mutuellement, favorisant de la sorte « l’émergence d’un nouveau
champ de compétence et l’autonomisation de cette catégorie de professionnels » : Y. DEZALAY,
Marchands de droit. La restructuration de l’ordre juridique international par les multinationales du droit,

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224 LE MOUVEMENT ODR

ment des différends, est aujourd’hui placé largement sur la compétence


technique des décideurs juridiques dans un domaine commercial donné.
C’est à tout le moins ce que nous apprend l’évolution du profil type des
décideurs en arbitrage commercial international, qui constitue l’un des
bassins les plus fertiles des mécanismes de résolution pour les litiges trans-
nationaux du commerce électronique (710). La sélection d’un système par-
ticularisé et propre à une ou plusieurs communautés numériques se pla-
cerait très précisément dans la lignée de cette mouvance générale.
Toutefois, cet argument ne peut suffire à la promotion d’un nouveau lieu
de règlement des différends, un lieu privé, tant il est vrai que la compétence
technique, même dans des domaines aussi pointus que le commerce élec-
tronique, n’est pas exclue en soi des tribunaux. À ce stade de la réflexion
intervient un argument qui peut surprendre : il s’agit de la privatisation de
la résolution des litiges à cause de la compétence des tribunaux. Avec cet
argument, nous touchons à la deuxième dimension de l’idéal de proximité,
soit la privatisation.
Dezalay et Garth observent que même si des spécialistes, avocats et juges
pouvant se prévaloir de leur maîtrise d’un domaine commercial internatio-
nal existent depuis longtemps dans certaines juridictions étatiques, l’arbi-
trage montre une tendance à se développer ailleurs, là où la séparation entre

Paris, Fayard, 1992, p. 203 et seq., spéc. p. 205. C’est en des termes très voisins que Max Weber
écrivait que « im Gegenteil hat gerade die Rechtsentwicklung der neuesten Zeit eine zunehmende
Partikularisierung des Rechts gezeigt. […] Typisch dafür ist einer der wichtigsten Fälle moderner
Rechtspartikularität : das Handelsrecht. […] [Die Entstehung dieser Partikularitäten sind] Folge
der Berufsdifferenzierung und der steigenden Rücksichtnahme, welche die Interessenten des
Güterverkehrs und der betriebsmäßigen gewerblichen Güterproduktion sich erzwungen haben. Sie
erwarten von diesen Partikularitäten eine fachmäßig sachkundige Erledigung ihrer Rechtsangele-
genheiten » : M. WEBER, Wirtschaft und Gesellschaft, 1ère éd., Tübingen, Mohr / Siebeck, 1922,
p. 502, sous titre « Die formalen Qualitäten des modernen Rechts » (ce chapitre de l’œuvre de
Weber n’étant pas traduit dans la plupart des éditions françaises, nous citons ici la version alle-
mande).
(710) Une brillante analyse sociologique, dans le domaine voisin des ODR qu’est l’arbitrage
commercial international, a relevé un glissement clair dans le profil recherché chez un arbitre
(c’est-à-dire son capital symbolique) : on ne demande plus une grande compétence juridique géné-
rale, un profil politique marqué ou des indices d’une forte intégrité personnelle, mais des compé-
tences techniques en matière d’arbitrage commercial international. On est ainsi passé des « grand
old men » aux « technocrates » : Y. DEZALAY et B.G. GARTH, Dealing in Virtue : International
Commercial Arbitration and the Construction of a Transnational Legal Order, Chicago et Londres,
Chicago Univ. Press, 1996, pp. 18–30 (sous titre « Becoming an Arbitrator : Building and Ex-
changing National and International Symbolic Capital »).

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CONFIANCE DANS LE COMMERCE ÉLECTRONIQUE 225

justice étatique et monde des affaires est plus grande à cause du manque de
spécialistes dans les tribunaux. Il s’agit d’une véritable fuite, poursuivent les
auteurs, loin de la justice étatique et loin de ses juristes qui tentent de
ramener l’arbitrage dans le giron qui leur est familier, c’est-à-dire le droit
étatique et le domaine judiciaire, contribuant par là même à ce qui a
souvent été décrié comme la dérive procédurale de l’arbitrage. Il s’agit d’une
fuite vers la business justice, une justice privée, propre à la communauté
d’affaires des parties.
L’idée de cette business justice est de développer, à partir de la base, une
justice spécifique pour un domaine donné. Pour accroître au maximum la
spécificité de cette justice, il est nécessaire de réduire au minimum
l’influence des autres formes de justice, notamment de celle étatique, c’est-
à-dire de renforcer le plus possible l’indépendance de celle-là par rapport à
celle-ci. La plupart des auteurs se bornent à constater ces velléités
d’indépendance uniquement d’un point de vue de mécanique juridique,
relevant par exemple la limitation des voies de recours (judiciaires) ouvertes
contre les sentences arbitrales. Garth et Dezalay, en sociologues, observent
une manifestation supplémentaire de cette volonté d’indépendance :
l’influence sociale et culturelle des juristes fortement rattachés au droit
étatique et au système judiciaire tente également d’être atténuée. Le groupe
social que forment les personnes actives dans le domaine de l’arbitrage
montre ainsi une certaine tendance à la fermeture et cela notamment dans
le but de limiter l’influence des acteurs trop marqués par l’idée que la justice
étatique constitue l’idéal de la justice. Pour qu’une justice spécifique puisse
réellement être développée à partir de la base, il convient donc de restrein-
dre l’influence de la justice étatique, ce qui s’opère tant au moyen de la
mécanique juridique que par la sélection des acteurs (711). La mise en
œuvre de ces deux moyens traduit l’idéal de la privatisation de la justice.

(711) Ibid., chapitre 6 : « Between the Worlds of Law and Business : The Contradiction of
Business Justice and Its Permanent Reconstruction through Dispute Resolution Mechanisms »,
pp. 117-128. Notons par ailleurs que la promotion de la résolution extrajudiciaire des litiges est
particulièrement marquée depuis ce que les auteurs appellent la « renaissance de l’arbitrage » des
années 60 (p. 126), mais qu’elle est en réalité promue par les acteurs économiques depuis des
siècles, comme le rappelle J.J. AUERBACH, Justice without Law ?, New York, Oxford Univ. Press,
1983, p. 5.

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226 LE MOUVEMENT ODR

Ces développements dans le domaine de l’arbitrage commercial interna-


tional nous amènent à penser que le nouveau milieu d’affaires qu’est le
commerce électronique, et même plus précisément chaque communauté
numérique, suivra la même voie et se tournera, ne serait-ce que pour des
raisons socioéconomiques (nous n’abordons pas ici les raisons d’efficacité
juridictionnelle ou d’efficience des mécanismes), vers le même idéal de
développement d’un système de résolution des litiges propre à la commu-
nauté commerciale au sein de laquelle il va opérer.

SOUS-SECTION V. — L’HOMOGÉNÉISATION DES


NORMES DE RÉFÉRENCE

Dans l’environnement électronique, les interactions sociales et commercia-


les sont globalisées à l’extrême, les pluralismes culturel, social et politique
que l’on peut rencontrer dans le cyberespace sont probablement les plus
forts qui soient (712). Or le manque de prévisibilité des comportements des
éventuels cocontractants et l’amplitude de variation de ces comportements
présentent un sérieux problème pour le commerce électronique et condui-
sent à des litiges (713).
À cet égard, l’utilité des communautés numériques réside, au-delà de ré-
unir des personnes partageant des mêmes intérêts et valeurs, dans leur ca-
pacité à favoriser l’émergence de normes de références communes, soit
simplement par la socialisation (l’interaction intersubjective récur-

(712) Sur cette problématique dans le cadre général de la globalisation, voir J. LECA, « L’État
creux » in La France au-delà du siècle, La Tour d’Aigues, DATAR / Éd. de l’Aube, 1994, p. 91 et
seq., spéc. p. 92 : « un nouveau pluralisme culturel tend à émerger, où la société globale est vue
comme rassemblant des individus n’ayant aucun accord substantiel sur des valeurs communes, mais
seulement un accord éventuel sur des procédures de négociation. » Plus spécifiquement pour le
commerce électronique, voir A.H. BOSS, « The Emerging Law of International Electronic Com-
merce » in Temple Int’l and Comp L.J., vol. 6, 1992, p. 293 et seq. Sur le droit de l’informatique,
problématisant la tendance inévitable à l’internationalisation du droit par la globalisation des
échanges et des communications, voir A. LEFEBVRE et É. MONTERO, « Informatique et droit :
vers une subversion de l’ordre juridique » in Droit des technologies de l’information. Regards prospec-
tifs, s. dir. É. Montero, Bruxelles, Bruylant, 1999, p. iii et seq., spéc. p. xi : « il semble difficile de
réconcilier des ordres juridiques nationaux parce que les systèmes culturels, sociaux et politiques
sont riches de diversités importantes, à moins de se limiter au plus petit commun dénominateur,
qui concernerait un noyau normatif peu substantiel. »
(713) Voir par exemple N. FEMENIA, « ODR And The Global Management Of Customers’
Complaints : How Can ODR Techniques Be Responsive To Different Social And Cultural
Environments ? » in WOA, 2002, vol. 3, p. 4 et seq.

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CONFIANCE DANS LE COMMERCE ÉLECTRONIQUE 227

rente) (714), soit par le lien des membres à un même lieu d’édiction de
l’ordre et de réaménagement du désordre. Pour s’assurer l’adhésion des
acteurs d’une communauté, une solution consiste à les faire participer à la
création des règles qu’ils devront respecter ; le site web autour duquel une
telle communauté s’organiserait pourrait par exemple prévoir une procé-
dure organisant la délibération des acteurs, au lieu de leur imposer des
comportements prédéterminés et pouvant choquer leurs références cultu-
relles, sociales ou politiques (715).
Le but d’une homogénéisation des normes de référence consiste à aug-
menter la confiance que se portent réciproquement les différents acteurs
numériques et de réduire les litiges (716). Fukuyama a même pu observer,
dans le commerce international hors ligne, une augmentation de la colla-
boration de concurrents économiques grâce à un tel phénomène ; il rap-
porte ainsi, ayant analysé quatre grandes scènes de la vie économique du
ème
20 siècle, que « chaque fois, les acteurs économiques se sont épaulés
parce qu’ils étaient convaincus de former une communauté fondée sur la
confiance mutuelle, […] née d’un ensemble d’habitudes éthiques et
d’obligations morales réciproques intériorisées par chaque membre de la
communauté » (717).
Une telle homogénéisation normative dans une communauté numérique
a été rapportée par l’analyse sociologique de Katsh, Rifkin et Gaitenby du
site de ventes aux enchères transnational eBay. Observant les phénomènes
de règlement des différends sur ce site, les auteurs sont arrivés à la conclu-
sion que le droit dans l’ombre duquel la résolution des litiges avait lieu
(c’est-à-dire les normes juridiques de référence) était celui du site eBay,
bien plus que n’importe quelle autre norme, qu’elle soit étatique ou d’une

(714) Sur la formation et l’internalisation intersubjectives des normes dans une communauté,
on consultera par exemple R.C. POST, « Community and the First Amendment » in Ariz. St. L.J.,
1997, vol. 29, p. 473 et seq., spéc. pp. 475–476.
(715) Constatant dans le cyberespace un développement général de telles procédures organisant
la délibération (qui constituent le mouvement de procéduralisation du droit du cyberespace, que
nous retrouverons plus bas), A. LEFEBVRE et É. MONTERO, « Informatique et droit : vers une
subversion de l’ordre juridique », op. cit. n. 712, p. xii et seq.
(716) C’est en ce sens que les consultants en stratégies numériques ont pu conclure qu’il fallait
« créer des communautés de valeurs en valorisant la communauté [parce que] les communautés
créent leurs propres valeurs en se développant » : L. DOWNES et Ch. MUI, L’innovation irrésistible,
op. cit. n. 692, p. 125.
(717) F. FUKUYAMA, La confiance et la puissance, op. cit. n. 691, p. 20.

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228 LE MOUVEMENT ODR

autre source externe à la communauté. La communauté numérique avait


créé des normes de référence, qu’elle considérait comme le droit applicable
aux transactions conclues en son sein (718) ; elle a ainsi généré ses propres
normes juridiques, créant un réel sous-système social autorégulé.
La référence à un corps de règles commun peut prévenir des litiges en
évitant la dispersion référentielle normative. Une communauté numérique
au sein de laquelle est pratiquée une telle référence à un corps de règle
commun accroît la probabilité de réussir son autorégulation, car elle a ré-
ussi à susciter un accord substantiel sur des valeurs communes. Le phéno-
mène a acquis ici, on l’a compris, une certaine circularité, que nous pensons
autorégénératrice : la communauté renforce l’homogénéité normative et
l’homogénéité normative renforce la communauté.
Toutefois, il semble nécessaire, pour entretenir ce cycle, de relancer pé-
riodiquement la machine, de réénoncer l’ordre de temps en temps et de ré-
aménager le désordre quand il apparaît. Les termes de Günther Teubner
sont à cet égard évocateurs : « les tribunaux sont appelés à intervenir au
moment précis où l’autorégulation sociale échoue et où les usages ne pren-
nent plus » (719). Pour redire l’ordre et pour réaménager le désordre,
l’intervenant doit jouir d’une position particulière, suivre un certain rituel et
avoir une certaine légitimité, cette dernière nous semblant pouvoir être
acquise par l’indépendance et l’impartialité (720). Par ailleurs, si l’on veut
éviter la dispersion référentielle des acteurs du commerce électronique en
créant ou promouvant des normes communes, il est nécessaire de mettre en

(718) E. KATSH, J. RIFKIN et A. GAITENBY, « E-Commerce, E-Dispute, and E-Dispute


Resolution : In the Shadow of ‘eBay Law’ », op. cit. n. 641, p. 728 : « as we encountered disputants
and observed them as they participated in our [ODR] process, […] we became persuaded that
disputants were, indeed, participating as if they were ‘in the shadow of the law’. The law whose
shadow was affecting them, however, was eBay’s law rather than the shadow of any other law […]
eBay was important to them, and eBay ran its site in such a way that a user’s eBay future could be
affected by disputes that arose. If they ignored eBay law, they did so at some risk to their future
online life and even to their economic wellbeing. »
(719) G. TEUBNER, « Zur Eigenständigkeit des Rechts in der Weltgesellschaft : Eine Prob-
lemskizze » in Festschrift für Jean-Nicolas Druey zum 65. Geburtstag, s. dir. R.J. Schweizer, H.
Burkert et U. Gasser, Zurich, Schulthess, 2002, p. 145 et seq., spéc. p. 148.
(720) Sur la ritualisation de la justice et l’absence de présence physique qu’impliquent les ODR,
voir F. GÉLINAS, « Le point sur l’ODR : du concept à la réalité commerciale », op. cit. note 708,
p. 17, qui se limite toutefois à relever l’importance, pour les rituels permettant la catharsis, de la
présence physique.

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CONFIANCE DANS LE COMMERCE ÉLECTRONIQUE 229

place des instruments assurant le respect de ces normes ; en d’autres termes,


si l’on entend favoriser la cohésion sociale par l’autorégulation, il est né-
cessaire de renforcer l’effectivité instrumentale des normes de l’auto-
régulation.
En résumé, un système formalisé de résolution des litiges apparaît requis
pour le maintien de la communauté et de son homogénéité norma-
tive (721), et le seul qui puisse raisonnablement intervenir dans une com-
munauté numérique est un système communiquant par électronique, un
système d’ODR.
Une manière de réintroduire des repères dans le commerce électronique
consiste donc à favoriser les communautés numériques, parce qu’elles of-
frent aux acteurs du cyberespace des relations à plus longue durée, ce qui
peut produire l’adhésion à des normes communes et une cohésion sociale
renforcée. L’une des conditions de la promotion des communautés numé-
riques est la gestion des litiges, qui se fait de préférence par les ODR.

SOUS-SECTION VI. — VERS UN MORCELLEMENT


DU CYBERESPACE ?

Nous avons développé ici l’hypothèse des communautés numériques en


tant que regroupement de clients autour d’une plateforme commerciale,
une telle plateforme étant déterminée par une entreprise, une marque, un
service ou une autre référence commerciale et dans tous les cas par un site
web ou un réseau de sites web. Nous avons ensuite argué que de telles
communautés de confiance peuvent avoir la propriété d’augmenter la
confiance des internautes dans l’acteur numérique qui s’en sert, même si
celui-ci ne présente au monde extérieur que son site web. Comme nous
avons vu que le défaut de confiance sur Internet est le principal frein au
commerce électronique, une communauté constitue donc un outil commer-
cial et un avantage économique. Vu sous cet angle, tout porte à croire que
les communautés numériques sont appelées à se développer. La conclusion

(721) Pour un parallèle critique concernant l’homogénéisation culturelle par la résolution extra-
judiciaire des litiges dans un environnement global pluraliste, montrant les limites et les dangers
d’une telle homogénéisation parce qu’elle peut aboutir à une imposition hégémonique des plus
puissants, voir L. NADER, « The Influence of Dispute Resolution on Globalization : The Political
Economy of Legal Models » in Globalization and Legal Cultures, s. dir. J. Feest, Oñati, Interna-
tional Institute for the Sociology of Law, coll. Oñati Papers, vol. 7, 1999, p. 87 et seq.

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230 LE MOUVEMENT ODR

que nous avons pu tirer de manière répétée est que de telles communautés
nécessitent un système de résolution des litiges, plus spécifiquement un
mécanisme de règlement en ligne. Nous nous sommes placés par cette
conclusion en continuité de l’argumentaire que nous poursuivons depuis le
début de cette partie, à savoir que les ODR sont voués à un développement
massif. Le but de cet argumentaire, rappelons-le, est d’élargir temporel-
lement le champ d’investigation de la régulation du commerce électronique
par les ODR, en donnant à ces derniers une perspective d’avenir.
Le développement des communautés numériques nous amène cependant
à une observation supplémentaire. Nous devons ici attirer l’attention sur
une incidence fondamentale de ces communautés sur la régulation du com-
merce électronique : le morcellement du cyberespace et du commerce
électronique.
Ordinairement, on attribue au cyberespace et au commerce électronique
une nature déterritorialisée, sans dimensions. Les communautés numéri-
ques permettent de penser autrement ; elles laissent entrevoir la possibilité
de réintroduire des frontières dans le cyberespace.
En réalité, une certaine reterritorialisation de l’environnement électroni-
que semble possible. Le cyberespace se fracture de plus en plus en zones
distinctes, délimitées par le code informatique, par des outils tels que mots
de passe ou adresse IP de l’internaute (722). Le problème s’était d’ailleurs
concrètement posé en 2000, lors de la célèbre affaire Yahoo. Le Tribunal
de grande instance de Paris avait ordonné à la société Yahoo ! Inc. de met-
tre en œuvre des mesures dissuadant et rendant impossible aux internautes
français toute consultation du service aux enchères d’objets nazis du site
Yahoo.com, ces objets violant le droit français. Le but de ces mesures était
donc bien de fractionner le cyberespace en érigeant une frontière devant les

(722) L. LESSIG, « The Zones of Cyberspace » in Stan. L. Rev., 1996, vol. 48, p. 1403 et seq.
Voir aussi A.W. BRANSCOMB, « Anonymity, Autonomy, and Accountability : Challenges to the
First Amendment in Cyberspaces » in Yale L.J., 1995, vol. 104, p. 1639 et seq., spéc. p. 1640 :
« many of these new experiments have led to the development of user groups that look upon
themselves as virtual communities entitled to deal with problems arising in the electronic environ-
ment as they find appropriate. Such virtual communities can be said to occupy separate and diverse
cyberspaces, essentially carving out domains of their own over which they choose to exert jurisdic-
tion. Therefore, the generic term cyberspace does not aptly describe these evolving communities.
For the purpose of this Essay, I shall refer to the varying electronic domains as cyberspaces and
refer to the whole as the Networld. »

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CONFIANCE DANS LE COMMERCE ÉLECTRONIQUE 231

internautes français. La principale mesure qui fut examinée était le filtrage


des internautes selon leur adresse IP, avec une éventuelle déclaration addi-
tionnelle de nationalité par l’utilisateur. Pour déterminer l’efficacité du
filtrage, le tribunal nomma trois experts. Leur rapport concluait que cette
mesure permettrait d’atteindre un taux de filtrage de 70 à 90 pour
cent (723). En d’autres termes, le morcellement est possible – dans des
situations assez limitées, il est vrai – grâce à la localisation géographique
par adresse IP.
Nous nous plaçons dans cette ligne de pensée, que nous voulons sim-
plement prolonger en introduisant un nouveau type de frontières dans le
cyberespace, une nouvelle manière de le fractionner, de le morceler : il
s’agit des communautés numériques en tant que sous-systèmes sociaux et
localisés, qui peuvent avoir leur propre droit (on l’a vu avec eBay) et leur
propre mécanisme de résolution des litiges, normalement un ODR.
L’enjeu de cette perspective est grand. On considère généralement que le
cyberespace constitue une plateforme commerciale, un espace social, une
grande communauté virtuelle et l’on réfléchit à l’existence d’une lex electro-
nica. En suivant l’idée du morcellement, on concevra que le cyberespace est
une pluralité de plateformes commerciales, d’espaces sociaux, de commu-
nautés numériques, et l’on peut dès lors envisager l’existence de leges electro-
nicae (724).
Ne soyons toutefois pas trop catégorique, ce n’est pas que le cyberespace
et le réseau Internet deviennent locaux. Ils demeurent certes globaux. Mais
cette optique permet ce que le fameux slogan environnementaliste prônait :
« penser globalement, agir localement », elle permet de problématiser les
phénomènes sociojuridiques du commerce électronique comme entretenant
une relation dialectique entre le local et le global, elle permet une approche
que l’on dira glocalisée (725).

(723) Voir plus avant B. — L’affaire Yahoo, p. 69 et seq. supra.


(724) Voir sur ceci Sous-section III. — De la lex electronica aux systèmes juridiques de places
de marché, p. 470 et seq. infra.
(725) Sur la glocalisation, où le débat sur la globalisation se double d’une réflexion sur le local,
voir par exemple A.-J. ARNAUD, Entre modernité et mondialisation. Cinq leçons d’histoire de la philo-
sophie du droit et de l’État, Paris, LGDJ, 1998, p. 32.

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232 LE MOUVEMENT ODR

SECTION IV. — Réintroduire des repères de


justice

L’architecture de confiance dans laquelle se déroule une activité commer-


ciale, nous l’avons vu, est une condition essentielle à la participation de ses
acteurs. Une telle architecture se constitue notamment de repères, qu’elle
offre aux participants d’un marché pour leur permettre de déterminer la
confiance qu’ils peuvent réciproquement s’accorder. Quand on passe du
monde physique au cybermonde, la plupart de ces repères disparaissent.
Le but de ce chapitre est de réfléchir à des manières d’introduire des re-
pères fonctionnellement équivalents à ceux qui ont été perdus lors du pas-
sage en ligne du commerce. Jusqu’ici, nous avons traité de deux
mouvements : la rematérialisation du cyberespace et la resocialisation des
contextes d’échanges commerciaux. L’importance de ces mouvements pour
notre exposé est qu’ils constituent le cadre dans lequel vont s’inscrire les
ODR comme repères de justice capables de susciter la confiance des inter-
nautes.
Le cadre ainsi posé, nous pouvons désormais analyser ce qui intéresse le
plus la question de la régulation, à savoir la problématique de l’absence de
cadre institutionnel et juridique adéquat (du point de vue de la confiance)
au commerce électronique (726).

SOUS-SECTION I. — LES DÉFICITS D’UN


ENVIRONNEMENT GLOBAL

La normativité dans le cyberespace participe largement du mouvement de


la mondialisation du droit (727). Par la déterritorialisation immanente à

(726) La notion d’adéquation se place ici dans une rationalité économique fondée sur la
confiance de l’utilisateur. Il est vrai qu’une rationalité purement légaliste peut amener à conclure
que les normes produites dans les lieux habituels de régulation sont tout à fait applicables au com-
merce électronique par les instances habituelles de résolution des litiges : pour une telle approche
positiviste, O. CACHARD, La régulation internationale du marché électronique, op. cit. n. 667, p. 219
et seq.
(727) Parmi une littérature abondante, voir par exemple G.-P. CALLIESS, « Globale Kommu-
nikation – staatenloses Recht. Zur (Selbst-)Regulierung des Internet durch prozedurales Recht am
Beispiel des Verbraucherschutzes im elektronischen Geschäftsverkehr » in ARSP, 2001, Beiheft
no 79, p. 61 et seq.

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CONFIANCE DANS LE COMMERCE ÉLECTRONIQUE 233

l’environnement électronique, Internet a même acquis une valeur paradig-


matique dans la réflexion sur la globalisation ; il en constitue un exemple
privilégié (728). Le corpus théorique relatif à la globalisation en général est
cependant à bien des égards plus développé que celui qui a trait à la nor-
mativité du cyberespace. Nous nous proposons en conséquence de suivre ici
le lien entre ces deux phénomènes en partant des réflexions sur l’effacement
des frontières dans la mondialisation en général pour penser le dévelop-
pement de certains phénomènes normatifs dans le cyberespace.
Selon Günther Teubner, l’émergence d’un « nouveau droit global » de la
« société mondiale » est alimentée par la quête des acteurs transnationaux
de certaines fonctions du droit que les processus traditionnels (étatiques) de
production normative juridique ne peuvent plus garantir dans un espace
globalisé. Des exigences sociales qui tiennent moins à la régulation politi-
que des processus sociaux qu’aux « besoins juridiques originels de sécurité
[juridique] et de règlement des conflits » poussent ainsi à la mondialisation
du droit (729). Les acteurs impliqués dans des relations transnationales
(économiques, juridiques, sociales, etc.) demandent un cadre normatif qui
puisse leur offrir prévisibilité juridique et résolution des litiges.

(728) Parmi de très nombreuses références, voir par exemple Ch.T. MARSDEN, « Cyberlaw
and International Political Economy : Towards Regulation of the Global Information Society » in
L. Rev. M.S.U.-D.C.L., 2001, p. 355 et seq., spéc. p. 422 : « the presence of the Internet in the
corner of the room, with instant access to all other users globally, and thus the opportunity for all
users to engage in what was considered the privilege of a transnational class, does transform our
view of the national polity or society. In essence, globalization has arrived. The hard choices are
now to reintroduce politics and sociology into the globalized environment paradigmatically repre-
sented by the Internet. » Voir aussi Th. FRIEDMAN, The Lexus and the Olive Tree, Londres,
Harper Collins, 2000, p. xvi et seq., considérant qu’il y a eu une première ère de globalisation
caractérisée par la facilitation des transports et une deuxième, celle que nous vivons actuellement,
qui se caractérise par l’intégration mondiale des marchés et l’ubiquité des informations. Il exprime
le paradigme de cette deuxième ère en ces termes : « this globalization system is also characterized
by a single word : the Web ».
(729) « Les exigences sociales pesant sur ce droit auto-créé par la société mondiale ne sont plus
essentiellement celles de la régulation politique des processus sociaux, mais proviennent des be-
soins juridiques originels de sécurité et de règlement des conflits » : G. TEUBNER, « Un droit
spontané dans la société mondiale ? » in Le droit saisi par la mondialisation, s. dir. Ch.-A. Morand,
Bruxelles, Bruylant / Bruxelles, Éd. de l’Université de Bruxelles / Bâle, Helbing & Lichtenhahn,
2001, p. 197 et seq., spéc. p. 199. Les termes « besoins […] de sécurité » désignent la sécurité
juridique, la prévisibilité du droit appliqué : ID., « Zur Eigenständigkeit des Rechts in der Welt-
gesellschaft : Eine Problemskizze », op. cit. n. 719, p. 145, dans lequel l’auteur fonde la même
problématique sur les « Rechtsbedürfnisse auf Erwartungssicherheit und Konfliktlösung » (nous
soulignons).

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234 LE MOUVEMENT ODR

Les États ne peuvent plus assurer ces besoins juridiques, car ils sont aux
prises avec une « une réelle problématisation de la conception territoriale de
la juridicité », expliquent à leur tour François Ost et Michel van de
Kerchove. Ils ne peuvent en conséquence plus « réaliser, grâce aux vertus de
la territorialité, une première forme de coordination universalisante des
différences individuelles » (730). Tant que les phénomènes juridiques
étaient limités au territoire d’un État-nation, celui-ci pouvait intervenir, il
pouvait proposer un cadre normatif prévisible et des lieux de résolution des
litiges efficaces. Maintenant que ces phénomènes sont plus globaux, le
droit d’un État ne suffit plus, son assise territoriale d’intervention est trop
restreinte ; la capacité des États à répondre à ces « besoins juridiques origi-
nels » est déficiente parce que l’ampleur géographique des phénomènes
juridiques les dépasse. Les institutions et le droit étatiques ne suffisent plus.
L’idée est posée : il s’agit d’une crise institutionnelle-légale.
La réaction à cette crise est une prise de relais par les processus périphéri-
ques de production du droit. Il y a, selon Teubner, autoproduction du droit
parce que les acteurs privés de l’élaboration normative gagnent, tout sim-
plement, la course à la globalisation. Ces besoins juridiques originels que
les États ne peuvent combler individuellement pourraient fort bien l’être
par une coalisation d’États, mais une telle collaboration ne peut jouer sur le
rythme que donnent les producteurs privés de droit. La conséquence en est
que « les processus dominants d’élaboration du droit [se détachent] de leurs
centres institutionnalisés (législatifs et juridictionnels) [pour se retrouver]
dans le gouvernement privé, la régulation privée et la justice privée » (731).
Les secteurs concernés, cherchant à combler leur « besoins juridiques origi-
nels », développent d’autres lieux et d’autres systèmes de production nor-
mative : de nouveaux processus d’élaboration du droit émergent pour
répondre aux besoins de sécurité et de résolution des litiges.
Dans une perspective commerciale, il apparaît que ces besoins originels
de sécurité juridique et de règlement des différends constituent des prére-
quis de la confiance nécessaire à l’activité économique. Chacune des parties

(730) F. OST et M. VAN DE KERCHOVE, De la pyramide au réseau ? Pour une théorie dialectique
du droit, Bruxelles, Publ. FUSL, 2002, p. 133.
(731) G. TEUBNER, « Un droit spontané dans la société mondiale ? », op. cit. n. 729, pp. 200–
201.

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CONFIANCE DANS LE COMMERCE ÉLECTRONIQUE 235

dans une relation d’affaires doit pouvoir savoir quelles sont les règles du jeu
et doit avoir à disposition des mécanismes pour rendre efficaces, pour met-
tre en œuvre ces règles. L’une des fonctions du droit consiste ainsi à susci-
ter la confiance dans le commerce pour que celui-ci se développe. En
termes d’architecture de confiance, le droit réalise cette fonction en mettant
des repères de justice à disposition des acteurs.
L’extraordinaire pluralisme hétérogène que connaît le cyberespace exige
des repères de justice forts pour rendre les comportements prévisibles, per-
mettant à la confiance de s’installer et au commerce électronique de fleurir.
Or le développement d’un tel cadre juridique de confiance pour le com-
merce électronique connaît les mêmes difficultés de mise en œuvre que les
autres secteurs globalisés, mais de manière plus radicale. Ni les institutions
ni le droit étatiques, développés pour le monde hors ligne, ne peuvent jouer
leur rôle à satisfaction.

SOUS-SECTION II. — DES PROCESSUS


DÉTERRITORIALISÉS D’ÉLABORATION DU DROIT

Le cyberespace connaît une crise institutionnelle-légale essentiellement


pour deux raisons : la délocalisation des acteurs et des actions, et l’ubiquité
du réseau (732).
La délocalisation des acteurs et des actes entraîne la multiplication des
fors et des droits applicables, à tout le moins (et c’est ce qui importe dans
une approche fondée sur la confiance des participants) au plan subjectif des
parties (733). Elles ne pourront souvent que difficilement prévoir quelles

(732) Pour une approche généraliste, voir par exemple Ch. ENGEL, « Das Internet und der
Nationalstaat » in Völkerrecht und Internationales Privatrecht in einem sich globalisierenden internatio-
nalen System – Auswirkungen der Entstaatlichung transnationaler Rechtsbeziehungen, Heidelberg,
Müller, 2000, p. 353 et seq., pour qui l’affaiblissement des États-nations, de leur souveraineté et de
leurs institutions les empêche d’offrir le cadre institutionnel-légal de confiance nécessaire au déve-
loppement du commerce électronique, ce cadre ayant par ailleurs acquis une importance toute par-
ticulière dans le contexte polyculturel d’Internet.
(733) G. KAUFMANN-KOHLER, « Internet : mondialisation de la communication – mondiali-
sation de la résolution des litiges » in Internet : Quel tribunal décide ? Quel droit s’applique ?, s. dir. K.
Boele-Woelki et C. Kessedjian, La Haye, Kluwer, 1998, p. 89 et seq., P. MANKOWSKI, « Das In-
ternet im internationalen Vertrags- und Deliktsrecht » in RabelsZ, 1999, vol. 63, p. 203 et seq., A.
JUNKER, « Internationales Vertragsrecht im Internet » in RIW, 1999, vol. 45, p. 809 et seq., A.
ROßNAGEL, « Weltweites Internet – globale Rechtsordnung ? » in MMR, 2002, p. 67 et seq., P.
MANKOWSKI, « Herkunftslandprinzip und Günstigkeitsvergleich in § 4 TDG-E » in CR, 2001,

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236 LE MOUVEMENT ODR

règles régiront leurs activités en ligne. Quand on ne peut localiser l’autre


partie, ses actes ou la conséquence de ses actes (la survenance d’un dom-
mage, par exemple) comment peut-on prévoir quel sera le tribunal compé-
tent et le droit applicable (734) ?
Ce problème, il est vrai, est souvent minimisé voire écarté par la pré-
sence de clauses d’élection de for et de droit ou d’autres types de clauses de
résolution des litiges. Toutefois, elles ne peuvent régir tous les types de
relations juridiques existant dans le commerce électronique ; on mention-
nera simplement cet exemple que la présence d’une clause conclue avant la
survenance d’un litige suppose la préexistence au litige d’une relation juri-
dique entre les parties. Or une relation juridique entre des parties naît
quelques fois au même moment que le litige survient (on pense par exem-
ple à un différend mettant en jeu la responsabilité délictuelle) (735).
L’ubiquité du réseau permet la mise en relation de parties qui ne se se-
raient pas rencontrées hors ligne, parce qu’elles résident dans des pays trop
éloignés, sur différents continents (736). Dans le cyberespace, les acteurs
s’engagent dans des transactions de faible ou de moyenne valeur dans les-
quelles ils ne se seraient pas engagés hors ligne.
Le problème avec ce type de contrats à grande distance pour des mon-
tants modestes tient au déficit d’efficacité juridictionnel des tribunaux
quand un litige survient : ils ne peuvent efficacement résoudre le li-

p. 630 et seq. et Th. HOEREN, « Vorschlag für eine EU-Richtlinie über E-Commerce » in MMR,
1999, p. 194 et seq. Voir aussi, sur le besoin d’autolimitation de la souveraineté juridictionnelle que
cette problématique implique : A.R. STEIN, « Frontiers of Jurisdiction : From Isolation to
Connectedness » in U. Chi. Legal F., 2001, p. 373 et seq., spéc. p. 399 et seq.
(734) Sur la localisation des acteurs et des actes dans une perspective de droit international
privé, voir surtout G. KAUFMANN-KOHLER, « Commerce électronique : droit applicable et réso-
lution des litiges », op. cit. n. 645. Voir aussi, pour une approche fondée essentiellement sur le droit
fiscal, J. CATCHPOLE, « The Regulation of Electronic Commerce : A Comparative Analysis of
the Issues Surrounding the Principles of Establishment » in Int. J. L & Tech., 2001, vol. 9, p. 1 et
seq.
(735) Sur l’application cumulative des législations et l’ouverture des fors dans ces cas, voir par
exemple V. SÉDAILLAN, Droit de l’Internet : réglementation, responsabilités, contrats, Cachan, Éd.
Net Press, 1997, p. 266 et seq.
(736) L. LESSIG, Code and Other Laws of Cyberspace, op. cit. n. 653, p. 197 : « international
agreements for the most part are agreements between sophisticated actors. Before cyberspace,
ordinary consumers were not international actors. »

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CONFIANCE DANS LE COMMERCE ÉLECTRONIQUE 237

tige (737). Cela est dû principalement au fait que les coûts générés par la
saisine d’un tribunal situé dans un pays lointain, avec un système et une
culture juridique différents et dans une autre langue seront souvent écono-
miquement prohibitifs (738). Au cas où le tribunal local se déclarerait com-
pétent, l’exécution forcée posera alors le même problème.
La distance géographique existant dans le monde de la résolution des li-
tiges hors ligne produit ainsi de fortes incitations économiques à ne pas
tenter la résolution des différends devant un tribunal. Cette situation invite
par-devers elle à la fraude, qui entraîne des litiges, puisque celle-ci ne peut
être efficacement sanctionnée par les mécanismes classiques de règlement
des différends (739).
L’éloignement des parties affaiblit ainsi l’effectivité du processus répres-
sif du droit applicable, quel qu’il soit (740). À terme, cela risque d’affecter

(737) N. VERMEYS, Éditorial, Lex-Electronica, 2002, vol. 8, reproduit à <www.justice.gouv.-


qc.ca/francais/actualites/DetailActualite.asp?idNumero=23&Archive=1>, sous Québec : tout sous
la cyberconsommation : « les complications liées à la portée extraterritoriale du réseau et la faible
valeur des montants en jeu ne justifient que très rarement les débours associés au processus judi-
ciaire, rendant ainsi les efforts législatifs moins utiles que l’on ne pourrait l’espérer. Il s’avère ainsi
de plus en plus pertinent de recourir à d’autres méthodes de règlement des conflits. »
(738) G. KAUFMANN-KOHLER, « Internet : mondialisation de la communication – mondiali-
sation de la résolution des litiges », op. cit. n. 733, p. 117 : analysant l’Unzumutbarkeit d’un for :
« selon la situation de fait, l’éloignement entre le for et le défendeur, éloignement qui ne se mesure
pas seulement en kilomètres, mais également en différence de culture, notamment juridique et
judiciaire, et en dernière analyse en coût, pourrait être tel que le défenseur se trouve privé de la
possibilité effective de se défendre », ID., « Commerce électronique : droit applicable et résolution
des litiges », op. cit. n. 645 : « imaginons […] une petite entreprise d’un responsable et quelques
employés, au chiffre d’affaires modeste. L’obliger à porter son action [dans un État éloigné] revient
en pratique à la priver de tout accès effectif à la justice : trop loin, trop cher, trop compliqué. […]
Hors réseaux, [des parties de ce type] ne se seraient jamais rencontrées, n’auraient pas conclu de
contrat. C’est l’ubiquité d’internet qui a rendu possible la transaction. Seulement, sauf accord sur
une méthode d’ODR, au moment où le litige survient l’ubiquité est rompue […] C’est cette rup-
ture d’échelle […] qui pose problème. » Pour une approche fondée sur l’analyse économique du
droit, voir Chapitre VII : La résolution des litiges en ligne comme accès à la justice, p. 251 et seq.
infra.
(739) Sur les incitations économiques à la fraude quand le mécanisme de sanction habituel
(institutionnel) ne fonctionne pas : D.C. NORTH, Institutions, Institutional Change, and Economic
Performance, Cambridge, Cambridge Univ. Press, 1991, p. 33 : « enforcement poses no problem
when it is in the interests of the other party to live up to agreements. But without institutional
constraints, self-interested behavior will foreclose complex exchange, because of the uncertainty
that the other party will find it in his or her interest to live up to the agreement. »
(740) P. LASCOUMES, « Effectivité » in Dictionnaire encyclopédique de théorie et de sociologie du
droit, s. dir. A.-J. Arnaud, Paris, LGDJ, 1993, p. 217 et seq., spéc. p. 219 : « l’effectivité des sanc-

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238 LE MOUVEMENT ODR

l’effectivité de la norme (c’est-à-dire son respect) et en conséquence sa vali-


dité (741). Dans la terminologie du courant ADR, on dirait que l’« ombre »
du droit applicable diminue, que l’effet d’épée de Damoclès des normes est
atténué (742). C’est dans ce courant de pensée qu’Ethan Katsh a placé le
problème : « pour les transactions hors ligne, le système juridique se dresse
souvent, menaçant, au second plan. Pour les transactions en ligne, le droit
est en principe moins présent, en ce sens que sa mise en œuvre ou le re-
cours aux tribunaux étatiques constitue parfois une option irréaliste » (743).
Les repères existant dans le commerce hors ligne mais perdus en ligne
que nous analysons ici sont les repères de justice. Les cadres normatifs au-
tant que les lieux de résolution des litiges sont devenus imprévisibles et
inefficaces. La dernière fois qu’une telle problématisation des repères de
justice a entraîné une réaction à large échelle, c’était lors de l’explosion du
contentieux des années soixante-dix, qui avaient rendu inefficaces les lieux
habituels de résolution des litiges. À cette époque, le mot d’ordre fut la
déjudiciarisation, c’est-à-dire une « nouvelle division du travail entre les
tribunaux de l’ordre judiciaire et d’autres institutions » (744) : les ADR
émergèrent parce qu’ils offraient la perspective d’un règlement des diffé-
rends plus rapide, à faibles coûts et plus proche structurellement (informa-

tions : la norme indicative ou prescriptive peut être connue et reçue, sa violation n’en est par pour
autant automatiquement sanctionnée. »
(741) Le concept de « validité » est ici celui de la théorie contemporaine du droit et non celui,
trop réducteur, habituellement retenu dans une approche positiviste, où il se confond avec le
concept de « légalité » : F. OST, « Validité » in Dictionnaire encyclopédique de théorie et de sociologie
du droit, s. dir. A.-J. Arnaud, Paris, LGDJ, 1993, p. 431 et seq. : « la validité d’une norme ou d’un
acte juridique peut être établie en référence à trois critères distincts qui sont comme trois catégories
transcendantales permettant de saisir l’expérience juridique : la validité formelle [la légalité], la
validité empirique [l’effectivité] et la validité axiologique [la légitimité] . »
(742) L’expression, célèbre, de « shadow of the law » est de R.H. MNOOKIN et L.
KORNHAUSER, « Bargaining in the Shadow of the Law » in Yale L.J., 1979, vol. 88, p. 950 et seq.
(743) E. KATSH, « Adding Trust Systems to Transaction Systems : The Role of Online », op.
cit. n. 649, p. 4. Voir aussi ID., « Online Dispute Resolution : Some Lessons from the E-Com-
merce Revolution » in N. Ky. L. Rev., 2001, vol. 28, p. 810 et seq., spéc. p. 816: « there are many
disputes where face-to-face meetings are not feasible, and […] for such disputes there would be no
dispute resolution process at all without ODR. ODR, it can be argued, is not meant to replace or
be a substitute for face-to-face settings when they can be part of the process. For online disputes,
therefore, where parties may be located at great distances, it is not hard to persuade even skeptics
that ODR is useful and appropriate. »
(744) É. CAUSIN, « Déjudiciarisation » in Dictionnaire encyclopédique de théorie et de sociologie du
droit, s. dir. A.-J. Arnaud, Paris, LGDJ, 1993, p. 172 et seq.

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CONFIANCE DANS LE COMMERCE ÉLECTRONIQUE 239

lisme) du lien social à renouer. Dans la problématique du cyberespace, ce


sont les ODR qui doivent émerger, parce qu’ils sont les seuls à pouvoir
réellement s’insérer dans une architecture ubiquitaire de gestion des diffé-
rends rapide, fonctionnant à faibles coûts et structurellement proche du lien
social globalisé à renouer.
Les processus institutionnalisés (législatifs et juridictionnels-étatiques)
de production du droit ne peuvent jouer efficacement leur rôle de méca-
nisme d’induction de la confiance dans le commerce quand ce dernier a lieu
en ligne. La cause principale de cette incapacité tient à l’imprévisibilité et à
l’inefficacité de la gestion des litiges par les mécanismes classiques, du fait
de leurs bases territoriales. C’est là le cœur à la fois du problème et de la
solution.
Il existe de multiples possibilités d’adapter les mécanismes étatiques et
territoriaux de gestion des différends aux phénomènes déterritorialisés du
cyberespace. Toutefois, une seule approche prend véritablement le pro-
blème à ses racines et une seule solution aboutit à une réelle adéquation
structurelle. Il s’agit d’opter, comme l’écrit Gabrielle Kaufmann-Kohler,
pour le « remède radical, qui serait de faire fi de toute géographie, en droit
également » (745).
Dans cette approche, le défi consiste à faire disparaître les implications,
d’une part, de la localisation des acteurs et des actes et, d’autre part, des
dimensions géographiques des litiges. Il s’agit d’établir, pour le commerce
électronique et le cyberespace, une architecture de gestion des litiges qui
serait déterritorialisée tout en étant fonctionnellement équivalente à celle
qui a permis l’essor de la confiance dans les marchés locaux (étatiques ou
sub-étatiques). Le but en est de reconstruire dans l’environnement électro-
nique, conformément à l’idée posée par Lawrence Lessig et suivie tout au
long de ce chapitre, une architecture de confiance semblable à celle existant
hors ligne.
Reconstruire une telle architecture aterritoriale suppose, premièrement,
de promouvoir l’élaboration d’un corpus de règles transnationales et,
deuxièmement, de développer un système ubiquitaire de résolution des

(745) G. KAUFMANN-KOHLER, « Commerce électronique : droit applicable et résolution des


litiges », op. cit. n. 645.

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240 LE MOUVEMENT ODR

litiges. En d’autres termes, il s’agit d’assurer un minimum de prévisibilité


dans la justice substantielle (contenu des règles qui s’appliqueront) et dans
la justice formelle (comment et par qui s’appliqueront ces règles).

SOUS-SECTION III. — DES CODES DE CONDUITE


POUR LA PRÉVISIBILITÉ DE LA JUSTICE

Le hiatus entre l’ubiquité d’Internet et la territorialité des processus


d’élaboration juridique traditionnels fait à tout le moins surgir un double
questionnement quant au corpus de normes qui s’appliquera aux activités
en ligne. Sans revenir au débat sur les modèles régulateurs du commerce
électronique, débat auquel un chapitre a été consacré (746), ce question-
nement présente deux objets : les sources de ce corpus (problème des pro-
ducteurs de droit) et la forme de ce corpus (problème de l’instrument
juridique).
Les sources classiques de l’élaboration juridique sont mises à mal dans le
commerce électronique parce qu’elles émanent d’un souverain enfermé dans
les frontières de son territoire : l’État. Les États sont trop territoriaux pour
adopter une démarche globalisante qui pourrait répondre au besoin de
normes transnationales. Un producteur de droit global est requis. Ce be-
soin, largement reconnu, a conduit à une concurrence des sources d’élabo-
ration normative quelques fois qualifiée de course à la globalisation, une
compétition dont on peut raisonnablement penser qu’elle continuera à être
dominée par les secteurs économiques (747).
L’un des exemples les plus édifiants d’une victoire par un acteur privé
dans cette course est celui, entre-temps célèbre, du spamming et de sa ré-
gulation par la société privée californienne Mail Abuse Prevention System
(MAPS) (748). Si cette régulation connaît une certaine efficacité (somme

(746) Voir Chapitre III : Les trois principaux modèles de régulation du cyberespace, p. 87 et
seq. supra.
(747) G.-P. CALLIESS, « Rechtssicherheit und Marktbeherrschung im elektronischen Welt-
handel : die Globalisierung des Rechts als Herausforderung der Rechts- und Wirtschaftstheorie »
in E-Commerce und Wirtschaftspolitik, s. dir. J. Donges et S. Mai, Stuttgart, Lucius, 2001, p. 189 et
seq., spéc. p. 199 et seq. et ID., « Globale Kommunikation – staatenloses Recht », op. cit. n. 727,
pp. 74-79.
(748) Le spamming, c’est-à-dire la pratique de l’envoi en masse de courriers électroniques pu-
blicitaires, est l’un des problèmes les plus abhorrés de la plupart des utilisateurs d’Internet. À cause
de dissensions internationales sur la notion de spamming et de craintes de limitations de la liberté

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CONFIANCE DANS LE COMMERCE ÉLECTRONIQUE 241

toute assez limitée, mais tout de même beaucoup plus importante que celle
de tout autre régulateur), elle est par contre confrontée à un problème fon-
damental de légitimité. La condamnation des spammeurs par MAPS selon
ses règles ne peut se baser sur une quelconque forme de consentement, ni
contractuel (les spammeurs n’ont conclu aucun contrat avec la société cali-
fornienne) ni par le jeu du pouvoir législatif d’un État (il s’agit d’une régu-
lation privée et globale).
Il est vrai que dans certaines situations, telle justement celle du spam-
ming, les États n’auront parfois d’autre choix, pour qu’un quelconque cor-
pus normatif efficace et prévisible soit présent, que de laisser le secteur
s’autoréguler (749), à tout le moins en attendant de trouver une autre solu-
tion. Toutefois, dans ces cas, l’absence de consentement des destinataires
des normes pose un problème de légitimité. Cela nous amène au deuxième

d’expression, un traité international ne verra très probablement pas le jour avant de nombreuses
années. MAPS tient une liste d’adresses de courrier électronique (la real-time blackhole list - RBL)
depuis lesquelles du spam a été envoyé. Ses abonnés (près de 40 pour cent des fournisseurs de
services sur Internet) sont protégés contre les courriers indésirables par un filtrage sur la base de la
RBL. Se trouver ou non sur la RBL dépend du respect des règles élaborées par MAPS. La société
californienne est devenue l’un des principaux régulateurs du spamming ; il s’agit même, actuelle-
ment, de la seule source de régulation quelque peu efficace au niveau global (et tout, ou presque,
est global sur Internet) : D.G. POST, « Of Black Holes and Decentralized Law-Making in Cy-
berspace » in Vand. J. Ent. L. & Prac., 2000, vol. 2, p. 70 et seq., spéc. p. 74 : « the [other regula-
tors] will soon discover that [their] anti-spam statute has little effect on the amount of spam that
its citizens receive, because […] spam originating elsewhere […] is largely immune to [their]
control. » Voir aussi S.-A. KELIN, « State Regulation of Unsolicited Commercial E-mail » in
Berkeley Tech. L.J., 2001, vol. 16, p. 435 et seq. et L. LESSIG, « The Law of the Horse : What
Cyberlaw Might Teach » in Harv. L. Rev., 1999, vol. 113, p. 501 et seq., spéc. 546: « this black-
listing is a kind of vigilantism – it is an example of private people taking the law into their own
hands. »
(749) A.R. STEIN, « Frontiers of Jurisdiction : From Isolation to Connectedness », op. cit. n.
733, p. 402–403 : « one inevitable response to regulatory confusion is [that] private ordering holds
out the promise of providing legal certainty in an environment of jurisdictional confusion. […] It
may well be that there is greater international consensus on honoring private ordering than on the
principles that ought to govern interjurisdictional transactions in the absence of private ordering.
An internet service agreement that forbids selling offensive material over the internet is far more
likely to be enforced internationally than is the law of any country in which information about the
sale was disseminated. » Voir aussi H.H. PERRITT, « Towards a Hybrid Regulatory Scheme for
the Internet » in U. Chi. Legal F., 2001, p. 215 et seq., spéc. p. 221 : « private regulation represents
one interesting solution to jurisdictional problems presented by the internet’s indifference to geo-
graphic boundaries that historically have determined adjudicatory and prescriptive jurisdiction. It
may be more efficient ; it may promote compliance ; it may adapt better to changing technologies
and business practices. »

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242 LE MOUVEMENT ODR

problème, celui de la forme de la régulation ou de l’instrument juridique


utilisé.
Quant à l’instrument juridique qui semble le plus apte à fournir des
normes globales prévisibles, espérer la création de normes transnationales –
suffisamment développées pour constituer de réelles références normatives
– par des traités internationaux ou par le développement d’usages commer-
ciaux transnationaux nous paraît illusoire au vu des progrès réalisés jusqu’à
maintenant (750). Le contrôle technologique sans base consensuelle, tant
décrié par Lawrence Lessig (751) et dont on a eu un aperçu avec MAPS,
constitue un moyen de régulation certes efficace, mais inacceptable éthi-
quement et n’inspirant pas confiance dans le commerce électronique. Les
codes de conduite, acquérant tout naturellement une portée transnationale,
semblent constituer un moyen de régulation approprié pour donner une
certaine prévisibilité aux comportements en ligne (752). Ils peuvent ainsi
inspirer confiance dans le commerce électronique (753).

(750) En ce qui concerne les usages du commerce électronique, rejetant fermement leur capa-
cité régulatrice, O. CACHARD, La régulation internationale du marché électronique, op. cit. n. 667,
p. 18 et seq. Voir toutefois, pour une consécration judiciaire de l’interdiction du spamming en tant
que « pratique du milieu de l’Internet », Ph. AMBLARD, Régulation de l’Internet. L’élaboration des
règles de conduite par le dialogue internormatif, Bruxelles, Bruylant, 2004, p. 422 et seq. De manière
plus générale, voir G.-P. CALLIESS, « Rechtssicherheit und Marktbeherrschung im elektronischen
Welthandel », op. cit. n. 747 et ID., « Globale Kommunikation – staatenloses Recht », op. cit. n.
727. Sur l’harmonisation internationale du droit régissant les activités véhiculées par les réseaux,
voir notamment V.L. BENABOU, « Faut-il un harmonisation minimale du droit ? » in Le droit
international de l’internet, s. dir. G. Chatillon, Bruxelles, Bruylant, 2003, p. 177 et seq.
(751) L. LESSIG, Code and Other Laws of Cyberspace, op. cit. n. 653.
(752) Sur les codes de conduite, voir Sous-section I. — Précisions terminologiques et aspects
de l’autorégulation dans le cyberespace, p. 103 et seq. supra.
(753) La fragilité de la normativité de source étatique dans le cyberespace a conduit très rapide-
ment au développement de codes de conduite. L’Internet Activities Board (intégré en 1992 dans
l’Internet Society) a ainsi rendu, en janvier 1989, l’un des premiers codes d’Internet, intitulé
« Ethics and the Internet » et contenant des principes généraux de l’utilisation des ordinateurs et
des logiciels formant Internet : voir Internet Activities Board, « Ethics and the Internet », RFC-
1087, janvier 1989, <ftp://nic.merit.edu/documents/rfc/rfc1087.txt>. Ces principes ont été repris
et développés en 1995 dans la Netiquette, le code de conduite du Network Working Group (de-
venu ultérieurement le célèbre Internet Engineering Task Force) : voir Network Working Group
(S. Hambridge), « Netiquette Guidelines », RFC-1855, octobre 1995, contenant une longue liste
de comportements à respecter sur Internet. L’utilisation des codes de conduite à été encouragée par
l’Union européenne dès 1992 : voir Recommandation 92/295 de la Commission, du 7 avril 1992,
concernant des codes de conduite pour la protection des consommateurs en matière de contrats
négociés à distance, JO L 156 du 10.6.1992, p. 21, §§ lim. 18-19 et art. 16 Directive 97/7 du
Parlement européen et du Conseil, du 20 mai 1997, concernant la protection des consommateurs

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CONFIANCE DANS LE COMMERCE ÉLECTRONIQUE 243

L’un des codes de conduite les plus prometteurs est, au moment de la


rédaction de cette étude, en préparation par Eurochambres (754). Ce qui
rend cette initiative si prometteuse est le double mécanisme devant assurer
son effectivité et son efficacité : à ce mécanisme est rattaché un label de
certification – représentation graphique affichée sur le site web du mar-
chand et attestant de la conformité de ses pratiques commerciales avec le
code de conduite – et un système d’ODR habilité et capable de constater
les manquements au code de conduite et de les sanctionner par un retrait
du label par voie électronique.
Il s’agit ici du plus haut niveau de labellisation, celui où le tiers certifica-
teur a le plus de pouvoir d’intervention : il détermine les critères
d’attribution du label et il procède à des contrôles ultérieurs (périodiques ou
sur réclamation) du respect de ces critères. Puisque la confiance est induite
par le tiers, ce genre de codes de conduite / labels est celui qui présente la
plus grande capacité de promotion de la confiance (755).

en matière de contrats à distance (Directive sur la vente à distance), JO L 144 du 4.6.1997, p. 19 et


Directive 2000/31 du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2000, relative à certains aspects
juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique,
dans le marché intérieur (« directive sur le commerce électronique »), JO L 178 du 17.7.2000, p. 1.
Pour un recensement général, G. NANNARIELLO, Joint Research Centre, Commission euro-
péenne, « E-commerce and Consumer Protection. Survey of Codes of Practices and Certification
Processes », EUR 19932 EN, 2001, D. GOBERT et A. SALAÜN, « La labellisation des sites web :
inventaire des initiatives existantes » in Communications & Stratégies, 1999, vol. 35, p. 229 et seq. et
Th. VERBIEST et É. WÉRY, Le droit de l’internet et de la société de l’information. Droits européen,
belge et français, Bruxelles, Larcier, 2001, p. 527 et seq.
(754) V. TILMAN, « An Integrated Approach to Improving Online Confidence » in Online
Dispute Resolution (ODR) : Technology as the “Fourth Party”, Amherst, Mass., Publ. des Nations
unies et de l’Université de Massachusetts, 2003, p. 89 et seq., spéc. p. 90 : « Eurochambres is
pursuing an integrated regulation policy for the Internet. […] This approach is aimed at prevent-
ing disputes by introducing a European code of conduct and a quality label. » Eurochambres,
fondée en 1958, est une association européenne de 36 chambres de commerce et d’industries
nationales, et de 1'500 chambres régionales. Eurochambres représente indirectement plus de 15
millions d’entreprises européennes.
(755) Pour une classification des formes de labellisation selon l’intervention du tiers, voir D.
GOBERT et A. SALAÜN, « La labellisation des sites web : classification, stratégies et recommanda-
tions » in DAOR, 1999, vol. 51, p. 83 et seq., spéc. 83 : « plusieurs techniques permettent de
regagner la confiance des consommateurs. L’une d’elles est la labellisation des sites web qui offre
les conditions de confiance et de sécurité nécessaires au développement du commerce électroni-
que » et M. ANTOINE, D. GOBERT et A. SALAÜN, « Le développement du commerce
électronique : les nouveaux métiers de la confiance » in Droit des technologies de l’information. Re-
gards prospectifs, s. dir. É. Montero, Bruxelles, Bruylant, 1999, p. 3 et seq., relevant que le rôle du
tiers est toujours de renforcer la confiance de l’utilisateur en accroissant la sécurité juridique.

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244 LE MOUVEMENT ODR

OnlineConfidence, tel est en effet le nom du projet de labellisation et


d’ODR des Eurochambres. C’est donc, comme le nom l’indique, la
confiance en ligne qui doit être développée par ce projet : le code de
conduite assure la prévisibilité des normes applicables (756), le label atteste
de son respect et le système ODR joue le rôle du tiers de confiance qui
veille à une attribution / révocation impartiale du label. Le label de certifi-
cation est ainsi le bras armé du code de conduite, contrôlé par un méca-
nisme de résolution des litiges en ligne garantissant la qualité formelle de la
justice en ligne.

SOUS-SECTION IV. — DES ODR POUR


L’EFFICACITÉ DE LA JUSTICE

Abordons ici le deuxième type de confiance – énoncé par Pichler et évoqué


plus haut (757) – qui permet la participation dans le commerce électroni-
que. Il s’agit de la confiance au sens de reliance ou d’affidamento, c’est-à-
dire le fait de se fier à un certain comportement d’un tiers (par opposition
au trust ou à la fiducia, qui caractérise la confiance dans la partie co-
contractante) (758), en l’occurrence à son intervention lors de la survenance
d’un litige.
Un acteur commercial (qu’il soit consommateur, PME ou entreprise) ne
participera pas à un marché s’il n’est pas confiant dans le bon déroulement
des transactions qu’il peut y réaliser. Il pourra toutefois être confiant, et
actif commercialement, même s’il ne fait pas confiance aux autres parties
avec lesquelles il contractera (absence de trust), à condition qu’il puisse

(756) Notons, par ailleurs, que les autres codes de conduite et labellisateurs voient leur fonction
de la même manière. Par exemple, la Fédération romande des consommateurs indique que son but
est « [d’]offrir aux consommateurs une sécurité juridique bien supérieure à ce que prévoient les
textes nationaux européens actuels », grâce au label européen WebTrader, voir <web-trader.ch/-
reseau_ch.html>.
(757) Voir Section III. — Reformer des communautés de confiance, p. 211 et seq. supra.
(758) Comme nous l’avons écrit plus haut, ces deux concepts ont été utilisés avec beaucoup de
fertilité par Rufus Pichler, constituant les deux points focaux du travail de cet auteur : « Consumers
will not engage in impersonal exchange unless they either trust the merchant they are dealing with
and believe that everything will go alright or they can comfortably rely on a third party to effec-
tively afford them redress if things go wrong. Trust and reliance, which are to a large extent
grounded on expected compliance and effective enforcement, are two distinct components of
consumer confidence » : R. PICHLER, « Trust and Reliance – Enforcement and Compliance », op.
cit. n. 594, p. ii, sur la reliance, voir, spéc. p. 44 et seq.

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CONFIANCE DANS LE COMMERCE ÉLECTRONIQUE 245

s’attendre à l’intervention d’une tierce partie au cas où la transaction se


déroulerait mal (présence de reliance) (759).
Ce tiers doit être en mesure d’arranger les choses, c’est-à-dire de contrôler
le partenaire contractuel et de le contraindre à tenir ses engagements ou, à
défaut, d’assurer la réparation du dommage ou d’en prévenir la survenance.
En définitive, le tiers doit pouvoir neutraliser les éventuelles conséquences
négatives d’une transaction qui suscite un différend parce que le co-
contractant viole ses engagements (760). En présence d’un tel tiers, un
cadre de confiance est donné, permettant à un acteur de participer raison-
nablement à une activité commerciale impliquant des parties auxquelles il
ne peut faire confiance directement.
L’une des manières de susciter la confiance dans le commerce électroni-
que consiste donc à mettre à disposition des acteurs économiques des tiers
capables d’intervenir dans les litiges ; en d’autres termes, il s’agit de prévoir
des lieux de résolution des litiges efficaces, puisqu’il y a, par définition, un
litige quand une transaction se déroule mal à cause d’une violation
contractuelle. Dans de nombreux cas, comme on l’a vu, les tribunaux étati-
ques ne pourront pas constituer une solution efficace et raisonnable, parce
qu’ils ne pourront pas être effectivement saisis à cause des coûts qu’ils im-
pliquent ; c’est le problème que nous avons pu qualifier de déjudiciarisation.
Des mécanismes efficaces sont par ailleurs particulièrement importants
dans un contexte aussi polyculturel et désocialisé que le cyberespace. La
diversité des backgrounds culturels des acteurs d’un marché ainsi que
l’absence d’une quelconque relation sociale antérieure – qu’elle soit immé-
diate, c’est-à-dire directement entre les cocontractants, ou médiate, c’est-à-
dire une relation indirecte où les deux parties sont simplement rattachées à
une même communauté – implique en effet un plus grand effort de coordi-
nation des différences par un tiers et requiert une plus grande fiabilité des

(759) Sur l’idée que le droit est un palliatif commercial au trust, voir F. FUKUYAMA, La
confiance et la puissance, op. cit. n. 691, pp. 35– 38 : « les hiérarchies sont nécessaires parce qu’on ne
peut espérer de chacun qu’il se plie à des règles éthiques intériorisées et assume la part qui lui
revient. En définitive, on ne peut faire l’économie de la contrainte par des règles explicites, ni de
sanctions » (pp. 35–36), l’auteur se référant en conclusion à l’« appareil juridique » comme
« substitut de la confiance » (p. 38).
(760) L.H. BLUHM, « Trust, Terrorism, and Technology », op. cit. n. 646, p. 338: « if one be-
lieves that potential negative consequences can be neutralized […], it matters little if the person
with whom one is interacting is untrustworthy. »

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246 LE MOUVEMENT ODR

mécanismes de règlement des différends (761) ; la confiance est à ce


prix (762). Le manque de fiabilité actuelle des mécanismes de règlement
des différends a ainsi été identifié comme l’une des causes essentielles du
manque de confiance dans le commerce électronique (763).
Les ODR ont la capacité de constituer de tels repères de justice propo-
sant des mécanismes sur lesquels les acteurs commerciaux peuvent compter
au cas où une transaction suscite un différend ; ils peuvent être l’objet de
cette reliance (764). Ils peuvent l’être parce qu’ils constituent des systèmes
de résolution des litiges adaptés au cyberespace. Ils dérivent de la commu-
nication électronique un potentiel d’efficacité tout particulier parce que,

(761) D.C. NORTH, Institutions, Institutional Change, and Economic Performance, op. cit. n. 739,
p. 34 : « the greater the specialization and the number and variability of valuable attributes, the
more weight must be put on reliable institutions that allow individuals to engage in complex
contracting with a minimum of uncertainty about whether the terms of the contract can be real-
ized. Exchange in modern economies […] necessitates institutional reliability. »
(762) J. NADLER, « Electronically-Mediated Dispute Resolution and E-Commerce », op. cit.
n. 644, p. 336 : « in a […] setting where a supplier and buyer who are already known to one an-
other engage in regular, predictable on-line transactions, the need for readily available […] dispute
resolution is likely to be low. On the other hand, in an on-line […] transaction, where the business
is not backed by a well-recognized brand name, the consumer might have doubts about the quality
of goods, or even about the legitimacy of the company. In this case, an easily available dispute
resolution service can be reassuring to the consumer and can play a role in the decision to go
forward with the transaction. »
(763) Voir par exemple les commentaires lors de la conférence de la Federal Trade Commis-
sion, « Joint Workshop on Alternative Dispute Resolution for Online Consumer Transactions »
du 21 juin 2000, notamment celles de Charles Underhill (BBBOnline), de Yuko Yasunaga (mi-
nistère du commerce et de l’industrie du Japon), de la National Consumer League des États-Unis,
de Paul Skehan (Eurochambres), toutes disponibles à partir de <www.ftc.gov/bcp/altdisres-
olution/comments/index.htm>. Voir aussi, de manière plus générale, la Recommandation du
Conseil de l’OCDE relative aux lignes directrices régissant la protection des consommateurs dans
le contexte du commerce électronique, <www.oecd.org>.
(764) Voir par exemple E. KATSH et J. RIFKIN, Online Dispute Resolution. Resolving Disputes in
Cyberspace, San Francisco, Jossey-Bass, 2001, pp. 82–89, spéc. p. 88 : « Online Dispute Resolu-
tion, we expect, will become a [confidence]-building enhancement to many sites. » Sur le rôle que
joue SquareTrade, le plus grand centre d’ODR, J. NADLER, « Electronically-Mediated Dispute
Resolution and E-Commerce », op. cit. n. 644, p. 336 : « Squaretrade’s motto is ‘Building Trust in
Transactions’. Squaretrade explicitly promotes its ability to ‘build trust between on-line buyers and
sellers’ because its seal is visible to potential customers. Squaretrade’s strategy suggests that the
presence of a highly visible and readily available dispute resolution system for on-line transactions
has two key beneficial effects : (1) it provides a guaranteed method for securing third-party assis-
tance with a dispute should one arise ; and (2) it sends a signal to potential customers that they will
have recourse if the deal goes sour. » Notons aussi que l’institution canadienne d’ODR eResolution
(qui a fermée en 2002) utilisait les termes « Integrity Online » dans sa propre description, et
WebAssured se dit être « the dot confidence company ».

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CONFIANCE DANS LE COMMERCE ÉLECTRONIQUE 247

comme nous l’avons dit plus haut (765), un mécanisme de règlement des
différends structurellement adapté au commerce électronique doit « faire fi
de toute géographie », il doit être ubiquitaire. Or l’ubiquité est une pro-
priété qui n’est donnée que si l’accès au système est dématérialisé. La dé-
matérialisation de l’accès n’est rendue possible que par la communication
électronique. Et la communication électronique est précisément l’un des
éléments définitoires des ODR. L’efficacité juridictionnelle des ODR, ce
qui détermine leur reliability (c’est-à-dire leur fiabilité) et induit la
confiance, est ainsi fondamentalement assurée par leur aterritorialité qui
permet de garder les coûts impliqués suffisamment bas pour qu’ils restent
saisissables en cas de litiges transnationaux de moyenne ou faible valeur.
L’autre élément qui détermine leur fiabilité réside dans l’usage de moyens
alternatifs de production de la force contraignante. Être effectivement saisissa-
bles ne suffit en effet pas à instaurer la confiance ; ils doivent encore pro-
duire des résultats (décision ou accord) qui peuvent effectivement être mis
en œuvre, s’il le faut contre la volonté d’une partie qui s’y opposerait. En
d’autres termes, les résultats des procédures de règlement en ligne doivent
être factuellement contraignants pour être efficaces et induire la confiance,
c’est-à-dire pour être reliable (fiables). Les ODR peuvent ainsi notamment
faire respecter et rendre effectifs ces codes de conduite mentionnés plus
haut en menaçant leurs violateurs d’un retrait de label ; dans ce cas, la force
contraignante est produite par le contrôle du label par l’institution de réso-
lution des litiges en ligne. Ces institutions peuvent encore avoir recours à
d’autres méthodes pour contrôler les comportements des acteurs du com-
merce électronique, par exemple en se liant à des intermédiaires de paie-
ment (les compagnies de carte de crédit, par exemple) ou en assurant la
réparation du dommage par la constitution de fonds de jugement ou en
concluant des partenariats avec des assurances de transactions. Ces moyens
alternatifs de production de la force contraignante seront examinés plus
tard (766). Le but ici est simplement d’évoquer les capacités des ODR à
être saisissables et effectifs, deux facteurs de leur efficacité juridictionnelle,

(765) Voir Sous-section II. — Des processus déterritorialisés d’élaboration du droit, p. 235 et
seq. supra.
(766) Voir Section VI. — Mécanismes d’autoexécution et ODR, p. 349 et seq. infra.

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248 LE MOUVEMENT ODR

constituant elle-même une condition de la qualité de repère de justice inspi-


rant la confiance.
Les ODR complètent ainsi l’architecture de confiance permettant le dé-
veloppement du commerce électronique : la partie trust de la confiance est
promue par les communautés numériques et sa partie reliance est assurée
par les ODR. Alors que les premières ont pour but d’établir des relations à
plus longue durée (ou répétées) entre les acteurs – c’est-à-dire d’en faire des
repeat players qui peuvent fonder leur confiance sur des relations antérieures
– les seconds visent avant tout les situations de one-shot transaction où la
confiance n’a pas pu être établie directement entre les parties, faute de rela-
tions antérieures.
La problématique de la confiance comporte ici une nouvelle question,
que nous évoquerons simplement en guise de perspective : le problème de
la confiance dans le commerce électronique peut être, en partie à tout le
moins, résolu par les ODR, nous l’avons dit. Toutefois, pour que la résolu-
tion en ligne des litiges puisse constituer une réponse, il faut pouvoir faire
confiance aux ODR. Cette confiance dans des lieux de résolution des liti-
ges repose sur leur capital symbolique, c’est-à-dire sur le crédit et la recon-
naissance qui leur est accordée par les acteurs du commerce électronique et
au pouvoir qui leur est reconnu en tant que lieu de règlement des diffé-
rends (767). En effet, la notion de repère de justice appelle les idées de

(767) Cette notion a été utilisée dans la célèbre analyse sociologique par Dezalay et Garth de
l’arbitrage commercial international : les arbitres qui ont le plus fort capital symbolique (on pour-
rait dire : ceux en qui est placé le plus de crédit et de confiance en tant que juges privés) sont les
plus souvent nommés pour résoudre un litige : Y. DEZALAY et B. GARTH, Dealing in Virtue, op.
cit. n. 710, pp. 18–29. Pour une définition de la notion, P. BOURDIEU, Raisons pratiques : sur la
théorie de l’action, Paris, Seuil, 1994, p. 161 « j’appelle capital symbolique n’importe quelle espèce
de capital (économique, culturel, scolaire ou social) lorsqu’elle est perçue selon des catégories de
perception […] qui sont […] le produit de l’incorporation des structures objectives du champ
considéré, c’est-à-dire de la structure de la distribution du capital dans le champ considéré. » Voir
aussi A. ACCARDO, Initiation à la sociologie : l’illusionnisme social : une lecture de Bourdieu, 2ème éd.,
Bordeaux, Le Mascaret, 1991, p. 51 : « le capital symbolique est un crédit (au sens à la fois de
croyance et de confiance accordée à l’avance) mis à la disposition d’un agent par l’adhésion d’autres
agents qui lui reconnaissent telle ou telle propriété valorisante. L’agent qui dispose de ce crédit
consenti par les autres se trouve par là même placé en position de force, quelles que soient les
propriétés qu’il possède intrinsèquement. »

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CONFIANCE DANS LE COMMERCE ÉLECTRONIQUE 249

crédit et de reconnaissance, qui à leur tour évoquent le concept de capital


symbolique (768).
Pour les ODR, la nécessité de construire un tel capital déterminera une
partie de leur évolution ; il est très probable qu’ils seront amenés à tirer
profit du capital symbolique d’autres institutions. On peut ainsi imaginer
les développements suivant. Premièrement, qu’ils se rapprochent davantage
des tribunaux, pour devenir des modes judiciaires informels de règlement
des différends, bénéficiant de la sorte du capital symbolique des institutions
judiciaires. Deuxièmement, que les ODR importants soient en grande
partie gérés par les principaux centres d’arbitrage et d’autres institutions
reconnues (comme Eurochambres), devenant par ce biais des produits d’une
marque réputée de règlement des différends. Troisièmement, qu’ils soient
eux-mêmes labellisés, reléguant le problème de la confiance à un niveau
supérieur. L’une des conséquences de ce triple mouvement (entamé vers le
judiciaire, les institutions non étatiques reconnues et la labellisation) sera
une série de modifications processuelles ; ces trois facteurs, et d’autres en-
core, vont les amener à se processualiser. Ce sera là la perspective adoptée
pour un chapitre ultérieur (769).
Avant de clore ce chapitre, il convient encore d’évoquer un parallèle, ou
plutôt une recontextualisation. Les ODR font partie, à quelques exceptions
près, des phénomènes extrajudiciaires de résolution des litiges. Le plus
connu, le plus analysé, le plus important (à tout le moins du point de vue
de la réflexion juridique) de ces phénomènes hors ligne est l’arbitrage. Or
une rapide digression dans l’histoire de l’arbitrage nous permet de penser,
tout d’abord, que le développement d’une justice parallèle et privée pour un
marché spécifique n’a rien de nouveau et qu’il ne se place même pas dans
un courant assez jeune pour pouvoir être une mode. Tout au contraire,
l’arbitrage apparaît comme un repère de justice (770) quasi universel, pré-

(768) Voir aussi M. VERDUSSEN, « L’origine et la légitimité du Conseil supérieur de la jus-


tice » in Le conseil supérieur de la justice, s. dir. M. Verdussen, Bruxelles, Bruylant, 1999, p. 15 et
seq., spéc. p. 18 : « un régime viable de collaboration des pouvoirs exige que les attributions
confiées à tel pouvoir ou tel organe ne soient pas démesurées par rapport à l’estime qu’on lui porte
[…] Une démocratie aspire à la confiance des citoyens en ses institutions. »
(769) Voir Chapitre VIII : Perspective : vers la processualisation ?, p. 271 et seq. infra.
(770) Retenons provisoirement comme élément définitoire de l’arbitrage sa distinction de la
justice étatique, à savoir que le juge est choisi et privé dans le premier cas, imposé et public dans le
second. Dans cette perspective, une sentence arbitrale est une réelle décision de justice et l’arbitrage

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250 LE MOUVEMENT ODR

sent dès la naissance des grandes civilisations (771) ; il se caractérise par


son ancienneté, sa constance et sa transversalité culturelle. Il constitue un
mode plus évolué, du point de vue de l’anthropologie de la résolution des
litiges, que les modes non adjudicatifs, la forme adjudicative du règlement
des différends semblant être un pôle vers lequel tendent tous les lieux de
justice (772). L’autre enseignement pour les ODR de l’historicité de
l’arbitrage tient au rôle qu’il a été appelé à jouer, aux raisons de sa pré-
sence : Motulsky considère ainsi que l’arbitrage « correspond – comme son
histoire et son développement le prouvent – à une véritable nécessité éco-
nomique autant qu’à une profonde aspiration humaine » (773), cette aspi-
ration étant simplement, reprend Thomas Clay, le souci de justice (774).
Dans ce chapitre, nous avons examiné les raisons de la présence des méca-
nismes de règlement des litiges en ligne du point de vue de la nécessité
économique. Il nous reste, dans le chapitre qui s’ouvre, à l’étudier dans une
perspective reposant sur une « profonde aspiration humaine », sur un souci
de justice ou, plus précisément, d’accès à la justice. La pérennité des ODR
serait ainsi assurée par cette double nécessité économique et éthique.

un réel repère de justice (même si cette justice est privée), à condition toutefois que la procédure
contienne les attributs fondamentaux de la justice, à savoir qu’elle respecte les principes fonda-
mentaux de bonne justice (le due process) et qu’elle tranche le litige. Sur une définition de l’arbitrage
en ce sens, Ch. JARROSSON, La notion d’arbitrage, op. cit. n. 596, p. 367 et seq.
(771) Voir par exemple Th. CLAY, L’arbitre, Paris, Dalloz, 2001, pp. 1-10, spéc. p. 1, l’auteur
ouvrant son livre en affirmant que la « permanence de l’arbitrage est un élément essentiel de la
compréhension du phénomène ».
(772) Voir Section I. — L’informalisme en théorie, la processualisation en pratique ?, p. 273
et seq. supra.
(773) H. MOTULSKY, Écrits. Études et note sur l’arbitrage, Paris, Dalloz, 1974, p. 208.
(774) Th. CLAY, L’arbitre, op. cit. n. 771, p. 9.

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CHAPITRE VII
Chapitre VII. — La résolution des litiges en ligne comme accès à la justice

LA RÉSOLU TION DES LITIGES EN LIGNE


COMME ACCÈS À LA JUSTICE

Dans le chapitre précédant, nous avons étudié une rationalité économique


poussant un secteur économique – le commerce électronique – à dévelop-
per la résolution des litiges en ligne. Nous avons vu que les méthodes de
règlement en ligne des différends sont profitables au commerce électroni-
que et qu’en conséquence tout porte à croire que ses acteurs tendront à
développer ces méthodes de règlement des différends. Dans le présent cha-
pitre, nous examinerons le fondement du mouvement ODR dans une ra-
tionalité économique poussant les parties à recourir à ce qui constitue leur
meilleur accès à la justice, soit justement les méthodes de résolution des
litiges en ligne.
Ces méthodes constituent le meilleur accès à la justice (775) parce que la
croissance du commerce électronique amène l’internationalisation des pe-
tits litiges (776). Au moins deux causes poussent ce contentieux internatio-
nal à grandir. Premièrement, le commerce électronique se caractérise par

(775) Nous entendons ici la notion d’accès à la justice dans le sens que consacre, notamment, le
projet de Directive sur la médiation, qui, au § 1.1.1 de l’exposé des motifs, indique que « la notion
d’accès à la justice devrait couvrir, dans ce contexte, l’encouragement du recours à des procédures
adéquates de résolution des litiges pour les particuliers et les entreprises, et non pas uniquement
l’accès au système judiciaire » : proposition de Directive du Parlement européen et du Conseil sur
certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale, 22 octobre 2004, COM (2004)
718 final.
(776) L’internationalisation des petits litiges ne concerne pas exclusivement le commerce élec-
tronique. Il s’agit là bien plus d’un élément général de la mondialisation des échanges commer-
ciaux, conséquence de l’affaiblissement global des coûts liés aux déplacements des produits et des
services, de leurs consommateurs et des informations les concernant. Les ODR constituent en
conséquence un accès privilégié à la justice dans un contexte plus large que le seul commerce
électronique : voir en ce sens L. CAPLIN, « Resolving Consumer Disputes Online : A Review of
Consumer ODR » in CLP, 2003, p. 207 et seq. Nous traiterons néanmoins essentiellement du
commerce électronique, ce domaine délimitant le sujet de cette étude.

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252 LE MOUVEMENT ODR

un affaiblissement spectaculaire des coûts de transaction dans les contrats


internationaux, entraînant l’abaissement du seuil économique à partir du-
quel un contrat international est conclu. Trouver un fournisseur moins cher
à l’étranger est une affaire de minutes, comparer les offres de plusieurs ven-
deurs dans plusieurs pays celle de quelques clics de souris. Acheter un livre
par Internet à l’étranger est quelques fois plus simple et souvent moins cher
que de l’acquérir dans la librairie du coin de la rue. Se faire livrer un logiciel
par voie électronique est en soi la manière la plus simple et la moins chère
de procéder, le lieu d’origine de la livraison n’ayant virtuellement aucune
incidence sur le temps ou la qualité de celle-ci. Accéder à une base de don-
nées étrangère est une banalité. Il suffit de quelques courriers électroniques
ou de quelques communications basées sur des sites web pour conclure un
contrat de fourniture de services avec une entreprise ou un particulier à
l’autre bout de la planète. Deuxièmement, même l’internaute réticent à
l’internationalité se verra parfois involontairement partie à un contrat inter-
national, les acteurs du cyberespace étant souvent difficiles à localiser, aussi
bien matériellement que juridiquement (777). Un certain nombre de ces
contrats internationaux produiront inévitablement des litiges (778). Or les
modes classiques de résolution des litiges, qu’il s’agisse des tribunaux ou des
procédures hors ligne d’arbitrage ou de médiation, ne sont en règle générale
pas prévus pour connaître de litiges à grande portée géographique et à fai-
ble enjeu économique (779). Les tribunaux, déjà souvent décriés pour être

(777) Voir Sous-section I. — Le cyberespace comme espace géographiquement distinct, p. 23


et seq. supra.
(778) R.C. BORDONE, « Electronic Online Dispute Resolution : A Systems Approach–Poten-
tial, Problems, And A Proposal », op. cit. n. 685, p. 180 (relevant l’effet désinhibant de
l’environnement électronique), E. KATSH, Law in a Digital World, New York, Oxford Univ. Press,
1995, p. 180 (insistant sur les contrats et litiges portant sur des transmissions d’informations), ID.,
« The Online Ombuds Office : Adapting Dispute Resolution to Cyberspace », NCAIR Confer-
ence on Online Dispute Resolution, Washington DC, Mai 1996, <www.umass.edu/dispute/-
ncair/katsh.htm> (retenant l’augmentation de la population des Internautes et l’extension de leurs
activités, entraînant un accroissement du nombre et de la diversité de litiges) et I. MACDUFF,
« Flames on the Wires : Mediating from an Electronic Cottage » in Negot. J., 1994, vol. 10, p. 5 et
seq., spéc. pp. 10-11, arguant que l’inhabituel de l’environnement électronique produit des litiges.
(779) En observation liminaire, on évoquera la procédure d’arbitrage de la CCI, conçue pour
des litiges dépassant EUR 100'000 : R.P. ALFORD, « The Virtual World and the Arbitration
World » in JintArb, 2001, vol. 18, p. 449 et seq., spéc. p. 456. Il est vrai, cependant, que certains
systèmes judiciaires prévoient des procédures particulières pour les litiges de droit de la consom-
mation. Dans ces cas, le problème des coûts au plan de la procédure est largement affaibli. Néan-
moins, ces procédures n’existent pas partout, celles qui existent sont réservées aux consommateurs

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ACCÈS À LA JUSTICE 253

inadaptés au commerce international en général, le sont encore moins pour


le commerce électronique. Les méthodes extrajudiciaires de règlement des
différends peuvent être plus adaptées quand elles sont simplifiées et qu’elles
impliquent des coûts faibles, mais elles se heurtent toujours au conflit de la
territorialité des lieux de résolution des litiges et de la quasi-aterritorialité
des activités véhiculées par les réseaux : elles peuvent donc être améliorées,
notamment en prévoyant une procédure accessible aisément et de partout,
c’est-à-dire une procédure en ligne. Les méthodes de résolution des litiges
en ligne constituent, dans beaucoup de cas, le seul accès à la justice satis-
faisant pour l’une ou même les deux parties.
Nous tenterons ainsi tout d’abord de démontrer, en nous fondant sur
une perspective d’analyse économique du droit, que les tribunaux étatiques
ne sont pas adaptés aux litiges du commerce électronique – les mêmes pro-
blèmes s’appliquant aux procédures extrajudiciaires hors ligne. Toujours
dans la même perspective, nous nous emploierons ensuite à démontrer
l’adéquation des procédures de résolution des différends en ligne pour ces
litiges. Enfin, nous aborderons quelques questions choisies relatives à la
constitution de lieux de justice par les méthodes d’ODR, concernant cer-
tains aspects financiers et techniques de ces méthodes.

SECTION I. — L’inadéquation des tribunaux


étatiques

Un bref examen, suivant une perspective empruntée à l’analyse économique


du droit, de la résolution judiciaire des différends du commerce électro-
nique à faible valeur litigieuse, c’est-à-dire le domaine privilégié de la réso-
lution des litiges en ligne, permet de montrer que la voie des tribunaux
étatique est inadaptée. Le problème de l’accès à la justice pour les petits
litiges n’existe pas que pour les différends du commerce électronique, mais
de manière générale chaque fois que la valeur litigieuse est trop faible. Le
problème s’accentue toutefois quand on passe du local ou du national à

(à l’exclusion, notamment, des PME, dont les moyens financiers peuvent être tout aussi limités) et,
même pour un consommateur, les jugements rendus devront encore faire l’objet d’une procédure
en exécution forcée à l’étranger, réinjectant de la sorte des coûts supplémentaires et souvent dispro-
portionnés.

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254 LE MOUVEMENT ODR

l’international et des transactions hors ligne à celles en ligne. Il convient en


conséquence ici de faire tout d’abord mention du mécanisme général, en
analyse économique, de l’accès aux tribunaux, puis de relever les difficultés
supplémentaires qui se posent au plan international et enfin de montrer
que le passage du monde hors ligne au monde en ligne aggrave encore la
situation (780).
D’un point de vue de rationalité économique, un individu n’entamera
une action en justice que si l’espérance du bénéfice est supérieure aux coûts
attendus ; dans le cas inverse, le demandeur se trouvera en situation
d’action à valeur attendue négative (negative-expected-value suit) (781). Le
bénéfice attendu est la somme, déterminée en fonction de la valeur liti-
gieuse de l’action, qui entrera dans le patrimoine du demandeur si celui-ci
obtient gain de cause dans la procédure et obtient l’exécution (volontaire ou
forcée) de la décision, multipliée par la probabilité de triompher dans la
procédure et d’obtenir l’exécution. Les coûts attendus sont notamment les
frais de conseil et de procédure, ainsi que les débours de la partie adverse si
le système d’allocation de ceux-ci en dispose de la sorte, multipliés par la
probabilité de succomber dans la procédure et d’être contraint à s’exécuter.
Notons ici que la probabilité pour le demandeur de triompher dans la pro-
cédure n’est jamais de un, notamment en raison des risques d’erreur judi-
ciaire, qui augmentent par ailleurs pour les petits litiges parce que moins de
ressources sont affectées à la résolution du cas (782). De plus, la probabilité
d’une réduction des coûts causée par des parties qui transigeraient est ré-

(780) Sur tout ceci, R. PICHLER, « Trust and Reliance – Enforcement and Compliance », op.
cit. n. 594, pp. 82–97. Voir aussi, pour un survol, P. DE LOCHT, « Les modes de règlement extra-
judiciaires des litiges » in Le commerce électronique européen sur les rails ? : analyse et proposition de
mise en oeuvre de la directive sur le commerce électronique, s. dir. É. Montero, Bruxelles, Bruylant,
2001, p. 327 et seq., spéc. pp. 360–362 : « l’obstacle financier que rencontre le justiciable, généra-
lement un consommateur, réside dans la disproportion entre la valeur limitée de l’affaire et le coût
d’une procédure judiciaire qui l’incite souvent à renoncer à faire valoir ses droits. […] En outre, les
difficultés linguistiques sont susceptibles de poser des problèmes. En effet, s’il est relativement aisé
de choisir et de payer un objet dans une autre langue, tout autre est l’expression de son insatisfac-
tion. Enfin, le manque de connaissance des droits étrangers et du fonctionnement du système
judiciaire des autres États décourage le consommateur d’intenter une action afin de faire reconnaî-
tre ses droits. »
(781) A. BEBCHUK, « A New Theory Concerning the Credibility and Success of Threats to
Sue » in J. Legal. Stud., 1996, vol. 25, p. 1 et seq., spéc. p. 1.
(782) R.A. POSNER, « An Economic Approach to Legal Procedure and Judicial Administra-
tion » in J. Legal. Stud., 1973, vol. 2, p. 399 et seq., spéc. pp. 404, 429–435 et 441.

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ACCÈS À LA JUSTICE 255

duite puisque, si le litige est de faible valeur, la menace du demandeur de


poursuivre l’action jusqu’au bout est limitée (783). En simplifiant quelque
peu, on peut dire qu’il existe ainsi un seuil, déterminé par la valeur liti-
gieuse et la probabilité d’obtenir gain de cause, en dessous duquel une ac-
tion ne sera en principe soit pas entamée, ou abandonnée. Ce seuil
constitue un obstacle réel à l’accès à la justice pour un nombre important de
petites transactions, qui entrent généralement dans la catégorie des litiges
de consommation (784).
La réalité de cet obstacle est confirmée, en ce qui concerne les contrats
internationaux, par deux études menées pour la Commission européenne.
Celles-ci révèlent qu’une situation à valeur attendue négative apparaît, de
manière générale, dès qu’un litige transfrontière intra-européen a une va-
leur de moins de EUR 2'000 (785). En d’autres termes, si une personne est
impliquée dans un différend dont la valeur litigieuse est de moins de EUR
2'000, la saisine d’un tribunal impliquera pour elle des coûts attendus plus
importants que les bénéfices attendus. Cela signifie qu’il est, dans ces cas,
irrationnel de saisir la justice. Ainsi, l’accès à la justice est fermé, dans les
faits, pour une partie très importante des litiges de consommation.
Par ailleurs, le seuil de l’accès rationnel à la justice est en principe encore
plus élevé pour des différends dont l’une des parties, ou plus spécifique-
ment les éléments importants de son patrimoine, sont situés en dehors de
l’Europe. La raison pour ceci réside notamment dans l’absence généralisée
de convention sur la reconnaissance et l’exécution des jugements (786).

(783) S. SHAVELL, « Suit, Settlement, and Trial : A Theoretical Analysis Under Alternative
Methods for the Allocation of Legal Costs » in J. Legal. Stud., 1982, vol. 11, p. 55 et seq., spéc.
p. 56.
(784) R.A. POSNER, « An Economic Approach to Legal Procedure and Judicial Administra-
tion », op. cit. n. 782, p. 438 et R.D. COOTER et D.L. RUBINFELD, « Economic Analysis of Legal
Disputes and Their Resolution » in J. Econ. Lit., 1989, vol. 27, p. 1067 et seq., spéc. p. 1089.
(785) H. VON FREYHOLD, V. GESSNER, E.L. VIAL et H. WAGNER, The Cost of Judicial Bar-
riers for Consumer in the Single Market, Bruxelles, Publ. Commission européenne, 1996 et B.
FELDTMANN, H. VON FREYHOLD et E.L. VIAL, The Cost of Legal Obstacles to the Disadvantage of
the Consumers in the Single Market, Bruxelles, Publ. Commission européenne, 1998, <europa.eu.-
int/comm/dgs/health_consumer/library/pub/pub03.pdf>. Le même problème avait été abordé dans
le Livre vert de la Commission européenne relatif à l’accès des consommateurs à la justice et au
règlement des litiges de consommation dans le marché unique, 16 novembre 1993, COM (93) 576
final.
(786) Rappelons ici que la reconnaissance et l’exécution des jugements en Europe est très large-
ment facilitée par le RB I et la CLug. Le champ d’application territorial du premier couvre l’Union

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256 LE MOUVEMENT ODR

Cette absence de convention diminue en effet le bénéfice attendu, étant


donné que la probabilité d’obtenir l’exequatur décroît. La situation ne dif-
fère au demeurant guère en ce qui concerne l’exécution volontaire ;
l’incitation de la partie débitrice à s’exécuter est en effet en grande partie
fonction de la réalité de la menace de l’exécution forcée.
Parmi les facteurs contribuant à l’importance des coûts attendus, on
compte notamment les frais de déplacement (dépenses elles-mêmes et
perte de gain due au temps perdu (787)), la nécessité d’engager un conseil
juridique à l’étranger en plus du conseil local, le besoin d’assistance à
l’étranger en vue de la constitution de preuves et les coûts éventuels de tra-
duction des documents (788).
Cette problématique générale de la difficulté d’accéder à la justice étati-
que est encore exacerbée dans le contexte du commerce électronique. La
proportion des contrats internationaux en dessous du seuil de l’accès éco-
nomiquement rationnel à la justice augmente en effet dans le commerce en
ligne, par rapport au commerce hors ligne. Cette situation est due à la
baisse des barrières à l’entrée pour les contrats internationaux dans le cyber-
espace, c’est-à-dire que le seuil de valeur à partir duquel une transaction
internationale est conclue y est plus faible. En d’autres termes, il y a pro-
portionnellement plus de petits contrats internationaux dans le cyberespace
qu’en dehors. En conséquence, la valeur litigieuse moyenne diminue, en-
traînant la réduction du bénéfice attendu d’une action en justice (789). De
même, mais dans une mesure nettement moindre, les coûts attendus peu-
vent également devenir plus importants, par exemple en raison de diffi-
cultés liées à l’obtention de preuves par électronique (790).

européenne à l’exception du Danemark. Celui de la seconde s’étend aux États membres de l’Union
avant l’entrée des dix nouveaux pays, ainsi que l’Islande, la Norvège, la Pologne et la Suisse.
(787) Selon l’une des études réalisées pour la Commission européenne, une procédure judiciaire
concernant un petit litige dure en moyenne deux ans : H. VON FREYHOLD, V. GESSNER, E.L.
VIAL et H. WAGNER, The Cost of Judicial Barriers for Consumer in the Single Market, op. cit. n. 785.
(788) Voir par exemple G.B. BORN, International Civil Litigation, 3ème éd., La Haye, Kluwer,
1996, p. 5.
(789) Voir par exemple J. ROTHCHILD, « Protecting the Digital Consumer : The Limits of
Cyberspace Utopianism » in Ind. L.J., 1999, vol. 74, p. 893 et seq., spéc. p. 912 et L. LESSIG, Code
and Other Laws of Cyberspace, op. cit. n. 653, p. 197.
(790) R. PICHLER, « Trust and Reliance – Enforcement and Compliance », op. cit. n. 594,
pp. 84–85.

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ACCÈS À LA JUSTICE 257

Les ODR semblent constituer la seule solution véritable à ces perturba-


tions de l’accès à la justice ; les alternatives ne semblent guère réalistes. Par
exemple, les associations de consommateurs ne sont que d’un secours li-
mité, parce qu’elles ne peuvent prendre en charge qu’une partie minime du
contentieux et parce que la plupart d’entre elles ne sont pas équipées pour
des contrats transfrontières. Les cours des petites créances (small claims
courts) ne semblent pas non plus constituer une solution satisfaisante, parce
qu’elles n’existent pas partout, loin s’en faut. Quant aux actions collectives
(class actions), leur admissibilité est fortement limitée en dehors des États-
Unis et elles ne paraissent ainsi pas non plus apporter une réponse suffi-
sante à la question (791). La résolution des litiges en ligne présente réelle-
ment, comme nous le verrons dans ce qui suit, les caractéristiques les plus à
même de constituer une solution satisfaisante.
On notera encore, avant de conclure cette section, que le même pro-
blème se pose également pour le commerce national, mais évidemment
avec moins de force, puisque les barrières à l’entrée de la justice sont plus
basses au plan national qu’international. Il est alors possible de soumettre
aux tribunaux des litiges de plus faible valeur sans que cela constitue une
action économiquement déraisonnable. Ce n’est cependant pas pour autant
que tout seuil d’une valeur litigieuse minimale disparaît.

SECTION II. — L’adéquation de la résolution


des litiges en ligne

La résolution des litiges en ligne connaît, du point de vue de l’accès à la


justice, un certain nombre d’avantages par rapport aux tribunaux étatiques,
à tout le moins par rapport à ceux dont la procédure se déroule essentielle-
ment hors ligne (792). Ces avantages consistent avant tout en une réduc-
tion de certains coûts liés au règlement des différends. Ils en va ainsi des
coûts de déplacement, d’accès à l’information et d’intermédiaire. Puisque
les procédures sont conduites par voie électronique, il se peut toutefois que

(791) Sur ceci, voir G. KAUFMANN-KOHLER et Th. SCHULTZ, Online Dispute Resolution :
Challenges for Contemporary Justice, op. cit. n. 575, p. 71.
(792) Sur les tribunaux dont les procédures se déroulent en ligne, voir Section V. —
Procédures judiciaires en ligne et cybertribunaux, p. 191 et seq. supra.

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258 LE MOUVEMENT ODR

des coûts supplémentaires apparaissent. Liés à la technologie, ils devront


obligatoirement être gardés aussi bas que possible.
La réduction des coûts liés aux déplacements des parties est celle qui
s’offre le plus aisément à l’esprit : avec les ODR, il n’y a plus de frais d’hôtel
et d’avion, et la perte de gain causée par la perte de temps est réduite au
minimum. Plus le nombre de personnes impliquées par une procédure est
grand (nombreuses parties, conseils, experts, témoins), plus la réduction de
coûts sera importante (793).
Les coûts d’accès à l’information sont affectés positivement par le déve-
loppement d’Internet parce que chacun peut aujourd’hui accéder de lui-
même à des informations juridiques relativement précises (794). L’un des
rôles des juristes est de traduire le langage du droit en langage courant. Ce
rôle est diminué par les nombreux sites web d’information juridique desti-
nés au public (795). La réduction des coûts d’accès à l’information est donc
une forme de réduction des coûts d’intermédiaire, puisque l’information
juridique se fait moins aujourd’hui qu’hier par la médiation des juris-
tes (796). Les organismes de règlement des différends en ligne profitent
pleinement de ce phénomène par leur forte présence sur le web, qui crée
une forme de proximité, due au fait qu’ils sont accessibles par le même
moyen que l’information juridique elle-même : si l’on trouve une solution
juridique par le biais d’Internet, n’est-on pas tenté d’utiliser ces mêmes

(793) Voir de manière générale sur la résolution multipartite des litiges en ligne, C. RULE, « A
Simulation of Online Mediation in a Zoning Dispute » in Online-Mediation. Neue Medien in der
Konfliktvermittlung – Mit Beispielen aus Politik und Wirtschaft, s. dir. O. Märker et M. Trénel,
Berlin, Sigma, 2003, p. 349 et seq.
(794) R. SUSSKIND, Transforming the Law : Essays on Technology, Justice and the Legal Market-
place, Oxford, Oxford Univ. Press, 2000, p. 267.
(795) E. KATSH, Law in a Digital World, op. cit. n. 778, p. 180 : « electronic tools to access le-
gal spaces and legal information reduce the informational distance that previously enhanced the
lawyer’s role as translator and interpreter. »
(796) R. SUSSKIND, The Future of Law : Facing the Challenges of Information Technology,
Oxford, Oxford Univ. Press, 1998, p. 271 : « in the legal advisory paradigm of the print-based
society, lawyers have enjoyed a dual role, combining that of being legal information engineers as
providers [but] in the IT-based information society (of tomorrow), in contrast, the process of
analysis and formulation of information can and will be separated from that of the provision of
legal information » et p. 267 : « multi-media will enhance legal service as an information service
and will render the law still further accessible ». Voir aussi O. RABINOVICH-EINY, « Balancing
the Scales : The Ford-Firestone Case, the Internet, and the Future Dispute Resolution Land-
scape » in Yale. J. of L. & Tech., 2004, vol. 6, p. 2 et seq., spéc. pp. 12–13.

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ACCÈS À LA JUSTICE 259

réseaux pour demander la mise en pratique, dans un cas concret, de cette


solution (797) ?
Un autre coût d’intermédiaire est celui de la médiation des avocats pour
accéder à la justice. Ces coûts sont diminués parce que les procédures de
résolution des litiges en ligne sont pour la plupart structurées de manière à
traiter les affaires sans que les parties aient à recourir à un conseil juridique.
L’accès aux ODR est donc direct, sans intermédiaire. En ce qui concerne
les litiges internationaux plus importants, pour lesquels le recours à un
conseil est souvent maintenu, l’économie découlera du fait qu’il sera en
principe suffisant d’engager un seul avocat, local, et non plus deux – l’un
local et l’autre à l’étranger.
Les coûts supplémentaires générés par le recours aux nouvelles techno-
logies de l’information surgissent par exemple si des logiciels propriétaires
sont utilisés et doivent être acquis par les parties ou si du matériel infor-
matique tel qu’une Webcam est nécessaire pour participer à la procédure. Il
en ira toutefois là essentiellement de la diligence de l’organisme de réso-
lution des litiges en ligne, puisqu’il existe des logiciels open source, générale-
ment gratuits, reproduisant les propriétés essentielles de la plupart des
logiciels propriétaires. De plus, les coûts liés aux nouvelles technologies
tendent de manière générale à diminuer.
Avant de conclure, il nous semble encore essentiel de dissiper une idée
largement reçue dans le domaine de la résolution des litiges en ligne, rela-
tive à cette réduction des coûts. On conçoit généralement, à raison, que la
justice privée est un véritable marché (798) et que les ODR constituent
simplement un nouveau produit, subissant les règles de l’offre et de la de-
mande. On avance ensuite, avec pertinence, que les institutions d’ODR
elles-mêmes sont en concurrence et que la participation d’un nouvel acteur
sur le marché de la résolution des litiges en ligne est soumise aux barrières à
l’entrée de ce marché. L’argument semble toutefois ensuite erroné, à tout le
moins dans le contexte actuel, quand on affirme que l’environnement élec-

(797) Voir par exemple D. KING, « Internet Mediation - A Summary » in Australasian Dispute
Resolution Journal, 2000, vol 11, p. 180 et seq.
(798) En ce sens par exemple J.-B. RACINE, « Les dérives procédurales de l’arbitrage » in Les
transformations de la régulation juridique, s. dir. J. Clam et G. Martin, Paris, LGDJ, 1998, p. 229 et
seq., spéc. p. 246.

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260 LE MOUVEMENT ODR

tronique baisse ces barrières à l’entrée. Il est ainsi souvent argué que les
coûts de développement et de modification des systèmes de résolution des
litiges en ligne sont plus faibles parce que leur matière première n’est for-
mée que de logiciels et non de briques et de ciment, d’octets et non
d’atomes ; il s’ensuivrait un accroissement de la concurrence, et donc une
augmentation de l’efficience de ces systèmes (799). Cette affirmation appa-
raît erronée si l’on considère les deux exemples suivants, qui sont notoires
dans le milieu de l’ODR : le centre d’arbitrage non contraignant en ligne
fonctionnant le mieux actuellement a investi plusieurs millions d’euros pour
développer une structure permettant de résoudre quelques milliers de litiges
à valeur relativement faible ; le plus prospère des organismes de médiation
et de négociation en ligne a quant à lui dû attendre la résolution d’environ
700'000 litiges pour dégager un retour sur investissement positif. De toute
évidence, le développement de systèmes performants a également son coût.
La concurrence entre les organismes de règlement des différends en ligne
n’est donc pas aussi importante qu’on le prétend habituellement.
Ces questions relatives à la rentabilité des ODR ont ceci d’important
qu’elles mettent en lumière le risque de conséquences négatives des diffi-
cultés de financement, à moyen terme, sur les tarifs pratiqués et donc sur la
capacité des modes de règlement de litiges à constituer une justice accessi-
ble. Pour que les ODR conservent cette adéquation aux petits litiges inter-
nationaux que nous avons évoquée ici, il nous semble essentiel que l’État
exerce à moyen terme une surveillance importante sur la résolution des
litiges en ligne, contrairement au leitmotiv de l’autorégulation très large-
ment répandu dans ce milieu (800). Cela est d’autant plus vrai que, comme
nous avons pu en conclure ailleurs (801), le développement de l’arbitrage en

(799) E. KATSH, J. RIFKIN et A. GAITENBY, « E-Commerce, E-Dispute, and E-Dispute


Resolution : In the Shadow of ‘eBay Law’ », op. cit. n. 641, p. 727.
(800) Nous avons défendu cette position plus longuement ailleurs : Th. SCHULTZ, « An Essay
on the Role of Government for ODR. Theoretical considerations about the future of ODR » in
Online Dispute Resolution (ODR) : Technology as the “Fourth Party”, Amherst, Mass., Publ. des
Nations unies et de l’Université de Massachusetts, 2003, p. 99 et seq. et ID. « Does Online Dis-
pute Resolution Need Governmental Intervention ? The Case for Architectures of Control and
Trust » in N.C. J.L. & Tech., 2004, vol. 6, p. 71 et seq.
(801) G. KAUFMANN-KOHLER et Th. SCHULTZ, Online Dispute Resolution : Challenges for
Contemporary Justice, op. cit. n. 575, p. 72 et seq. Pour plus de développements sur la CEDH, voir
sur l’obligation d’un État d’offrir un accès effectif à la justice P. VAN DIJK et G.J.H. VAN HOOF,
Theory and Practice of the European Convention on Human Rights, 3ème éd., La Haye, Kluwer, 1998,

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ACCÈS À LA JUSTICE 261

ligne semble constituer actuellement le meilleur moyen pour les États de


garantir à leurs citoyens un accès effectif à la justice dans le contexte du
commerce électronique international, ce qui constitue une obligation qui
incombe aux États membres de la Convention européenne des droits de
l’homme selon son art. 6.

SECTION III. — Lieux de justice en ligne :


questions pratiques choisies

Pour qu’un organisme de résolution des litiges en ligne puisse réellement


intégrer sa fonction de lieu de justice, il ne suffit pas qu’il soit accessible
pour les parties d’un point de vue économique. Encore faut-il qu’il ne soit
pas financièrement dépendant de l’une des parties. De plus, il est nécessaire
que soient respectés certains aspects techniques touchant à l’interaction
entre l’utilisateur et le système technologique mettant en œuvre la procé-
dure en ligne, notamment pour que les communications électroniques
puissent être conduites de manière à permettre une forme de catharsis ou
du moins un sentiment d’avoir pu s’exprimer et d’avoir été entendu (802).
Ce sont ces deux questions choisies, qui constituent les principaux aspects

p. 420 et R. BEDDARD, Human Rights and Europe, 3ème éd., Cambridge, Grotius, 1993, p. 166 et I.
CABRAL BARRETO, « L’article 6 de la Convention et la procédure d’exécution » in Protecting the
Human Rights : The European Perspective. Studies in Memory of Rolv Ryssdal, s. dir. P. Mahoney, F.
Matscher, H. Petzold et L. Wildhaber, Cologne, Heymanns, 2000, p. 135 et seq., spéc. p. 137 (sur
l’exigence que l’exécution forcée de la décision doit également être une procédure accessible). Voir
aussi, sur la possibilité de remplacer l’accès aux tribunaux par un accès à un arbitrage, l’ouvrage de
van Dijk et van Hoof cité, p. 427, O. JACOT-GUILLARMOD, « L’arbitrage privé face à l’article 6
§1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme » in Protecting Human Rights, The Euro-
pean Dimension. Studies in honour of Gérard J. Wiarda, s. dir. F. Matscher et H. Petzold, Cologne,
Heymanns, 1988, p. 281 et seq., spéc. p. 283, B. BOVAY et L. ZEITER, « Les garanties fonda-
mentales de procédure en droit suisse de l’arbitrage » in JdT, 2002, p. 36, et seq., spéc. p. 39, L.E.
PETTITI, E. DECAUX et P.H. IMBERT, La Convention européenne des droits de l’homme. Commen-
taire article par article, Paris, Economica, 1995, p. 261 (le lieu de justice accédé doit pouvoir tran-
cher le litige, seul l’arbitrage en ligne, et non la médiation, semble donc pouvoir satisfaire à cette
exigence) et P. LAMBERT, « L’arbitrage et l’article 6§1 de la Convention européenne des droits de
l’homme » in L’arbitrage et la Convention européenne des droits de l’homme, Bruxelles,
Bruylant/Nemesis, 2001, p. 9 et seq., spéc. p. 13 (les droits procéduraux fondamentaux doivent
être respectés).
(802) Sur la catharsis et les ODR, plus précisément sur la grammaire de la ritualisation de la
justice, voir K. BENYEKHLEF et F. GÉLINAS, Le règlement en ligne des conflits. Enjeux de la cyber-
justice, Paris, Romillat, 2003, pp. 22–25.

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262 LE MOUVEMENT ODR

financiers et techniques (et dans une moindre mesure psychologique) de la


résolution des litiges en ligne que nous nous proposons d’aborder ici. Nous
pensons en effet qu’une rapide étude de ces questions pratiques est indis-
pensable à une bonne compréhension des virtualités du développement et
de l’utilisation des méthodes de règlement en ligne des différends, mais
aussi de leurs aspects légaux, qui seront examinés plus tard (803).

SOUS-SECTION I. — ASPECTS FINANCIERS


Au-delà des exigences d’indépendance s’adressant au tribunal arbitral et au
médiateur, c’est l’institution de résolution des litiges elle-même qui doit
éviter, pour respecter les droits fondamentaux de procédure des parties, que
sa structure de financement implique une dépendance financière vis-à-vis
de l’une des parties. Dans le contexte actuel du règlement des différends en
ligne, cette exigence peut poser de réelles difficultés (804). De manière
générale, une institution d’ODR doit produire un revenu suffisamment
élevé pour assurer sa pérennité financière, tout en maintenant les frais im-
posés aux utilisateurs suffisamment bas ; des frais trop élevés rendraient en
effet illusoire l’accès à la procédure pour des litiges de faible valeur. Enfin,
l’institution ne doit pas dépendre d’une source de financement qui ne re-
présenterait pas les intérêts des deux parties.

(803) Sur ces aspects légaux, voir surtout Section II. — Intégration de la résolution des litiges
en ligne dans les ordres juridiques étatiques, p. 389 et seq. infra.
(804) Les développements qui suivent sont une traduction adaptée d’un chapitre de Th.
SCHULTZ, « Online Dispute Resolution : An Overview and Selected Issues », rapport présenté au
Premier Forum sur la résolution des litiges en ligne de la Commission économique pour l’Europe
des Nations unies (UNECE), Genève, 6–7 juin 2002, <www.online-adr.org/thomas>. Voir aussi
G. KAUFMANN-KOHLER et Th. SCHULTZ, Online Dispute Resolution : Challenges for Contempo-
rary Justice, op. cit. n. 575, p. 65 et seq. et 149 et seq. Sur les questions de financement, voir aussi
R.C. BORDONE, « Electronic Online Dispute Resolution : A Systems Approach–Potential, Prob-
lems, And A Proposal », op. cit. n. 685, p. 209, l’auteur défendant l’idée étonnante d’un finance-
ment par une taxe, très faible, imposée à tout utilisateur d’Internet, faisant un peu penser à la taxe
Tobin, A. CRUQUENAIRE et F. DE PATOUL, « Le développement des modes alternatifs de règle-
ment des litiges de consommation : Quelques réflexions inspirées par l’expérience ECODIR » in
Lex Electronica, 2000, vol. 8, no 1, <www.lex-electronica.org/articles/v8-1/cruquenaire-patoul.-
htm>, § 39 et L.M. PONTE, « Throwing Bad Money After Bad : Can Online Dispute Resolution
(ODR) Really Deliver the Goods for the Unhappy Internet Shopper ? » in Tul. J. Tech. & Intell.
Prop., 2001, vol. 3, p. 55 et seq., spéc. p. 67.

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ACCÈS À LA JUSTICE 263

A. — Formes de financement
Il existe essentiellement trois formes de financement pour les institutions
privées de résolution des litiges : le financement bilatéral par les deux par-
ties, unilatéral par l’une des parties et le recours à des sources externes.
Le financement bilatéral par les deux parties est assuré par les frais de
procédure payés par les parties. S’il ne suscite pas de question
d’indépendance, il présente une réelle difficulté de pérennité financière
pour l’institution, ou d’accessibilité pour les parties à des litiges de faible
valeur économique. Afin que la possibilité d’accéder à une procédure de
règlement des différends soit réelle, les coûts attendus doivent être infé-
rieurs aux bénéfices attendus. Pour les litiges de faible valeur, pour lesquels
les bénéfices attendus sont limités, les frais des parties devront donc être
nécessairement restreints. Si ceux-ci sont trop élevés, ce n’est pas seulement
l’accès à la procédure qui est remis en question, mais également le finance-
ment de l’institution : sans réel accès à la procédure, il n’y a que peu
d’affaires soumises et ainsi un faible chiffre d’affaires. La problématique
s’exprime en pratique par le fait qu’aucune institution fonctionnant sur ce
mode de financement n’est actuellement réputée économiquement profita-
ble (805).
Le financement unilatéral permet de parer à ce problème de rendement
économique et d’accessibilité. Dans sa modalité la plus courante, le profes-
sionnel, vendeur ou fournisseur de service, s’affilie à une institution de rè-
glement en ligne qui lui octroie un certificat à apposer sur son site web,
attestant de son engagement à participer, à la demande du client, à un rè-
glement en ligne (806). Les frais de fonctionnement de l’institution et les
coûts de la procédure sont alors couverts par les frais d’affiliation. La pro-
cédure est en principe gratuite ou très peu onéreuse pour l’autre partie.
SquareTrade, par exemple, seule institution de résolution des litiges en
ligne actuellement réputée rentable, fonctionne selon ce modèle. Le pro-
blème qui surgit ici a trait à l’indépendance, puisque le financement dépend

(805) Pour une analyse empirique des pratiques de financement des diverses institutions, voir
G. KAUFMANN-KOHLER et Th. SCHULTZ, Online Dispute Resolution : Challenges for Contempo-
rary Justice, op. cit. n. 575, p. 249 et seq.
(806) Sur ces certificats, voir A. — Labellisation des sites web, p. 353 et seq. infra.

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264 LE MOUVEMENT ODR

de l’une des parties seulement (807). À cet égard, on peut toutefois imagi-
ner le renforcement d’autres garanties d’indépendance, à divers stades de la
procédure. Nous y reviendrons ci-dessous.
La troisième forme de financement, reposant sur des fonds externes,
présente les plus fortes garanties d’indépendance sans susciter de question
de pérennité financière, à tout le moins quand il s’agit de fonds publics, ce
qui est la règle. Si ces fonds externes proviennent de représentants d’un
secteur d’activité ou d’une association de consommateurs, des questions
d’indépendance peuvent émerger, mais celles-ci demeureront mineures par
rapport à celles que suscite le financement unilatéral.
Relevons finalement que ces diverses formes de financement peuvent
être combinées : on pourrait envisager de cumuler fonds public, contribu-
tions d’un représentant de l’industrie (par exemple la CCI ou le GBDe) et
d’une ou de plusieurs associations de consommateurs, puis frais d’affiliation
pour les professionnels et enfin frais de procédure, pour les deux parties,
proportionnels à la valeur litigieuse.

B. — Garanties d’indépendance
Les garanties d’indépendance visant à contrebalancer d’éventuelles diffi-
cultés liées à la forme de financement peuvent se situer à trois niveaux.
Tout d’abord, elles peuvent intervenir au plan de la sélection du ou des tiers
et de la composition du panel, puis lors de la procédure elle-même et enfin
au niveau de l’architecture globale de l’institution.
En ce qui concerne la sélection du ou des tiers et la composition du pa-
nel, on considère généralement que, indépendamment de considérations
financières, la meilleure solution pour une procédure adjudicative est un
panel de trois membres. Deux de ceux-ci sont alors choisis par les parties,
le troisième par l’institution (808). Si le panel n’est constitué que d’un tiers,

(807) Notons toutefois que le problème ne se pose généralement pas en ces termes en ce qui
concerne SquareTrade. Cette institution fournit en effet de manière primordiale ses services à des
plateformes de vente aux enchères en ligne : dans ces situations, c’est la plateforme qui est affiliée
au programme de certification de SquareTrade alors qu’elle n’est en principe pas elle-même partie
à la procédure, qui oppose généralement un vendeur à un acheteur.
(808) Voir M. GEIST, « Fair.com ? : An Examination of the Allegations of Systemic Unfair-
ness in the ICANN UDRP » in Brooklyn J. Int’l L., 2002, vol. 27, p. 903 et seq. et B. — Un
système juridique pour les noms de domaine : l’ICANN et l’UDRP, p. 481 et seq. infra.

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ACCÈS À LA JUSTICE 265

ce qui permet de limiter les coûts, il semble désirable que celui-ci soit sé-
lectionné par l’institution. De préférence, cette sélection s’opère en tenant
compte des choix des parties (chacune d’entre elles dressant par exemple
une liste de préférences, l’institution déterminant ensuite le tiers le mieux
placé dans les deux listes) et non en exerçant un pouvoir discrétionnaire.
En effet, pour autant que le demandeur puisse librement choisir de se ré-
férer à une institution ou à une autre, cette dernière, si elle exerce un pou-
voir discrétionnaire, pourrait être tentée de nommer un tiers favorable au
demandeur et donc partial. Ceci aurait pour but de maximiser le nombre
d’affaires soumises. Certaines études indiquent que ce risque s’est effecti-
vement matérialisé dans le contexte de la procédure UDRP (809).
Quant aux garanties d’indépendance intervenant au plan de la procédure
elle-même, on mentionnera simplement l’importance de règles strictes de
procédure et d’un maximum de transparence durant la procédure et surtout
après celle-ci. La transparence après la procédure peut par exemple être
assurée par la publication des résultats (de manière anonyme), que ceux-ci
soient des décisions ou des accords conclus à l’issue d’une médiation (810).
Au niveau de l’architecture globale de l’institution, on songe par exemple
à une procédure d’appel en ligne (811) (surtout pour les procédures adjudi-
catives, pour lesquelles on peut mentionner l’idée d’un deuxième niveau
d’arbitrage (812)), à la labellisation de l’institution par une entité externe et
digne de confiance (813) ou encore à une représentation équilibrée des
intérêts des diverses parties. Cette représentation concerne autant la cons-
titution de la liste d’arbitres, de médiateurs ou d’autres tiers que l’administ-
ration de l’institution de résolution des litiges en ligne (814).

(809) Ibid.
(810) Voir Sous-section I. — Publication des résultats, p. 288 et seq. infra.
(811) Sur les instances de recours en ligne, voir Sous-section III. — Instances de recours en
ligne, p. 544 et seq. infra.
(812) Sur l’arbitrage à deux niveaux, voir 1. Effectivité symbolique : vers l’arbitrage à deux
niveaux ?, p. 430 et seq. supra.
(813) Voir A. — Labellisation des sites web, p. 353 et seq. infra.
(814) La compensation de formes de financement potentiellement problématiques sur le plan
de l’indépendance par une représentation équilibrée des intérêts des diverses parties au sein de
l’administration de l’institution est notamment recommandée par certains associations de
consommateurs : voir Organisation internationale des consommateurs (Consumers International),
« Disputes in Cyberspace. Update of online dispute resolution for consumers in cross-border

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266 LE MOUVEMENT ODR

SOUS-SECTION II. — ASPECTS TECHNIQUES


Pionnier de la résolution des litiges en ligne, Ethan Katsh s’efforce depuis
quelques années de défendre une approche anthropomorphique de la tech-
nologie, l’élevant au rang de quatrième protagoniste (« fourth party » – outre
les deux parties au litige et le tiers qui résout le différend) des procédures de
règlement des différends en ligne (815). La technologie aurait ainsi un rôle
comparable à celui des deux parties ou du tiers dans la résolution du litige.
Si l’on peut douter de la fertilité et de la congruence de cette théorie (816),
elle a à tout le moins le mérite de mettre en exergue l’importance de la
configuration technologique des systèmes d’ODR (817). En effet, au fon-
dement de toute procédure de règlement d’un différend se trouve la com-
munication d’informations : présentation des faits, énoncé des arguments,
prononcé de la décision ou explicitation d’une offre de transiger et son
acceptation. Or, dans la résolution des litiges en ligne, toute communica-
tion prend le chemin de l’électronique et est donc conditionnée par la tech-
nologie utilisée (818). Il convient en conséquence de faire à tout le moins
brièvement mention ici des principaux aspects techniques de la résolution
des litiges en ligne. Pour notre propos, il suffit d’observer que la technique
contribue à déterminer la possibilité pour les procédures de règlement en

disputes », 2001, <www.consumersinternational.org/document_store/Doc35.pdf>, p. 9, qui évoque


la nécessité d’un « balanced stakeholder representation on the governing or advisory body ».
(815) Voir par exemple E. KATSH et J. RIFKIN, Online Dispute Resolution. Resolving Disputes in
Cyberspace, op. cit. n. 764, p. 93 et seq., E. KATSH et D. CHOI (éd.), Online Dispute Resolution
(ODR) : Technology as the “Fourth Party”, Genève et Amherst, Mass., Publ. des Nations unies et de
l’Université de Massachusetts, 2003, E. KATSH, « Online Dispute Resolution : The Next Phase »
in Lex electronica, 2002, vol. 7, <www.lex-electronica.org/articles/v7-2/katsh.htm>, § 16 et seq.,
ID., « Bringing Online Dispute Resolution to Virtual Worlds : Creating Processes Through
Code » in N.Y.L. Sch. L. Rev., 2004, vol. 49, p. 271 et seq.
(816) Voir par exemple les opinions rapportées par D.A. LARSON, « Online Dispute Resolu-
tion : Technology Takes Places at the Table » in Negot. J., 2004, p. 129 et seq., spéc. p. 131.
(817) Plus avant sur la configuration technologique des systèmes d’ODR, voir notamment V.
BONNET, K. BOUDAOUD, M. GAGNEBIN, J. HARMS et Th. SCHULTZ, « Online Dispute Reso-
lution Systems as Web Services » in ICFAI Journal of Alternative Dispute Resolution, 2004, vol. 3,
no 3, p. 57 et seq.
(818) Sur les implications de l’utilisation de moyens de communication électronique sur le lan-
gage utilisé, qui ne seront pas étudiées ici, voir C. RULE et C. VILLAMOR, « L’importance du
langage dans le règlement en ligne des différends » in Bull. CCI (numéro spécial sur la technologie
au service des différends commerciaux), 2004, p. 21 et seq.

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ACCÈS À LA JUSTICE 267

ligne de constituer réellement un accès à la justice (819). La problématique


concerne surtout l’accessibilité et l’efficacité de la procédure, déterminés par
les critères de la simplicité et de l’adaptabilité.

A. — Simplicité
Le système technologique utilisé pour une procédure de résolution des
litiges en ligne doit tout d’abord être accessible (820), ce qui d’un point de
vue purement technique se confond avec la propriété que l’on appelle plus
fréquemment en informatique la simplicité du système. Si l’on se borne
généralement à évoquer la fracture numérique pour désigner les difficultés
des pays moins développés technologiquement de profiter pleinement des
avantages économiques découlant de l’accès à Internet, une série d’autres
fractures numériques existent également. De telles fractures existent no-
tamment entre les utilisateurs férus d’informatique (en jargon les high-tech
users) et les utilisateurs ordinaires (low-tech users), puis entre les parties
pouvant se permettre des investissements considérables en temps et en
argent et celles qui ne le peuvent pas, et enfin entre les utilisateurs réguliers
(repeat players) et les utilisateurs occasionnels (one-shot players). Plus une
procédure est complexe, plus la fracture entre ces catégories d’utilisateurs
est importante. Si ce type de déséquilibres existe dans toutes les procédures
de règlement des différends, y compris celles qui ont lieu hors ligne (821),
il importe de ne pas l’exacerber par les technologies utilisées, sans quoi
l’accès à la prétendue justice en ligne risque bien de se réduire comme peau
de chagrin. En d’autres termes, la simplicité technologique de la procédure

(819) Notons que nous ne distinguons pas ici entre, d’un côté, l’accès à la justice au sens strict
du terme, tel qu’il est garanti notamment par la CEDH (voir n. 801 supra) et qui ne concerne dans
le contexte des ODR que l’arbitrage en ligne et, de l’autre, l’accès à la justice au sens large du
terme, qui vise toute procédure permettant de mettre fin à un litige et qui couvre également, dans
le contexte des ODR, la médiation voire, dans une certaine mesure, la négociation en ligne (voir n.
775 supra).
(820) Pour un survol de cette question, voir L.M. PONTE et Th.D. CAVENAGH, Cyberjustice :
Online Dispute Resolution, New Jersey, Prentice Hall, 2004, pp. 129–130 et M.S.A. WAHAB, « La
technologie sape-t-elle la confiance ? La confidentialité et la sécurité dans l’arbitrage en ligne » in
Bull. ICC (numéro spécial sur la technologie au service des différends commerciaux), 2004, p. 45 et
seq., spéc. pp. 45–46.
(821) Pour une discussion de cette problématique en arbitrage hors ligne, voir par exemple L.J.
GIBBONS, « Private Law, Public ‘Justice’ : Another Look at Privacy, Arbitration, and Global E-
Commerce » in Ohio St. J. on Disp. Resol., 2000, vol. 15, p. 769 et seq., spéc. p. 786.

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268 LE MOUVEMENT ODR

est une condition de l’accès à la justice par la résolution des litiges en li-
gne (822).

B. — Adaptabilité
L’adaptabilité d’un système technique de résolution des litiges en ligne est
un critère concernant autant l’accessibilité que l’efficacité d’un système
technique. D’un côté, celui-ci doit être accessible à des utilisateurs ne dis-
posant que d’un équipement informatique non standard. De l’autre, les
systèmes doivent pouvoir s’adapter aisément aux particularités des utilisa-
teurs et du litige. Ces deux impératifs ont pour but, tout d’abord, de maxi-
miser la densité informationnelle des flux de communication : une
procédure en ligne doit par exemple pouvoir être aisément étendue à l’utili-
sation de vidéoconférences, de forums de discussion, de techniques de
transmission automatisée de données récoltées sur un site marchand lors de
la conclusion voire de l’exécution d’un contrat, etc. Au-delà de cet objectif
de maximisation du flux informationnel, il est également souhaitable que la
méthode de communication la plus adéquate soit toujours disponible et
puisse valablement être utilisée. Ce qui détermine l’adéquation de la mé-
thode de communication est les compétences informatiques des parties
(notamment celles relatives à la saisie de données (823)), les fuseaux horai-
res dans lesquels les parties se situent et la tension émotionnelle impliquée
par un différend spécifique ou un type de différends (824). Finalement,
l’adaptabilité de la technologie peut constituer un facteur de sauvegarde de

(822) Pour une discussion plus approfondie de cette problématique, E. KATSH et J. RIFKIN,
Online Dispute Resolution. Resolving Disputes in Cyberspace, op. cit. n. 764, p. 78 et J. LINDEN,
« Low Tech On-Line Dispute Resolution » in ODR Monthly, mai 2002, <www.ombuds.org/cen-
ter/adr2002-5.html>.
(823) Une grande différence dans la compétence de saisir de données entre les parties peut
créer des déséquilibres significatifs entre celles-ci : A. DUVAL SMITH, « Problems in Conflict
Management in Virtual Communities » in Communities in Cyberspace, s. dir. P. Kollock and M.
Smith, Londres, Routledge Press, 1998, p. 134 et seq. et J.B. EISEN, « Are We Ready for Media-
tion in Cyberspace ? » in B.Y.U. L. Rev., 1998, p. 1305 et seq., spéc. p. 1355.
(824) C.E. LIDE, « ADR in Cyberspace : the Role of Alternative Dispute Resolution in
Online Commerce, Intellectual Property and Defamation » in Ohio St. J. Disp. Resol., 1996,
vol. 12, p. 221 et seq., E. KATSH, « The New Frontier : Online ADR Becoming a Global Prior-
ity » in Dispute Resolution Magazine, 2000, p. 6 et seq., B.L. BEAL, « Online Mediation : Has its
Time Come ? » in Ohio St. J. Disp. Resol., 2000, vol. 15, p. 735 et seq., spéc. p. 736, E. KATSH, J.
RIFKIN et A. GAITENBY, « E-Commerce, E-Dispute, and E-Dispute Resolution : In the Shadow
of ‘eBay Law’ », op. cit. n. 641, pp. 714–717.

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ACCÈS À LA JUSTICE 269

l’égalité des parties, qui peuvent encore, à l’heure actuelle, avoir des niveaux
de maîtrise de la technologie fort variables (825). Concrètement, tout ceci
signifie que, au minimum, des modes de communication synchrones (vi-
déoconférences, messagerie instantanée) et asynchrones (courriers électro-
niques, certaines formes de forums de discussion) doivent être disponi-
bles (826).

(825) M.S.A. WAHAB, « La technologie sape-t-elle la confiance ? La confidentialité et la sécu-


rité dans l’arbitrage en ligne », op. cit. note 820, p. 47.
(826) Sur ces questions, voir G.R. SHELL, « Computer-Assisted Negotiation and Mediation :
Where We Are and Where We Are Going » in Negot. J., 1995, vol. 11, p. 117 et seq. et Th.
SCHULTZ, V. BONNET et al., « Electronic Communication Issues Related to Online Dispute
Resolution Systems » in actes du colloque WWW2002 – The Eleventh International World Wide
Web Conference – Alternate Track CFP : Web Engineering, Honolulu, Hawaii, 7–11 mai 2002,
<www2002.org/globaltrack.html>.

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CHAPITRE VIII
Chapitre VIII. — Perspective : vers la processualisation ?

PERSPECTIVE : VERS LA
PROCESSUALISATION ?

Dans le domaine de l’arbitrage international, Berthold Goldman relevait


un phénomène qui nous semble symptomatique d’une mouvance contem-
poraine généralisée de la résolution des litiges et qui pourrait bien affecter
le règlement des différends en ligne. L’auteur écrivait que l’arbitrage,
d’abord objet d’un important mouvement de délégalisation accompagnant
son prodigieux essor durant ces dernières décennies, avait plus récemment
été happé par un mouvement graduel d’harmonisation, voire d’uniformi-
sation, ayant pour corollaire sa processualisation (827). On observe ainsi,
d’un côté, la réduction de l’emprise du droit étatique sur l’arbitrage (828)
par l’adoption d’une série de lois très souples, de l’autre une densification
des règles de procédure d’origine privée et une technocratisation des

(827) B. GOLDMAN, « Instance judiciaire et instance arbitrale internationale » in Études offertes


à Pierre Bellet, Paris, Litec, 1991, p. 219 et seq., spéc. p. 225 : « cette large délégalisation de
l’instance arbitrale internationale a permis son assouplissement, et lui a permis d’emprunter à des
sources diverses, y compris à celle de l’instance judiciaire. » Plus spécifiquement sur l’harmonisation
de la procédure arbitrale, voir G. KAUFMANN-KOHLER, « Globalization of Arbitral Procedure »
in Vand. J. Transnat’l L., 2003, vol. 36, p. 1313 et seq. et ID., « Mondialisation de la procédure
arbitrale » in Le droit saisi par la mondialisation, s. dir. Ch.-A. Morand, Bruxelles, Bruylant /
Bruxelles, Éd. de l’Université de Bruxelles / Bâle, Helbing & Lichtenhahn, 2001, p. 269 et seq.
Plus spécialement sur la processualisation de l’arbitrage, Ph. FOUCHARD, « Alternative dispute
resolution et arbitrage », op. cit. n. 577, p. 95 et seq., spéc. p. 112. Sur la relation entre proces-
sualisation et délégalisation, arguant que le premier est causé par le second, voir P. BERNARDINI,
L’arbitrato commerciale internazionale, Milan, Giuffrè, 2000, p. xii, pour qui la déviation proces-
suelle « dérive directement de la liberté excessive consentie par les législateurs à la réglementation
[de l’arbitrage] » (trad. par l’auteur).
(828) Ainsi l’arbitrage « oscille toujours entre l’autonomie et l’intégration » à l’ordre juridique
étatique : B. OPPETIT, Théorie de l’arbitrage, Paris, PUF, 1998, p. 87.

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272 LE MOUVEMENT ODR

acteurs (829). En d’autres termes, il s’agit d’une diminution du formalisme


d’origine étatique ayant pour corollaire une augmentation de celui d’origine
non étatique.
De prime abord, on peut penser qu’il n’y a rien d’étonnant à cela
puisqu’il s’agit simplement, avec l’arbitrage, de la construction d’un mode
de résolution des litiges hors de l’État, sur le modèle de celui-ci : l’arbitre
est en effet généralement perçu comme l’équivalent privé du juge (830). Si
l’on considère toutefois que l’arbitrage s’est développé à l’origine parce que
les acteurs du commerce international recherchaient des procédures plus
simples, plus flexibles, plus informelles et plus rapides que les procédures
judiciaires, on observe une rupture entre l’impulsion idéologique initiant
son développement et la réalité de celui-ci, qui semble avoir acquis une
dynamique propre. En cela, l’arbitrage semble être l’expression d’un bougé
typique, d’une mouvance généralisée dans la résolution extrajudiciaire des
litiges qui pourrait bien nous permettre d’anticiper l’évolution du mouve-
ment ODR. En dépit des réserves venant spontanément à l’esprit devant
une telle projection, intrinsèquement conjecturale, nous estimons que tout
porte à croire que la résolution des litiges en ligne sera, elle aussi, l’objet de
cette mouvance : développement initial, correspondant à sa phase actuelle,
répondant à des besoins d’informalisme et de flexibilité, suivi d’un dévelop-
pement ultérieur selon une tendance à la processualisation. L’importance
de cette projection repose sur l’idée que, si cette processualisation devait
effectivement avoir lieu, elle s’accompagnerait à notre sens d’une augmen-
tation de la capacité des ODR à produire du droit. Cette connexion repose
essentiellement sur l’idée que la formalisation d’une procédure de règle-
ment des différends entraîne un accroissement de la prévisibilité des résul-
tats produits ; la prévisibilité est quant à elle une caractéristique
indispensable à la formation d’une norme juridique.

(829) Y. DEZALAY et B.G. GARTH, Dealing in Virtue : International Commercial Arbitration


and the Construction of a Transnational Legal Order, Chicago et Londres, Univ. Chicago Press,
1996, p. 34 et seq.
(830) Ch. JARROSSON, La notion d’arbitrage, op. cit. n. 596, p. 77 et seq., M.J. MUSTILL,
« Arbitration : History and Background » in JintArb, 1989, vol. 6, p. 43 et seq., A.J. VAN DEN
BERG, The New York Convention of 1958 : Towards a Uniform Judicial Interpretation, Deventer,
Kluwer, 1981, p. 44, Ph. FOUCHARD, L’arbitrage commercial international, Paris, Dalloz, 1965,
pp. 1, 30–31 et J.-F. POUDRET et S. BESSON, Droit comparé de l’arbitrage international, Bruxelles,
Bruylant / Paris, LGDJ / Zurich, Schulthess, 2002, p. 3.

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VERS LA PROCESSUALISATION 273

Dans ce chapitre, nous reviendrons tout d’abord plus en détail sur cette
mouvance généralisée que nous avons évoquée, en expliquant que
l’idéologie de la résolution des litiges est passée, dans nos sociétés contem-
poraines, du formalisme à l’informalisme tandis que la pratique du règle-
ment des différends semblait devoir inévitablement développer une dy-
namique de processualisation opposée à son idéologie. Ensuite, nous
tenterons de replacer les ODR dans le contexte ainsi énoncé.

SECTION I. — L’informalisme en théorie, la


processualisation en pratique ?

Il est courant, en anthropologie de la résolution des litiges, de placer les


procédures de règlement des différends sur un axe allant du pôle de l’idéal-
type du processus informel et du droit négocié d’une société tribale, à celui
de l’idéal-type du tribunal d’une société moderne, où la procédure est for-
melle et le droit imposé. Cet axe de réflexion correspond à une catégorisa-
tion des fondements de la création du droit : soit par compromis,
produisant du droit négocié, ou par la force, produisant du droit imposé.
Ces deux catégories doivent toutefois être abordées de manière dialectique,
l’une se retrouvant en partie dans l’autre, parce qu’un droit totalement im-
posé exclurait l’idée même du contrat social et qu’un droit totalement négo-
cié exclurait l’idée même de la règle de droit (831). Placée sur cet axe, la
question revient à se demander s’il faut s’attendre à une évolution vers en-
core moins de formalisme ou à une processualisation des ODR, à une pro-
cédure plus négociée ou plus imposée. Notre réflexion portera sur deux
niveaux : l’idéologie de la gestion des litiges et leur administration concrète.

(831) Sur ces questions, Th.M. FRANCK, The Structure of Impartiality : Examining the Riddle of
one Law in a Fragmented World, New York, Simon & Schuster, 1968, spéc. pp. 11-19.

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274 LE MOUVEMENT ODR

SOUS-SECTION I. — IDÉOLOGIE : DU
FORMALISME À L’INFORMALISME, DE L’IMPOSÉ AU
NÉGOCIÉ

Selon le paradigme tribal / moderne évoqué (832), il existe deux idéologies,


deux idéaux-types de la gestion des litiges, opposés de manière un peu
manichéenne. D’un côté, la gestion traditionnelle, consensuelle, dyadique,
aux litiges définis de manière large et englobante, gestion typique des so-
ciétés tribales, égalitaires et présentant un consensus de valeurs bien établi.
De l’autre, la gestion moderne, coercitive, triadique, aux litiges définis de
manière précise, situation plus typique des sociétés industrialisées et urbai-
nes, dominées par des relations hiérarchiques et au consensus axiologique
plus faible (833). À l’idéal-type de la gestion traditionnelle correspond la
résolution des différends par un mode informel : la médiation, voire l’opi-
nion publique. Manquant de force coercitive, le tiers doit obtenir le cons-
entement des parties, éviter d’assigner la faute de manière unilatérale et
avoir recours à des normes individualisées et peut-être incohérentes, flexi-
bles, vagues, familières et faisant l’objet d’un large consensus. À l’idéal-type
de la gestion moderne correspond la résolution des différends par un mode
juridictionnel, procédure judiciaire ou arbitrage. Étant doué ici d’une plus
grande force coercitive, le tiers, juge ou arbitre, aura souvent tendance à
assigner la faute de manière unilatérale en ayant recours à des normes gé-
nérales, abstraites et cohérentes, inflexibles, précises. La gestion tradition-

(832) Pour une description plus approfondie de ce paradigme, B. YNGVESSON et L. MATHER,


« Courts, Moots, and the Disputing Process » in Empirical Theories About Courts, s. dir. K.O.
Boyum et L. Mather, New York, Longman, 1983, p. 51 et seq., spéc. pp. 53-54. Les auteurs
proposent par ailleurs une synthèse de la réflexion anthropologique ayant développé ces deux
idéaux-types, avant de discuter en détail les différences qui peuvent exister entre l’idéologie corres-
pondant à un idéal-type de gestion des litiges et les stratégies effectivement utilisées par les parties
et les tiers.
(833) Sur les différentes tentatives de modélisation de la gestion des conflits, L.M.
FRIEDMANN, « Courts Over Time : A Survey of Theories and Research » in Empirical Theories
About Courts, s. dir. K.O. Boyum et L. Mather, New York, Longman, 1983, p. 9 et seq., spéc.
pp. 10-16. Dans le même sens mais se concentrant davantage sur la relation entre la gestion des
litiges et la structure sociale (égalitaire ou non, montrant un consensus de valeurs ou non), R.L.
ABEL, « Western Courts in Non-Western Settings : Patterns of Court use in Colonial and Neo-
Colonial Africa » in The Imposition of Law, s. dir. S.B. Burman et B.E. Harell-Bond, New York,
Academic Press, 1979, p. 167 et seq.

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VERS LA PROCESSUALISATION 275

nelle se caractérise donc par l’informel et le négocié, et la gestion moderne


par le formel, le processuel et l’imposé (834).

A. — Le formalisme du modernisme
La pensée moderne avait établi comme idéal de la gestion des litiges,
comme sens du progrès, le formalisme et le droit imposé. De nombreuses
théories évolutionnistes ont dressé un parallèle entre le développement
d’une société et la transformation de son idéologie de règlement des litiges :
quand une société se développe, sortant du giron des sociétés tribales pour
devenir moderne, l’idéologie de la gestion des litiges se modernise égale-
ment. Le progrès est dans le formalisme et l’imposé (835) ; l’émergence des
tribunaux (au sens moderne du terme) est une conséquence du niveau de
développement social.
Ce sens de l’évolution de l’idéologie dans la résolution des litiges, appré-
hendée par la pensée moderne, a pour raison principale la division et la
diversification de la société, correspondant à la juxtaposition de différents
groupes ne partageant pas les mêmes valeurs. Selon Durkheim, la société
traditionnelle est unitaire, la conscience collective est forte et ses membres,
aux rôles relativement peu différenciés, font référence aux mêmes valeurs,
aux mêmes normes, qui sont acceptées universellement dans la commu-
nauté. Dans la société moderne, la conscience collective s’affaiblit et ses
membres, aux rôles complémentaires et plus clairement différenciés, font
référence, c’est-à-dire accordent leur légitimité, à des valeurs et des normes
plus diversifiées. Pour combattre cette individualisation et renforcer la co-
hésion sociale, on tente de mettre en place un système de valeur rigoureux

(834) Reprenant cette réflexion, mais d’un point de vue légèrement décalé, ce sont les types de
lieux de la résolution des litiges qui peuvent être catégorisés en privé-informel, public-informel,
privé-formel, public-formel. Le privé-informel est typique de la gestion traditionnelle, le public-
formel est typique de la gestion moderne, processuelle et gravitant autour de l’idéal-type des tribu-
naux : A. SARAT et J. GROSSMAN, « Courts and Conflict Resolution : Problems in the Mobiliza-
tion of Adjudication » in APSR, 1975, vol. 69, p. 1200 et seq., spéc. p. 1209.
(835) Pour un résumé des différentes thèses, L.M. FRIEDMANN, « Courts Over Time », op. cit.
n. 833, pp. 15-16 : « d’autres lignes directrices traversent les différentes études évolutionnistes […]
L’histoire commence avec des sociétés simples, dans lesquelles les litiges sont réglés par médiation
ou la lame invisible de l’opinion publique […] Les sociétés modernes, plus complexes, sont passées
à une autre phase. Ces sociétés ne peuvent se fonder sur des expériences partagées […] Elles requiè-
rent des tribunaux formels, avec une force de coercition pour les seconder, si nécessaire » (trad. par
l’auteur).

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276 LE MOUVEMENT ODR

qui doit par sa nature être imposé et non négocié (836). En effet, la média-
tion ne semble être réellement efficace qu’au sein d’une communauté ca-
ractérisée par une cohésion sociale relativement forte. Dans les sociétés
modernes, plus individualistes, la coercition est davantage nécessaire et le
tiers doit avoir plus de pouvoir pour trancher dans la diversité. Les tribu-
naux sont en conséquence le mode de règlement privilégié (837).
Une distinction supplémentaire peut encore contribuer à notre propos :
d’un côté, on perçoit les différends d’intérêts, où les parties se placent dans
le même système de normes mais désirent quelque chose qui ne peut être
attribué aux deux. De l’autre, on retient les différends de valeurs, où les
parties se réfèrent à des systèmes de normes différents (phénomène dit de
« conflits internormatifs ») (838). Un différend d’intérêts apparaît par ex-
emple dans une communauté de marchands partageant les mêmes normes,
ou au moins des normes similaires, sur le prix ou d’autres modalités des
échanges. Un différend d’intérêt connaît une probabilité plus importante de
pouvoir être résolu par un processus informel et négocié (une médiation,
par exemple) qu’un différend de valeur, qui requerra plus généralement un
tiers ayant suffisamment de pouvoir (moral, physique ou juridique) pour
imposer une décision, c’est-à-dire un juge ou un arbitre (839).

(836) É. DURKHEIM, De la division du travail social, Paris, Alcan, 1893, passim, not. pp. 115–
116 : « sans doute, en raisonnant dans l’abstrait, on peut bien démontrer qu’il n’y a pas de raison
pour qu’une société défende de manger telle ou telle viande, par soi-même inoffensive. Mais une
fois que l’horreur de cet aliment est devenue partie intégrante de la conscience commune, elle ne
peut disparaître sans que le lien social se détende […] Il en est de même de la peine. […] Elle ne
laisse pas de jouer un rôle utile. Seulement, ce rôle n’est pas là où on le voit d’ordinaire. Elle ne sert
que très secondairement à corriger le coupable ou à intimider ses imitateurs possibles […] Sa vraie
fonction est de maintenir intacte la cohésion sociale en maintenant toute sa vitalité à la conscience
commune. Niée aussi catégoriquement […] il en résulterait un relâchement de la solidarité so-
ciale. »
(837) H. WIMBERLY, « Legal Evolution : One Further Step » in Am. J. Socio., 1973, vol. 79,
p. 78 et seq.
(838) Sur les conflits internormatifs, voir J. CARBONNIER, Essais sur les lois, Evreux, Répertoire
du notariat defrénois, 1979, p. 264, cité par J.-F. PERRIN, Sociologie empirique du droit, Bâle et
Francfort-sur-le-Main, Helbing & Lichtenhahn, 1997, p. 54. On parle aussi, à cet égard, de litiges
sur le droit (opposition de prétentions invoquant différents systèmes de normes) et de litiges sous le
droit (opposition de prétentions invoquant un même système de normes) : M. VAN DE
KERCHOVE, « Médiation et législation » in La médiation : un mode alternatif de résolution des liti-
ges ?, Zurich, Schulthess, 1992, p. 331 et seq., spéc. p. 349.
(839) Sur tout ceci, V. AUBERT, « Competition and Dissensus : Two Types of Conflict and of
Conflict Resolution » in J. Conflict Res., 1963, vol. 7, p. 26 et seq., spéc. pp. 27-30 et 33-34.

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VERS LA PROCESSUALISATION 277

Finalement, ultime opposition, Marc Galanter explique que la société


traditionnelle se caractérise par un désir de maintient des relations sociales,
de restauration des relations normales par la résolution des litiges (ce qui
implique une solution négociée), tandis que la société moderne réduit la
fréquence et la durée des interactions sociales et privilégie l’attribution et la
protection de droits (ce qui implique une solution imposée) (840).
Dans les sociétés modernes, on a pu observer que la pratique de la réso-
lution des litiges a largement suivi l’idéologie dominante : les sociétés se
sont judiciarisées, les juges ont acquis un large pouvoir, le droit était im-
posé après une procédure formelle, voire formaliste.

B. — L’informalisme du postmodernisme
Dans la pensée postmoderne, l’idéal de la gestion des litiges et le sens du
progrès ont été mis « sens dessus dessous », observent les anthropologues
du droit (841). On veut le doux et le négocié, on aspire à des modes de
règlement des différends et de production du droit informels et consen-
suels.
L’inversion du progrès constitue ainsi une réaction à l’inadaptation du
modèle formaliste et imposé, retenu par la modernité. Habermas relève que
l’on a pu observer dans les sociétés modernes une surinflation du droit écrit
et une surjuridicisation (Verrechtlichung) de relations sociales qui étaient
réglées jusque-là de manière informelle (842). Le phénomène a pour corol-
laire la judiciarisation généralisée des modes de règlement des différends,
c’est-à-dire un glissement vers l’idéal-type moderne de la gestion des liti-

(840) M. GALANTER, « Why the ‘Haves’ Come Out Ahead : Speculations on the Limits of
Legal Change » in Law & Soc’y Rev., 1974, vol. 9, p. 95 et seq.
(841) L.M. FRIEDMANN, « Courts Over Time », op. cit. n. 833, p. 14 (« upside down »).
(842) J. HABERMAS, Théorie de l’agir communicationnel, t. 2 Pour une critique de la raison fonc-
tionnaliste, trad. J.-L. Schlegel, Paris, Fayard, 1987, pp. 391-410, spéc. pp. 392-393 : « l’expression
extension du droit (Verrechtlichung) se réfère très communément à la tendance, observable dans les
sociétés modernes, d’une inflation du droit écrit. Dans cette tendance, nous pouvons distinguer
entre l’extension du droit, donc entre les normes juridiques mises sur des réalités sociales nouvelles,
jusque-là régulées de manière informelle, et la concentration du droit, c’est-à-dire la désagrégation,
par les spécialistes, des faits juridiques globaux au profit de nouveaux faits particuliers. »

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278 LE MOUVEMENT ODR

ges, vers le modèle du tribunal (843). Avec François Ost, on comprend que
cette surinflation juridique est une indication de l’inadaptation du modèle
du droit rationnel, centralisé, hiérarchique, formaliste et imposé (844) : la
machine s’emballe, tentant de réagir aux déficiences causées par des règles
trop formelles et précises, par d’autres règles, elles-mêmes formelles et
précises comme le veut le modèle du droit selon lequel elles sont adoptées.
En réaction, l’État se fait « réflexif » comme le note Günther Teubner :
il ne place que les cadres procéduraux de l’autorégulation (845), baissant
ainsi la pression juridique. Du côté de la gestion des litiges, on déjudiciarise
pour mettre en place des formes non adjudicatives de règlement des diffé-
rends (846). Concrètement, cela signifie que l’on veut éviter le juge civil,
parce que l’encombrement des rôles des juridictions, la dérive des procé-
dures judiciaires en temps et en argent, la complexité des procédures ont
affaibli l’efficacité du droit d’accès à la justice ; les actions judiciaires ne
sont plus adaptées à la société contemporaine, on veut de l’informel, des
procédures plus courtes, moins chères, on veut se débarrasser des litiges le
plus tôt possible (847). À ce but d’informalisme correspond un mouvement
général de contractualisation de la procédure et un espoir que la justice,
négociée, puisse être « douce comme il existe des médecines douces » (848).

(843) J.-P. BONAFÉ-SCHMITT, « La médiation : du droit imposé au droit négocié ? » in Droit


négocié, Droit imposé ?, s. dir. Ph. Gérard, F. Ost et M. van de Kerchove, Bruxelles, Publ. FUSL,
1996, p. 419 et seq., spéc. p. 420.
(844) F. OST, « Jupiter, Hercule, Hermès : trois modèles du juge » in La force du droit, s. dir. P.
Bouretz, Paris, Éd. Esprit, 1991, p. 241 et seq., spéc. pp. 245-249 et 257-260.
(845) G. TEUBNER, « Reflexives Recht. Entwicklungsmodelle des Rechts in vergleichender
Perspektive » in ARSP, 1982, vol. 68, p. 13 et seq.
(846) M. VAN DE KERCHOVE, « Les différentes formes de baisse de la pression juridique et
leurs principaux enjeux » in Cahiers de recherche sociologique, 1989, vol. 13, p. 11 et seq., l’auteur
montrant par ailleurs que la déjudiciarisation s’accompagne de la déréglementation, qui n’implique
cependant (on notera l’importance de ceci pour le droit du cyberespace) pas moins de droit, mais
moins de droit étatique.
(847) On pensera notamment aux pratiques de dispute avoidance qui se développent actuelle-
ment dans plusieurs branches commerciales et qui visent, comme leur nom l’indique, à éviter la
survenance d’un litige. Dans une littérature en plein développement, voir notamment, pour une
perspective en commerce international, M. HUNTER, « International Commercial Dispute Reso-
lution : The Challenge of the Twenty-first Century » in Arb. Int., 2000, vol. 16, p. 379 et seq.
Certains auteurs arguent que l’escalade d’un conflit peut être évitée grâce à la circulation rapide de
l’information dans l’environnement électronique : R. SUSSKIND, The Future of Law : Facing the
Challenges of Information Technology, op. cit. n. 796, p. 105.
(848) S. GUINCHARD, « L’évitement du juge civil » in Les transformations de la régulation ju-
ridique, s. dir. J. Clam et G. Martin, Paris, LGDJ, 1998, p. 221 et seq., spéc. pp. 223 et 226. Il y a

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VERS LA PROCESSUALISATION 279

Comme l’écrit Habermas, « des procédures de règlement des conflits [doi-


vent intervenir] qui soient adaptées aux structures de l’agir orienté vers
l’intercompréhension – il s’agirait donc de processus discursifs de formation
de la volonté et de procédures de négociation et de décision » (849). Du
côté de la gestion des litiges, cela correspond au mouvement (qui est donc
postmoderne) ADR, qui repose sur le développement de nouveaux modèles
de régulation sociale basés sur la décentralisation, la déprofessionnalisation,
la redéfinition des pouvoirs entre l’État et la société civile, et la déjudicia-
risation (850). C’est que l’on repense la légitimité du pouvoir de régler les
litiges et la centralité des tribunaux et l’on agit en développant des vecteurs
de l’autorégulation et du pluralisme social et juridique, dont l’archétype en
matière de résolution des litiges est la médiation, mode informel et négo-
cié (851).
En résumé, on dira donc que la pensée postmoderne, ayant renversé
l’idéal moderne de la gestion des litiges, appelle de ses vœux une justice
souple, rapide, informelle, fondée sur la négociation. En cela, les ODR
semblent tomber à point nommé. Au vrai, ils sont un pur produit de cet
environnement idéologique.
On pourrait donc s’attendre à ce que les modes de résolution des litiges
en général, hors ligne ou en ligne, tendent en pratique à devenir moins
formels, moins processuels, plus négociés (852). Pourtant, dans la pratique
des ADR, c’est précisément l’inverse qui se semble se produire (853).

vingt ans déjà, les statistiques aux États-Unis indiquaient que 90–95 pour cent des actions inten-
tées se soldaient par une transaction : Administrative Office of the United States, Federal Judicial
Workload Statistics for the Twelve Months Period Ending December 31, 1980, A-20, A-21,
Washington DC, 1981.
(849) J. HABERMAS, Théorie de l’agir communicationnel, t. 2 Pour une critique de la raison fonc-
tionnaliste, op. cit. n. 842, p. 408.
(850) Sur le mouvement ADR et les remises en cause qu’il entraîne, A.-J. ARNAUD et J.-P.
BONAFÉ-SCHMITT, « Alternatif (Droit) – Alternative (Justice) », op. cit. n. 576, p. 11 et seq.
(851) J.-P. BONAFÉ-SCHMITT, « La médiation : du droit imposé au droit négocié ? », op. cit.
n. 843, p. 427 et seq.
(852) Relevons toutefois, ici encore au niveau théorique, les critiques de certains auteurs améri-
cains, qui dénoncent cette idéologie de l’harmonie reposant, selon eux, sur la négation du conflit et
l’idée que les conflits ne seraient que des problèmes de communication ou des différends relation-
nels et affectifs. Ils soulignent par ailleurs que les défenseurs des ADR, trop manichéens, ne voient
dans le tribunal, tout noir, qu’aliénation, hostilité et coûts excessifs tandis que la médiation, toute
blanche, encouragerait des vertus telles que les responsabilités civiques et communautaires : voir
par exemple R.L. ABEL, « Conservative Conflict and the Reproduction of Capitalism : The Role

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280 LE MOUVEMENT ODR

SOUS-SECTION II. — ÉVOLUTION EN PRATIQUE :


PROCESSUALISATION

Le phénomène de la résolution des litiges semble avoir cette particularité


qu’en pratique, plus un mode de règlement des différends est utilisé, plus il
se processualise, plus il se développera vers le formel et l’imposé. Ce glis-
sement vers la processualisation est couramment observé dans les ADR.
Philippe Fouchard, par exemple, notait que, tout comme l’arbitrage,
« devenu trop long, trop cher, trop processuel, […] à l’origine, [les procé-
dures non juridictionnelles] exprimaient toutes le souci de leurs promoteurs
de se démarquer de la voie contentieuse [mais] il est facile d’observer que
ces modes alternatifs tendent eux-mêmes à se juridiciser, à se processua-
liser » (854). Mireille Delmas-Marty, quant à elle, évoque les tentatives
d’évitement des « longueurs d’un procès arbitral administré par une institu-
tion », relevant que « l’observation [de la processualisation et des stratégies
d’évitement] vaut aussi pour les diverses formes de conciliation, médiation

of Informal Justice » in Int. J. Soc. L., 1981, vol. 9, p. 245 et seq. Cette critique peut toutefois être
adoucie en la limitant géographiquement : dans une société individualiste comme les États-Unis le
conflit est souvent considéré comme normal et inévitable, et les individus ont une perception claire
de leurs droits, qui doivent être mis en œuvre, fût-ce au détriment de l’harmonie sociale. Dans une
culture plus communautaire, comme on en trouve dans le Sud de l’Europe, en Asie et en Amérique
du Sud, les individus mettront plus d’importance à la reconstruction du lien social par le compro-
mis : N. FEMENIA, « ODR and the Global Management of Customer’ Complaints : How Could
ODR Techniques be Responsive to Different Social and Cultural Environments » in WOA, 2002,
vol. 3, p. 4 et seq., analysant l’importance de ces différences pour un système global de résolution
des litiges comme les ODR.
(853) Comme le relèvent B. YNGVESSON et L. MATHER, « Courts, Moots, and the Disputing
Process », op. cit. n. 832, pp. 55-63, des études anthropologiques ont montré que la mise en œuvre
de la procédure ne correspond souvent pas complètement à son idéologie : selon les auteurs c’est
d’une réelle rupture dont il faut prendre acte. Par exemple, un tribunal peut être concrètement plus
consensuel qu’une médiation, quand le juge pousse les parties à transiger, par hypothèse de ma-
nière très libre, tandis qu’un médiateur tente quelques fois d’imposer à tout prix sa recommanda-
tion aux parties (sur cette forme de « médiation musclée », A. BEVAN, Alternative Dispute
Resolution, Londres, Sweet & Maxwell, 1992, pp. 21-23). De manière plus radicale, ce sont les
tendances d’évolution de l’idéologie et de la mise en œuvre des procédures qui peuvent être oppo-
sées. Si une observation au niveau idéologique montre un renversement de la notion du progrès
vers l’informel et le consensuel, une observation de la mise en œuvre des procédures, des stratégies
utilisées pour la résolution des litiges semble indiquer que la tendance moderne se poursuit dans la
direction opposée.
(854) Ph. FOUCHARD, « Alternative dispute resolution et arbitrage », op. cit. n. 577, p. 112.
Voir aussi ID., « Où va l’arbitrage international ? » in McGill L.J., 1989, vol. 34, p. 435 et seq.,
spéc. p. 450 et seq.

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VERS LA PROCESSUALISATION 281

ou arbitrage » (855). D’autres auteurs relèvent des « formalités injectées par


les avocats » (856), conduisant à « ce qui est souvent décrit et décrié comme
la judiciarisation et la légalisation de l’arbitrage » (857). Pierre Lalive, plus
ironique, s’exclame que « le nombre d’utilisateurs potentiels qui croient
encore que l’arbitrage du commerce international serait, selon la phrase
classique une procédure ‘simple, rapide et peu coûteuse’ ne doit pas dépas-
ser de beaucoup, aujourd’hui (depuis que tant d’écrits et de colloques pro-
clament le contraire) celui de ceux qui prennent le Pirée pour un
homme » (858), alors que l’arbitrage se concevait précisément, à l’origine,
comme une « méthode simple et peu coûteuse de règlement des différends
entre gentlemen » (859).
Mais pourquoi cette dérive procédurale ? Pour Jean-Baptiste Racine, il
lui existe au moins deux causes : la concurrence des professions de droit et
la rupture de solidarité au sein de la communauté des marchands. Les avo-
cats, ainsi que leurs clients, mettent tout en œuvre pour remporter
l’arbitrage, ne refusant pas de recourir au harcèlement procédural de
l’adversaire et des arbitres. Ces derniers réagissent en processualisant la
procédure pour permettre au processus arbitral d’aboutir dans les délais et à
un coût raisonnable. La rupture de solidarité de la communauté des mar-
chands, résultant d’une concurrence économique accrue, ne permet plus de
conserver une procédure consensuelle et conforme à l’idéologie initiale de
l’arbitrage. Les parties arrivant les armes à la main, la procédure doit être
encadrée et la décision imposée (860).

(855) M. DELMAS-MARTY, « Le mou, le doux et le flou sont-ils des garde-fous ? Introduction


aux nouveaux lieux et aux nouvelles formes de régulation des conflits » in Les transformations de la
régulation juridique, s. dir. J. Clam et G. Martin, Paris, LGDJ, 1998, p. 209 et seq., spéc. p. 212.
(856) Th.J. STIPANOWICH, « Rethinking American Arbitration » in Ind. L.J, 1988, vol. 63,
p. 425 et seq., spéc. p. 445. Voir aussi A. RIGOZZI, L’arbitrage international en matière de sport,
Bâle, Helbing & Lichtenhahn, 2005, § 353 : « l’arbitrage s’est transformé en un ‘combat’ caracté-
risé par l’abus de formalisme, l’esprit de procédure, les incidents de toute sorte » (références omi-
ses).
(857) A.S. RAU, « Contracting out of the arbitration act » in Am. Rev. Int’l Arb., 1997, vol. 8,
p. 225 et seq., spéc. p. 259.
(858) P. LALIVE, « Avantages et inconvénients de l’arbitrage ad hoc » in Études offertes à Pierre
Bellet, Paris, Litec, 1991, p. 301 et seq., spéc. p. 315.
(859) ID., « Arbitration – The Civilized Solution ? » in Bull. ASA, 1998, vol. 16, p. 483 et seq.,
spéc. p. 483.
(860) J.-B. RACINE, « Les dérives procédurales de l’arbitrage », op. cit. n. 798, pp. 231–236.

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282 LE MOUVEMENT ODR

En suivant d’autres auteurs, le raisonnement peut être poussé un peu


plus loin, tant en ce qui concerne les causes que l’objet de la dérive procé-
durale. Tout d’abord, il est aujourd’hui devenu un lieu commun que de dire
que l’arbitrage s’est développé en un phénomène de masse (861), devenant
un lieu central de la résolution des litiges commerciaux, la « juridiction de
droit commun des affaires internationales » (862). Acquérant une telle
importance, il a simplement été exposé aux errements procéduraux de la
société contentieuse. Au vrai, il en va aujourd’hui d’un développement gé-
néralisé de nombreux modes extrajudiciaires de règlement des différends
vers des phénomènes de masse. De manière générale, ceci conduit à une
certaine standardisation de la procédure, visant la simplification de son
administration, ce qui constitue une forme de processualisation de ces mo-
des de règlement, on aurait envie de dire une tendance à l’automatisation.
Ensuite, de manière plus générale, ce mouvement de processualisation
semble inévitable si l’on pense, comme l’affirme Bruno Oppetit, qu’« en
vérité, dès l’instant où il s’agit d’aménager un véritable mode de règlement
d’un litige, on échappe difficilement aux exigences minimales qu’impose
toute forme de justice » (863). Reprenons cet argument, à la lumière du
raisonnement de Serge Guinchard. Pour l’auteur, les modes extrajudiciaires
de résolution des litiges « s’installe[nt] de partout, très vite, tout simple-
ment parce que les parties ressentent un fort besoin de sécurité juridique et
que la crédibilité de ces nouvelles formes de règlement des conflits c’est
certes de permettre de résoudre ceux-ci dans des conditions jugées meil-
leures que ne le ferait un juge civil ». Mais ce désir de se protéger, ce « fort
besoin de sécurité juridique », passe immanquablement par les garanties
procédurales : comme poursuit l’auteur, ce règlement des différends ne
saurait se faire qu’à condition que ne soit pas sacrifié un minimum de ga-

(861) Notamment Y. DEZALAY et B.G. GARTH, « Merchants of Law as Legal Entrepre-


neurs : Constructing International Justice from the Competition for Transnational Business Dis-
putes » in Law & Soc’y Rev., 1995, vol. 29, p. 27 et seq., spéc. p. 38 et I. FADLALLAH, « L’ordre
public dans les sentences arbitrales » in Rec. Cours La Haye, 1994, vol. 249, p. 377 et seq., spéc.
p. 380 : « la mutation la plus importante, à mes yeux, tient à la transformation d’un phénomène
confidentiel en un phénomène de masse. Sa nature juridique en est affectée. »
(862) J.B. RACINE, « Les dérives procédurales de l’arbitrage », op. cit. n. 798, p. 229.
(863) B. OPPETIT, « Arbitrage, médiation et conciliation » in Rev. arb., 1984, p. 307 et seq.,
spéc. p. 322. Voir aussi ID., « Philosophie de l’arbitrage commercial international » in JDI, 1993,
p. 811 et seq.

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VERS LA PROCESSUALISATION 283

ranties procédurales (864). Or les parties demandent toujours plus de mi-


nima de garanties procédurales, afin de protéger leurs intérêts. Cette
tendance est d’ailleurs plus large que la problématique de la résolution ex-
trajudiciaire des litiges, en ce sens que l’une des causes de l’inflation régle-
mentaire contemporaine est que les individus, pour protéger leurs droits
subjectifs, ont tendance à demander toujours plus de normes, c’est-à-dire
davantage de droits et de droit. Simplement, appliqué au règlement des
différends, cette tendance signifie plus de procédure.
Ainsi l’on comprend que la société contentieuse, pour éloigner le spectre
qu’est le « délire de la procédure », a dérivé son trop-plein normatif vers des
formes alternatives de régulation, sans vraiment toucher aux sources de
l’invasion normative. Le traitement s’attaque aux symptômes, non aux
causes. Les errements de la société contentieuse tiennent moins à l’inadap-
tation des tribunaux ou d’un autre mode de règlement des différends qu’à
des caractéristiques de la société elle-même. Toutes les formes de résolu-
tion des litiges semblent donc soumises à une dérive vers la processualisa-
tion (865).

SOUS-SECTION III. — CONSTAT : LE


MOUVEMENT SISYPHIQUE DE LA RÉSOLUTION DES
LITIGES

A la lumière de ce qui précède, deux tendances opposées peuvent être ob-


servées. Dans un sens, l’idéologie de la gestion des litiges suit le courant de
pensée postmoderne et revient au pôle de l’informel et du consensuel. Elle
appelle ainsi de nouveaux modes de règlement des différends simples, rapi-
des, peu coûteux, négociés et informels. En parallèle et en contresens, di-

(864) S. GUINCHARD, « L’évitement du juge civil », op. cit. n. 848, p. 226.


(865) L. CADIET, « Le spectre de la société contentieuse » in Droit civil, procédure, linguistique
juridique. Écrits en hommage à Gérard Cornu, Paris, PUF, 1994, p. 29 et seq. Selon l’auteur,
l’invasion normative des sphères sociales aurait pour cause l’existence de plus en plus de droit, qui
est de plus en plus accessible et facile à mettre en œuvre. Il en résulte un réel débordement norma-
tif, évoquant le spectre de la société contentieuse : le délire de la procédure. En réaction, on a
notamment dérivé ce trop-plein normatif vers des formes alternatives de régulation, en institution-
nalisant en quelque sorte le pluralisme juridique (au sens de pluralité de systèmes normatifs avec à
chacun ses modes de règlement des différends). Mais pourquoi, alors, penser que cette invasion
normative va s’arrêter du simple fait d’avoir été répartie sur plusieurs formes alternatives de régula-
tion ? Il semble plus conséquent de penser que cette invasion normative va se poursuivre là où elle a
été dérivée (dans les ADR, donc), amenant plus de droit et plus de procédure.

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284 LE MOUVEMENT ODR

vers facteurs poussent le fonctionnement concret de ces modes de réso-


lution des litiges vers la processualisation, vers le formel, vers le droit im-
posé, vers l’idéal-type des tribunaux. Ces facteurs sont notamment liés au
renforcement de la concurrence économique, à la progression quantitative
de la résolution extrajudiciaire des litiges, à la standardisation en masse de
ces méthodes de règlement extrajudiciaire, au combat constant des parties
pour plus de garanties procédurales et à la tendance des sociétés contem-
poraines à la prolifération normative. Les anthropologues du droit obser-
vent ainsi une demande permanente de modes de résolution non légaux et
une subséquente juridicisation de ces derniers, apparemment inévitable
dans la société contemporaine (866). Les philosophes du droit, quant à eux,
évoquent dans la justice contemporaine « une oscillation significative entre
exigence d’humanité et souci d’utilité, éthique de la dignité et logique ma-
nagériale » (867).
Ainsi, l’effet combiné de ces deux forces conduit à « une sorte de mou-
vement perpétuel, chaque fois qu’une forme nouvelle de règlement des
conflits apparaît à côté du juge civil, c’est en réaction à une trop forte ins-
titutionnalisation, voire judiciarisation […] de la forme de règlement
qu’elle supplée, avant d’être elle-même remplacée par une forme moins
institutionnalisée, au bout de quelque temps » (868). L’apparition régulière
de nouveaux modes de règlement des différends vise l’absence de forma-
lisme et le consensualisme, mais cette quête permanente est sans cesse dé-
jouée, dans un mouvement sisyphique, par leur dérive procédurale (869).
L’idéologie demande l’informel négocié, la pratique produit le formel im-
posé. On peut évoquer ici l’image d’un tapis roulant, entraîné par la prati-
que de la résolution des litiges, acheminant les modes de résolution des

(866) J.S. AUERBACH, Justice without law ? Resolving Disputes without Lawyers, New York,
Oxford Univ. Press, 1983, p. 15.
(867) F. OST, « Le rôle du juge. Vers de nouvelles loyautés ? » in Le rôle du juge dans la cité,
Bruxelles, Bruylant, 2002, p. 15 et seq.
(868) S. GUINCHARD, « L’évitement du juge civil », op. cit. n. 848, p. 225.
(869) L’un de ces derniers modes de règlement des différends plus informel et plus consensuel
est – hors les ODR – un ensemble de procédures que l’on désigne par des vocables tels que dispute
management, dispute prevention, ou encore partnering, qui visent toutes à appréhender un différend
avant qu’il ne prenne trop d’ampleur et cela de manière plus informelle et négociée que lors d’une
médiation (et bien sûr d’un arbitrage), dont on décrie les dérapages procéduraux : M. HUNTER,
« International Commercial Dispute Resolution : The Challenge of the Twenty-first Century »,
op. cit. n. 847, p. 379.

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VERS LA PROCESSUALISATION 285

litiges vers une procédure plus formelle et plus organisée tandis que de
nouveaux modes seraient de temps à autre placés au commencement du
tapis, du côté de l’informel, répondant ainsi aux exigences de l’idéologie
dominante. Ou d’un Sisyphe qui apporterait à chaque fois une nouvelle
pierre vers le haut de sa colline, chaque pierre étant inévitablement vouée à
rouler dans la même direction que celles qui l’ont précédée. L’idéal post-
moderne est à l’opposé de l’idéal moderne, mais la dynamique de la prati-
que semble être largement la même.
Les ODR étant avant tout des ADR opérant en ligne, on peut a priori
s’attendre à leur processualisation. Tout porte à croire, à notre sens, que
l’idéal postmoderne de la gestion informelle des litiges continuera à mar-
quer l’idéologie des modes d’ODR : des modes rapides, simples, aux coûts
modestes et laissant la part large à la négociation. En parallèle, il semble
que l’on puisse s’attendre à ce qu’une dynamique propre au phénomène de
résolution des litiges marquera l’organisation concrète des procédures, cel-
les-ci semblant devoir glisser continuellement vers le lent, le complexe,
l’imposé.

SECTION II. — Quelle processualisation de la


résolution des litiges en ligne ?

À la lumière des développements qui ont précédé, on conçoit que les mo-
des de règlement des différends en ligne constituent l’une des plus récentes
concrétisations de l’idéologie postmoderne, contemporaine, d’une justice
simple, négociée, peu coûteuse et rapide. Les procédures sont parfois radi-
calement simplifiées (l’exemple le plus frappant étant la négociation auto-
matisée), souvent négociées (on pense notamment à l’arbitrage non
contraignant, dont le consensualisme le place à la frontière de la notion
d’arbitrage, traditionnellement strictement juridictionnel), en principe peu
onéreuses, toujours rapides. Néanmoins, les développements qui ont pré-
cédé permettent également de penser que les ODR glisseront dorénavant
vers l’idéal-type des tribunaux et vers le formalisme, c’est-à-dire qu’ils se
processualiseront.

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286 LE MOUVEMENT ODR

La croissante adoption, de tous côtés, de recommandations ou de stan-


dards concernant les principes fondamentaux de procédure applicables à la
résolution en ligne en constituent un indice. De telles initiatives ont no-
tamment été poursuivies par l’OCDE (870), les États-Unis (871), le Cana-
da (872), l’Australie (873), l’Espagne (874), l’AGB (875), le GBDe (876),

(870) Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), Comité de la


politique à l’égard des consommateurs, « Établir la confiance dans l’environnement en ligne :
résolution des différends entre entreprises et consommateurs. Conférence conjointe de l’OCDE,
de la CODIP et de la CCI. Compte rendu de la conférence », DSTI/ICCP/REG/CP(2001)2, La
Haye, 25 juillet 2001, <www.olis.oecd.org/olis/2001doc.nsf/LinkTo/DSTI-ICCP-REG-CP(20-
01)2>, ID., « Recommendation of the OECD Council Concerning Guidelines for Consumer
Protection in the Context of Electronic Commerce », 9 décembre 1999 et ID., « Les consomma-
teurs sur le marché en ligne : les lignes directrices de l’OCDE, trois ans après »,
DSTI/CP/(2002)4/Final, 3 février 2003, <www.olis.oecd.org/olis/2002doc.nsf/LinkTo/dsti-cp-
(2002)4-final>, ID., « Résolution en ligne des litiges liés au commerce électronique : règlement
alternatif des litiges (RAL) – Les questions à se poser », DSTI/ICCP/REG//CP(2002)2/Final, 14
juin 2002, <www.olis.oecd.org/olis/2002doc.nsf/linkto/dsti-iccp-reg-cp(2002)2-FINAL>, ID.,
« Dispositions juridiques liées au règlement alternatif des litiges entre entreprises et consomma-
teurs relatifs à la vie privée et à la protection des consommateurs », DSTI/ICCP/REG/CP-
(2002)1/Final, 22 janvier 2003, <www.olis.oecd.org/olis/2002doc.nsf/linkto/dsti-iccp-reg-cp(20-
02)1-final>.
(871) Federal Trade Commission et Department of Commerce, « Summary of the Public
Workshop of 6–7 June 2000 », novembre 2000, <www.ftc.gov/bcp/altdisresolution/summary.-
htm>.
(872) Groupe de travail canadien sur le commerce électronique et les consommateurs, « Code
canadien de pratiques pour la protection des consommateurs dans le commerce électronique », 16
janvier 2004, <cmcweb.ca/epic/internet/incmc-cmc.nsf/vwapj/EcommPrinciples2003_fr.pdf/$FI-
LE/EcommPrinciples2003_fr.pdf>.
(873) National Alternative Dispute Resolution Advisory Council (NADRAC), « Online
ADR : Background Paper », janvier 2001, <www.nadrac.gov.au>Publications> et ID., « Dispute
Resolution and Information Technology. Principles for Good Practice (Draft) », mars 2002,
<www.nadrac.gov.au/adr/DisputeResolutionInformationTechnology.htm>.
(874) Voir E. PAZ LLOVERAS (éd.), Libro Blanco sobre Mecanismos Extrajudiciales de Solución de
Conflictos en España, Madrid, AENOR, 2002.
(875) Alliance for Global Business (AGB), « A Global Action Plan for Electronic Business »,
3ème éd., juillet 2002, <www.iccwbo.org/home/e_business/word_documents/3rd%20Edition%20-
Global%20Action%20Plan.pdf>.
(876) Global Business Dialogue on electronic commerce (GBDe), Consumer Confidence
Working Group, « Alternative Dispute Resolution – The Miami 2000 Recommendations », 26
septembre 2000, <www.gbde.org/adrmiami2000.pdf>, ID., « Alternative Dispute Resolution –
The Tokyo 2001 Recommendations », 14 septembre 2000, <www.gbde.org/adrtokyo2001.pdf>,
ID. et Organisation internationale des consommateurs (Consumers International), « Alternative
Dispute Resolution Guidelines. Agreement reached between Consumers International and the
Global Business Dialogue on Electronic Commerce », novembre 2003, <www.gbde.org/adragree-
ment03.pdf>.

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VERS LA PROCESSUALISATION 287

le TACD (877), l’Organisation internationale des consommateurs (878), le


BEUC (879), la CCI (880) et l’ABA (881). Les principes de procédure qui
sont le plus souvent évoqués sont la transparence, l’indépendance et
l’impartialité, la durée des procédures, l’accessibilité, le caractère glo-
balement équitable de la procédure et le caractère contraignant ou non des
résultats. Une présentation générale de ces initiatives et de ces principes
dépassant le cadre de ce qui est nécessaire pour le présent argumentaire (et
ayant été réalisée ailleurs (882)), nous nous proposons de passer uni-
quement en revue ici deux éléments concrets de processualisation ayant une
incidence directe sur la capacité de production de droit par les ODR. Il
s’agira de la publication des résultats de procédures – décisions de modes
adjudicatifs et accords issus des modes non adjudicatifs – et du dé-
veloppement de mécanismes de contrôle de ces résultats.

(877) Transatlantic Consumer Dialogue (TACD), « Alternative Dispute Resolution in the


Context of Electronic Commerce », Ecom-12-00, février 2000, <www.tacd.org/db_files/files/files-
82-filetag.pdf> et ID., « Resolution on Protecting Consumers from Fraud and Serious Deception
Across Borders », Doc. no Internet-28-02, novembre 2002, <www.tacd.org/db_files/files/files-243-
filetag.doc>.
(878) Organisation internationale des consommateurs (Consumers International), « Disputes
in Cyberspace. Online Dispute Resolution for Consumers in Cross-Border Disputes – An Inter-
national Survey », décembre 2000, <www.consumersinternational.org/document_store/Doc29.-
pdf> et ID., « Disputes in Cyberspace 2001. Update of Online Dispute Resolution for Consumers
in Cross-Border Disputes », novembre 2001, <www.consumersinternational.org/document_store/-
Doc517.pdf>.
(879) Bureau européen des consommateurs (BEUC), « Alternative Dispute Resolution –
BEUC’s Position on the Commission’s Green Paper », BEUC/X/048/2002, 21 novembre 2002,
<www.beuc.org>by topic>access to justice>Topics ADR>.
(880) Chambre de commerce internationale (CCI), « Resolving disputes online. Best practices
for Online Dispute Resolution (ODR) in B2C and C2C transactions », novembre 2003, <www.-
iccwbo.org/home/e_business/word_documents/DISPUTES-rev.pdf>.
(881) ABA Task Force on E-Commerce and ADR and Shidler Center, « Addressing Disputes
in Electronic Commerce : Final Recommendations and Report », op. cit. n. 640.
(882) G. KAUFMANN-KOHLER et Th. SCHULTZ, Online Dispute Resolution : Challenges for
Contemporary Justice, op. cit. n. 575, p. 83 et seq. Voir aussi M. WAHAB, « Globalisation and
ODR : Dynamics of Change in E-Commerce Dispute Settlement » in Int. J. L. & Tech., 2004,
vol. 12, p. 123 et seq., spéc. p. 132 et seq. Pour un survol très bref de ces principes, voir par exem-
ple I. DE LAMBERTERIE, « Le règlement en ligne des petits litiges de consommation » in Le droit
international de l’internet, s. dir. G. Chatillon, Bruxelles, Bruylant, 2003, p. 631 et seq., spéc. p. 641
et seq.

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288 LE MOUVEMENT ODR

SOUS-SECTION I. — PUBLICATION DES


RÉSULTATS

La publication des résultats des procédures de résolution des litiges en ligne


répond, si elle est mise en œuvre selon certaines modalités, aux intérêts de
tous les intervenants de ce secteur et elle est appelée des vœux de nombre
d’auteurs (883).
La publication permet tout d’abord un contrôle de la qualité des services
fournis par les organismes d’ODR, c’est-à-dire de la qualité de la justice
rendue en ligne (884). Ce contrôle s’opère par les forces du marché : la
publication crée ce que l’on peut qualifier d’informations de place de mar-
ché, c’est-à-dire des données permettant aux utilisateurs de faire des choix
éclairés entre les différents produits proposés en ligne – soit les diverses
procédures de règlement en ligne des litiges. De telles possibilités de choix
promeuvent la concurrence entre les organismes d’ODR, la qualité des
services tendant en conséquence à s’améliorer (885). Dans le même ordre
d’idées, on soutiendra également que ces procédures peuvent, dans l’hypo-
thèse d’une décision prononcée à la suite d’une procédure adjudicative,

(883) Voir par exemple L.J. GIBBONS, « Private Law, Public ‘Justice’ », op. cit. n. 821, passim,
L.M. PONTE, « Boosting Consumer Confidence in E-Business : Recommendations For Estab-
lishing Fair and Effective Dispute Resolution Programs for B2C Online Transactions » in Alb. L.J.
Sci. & Tech., 2002, vol. 12, p. 441 et seq., spéc. pp. 488–489, O. RABINOVICH-EINY, « Going
Public : Diminishing Privacy in Dispute Resolution in the Internet Age » in Va. J.L. & Tech.,
2002, vol. 7, art. 4, § 165 : « we will see a growing body of agreements, readily available to all via
the Internet, that were generated extra-judicially [through online mediation] in the private sec-
tor. »
(884) De manière générale sur l’importance de la transparence sur Internet en vue de la régula-
tion du cyberespace, voir J.-M. CHEVALIER, I. EKELAND, M.-A. FRISON-ROCHE et M.
KALIKA, Internet et nos fondamentaux, Paris, PUF, 2000, p. 53 et seq., spéc. pp. 54–55 : « la seule
façon de préserver les valeurs dans le système juridique est de prendre modèle sur le procès, en
permettant à des cercles concentriques d’auditoires d’apprécier la justesse de la décision juridique :
d’abord les parties, puis le groupe social concerné, puis la société entière, et enfin […] l’auditoire
universel, notion abstraite qui exprime […] la rationalité et qui pourrait ici être concrètement les
utilisateurs mondiaux d’Internet. » Ce modèle de cercles d’auditeurs correspond à la pensée de Ch.
PERELMAN, Logique juridique, la nouvelle rhétorique, Paris, Dalloz, 1979.
(885) Cette position est notamment défendue par ABA Task Force on E-Commerce and
ADR and Shidler Center, « Addressing Disputes in Electronic Commerce : Final Recommenda-
tions and Report », op. cit. n. 640, pp. 444–446 et Organisation internationale des consommateurs
(Consumers International), « Disputes in Cyberspace », op. cit. n. 878, p. 17. Voir aussi Th.
SCHULTZ, « An Essay on the Role of Government for ODR. Theoretical considerations about the
future of ODR », op. cit. n. 800.

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VERS LA PROCESSUALISATION 289

bénéficier d’une meilleure catharsis par la publication : cette dernière


permet à la communauté dans laquelle s’insèrent les parties de connaître
l’issue de la procédure, donc la détermination de la justice dans ce cas parti-
culier. Cela à son tour permet de renouer plus facilement les liens avec la
communauté, liens qui avaient été rompus par le litige (886). Par ces méca-
nismes, la publication des résultats répond aux intérêts des parties aux pro-
cédures.
Ensuite, la publication des résultats semble constituer une exigence ca-
pitale pour la crédibilité des mécanismes de résolution des litiges en ligne et
corrélativement pour la confiance des parties à la procédure. D’un côté, la
publication constitue sans aucun doute un facteur ordinaire de confiance
pour le règlement des différends et, de l’autre, la transparence en général
semble revêtir globalement une importance toute particulière dans
l’environnement électronique, puisque les véhicules habituels de la
confiance (apparence matérielle, réputation) y sont sinon absents, du moins
affaiblis (887). Partant, la confiance dans la résolution des litiges en ligne,
cas de figure affecté par ces deux facteurs, bénéficierait de manière particu-
lièrement marquée de la publication (888). Dans cette seconde perspective,
la publication répond en conséquence aux intérêts des fournisseurs de servi-
ces de résolution des litiges en ligne, c’est-à-dire des institutions
d’ODR (889).
Par ailleurs, la publication peut conduire à la révélation de problèmes
généraux affectant le commerce électronique, tels que fraudes et pratiques
abusives à grande échelle, de la part des fournisseurs de services sur Internet
ou de leurs clients. Cela facilite la prise de position voire l’intervention des

(886) Cf., sur la catharsis, son rôle et sa présence dans les procédures formelles et informelles
de résolution des litiges, A. GARAPON, Bien juger. Essai sur le rituel judiciaire, Paris, Odile Jacob,
1997, pp. 220–221, 249 et ID., « L’archéologie du jugement moderne » in Les rites de la justice, s.
dir. C. Gauvard et R. Jacob, Paris, Le Léopard d’Or, 1999, p. 230 et seq.
(887) Sur ces diverses questions, voir E. KATSH, The Electronic Media and The Transformation
of Law, Oxford, Oxford Univ. Press, 1989, p. 197 et seq. et Section I. — La perte des repères,
p. 198 et seq. supra.
(888) Sur la transparence et la publication, d’un côté, et la confidentialité et la sécurité, de
l’autre, voir par exemple M.S.A. WAHAB, « La technologie sape-t-elle la confiance ? La confiden-
tialité et la sécurité dans l’arbitrage en ligne », op. cit. note 820, pp. 48–52.
(889) Voir par exemple Global Business Dialogue on electronic commerce (GBDe) et Organi-
sation internationale des consommateurs (Consumers International), « Alternative Dispute Reso-
lution Guidelines », op. cit. n. 876, p. 58.

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290 LE MOUVEMENT ODR

autorités ; la publication répond ainsi aux intérêts de l’État et de la collecti-


vité (890).
Enfin, on relèvera le rôle le plus communément admis de la publication
des résultats, à savoir l’amélioration de la sécurité juridique. Dans cette
hypothèse, la publication a pour fonction de concrétiser les principes ou
règles juridiques tels qu’ils découlent de la pratique antérieure, voire de les
dégager. En ce sens, la publication correspond d’un côté aux intérêts des
parties, qui désirent de manière générale la sécurité juridique, et de l’autre
elle se confond avec la capacité des institutions d’ODR à constituer des
acteurs de la production du droit (891).
À cet égard, on notera que l’effet de la publication sur la sécurité juridi-
que dépend du degré de déférence dont jouissent les précédents. L’effet
sera plus fort s’il existe une règle explicite de stare decisis qu’en son absence.
Si la seconde solution est la règle en matière de résolution extrajudiciaire
des litiges, rien ne nous semble empêcher les institutions d’arbitrage en
ligne de prévoir le contraire. En effet, que le règlement d’arbitrage ou une
autre manifestation de l’autonomie de la volonté des parties puisse prévoir
une règle de stare decisis en arbitrage semble admissible si l’on considère que
les parties disposent, dans la plupart des lois nationales modernes
d’arbitrage, d’une très grande liberté quant à la détermination du droit ap-
plicable par les arbitres (892). Il est ainsi généralement admis que les par-
ties sont autorisées à soumettre leur litige à des règles de droit qui peuvent
ne pas être étatiques ou organisées en un réel système, telles que les princi-
pes généraux du droit ou les usages du commerce (893). Les arbitres peu-
vent également être autorisés à trancher en équité (894), c’est-à-dire selon
des critères indéfinis a priori. De manière générale, la seule limite à cette

(890) Voir en ce sens Transatlantic Consumer Dialogue (TACD), « Alternative Dispute Reso-
lution in the Context of Electronic Commerce », op. cit. n. 877, p. 3.
(891) Sur les différentes modalités de cette production du droit par les mécanismes de résolu-
tion des litiges en ligne, voir Sous-section I. — Formes de régulation par la résolution des litiges
en ligne, p. 513 et seq. infra.
(892) Voir par exemple J.D.M. LEW, L.A. MISTELIS et S.M. KRÖLL, Comparative Inter-
national Commercial Arbitration, La Haye, Kluwer, 2003, §§ 17/8–17/9, pp. 413–414
(893) J.-F. POUDRET et S. BESSON, Droit comparé de l’arbitrage international, op. cit. n. 830,
p. 626 et seq.
(894) Ibid., pp. 652 et seq. et 662 et seq.

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VERS LA PROCESSUALISATION 291

autonomie des parties est le respect des règles d’ordre public (895). Quant
au principe de stare decisis, il n’est en vérité qu’une modalité de détermi-
nation du droit applicable : il renvoie aux règles de droit émergeant de la
pratique antérieure des tribunaux arbitraux de la même institution. Pour
autant que celles-ci ne violent pas de règles d’ordre public, il ne semble pas
exister de raison d’exclure le choix de règles de stare decisis du champ de
l’autonomie procédurale des parties.
Il convient encore de mentionner que si l’effet de la référence à la prati-
que antérieure est bien entendu plus faible en médiation qu’en arbitrage, il
ne nous semble toutefois pas totalement absent dans le premier cas, comme
nous le verrons ci-dessous (896).
Un nombre croissant de recommandations suggèrent de publier les ré-
sultats des procédures, avec toutefois des divergences quant aux modalités
de la publication. De manière générale, les associations de consommateurs
maintiennent les revendications les plus poussées à ce sujet. Celles-ci vont
de la publication de tous les résultats de toutes les procédures, qu’elles
soient adjudicatives comme l’arbitrage ou non adjudicatives comme la mé-
diation (897), avec indication des noms des parties (898), à la seule publi-
cation de sentences arbitrales anonymisées (899). Les recommandations
émanant de milieux professionnels ou gouvernementaux sont pour l’heure
généralement plus modestes à cet égard, ne suggérant que la publication de
tendances générales, de données compilées, de statistiques et d’informa-
tions globales sur les résultats des procédures (900). Cependant, ces recom-

(895) Ibid., p. 644 et seq.


(896) Voir sur ceci l’introduction à la Troisième partie, p. 297 et seq. infra.
(897) Transatlantic Consumer Dialogue (TACD), « Alternative Dispute Resolution in the
Context of Electronic Commerce », op. cit. n. 877, p. 3.
(898) En ce sens, Bureau européen des consommateurs (BEUC), « Alternative Dispute Re-
solution », p. 10.
(899) Organisation internationale des consommateurs (Consumers International), « Disputes
in Cyberspace », op. cit. n. 878, p. 17.
(900) American Bar Association Task Force on Electronic Commerce and Alternative Dispute
Resolution and Shidler Center for Law, Commerce and Technology, University of Washington,
« Recommended Best Practices by Online Dispute Resolution Providers » in Bus. Law, 2002,
vol. 58, p. 458 et seq., spéc. p. 460–461 et Global Business Dialogue on electronic commerce
(GBDe) et Organisation internationale des consommateurs (Consumers International),
« Alternative Dispute Resolution Guidelines », op. cit. n. 876, p. 58. Voir aussi art. II al. 2 Recom-
mandation 98/257 de la Commission, du 30 mars 1998, concernant les principes applicables aux
organes responsables pour la résolution extrajudiciaire des litiges de consommation, JO L 115 du

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292 LE MOUVEMENT ODR

mandations, se voulant réalistes, reposent souvent sur l’idée qu’une pratique


de publication nominative créerait une incitation pour les professionnels de
refuser de participer à de telles procédures de règlement des différends. Si
cette idée est sans doute correcte à l’heure actuelle, on peut néanmoins,
dans un premier temps, envisager l’anonymisation des résultats, ce qui
n’enlève rien aux différents avantages de la publication relevés ci-dessus et
permet d’éviter la publicité négative redoutée par les professionnels.
Ensuite, on peut espérer une acceptation plus fréquente par ces derniers de
publications non anonymisées, selon le principe que seules les entreprises
coupables de pratiques commerciales réellement inacceptables ont une
raison de s’y opposer. L’acceptation de telles publications constituerait donc
déjà en soi un gage de bonnes pratiques commerciales. On notera
également que, d’un point de vue non plus réaliste mais idéal, centré sur les
intérêts de la collectivité, l’anonymisation n’est légitime que pour les
relations entre professionnels, dont on concevra qu’elles n’impliquent en
général que des intérêts privés. Elle ne semble par contre pas légitime pour
les relations entre un professionnel et un consommateur, celles-ci mettant
en jeu des intérêts publics fondés sur la protection de la partie faible,
facilitée par la révélation nominative de pratiques commerciales abusives.
Finalement, en marge de la question de la publication, on relèvera que
l’usage de l’informatique peut accroître l’homogénéité des résultats des
procédures d’une institution. Selon certains auteurs (901), le recours à des
« systèmes d’informations statistiques », c’est-à-dire des moteurs de recher-
che spécialisés dans l’identification de précédents semblables à un cas
donné, peut conduire à une meilleure connaissance de ceux-ci et donc à
une augmentation de la cohérence et de la constance des références. En
d’autres termes, la jurisprudence ou son équivalent sociologique peut être
plus facilement consolidé par le recours à de tels systèmes. À cet égard, on
observera notamment le développement, pour les décisions rendues sous
l’égide de la procédure UDRP, d’outils de recherche et de référencement

17.4.1998, p. 31 et art. II, lit. B, al. 5 Recommandation 2001/310 de la Commission, du 4 avril


2001, relative aux principes applicables aux organes extrajudiciaires chargés de la résolution
consensuelle des litiges de consommation, JO L 109 du 19.4.2001, p. 56.
(901) Voir A. LOVEGROVE, « Statistical Information Systems as a Means to Consistency and
Rationality in Sentencing » in Int. J. L. & Tech., 1999, vol. 7, p. 31 et seq.

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VERS LA PROCESSUALISATION 293

spécifiques, dont le but est expressément d’harmoniser les décisions en


créant quelque chose comme un recueil de jurisprudence intelligent (902).

SOUS-SECTION II. — MÉCANISMES DE


CONTRÔLE

Nous serons plus bref en ce qui concerne les mécanismes de contrôle des
résultats des procédures, ceux-ci faisant l’objet d’une présentation et d’une
étude plus approfondie dans un autre chapitre (903). On notera simple-
ment ici qu’il en va essentiellement de systèmes d’accréditation, de centres
de traitement et d’instances de recours en ligne. Les premiers exercent un
contrôle plutôt diffus sur la production des institutions d’ODR. Dans cette
hypothèse, l’accréditeur vérifie par exemple la qualité générale des décisions
rendues ou des accords conclus à l’issue d’une procédure de règlement en
ligne des différends. Cette vérification influe ensuite sur la reconduction
des services d’accréditation. Ces derniers consistent en la publication
d’informations concernant les institutions accréditées, ce qui devrait
conduire à l’orientation des parties vers telle ou telle institution d’ODR.
Les seconds exercent un contrôle plus direct, reprenant la fonction des
systèmes d’accréditation, mais en allant au-delà. Cette fois, ce ne sont pas
seulement des informations qui sont fournies sur les institutions, mais les
centres de traitement assistent encore les parties pendant les premières
phases de la procédure. Ces centres peuvent ainsi tout d’abord constituer
un relais entre des parties confrontées à un litige et une institution de rè-
glement en ligne dont les résultats des procédures sont jugées les plus
adaptées à la cause. Ensuite, ces centres peuvent assister les demandeurs,
surtout s’il s’agit de consommateurs, dans la préparation de la requête ou du
dossier de médiation. Les troisièmes, les mécanismes de recours en ligne,
constituent la forme la plus directe de contrôle, puisque ce sont les déci-
sions ou les accords eux-mêmes qui sont remis en cause par une instance
supérieure de résolution en ligne.

(902) Voir The Uniform Domain Name Dispute Resolution Policy Database (UDRP-DB), déve-
loppée par The Cornell Legal Information Institute, University of Massachusetts – Center for Informa-
tion Technology and Dispute Resolution, The Online Public Disputes Project et The Markle Foundation,
<udrp.lii.info/udrp/index.php>.
(903) Voir Section IV. — Architectures de contrôle étatique comme garants de légitimité,
p. 536 et seq. infra.

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294 LE MOUVEMENT ODR

Ces trois formes de contrôle conduisent, à des degrés différents, à une


certaine homogénéisation au sein des divers corpus de décisions et
d’accords. Le degré d’homogénéisation est plus grand en ce qui concerne
les instances de recours en ligne que pour les autres mécanismes de
contrôle. On conçoit ainsi, avec certains auteurs (904), qu’un organe
d’appel conduise à la formation d’un système juridique autonome par sa
consolidation à l’intérieur, produite par la simple ouverture d’une voie de
recours, et par sa distanciation à l’extérieur, par rapport à d’autres systèmes
juridiques. Ce second effet, d’éloignement par rapport à d’autres systèmes
normatifs, est causé par la diminution de l’incitation de la partie ayant suc-
combé dans la procédure à saisir les tribunaux, les décisions de deuxième
instance connaissant généralement une probabilité accrue d’être correc-
tes (905). Si l’effet d’homogénéisation faiblit de manière importante en ce
qui concerne les centres de traitement et plus encore pour les systèmes
d’accréditation, il n’y semble toutefois pas totalement absent. Par exemple,
dans le contexte de ces deux mécanismes, on peut s’attendre à ce que la
non-contradiction des résultats constitue un critère d’appréciation, retenu
par l’organisme de contrôle, de la qualité générale des décisions rendues ou
des accords conclus. Plus spécifiquement pour les centres de traitement, la
formulation de la requête ou la constitution du dossier de médiation ainsi
que le suivi des premières phases de la procédure contribuent également à
limiter la marge de manœuvre des tiers chargés de la résolution du litige.
Cette homogénéisation permet à son tour une amélioration de la sécu-
rité juridique, soit de la cohérence et de la constance des normes, et corré-
lativement de leur prévisibilité. Or cette caractéristique des normes cons-
titue, avec leur publicité, une exigence fondamentale du droit. Comme le
montre un raisonnement par reductio ad absurdum, il serait en effet difficile
de conclure à la présence de droit dans l’hypothèse d’une absence totale de
sécurité juridique. La prévisibilité est ainsi, à tout le moins dans une
certaine mesure, un élément constitutif de la juridicité. Dans l’optique de

(904) L.R. HELFER et G.B. DINWOODIE, « Designing Non-National Systems : The Case of
the Uniform Domain Name Dispute Resolution Policy » in Wm. & Mary L. Rev., 2001, vol. 43,
p. 141 et seq., spéc. p. 252.
(905) Voir aussi, de manière plus générale, M. MUELLER, « Rough Justice : An Analysis of
ICANN’s Dispute Resolution Policy », novembre 2000, <dcc.syr.edu/miscarticles/roughjustice.-
pdf>, p. 19 et M.S. DONAHEY, « Divergence in the UDRP and the Need for Appellate Review »
in J. Internet L., 2002, vol. 5, no 11, p. 1 et seq.

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VERS LA PROCESSUALISATION 295

l’acception gradualiste de celle-ci retenue dans la présente étude (906), il


semble donc que, à tout le moins jusqu’à un certain point, plus un groupe
de normes (par hypothèse découlant de décisions d’espèce ou même
d’accords conclus dans des cas particuliers) présente de la cohérence, de la
constance et de la prévisibilité, plus ce groupe de normes sera juridique.
Partant, l’accroissement de la sécurité juridique d’un système augmente sa
capacité à produire du droit. En ce sens, la processualisation des procédu-
res, soit leur plus fort encadrement par des règles et leur rapprochement de
l’idéal-type des tribunaux, accroît la sécurité juridique relative à ces procé-
dures, ce qui augmente donc leur capacité à produire du droit.

(906) Voir Chapitre IX : Validité : l’efficacité juridique en trois temps, p. 305 et seq. infra.

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TROISIÈME PARTIE
Troisième partie. — La validité d’une régulation par les ODR

La validité d’une régulation par les


ODR

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INTRODUCTION

Dans la première partie de cette étude, nous avons vu que le cyberespace


constitue un environnement spécifique de normativité, au sein duquel les
phénomènes contemporains généralisés de l’affaiblissement de l’État et de
la corrélative émergence d’autres acteurs de la production du droit sont
particulièrement marqués. Selon l’importance de ces autres acteurs, certains
domaines d’activités afférents au cyberespace peuvent apparaître tour à tour
réglementés par l’État, autorégulés par les utilisateurs d’Internet, régulés
par les producteurs de technologies ou encore co-régulés par l’État et les
opérateurs privés. Le mode de régulation qui s’impose dans la réalité des
faits dépend en dernière analyse de la somme des rapports de force de tous
ces acteurs, à un moment donné et pour un domaine donné du cyberespace.
La meilleure modélisation nous a en conséquence semblé être celle du ré-
seau, dont l’une des idées force est que tout acteur peut potentiellement
accaparer une position importante, voire centrale, dans le jeu incessant de
l’élaboration normative. Les mécanismes de règlement en ligne des litiges,
par exemple, peuvent fort bien entrer à ce titre dans le réseau de la régula-
tion du commerce électronique et même y acquérir une position prépon-
dérante pour certains types de litiges. Pour tester cette dernière hypothèse,
encore restait-il à définir ce qu’est la résolution en ligne.
Dans la deuxième partie, nous avons en conséquence présenté le mou-
vement online dispute resolution. Nous y avons d’abord décrit les différentes
méthodes de résolution des litiges qui composent ce mouvement. Puis nous
y avons expliqué pourquoi les ODR se développent et à quels besoins ils
répondent : la confiance dans le commerce électronique et l’accès à la jus-
tice relative, avant tout, aux litiges transfrontières dont la valeur litigieuse
demeure plutôt faible. Nous y avons compris que les besoins auxquels le
règlement en ligne des différends répond semblent assurer la pérennité de
ce mouvement, voire lui promettre un essor significatif. Ainsi, dans certains
secteurs du commerce électronique, il semble que les ODR puissent jouer
un rôle capital dans le règlement des différends. Produisant du droit par
leur activité de résolution des litiges, ils acquérraient corrélativement une
position de plus en plus centrale dans l’élaboration normative. On notera à

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300 RÉGULATION PAR LES ODR

ce titre que cette production du droit peut se faire aussi bien par le pro-
noncé d’une décision que par la conclusion d’un accord issu d’une média-
tion voire d’une négociation. Dans la première situation, une norme
régissant le cas particulier est produite et celle-ci pourra, selon les circons-
tances, se généraliser et influencer la création d’autres normes individuelles
et concrètes. Dans la seconde situation, moins évidente il est vrai, si
l’application stricte de règles de droit substantiel est effectivement écartée,
la référence à ces mêmes règles demeure toutefois, en ce sens qu’elles sont
souvent utilisées comme « ressources potentielles », « référents pour l’ac-
tion », « repères », « alternatives au contenu du règlement amiable », objets
de « contemplation » ou encore comme critères de « détermination du
champ de la négociation » (907). Ces repères opèrent soit par la menace de
leur application lors d’une éventuelle procédure adjudicative suivant une
médiation ou négociation échouée, soit, de manière plus diffuse, par la
référence qu’on leur fait naturellement lors du règlement d’un diffé-
rend (908). Si la négociation et la médiation ne conduisent pas à l’appli-
cation immédiate de règles de droit substantielles, on peut toutefois estimer
qu’elles font entrer ces règles dans la production consensuelle du droit par
les parties, à titre de référent du consentement (909). Nous avons finale-
ment constaté, à l’issue de cette deuxième partie, que les ODR semblent

(907) Ces expressions sont recensées par M. VAN DE KERCHOVE, « Médiation et législation »
in La médiation : un mode alternatif de résolution des litiges ?, Zurich, Schulthess, 1992, p. 331 et
seq., spéc. p. 348.
(908) En ce sens J.-F. PERRIN, « Médiation et législation : exposé introductif » in La média-
tion : un mode alternatif de résolution des litiges ?, Zurich, Schulthess, 1992, p. 315 et seq., spéc.
p. 316 : « dans la mesure où l’on veut trancher un conflit, il faut nécessairement faire appel à des
principes de décision. Ceux-ci peuvent sans doute être issus d’une cristallisation de la pratique,
mais, à moins d’admettre que médiateurs et médiés changent d’univers en entrant en médiation, ils
ne peuvent être fermés aux représentations de ce qui est juste ou injuste, bon ou mauvais, bref aux
normes morales et/ou juridiques. Il en résulte que le caractère informel n’équivaut nullement à
l’absence de normes agissantes. » Voir aussi G. TEUBNER, « Zur Eigenständigkeit des Rechts in
der Weltgesellschaft : Eine Problemskizze » in Festschrift für Jean-Nicolas Druey, s. dir. R.J.
Schweizer, H. Burkert et U. Gasser, Zurich, Schulthess, 2002, p. 145 et seq., sur l’effet de la
transformation d’un litige social en un litige juridique, ce qui constitue l’une des activités du média-
teur.
(909) Voir aussi, plus précisément dans le contexte de la résolution des litiges en ligne, la posi-
tion du Bureau européen des consommateurs (BEUC), « Alternative Dispute Resolution –
BEUC’s Position on the Commission’s Green Paper », op. cit. n. 879, p. 10, pour qui la publica-
tion des accords issus de procédures non adjudicatives de règlement des différends est nécessaire en
vue de « further the development of precedents and the provision of reference cases ».

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RÉGULATION PAR LES ODR 301

devoir, comme tous les mécanismes de règlement des différends, se diriger


vers une processualisation croissante, ce qui conférerait à leur justice une
plus grande prévisibilité et en conséquence une plus forte production du
droit.
Ayant ainsi dressé la scène et introduit l’acteur, il nous reste, dans la
présente partie, à examiner le rôle de ce dernier. Nous nous attacherons
donc à analyser ici sinon les réalités, du moins les possibilités de la contri-
bution du phénomène de la résolution des litiges en ligne à la régulation du
commerce électronique. Cette analyse reposera essentiellement sur une
acception spécifique d’un concept emprunté à la théorie générale du droit :
la validité juridique. Celle-ci s’entend, dans le sens que nous lui retenons
ici, de la mesure de la réalisation des conséquences qu’entend avoir une
norme ou un ensemble de normes. En d’autres termes, une norme ou un
ordonnancement juridique valide est celui qui sort les effets juridiques que
ses auteurs ont voulu lui donner. Partant, un acteur produisant du droit
reconnu valide réalise l’influence normative qu’il entend exercer. Cela si-
gnifie qu’il crée réellement du droit ne restant pas lettre morte, qu’il pro-
duit du droit qui déploie des effets et entraîne des conséquences dans les
faits.
Dans le chapitre 9, nous expliciterons tout d’abord cette notion de la va-
lidité juridique sur laquelle nous fonderons la suite de cette étude. On verra
dans ce chapitre que cette notion connaît trois dimensions complémentai-
res. L’une est empirique et correspond à l’idée de l’effectivité. L’autre est
formelle et se confond avec la notion de la légalité ou plus généralement
avec la question de l’appartenance d’une norme à un système juridique
donné. La dernière est axiologique et concerne la légitimité ou le caractère
éthique d’une norme ou d’un ordonnancement juridique. Ces trois dimen-
sions seront étudiées tour à tour.
Au chapitre 10, nous analyserons l’effectivité d’une régulation par les
ODR. Nous y verrons notamment que l’effectivité instrumentale, qui équi-
vaut à la capacité de contraindre, peut ne pas reposer sur la coercition phy-
sique et qu’il existe ainsi d’autres formes de contrainte auxquelles les
mécanismes de règlement des différends en ligne peuvent recourir pour
assurer le respect des normes qu’ils produisent. En conséquence, la néces-
sité de passer par l’appareil coercitif étatique pour disposer d’une possibilité
de contrainte disparaît. Or l’accès à celui-ci est soumis au respect de condi-
tions posées par le droit étatique et, par le contrôle de cet accès, le droit
étatique se place en position de supériorité par rapport aux droits non étati-

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302 RÉGULATION PAR LES ODR

ques. Mais avec d’autres appareils coercitifs, d’autres droits que celui étati-
que peuvent évoluer en marge de ce dernier et même tenter d’imposer à
leurs destinataires leurs normes plutôt que celles du droit étatique. Cette
imposition procède de la menace d’une contrainte plus efficace que celle de
l’État. Cela conduit ainsi à une concurrence des appareils coercitifs. En
d’autres termes, cette concurrence libère, conformément à l’idée du réseau,
les divers ordonnancements juridiques de la hiérarchie habituelle dans la-
quelle l’État se place en souverain (910). Nous verrons ainsi que les ODR,
pouvant recourir à des appareils coercitifs relativement développés, sem-
blent disposer d’une réelle possibilité d’imposer une production normative
en lieu et place de celle des États, à tout le moins dans certaines situations.
Nous observerons finalement dans ce chapitre que ces appareils coercitifs
sont constitués par des mécanismes d’autoexécution des résultats des pro-
cédures de règlement en ligne des litiges.
Le chapitre 11 sera ensuite le lieu d’une analyse des relations que peu-
vent entretenir la production du droit par le règlement des litiges en ligne
et le droit étatique, cette fois dans une perspective non plus empirique et
centrée sur la force de production de la normativité, mais formelle et sys-
témique. Nous nous y interrogerons en conséquence d’abord sur les rela-
tions formelles entre résolution des litiges en ligne et droit étatique du
point de vue de ce dernier, en examinant comment celui-là peut intégrer
celui-ci. Nous déplacerons ensuite le point de vue vers les ODR et vérifie-
rons l’hypothèse de la constitution de systèmes juridiques étroitement liés à
certaines institutions de résolution des litiges en ligne.
Le chapitre 12 sera finalement l’occasion d’examiner les aspects éthiques
de la production du droit par les ODR. La nécessité de cet examen découle
directement des deux chapitres précédents. Nous y aurons en effet conclu à
la réalisation de l’hypothèse que les ODR peuvent disposer de leurs propres
moyens de coercition, ce qui leur permet de créer du droit sans respect des

(910) À titre introductif, sur l’idée de cette concurrence, voir J.R. REIDENBERG, « L’instabilité
et la concurrence des régimes réglementaires dans le Cyberespace » in Les incertitudes du droit, s.
dir. E. MacKaay, Montréal, Thémis, 1999, p. 133 et seq., spéc. p. 145 : « la multiplicité des sour-
ces de réglementation et l’instabilité introduite par chacune de ces sources sont à l’origine d’une
concurrence des régimes. Un nouvel équilibre réglementaire doit émerger qui tiendra compte de
ces régimes concurrents. D’une part, l’importance du droit diminue. D’autre part, la puissance des
règles technologiques s’accroît. »

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RÉGULATION PAR LES ODR 303

garanties éthiques que le droit étatique met en œuvre au stade de l’accès à


son appareil coercitif. En conséquence, la question suivante doit être po-
sée : quelles sont les garanties subsistantes ou pouvant être instaurées en
vue du respect, par ce droit non étatique, de principes fondamentaux de
justice et d’acquis juridiques que le droit étatique a accordés aux parties
faibles à la suite de longues batailles politiques ? Autrement dit, on se de-
mandera ce qui peut assurer que cette régulation par la résolution des litiges
en ligne soit éthiquement acceptable.

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CHAPITRE IX
Chapitre IX. — Validité : l’efficacité juridique en trois temps

VALIDITÉ : L’EFFICACITÉ JURIDIQUE EN


TROIS TEMPS

« Les normes qui ‘comptent’ », écrivent François Ost et Michel van de


Kerchove, « sont les normes valides » (911). L’affirmation semble aller de
soi. Toutefois, dans le contexte qui nous occupe ici, les théories contem-
poraines de la validité juridique, qui dépassent de beaucoup l’approche
purement formelle et légaliste de la validité du courant positiviste, ont une
fécondité certaine. La question ici est en effet de savoir si les ODR peuvent
produire du droit qui « compte », c’est-à-dire, si l’on suit l’affirmation des
deux auteurs, du droit valide.
Rappelons brièvement, tout d’abord, notre thèse et l’analyse qu’elle im-
plique : les ODR ont le potentiel de s’insérer dans le réseau de la régulation
du commerce électronique en y prenant une position de régulateurs privilé-
giés ; entités potentiellement transnationales, elles peuvent contribuer à
l’harmonisation du droit matériel de certaines branches du commerce élec-
tronique voire conduire à la création de systèmes juridiques disposant d’une
certaine autonomie par rapport au droit étatique. Afin de valider cette
thèse, il nous faut examiner les potentialités régulatrices des ODR, savoir
s’ils peuvent réellement avoir une influence régulatoire significative, déter-
miner, en quelque sorte, la force du droit qu’ils peuvent produire. La force de
ce droit est fonction, dans l’approche que nous suivrons, de sa validité : plus
le droit produit par un acteur est valide (la théorie retenue de la validité, on
l’aura compris, est gradualiste et non dualiste valide / invalide), plus sa
capacité régulatrice sera grande.

(911) F. OST et M. VAN DE KERCHOVE, De la pyramide au réseau ? Pour une théorie dialectique
du droit, Bruxelles, Publ. FUSL, 2002, p. 307.

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306 RÉGULATION PAR LES ODR

L’acception de la notion de validité retenue ici est performative (elle se


concentre sur les conséquences juridiques) ; elle est empruntée à François Ost
et Michel van de Kerchove, de même qu’à Joseph Raz. Selon ce dernier,
« une règle de droit est valide si et seulement si elle a les conséquences
normatives qu’elle entend avoir » (912). Quant à Ost et van de Kerchove,
ils définissent la validité comme « la qualité qui s’attache à la norme dont
on a reconnu qu’elle satisfait aux conditions requises pour produire les ef-
fets juridiques que ses auteurs prétendent lui attribuer » (913). Ces défini-
tions appellent quelques commentaires.
La notion de validité se tourne ici résolument vers le critère de l’efficacité
juridique, qui s’entend de l’adéquation entre les effets voulus d’une norme
ou d’un groupe de normes et les effets juridiques réalisés de ces normes ;
c’est la mesure de la réalisation du but que s’est fixé une norme ou un
groupe de normes. Une norme ou un ordonnancement juridique a en prin-
cipe une prétention à valoir comme droit obligatoire ; elle entend sortir des
effets juridiques pour atteindre un but. Étudier l’efficacité d’une norme ou
d’une régulation, c’est examiner si cette norme ou cette régulation possède
les qualités requises pour produire les effets qu’elle entend avoir. Le critère
de l’efficacité doit être distingué de celui de l’effectivité, qui est l’un des
composants de la notion de validité, l’une de ces qualités requises que nous
venons de mentionner, pour que la norme en examen puisse sortir ses effets
juridiques.

(912) J. RAZ, The Authority of Law : Essays on Law and Morality, Oxford, Clarendon Press,
1979, p. 150. Voir aussi ID., « Legal Validity » in ARSP, 1977, vol. 63, p. 339 et seq., spéc. p. 346
et seq.
(913) F. OST et M. VAN DE KERCHOVE, De la pyramide au réseau ?, op. cit. n. 911, p. 314 et
ID., Jalons pour une théorie critique du droit, Bruxelles, Publ. FUSL, 1987, pp. 270–314. Voir aussi
F. OST, « Validité » in Dictionnaire encyclopédique de sociologie et de théorie du droit, s. dir. A.-J.
Arnaud, 2ème éd., Paris, LGDJ, 1993, p. 431 et seq. et ID., « Considérations sur la validité des
normes et systèmes juridiques » in JT, 1984, p. 1 et seq. Pour une application de ces théories à la
régulation du cyberespace, voir Y. POULLET, « Les diverses techniques de réglementation d’Inter-
net : l’autorégulation et le rôle du droit étatique » in Ubiquité, 2000, vol. 5, p. 55 et seq., spéc.
pp. 61–68 et ID., « How to Regulate the Internet : New Paradigms for Internet Governance » in
E-Commerce Law and Practice in Europe, s. dir. I. Walden et J. Hörnle, Cambridge, Woodhead,
2001, Section 1, Chapitre 2, p. 1 et seq., spéc. p. 13. Voir aussi C. LAZARO, « Synthèse des
débats » in Gouvernance de la société de l’information. Loi – Autoréglementation – Éthique, s. dir. J.
Berleur, C. Lazaro et R. Queck, Bruxelles, Bruylant, 2002, p. 153 et seq., spéc. p. 164 et seq.

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L’EFFICACITÉ JURIDIQUE EN TROIS TEMPS 307

Nous mettrons ici l’accent sur l’obligatoriété (obbligatorietà) des normes,


laissant en principe de côté les normes à caractère simplement systémique
(c’est-à-dire les normes secondaires – au sens de Hart (914) – indiquant
l’appartenance ou non d’autres normes à un système juridique donné) ou
permissif. Il est vrai qu’une norme peut être valide (donc sortir ses effets
juridiques) sans pour autant être obligatoire, si son intention n’est pas d’être
obligatoire, c’est-à-dire si elle n’est pas impérative mais, par exemple, per-
missive (915). Mais ces normes-ci nous intéressent moins, car pour analy-
ser l’efficacité juridique d’une régulation par les ODR et la force d’une telle
régulation, nous partirons du postulat qu’il ne suffit pas qu’un droit soit
conféré, il faut également que ce droit puisse être mis en œuvre et conduire
à une menace réelle d’exécution contre le gré d’un sujet de droit (916).
C’est ce qui distinguera, notamment, la régulation par les ODR de nombre
de règles étatiques, qui sont en théorie applicables mais ne peuvent pas
toujours l’être en pratique à cause des problèmes de territorialité mis en
lumière au Chapitre II. Partant de l’idée d’un réel pluralisme juridique
(« existence d’une pluralité de systèmes ou ordres juridiques dont les nor-
mes coexistent et agissent simultanément dans l’espace social » (917)), nous
estimons que primera, dans le réseau de la régulation, le système qui aura la
plus forte obligatoriété. Ce système, qui reste à être identifié, serait donc
appelé à jouer un rôle important dans la régulation du commerce électroni-
que.
Quant aux critères d’évaluation et aux éléments constitutifs de la validité,
ils sont généralement, dans la théorie contemporaine du droit, au nombre
de trois : validité formelle, validité empirique, validité axiologique (918). La

(914) H.L.A. HART, Le concept de droit, trad. M. van de Kerchove, Bruxelles, Publ. FUSL,
1976, p. 116 et seq. Les normes primaires imposent ou prohibent des comportements, les normes
secondaires déterminent l’appartenance des normes primaires à un système juridique.
(915) Voir par exemple J. CARBONNIER, Flexible droit. Pour une sociologie du droit sans rigueur,
8ème éd., Paris, LGDJ, 1995, p. 134 et seq.
(916) Cette limitation aux normes impératives contribuera à déterminer la définition de
l’effectivité et de la validité empirique que nous retiendrons. En effet, comme l’écrit Jean
Carbonnier, ibid., p. 136 : « on ne saurait pousser la notion d’effectivité, pour les lois permissives,
jusqu’à cette conséquence que tout ce qui est permis devrait être effectivement pratiqué ».
(917) J.-F. PERRIN, Sociologie empirique du droit, Bâle et Francfort-sur-le-Main, Helbing &
Lichtenhahn, 1997, p. 39.
(918) F. OST et M. VAN DE KERCHOVE, De la pyramide au réseau ?, op. cit. n. 911, p. 324 et
seq., sous Section 2 : « Les critères de validité : légalité, effectivité, légitimité », A. AARNIO, Le

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308 RÉGULATION PAR LES ODR

validité formelle opère selon des considérations systémiques (systèmes juri-


diques, légalité). La validité empirique s’intéresse aux effets sociaux du
droit (réalités sociales, effectivité). La validité axiologique fait référence aux
valeurs (morales, éthique, de justice, légitimité) des destinataires des nor-
mes. Ensemble, ces trois critères donnent à la validité une qualité gradua-
liste que nous avons déjà évoquée : plus une norme ou régulation remplit
ces critères, plus elle est valide.
Entre l’énoncé général de la théorie et son application à l’hypothèse
d’une régulation par les ODR, trois observations s’imposent.
Tout d’abord, l’analyse de la validité d’une norme se fait le plus souvent a
posteriori, surtout en ce qui concerne le pôle empirique. Toutefois, en ce
qui concerne la régulation par les ODR, l’analyse se fera presque exclusi-
vement a priori, pour des raisons et selon des modalités auxquelles nous
aurons l’occasion de revenir.
Ensuite, la théorie de la validité prise ici comme modèle a été élaborée
essentiellement dans une perspective de droit étatique. Le critère de la
validité formelle, par exemple, s’y réfère ainsi en substance au critère de la
légalité. Pour appliquer cette théorie à l’hypothèse d’une régulation par les
ODR, droit non étatique, nous devrons apporter quelques amendements à
cette théorie. Ainsi réaménagée, la théorie nous semble au demeurant ap-
plicable à l’évaluation de tout phénomène juridique non étatique, par
exemple à la lex mercatoria ou aux cas sectoriels d’autorégulation du cyber-
espace (919).

rationnel comme raisonnable. La justification en droit, trad. G. Warland, Bruxelles, Story-Scientia /


Paris, LGDJ, 1992, p. 43 et seq. (retenant comme critères la validité systémique, l’efficacité des
normes juridiques et l’acceptabilité d’une norme juridique) et J. WROBLEWSKI, « Verification and
justification in the legal sciences » in Rechtstheorie, Beiheft no 1, 1979, p. 195 et seq., spéc. p. 207 et
seq. (qui évoque la validité systémique, la validité effective et la validité axiologique). Pour plus de
références, voir F. OST et M. VAN DE KERCHOVE, Jalons pour une théorie critique du droit, op. cit.
n. 913, p. 271.
(919) Poullet et Lazaro, par exemple, appliquent cette théorie à l’autorégulation du cyberes-
pace : Y. POULLET, « Les diverses techniques de réglementation d’Internet », op. cit. n. 913, p. 61
et seq., ID., « How to Regulate the Internet », op. cit. n. 913, p. 13, ID., « Technologies de
l’information et de la communication et ‘co-régulation’ : une nouvelle approche ? » in Liber amico-
rum Michel Coipel, s. dir. Y. Poullet, P. Wéry et P. Wynants, La Haye, Kluwer, 2004, p. 167 et
seq. et C. LAZARO, « Synthèse des débats », op. cit. n. 913, p. 164 : « si l’on raisonne par analogie
avec le système juridique étatique, l’autorégulation, en tant que source normative, serait susceptible

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L’EFFICACITÉ JURIDIQUE EN TROIS TEMPS 309

Enfin, la théorie de la validité retenue ne sera pas utilisée pour évaluer


des normes ou des actes juridiques pris isolément, mais sera étendue à des
systèmes juridiques tout entiers ainsi qu’à des modes de régulation. On
peut en effet concevoir sans peine un système juridique étatique qui
connaîtrait, dans son entièreté, des problèmes de validité formelle (on
pense au droit de certaines îles pétrolières autoproclamées États mais non
reconnues comme tels par le droit international), de validité empirique (tel
que le droit de certains États de l’ex-URSS après l’éclatement du bloc de
l’Est) ou de validité axiologique (par exemple le droit de l’Allemagne na-
zie). On comprendra aisément (nous semble-t-il) ce que les trois critères de
la validité peuvent signifier dans ces trois contextes. Plus avant, nous pen-
sons que cette théorie s’applique également, au-delà des normes elles-mê-
mes et de leur contenu, à un système de production de droit. La question,
dans ce cas, n’est pas de savoir si le système en question est valide ou non,
mais quelle est sa capacité à produire du droit valide, c’est-à-dire efficace.
Nous y reviendrons.
Une telle conception multifactorielle et gradualiste de la validité a par
ailleurs une vertu spécifique qui permet de contrebalancer certaines des
difficultés inhérentes à une analyse théorique métajuridique d’un domaine à
l’évolution aussi constante et rapide que le droit dans l’environnement nu-
mérique. Cette façon d’envisager la validité permet en effet d’établir une
« typologie dynamique » : une analyse évolutive des normes, une étude de
leur stabilité ou pérennité. Les trois pôles de la validité permettent en effet
de décrire non seulement la validité actuelle d’une régulation, mais égale-
ment son évolution législative, sociale et politique ; en d’autres termes,
cette approche dynamique permet d’ouvrir la fenêtre temporelle de l’analyse
juridique (920).

de tirer sa validité de trois critères : la légitimité des auteurs, la conformité du contenu aux normes
supérieures et l’effectivité de la règle posée. »
(920) F. OST, « Validité », op. cit. n. 913, p. 434 : « Sur la base [d’une représentation graphique
des éléments de la validité par trois cercles séquents], on pourrait d’abord réaliser une typologie
statique des normes juridiques d’après la place qu’elles occupent à l’égard de ces trois cercles. On
pourrait également réaliser une typologie dynamique, tant il est vrai que les normes juridiques sont
des réalités vivantes animées de mouvements spécifiques, de telle sorte qu’on enregistre des glisse-
ments permanents d’une position à l’autre. » Voir aussi C. MINCKE, « Effets, effectivité, efficience
et efficacité du droit : le pôle réaliste de la validité » in RIEJ, 1998, no 40, p. 115 et seq., spéc.
p. 148.

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310 RÉGULATION PAR LES ODR

Considérons, à titre d’illustration, les cas de figures suivants. Une régu-


lation clairement légale mais qui n’est pas respectée en pratique (manque
d’effectivité) et qui viole les aspirations morales et éthiques de ces destina-
taires (manque de légitimité) sera en principe abrogée. Une régulation
clairement illégale mais respectée en pratique et conforme aux aspirations
morales et éthiques de ses destinataires a de fortes chances d’être légalisée.
Une régulation fraîchement adoptée par le pouvoir législatif (donc en prin-
cipe légale) et correspondant à des aspirations profondes du peuple (légiti-
mité forte) aura généralement une propension avérée à connaître un respect
certain dans la pratique.
Résumons-nous : la validité juridique s’identifie à l’efficacité juridique ;
celle-ci est fonction des conditions requises pour produire les effets juridi-
ques que ses auteurs prétendent lui attribuer ; ces conditions peuvent être
regroupées autour de trois pôles : formel, empirique, axiologique. Nous
commencerons par l’analyse du pôle empirique, car, comme nous le ver-
rons, la force de coercition d’une régulation par les ODR paraît primor-
diale. L’importance de la validité formelle, qui sera l’objet du deuxième
stade de l’analyse, réside en cela qu’elle détermine si la régulation peut bé-
néficier de l’appareil de coercition du ou des systèmes juridiques de réfé-
rence. L’importance de la légitimité, qui sera étudiée en dernier, réside en
cela qu’elle conduit à l’adhésion volontaire, morale et éthique des destina-
taires et réduit ainsi la nécessité de la contrainte.
Une précision terminologique s’impose encore : le lecteur pourra, peut-
être, s’étonner de voir que nous utilisons tout d’abord le terme ordonnance-
ment juridique, puis alternativement système juridique et ordre juridique pour
ce qui peut sembler être le même objet. Toutefois, une différence existe
entre ces termes : ordonnancement désigne un groupe de normes ordonnées
mais ne formant pas nécessairement un ordre juridique ; ordre et système
juridique se distinguent par l’aspect prépondérant que l’on veut leur donner,
soit systémique ou logique (pour le système juridique), soit organique ou
substantiel (pour l’ordre juridique). Quant à la définition de ces deux der-
nières notions, leur complexité requiert qu’une section entière y soit consa-
crée, que l’on trouvera au Chapitre XI, qui reviendra par ailleurs plus en
détail sur leurs différences.

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CHAPITRE X
Chapitre X. — Validité empirique : l’effectivité d’une régulation

VALIDITÉ EMPIRIQUE : L’EFFECTIVITÉ


D’UNE RÉGULATION PAR LES ODR

« Ce qui compte », écrivent William Baranès et Marie-Anne Frison-


Roche, « ce sont les droits. Et les droits n’existent que s’ils sont effec-
tifs » (921). C’est dire l’importance du droit en pratique, de sa réalité empi-
rique. L’affirmation semble immédiatement avoir une validité universelle.
Mais sa pertinence paraît particulièrement marquée dans le contexte du
droit postmoderne. Celui-ci échappe en effet progressivement à la souve-
raineté westphalienne et à une normativité clairement établie, limitée à
l’État et organisée en pyramide (autant d’éléments typiques de la moder-
nité). C’est en ce sens que François Ost et Michel van de Kerchove affir-
ment que « dans le modèle du réseau, l’effectivité pourrait bien être deve-
nue l’exigence centrale adressée à la règle » (922).
Le développement du pôle empirique de la validité a été véhiculé par
l’essor de la sociologie du droit, qui s’intéresse aux rapports entre le droit et
la réalité sociale. Au sens le plus large, la validité empirique concerne toutes
les « répercussions du droit sur la réalité » (923), les « résultats […] de la
politique » (924), les « résonances du juridique » dans la réalité so-
ciale (925). En d’autres termes, il s’agit ici de l’analyse des effets du droit.

(921) W. BARANÈS et M-A. FRISON-ROCHE, « Le souci de l’effectivité du droit » in D.,


1996, chron., p. 301 et seq., spéc. p. 302.
(922) F. OST et M. VAN DE KERCHOVE, De la pyramide au réseau ?, op. cit. n. 911, p. 329.
(923) C. MINCKE, « Effets, effectivité, efficience et efficacité du droit », op. cit. n. 920, p. 118 ;
l’auteur suggère « d’étudier la validité du droit en y intégrant la notion d’effet du droit plutôt que
celle d’effectivité » : p. 148.
(924) E. BLANKENBURG, « La recherche de l’efficacité de la loi. Réflexions sur l’étude de la
mise en œuvre. (Le concept d’implémentation) » in Droit et société, 1986, p. 62 et seq.
(925) P. GUIBENTIF, « Les effets du droit comme objet de la sociologie juridique. Réflexions
méthodologiques et perspectives de recherche », Travail CETEL no 8, Genève, Université de
Genève, 1979, p. 32.

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312 RÉGULATION PAR LES ODR

De nombreux types d’effets du droit peuvent être distingués : médiats ou


immédiats, concrets ou symboliques, désirés ou indésirés, prévus ou impré-
vus, effets économiques, effets sociaux, manœuvres d’évitement ou adhé-
sion (926)… Les types d’effets qui nous intéressent ici sont ceux qui ont
trait à l’orientation du comportement des destinataires des normes.
L’analyse de ce genre d’effets constitue un élément de réponse à la question
de l’efficacité juridique ou de la validité d’un droit produit par les ODR :
ceux-ci peuvent-ils orienter le comportement des destinataires de leur pro-
duction normative ? Une régulation par les ODR peut-elle sortir les effets
juridiques qu’elle entend avoir ?
L’analyse de ces types d’effets est regroupée sous le concept d’effectivité.
Ce concept a une signification générale et des significations spécifiques qui
varient selon les approches ou l’épistémologie retenues. Au sens général du
terme, l’effectivité s’entend de la qualité d’une norme « qui sert effecti-
vement de modèle de comportement, une norme qui oriente la pratique des
sujets de droit » (927). Est ainsi effective la norme qui constitue un
« modèle pour l’action » (928). La vision phénoménologique qui conduit à
ce sens général du concept d’effectivité voit dans le droit un modèle idéel
qui comporte autant des normes impératives (qui imposent un compor-
tement) que des normes permissives (qui peuvent être mobilisées par les
destinataires pour obtenir un certain résultat, par exemple certaines normes
du droit civil) (929). Ce sens général ainsi circonscrit, il nous reste à exa-
miner quelques-unes de ses significations spécifiques et à définir notre ap-
proche en fonction de l’acception retenue du concept d’effectivité.

(926) Pour une typologie des effets du droit, voir notamment C. MINCKE, « Effets, effectivité,
efficience et efficacité du droit », op. cit. n. 920, p. 118 et seq.
(927) F. OST, « Validité », op. cit. n. 913, p. 433.
(928) P. AMSELEK, Méthode phénoménologique et théorie du droit, Paris, LGDJ, 1964, p. 257.
(929) J. CARBONNIER, Flexible droit. Pour une sociologie du droit sans rigueur, op. cit. n. 915,
p. 134, expliquant que le droit ne peut être conçu exclusivement en « termes dramatiques de com-
mandement et d’obéissance », puisque « beaucoup de lois ne font, pour ainsi dire, que des proposi-
tions [ou établissent] des catalogues ou des formulaires ».

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EFFECTIVITÉ 313

SECTION I. — Approche systémique, a priori


et orientée vers l’obligatoriété

Ces deux types de normes, impératives et permissives, conduisent à la pre-


mière distinction d’approches et les premières précisions du concept. En ce
qui concerne les normes permissives, l’effectivité correspond au « degré
d’utilisation du modèle législatif par ses destinataires » (930) : plus les des-
tinataires font usage des possibilités offertes par le droit, plus celui-ci sera
réputé orienter leur comportement et plus il sera jugé effectif. Quant aux
normes impératives, l’effectivité « mesure si l’injonction prescrite par la
norme a effectivement provoqué le comportement prévu » (931) ; l’effecti-
vité est le respect, et non plus l’utilisation, de la norme par ses destinataires.
Un test d’effectivité est donc, dans ce cas, une vérification de « la confor-
mité des comportements au prescrit du droit. Un respect du texte (en
accord avec les termes et la volonté de l’auteur) sera le signe de l’effectivité
de la norme » (932). Cette seconde approche, ce second volet de l’analyse
nous intéresse plus particulièrement : nous nous concentrerons sur les nor-
mes impératives. En effet, par les résultats des procédures ODR (sentences
arbitrales, accords issus de médiations, etc.), des comportements sont pres-
crits, des normes impératives individuelles et concrètes sont rendues. La
question de l’effectivité est donc ici de savoir si ces normes impératives
peuvent constituer une régulation effective (et partant juridiquement effi-
cace) du commerce électronique.
La deuxième distinction conduisant à définir notre approche oppose
l’évaluation a priori et a posteriori de l’effectivité. En général, l’effectivité
constitue une analyse a posteriori, rétrospective, constatatoire des effets
d’une norme : l’évaluation de l’effectivité consiste à comparer les conduites
réelles des destinataires d’une norme au modèle de comportement que
celle-ci prévoit (933). Ce sont des « signes concrets » qui révèlent l’effecti-

(930) F. OST et M. VAN DE KERCHOVE, De la pyramide au réseau ?, op. cit. n. 911, p. 331 (voir
aussi, p. 330 : « est effective la règle utilisée par ses destinataires pour orienter leur pratique », nous
soulignons).
(931) J.-F. PERRIN, Pour une théorie de la connaissance juridique, Paris et Genève, Droz, 1979,
p. 91.
(932) C. MINCKE, « Effets, effectivité, efficience et efficacité du droit », op. cit. n. 920, p. 126.
(933) Ce genre d’évaluation est notamment typique de la légistique : L. MADER, L’évaluation
législative. Pour une analyse empirique des effets de la législation, Lausanne, Payot, 1985, p. 56.

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314 RÉGULATION PAR LES ODR

vité (934). On observe dans la réalité sociale que telle norme a tel effet,
qu’elle est effective ou non (935). Nous nous tournerons toutefois ici essen-
tiellement vers une analyse a priori, examinant les potentialités de pro-
duction de normes effectives par les ODR. Nous n’entendons guère faire
une évaluation des normes telles qu’elles sont appliquées ; les données
empiriques pour une telle analyse font encore cruellement défaut (936). Ce
qui nous intéressera avant tout, ce sont les potentialités d’effectivité, l’éva-
luation a priori de « la capacité de la règle à orienter le comportement de
ses destinataires dans le sens souhaité » (937).
La troisième distinction ou précision qui définit notre approche tient au
fait que nous n’analyserons pas ici l’effectivité d’une norme ou même d’un
groupe de normes identifiables, mais l’effectivité d’un mode de régulation
tout entier. Il s’agit ici d’une réflexion systémique, s’intéressant à l’ensemble
du système de production juridique qui fonde le modèle de la régulation
par les ODR. En d’autres termes, nous nous demanderons si un mode de
régulation se donne les moyens d’être effectif, si le système de production
du droit se donne les moyens de mettre en œuvre ses normes (au sens de
enforcement), s’il dispose des moyens de coercition pour le faire et si ces
normes peuvent avoir une réelle influence sur le comportement des desti-
nataires en pratique. Nous analyserons donc les potentialités d’effectivité du
système de la production du droit par les ODR.

(934) C. MINCKE, « Effets, effectivité, efficience et efficacité du droit », op. cit. n. 920, p. 126.
(935) J.-F. PERRIN, Sociologie empirique du droit, op. cit. n. 917, p. 69 : « la mesure de [la] dis-
tance entre les effets réels et les effets attendus est une mission importante pour la sociologie
empirique du droit. La mise en œuvre réelle (application) du dispositif normatif est évaluée sous le
couvert des études portant sur l’effectivité. »
(936) Les seules données empiriques disponibles dans ce domaine se fondent sur des estima-
tions statistiques, faites par les fournisseurs d’ODR eux-mêmes, du respect des résultats de procé-
dures ODR par les parties. Ces estimations se basent la plupart du temps sur le nombre de
procédures judiciaires intentées après l’achèvement d’une procédure ODR – recours contre une
sentence arbitrale, rejet d’une sentence non contraignante (UDRP, par exemple) et saisine d’un
tribunal, ou action intentée contre un accord issu d’une médiation ou négociation – ou les récla-
mations déposées par les parties auprès du fournisseur d’ODR. Toutes ces estimations concluent à
un degré extrêmement haut de ce respect, à plus de 80 pour cent. Nous avions rapporté ces estima-
tions dans G. KAUFMANN-KOHLER et Th. SCHULTZ, Online Dispute Resolution : Challenges for
Contemporary Justice, La Haye, Kluwer, 2004, pp. 156, 249 et seq., 278 et seq. Par ailleurs, les
résultats des procédures sont, à l’heure actuelle, pour la très grande majorité confidentiels. Il n’est
dès lors guère possible de faire une analyse en substance a posteriori d’une régulation par les ODR.
(937) F. OST et M. VAN DE KERCHOVE, De la pyramide au réseau ?, op. cit. n. 911, p. 329.

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EFFECTIVITÉ 315

En somme, au sein du pôle empirique de la validité, notre perspective


sera limitée aux normes impératives, dans une analyse systémique a priori.
Il s’agit ici du sens de l’effectivité retenu par exemple par Yves Poullet,
quand il examine la validité de l’autorégulation du cyberespace. L’auteur
écrit ainsi que l’examen du concept d’effectivité, appliqué à l’analyse d’un
mode de régulation, consiste à vérifier que « le prononcé de la norme soit
entouré de mesures telles que les destinataires de cette norme soient incités
à la respecter » (938).

SECTION II. — Effectivité symbolique et


instrumentale

Pour Hart, qui se concentrait comme nous ici sur le volet de l’obligatoriété
ou de l’impérativité de l’effectivité, « l’existence du droit a pour effet de
rendre la conduite humaine […] non facultative et obligatoire » (939).
L’idée d’obligation est quant à elle composée de deux éléments : les desti-
nataires des normes peuvent « avoir l’obligation » et « être obligés » (940).
Le premier élément renvoie à l’idée d’adhésion à la règle tandis que le se-
cond évoque la contrainte. Cette distinction nous permet d’introduire les
notions d’effectivité symbolique et d’effectivité instrumentale.
Quand le destinataire d’une norme juridique déclare qu’il avait l’obliga-
tion d’agir d’une certaine manière, qu’il avait l’obligation de se conformer à
la norme en question, cela implique une certaine adhésion morale ou
éthique à la règle. Celle-ci est internalisée par son destinataire, elle oriente
son comportement en dirigeant sa conscience ; elle agit sur ses représenta-
tions de ce qui est juste et de ce qui ne l’est pas (941). Les normes juridi-
ques ont ainsi, à des degrés variables, ce que Pierre Bourdieu appelait le

(938) Y. POULLET, « Les diverses techniques de réglementation d’Internet », op. cit. n. 913,
p. 62.
(939) H.L.A. HART, Le concept de droit, op. cit. n. 914, p. 106.
(940) Ibid., p. 107.
(941) Il s’agit ici, comme le rappellent Ost et van de Kerchove, de la vis directiva d’une norme,
comme l’avait défini le droit canonique : F. OST et M. VAN DE KERCHOVE, De la pyramide au
réseau ?, op. cit. n. 911, p. 335.

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316 RÉGULATION PAR LES ODR

« pouvoir d’agir sur le réel en agissant sur la représentation du réel » (942).


Il s’agit là de l’un des volets de l’effectivité des normes juridiques : c’est la
capacité d’une norme à orienter les comportements de ses destinataires en
agissant sur leurs représentations de la justice, de susciter ce que Max
Weber qualifiait simplement de Einverständnishandeln (943). Ost et van de
Kerchove appellent cette capacité de la norme l’« effectivité symbolique »,
puisqu’elle permet « d’offrir des modèles de sens, [de] diffuser des valeurs
collectives, [de] crédibiliser des fictions fondatrices », c’est-à-dire d’évoquer
des symboles de justice (944). Toutefois, ce volet de l’effectivité étant tel-
lement proche du concept de légitimité d’une norme (une norme jouissant
d’une grande effectivité symbolique amenant ses destinataires à considérer
que le respect de la règle constitue la seule conduite légitime à adopter),
nous en viendrons à une analyse plus approfondie de l’effectivité symbo-
lique à l’occasion de l’étude de la légitimité (945).
Quand le destinataire d’une norme déclare qu’il était obligé d’agir d’une
certaine manière, la cause de cette obligation est différente ; celle-ci est
externe (par opposition à l’internalisation morale évoquée dans le para-
graphe précédent), elle implique que le destinataire était contraint d’agir
d’une certaine manière sous peine d’être l’objet de conséquences désagréa-
bles pour lui. Comme l’écrivait Hart, l’auteur d’une telle déclaration entend
« prédire […] qu’une déviation par rapport [à la norme] s’accompagnera
d’une réaction hostile ou d’une peine » (946). Ce deuxième volet de l’effec-
tivité renvoie à la notion du droit canonique de vis coactiva, soit « la capa-
cité à se faire respecter par la contrainte » (947). Il s’agit ici de l’effectivité
instrumentale, ce que Jean-François Perrin définit comme « l’aptitude à
transformer directement les rapports sociaux conformément à ce [que la

(942) P. BOURDIEU, « Les rites comme actes d’institution » in Actes de recherche en sciences socia-
les, 1982, vol. 43, p. 59 et seq.
(943) M. WEBER, Économie et société, t. 2, L’organisation et les puissances de la société dans leur
rapport avec l’économie, trad. J. Freund et al., Paris, Plon, 1995, p. 14.
(944) F. OST et M. VAN DE KERCHOVE, De la pyramide au réseau ?, op. cit. n. 911, p. 334.
(945) Voir Chapitre XII : Validité axiologique : légitimité d’une régulation par les ODR, p.
505 et seq. infra.
(946) L’auteur poursuivant en relevant qu’une telle prédiction « peut non seulement apporter de
nombreuses révélations relatives au groupe, mais elle pourrait encore l’aider à y vivre sans endurer
les conséquences désagréables qui risquent de frapper celui qui s’efforcerait de la faire en se passant
d’une telle [prédiction] » : H.L.A. HART, Le concept de droit, op. cit. n. 914, p. 114.
(947) F. OST et M. VAN DE KERCHOVE, De la pyramide au réseau ?, op. cit. n. 911, p. 335.

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EFFECTIVITÉ 317

norme] prescrit ou à modifier concrètement les comportements » (948). Le


droit ne fait pas qu’agir sur les représentations du réel, il agit aussi
directement sur celui-ci, orientant les comportements de ses destinataires
en mettant en œuvre (au sens de enforcement) son contenu normatif. Pour
ce faire, le droit (la norme, le mode de régulation) utilise des instruments
de coercition, des mécanismes produisant ces conséquences désagréables,
ces « réactions hostiles », ces « peines », en ayant recours à certaines « mo-
dalités de contrainte » (949).

SECTION III. — Concurrence des appareils


coercitifs

Quand plusieurs normes de droit étatique entendent s’appliquer à une


même situation et que ces diverses applications conduisent à des contra-
dictions ou des incompatibilités normatives, un conflit de lois surgit. Ces
conflits sont généralement résolus par des règles de conflit de lois, qui dé-
terminent quelle doit être la norme qui prévaut. Ces règles puisent leurs
forces soit dans leur supériorité hiérarchique au sein de la pyramide for-
melle des normes étatiques, soit dans l’autolimitation volontaire de l’exer-
cice des pouvoirs législatif, juridictionnel et d’exécution des États. Si l’on
dépasse le positivisme juridique et que l’on reconnaît l’existence d’un droit
autre qu’étatique, on est nécessairement amené à percevoir la possibilité
d’un conflit entre une norme étatique et une norme non étatique, s’appli-
quant toutes deux à la même situation avec des commandements différents.
Dans ce cas, il n’existe en principe pas de règle de conflit, d’un côté parce
qu’il n’y a pas de normes hiérarchiquement supérieures (d’un point de vue
absolu et non relatif, car chaque ordre juridique peut se considérer lui-
même supérieur aux autres) à celles en conflit, de l’autre en raison de
l’absence de l’autolimitation évoquée, le droit étatique, notamment, ne
concédant que rarement la priorité à une norme de droit non étatique.
Dans ce cas, le conflit internormatif peut prendre la forme d’une réelle

(948) J.-F. PERRIN, Sociologie empirique du droit, op. cit. n. 917, p. 72, nous soulignons.
(949) L’expression « modalités de contrainte » est de L. LESSIG, Code and other Laws of Cyber-
space, New York, Basic Books, 1999, p. 235 et seq., voir aussi ID., « The New Chicago School » in
J. Legal Stud., 1998, vol. 27, p. 661 et seq.

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318 RÉGULATION PAR LES ODR

concurrence entre les normes, chacune cherchant à s’appliquer au détriment


de l’autre. L’un des facteurs qui détermine alors la norme qui prévaudra –
en ce sens qu’elle régira le plus fortement le comportement des destina-
taires – est la force de contrainte des appareils coercitifs auxquels ces nor-
mes ont accès. Dans cette situation, on est donc en présence d’une
concurrence des divers appareils de coercition. Or l’habituelle suprématie
de l’appareil étatique, son « pouvoir du dernier mot » comme l’appelait Jean
Dabin (950), n’est nullement une nécessité ontologique. Dans le cyber-
espace notamment, il se pourrait bien que des appareils coercitifs non étati-
ques aient, dans certaines situations, une force plus grande que ceux des
États, conduisant ainsi à la prévalence de normes non étatiques sur celles de
l’État. C’est à l’analyse de ces divers appareils coercitifs que nous devons
maintenant nous attacher.

SOUS-SECTION I. — L’APPAREIL COERCITIF


ÉTATIQUE ET LA CONTRAINTE PHYSIQUE

Kant écrivait que « le droit est lié à la faculté de contraindre » (951). Rudolf
von Jhering, de son côté, affirmait que « l’État, c’est la société devenue
détentrice de la force réglée et disciplinée de la contrainte [et] le droit est
l’ensemble des principes qui forment cette discipline » (952). Quand bien
même l’effectivité instrumentale ne saurait résumer à elle seule toutes les
interactions entre le droit et le réel, quand bien même la contrainte n’est ni
le seul mode opératoire du droit ni un mode opératoire de toutes les normes,
la capacité à contraindre demeure indispensable à tout ordonnancement
juridique. Il est ainsi souvent argué que l’absence de capacité à contraindre
remet en question la juridicité même d’un ordonnancement juridi-

(950) J. DABIN, Théorie générale du droit, Paris, Dalloz, 1969, p. 24 et seq.


(951) E. KANT, Métaphysique des mœurs, Première partie, Doctrine du droit, trad. A.
Philonenko, 3ème éd., Paris, Vrin, 1986, p. 105, sous titre « § D. Le droit est lié à l’habilité à con-
traindre » : « si un certain usage de la liberté même est un obstacle à la liberté suivant des règles
universelles (c’est-à-dire est injuste), alors la contrainte, qui lui est opposée, en tant qu’obstacle à ce
qui fait obstacle à la liberté, s’accorde avec cette dernière suivant des lois universelles, c’est-à-dire
qu’elle est juste ; par conséquent une faculté de contraindre ce qui lui est nuisible est, suivant le
principe de contradiction, liée en même temps au droit. »
(952) R. VON JHERING, L’évolution du droit, trad. 3ème éd. allemande par O. de Meulenaere,
Paris, Marescq, 1901, p. 207.

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EFFECTIVITÉ 319

que (953). Plus précisément, la faiblesse de la capacité à contraindre en-


traîne un faible taux d’effectivité instrumentale et, en définitive, d’efficacité
ou de validité juridique.
Le type de contrainte le plus classique et se présentant le plus sponta-
nément à l’esprit est celui qui est exercé par le bras séculier de l’État : la
force, c’est-à-dire la contrainte physique. Hobbes, par exemple, voyait dans
le recours à la force une condition essentielle à la présence du droit et dans
la capacité d’y recourir l’un des fondements de l’État ; et François Rigaux
de reprendre que « de là, l’idée que le droit, et l’on pense habituellement au
droit étatique, est un ordre de contrainte (Zwangsordnung) » (954). On le
voit : droit et capacité de recourir à la force semblent inéluctablement liés,
afin de constituer un ordre de contrainte ; l’appareil coercitif de l’État est
bâti sur la contrainte physique. On pourrait pousser le lien entre contrainte
physique et droit plus loin, en rattachant le fondement de l’appareil coer-
citif étatique au concept d’imperium. Ce concept originaire du droit romain
évoque, nous rappelle Charles Jarrosson, « les idées de force, de contrainte,
de commandement, toujours comprises comme des prérogatives de l’État ».
Il consistait, pour les consuls notamment, en un pouvoir militaire (« de
lever les troupes, de les commander et de les conduire au combat ») et en
un « droit de coercitio (droit de faire emprisonner un de leurs hommes) et
de juridiction » (955). En d’autres termes, son titulaire était habilité à dire
le droit et à le mettre en œuvre (au sens de enforce). On peut aisément voir
qu’une telle conjonction de pouvoirs constituait l’exemple le plus ostensible
de la présence du droit. C’est d’ailleurs, pour la petite histoire, le pouvoir
auquel Jules César devait renoncer avant de franchir le Rubicon.

(953) C’est ainsi que François Rigaux a pu écrire que « ce qui pourrait faire douter de la nature
juridique des ordonnancements sportifs est leur caractère apparemment non contraignant » (argu-
ment qu’il rejette par la suite en constatant l’existence de la contrainte) ou encore que
« l’appartenance à un ordre juridique dose toujours à des degrés divers adhésion et contrainte » : F.
RIGAUX, « Les situations juridiques individuelles dans un système de relativité générale » in Rec.
Cours La Haye, 1989, vol. 213, p. 66. Dans un sens comparable, M. WEBER, Économie et société, t.
2, op. cit. n. 943, p. 13 : « il faut entendre par droit objectif garanti celui dont la garantie est assurée
par l’existence d’un appareil de coercition. »
(954) F. RIGAUX, La loi des juges, Paris, Odile Jacob, 1997, p. 17.
(955) Sur tout ceci, Ch. JARROSSON, « Réflexions sur l’imperium » in Études Offertes à Pierre
Bellet, Paris, Litec, 1991, p. 245 et seq., spéc. pp. 245 et 248.

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320 RÉGULATION PAR LES ODR

À la suite d’une telle observation, c’est un truisme de dire que « l’État a


le monopole de la contrainte ; la conquête de ce monopole a été l’un des
facteurs essentiels de sa formation » (956). Toutefois, il semble qu’il s’agisse
ici d’une réduction de la contrainte à sa dimension physique. Cette réduc-
tion se retrouve fréquemment chez les juristes d’attache positiviste, et pour
cause : il semble raisonnable de penser que la réduction de la notion de
contrainte (du point de vue de son importance pour l’identité d’un ordon-
nancement juridique) à la contrainte physique a contribué à l’équation entre
le droit et l’État, c’est-à-dire au positivisme juridique. Par exemple, Kelsen,
qui d’un côté considérait que le droit ne pouvait être qu’un ordre accompa-
gné de contrainte physique et, de l’autre, suivait l’idée centrale à la notion
de souveraineté que la contrainte physique relève du ressort exclusif de
l’État (ce qui est par ailleurs une norme de droit international posi-
tif (957)), ne put guère éviter de conclure qu’il ne peut pas y avoir de droit
en dehors de l’État (958). Dans le même sens, Rudolf von Jhering
concluait que « le droit de contrainte sociale repose entre les mains de
l’État seul ; il est son monopole absolu » et, en conséquence, « c’est dans
l’État seulement que le droit trouve la condition de son existence », « l’État
est l’unique source de droit » (959).

(956) Ibid., p. 249, l’auteur indiquant par ailleurs, p. 247, que « dans la mesure que l’on évoque
son aspect prédominant, le pouvoir de contrainte, [l’imperium] ne peut être dissocié de l’État ».
Voir aussi R. PERROT et Ph. THÉRY, Procédures civiles d’exécution, Paris, Dalloz, 2000, p. 1, qui
relèvent que les mesures d’exécution forcée, donc de mise en œuvre de l’imperium, sont « une
pression légitime exercée en vertu d’un ordre souverain ».
(957) F. RIGAUX, Droit public et droit privé dans les relations internationales, Paris, Pedone,
1977, pp. 315 et seq., sous titre « Les actes matériels de coercition ».
(958) H. KELSEN, Théorie pure du droit, trad. Ch. Eisenmann, Paris, Dalloz, 1962, p. 73. Sur
tout ceci, F. RIGAUX, « Les situations juridiques individuelles dans un système de relativité géné-
rale », op. cit. n. 953, p. 31 : « Kelsen établit une équation entre ordre juridique et droit étatique. Il
y parvient en introduisant dans sa définition du droit un élément propre à l’État moderne :
l’exercice d’une contrainte physique réglée sur l’étendue d’un territoire où l’État dispose du mono-
pole de ce type de contrainte. Cela a placé Kelsen devant une difficulté insurmontable quand il a
voulu affirmer la juridicité du droit international, ordre juridique imputable à la volonté des États.
Ne pouvant s’évader de la définition du droit trop restrictive qu’il avait posée à l’origine, un ordre
accompagné de contrainte (physique), Kelsen a trouvé refuge dans une fiction, largement démentie
par l’évolution ultérieure du droit international : la guerre et les représailles procureraient à celui-ci
un tel type de contrainte. »
(959) R. VON JHERING, L’évolution du droit, op. cit. n. 952, respectivement pp. 213, 207 et 215.
Voir aussi G. TIMSIT, Thèmes et systèmes de droit, Paris, PUF, 1986, p. 34 et seq., concluant que
« c’est donc d’un statocentrisme, définitif, intégral, qu’il s’agit chez Jhering. D’un statocentrisme
mal camouflé. À peine masqué, tout juste grimé… »

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EFFECTIVITÉ 321

Si dans l’approche pluraliste qui est la nôtre l’on reconsidère alors


l’équation entre l’État et la contrainte, il semble plus juste de dire, avec
François Rigaux, que « l’État a le monopole de l’exercice de la coercition
physique sur son territoire et ses sujets se sentent contraints d’obéir aux
organes qu’il a institués, de s’abstenir de commettre des délits, de payer
leurs impôts, de remplir leurs obligations militaires, etc. » (960). Or,
comme nous le rappelle Max Weber, non seulement le monopole de la
contrainte physique par l’État n’est qu’une particularité historique, une
contingence et non une nécessité ontologique, mais il existe encore d’autres
types de contrainte, qui peuvent, dans certaines situations, être beaucoup
plus pertinents pour l’effectivité instrumentale du droit que la contrainte
physique (961). Différents ordonnancements juridiques peuvent avoir des
appareils coercitifs différents, ne fonctionnant pas tous selon les mêmes
modalités de contrainte (962).
Nous devons toutefois, avant d’expliciter cette idée, revenir très briève-
ment au concept d’imperium (963). Revue à la lumière du pluralisme juridi-
que et de la pluralité de modalités de contrainte et d’appareils de coercition
garants de l’effectivité instrumentale du droit, l’idée fondamentale véhiculée
par le concept d’imperium est moins la capacité de recourir à la contrainte
physique que celle de mettre en œuvre l’appareil coercitif étatique qui
fonctionne en grande partie selon la modalité de la contrainte physique. À
ce stade de l’analyse, l’importance de cette précision peut paraître margi-
nale. Elle prendra cependant un rôle central lors de l’analyse des méthodes

(960) F. RIGAUX, La loi des juges, op. cit. n. 954, p. 17, nous soulignons. Voir aussi ID., « Les
situations juridiques individuelles dans un système de relativité générale », op. cit. n. 953, p. 79 :
« dans toute l’étendue de son territoire l’État jouit du pouvoir exclusif de la contrainte physique »,
nous soulignons ici aussi.
(961) M. WEBER, Économie et société, t. 2, op. cit. n. 943, p. 13 et seq., spéc. p. 15 :
« actuellement, la contrainte juridique par la force est le monopole de l’État. Toutes les commu-
nautés qui exercent une contrainte juridique par la force sont considérées aujourd’hui comme
hétéronomes et aussi, le plus souvent, hétérocéphales. Mais ceci est une particularité de certains
stades de développement » et 18 et seq. sur la diversité des appareils coercitifs et des moyens de
contrainte, auxquels nous reviendrons.
(962) Voir F. RIGAUX, Droit public et droit privé dans les relations internationales, op. cit. n. 957,
p. 439, sous titre « Définition du pluralisme juridique », écrivant que « la règle de droit s’adresse à
des êtres humains vivant en société : son respect est soutenu par diverses formes de contrainte,
dont la plus irrésistible, la coercition physique, s’appuie à la maîtrise d’un territoire par le groupe
social ».
(963) Sur ce concept, Ch. JARROSSON, « Réflexions sur l’imperium », op. cit. n. 955.

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322 RÉGULATION PAR LES ODR

d’autoexécution des décisions par les ODR, dont l’importance réside no-
tamment en cela qu’elles contribuent à permettre la formation d’ordres
juridiques autour de certaines places de marché (964).

SOUS-SECTION II. — AUTRES APPAREILS


COERCITIFS POUVANT CONFÉRER AU DROIT
L’EFFECTIVITÉ REQUISE POUR SA VALIDITÉ

L’homme n’organise pas la vie collective exclusivement par le truchement


de l’État. Comme le laisse percevoir la dualité introduite par Hegel entre
l’État et la bürgerliche Gesellschaft, c’est-à-dire la société civile, l’homme est
un « animal civil » tout autant qu’il est un « animal politique » (965). Cette
dualité permet l’appréhension intellectuelle du pluralisme juridique, de
l’existence d’institutions et d’ordonnancements sociaux aux côtés de ceux
qui sont étatiques, et de la pluralité d’appareils de coercition juridiquement
pertinents.
Quand l’homme s’organise en tant qu’animal politique, il construit
l’ordonnancement juridique étatique, qui recourt, comme nous l’avons vu, à
la contrainte physique pour constituer son appareil de coercition. Quand
l’homme s’organise en tant qu’animal social, quand la société civile
s’organise pour former des ordonnancements juridiques hors de l’État, un
mécanisme de contrainte est toujours prévu pour assurer l’effectivité de
cette organisation et de cet ordonnancement juridique ; la contrainte phy-
sique étant du ressort exclusif de l’État, d’autres formes de contrainte sont
utilisées. Ce sont ces autres types de contrainte et ces autres appareils coer-
citifs que ceux de l’État qui permettent l’existence d’ordonnancements juri-

(964) Voir Section VI. — Mécanismes d’autoexécution et ODR, p. 349 et seq. infra et Sous-
section III. — De la lex electronica aux systèmes juridiques de places de marché, p. 470 et seq.
infra.
(965) G.W.F. HEGEL, Principes de la philosophie du droit ou Droit naturel et science de l’État en
abrégé, trad. R. Derathé, Paris, Vrin, 1975, § 182, add : « la société civile est la différence qui vient
se placer entre la famille et l’État, même si sa formation est postérieure à celle de l’État, qui doit la
procéder comme une réalité indépendante, pour qu’elle puisse subsister. Du reste, la création de la
société civile appartient au monde moderne, qui seul a reconnu leur droit à toutes les détermina-
tions de l’Idée » et, sous titre « L’existence empirique de la loi », § 217 : « dans la société civile, le
droit en soi devient la loi ».

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EFFECTIVITÉ 323

diques en dehors de l’État (966). C’est que si le droit est lié à la contrainte,
si la présence de la contrainte semble être un élément nécessaire à la cons-
titution du droit (ce qui ne signifie pas, comme le rappelait par exemple
Santi Romano, que toute norme doit être assortie d’un mécanisme de sanc-
tion et de contrainte pour être juridique (967)), il existe d’autres formes de
contrainte que la contrainte physique et monopolisée par l’État. C’est ainsi
que François Rigaux a pu affirmer que « sans approfondir l’épineuse ques-
tion de la définition du droit, il est permis de faire observer que si une telle
définition ne devait retenir qu’un système réglé de coercition physique, le
droit international resterait en deçà du seuil de la juridicité » (968).
C’est en partant de la reconnaissance de la pertinence juridique d’autres
moyens de contrainte que la force physique et d’autres appareils coercitifs
que celui de l’État que Max Weber a développé sa théorie de la concur-
rence d’ordonnancements juridiques selon l’effectivité instrumentale de ces
appareils coercitifs (969). Max Weber considère donc que « l’appareil de
coercition peut prendre des formes très diverses », ayant recours à des

(966) Sur tout ceci, F. RIGAUX, « Les situations juridiques individuelles dans un système de
relativité générale », op. cit. n. 953, p. 31, relevant notamment l’opposition entre Hegel et Aristote,
pour qui l’homme, animal purement politique, « est par nature un être destiné à vivre en cité »
(citant ARISTOTE, La politique, Paris, « Les belles lettres », 1968, t. I, p. 14).
(967) S. ROMANO, L’ordre juridique, trad. L. François et P. Gothot, Paris, Dalloz, 1975,
p. 15 : « on peut considérer de manière analogue l’autre élément dit formel du droit, à savoir sa
sanction, qui en serait même, aux dires de certains, le seul élément formel caractéristique […] Ne
doit-on pas au contraire, comme nous le pensons, se contenter d’une simple garantie, directe ou
indirecte, médiate ou immédiate, préventive ou répressive, assurée ou seulement probable et,
partant, incertaine, mais toujours, en un sens, préétablie et organisée au sein même de l’ordre
juridique ? Ce qu’il faut relever, c’est que, lorsqu’on croit que le droit est norme assortie de sanc-
tion, dans un sens ou dans un autre, cela ne peut signifier, contrairement à ce qui semble être reçu,
que le droit soit fait de normes flanquées chacune d’une norme portant sanction. »
(968) F. RIGAUX, La loi des juges, op. cit. n. 954, p. 19. Voir aussi, dans un sens proche mais
avec une approche différente, F. OST et M. VAN DE KERCHOVE, De la pyramide au réseau ?, op.
cit. n. 911, p. 222 : « la sanction d’une règle de droit ne se réduit pas à l’institution de sanctions
proprement juridiques, mais s’appuie pour une très large part, et parfois exclusivement, sur des
sanctions de nature morale, sociale, religieuse, voire physique ou naturelle. »
(969) Sur la pertinence juridique des moyens de contrainte autres que physiques, Max Weber
s’exprime en ces termes : « nous repoussons évidemment le point de vue selon lequel on ne peut
parler de droit que là où existe une perspective de contrainte juridique garantie par le pouvoir
politique. Du point de vue pratique, nous n’avons aucune raison pour cela. Au contraire, nous
parlerons d’ordre juridique partout où il faut compter avec l’emploi de moyens de coercition quel-
conques, physiques ou psychiques, et où cet emploi est entre les mains d’un appareil de coerci-
tion » : M. WEBER, Économie et société, t. 2, op. cit. n. 943, p. 19.

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324 RÉGULATION PAR LES ODR

« moyens de coercition non violents qui agissent avec une puissance égale,
voire, selon le cas, supérieure à celle des moyens de force », c’est-à-dire
qu’ils exercent une « action beaucoup plus sûre que l’appareil de coercition
politique ». L’auteur qualifie ces formes de coercition de « moyens de
contrainte dont disposent des groupements d’intérêts » et les illustre no-
tamment par l’exclusion d’une société ou d’une communauté, ou encore par
les « listes noires ». Weber reconnaît ensuite qu’ils peuvent bien évidem-
ment « s’étendre à des prétentions qui ne sont aucunement garanties par
l’État », formant ainsi des ordonnancements juridiques « partout où il faut
compter avec l’emploi de moyens de coercition quelconques ». Il constate
finalement, en sociologue, une ostensible « lutte entre les moyens de coer-
cition de sociétés diverses ». Cette lutte est « aussi ancienne que le droit » et
dans celle-ci « la contrainte juridique par la force qu’exercent les appareils
de coercition de la communauté politique a très souvent eu le dessous
quand elle s’est trouvée en face des moyens de coercition d’autres pouvoirs »
devant lesquels « l’État, dans une certaine mesure, a baissé pavillon » (970).
C’est dans le même sens que François Rigaux, dans le domaine du sport,
a écrit que « ce qui pourrait faire douter de la nature juridique des ordon-
nancements sportifs est leur caractère apparemment non contraignant
[puisque] les autorités sportives sont privées du pouvoir de contrainte phy-
sique sur un territoire déterminé » ; toutefois cette objection n’est pas per-
tinente, poursuit-il, parce que « la force de coercition des ordres juridiques
sportifs […] prend la forme de l’exclusion (analogue à l’excommunication
du droit canonique), laquelle est souvent plus efficace que les actes maté-
riels de contrainte physique appliqués par l’État sur son territoire, mais
dont la force s’éteint au-delà de ses frontières ». Dans cette perspective « la
peine de l’exclusion est la plus redoutable qui soit » (971).
D’autres auteurs relèvent que même au sein du droit étatique, où la
contrainte physique est disponible, elle n’est pas toujours perçue comme
étant la plus effective. Parfois, par exemple, les « juges préfèrent utiliser des
moyens de contrainte indirects comme l’astreinte » (972).

(970) Ibid., pp. 18–21.


(971) F. RIGAUX, « Les situations juridiques individuelles dans un système de relativité géné-
rale », op. cit. n. 953, pp. 66–67.
(972) Ch. JARROSSON, « Réflexions sur l’imperium », op. cit. n. 955, p. 254. Voir aussi Ph.
THÉRY, « Judex Gladii, des juges et de la contrainte en territoire français » in Nouveaux juges,

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EFFECTIVITÉ 325

L’idée est donc ici que les divers ordonnancements normatifs qui cher-
chent à s’appliquer à une même situation de fait peuvent entrer en concur-
rence. L’effectivité de l’appareil coercitif constitue l’un des facteurs
déterminants dans cette course à la régulation. Il contribue à permettre à
un ordonnancement juridique plutôt qu’un autre de remporter cette com-
pétition et donc de déterminer le comportement des destinataires. Or,
l’effectivité de l’appareil coercitif dépend notamment de la forme de
contrainte exercée.

SOUS-SECTION III. — LA FAIBLESSE DE


L’APPAREIL COERCITIF ÉTATIQUE DANS LE
CYBERESPACE

« L’effectivité irrésistible » de la contrainte physique étatique, écrit François


Rigaux, est mise à mal par le fait que « la puissance de chaque État est
circonscrite » géographiquement tandis que « les relations économiques et
financières se sont internationalisées ou, plus exactement, transnationali-
sées. La nature des biens qui en font l’objet […] a accéléré la dégradation
du procédé traditionnel de contrôle étatique, l’exercice de la contrainte
physique à l’égard d’une personne ou sur un bien soumis à la compétence
territoriale de l’État ». La dématérialisation et, de manière plus générale, la
facilitation croissante du « déplacement d’un bien ou d’une activité […]
dérobent à l’État l’objet même de sa domination », puisque « les biens ayant
une valeur économique ont pris des formes nouvelles qui les soustraient aux
procédés traditionnels de contrainte physique ». Ainsi, dans l’agencement
contemporain des facteurs économiques, un nombre croissant de biens,
d’activités, de personnes se dérobent au contrôle d’un État, et « il n’est
même pas certain que ce soit toujours au profit d’un autre ordre juridique
étatique » (973). Ces mots, que la plume de François Rigaux couchait sur le
papier avant le réel avènement du cyberespace, provoqué par l’ouverture des
réseaux aux activités commerciales en 1992, visaient les relations économi-
ques transnationales hors ligne. Comme nous l’avons vu en première partie

Nouveaux pouvoirs. Mélanges en l’honneur de Roger Perrot, Paris, Dalloz, 1996, p. 477 et seq., spéc.
pp. 482–484.
(973) F. RIGAUX, « Les situations juridiques individuelles dans un système de relativité géné-
rale », op. cit. n. 953, pp. 46–48.

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326 RÉGULATION PAR LES ODR

de cette étude (974), l’affaiblissement de l’appareil coercitif étatique n’est


devenu que plus vrai avec le développement des activités véhiculées par les
réseaux.
Si nous évoquons à nouveau ici cette problématique, c’est qu’elle nous
permet de mieux comprendre le jeu de la concurrence entre les ordres juri-
diques. On comprend ainsi que la souveraineté étatique a pu se développer
parce que le droit étatique s’est progressivement imposé à l’égard d’autres
ordonnancements juridiques, grâce à sa maîtrise de la contrainte physique
devenue tellement parfaite qu’elle subjuguait les autres formes de
contrainte ; le droit étatique avait acquis le plus haut taux d’effectivité. De-
puis la modernité, un ordonnancement juridique non étatique se forme,
dans la plupart des cas, à la faveur d’une bienveillante indifférence des
États ; c’est notamment le cas quand l’État autorise ou contribue à
l’organisation de compétitions sportives comme les Jeux olympiques ou
quand il déréglemente certains secteurs économiques (c’est-à-dire qu’il s’en
retire normativement). Dans le cyberespace, on peut observer un certain
désengagement de l’État, une bienveillance face aux formes d’auto-
régulation. Mais on peut également y constater une réelle incapacitation,
partielle mais réelle, du pouvoir normatif de l’État, c’est-à-dire une
diminution de la puissance d’État. Celle-ci est causée principalement par le
même phénomène que celui noté par Rigaux : le conflit entre, d’un côté,
l’ubiquité de l’information, des acteurs et des actions dans les réseaux et, de
l’autre, la limitation territoriale de l’intervention étatique (975).
De manière plus concrète concernant les mécanismes de résolution des
litiges en ligne, on relèvera que l’appareil coercitif de l’État connaît des
problèmes d’efficacité à cause des distances et des coûts : les violations de
droits dans le cyberespace ne peuvent souvent que difficilement être ame-
nées devant le juge à cause des coûts générés par une action en justice et
son éventuelle exécution forcée, toutes deux potentiellement dans un lieu

(974) Voir surtout Sous-section III. — Affaiblissement de la puissance d’État, p. 77 et seq.


supra.
(975) C’est en partant de cette idée que Marie-Anne Frison-Roche a pu écrire que « si la
contrainte n’est pas ce qui s’ajoute au droit mais ce qui le caractérise, et si la contrainte ne peut
ultimement qu’être de nature étatique, alors le droit est violemment remis en cause par Internet » :
J.-M. CHEVALIER, I. EKELAND, M.-A. FRISON-ROCHE et M. KALIKA, Internet et nos fonda-
mentaux, Paris, PUF, 2000, p. 46.

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EFFECTIVITÉ 327

distant de la personne lésée. Cela a pour effet que les internautes sont sou-
vent dépourvus de la protection des États. Dans ces situations, le recours
aux ODR constitue le seul accès rationnel à la justice, comme nous avons
pu en conclure plus haut (976). Les organismes de règlement des différends
en ligne en deviennent non seulement des lieux centraux de la résolution
des litiges, mais aussi de l’élaboration normative (977). Ainsi émerge
l’hypothèse que, par le jeu de la concurrence des appareils coercitifs, l’effec-
tivité instrumentale des mécanismes de résolution des litiges en ligne peut
bénéficier de la place laissée libre par l’ineffectivité du droit étatique dans
ces situations.

SECTION IV. — Le contrôle des ressources


comme véhicule de l’effectivité

Le contrôle de la force physique, essentiel dans le contexte de la coercition


étatique, ne constitue pas la seule modalité de contrainte juridique. Ce
point est acquis. Avant de tenter toutefois une typologie sommaire de ces
modalités de contrainte, nous nous proposons d’aborder le concept de
contrôle des ressources, qui nous permettra ensuite de mieux comprendre le
fonctionnement des divers mécanismes de contrainte que nous étudierons
et de percevoir le fondement de l’autoexécution de la production normative
des ODR (978). Nous pensons en effet que le contrôle des ressources cons-
titue une composante fondamentale de l’effectivité instrumentale de toute
norme et de tout ordre juridique, même si ceci n’apparaît clairement qu’en
dehors d’une perspective fondée sur le droit étatique.

(976) Voir Chapitre VII : La résolution des litiges en ligne comme accès à la justice, p. 251 et
seq. supra.
(977) E.G. THORNBURG, « Going private : Technology, Due Process, and Internet Dispute
Resolution » in U.C. Davis L. Rev., 2000, vol. 34, p. 151 et seq., spéc. p. 154 : « by eliminating the
courts as the arbiters of disputes, these processes decrease the power of government to shape and
enforce substantive law. The ‘law’ becomes what is specified in the contract or programmed in to
the software, and courts lose the ability to enforce mandatory rules and to subject contractual ‘law’
to the needs of public policy. »
(978) Nous avions pu tenter une première application de l’idée de la création du droit grâce à
l’effectivité conférée par le contrôle des ressources dans Th. SCHULTZ, « Online dispute resolution
(ODR) : résolution des litiges et ius numericum » in RIEJ, vol. 48, p. 153 et seq., spéc., pp. 195–
202.

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328 RÉGULATION PAR LES ODR

SOUS-SECTION I. — LE CONCEPT DE CONTRÔLE


DES RESSOURCES

Le concept de contrôle des ressources nous vient de l’analyse économique


du droit, où il est notamment utilisé pour l’étude de l’émergence d’ordon-
nancements juridiques non étatiques et leur réception subséquente par le
droit étatique. Dans ce contexte, l’exemple le plus intéressant nous emmène
ème
vers les pâturages sauvages de l’Ouest des États-Unis, à la fin du 19
siècle. (On aura remarqué que le thème de cet exemple rappelle singulière-
ment l’approche du courant cyberlibertarien, recourant à la métaphore du
Far West pour étudier la problématique de la régulation du cyber-
espace (979).)
L’analyse des droits de propriété sur ces pâturages montre tout d’abord
qu’ils apparurent uniquement quand ils ne suffirent plus à nourrir tout le
bétail présent (980). Avant ce moment, les coûts nécessaires à l’établis-
sement et la mise en œuvre de ces droits auraient tout simplement été
supérieurs aux bénéfices qu’ils auraient rapportés. Avec l’augmentation du
bétail, le rapport coûts / bénéfices s’inversa et les droits de propriété firent
leur apparition, par entente entre les propriétaires en devenir. Afin de
protéger leurs accès à une ressource qui devenait proportionnellement de
plus en plus rare (plus de bétail pour les mêmes pâturages) et qui acquérait
donc progressivement de la valeur, les propriétaires s’associèrent. Ils mirent
sur pied des corps de cow-boys chargés de veiller au respect des frontières
tracées par leurs droits de propriété et d’effectuer diverses tâches de gestion
des troupeaux – soigner les bêtes malades ou blessées et en conduire aux
marchés pour les vendre.
Ces corps de cow-boys devinrent un vecteur de contrôle de leurs res-
sources : les nouveaux éleveurs, non-propriétaires et malvenus, étaient ex-
clus de la gestion par les cow-boys, ce qui rendait souvent leur exploitation
non rentable. Ces envahisseurs étaient alors économiquement contraints à
repartir. Dans les cas les plus graves, les cow-boys chassaient les nouveaux

(979) Ce courant avait été présenté sous Sous-section I. — Le cyberespace comme espace
géographiquement distinct, p. 23 et seq supra.
(980) L’exemple, ainsi que le concept de contrôle des ressources, est emprunté à T.L.
ANDERSON et J.B. GREWELL, « Property Rights Solutions for the Global Commons : Bottom-
Up or Top-Down ? » in Duke Envtl. L. & Pol’y F., 1999, vol. 10, p. 73 et seq., spéc. pp. 77-83.

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EFFECTIVITÉ 329

arrivants par les armes. Ainsi était garantie l’effectivité (purement instru-
mentale) des droits de propriété : par la contrainte économique ou physi-
que, rendue possible grâce au contrôle des ressources, c’est-à-dire les
pâturages et le bétail (981).
On peut remarquer un raisonnement très proche chez François Rigaux,
dans son analyse de l’effectivité d’ordonnancements juridiques non étati-
ques. Il écrit ainsi que « la maîtrise exercée sur [certains secteurs de
l’activité humaine] par une organisation privée s’explique par son exclusi-
vité. Celui qui veut faire courir ses chevaux sur les hippodromes régis par le
Jockey Club doit se soumettre aux conditions qui lui sont imposées […]
Aucun sportif ne peut participer aux Jeux olympiques s’il […] ne satisfait
aux critères prévus par l’organisation ». Ayant ainsi observé l’effectivité
instrumentale de ces ordonnancements, il relève que le facteur qui rend
cette effectivité possible est le contrôle de ce que nous appellerons la res-
source qui intéresse les destinataires de l’ordonnancement juridique : l’accès
aux compétitions. L’auteur en conclut que « l’existence d’un monopole de
fait [c’est-à-dire le monopole du contrôle de l’accès aux compétitions] in-
troduit l’élément de coercition qui contribue à leur signification juridi-
que » (982).
Comme l’écrit Gabrielle Kaufmann-Kohler pour le cyberespace, si « la
mainmise de fait par des particuliers sur certaines ressources n’est pas un
phénomène nouveau », elle « est toutefois plus marquée » dans le contexte
du cyberespace, « vu les caractéristiques de l’inter-réseau » (983). On peut
aussi observer, avec Henry Perritt, l’un des précurseurs théorisant la régula-
tion du cyberespace, que les spécificités du cyberespace et le contrôle de
ressources permettent la création d’ordonnancements juridiques non étati-
ques dans au moins trois situations. Celles-ci sont, par ordre croissant de
l’étendue du contrôle de ressources : la liberté d’expression, contrôlée par
les fournisseurs d’accès ; la régulation du spamming, par la liste noire RBL

(981) Notons par ailleurs que l’armée fédérale, quelques années plus tard, imposa son contrôle
sur ces terres. Ce contrôle fut exercé conformément aux droits établis par entente entre les éleveurs
originaires. Les États-Unis, par l’armée fédérale, avaient de la sorte cautionné ce droit d’origine
privée.
(982) F. RIGAUX, « Les situations juridiques individuelles dans un système de relativité géné-
rale », op. cit. n. 953, p. 67.
(983) G. KAUFMANN-KOHLER, « Commerce électronique : droit applicable et résolution des
litiges » in Rec. Cours La Haye, à paraître.

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330 RÉGULATION PAR LES ODR

de MAPS ; et la gestion des noms de domaine par l’ICANN (984). À ces


trois exemples, nous ajouterons celui de la certification (ou labellisation) de
sites web commerciaux ; nous les passons en revue dans ce qui suit.

SOUS-SECTION II. — ACCÈS À INTERNET,


SPAMMING, NOMS DE DOMAINE ET CERTIFICATION

Les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) peuvent prévoir, dans les condi-
tions générales des contrats les liant aux particuliers désireux d’obtenir un
accès à Internet, certaines restrictions quant aux informations mises en
ligne par les internautes. Si ces conditions ne sont pas respectées, les FAI
ont le pouvoir d’interdire et de rendre impossible toute nouvelle connexion
à Internet par leurs serveurs. Ainsi, ils peuvent réguler, en partie, la liberté
d’expression des personnes utilisant leurs services. La ressource contrôlée
est ici l’accès au forum de l’expression publique et privée que constitue In-
ternet. Toutefois, pour patent que soit cet exemple, il demeure celui qui a
le moins d’impact en pratique. D’un côté, les FAI ne peuvent pas, en prati-
que, contrôler tout le flux d’information des utilisateurs vers Internet et
refusent donc systématiquement de le faire. De l’autre côté, la concurrence
entre FAI est relativement développée, ce qui conduit à un dumping des
restrictions imposées à l’utilisateur (on pourrait parler ici, en analogie avec
le forum shopping, du « FAI shopping ») (985).
La régulation du spamming par MAPS nous amène vers un degré plus
élevé d’effectivité. MAPS, cette société privée californienne active dans la
lutte anti-spam, que nous avons déjà rencontrée (986), filtre tous les cour-
riers électroniques adressés à ses clients. Si l’adresse IP d’un expéditeur
correspond à l’une des adresses figurant sur sa « real-time blackhole list », ses
courriers sont interceptés et détruits. Les règles définissant le spamming et
posant les conditions pour qu’un expéditeur soit placé sur la liste sont

(984) H.H. PERRITT, « Towards a hybrid regulatory scheme for the Internet » in U. Chi. Legal
F., 2001, p. 215 et seq., spéc. p. 238 et seq.
(985) Sur la régulation du cyberespace par les FAI, tout à fait limitée en pratique, voir par
exemple Ch. REED, Internet Law, 2ème éd., Cambridge, Cambridge Univ. Press, 2004, pp. 89–139
et H.H. PERRITT, « Jurisdiction in Cyberspace : The Role of Intermediaries » in Borders in Cyber-
space. Information Policy and the Global Information Infrastructure, s. dir. B. Kahin et Ch. Nesson,
Cambridge, Mass., MIT Press, 1997, p. 164 et seq.
(986) Voir Sous-section III. — Des codes de conduite pour la prévisibilité de la justice, p. 240
et seq. supra.

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EFFECTIVITÉ 331

édictées unilatéralement par MAPS. Rappelons encore qu’un très grand


nombre de fournisseurs de services sur Internet, de sociétés, d’agences gou-
vernementales ou encore d’individus, représentant une partie non négligea-
ble des acteurs du cyberespace, ont souscrit aux services de MAPS (987).
La ressource contrôlée ici est l’acheminement du courrier électronique
vers les destinataires. Par le contrôle qu’elle exerce sur cette ressource,
MAPS constitue un vecteur puissant de la lutte contre le spamming, son
intervention dans ce domaine possédant une capacité déterminante d’agir
sur le réel (à l’égard de ses seuls clients, il est vrai, mais ceux-ci sont nom-
breux), contrairement aux tentatives étatiques de réglementation, qui se
heurtent aux frontières des souverainetés nationales (988). Toutefois, si
l’effectivité instrumentale est ici bien plus grande que dans le cas des four-
nisseurs d’accès, elle connaît encore une limite potentielle importante : on
concevra aisément, comme le relève un auteur, que « cet ordonnancement
privé est potentiellement affaibli par une procédure judiciaire intentée par
l’entreprise portée sur la liste […] L’effectivité de ce système d’exécution
privé dépend de la possibilité d’obtenir gain de cause devant un tribu-
nal » (989). L’auteur conclut ensuite à la « complicité des États » ; en effet,
MAPS a été impliquée dans au moins cinq actions judiciaires, dont aucune
n’a conduit à sa condamnation (990). À l’heure actuelle on peut donc en

(987) Pour une description plus approfondie des activités de MAPS, on se référera notamment
à H.H. PERRITT, « Towards a hybrid regulatory scheme for the Internet », op. cit. n. 984, p. 244 et
seq.
(988) Sur l’effectivité de cet ordonnancement juridique et la question de savoir si l’effectivité de
cette forme de régulation peut contrebalancer son absence de fondement démocratique (ou autre-
ment consensuelle) : S.A. KELIN, « State Regulation of Unsolicited Commercial E-Mail » in
Berkeley Tech. L.J., 2001, vol. 16, p. 435 et seq., spéc. p. 440 et seq., D.G. POST, « Of Black Holes
and Decentralized Law-Making in Cyberspace » in Vand. J. Ent. L. & Prac., 2000, vol. 2, p. 70 et
seq., spéc. p. 74 et D.E. SORKIN, « Technical and Legal Approaches to Unsolicited Electronic
Mail » in U.S.F. L. Rev., 2001, vol. 35, p. 325 et seq.
(989) A.R. STEIN, « Frontiers of Jurisdiction : From Isolation to Connectedness » in U. Chi.
Legal F., 2000, p. 373 et seq., spéc. p. 402 (trad. par l’auteur).
(990) En juillet 2000, Harris Interactive porta une action contre MAPS devant le tribunal du
district Ouest de New York. Elle fut retirée le 13 septembre 2000 : <www.harrisinteractive.com/-
news/index.asp?NewsID=145&HI_election=All>. Harris Interactive resta sur la liste noire jusqu’au
22 août 2001, date à laquelle elle modifia son système d’opt-in, se conformant ainsi aux exigences
de MAPS : <news.com.com/2100-1023-272039.html?legacy=cent>.
Durant ce même mois de juillet, MAPS menaça de placer les courriers électroniques émanant
de l’entreprise YesMail.com sur sa liste noire si elle n’adoptait pas un système de double opt-in
pour ses courriers publicitaires. Le tribunal du district nord de l’Illinois accorda, le 13 juillet 2000,

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332 RÉGULATION PAR LES ODR

conclure, avec Lawrence Lessig, que la pratique de MAPS a une effectivité


instrumentale importante et que le contrôle technologique de l’achemine-
ment des courriers électroniques est un outil qui fait d’une société privée un
lieu important d’élaboration normative au niveau global (991).
Venons-en aux noms de domaine. L’ordonnancement privé connaît dans
ce domaine le plus fort contrôle des ressources et, comme le révèlent de
nombreuses observations empiriques, la plus haute effectivité instrumen-
tale. Nous y retrouvons également les ODR. Un peu comme les pâturages
au début de la colonisation du Far West, les noms de domaine n’étaient
guère régulés aux débuts d’Internet : une personne seule, le fondateur
d’Arpanet, John Postel, les attribuait selon son bon vouloir. En ce temps, il
y avait suffisamment de noms de domaine disponibles pour satisfaire toutes
les demandes. Quelques années plus tard – les demandes d’attribution
connaissant une croissance asymptotique – les noms de domaine disponi-
bles commencèrent à manquer et la nécessité d’une régulation apparut.
Depuis la fin des années 1990, toutes les personnes désirant se voir attri-
buer un nom de domaine générique ou international (992) doivent en faire

des mesures provisionnelles à YesMail.com, interdisant à MAPS de le placer sur sa liste. Les
parties transigèrent quelque temps plus tard, YesMail.com ayant consenti à modifier ses pratiques
d’envoi de courriers électroniques publicitaires : S.-A. KELIN, « State Regulation of Unsolicited
Commercial E-mail », op. cit. n. 988, p. 442.
En décembre 2000, Media3 demanda des mesures provisionnelles devant le tribunal de
district du Massachusetts. Elles furent refusées. Les parties transigèrent quelques mois après :
Media3 Techs., LLC c. Mail Abuse Prevention System, LLC, 2001 U.S. Dist. LEXIS 1310 (D.
Mass., 2001) et <mail-abuse.org/pressreleases/2001-08-30.html>.
Fin 2000, la société Black Ice introduisit une action devant le tribunal supérieur du comté de
Santa Clara. L’affaire n’est toujours pas tranchée : Mail Abuse Prevention c. Black Ice Software, aff.
o
n 1-00-CV-788630, Superior Court of California, County of Santa Clara.
En novembre 2001, la société Exactis.com engagea une action contre MAPS devant le tribunal
de district de Denver. Le tribunal accorda à Exactis.com des mesures provisionnelles ordonnant à
MAPS de supprimer la demanderesse de sa liste noire. Peu après, les parties transigèrent : <www.-
adlawbyrequest.com/inthecourts/MAPS101501.shtml>.
(991) En ce sens L. LESSIG, « The Law of the Horse : What Cyberlaw Might Teach » in
Harv. L. Rev., 1999, vol. 113, p. 501 et seq., spéc. p. 546.
(992) En anglais Generic Top Level Domains (gTLDs). Les noms de domaine génériques
étaient à l’origine ceux ayant un suffixe en <.com>, <.org> ou <.net>. L’ICANN a ensuite progres-
sivement introduit de nouvelles extensions, qui sont à l’heure actuelle <.biz>, <.info>, <.name>,
<.aero>, <.coop>, <.museum> et <.pro>. Cela représente la plupart des noms de domaine à l’échelle
mondiale, les seuls sites au suffixe <.com> représentant environ 45 pour cent des sites mondiaux.
Voir aussi B. — Un système juridique pour les noms de domaine : l’ICANN et l’UDRP, p. 481
et seq. infra.

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EFFECTIVITÉ 333

la demande auprès d’une société d’enregistrement de noms de domaine –


un opérateur de registre – accréditée par l’Internet Corporation for As-
signed Names and Numbers (ICANN).
Dans le contrat d’accréditation passé entre l’ICANN et les opérateurs de
registre figure une clause stipulant que ces derniers sont tenus d’incorporer
dans les conditions générales des contrats d’attribution de noms de do-
maine (liant l’opérateur de registre et les titulaires de noms de domaine) les
conditions d’attribution édictées par l’ICANN. Parmi celles-ci figure no-
tamment une clause de résolution des litiges, renvoyant au règlement
UDRP. Tous les titulaires de noms de domaine génériques, quel que soit
leur État de résidence ou le lieu de leurs activités, sont soumis à ce règle-
ment. Celui-ci s’impose dans la réalité des faits, notamment au détriment
des législations étatiques sur la propriété intellectuelle, grâce au contrôle
que l’ICANN exerce (993) sur la banque de données convertissant en
adresses IP (c’est-à-dire les adresses déterminantes pour l’acheminement
d’information sur Internet) les noms de domaine des suffixes en ques-
tion (994). Ce contrôle confère à l’ICANN le contrôle de l’accès au
web (995). En effet, celui qui a la mainmise sur cette banque de données

(993) Pour plus de précisions : P. LASTENOUSE, « Le Règlement ICANN de résolution uni-


forme des litiges relatifs aux noms de domaine » in Rev. arb., 2001, p. 95 et seq., spéc. p. 97, « [l]e
système des noms de domaine sur internet est composé d’un annuaire de tous les noms de domaine
enregistrés par des personnes physiques ou morales et des ordinateurs correspondants. [...] La
société américaine ICANN détient le monopole mondial d’attribution des noms de domaine dans
les domaines génériques de premier niveau « com », « net » et « org ». Pour être précis, il est vrai
que ce contrôle n’est qu’indirect, puisque la base de données est accessible par toutes les sociétés
d’enregistrement accréditées par l’ICANN et qu’elle est directement administrée par la société
VeriSign (l’ex-Network Solutions). Toutefois, toutes ces sociétés sont contractuellement soumises
à l’ICANN ». En bref donc, même si les <.com>, <.org> et <.net> peuvent être vendus par plu-
sieurs sociétés, ils sont enregistrés dans une seule base : celle de VeriSign, contrôlée par l’ICANN.
(994) L’adresse IP est cette suite de chiffres qui identifie, en langage machine, les ordinateurs
sur Internet ou les pages web recherchées. Le système des noms de domaine fonctionne comme
ceci : les adresses des sites web sont centralisées, pour éviter des doublons, dans des banques de
données – des registres – selon les suffixes des sites. Toutes les adresses du même suffixe se retrou-
vent donc dans un même registre. Celle qui centralise les sites <.com>, <.org> et <.net> est contrô-
lée par l’ICANN. Ces banques de données aiguillent les internautes – qui entrent le nom du site
recherché sur leur navigateur – vers les pages web correspondantes, par la conversion du nom de
domaine en une suite de chiffres, l’adresse IP. Par exemple, le site web du New York Times corres-
pond à l’adresse IP 208.48.26.15.
(995) Voir A.M. FROOMKIN, « Wrong Turn in Cyberspace : Using ICANN to Route Around
the APA and the Constitution » in Duke L.J., 2000, vol. 50, p. 17 et seq., spéc. p. 47 et K.G. VON
ARX, « ICANN – Now and Then : ICANN’s Reform and Its Problems » in Duke L. & Tech. Rev.,

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334 RÉGULATION PAR LES ODR

contrôle l’accès des internautes aux sites ayant un nom de domaine se ter-
minant par l’un des suffixes mentionnés : sans conversion, l’accès au site est
en effet quasiment impossible (996). Vu dans la perspective inverse, l’accès
des sites web au réseau des interconnections qui engendrent Internet dé-
pend lui aussi des conversions de cette base de données. L’ICANN
contrôle ainsi la ressource nécessaire à l’activité d’un site web lié à un nom
de domaine générique (997). Notons par ailleurs que le routage et l’ache-
minement des courriers électroniques rattachés à ces sites web s’opèrent eux
aussi en fonction de la même base de données.
L’application du règlement UDRP par les institutions de résolution en
ligne accréditées par l’ICANN vient parfaire l’effectivité instrumentale de
l’ordonnancement juridique constitué par la régulation des noms de do-
maine par cet organisme. Quand bien même les décisions de ces institu-
tions n’ont pas de force juridiquement contraignante, elles disposent d’une
certaine force économiquement contraignante ; la procédure UDRP peut
être engagée à moindres frais, tandis qu’un recours ou une procédure pa-
rallèle devant les tribunaux s’avère souvent trop coûteux en comparaison
avec l’intérêt économique que présente un nom de domaine. Il s’ensuit une
distanciation et une autonomie accrue de cet ordonnancement juridique par
rapport aux ordres juridiques étatiques. Si l’institution de règlement décide
d’ordonner le transfert du nom de domaine au demandeur titulaire d’un
droit de marque, le défendeur n’aura souvent pas d’autre choix économique

2003, art. 7, l’auteur concluant qu’aucune réforme réelle ne peut être réalisée pour faire face aux
nombreux dysfonctionnements de l’ICANN sans mettre fin au monopole du contrôle de cette base
de données. Voir aussi G. KAUFMANN-KOHLER, « Commerce électronique : droit applicable et
résolution des litiges », op. cit. n. 983, l’auteur relevant par ailleurs que « l’on peut certes affirmer
que la position d’ICANN et des registrars de noms de domaine résulte de l’accord conclu avec le
Département du commerce des États-Unis. En réalité, elle dérive tout autant du contrôle de fait
exercé par l’ICANN sur la banque de données qui traduit les noms de domaine en adresses IP. »
(996) Il est toutefois possible de contourner tout ce système d’aiguillage par noms de domaine
en utilisant directement l’adresse IP d’un site donné, mais, comme il s’agit d’une suite de chiffres,
la symbolique de la référence en disparaît presque totalement et seul un nombre très limité
d’internautes sont disposés à surfer sur Internet en n’utilisant que l’adresse IP. Il ne semble par
contre pas possible de convertir des noms de domaine en adresse IP sans avoir recours aux banques
de données centralisées (donc à l’ICANN pour les sites <.com>, <.org> et <.net>). Au surplus,
l’ICANN est seule compétente (juridiquement et matériellement) pour la création de nouveaux
suffixes. De temps en temps, des mécanismes de contournement de l’ICANN sont tentés, et
échouent.
(997) Voir de manière générale A.M. FROOMKIN, « Wrong Turn in Cyberspace », op. cit. n.
995.

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EFFECTIVITÉ 335

que de se plier à la décision (998). Il s’agit ici de l’une des formes les plus
complètes de l’établissement de l’effectivité instrumentale grâce au contrôle
des ressources.
En ce qui concerne les certificats électroniques, leur importance pour
l’effectivité du droit qui y est rattachée – les codes de conduite – découle de
leur qualité de promoteur de la confiance des internautes dans les sites
commerciaux certifiés. Cette confiance des utilisateurs d’Internet est ac-
tuellement faible et difficile à susciter (999). Cela est notamment dû au fait
que la mise en présence de personnes physiques, qui est encore la règle dans
la plupart des échanges et qui donne normalement accès à des éléments
objectifs d’évaluation du partenaire, disparaît avec les technologies actuelles
de l’information. Ceci facilite la création d’illusions et engendre le besoin
de nouveaux repères pour les clients des sites commerciaux (1000). Or, il
semble que les certificats puissent constituer de tels repères, et la certifica-
tion un bon outil pour instaurer ou susciter la confiance en des sites com-
merciaux. C’est en tout cas à cette conclusion que conduit une étude socio-
logique de BBBOnline, selon laquelle 84 pour cent des internautes s’esti-
meraient rassurés par une certification (1001). C’est sur cette idée que s’est
fondé le gouvernement canadien – après avoir isolé la confiance comme

(998) En ce sens, E.G. THORNBURG, « Going private : Technology, Due Process, and Inter-
net Dispute Resolution », op. cit. n. 977, p. 197 : « si le titulaire du nom de domaine a perdu la
procédure ICANN et qu’il ne peut financer [une action judiciaire], le nom de domaine est perdu »
(trad. par l’auteur).
(999) Voir Chapitre VI : La confiance dans le commerce électronique, p. 195 et seq. supra.
(1000) En ce sens B. Brun, analysant l’enjeu de la certification électronique pour le commerce
électronique, remarque que : « [c]e manque de confiance constitue à ce jour le principal obstacle au
développement du commerce électronique avec les particuliers. En effet, comment savoir si
l’entreprise existe, quelle juridiction est applicable, quelles sont ses politiques concernant la sécurité
ou la gestion des renseignements personnels, quelles sont ses pratiques commerciales, bref, quelle
sera la situation si une difficulté se présente dans le cadre de la transaction ? » : B. BRUN, « Nature
et impacts juridiques de la certification dans le commerce électronique sur Internet » in Lex Elec-
tronica, vol. 7, n°1, été 2001, <www.lex-electronica.org/articles/v7-1/brun.htm>. Sur la difficulté
en général d’établir la confiance en matière de commerce électronique, voir D. KOSUR, Under-
standing Electronic Commerce, Redmond (USA), Microsoft Press, 1997.
(1001) Étude rapportée par T. TROMPETTE, « Une nouvelle mission : la certification des sites
Web de commerce électronique » in Les Cahiers de l’Audit, 1999, vol. 4, p. 34 et seq. Dans le même
ordre d’idées, une étude qualitative a indiqué qu’un élément central pour l’établissement de la
confiance des Internautes est la présence sur le site commercial d’une marque reconnue : Cheskin
Research et Studio Archetype/Sapient, « Commerce Trust Study », janvier 1999, <www.-
studioarchetype.com/cheskin>. Voir aussi Sous-section II. — ODR, labels et confiance dans le
commerce électronique, p. 208 et seq. supra.

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336 RÉGULATION PAR LES ODR

élément commun aux différents défis posés par la croissance du commerce


électronique – pour émettre une série de recommandations. Celles-ci
incitent les commerçants à faire certifier leurs sites et suggèrent aux
consommateurs de rechercher la présence de tels certificats (1002). Plu-
sieurs auteurs se sont également exprimés en ce sens (1003). La certifica-
tion est donc un outil de contrôle (1004) qui permet d’accroître l’effectivité
des codes de conduite par la menace du retrait du certificat (1005). La
ressource que contrôlent les organismes d’ODR qui agissent également
comme certificateurs est en conséquence la confiance des internautes, elle-
même potentiellement une condition nécessaire à la réussite commerciale
du site web. En tant qu’outil de contrôle de ressources, la certification
pourrait bien devenir l’un des instruments fondamentaux de l’auto-
régulation du commerce électronique (1006).

(1002) Industrie Canada, « Magasiner dans Internet. Renseignez-vous », recommandation du 8


novembre 1999, <strategis.ic.gc.ca/SSGF/ca01187f.html>, et ID., « Votre commerce dans Inter-
net. Gagner la confiance des consommateurs », recommandation du 8 novembre 1999, <stra-
tegis.ic.gc.ca/ SSGF/ca01186f.html#Certifying>.
(1003) Notamment P. TRUDEL, F. ABRAN, K. BENYEKHLEF et S. HEIN, Droit du Cyber-
espace, Montréal, Les Éditions Thémis, 1997, p. 3/46, K. STUURMAN, « Legal aspects of stan-
dardization and certification in information technology and telecommunication : an overview » in
Amongst friends in computers and law, a collection of essays in remembrance of Guy Vandenberghe,
Deventer, Kluwer, 1991, p. 80 et seq. et J. FONTANA, « Certification plans to help Web confi-
dence » in Communications Week, 1996, vol. 622, p. 75 et seq.
(1004) En ce sens, B. BRUN, « Nature et impacts juridiques de la certification », op. cit. n. 1000,
p. 13 : « [d]ans le cas du réseau Internet, malgré le fait qu’il s’agisse d’un réseau ouvert, il n’en
demeure pas moins que l’élaboration de standards et l’instauration de la certification constituent un
mode de contrôle de ce nouveau moyen de commercer. »
(1005) Y. POULLET et M. ANTOINE, « ‘Vers la confiance’ ou comment assurer le développe-
ment du commerce électronique » in Authenticité et informatique, Bruxelles, Bruylant, 2000, p. 345
et seq.
(1006) Sur les codes de conduite et la certification de manière plus générale, voir
G. NANNARIELLO, E-commerce and Consumer Protection. A Survey of Codes of Practice and Certifi-
cation Processes, Joint Research Centre of the European Commission, Institute for the Protection
and Security of the Citizen, Cybersecurity Sector, Ispra (Italie), 2001, EUR 19932 EN. Sur la
fonction de régulation du commerce électronique de la certification, C.C. HAVIGHURST, « The
Place of Private Accrediting among the Instruments of Government » in Law and Contemporary
Problems, 1994, vol. 57, p. 3 et seq., P. TRUDEL et al., Droit du Cyberespace, op. cit. n. 1003, p. 3/34
et S. PARISIEN et P. TRUDEL, L’identification et la certification dans le commerce électronique,
Comansville, Yvon Blais, 1996, p. 270.

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EFFECTIVITÉ 337

SECTION V. — Instruments de coercition et


modalités de contrainte dans le cyberespace

Avant de nous pencher sur les divers instruments de coercition et les di-
verses modalités de contrainte dans le cyberespace et en rapport avec les
ODR, il est utile de faire un rapide retour en arrière sur les points acquis,
afin de mettre en perspective l’analyse qui suivra. La contrainte physique
n’est pas la seule contrainte pertinente au regard de l’effectivité instru-
mentale, avons-nous dit tout d’abord (1007). François Rigaux, par exem-
ple, relevait que ce n’est pas parce que « les autorités sportives sont privées
du pouvoir de contrainte physique » qu’elles ne peuvent être productrices
de normes juridiques effectives. Elles ont à leur disposition la possibilité de
l’exclusion, qui est « la force de coercition des ordres juridiques sportifs,
[…] laquelle est souvent plus efficace que les actes matériels de contrainte
physique » (1008). Ensuite, nous avons abordé la problématique de la
concurrence des ordonnancements juridiques selon la capacité de
contrainte de leurs appareils coercitifs respectifs. À ce sujet, Max Weber
notait que « ce genre de contrainte [non physique] peut s’étendre à des
prétentions qui ne sont aucunement garanties par l’État » et qu’il s’ensuit
une « lutte entre les moyens de coercition […] aussi ancienne que le
droit » (1009). Finalement, nous avons affirmé que l’efficacité d’un appareil
de coercition et l’effectivité instrumentale d’un ordonnancement juridique
dépendent essentiellement du contrôle des ressources qui intéressent les
destinataires des normes. Nous nous proposons maintenant d’établir une
typologie illustrative de ces autres modalités de contrainte permettant la
concurrence des appareils coercitifs ; l’intérêt de leur étude réside en cela
qu’elles peuvent être utilisées par les institutions d’ODR pour assurer
l’effectivité instrumentale de leur production normative.
Selon Lawrence Lessig, l’un des penseurs les plus fertiles de la régulation
du cyberespace, il existe à tout le moins quatre modalités principales de
contrainte juridique : physique, sociale, économique et architectu-

(1007) Voir Section III. — Concurrence des appareils coercitifs, p. 317 et seq. supra.
(1008) F. RIGAUX, « Les situations juridiques individuelles dans un système de relativité géné-
rale », op. cit. n. 953, p. 66.
(1009) M. WEBER, Économie et société, t. 2, op. cit. n. 943, pp. 20–21.

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338 RÉGULATION PAR LES ODR

rale (1010). Chacune de ces modalités de contrainte peut être attachée à


une norme ou un ordonnancement juridique de manière à en renforcer
l’effectivité instrumentale (1011).
La contrainte physique est la forme habituelle de coercition du droit
étatique. Elle est du ressort exclusif de l’État et participe à en instituer la
souveraineté. Elle a été discutée à plusieurs reprises et ne mérite pas une
analyse particulière à ce stade (1012). Nous nous limiterons donc ici aux
trois autres formes de contrainte.

SOUS-SECTION I. — CONTRAINTE SOCIALE


La contrainte sociale du droit se fonde sur une instrumentalisation des
normes sociales. Un ordonnancement juridique oriente la pratique de ses
destinataires en utilisant les normes sociales comme des instruments don-
nant de l’effectivité à la régulation. Plus précisément, les normes juridiques
peuvent interagir avec les normes sociales d’au moins deux manières : les
premières peuvent développer ou renforcer les secondes, et elles peuvent
rendre certains comportements publics afin de les exposer aux normes so-
ciales existantes ayant un contenu similaire à celui des normes juridiques.
Dans les deux cas, les normes sociales, dont l’effet contraignant repose sur
la coercition de la communauté de référence, peuvent renforcer l’effectivité
des normes juridiques en question (1013).

(1010) L. LESSIG, Code and other Laws of Cyberspace, op. cit. n. 949, pp. 85 et seq. et 235 et seq.
et ID., « The New Chicago School », op. cit. n. 949.
(1011) Dans un sens proche, voir aussi M. COIPEL, « Quelques réflexions sur le droit et ses
rapports avec d’autres régulations de la vie sociale » in Gouvernance de la société de l’information. Loi
– Autoréglementation – Éthique, s. dir. J. Berleur, C. Lazaro et R. Queck, Bruxelles, Bruylant, 2002,
p. 43 et seq., spéc. pp. 57–58 : « l’identité de prescription [des normes juridiques et des autres
normes] renforce l’impératif juridique en lui conférant un surcroît de légitimité et d’adhésion au
sein du corps social. Ensuite, les régulations non juridiques ont leurs sanctions propres, parfois
redoutables, et la crainte de celles-ci contribue au respect de la prescription relative au comporte-
ment. »
(1012) Voir surtout Sous-section I. — L’appareil coercitif étatique et la contrainte physique,
p. 318 et seq. supra.
(1013) L. LESSIG, « The New Chicago School », op. cit. n. 949, p. 662 : « [norms] constrain
because of the enforcement of a community ».

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EFFECTIVITÉ 339

A. — Renforcement ou création de normes sociales par les


normes juridiques
Dans la première situation, quand les normes juridiques créent ou renfor-
cent des normes sociales, elles promeuvent des symboles de justice ou
d’injustice. Le but n’est pas ici d’amener les destinataires des normes à s’y
conformer en faisant naître en eux un sentiment de justice ou de culpabi-
lité, autrement dit en visant une internalisation de la norme ; cela relèverait
de l’effectivité symbolique et non instrumentale. Le but est de véhiculer
certains signes ou symboles et certaines valeurs convoyant une vision du
monde dont on espère qu’elle convaincra la communauté en général, afin
que ses membres exercent, les uns sur les autres, un contrôle mutuel (1014).
Par ailleurs, pour accroître cette contrainte sociale, le droit peut renforcer
ou affaiblir la communauté de référence : plus celle-ci est forte, plus les
normes sociales auront de l’importance et plus l’effectivité du droit ayant
instrumentalisé ces normes sera élevée (1015).
La régulation de la consommation de cigarettes est l’un des exemples les
plus courant de l’instrumentalisation des normes sociales par le
droit (1016). Celles-ci constituent dans ce domaine, à l’heure actuelle, la
majeure partie des normes régulant cette activité : on ne fume pas pendant
un repas, on demande la permission avant d’allumer une cigarette dans une
voiture, on ne fume pas en présence d’enfants, etc. Ces normes, l’État, par
exemple, peut les renforcer par l’adoption de normes juridiques. Il est ainsi
possible d’interdire la publicité pour les cigarettes ou d’ordonner l’apposi-
tion de mises en garde sur les paquets ou encore d’exiger la publication
régulière de rapports sur les effets du tabagisme. La presse quotidienne

(1014) ID., Code and other Laws of Cyberspace, op. cit. n. 949, p. 235 : « by social norms, I mean
those normative constraints imposed not through the organized or centralized actions of a state,
but through the many slight and sometimes forceful sanctions that members of a community
impose on each other […] A norms governs socially salient behavior, deviation from which makes
you socially abnormal. »
(1015) Sur le renforcement et l’affaiblissement des communautés et leur effet sur l’effectivité
des normes sociales, voir E.A. POSNER, « The Regulation of Groups : The Influence of Legal and
Nonlegal Sanctions on Collective Action » in U. Chi. L. Rev., 1996, vol. 63, p. 133 et seq. et ID.,
Law and Social Norms, Cambridge, Mass., Harvard Univ. Press, 2000, p. 219 et seq., l’auteur
relevant que l’État a plus souvent cherché l’affaiblissement, plutôt que le renforcement, des com-
munautés, afin de remplacer les normes sociales par des normes juridiques.
(1016) L. LESSIG, Code and other Laws of Cyberspace, op. cit. n. 949, p. 87 et ID., « The New
Chicago School », op. cit. n. 949, p. 667.

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340 RÉGULATION PAR LES ODR

regorge d’exemples de l’effectivité instrumentale de la politique nord-


américaine en la matière : telle personne est insultée dans la rue pour avoir
une cigarette aux lèvres dans un quartier où vivent des enfants, telle autre
est admonestée par son employeur pour avoir mis en évidence un cendrier
sur son bureau. Pour extrêmes que ces réactions puissent être, elles
montrent combien les normes sociales ont changé aux États-Unis ces der-
nières années, sous l’impulsion des règles juridiques qui sont l’expression de
la politique anti-tabagisme.
Les sanctions habituelles du système de contrainte sociale vont de la
simple critique ou de la médisance, au dénigrement et à l’ostracisme. Dans
un environnement technologique comme le cyberespace, s’y ajoutent le
recours au flaming (1017), la coupure d’accès ou encore le filtrage auto-
matique de messages par les destinataires.
À ce stade de l’étude, retenons tout d’abord que les normes sociales se
développent et acquièrent leur effectivité dans des communautés. Rappe-
lons-nous ensuite l’importance croissante qu’acquièrent les communautés
en ligne formées autour de places de marché électroniques. Souvenons-
nous aussi que ces communautés peuvent être renforcées par des mécanis-
mes de resocialisation du commerce, eux-mêmes possiblement contrôlés
par les ODR (1018). On entreverra alors les potentialités d’effectivité que
peut avoir la contrainte sociale, instrumentalisée par une régulation par les
ODR (1019). Nous y reviendrons (1020).

(1017) Le flaming est l’envoi massif de longs messages, en principe hostiles, dans le but de ren-
dre une boîte de courrier électronique inutilisable.
(1018) Voir Section I. — La perte des repères, p. 198 et seq. supra.
(1019) Pour une première approche et un aperçu très général de cette problématique, voir R.
SALI, « ODR : la risoluzione online delle controversie » in Commercio elettronico, autodisciplina e
risoluzione extragiudiziale delle controversie, s. dir. S. Azzali et A. Zoppini, Milan, IPSOA, 2004,
p. 71 et seq., spéc. p. 78 : « Internet è il contesto più allargato che ci sia, ma è un ambiente e
nell’ambiente funziona la giustizia corporativa dei partecipanti : se sei corretto e risolvi i contenziosi
secondo le regole deontologiche dell’ambiente ne continui a far parte, altrimenti ne vieni espulso. I
marketplaces, da questo punto di vista, non sono altro che la continuazione storica delle curie dei
mercanti. »
(1020) Voir Sous-section I. — Autoexécution indirecte : incitation, p. 353 et seq. infra.

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EFFECTIVITÉ 341

B. — Exposition de comportements aux normes sociales


Tournons-nous maintenant vers la deuxième situation : le moyen de coer-
cition juridique consiste ici à exposer un comportement aux normes socia-
les. Dans cette situation, le problème n’est pas que ces normes n’existent
pas ou ne sont pas suffisamment développées, mais le comportement les
violant passe inaperçu, ou trop peu aperçu, de la communauté. Si l’on per-
met à la communauté pertinente de s’informer de l’existence de ce type de
comportements, on lui permet d’appliquer les normes sociales à des cas
concrets. Par la publication de ces comportements, on expose la réputation
des acteurs, qui constitue le point d’ancrage des normes sociales (1021).
En 1995, la Californie adoptait une loi interdisant la vente de matériel
pornographique par des distributeurs automatiques (1022). Le but (officiel)
de la loi était d’empêcher la vente de pornographie à des personnes mineu-
res ; toutefois, on constata rapidement une diminution de la vente globale,
qui dépassait de loin celle qui pouvait être attribuée aux mineurs. La raison
principale de cette diminution semble avoir été l’exposition du comporte-
ment socialement répréhensible (l’achat de ce genre de matériel) aux normes
sociales, puisque la vente fut reléguée à des lieux où la possible présence
physique d’autres personnes crée un obstacle à la discrétion et à l’anonymat.
Les comportements en ligne sont généralement moins exposés aux nor-
mes sociales, à cause du manque de présence physique lors des activités en
ligne. Cette absence réduit tout d’abord l’exposition directe des comporte-
ments aux normes sociales ; en principe, on ne vous voit pas faire quelque
chose sur Internet. Ensuite, cette absence réduit l’exposition indirecte de
ces comportements aux normes sociales ; la difficulté de développer des
communautés en ligne – due à l’absence physique – constitue un obstacle à
l’établissement de la réputation (1023). Or, les réseaux de sociabilité consti-
tuent normalement une source indirecte d’exposition des comportements

(1021) E.A. POSNER, Law and Social Norms, op. cit. n. 1015, p. 221 : « to minimize the influ-
ence of nonlegal enforcement of such norms, the state protects privacy, which deprives the crowd
of the information it needs to inflict sanctions » et ID., « Symbols, signals, and social norms in
politics and the law » in J. Legal Stud., 1998, vol. 27, p. 765 et seq.
(1022) Voir L. LESSIG, « What Things Regulate Speech : CDA 2.0 vs. Filtering » in Jurimet-
rics J., 1998, vol. 38, p. 629 et seq., spéc. pp. 629–630.
(1023) Voir Section I. — La perte des repères, p. 198 et seq. supra.

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342 RÉGULATION PAR LES ODR

aux normes sociales (1024). Il suit de cette faible exposition de comporte-


ments aux normes sociales un fort taux de comportements socialement
répréhensibles, ce qui entraîne à son tour le manque de confiance des
consommateurs en ligne, lui-même à la base de cette retenue qui caractérise
le commerce électronique.
Il s’ensuit, à notre sens, deux conséquences : d’un côté, la publication de
comportements, conduisant à leur exposition aux normes sociales, est dé-
sirable pour les acteurs économiques, parce qu’il leur importe de se faire
voir sur le forum économique qu’est le cyberespace. De l’autre côté, une
telle publication semble être en mesure de conférer une effectivité non
négligeable aux normes sociales, puisqu’une bonne réputation est précieuse,
étant difficile à établir.
Concrètement, une norme juridique dont le contenu correspond à cer-
taines normes sociales établies peut accroître son effectivité, en assurant la
publicité des comportements qu’elle tente de réguler. Dans le contexte du
commerce électronique, de nombreux acteurs de la régulation insistent sur
l’importance du « naming and shaming », c’est-à-dire la publication en ligne
d’évaluations et d’expériences personnelles concernant des activités com-
merciales sur Internet (1025).

SOUS-SECTION II. — CONTRAINTE ÉCONOMIQUE


Le marché, on le sait, régule toute sorte d’activités par l’instrumentalisation
du prix des biens et des services échangés. Certaines activités sont promues
ou freinées, voire rendues économiquement possibles ou impossibles par le
jeu de l’offre, de la demande, de la forme d’organisation du marché perti-
nent, du rapport entre coûts et recettes ; ces mécanismes économiques se
combinent pour former les lois ou les forces du marché.

(1024) Voir Sous-section II. — ODR, labels et confiance dans le commerce électronique,
p. 208 et seq. supra et Section III. — Reformer des communautés de confiance, p. 211 et seq.
supra.
(1025) Voir par exemple Transatlantic Consumer Dialogue (TACD), « Alternative Dispute
Resolution in the Context of Electronic Commerce », Ecom-12-00, février 2000, <www.tacd.org/-
db_files/files/files-82-filetag.pdf>, p. 3 et Bureau européen des consommateurs (BEUC),
« Alternative Dispute Resolution – BEUC’s Position on the Commission’s Green Paper »,
BEUC/X/048/2002, 21 novembre 2002, <www.beuc.org>by topic>access to justice>Topics
ADR>, p. 10.

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EFFECTIVITÉ 343

Mais le marché peut aussi être lui-même instrumentalisé par le droit afin
de mettre en œuvre des normes juridiques ou, à une échelle plus large, des
politiques législatives : l’effectivité instrumentale du droit peut être assurée
par le jeu des mécanismes économiques du marché pertinent. Les lois du
marché constituent une contrainte qui s’exerce sur tous les acteurs écono-
miques. Quand l’État intervient dans un marché, il modifie ces lois et en
conséquence altère la contrainte s’exerçant sur les acteurs, qui constituent
par ailleurs les destinataires indirects ou finaux de la norme. Le droit régule
le comportement de ses destinataires par le biais de la contrainte économi-
que.
Cette approche, quelque fois qualifiée de « nouvelle école de Chicago »,
se nourrit du courant Law and economics, c’est-à-dire de l’analyse économi-
que du droit telle qu’elle a notamment été développée par Richard Posner,
l’un des chefs de file de la « vieille école de Chicago » (1026). L’analyse
économique du droit connaît traditionnellement trois centres d’intérêts.
Tout d’abord, elle vise à expliquer, en mobilisant les enseignements de la
science économique, les comportements des destinataires de normes juridi-
ques par rapport à celles-ci – notamment l’obéissance et la désobéissance
vis-à-vis de la norme. Ce courant s’est d’abord attaqué aux domaines expli-
citement économiques (tels que le droit de la concurrence ou le droit fiscal)
puis, depuis Calabresi (1027) et Coase (1028), à tous les domaines de la vie
juridique (du droit des obligations au droit judiciaire, en passant par le
droit administratif et le droit de la propriété) (1029). Ensuite, l’analyse
économique du droit s’intéresse, avec l’émergence des pratiques d’éva-
luation législative, à l’efficience des solutions juridiques retenues ; l’analyse
porte ici sur les coûts engagés pour atteindre le but visé par une norme :
moins une solution juridique engendre de coûts pour atteindre le but visé,

(1026) Sur les écoles de Chicago, L. LESSIG, « The New Chicago School », op. cit. n. 949. Sur
le courant Law and economics en général, voir R.A. POSNER, Economic Analysis of Law, 3ème éd.,
Boston, Little Brown, 1986 et ID., The Economic Structure of the Law. The Collected Economic Essays
of Richard A. Posner, éd. par F. Parisi, Cheltenham, Elgar, 2000.
(1027) G. CALABRESI, « Some Thoughts on Risk Distribution and the Law of Torts » in Yale
L.J., 1961, vol. 80, p. 499 et seq.
(1028) R.H. COASE, « The Problem of Social Cost » in J.L. & Econ., 1960, vol. 3, p. 1 et seq.
(1029) Sur cet aspect du courant Law and economics, R.A. POSNER, Economic Analysis of Law,
op. cit. n. 1026, p. 19.

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344 RÉGULATION PAR LES ODR

plus elle est efficiente (1030). Finalement – l’analyse économique du droit


prend ici une position normative et non plus simplement descriptive –,
nombre de tenants de ce courant de pensée soutiennent que la simple
régulation de certains secteurs économiques par les forces du marché est
plus efficiente et tout aussi efficace que la réglementation étatique. Ils en
concluent que l’État doit rester en dehors de ces secteurs, qu’il doit les
abandonner à l’autorégulation (1031).
La « nouvelle école de Chicago », approche que nous suivrons ici,
s’inspire de ces trois perspectives tout en retenant une conception réso-
lument utilitariste de l’économie, c’est-à-dire qu’elle utilise les lois du mar-
ché à des fins d’ingénierie sociale. Elle conclut principalement que, si les
forces du marché sont effectivement capables de produire une importante
contrainte économique et donc de piloter les comportements, ces forces
doivent être contrôlées, instrumentalisées par le droit étatique, seul protec-
teur des valeurs non économiques et seul garant d’une certaine éthique et
de la représentation démocratique (1032). Toutefois, cette approche admet
aussi que les forces économiques ne peuvent pas seulement être instru-
mentalisées par le droit étatique, mais par tout ordonnancement juridique.
C’est essentiellement cette dernière idée, par ailleurs déjà reçue par les

(1030) L. UUSITALO, « Efficiency and legitimation : criteria for the evaluation of norms » in
Ratio iuris, 1989, p. 194 et seq.
(1031) Cet argument étant extrêmement courant, on ne fera référence ici qu’à sa place dans la
continuité du mouvement en général et de l’école de Chicago en particulier : G.S. CRESPI, « Does
the Chicago School Need to Expand Its Curriculum ? » in Law & Soc. Inquiry, 1997, vol. 22,
p. 149 et seq. et L. LESSIG, « The New Chicago School », op. cit. n. 949, p. 674.
(1032) Sur l’analyse économique du droit et le débat entre les tenants de l’autorégulation et de
la réglementation étatique, voir I. AYRES et J. BRAITHWAITE, Responsive regulation : transcending
the deregulation debate, New York, Oxford Univ. Press, 1992, plus spéc., pp. 1-4 ; plus spécifique-
ment sur le droit de l’environnement et la protection par les forces du marché de valeurs non
économiques, voir E.D. ELLIOTT, « Recipe for Industrial Policy : Blending Environmentalism
and International Competitiveness » in Can.–U.S. L.J., 1993, vol. 19, p. 303 et seq., plus spéc.
p. 313 ; à propos de l’analyse économique du droit appliquée au droit de l’environnement, et no-
tamment des bons de pollution, de véritables droits à la pollution cessibles d’une entreprise à une
autre dans une même zone géographique, voir T. TIETENBERG, Environmental and Natural
Resource Economics, 6ème éd., Boston, Addison-Wesley, 2003. Pour une intégration de ces travaux
dans l’évolution de l’analyse économique du droit et dans la question générale de l’ingénierie so-
ciale, voir L. LESSIG, « The New Chicago School », op. cit. n. 949, pp. 673–674.

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EFFECTIVITÉ 345

penseurs de la régulation du cyberespace (1033), que nous retiendrons pour


l’appliquer aux ODR.
Si un exemple de l’effectivité juridique garantie par la contrainte éco-
nomique s’impose ici, le plus connu, hors du contexte du cyberespace, est
probablement celui des taxes d’incitations (1034). Si l’on reprend égale-
ment l’exemple de la consommation de cigarettes, on se rappellera les ten-
tatives de la plupart des États européens et de l’Union européenne de
diminuer le tabagisme en augmentant les taxes sur la vente de cigarettes,
entraînant une baisse de la consommation. Le but de la norme (diminuer le
tabagisme) est atteint au travers du marché de la cigarette, qui assure une
certaine effectivité instrumentale à la norme, sans que celle-ci recoure à la
contrainte physique, puisque la consommation de tabac n’est pas interdite.
L’effectivité est assurée par la contrainte économique : le prix d’un paquet
de cigarettes est une contrainte tout à fait réelle pour la plupart des
consommateurs, limitant leur capacité à fumer. Si l’on change ce prix, on
modifie la contrainte (1035).
Sur Internet, et plus spécifiquement dans le contexte du commerce élec-
tronique, l’exemple le plus fréquemment relevé est celui de l’accréditation,
qui s’exprime sur les sites web par des labels ou certificats. Hors ligne,
l’accréditation d’un acteur privé par un autre acteur privé, soumise à des
conditions exprimées par des normes juridiques étatiques, est souvent
considérée comme un instrument de pilotage par l’État des activités de

(1033) Y. POULLET, « Les diverses techniques de réglementation d’Internet », op. cit. n. 913,
p. 589, abordant les pratiques de certification, qui sont des labels de qualité visant à assurer à leurs
bénéficiaires un avantage économique ; Poullet conclut ainsi que « la certification présente une
solution qui peut être complémentaire soit à une source normative étatique, soit à l’autorégulation,
dans la mesure où elle se référera soit à une loi, soit à un code de bonne conduite ».
(1034) La légistique (science de la législation) nous enseigne un nombre important
d’instruments financiers incitatifs. Parmi ceux-ci, l’on mentionnera les subventions, les avantages
fiscaux, l’octroi ou la facilitation de crédit, les taxes d’orientation, les marchés artificiels (par exem-
ple la création de bons de pollution, voir n. 1032 supra), les labels de qualité attribués par l’État
(soit un instrument indirect améliorant la position économique du bénéficiaire, créant ainsi une
incitation à obtenir le label et donc à se conformer à la loi) : J.-D. DELLEY, « Penser la loi. Intro-
duction à une démarche méthodique » in Légistique formelle et matérielle, s. dir. Ch.-A. Morand,
Aix-en-Provence, Presses Universitaires d’Aix-Marseille, 1999, p. 81 et seq., spéc. pp. 104–106.
Voir aussi Ch.-A. MORAND, « Éléments de légistique formelle et matérielle » in ibid., p. 17 et seq.
(1035) L. LESSIG, Code and other Laws of Cyberspace, op. cit. n. 949, p. 87.

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346 RÉGULATION PAR LES ODR

l’acteur accrédité (1036). Ce pilotage peut notamment reposer sur un mé-


canisme économique, l’accréditation constituant un avantage économique
sur un marché donné, par exemple parce qu’il incite la confiance
d’acheteurs potentiels (1037). Dans l’environnement dématérialisé et en
manque de confiance qu’est le cyberespace, le repère constitué pour les
internautes par la présence d’un label sur le site web peut représenter un
avantage économique particulièrement important pour l’acteur en bénéfi-
ciant (en principe un fournisseur de biens ou de services sur Internet).
L’attribution ou le retrait d’un label pouvant être soumis à des normes juri-
diques étatiques ou privées, il apparaît d’emblée que le producteur de ces
normes, celui qui les applique à un cas particulier et celui qui a le pouvoir
effectif d’ordonner l’attribution ou le retrait disposent d’un pouvoir de
contrainte économique sur l’acteur désirant obtenir ou conserver ce la-
bel (1038). Nous y reviendrons dans la prochaine section, où nous replace-
rons les labels dans le contexte de leur utilisation par les ODR.

SOUS-SECTION III. — CONTRAINTE


ARCHITECTURALE

Le courant Law and economics a enseigné l’importance pour le droit de


comprendre les spécificités des relations qu’il entretient avec l’économie
pour qu’une norme puisse sortir les effets (matériels) voulus. Il a notam-
ment montré comment le droit peut utiliser les forces du marché pour arri-
ver à ses fins. De manière similaire, la problématique contemporaine de la
régulation du cyberespace rappelle avec une clarté particulière que le droit,

(1036) Cette forme de régulation s’inscrit dans l’idée plus générale que le contrat peut consti-
tuer à la fois un objet de régulation (régulation immédiate par l’État) et un instrument de régula-
tion (régulation médiate à travers le contrat) : M.A. FRISON-ROCHE, « Le contrat et la
responsabilité : consentement, pouvoirs et régulation économique » in RTD civ., 1998, p. 43 et
seq.
(1037) C. SCOTT, « Private Regulation of the Public Sector : A Neglected Facet of Contem-
porary Governance » in J. Law & Soc., 2002, vol. 29, p. 56 et seq., spéc. pp. 64–65 :
« l’accréditation renforce la régulation publique du secteur privé plus qu’elle n’agit comme une
forme privée de régulation » (trad. par l’auteur) et C.C. HAVIGHURST, « The place of private
accrediting among the instruments of government », op. cit n. 1006, p. 3.
(1038) Sur l’idée que les contrats de certification participent à la régulation du cyberespace, voir
S. PARISIEN et P. TRUDEL, L’identification et la certification dans le commerce électronique, op. cit n.
1006, P. TRUDEL et al., Droit du Cyberespace, op. cit. n. 1003, p. 3/34 et O. CACHARD, La régula-
tion internationale du marché électronique, Paris, LGDJ, 2002, pp. 271–322.

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EFFECTIVITÉ 347

pour être effectif, ne dispose pas uniquement du mécanisme de la menace


d’une sanction, qui intervient nécessairement ex post, mais qu’il peut aussi
mettre en œuvre des contraintes concomitantes à l’action (1039). Le droit
ne peut pas seulement dissuader ses destinataires d’adopter certains com-
portements. Il peut aussi tenter de rendre ses comportements impossibles
ou plus difficiles à entreprendre. Il en va ici de l’idée de la contrainte ar-
chitecturale, c’est-à-dire de l’idée selon laquelle l’environnement dans le-
quel un acteur évolue rend certains comportements possibles, et d’autres
impossibles ou simplement difficiles à poursuivre. Déjà largement abordé
lors de nos réflexions sur la régulation par la technique (1040), on en rap-
pellera ici simplement les grandes lignes.
Les lois de la nature ne me permettent pas de voler par mes propres
moyens, de voir à travers certaines matières, d’arrêter de respirer, etc.
Quand cet environnement qui me limite dans mes actions, qui me
contraint à faire certaines choses et à ne pas en faire d’autres, est construit
et non donné par la nature, on le qualifiera d’architecture (1041). L’archi-
tecture ou l’environnement construit influence, voire détermine les com-
portements des personnes qui y sont exposées (1042). Une porte délimite
une pièce, et si elle est fermée, elle empêche d’y entrer. Les menottes du
captif l’empêchent de se défendre contre son gardien. Les ralentisseurs sur
les routes interdisent aux voitures de dépasser une certaine vitesse – ce n’est
probablement pas sans raison qu’ils ont reçu en Suisse et dans certains pays
d’Amérique latine le nom évocateur de « gendarmes couchés ». Le bridage
des moteurs, quand il existe, contraint le conducteur d’un véhicule à ne pas

(1039) L. LESSIG, « Law Regulating Code Regulating Law » in Loy. U. Chi. L.J., vol. 35,
2003, p. 1 et seq., spéc. pp. 1–2.
(1040) Voir par exemple Section III. — Deuxième modèle : la régulation par la technique,
p. 123 et seq. supra et Sous-section III. — Contrainte architecturale, p. 346 et seq. supra.
(1041) La notion d’architecture, au sens que nous voulons lui donner ici, est donc celui
d’environnement construit. En ce sens, voir T.J. BARTUSKA et G.L. YOUNG (éds), Built Environ-
ment : A Creative Inquiry into Design and Planning, Menlo Park, Californie, Crisp, 1994 et L.
LESSIG, Code and other Laws of Cyberspace, op. cit. n. 949, p. 236 : « the constraint of architecture –
the way the world is, or the ways specific aspects of it are. Architects call it the built environment ;
those who don’t give out names just recognize it as the world around them. »
(1042) L’idée trouve notamment son expression dans certains travaux de Michel Foucault, voir
notamment M. FOUCAULT, Surveiller et punir. Naissance de la prison, Paris, Gallimard, 1975, qui
écrit que les procédures pour surveiller, dresser et contrôler les individus qui se développèrent du
16ème au 19ème siècle prennent par exemple la forme de modifications architecturales.

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348 RÉGULATION PAR LES ODR

dépasser une certaine vitesse. La contrainte est imposée par l’environ-


nement construit, par l’architecture de l’espace dans lequel évolue le desti-
nataire de cette norme. En termes purement juridiques, on dirait qu’elle est
imposée de fait, mais en réalité il est plus exact de dire qu’elle est, à tout le
moins dans certaines situations, imposée par une norme juridique : le bri-
dage des moteurs et les ralentisseurs sont le bras armé, l’instrument
d’effectivité, du règlement ou de la loi visant à limiter la vitesse.
Le cyberespace est un environnement entièrement construit, aucune-
ment naturel. Il s’agit, pour ainsi dire, d’un espace purement architectural.
La technologie y rend certains actions possibles ou impossibles, aisées ou
difficiles à réaliser, constituant ainsi un « facteur incontournable de la nor-
malisation des comportements dans les environnements dématériali-
sés » (1043). La contrainte architecturale est donc ici plus spécifiquement
technologique. Un site web, par exemple, délimite un espace. Un mot de
passe m’empêche d’y pénétrer. Dans certaines parties du cyberespace, je
peux communiquer avec quelqu’un en assurant la confidentialité totale de
mes messages, parce que le site web me permet de crypter les échanges
d’informations. Sans certains logiciels, qui me permettent d’utiliser certains
protocoles de communication, je ne peux pas me rendre dans certaines par-
ties du cyberespace. Sans adresse IP, tout accès à Internet me reste fermé.
On le voit : la technologie constitue une contrainte du type architectu-
ral (1044). Comme l’indique Ethan Katsh, dans les environnements élec-
troniques, le programmeur est l’« architecte » décidant ce qui sera possible
ou impossible, aisé ou difficile à réaliser (1045). L’exemple évoque l’idée –
but de notre argumentaire – que la technologie peut être instrumentalisée
par le programmeur pour mettre en œuvre certaines normes. Tout régula-
teur, tout producteur de normes, peut se servir de la technologie pour
contraindre ses destinataires à se comporter d’une certaine manière.
Comme l’écrit Lawrence Lessig, « le droit peut être amené à réguler

(1043) E. LABBÉ, « La technique dans la sphère de la normativité : aperçu d’un mode de ré-
gulation autonome » in Juriscom.net, 2000, <www.juriscom.net>, p. 1. Aussi J. REIDENBERG,
« Lex Informatica : The Formulation of Information Policy Rules Through Technology » in Tex.
L. Rev., 1998, vol. 76, p. 553 et seq., spéc. p. 554.
(1044) L. LESSIG, Code and other Laws of Cyberspace, op. cit. n. 949, pp. 85–108.
(1045) E. KATSH, « Software Worlds and the First Amendment : Virtual Doorkeepers in
Cyberspace » in U. Chi. Legal F., 1996, p. 335 et seq., spéc. p. 340.

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EFFECTIVITÉ 349

l’architecture du cyberespace de manière à ce que cette architecture sorte les


effets nécessaires à atteindre les buts du droit » (1046).

Section VI. — Mécanismes d’autoexécution


et ODR

« Dans les communautés modernes appliquant leur droit propre » écrivait


Max Weber, « les garants du droit ont toujours le caractère d’un juge ou
d’un autre organe [équivalent] » (1047). Plus avant, François Ost et Michel
van de Kerchove reconnaissent, dans un ouvrage synthétisant des décennies
de recherches en théorie du droit, que le juge est le « régulateur privilégié
du réseau » (1048). En d’autres termes, c’est la centralité des lieux de réso-
lution des litiges dans les structures contemporaines du pouvoir qui est
relevée ici. Il s’agit pour nous d’analyser les potentialités de cette affirma-
tion au regard de son application aux ODR et à la régulation du cyber-
espace et plus particulièrement du commerce électronique. Jusqu’ici, nous
avons théorisé les différentes modalités de contrainte auquel le droit (c’est-
à-dire tout ordonnancement juridique) peut recourir. Ces modalités peu-
vent conduire les ODR vers cette centralité évoquée, en conférant à leur
régulation un taux important d’effectivité et par là un avantage compétitif
vis-à-vis d’autres producteurs de droit pour le cyberespace (1049). Il nous
faut maintenant expliciter les possibilités concrètes de mise en œuvre de ces
virtualités : les mécanismes d’autoexécution des ODR.

(1046) L. LESSIG, « The New Chicago School », op. cit. n. 949, p. 676. Pour une application
de cette théorie au système des noms de domaine et à l’ICANN, voir par exemple F.C. MAYER,
« The Internet and Public International Law – Worlds Apart ? » in EJIL, 2001, vol. 12, p. 617 et
seq.
(1047) M. WEBER, Économie et société, t. 2, op. cit. n. 943, p. 22.
(1048) F. OST et M. VAN DE KERCHOVE, De la pyramide au réseau ?, op. cit. n. 911, p. 315.
(1049) Pour ne prendre qu’un seul exemple, on rappellera ici brièvement les difficultés
d’efficacité juridictionnelle (donc d’effectivité du droit) auquel les juges doivent faire face dans le
cyberespace, comme l’affaire Yahoo l’avait montré avec tant de clarté ; c’est ainsi que Cyril Rojinski
a pu écrire que « le juge ne se demande plus seulement ‘suis-je compétent pour me prononcer ?’,
mais ‘quelle peut être l’efficacité concrète des mesures que je souhaite prendre ?’ » : C. ROJINSKI,
« Cyberespace et nouvelles régulations technologiques » in D., 2001, chron., p. 845 et seq., spéc.
p. 845.

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350 RÉGULATION PAR LES ODR

Avant de nous tourner vers une typologie des mécanismes


d’autoexécution à la disposition des ODR, relevons encore le parallèle sui-
vant : ces mécanismes constituent en quelque sorte l’équivalent pour les
ordonnancements juridiques privés de l’appareil coercitif public pour l’ordre
juridique étatique (1050). À l’appareil coercitif étatique, seul l’État et ses
délégataires ont un accès direct ; ils sont les seuls à disposer de
l’imperium (1051) ; l’accès de tous les autres acteurs juridiques est soumis
aux conditions posées par l’ordre juridique étatique (1052). Aux appareils
coercitifs non étatiques que constituent les mécanismes d’autoexécution, les
ODR peuvent accéder directement, sans remplir les conditions posées par
le droit étatique ; ce n’est en effet pas l’appareil étatique de coercition qui
est requis. On l’a compris : si dans bien des cas les ordonnancements juri-
diques privés ont besoin du secours de la force publique (1053) (on pense,

(1050) Rappelons que c’est en principe le système étatique qui assure l’exécution des actes ju-
ridiques qu’il veut bien reconnaître, en menaçant du recours à la force, dont il a le monopole ; les
États ont la « souveraineté quant à l’usage de la contrainte pour faire exécuter [les] jugements
[étrangers et] les autorités nationales restent seules compétentes pour exécuter par la force ces
décisions » et tout autre acte juridique, comme notamment les résultats des procédures extrajudi-
ciaires de résolution des litiges : Ch. JARROSSON, « Réflexions sur l’imperium », op. cit. n. 955,
pp. 249–250.
(1051) L’imperium, comme nous l’avons vu, est la prérogative appartenant à l’État de recourir à
la force et à la contrainte physique (c’est-à-dire l’appareil coercitif étatique), notamment pour faire
exécuter les jugements. Elle est déléguée, dans une certaine mesure, au juge, mais non aux acteurs
de la résolution extrajudiciaire des litiges, et notamment pas à l’arbitre : ibid., pp. 278–279. Le juge
et l’arbitre ont tous deux la jurisdictio, c’est-à-dire le pouvoir de dire le droit, mais le premier dis-
pose d’un accès nettement privilégié par rapport au second de mettre en œuvre l’appareil coercitif
étatique. L’arbitre ne dispose pas de l’imperium parce qu’il fonde ses pouvoirs non sur une déléga-
tion de l’État, mais sur la seule volonté des parties. Pour plus de précisions et sur les différentes
composantes de la notion d’imperium, dont la prise en considération ici ne ferait qu’alourdir
l’argumentation, voir ibid., p. 260 et seq. Sur tout ceci, voir aussi Sous-section I. — L’appareil
coercitif étatique et la contrainte physique, p. 318 supra.
(1052) Pour une approche gradualiste de la capacité des systèmes de résolution des litiges
d’accéder à l’appareil coercitif étatique, voir par exemple M. SHAPIRO, Courts : a comparative and
political analysis, Chicago, Chicago Univ. Press, 1983, p. 7 : « we often distinguish the arbitrator
from the mediator on the basis that the arbitrator’s decisions are subsequently enforceable by court
action. Judges are furthest along the spectrum toward complete enforcement, typically having
means to tap the organized forces of coercion in the society to enforce their solution. »
(1053) Voir par exemple, dans le contexte du cyberespace, G.K. HADFIELD, « Privatizing
Commercial Law : Lessons from ICANN » in J. Small & Emerging Bus. L., 2002, vol. 6, p. 257 et
seq., spéc. p. 267 « markets for private legal regimes require that the public regime ‘lend’ its coer-
cive power to the enforcement of private legal rules » et M.J. RADIN and R.P. WAGNER, « The
Myth of Private Ordering : Rediscovering Legal Realism in Cyberspace » in Chi-Kent L. Rev.,
1998, vol. 73, p. 1295 et seq., spéc. pp. 1298–1309.

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EFFECTIVITÉ 351

par exemple, au juge d’appui en matière d’arbitrage), les mécanismes


d’autoexécution contournent ce besoin et assurent à l’ordonnancement
privé une plus grande autonomie.
Tout ordonnancement juridique doit disposer d’un système de
contrainte pour être effectif (1054), tout mécanisme de résolution des liti-
ges doit être ancré dans, ou rattaché à, un système d’exécution (1055). En
principe, ce système de contrainte ou d’exécution est l’appareil coercitif
étatique, mais nous avons vu qu’il peut y en avoir d’autres ; dans ce cas ils
constituent ce que nous voulons appeler ici les mécanismes d’auto-
exécution.
Pour un grand nombre des litiges soumis à la résolution en ligne, les mé-
canismes d’autoexécution des résultats des procédures (sentences, décisions,
accords) constituent un facteur crucial d’effectivité instrumentale, pour des
raisons de coûts. En l’absence de tels mécanismes d’autoexécution, les pro-
cédures d’exécution peuvent en effet impliquer des frais non négligeables.
Ainsi, si le résultat de la procédure ODR est un contrat (par exemple après
une médiation ou une négociation en ligne), une action judiciaire ordinaire
en exécution du contrat sera en principe nécessaire, suivie d’une procédure
d’exécution forcée. S’il s’agit d’une sentence arbitrale, une procédure som-
maire d’exécution pourra être intentée (1056). Toutefois, quelle que soit la

(1054) En principe, pour qu’une norme ou un droit soit effectif, pour qu’il puisse disposer d’un
pouvoir de contrainte, il devra se conformer aux exigences posées par le droit étatique pour recon-
naître une telle norme ou un tel droit. Une telle norme (qui peut d’ailleurs être générale et abstraite
ou individuelle et concrète comme une décision, une sentence arbitrale, un accord de médiation)
devra satisfaire aux conditions du droit étatique pour assurer son exécution grâce à la menace du
recours à la force, qui est le fondement de l’exécution forcée.
(1055) Pour une application de cette perspective à l’arbitrage en ligne, concluant qu’il doit sa-
tisfaire aux conditions d’accès à l’appareil coercitif étatique posé par le droit étatique, voir J.L.
GOLDSMITH et L. LESSIG, « Grounding the Virtual Magistrate », NCAIR Dispute Resolution
Conference, Washington DC, 22 mai 1996, <mantle.sbs.umass.edu/vmag/groundvm.htm>.
(1056) Il est vrai qu’après une procédure de résolution des litiges satisfaisante, la plupart des
parties s’exécutent volontairement. Toutefois, les cas où la contrainte est mise en œuvre pour
arriver à une exécution forcée comptent comme référence pour tous les autres cas. La menace de
l’exécution forcée constitue un vecteur important du conformisme des parties débitrices. Sur ces
questions, voir par exemple A.S. RAU, « Contracting out of the arbitration act » in Am. Rev. Int’l
Arb, 1997, vol. 8, p. 225 et seq., spéc. p. 242 : « the parties may think of a trial run of their case,
ending in a prediction by a neutral expert, which may cause the more recalcitrant among them to
reassess their own partisan estimates of the likely outcome of adjudication », et pour les modes en
ligne, E. KATSH and J. RIFKIN, Online Dispute Resolution, Resolving Conflicts in Cyberspace, San
Francisco, Jossey-Bass, 2001, p. 108-109: « while a loser in such a process could still go to court, it

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352 RÉGULATION PAR LES ODR

procédure applicable, le coût de ces actions, surtout si elles sont intentées


pour de faibles valeurs litigieuses et plus encore si elles le sont dans des
États éloignés, pourrait constituer une barrière prohibitive à la démarche
visant à obtenir l’exécution forcée (1057). Si la partie débitrice refuse de
s’exécuter volontairement après la procédure en ligne, le créancier devra
souvent se résigner à accepter que la procédure en ligne a été menée en
vain (1058).
Les mécanismes d’autoexécution fonctionnent en principe tous par le
contrôle d’une ressource précieuse pour les parties ; parfois il s’agit de la
ressource en jeu elle-même. C’est ce contrôle, comme nous l’avons examiné
ci-dessus, qui leur permet d’exercer une certaine contrainte sur les parties
en vue d’atteindre le but de la norme individuelle et concrète que constitue
le résultat de la procédure en ligne. Si la ressource en jeu est elle-même
contrôlée (par exemple les sommes d’argent contestées), nous qualifierons
le mécanisme d’autoexécution de direct, s’il s’agit d’une autre ressource que
celle qui est en jeu dans le litige, nous le qualifierons d’indirect (1059).

is likely that the litigation option will not be exercised very often if the losing party senses that they
have obtained a fair hearing and that their position was not as persuasive as they might have
thought it was. »
(1057) Voir par exemple L.M. PONTE, « Throwing Bad Money After Bad : Can Online Dis-
pute Resolution (ODR) Really Deliver the Goods for the Unhappy Internet Shopper ? » in Tul. J.
Tech. & Intell. Prop., 2001, vol. 3, p. 55 et seq., spéc. p. 69 : « parties could run into difficulties
when trying to collect on the settlement amount. What happens if a party does not pay the agreed-
upon amount within a reasonable time period ? Cybersettle and any other ODR service cannot
guarantee reasonable compliance or enforce party settlements without some form of judicial assis-
tance » et H.H. PERRITT, « Will the Judgment-Proof Own Cyberspace ? » in Int’l Law., 1998,
vol. 32, p. 1121 et seq., spéc. p. 123 : « the real problem is turning a judgment supported by juris-
diction into meaningful economic relief. The problem is not […] obtaining jurisdiction in a theo-
retical sense. The problem is obtaining meaningful relief. »
(1058) Il est certes vrai que le problème de l’exécution forcée n’est pas nouveau dans le présent
contexte ; toutefois on ne saurait oublier qu’en dehors du cyberespace, les consommateurs ordinai-
res ne s’engagent pas, ou seulement rarement, dans des transactions commerciales internationales
n’impliquant que des montants modestes : L. LESSIG, Code and Other Laws of Cyberspace, op. cit. n.
949, p. 197 : « international agreements for the most part are agreements between sophisticated
actors. Before cyberspace, ordinary consumers were not international actors. »
(1059) Nous avions pu faire les même distinctions dans G. KAUFMANN-KOHLER et Th.
SCHULTZ, Online Dispute Resolution : Challenges for Contemporary Justice, op. cit. n. 936, p. 223 et
seq. Voir aussi G. KAUFMANN-KOHLER, « Commerce électronique : droit applicable et résolution
des litiges », op. cit. n. 983, l’auteur distinguant les « mécanismes augmentant l’incitation de la
partie débitrice à s’exécuter », les « mécanismes d’autoexécution des résultats par le contrôle des
valeurs en jeu » et les « mécanismes d’autoexécution par contrôle technique ». Voir aussi Th.
SCHULTZ, « Online Arbitration : Binding or Non-Binding ? » in ODR Monthly, novembre 2002,

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EFFECTIVITÉ 353

SOUS-SECTION I. — AUTOEXÉCUTION
INDIRECTE : INCITATION

Le but des mécanismes d’autoexécution indirecte est d’inciter la partie dé-


bitrice à s’exécuter. Les ressources contrôlées par ce type de mécanismes –
par exemple la réputation – ne sont pas directement en jeu, elles ne for-
ment pas l’objet du litige.
Les principales formes de l’autoexécution indirecte sont le label, les sys-
tèmes de gestion de la réputation en ligne, l’astreinte, les listes noires et
l’exclusion d’une place de marché. Le label permet d’exercer une certaine
contrainte physique sur l’entité en bénéficiant. La coercition des systèmes
de gestion de la réputation en ligne se fonde sur la contrainte sociale autant
qu’économique. L’astreinte recourt, en définitive, à la contrainte physique.
L’exclusion d’une place de marché met essentiellement à contribution des
contraintes technologiques.

A. — Labellisation des sites web


La labellisation des sites web est un cas particulier de certification (1060).
Celle-ci consiste, de manière générale, dans « la mise en place d’une procé-
dure de vérification de la réalité d’un fait ou de la conformité d’une activité
aux exigences d’un standard prédéfini » (1061). Sur Internet, le label ou

<www.ombuds.org/center/adr2002-11-schultz.html>, K. STEWART et J. MATTHEWS, « Online


Arbitration of Cross-Border, Business to Consumer Disputes » in U. Miami L. Rev., 2002, vol. 56,
p. 1111 et seq., spéc. p. 1139 et seq. et I. KALANKE, Schiedsgerichtsbarkeit und schiedsgerichtsähnliche
Verfahren im Internet, Hambourg, Kovac, 2004, p. 309 et seq.
(1060) Le terme certification est d’ailleurs souvent utilisé pour désigner ce que nous entendons
par labellisation, tout comme les termes marque de confiance ou sceau de confiance (traduisant trust-
marks), sceaux de qualité (adaptation de webseals). Sur ces terminologies, voir notamment B. BRUN,
« Nature et impacts juridiques de la certification dans le commerce électronique sur Internet », op.
cit. n. 1000.
(1061) O. CACHARD, La régulation internationale du marché électronique, op. cit. n. 1038,
p. 274. Voir aussi A. COURET, J. IGALENS, H. PENAN, La certification, Paris, PUF, 1995, p. 9 :
« une procédure par laquelle une tierce partie donne une assurance écrite qu’un produit, un service,
un système, une qualité, un organisme est conforme à des exigences spécifiées ». Pour plus de
précisions, on notera que le certificat est « un acte écrit par lequel une personne, soit un agent
public agissant en sa qualité, soit un simple particulier, atteste un fait dont il a eu connaissance » :
v° « Certificat » in Vocabulaire juridique, s. dir. G. Cornu, 2ème éd., Paris, PUF, 2001. Pour une
discussion de la relation qu’entretiennent commerce électronique, ODR et labels, voir notamment
American Bar Association Task Force on Electronic Commerce and Alternative Dispute Resolu-
tion and Shidler Center for Law, Commerce and Technology, University of Washington,

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354 RÉGULATION PAR LES ODR

certificat prend la forme d’un signe distinctif, un logo, dont l’affichage sur
un site web est contrôlé à distance par l’organisme de certification (1062).
Ce logo est relié à un hyperlien renvoyant vers une page web décrivant les
conditions de la labellisation, c’est-à-dire le standard prédéfini qui doit être
respecté. L’organisme de certification peut être aussi bien une autorité pu-
blique, une autorité administrative indépendante ou une entité purement
privée ; certains organismes d’ODR proposent de tels labels (1063). Dans
le cadre du commerce électronique, l’objet de la certification peut être très
variable, par exemple le respect de la vie privée, les pratiques publicitaires,
certains aspects de transparence des activités commerciales, l’utilisation de
certaines clauses contractuelles, le respect de certaines pratiques commer-
ciales, les mesures de sécurité informatique adoptées, la prise en charge de
litiges ou leur soumission à des modes spécifiques de règlement des diffé-
rends (1064). Les standards de la certification peuvent émaner d’une source
publique ou privée. Dans le deuxième cas, qui nous intéresse plus particu-
lièrement ici, ces standards figurent en principe dans un code de conduite.
Le code de conduite déterminant les standards que le site web certifié
doit satisfaire peut fort bien instaurer le respect des décisions ou autres
résultats de procédures d’un organisme d’ODR comme condition d’attri-

« Addressing Disputes in Electronic Commerce : Final Recommendations and Report » in Bus.


Law, 2002, vol. 58, p. 415 et seq., spéc. pp. 437–440. Voir aussi sous Sous-section II. —
Contrainte économique, p. 342 supra.
(1062) De manière générale, sur la labellisation, on lira D. GOBERT et A. SALAÜN, « La label-
lisation des sites web : classification, stratégies et recommandations » in DAOR, 1999, vol. 51,
p. 83 et seq., S. LOUVEAUX, A. SALAÜN et Y. POULLET, « Protection in Cyberspace, Some
Recommendations » in Info, 1999, vol. 1, p. 521 et seq., spéc. pp. 532–534. Voir aussi K.
STUURMAN, « Legal aspects of standardization and certification in information technology and
telecommunication : an overview », op. cit. n. 1003 et Th. VERBIEST et É. WÉRY, Le droit de l’in-
ternet et de la société de l’information. Droits européen, belge et français, Bruxelles, Larcier, 2001,
p. 557 et seq.
(1063) Voir notamment OnlineConfidence, MARS, NovaForum, SquareTrade et Web As-
sured.
(1064) ABA Task Force on E-Commerce and ADR and Shidler Center, « Addressing Dis-
putes in Electronic Commerce : Final Recommendations and Report », op. cit. n. 1061, pp. 437–
440, retenant comme objets de certification les éléments suivants : l’exactitude et la véracité des
informations affichées sur les sites web, les pratiques de marketing, la disponibilité d’informations
concernant le marchand, la disponibilité d’informations concernant les biens ou services offerts, ou
encore les transactions, les possibilités d’annulation du contrat, de retour des marchandises et de
remboursement, la sécurité informatique, le service consommateurs, les garanties, la protection de
la vie privée, le recours ou non aux courriers électroniques non sollicités, la gestion des réclama-
tions et litiges, les systèmes de résolution des litiges à disposition.

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EFFECTIVITÉ 355

bution ou de maintien du label (1065). En cas de non-respect, le label est


retiré. La menace de retrait constitue une contrainte économique visant à
conférer aux résultats des procédures leur effectivité instrumentale. Pour
que le retrait d’un label puisse constituer une contrainte économique réelle,
il est évidemment nécessaire que ce label ait une valeur économique suffi-
sante aux yeux de l’entité certifiée.
Le but d’un label, nous l’avons vu brièvement (1066), est de susciter la
confiance des internautes : les labels constituent des références matérielles
dont les internautes disposent pour évaluer un site web (1067). Pour que ce
système fonctionne, il faut cependant que le label ait acquis une valeur de
référence, qu’il constitue un repère pour l’internaute ; ceci n’est, à ce jour,
que rarement le cas (1068). Toutefois, dans les cas où un label semble
effectivement constituer une telle référence, les avantages économiques
(exprimés en termes d’augmentation du chiffre d’affaires) de la certification
sont réellement substantiels (1069). En d’autres mots, si le label a atteint le

(1065) C’est par exemple la pratique du système d’ODR des Eurochambres, dénommé Online-
Confidence, dans le cadre de son programme OC Trust Seal.
(1066) Voir Sous-section II. — Contrainte économique, p. 342 et seq. supra.
(1067) Voir Section I. — La perte des repères, p. 198 et seq. supra. Voir aussi ABA Task
Force on E-Commerce and ADR and Shidler Center, « Addressing Disputes in Electronic Com-
merce : Final Recommendations and Report », op. cit. n. 1061, p. 437 : « it is considered axiomatic
that the creation of trust and confidence is the most critical factor for an online business to build
and maintain satisfactory customer relationships. One approach to encourage consumer confidence
has been for online sellers to commit to codes of conduct or ‘best practices’ guidelines that have
been developed by various ‘trustmark’ organizations » et J. FONTANA, « Certification plans to help
Web confidence » in Communications Week, 1996, vol. 622, p. 75 et seq.
(1068) Néanmoins, certaines statistiques ont révélé que la majorité des internautes se verraient
rassurés par la présence d’un label sur un site web : voir T. TROMPETTE, « Une nouvelle mission :
la certification des sites Web de commerce électronique », op. cit. n. 1001. D’autres études ont
montré que « la présence de logos appartenant à des compagnies de cartes de crédit n’emporte que
peu de confiance de la part des consommateurs, bien qu’ils soient universellement reconnus. Par
contre, des certificats de sécurité électronique, tels celui de VeriSign, quand ils sont reconnus,
créent réellement la confiance » : Cheskin Research and Studio Archetype / Sapient, « Commerce
Trust Study », op. cit. n. 1001. Pour des recommandations incitant les commerçants à faire certifier
leurs sites et suggérant aux consommateurs de rechercher la présence de tels certificats : Industrie
Canada, « Magasiner dans Internet. Renseignez-vous », op. cit. n. 1002 et recommandation du 8
novembre 1999, <strategis.ic.gc.ca/SSGF/ca01187f.html>, et ID., « Votre commerce dans Inter-
net. Gagner la confiance des consommateurs », op. cit. n. 1002.
(1069) Sur la label SquareTrade, par exemple, voir S. ABERNETHY, « Building Large-Scale
Online Dispute Resolution & Trustmark Systems » in Online Dispute Resolution (ODR) : Technol-
ogy as the “Fourth Party”, Amherst, Mass., Publ. des Nations unies et de l’Université de
Massachusetts, 2003, p. 70 et seq., spéc. p. 85 : « the seal program has already been adopted by

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356 RÉGULATION PAR LES ODR

statut de repère pour l’internaute consommateur, il a par là acquis une cer-


taine valeur commerciale pour le site marchand.
Dès lors que le label a une valeur commerciale et que l’institution
d’ODR a le pouvoir d’obtenir le retrait du label si la partie débitrice refuse
de s’exécuter, cette institution contrôle une ressource ayant une valeur pour
l’une des parties en cause. Elle dispose en conséquence d’un pouvoir de
contrainte économique sur celle-ci (1070). Le label est utilisé ici comme un
instrument de coercition à la disposition de l’organisme d’ODR ; le risque
de se voir retirer le label incite la partie certifiée à s’exécuter. Il est toutefois
vrai que la contrainte est asymétrique, dans le sens où elle ne s’exerce que
sur la partie au bénéfice du label et, dans la plupart des cas, seule l’une des
parties au litige sera dans cette situation (1071).

tens of thousands of sellers in over 80 countries, representing an annual run rate of over $1billion
in seal member sales. Analysis shows an average increase in sales of over 15% after seal members
display the seal on their auction listings (based on weighted average of a full year of user data
comparing the month prior to use to the first month of use of the Seal in item listings). »
(1070) A. CRUQUENAIRE et F. DE PATOUL, « Le développement des modes alternatifs de rè-
glement des litiges de consommation : Quelques réflexions inspirées par l’expérience ECODIR »
in Lex Electronica, 2000, vol. 8, no 1, <www.lex-electronica.org/articles/v8-1/cruquenaire-patoul.-
htm>, §§ 40–41 : « il semble également souhaitable de coupler l’ADR à un système de labellisa-
tion, afin de trouver un moyen d’assurer une mise en œuvre des accords ou recommandations
émanant d’ECODIR. En effet, le label permettrait de contraindre contractuellement les commer-
çants à exécuter les solutions trouvées via la plateforme ECODIR […] L’émergence des codes de
conduite au sein du commerce électronique vise à répondre au besoin de régulation face au
contexte sans cesse évolutif et polymorphe de la société de l’information […] Le label, le code de
conduite et un ADR tel qu’ECODIR seraient en mesure de remplir ce besoin de sécurité dont
manque le commerce électronique, et cela, grâce à des instruments souples et basés sur la bonne
volonté des parties. » Dans le même sens, B. YUNIS, « Rechtsfragen der Online-Mediation » in
Online-Mediation. Neue Medien in der Konfliktvermittlung – Mit Beispielen aus Politik und Wirt-
schaft, s. dir. O. Märker et M. Trénel, Berlin, Sigma, 2003, p. 201 et seq., spéc. pp. 219–220,
arguant qu’un système de retrait d’un label est nécessaire pour accroître l’effectivité instrumentale
de la médiation en ligne. De manière plus générale, B. BRUN, « Nature et impacts juridiques de la
certification », op. cit. n. 1000, p. 13 : « dans le cas du réseau Internet, malgré le fait qu’il s’agisse
d’un réseau ouvert, il n’en demeure pas moins que l’élaboration de standards et l’instauration de la
certification constituent un mode de contrôle de ce nouveau moyen de commercer. »
(1071) ABA Task Force on E-Commerce and ADR and Shidler Center, « Addressing Dis-
putes in Electronic Commerce : Final Recommendations and Report », op. cit. n. 1061, pp. 456–
457 : « the ADR providers can take additional steps in regard to sellers that have trustmark ac-
creditation, since repeated refusal to comply with settlements or awards would be a cause to revoke
the seller’s right to display the trustmark. Unfortunately, this remedy is asymmetric (no such
sanction can be levied against buyers unless they also happen to be trustmarked sellers), and
underinclusive (many sellers are unaccredited). »

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EFFECTIVITÉ 357

B. — Listes noires
Les listes noires se conçoivent essentiellement comme un complément aux
labels, permettant une réaction plus graduelle que le retrait pur et simple de
celui-ci. Par listes noires, nous entendons des rapports indiquant les noms
des cybermarchands n’ayant pas exécuté le résultat d’une procédure en li-
gne. De préférence liées à un label pour faciliter leur accessibilité – pour
qu’elles puissent être trouvées par les internautes envisageant de passer un
contrat avec un cybermarchand donné – ces listes pourraient constituer une
mise en œuvre de l’exigence de naming and shaming, souvent adressée au
commerce électronique en général. Pour leur donner plus de poids, on
pourrait également envisager la publication des circonstances du litige. De
telles listes permettraient toute une gamme de mentions concernant les
manquements du site certifié, permettant ainsi une approche plus souple
que la révocation du label.
Afin d’éviter une possible responsabilité pour diffamation, l’existence de
ces listes devrait toutefois être prévue contractuellement, par exemple dans
le contrat de certification (1072).
Le but de telles listes noires serait, à nouveau, de faciliter l’émergence
d’une réputation en ligne, de donner aux internautes des repères pour
l’établissement de leur confiance dans un site marchand. La contrainte a ici
une composante économique, par la publicité négative produite, et une
composante sociale, par la publication de comportements socialement ré-
préhensibles. Il est vrai que plus l’internaute doit entreprendre des recher-
ches longues et difficiles pour trouver sur une telle liste la mention du mar-
chand avec lequel il entend passer contrat, plus la contrainte sera faible. Il
serait en conséquence utile de prévoir par exemple une mention particulière

(1072) Une telle affaire de diffamation avait notamment été intentée aux États-Unis contre
l’entreprise BadBusinessBureau.com, <www.badbusinessbureau.com>, qui affichait une liste conte-
nant des commentaires de consommateurs en ligne ayant eu un litige avec un cybermarchand.
L’entreprise n’avait aucune relation contractuelle avec les cybermarchands visés qui lui aurait
expressément permis de publier de tels commentaires. Le tribunal, qui s’était déclaré incompétent
pour des raisons tenant aux spécificités du droit international privé américain, laissa entendre que
l’entreprise publiant la liste aurait été tenue responsable si elle avait elle-même rédigé ces com-
mentaires. En d’autres termes, un centre d’ODR rédigeant et publiant des commentaires vouant
aux gémonies des cybermarchands qui n’auraient pas exécuté les obligations découlant du résultat
de la procédure ODR pourrait, selon cet arrêt, être poursuivi pour diffamation. Voir Hy Cite c.
BadBusinessBureau.com, 2004 U.S. Dist. LEXIS 206 (W.D. Wi.).

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358 RÉGULATION PAR LES ODR

sur le label auquel cette liste serait reliée, un signe distinctif indiquant la
présence ou l’absence du marchand certifié sur la liste.

C. — Systèmes de gestion de la réputation


Un système de gestion de la réputation (reputation management system) est
un mécanisme de gradation de la réputation d’un internaute basé sur les
informations données en retour (feedback) par ses partenaires contractuels.
Sur certaines places de marché, telles qu’eBay, chacune des parties à une
transaction est invitée, à l’issue de celle-ci, à s’exprimer sur le compor-
tement de l’autre partie : « a-t-elle payé à temps ? », « a-t-elle livré à
temps ? », « quel était l’état de la marchandise ? », « qu’a-t-elle fait à la suite
de votre réclamation ? », etc. (1073). Tout commentaire neutre ou positif
permet à la partie visée par celui-ci de gagner des « points de réputation »
et tout avis négatif conduit à leur retrait (1074). Le capital de points de
réputation de chaque acteur de cette place de marché est affiché en perma-
nence sur sa fiche personnelle (son profil), accessible à tous, et sur l’image
de son avatar (1075), qui apparaît à l’écran de tout partenaire contractuel
potentiel. Le système de gestion de la réputation permet de connaître les
« antécédents en matière de transactions » (1076), c’est-à-dire d’établir,
dans ses grands traits, un historique des transactions de chaque acteur,

(1073) Pour une description de ce système, qualifié par eBay d’« évaluations », <pages.ebay.fr/-
services/forum/feedback.html> : « grâce aux évaluations, vous disposez d’informations sur vos
interlocuteurs, vous pouvez connaître leur réputation et exprimer votre opinion en laissant des
commentaires d’évaluation concernant vos transactions. Les commentaires des membres permet-
tent aux millions d’acheteurs et vendeurs eBay de gagner la confiance des autres membres et de
partager leur expérience […] Chaque membre eBay possède un Profil d’évaluation qui contient des
informations de base le concernant, ainsi que la liste des évaluations laissées par les autres membres
avec lesquels il a effectué des transactions. La réputation d’un membre eBay est fortement influen-
cée par les évaluations laissées par les utilisateurs qui ont déjà effectué des transactions avec lui. »
(1074) Ibid. : « pour chaque transaction, seuls le meilleur enchérisseur / acheteur et le vendeur
peuvent réciproquement évaluer leurs transactions à l’aide de commentaires d’évaluation. Une
évaluation peut être positive, négative ou neutre et est constituée d’un bref commentaire. Faire
preuve d’objectivité dans les commentaires laissés sur un membre eBay permet aux autres membres
de la communauté de se faire une idée assez précise du comportement de ce membre. En effet, les
évaluations laissées dans le Profil d’évaluation du membre concerné ne peuvent être retirées que
dans de très rares cas. »
(1075) L’avatar est, par référence à la religion hindoue, l’incarnation en ligne d’une personne,
son représentant virtuel.
(1076) Voir <pages.ebay.fr/help/community/index.html>.

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EFFECTIVITÉ 359

compensant ainsi la désocialisation et le manque de réputation naturelle qui


affectent le cyberespace en général (1077).
À observer le comportement des différents acteurs de cette place de mar-
ché, cette « réputation électronique » a une importance centrale. On peut
ainsi fréquemment lire, dans le descriptif des offres ou demandes de biens
ou de services, des affirmations telles que « plus de 100 transactions effec-
tuées sans aucun point négatif ». Il semble aller de soi qu’à offre ou de-
mande égale, l’acteur avec le plus grand nombre de points de réputation
décrochera l’affaire. L’attribution d’un point négatif est une réelle stigma-
tisation de l’acteur concerné. Se débarrasser d’un tel stigmate constitue un
enjeu commercial important.
Dans le système d’eBay, un acteur ne peut en principe se débarrasser
d’un point de réputation négatif qu’en se soumettant à une procédure de
règlement des différends, conduite en ligne par l’organisme d’ODR
SquareTrade, et de se conformer au résultat de cette procédure.
L’organisme d’ODR contrôle ici, à travers eBay, le retrait des points né-
gatifs de réputation. Ceux-ci présentent, on l’a vu, une valeur commerciale
qui peut être réellement significative.
La ressource contrôlée dans ce cas est la réputation des acteurs. Les mo-
dalités de contrainte sont duales : économique et sociale. La contrainte
économique repose sur le contrôle des points de réputation, qui ont une
valeur économique. La contrainte sociale est plus diffuse ; son principal
mode opératoire est la publication des comportements des acteurs par la
création d’historiques, permettant aux normes sociales existantes de trouver
application dans un cas concret, ce qui peut conduire à l’ostracisme éco-
nomique et social de la communauté eBay. Un deuxième mode opératoire
de la contrainte sociale est, justement, le renforcement de cette communauté
en ligne, par la création, au travers de l’historique transactionnel et des
avatars, d’une temporalité suffisante à l’émergence de réseaux de socia-
bilité : on peut savoir ce que l’autre a fait dans le passé, condition indis-
pensable à la construction d’une relation sociale (1078). Un troisième mode

(1077) Voir Section I. — La perte des repères, p. 198 et seq. supra.


(1078) Voir par exemple K. LYNCH, The Forces of Economic Globalization : Challenges to the Re-
gime of International Commercial Arbitration, La Haye, Kluwer, 2003, p. 372 : « le fonctionnement
des mécanismes de résolution des litiges en ligne se fonde sur le pouvoir de la place de marché plus

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360 RÉGULATION PAR LES ODR

opératoire de la contrainte sociale est la création de normes sociales spécifi-


ques à cette place de marché, qui améliorent les attentes comportementales
entre des acteurs issues de milieux culturels très divers : je peux m’attendre,
sur eBay, à ce que mon partenaire contractuel se comporte de la manière
dont on se comporte d’habitude sur eBay. Ethan Katsh, Janet Rifkin et
Alan Gaitenby ont ainsi pu observer, comme nous l’avons déjà re-
levé (1079), que les normes de référence des acteurs commerciaux du site
eBay semblaient être celles de la communauté en ligne plus que toute autre
norme (1080).

D. — Exclusion de places de marché


Le commerce électronique s’organise dans un nombre croissant de situa-
tions autour de places de marché électroniques. Il s’agit là de plateformes
commerciales se présentant sous la forme de sites web communautaires.
Sur ceux-ci se réunissent des professionnels, par secteur d’activité, afin de
centraliser distribution, appels d’offres, ventes ou achats, et des particuliers,
dont le but est autant de faciliter leur recherche d’offres ou de demandes
que de bénéficier des garanties juridiques, technologiques, économiques et
sociales que proposent ces plateformes et les communautés en ligne qui s’y
forment (1081). Du côté des places de marché regroupant essentiellement
des professionnels, on trouvera par exemple le WorldWide Retail Ex-
change, regroupant plus de trente distributeurs internationaux, dont des
multinationales telles que Tesco, Gap, K-Mart ou Auchan (1082). Du côté

que sur le pouvoir coercitif étatique. Ces mécanismes de résolution des litiges en ligne fondés sur
des marchés dépendent de la confiance mutuelle des participants du marché pertinent et de leurs
intérêts à établir une réputation au sein de la place de marché » (trad. par l’auteur).
(1079) Voir Sous-section V. — L’homogénéisation des normes de référence, p. 226 et seq.
supra.
(1080) E. KATSH, J. RIFKIN et A. GAITENBY, « E-Commerce, E-Dispute, and E-Dispute
Resolution : In the Shadow of ‘eBay Law’ » in Ohio St. J. on Disp. Resol., 2000, vol. 15, p. 705 et
seq., spéc. p. 728.
(1081) O. CACHARD, La régulation internationale du marché électronique, op. cit. n. 1038, p. 7.
Sur le pouvoir (qualifié de « soft power ») découlant de la capacité d’exclusion de l’accès à
l’information dans le cyberespace, celle-ci constituant la ressource fondamentale dans le cyber-
espace, voir K.W. GREWLICH, Konstitutionalisierung des Cyberspace : zwischen europarechtlicher
Regulierung und völkerrechtlicher Governance, Baden-Baden, Nomos, p. 18. Il s’ensuit une impor-
tance croissante acquise par les places de marché contrôlant l’accès à l’information qu’elles offrent
ou font circuler.
(1082) Voir <www.worldwideretailexchange.com>, cité par Cachard, ibid., p. 178.

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EFFECTIVITÉ 361

des particuliers, on pensera par exemple au site déjà évoqué d’eBay, dont on
rappellera toutefois qu’il n’est pas limité aux particuliers, constituant éga-
lement un circuit économique habituel pour certains professionnels. Il
existe également une forme atténuée de place de marché électronique,
éclatée, répartie sur plusieurs sites web ; on parle alors d’un webring, c’est-
à-dire un « système de référencement et de publicité croisés, chaque mem-
bre renvoyant vers tous les autres » (1083).
L’exclusion d’une place de marché (ou d’un webring) consiste à ne plus
rendre accessible les offres ou demandes des acteurs de la place de marché.
Concrètement, cela implique une mesure telle que la désactivation de
l’accès au domaine réservé aux membres, la suppression des pages web rela-
tives à l’acteur, la destruction de son avatar ou l’annulation du référen-
cement de l’opérateur dans un webring (1084).
Il s’agit ici d’une mesure beaucoup plus efficace que le fait, pour un four-
nisseur d’hébergement, de ne plus mettre en ligne le site web d’un com-
merçant. La différence est que, dans le cas du fournisseur d’hébergement, le
commerçant est exclu d’un réseau ouvert (Internet) tandis que l’exclusion
d’une place de marché se fait par rapport à un réseau fermé.
Il est vrai que le type de contrainte est le même dans les deux cas : il
s’agit de diminuer la capacité de l’acteur sanctionné à diffuser ou recevoir
des informations. Cela a évidemment une importance commerciale cru-
ciale, si l’on considère qu’un marché – que ce soit ici Internet en général ou
la place de marché en particulier – est au fond un « espace d’échange
d’informations » (1085).
La différence entre réseaux ouverts et fermés révèle son importance si
l’on considère que quand un opérateur économique est exclu par un four-
nisseur d’hébergement, l’entrave à sa capacité à diffuser ou recevoir des
informations est extrêmement limitée dans le temps. L’opérateur peut en
effet très rapidement accéder à nouveau à Internet en utilisant les services
de n’importe quel autre fournisseur d’hébergement, sans que cela ait une

(1083) Ibid., p. 259.


(1084) Ibid.
(1085) Ibid., pp. 257–258. Sur l’idée qu’un marché est fondamentalement un espace d’échange
d’informations, A. SCANNAVINO, « Les structures d’informations en analyse économique » in Clés
pour le siècle, Paris, Dalloz, 2000, p. 19 et seq.

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362 RÉGULATION PAR LES ODR

influence quelconque sur son activité commerciale : c’est notamment en ce


sens qu’Internet est qualifié de réseau ouvert (1086). L’exclusion d’une
place de marché entraîne par contre tout d’abord une réelle difficulté à
réintégrer le réseau (fermé) duquel l’acteur a été exclu (1087). Il suffira de
constater l’identité réelle d’un candidat, ce qui peut être établi par exemple
par un numéro de carte de crédit, une pièce identité ou une inscription au
registre du commerce. L’exclusion cause également la perte de la réputation
qui s’était attachée à l’avatar de cet acteur, celle-ci s’exprimant par hypo-
thèse par un historique de transactions. Or, la difficulté d’établir une répu-
tation en ligne donne à celle-ci une valeur particulièrement importante une
fois qu’elle est établie. Enfin, les difficultés que les cybermarchands
connaissent actuellement à se faire voir dans le cyberespace indiquent
l’importance d’appartenir à une place de marché électronique permettant
d’aiguiller les internautes vers les offres ou demandes des acteurs du com-
merce électronique. Certains auteurs vont ainsi jusqu’à affirmer que
l’exclusion d’une place de marché peut mettre un terme à l’existence com-
merciale de l’acteur frappé d’une telle sanction (1088).
La ressource contrôlée ici, par un organisme d’ODR habilité à pronon-
cer l’exclusion d’une place de marché en cas de non-exécution de résultats
de procédures de résolution des litiges en ligne, est essentiellement l’accès à
cette place. À travers elle, on touche à l’existence d’un des supports à la
réputation et la visibilité d’un acteur sur le marché global que constitue
Internet. Les modalités de contrainte sont technologiques (exclusion de la
place de marché par la modification de mots de passe, l’effacement de pa-

(1086) Sur l’efficacité d’une mesure d’exclusion prise par un mécanisme de résolution des litiges
dans le cadre de communautés en ligne, voir notamment H.H. PERRITT, « Dispute Resolution in
Electronic Network Communities » in Vill. L. Rev., 1993, vol. 38, p. 349 et seq.
(1087) O. CACHARD, La régulation internationale du marché électronique, op. cit. n. 1038,
pp. 260–261 : « l’exclusion d’une place de marché électronique, ou plus généralement d’un réseau
fermé par un code d’accès, est d’une efficacité supérieure [à l’exclusion d’un réseau ouvert], car elle
pourra être maintenue dans le temps […] Tandis que les groupements éphémères exercent princi-
palement des pressions, les groupements d’opérateurs plus stables et plus organisés peuvent mettre
en œuvre une véritable contrainte. »
(1088) E. KATSH, J. RIFKIN et A. GAITENBY, « E-Commerce, E-Dispute, and E-Dispute
Resolution : In the Shadow of ‘eBay Law’ », op. cit. n. 1080, p. 731, qui relèvent, parmi les diffé-
rents processus juridiques formant le « droit d’eBay », celui du « pouvoir d’exclusion, un pouvoir
qui, dans le contexte d’eBay, est un pouvoir sur l’existence » (trad. par l’auteur).

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EFFECTIVITÉ 363

ges web, la destruction d’un avatar, le déréférencement) et économiques


(désavantage commercial dû à l’exclusion).
Relevons encore l’importance de la contractualisation de ce genre de mé-
canismes d’autoexécution. En l’absence de clause contractuelle permettant à
l’institution d’ODR ou à la place de marché d’exclure un opérateur de ses
circuits économiques habituels, d’empêcher son accès au lieu ou il exerce
l’essentiel de son activité commerciale, une telle action constituerait sans
aucun doute un acte illicite. Celui-ci entraînerait vraisemblablement la
responsabilité de l’institution d’ODR ou de la place de marché pour le
dommage causé à l’acteur exclu. En l’absence d’une telle clause contrac-
tuelle, ces mesures appellent donc de « très sérieuses réserves » (1089), alors
qu’en sa présence elles ne seraient qu’une manifestation de la contractuali-
sation de la contrainte (1090), autrement dit la simple exécution d’une
stipulation contractuelle dont la validité ne semble pas mise en ques-
tion (1091).

E. — Astreintes
L’astreinte est une mesure coercitive destinée à forcer l’exécution d’une
décision de justice, en imposant à la partie récalcitrante une condamnation
pécuniaire fixée à une certaine somme par jour de retard dans l’exécution de

(1089) Ph. FOUCHARD, L’arbitrage commercial international, Paris, Dalloz, 1965, p. 503 : « les
mesures qui consistent à interdire à un commerçant l’accès de marchés ou de bourses où s’exerce
l’essentiel de son activité appellent de très sérieuses réserves. »
(1090) Sur la « contractualisation de la répression » : M.A. FRISON-ROCHE, « L’efficacité des
décisions en matière de concurrence : notions, critères, typologie » in Ateliers de la concurrence,
L’efficacité des décisions en matières d’ententes et de concentrations, Paris, 7 juin 2000, <www.finances.-
gouv.fr/dgccrf/02_actualite/ateliers_concu/decisions.htm>.
(1091) O. CACHARD, La régulation internationale du marché électronique, op. cit. n. 1038,
pp. 263-270 : « la contrainte électronique qui exclut les opérateurs des circuits d’information et des
circuits économiques […] est parfaitement licite quand elle repose sur une base contractuelle. »
Notons par ailleurs qu’il ne s’agit pas ici d’un cas de justice privée, puisqu’« on parle de justice
privée au cas où une personne poursuit elle-même l’exécution de son droit sans l’intervention des
autorités » ; en l’occurrence, c’est un tiers (centre d’ODR ou place de marché) qui poursuit
l’exécution du droit d’une des parties à la procédure ODR : R. DEMOGUE, Les notions fondamen-
tales du droit privé : essai critique, Paris, La mémoire du droit, 2001 (réimpression de l’éd. de 1911),
p. 623, voir aussi J. BÉGUIN, « Rapport sur l’adage : ‘nul ne peut se faire justice à soi-même’ en
droit français » in Nul ne peut se faire justice à soi-même : le principe et ses limites, Paris, Dalloz, 1966,
p. 50 et seq.

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364 RÉGULATION PAR LES ODR

la décision (1092). Elle pourrait être utilisée dans le domaine des ODR
dans deux buts. D’un côté, elle permet d’inciter la partie débitrice à
s’exécuter, tout retard dans l’exécution étant défavorable à cette dernière.
De l’autre, l’astreinte donne la possibilité au créancier de saisir un tribunal
et d’engager les actions requises pour l’exécution forcée du résultat de la
procédure ODR. Ce second but appelle quelques commentaires.
L’une des principales difficultés s’opposant à l’effectivité instrumentale
des résultats de procédures ODR est, comme nous l’avons déjà re-
levé (1093), le coût généré par les actions judiciaires nécessaires à l’exé-
cution forcée, qui peut même dans certaines situations dépasser la valeur
litigieuse. On peut alors envisager une astreinte, imposée à la partie ayant
succombé dans la procédure et refusant de s’exécuter volontairement. Les
montants de l’astreinte s’ajouteraient dans cette hypothèse à la créance de la
partie ayant triomphé dans la procédure. À mesure que le temps passe, la
créance grandirait et les frais impliqués par l’accès aux tribunaux
deviendraient proportionnellement plus abordables. Le créancier n’aurait
ainsi qu’à attendre que la somme due soit suffisamment élevée pour que la
saisine d’un tribunal étatique en vue de l’exécution forcée soit économi-
quement raisonnable.
Il s’agit ici, il est vrai, d’une forme particulière de mécanismes
d’autoexécution, puisqu’elle recourt en dernière instance à l’appareil coer-
citif étatique. Une certaine forme de contrainte économique s’exerce tout
de même, puisque l’organisme d’ODR peut menacer indirectement les
parties d’une sanction économique, même si celle-ci requerra le concours
du bras armé de l’État pour être mise en œuvre.
Précisons encore que l’astreinte doit être stipulée contractuellement.
Pour une négociation ou une médiation, ce que nous entendons ici par

(1092) Voir par exemple L. LÉVY, « Les astreintes et l’arbitrage international en Suisse » in
Bull. ASA, 2001, vol. 19, p. 21 et seq., spéc. p. 21 : les astreintes se définissent comme la
« condamnation pécuniaire accessoire et éventuelle […] qui s’ajoute à la condamnation principale
pour le cas où celle-ci ne serait pas exécutée dans le délai prescrit ».
(1093) Voir l’introduction à la Section VI. — Mécanismes d’autoexécution et ODR, p. 349 et
seq. supra, Sous-section II. — Des processus déterritorialisés d’élaboration du droit, p. 235 et seq.
supra, Section I. — L’inadéquation des tribunaux étatiques, p. 253 et seq. supra et Sous-section
III. — La faiblesse de l’appareil coercitif étatique dans le cyberespace, p. 325 et seq. supra.

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EFFECTIVITÉ 365

astreinte prendra la forme d’une clause pénale (1094). Dans le contexte


d’une procédure arbitrale, les parties devront conférer à l’arbitre le pouvoir
de prononcer une astreinte ; ce pouvoir devra résulter de la convention
d’arbitrage, soit par une clause expresse dans la convention elle-même, ou
par une règle spécifique prévue dans le règlement d’arbitrage (1095).

SOUS-SECTION II. — AUTOEXÉCUTION DIRECTE :


DÉCISION OU ACCORD AUTOEXÉCUTOIRE

Le but des mécanismes d’autoexécution directe est d’allouer la ressource en


jeu à la partie créancière en la transférant directement dans sa sphère de
possession. La ressource contrôlée dans ce cas de figure est celle qui forme
l’objet du litige, celle qui est directement en jeu. Dans la plupart des cas,
dans le contexte des ODR, il s’agira de sommes d’argent, étant donné que
les ODR sont actuellement utilisés essentiellement pour le commerce élec-
tronique. L’autoexécution consiste, dans une telle situation, dans le fait de
créditer directement le compte de la partie reconnue créancière par le ré-
sultat de la procédure de règlement en ligne. La décision rendue à la suite
d’une telle procédure ou l’accord qui en est issu est ainsi réellement auto-
exécutoire.

(1094) Sur les conditions générales d’admissibilité des clauses pénales : en droit suisse, M.
MOOSER ad art. 160 CO in Code des obligations I. Commentaire, s. dir. L. Thévenoz et F. Werro,
Genève, Bâle et Munich, Helbing & Lichtenhahn, 2003, p. 863 et seq. ; en droit français, Ph.
MALAURIE et L. AYNÈS, Droit civil. Les obligations, 8ème éd., Paris, Cujas, 1998, § 864 et seq. ; en
droit allemand (Vertragsstrafe), D. MEDICUS, Schuldrecht, t. I, Allgemeiner Teil, 14ème éd., Munich,
Beck, 2003, p. 221 et seq. ; en droit anglais (liquidated damage clause), E. MCKENDRICK, Contract
Law, Oxford, Oxford Univ. Press, 2003, pp. 1096–1097, 1100–1102 (admissibilité plus délicate) ;
en droit américain (stipulated damage), C.D. ROHWER et A.M. SKROCKI, Contracts, 5ème éd., St.
Paul, Minn., West, 2000, pp. 419–422 (admissibilité plus délicate) et, sur les raisons des limita-
tions quant à l’admissibilité des clauses pénales et les méthodes de contournement de ces li-
mitations, E.A. FARNSWORTH, Contrats, Boston, Little, Brown & Co., 1982, pp. 895–904.
(1095) Il est ainsi généralement admis, avec l’exception notable du droit suédois, que l’arbitre
peut prononcer une astreinte si ce pouvoir résulte de la convention d’arbitrage : de manière géné-
rale J.-F. POUDRET et S. BESSON, Droit comparé de l’arbitrage international, Bruxelles, Bruylant /
Paris, LGDJ / Zurich, Schulthess, 2002, § 540, p. 494–496 ; pour le droit néerlandais, art. 1056
WBR ; pour le droit belge, 1709bis Cj ; pour le droit suisse, L. LÉVY, « Les astreintes et l’arbitrage
international en Suisse », op. cit. n. 1092, p. 29 ; pour le droit français, Ph. FOUCHARD, E.
GAILLARD et B. GOLDMAN, Traité de l’arbitrage commercial international, Paris, Litec, 1996,
§ 1274 ; pour le droit allemand, H. RAESCHKE-KESSLER et K. BERGER, Recht und Praxis des
Schiedsverfahrens, 3ème éd., Cologne, RWS, 1999, p. 141 ; et pour le droit suédois, art. 25 al. 4 SU.

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366 RÉGULATION PAR LES ODR

Les principales formes de l’autoexécution directe sont les comptes de


garantie bloqué, les fonds de jugement, les assurances pour non-exécution
ou mauvaise exécution, l’annulation d’un paiement et le recrédit des som-
mes versées au titulaire d’une carte de crédit, et l’autoexécution technolo-
gique quand la ressource est jeu n’est pas constituée de sommes d’argent.

A. — Compte de garantie bloqué


Le paiement par compte de garantie bloqué (quelques fois désignée par
l’anglicisme compte escrow) est « un engagement sous seing privé confié à
un tiers pour être livré au destinataire sous certaines conditions spéci-
fiées » (1096). En cela, il est une forme spécifique d’entiercement, c’est-à-
dire une « mise en tierces mains d’une chose mobilière, qui […] a toujours
pour fin de la soustraire, pour un temps, au pouvoir direct des premiers
intéressés, en la confiant, à titre conservatoire, à des mains neu-
tres » (1097). Plus précisément, il s’agit d’un dépôt fiduciaire jusqu’à l’exé-
cution de la prestation et l’autorisation de paiement : l’acheteur (ou tout
autre débiteur dans un contrat synallagmatique) verse la somme due non
sur le compte du créancier, mais sur un compte tiers neutre par lequel
l’argent va transiter (le compte de garantie bloqué). Une fois ce paiement
constaté par la société gérant le compte, celle-ci enjoint au vendeur (ou
toute autre partie débitrice d’une prestation) de livrer la marchandise ou
plus généralement d’exécuter la prestation due. Après que la société ges-
tionnaire du compte a constaté la livraison de la marchandise ou l’exécution
de la prestation, et après l’écoulement d’une période de contestation déter-
minée, elle transfère le paiement au vendeur (1098).
En cas de contestation, durant la période prévue à cet effet, de la bonne
exécution du vendeur ou du débiteur de la prestation non pécuniaire, la

(1096) J. BALEYTE, A. KURGANSKY, Ch. LAROCHE, J. SPINDLER, Dictionnaire économique et


juridique, 3ème éd., Paris, LGDJ, 1992, vo « escrow ».
(1097) Vocabulaire juridique / Association Henri Capitant, s. dir. G. Cornu, 2e éd., Paris, PUF,
2001, v° « entiercement ».
(1098) Escrow.com, Iescrow.com, Triple Deal, TradeSecure, Iloxx SafeTrade et Escrow Eu-
ropa, pour n’en citer que quelques-uns, offrent de telles services pour des transactions en ligne. Du
côté des places de marchés, eBay notamment propose à ses opérateurs de recourir au paiement par
compte bloqué par la société Triple Deal, et le recommande particulièrement pour toute transac-
tion supérieure à EUR 230 (voir le service qualifié par eBay de recours à un « tiers de confiance » :
<pages.ebay.fr/help/community/escrow.html>).

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EFFECTIVITÉ 367

somme en dépôt peut, sous certaines conditions, être restituée à celui qui l’a
versée sur le compte de garantie. En cas de litige, ces montants restent
bloqués jusqu’à l’issue de la procédure de règlement des différends appli-
cable. En général, les clauses contractuelles prévoyant le paiement par
compte de garantie bloqué soumettent tout litige à une phase de négocia-
tion durant une période limitée (60 jours, par exemple), suivie d’un arbi-
trage hors ligne (1099). De la même manière, il est possible de soumettre la
restitution ou le transfert des sommes bloquées au résultat d’une procédure
ODR, que ce soit une négociation, une médiation ou un arbitrage. L’orga-
nisme d’ODR pourrait même être lui-même le gestionnaire du compte
bloqué. Par ailleurs, si la restitution ou le transfert de la somme n’emporte
aucune finalité juridique quant au litige que la décision ou l’accord n’aurait
pas par lui-même, dans un nombre non négligeable de cas les parties s’en
tiendront selon toute vraisemblance à ce résultat. Il en va particulièrement
ainsi si la valeur litigieuse est faible, que les distances sont grandes et que la
procédure fut satisfaisante à leurs yeux.
Le groupe de travail pour les ADR et le commerce électronique de
l’Association du barreau américain suggère même de recourir à un compte
de garantie bloqué constitué après la survenance du litige. Chacune des
parties verserait le montant que l’autre exige (si tant est que les conclusions
des parties s’expriment en termes monétaires) sur un tel compte, pour la
durée de la procédure de résolution du litige, prévue en ligne notamment
afin de limiter cette période le plus possible (1100). Toutefois, une telle
solution, pour séduisante qu’elle soit, nous semble devoir inévitablement
susciter une forte opposition des parties et donc, dans certaines situations,
une véritable difficulté à les amener à participer à la procédure en ligne.

(1099) Voir par exemple Escrow.com : « Qu’arrive-t-il en cas de différend concernant une
transaction ? […] Si l’acheteur et le vendeur n’ont pas réussi à s’accorder sur une solution dans les
60 jours, le litige sera réglé par arbitrage selon les règles pour l’arbitrage commercial de l’American
Arbitration Association » (trad. par l’auteur) : <https://www.escrow.com/support/faq/index.asp?-
qid=41>.
(1100) ABA Task Force on E-Commerce and ADR and Shidler Center, « Addressing Dis-
putes in Electronic Commerce : Final Recommendations and Report », op. cit. n. 1061, p. 456 :
« another option, in some instances, is to require the parties to put into escrow each party’s consid-
eration in the transaction that is the subject of the dispute, so the escrow agent can distribute the
assets in accordance with the ADR result. »

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368 RÉGULATION PAR LES ODR

B. — Fonds de jugement
Par fonds de jugement, nous entendons un compte à disposition de
l’institution de résolution des litiges lui permettant d’y prélever la somme
allouée par la décision ou due selon l’accord issu de la médiation ou de la
négociation, et de la créditer directement sur le compte de la partie créan-
cière.
Des fonds de jugement, à ce jour encore inutilisés dans le contexte du
commerce électronique, sont actuellement mis en œuvre dans le cadre de
mécanismes de règlement des différends de droit international public rela-
tifs à l’indemnisation de victimes de conflits internationaux. Les exemples
les plus connus concernent la première guerre du Golfe et les exactions de
l’Allemagne nazie. Le « fonds de compensation » de la Commission d’in-
demnisation des Nations unies pour l’Irak, chargée de l’indemnisation des
victimes de l’invasion du Koweït par l’Irak durant la première guerre du
Golfe, était alimenté par le produit de la vente du pétrole irakien. Les som-
mes allouées à titre d’indemnisation étaient directement prélevées sur ce
fonds et versées aux parties (1101). Le Programme allemand de dédomma-
gement du travail forcé, administré par l’Organisation internationale des
migrations, a été développé en vue de dédommagements relatifs au travail
effectué en situation d’esclavage, au travail forcé et aux préjudices corporels
subis sous le régime national-socialiste et dans lesquelles des entreprises
allemandes ont joué un rôle direct. Ici aussi, un fonds de jugement, consti-
tué notamment de versements de l’Allemagne et d’entreprises allemandes,
avait été prévu (1102).

(1101) Pour une description du fonctionnement de ce système, voir notamment N. WÜHLER,


« The United Nations Compensation Commission : A new contribution to the process of inter-
national claims resolution » in J. Int’l Econ. L., 1999, vol. 2, p. 249 et seq., spéc. p. 250 : « l’in-
demnisation est versée aux demandeurs reconnus créanciers d’un fonds spécifique, alimenté par un
pourcentage du produit de la vente du pétrole » et p. 269 : « la vente de pétrole par l’Irak est la
source de revenu alimentant le Fonds de compensation ; 30 pour cent du produit de ces ventes sont
versés au Fonds pour le paiement des indemnisations et les frais de fonctionnement de la Com-
mission » (trad. par l’auteur).
(1102) La fondation « Mémoire, responsabilité et avenir », créée par une loi allemande d’août
2000, a été chargée de dédommager financièrement les victimes des exactions nazies en prélevant
les sommes allouées sur un fonds de jugement alimenté par des versements du gouvernement alle-
mand et de certaines entreprises allemandes, et de fonds versés suite au règlement du contentieux
sur les avoirs des victimes de l’Holocauste (contentieux avec les banques suisses). Le fonds de
jugement s’était élevé à un total de plusieurs centaines de millions d’euros. Dans ce cadre,

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EFFECTIVITÉ 369

Bien que les situations soient radicalement différentes, on peut imaginer


la transposition de ce type de mécanismes au contexte du commerce élec-
tronique et des ODR. Le but d’un fonds de jugement serait alors de per-
mettre à l’organisme d’ODR d’exécuter lui-même le résultat de la
procédure de règlement du différend. Un tel fonds, qui peut être perma-
nent ou temporaire, peut être alimenté de plusieurs manières. Premiè-
rement, il peut être constitué après la survenance du litige et approvisionné
par les parties elles-mêmes, qui versent sur le compte un montant corres-
pondant aux sommes dont on peut prévoir qu’elles pourront être allouées
ou reconnues être dues par la procédure ODR. Cette hypothèse revient
largement à la solution évoquée par l’Association du barreau américain
pour les comptes de garantie bloqué, que nous venions d’évoquer. La même
difficulté que celle qui avait été relevée dans ce contexte se présente ici : on
peut s’attendre à ce que les parties accepteront difficilement de verser,
même si juridiquement cela ne préjuge bien sûr en rien du fond du litige,
des sommes dont elles contestent être débitrices.
Deuxièmement, le fonds de jugement peut être alimenté par des verse-
ments effectués avant le litige, de préférence avant la transaction elle-
même. La meilleure solution dans cette hypothèse est que les parties ne
versent dans le fonds de jugement, qui est ici envisagé comme un compte
permanent, qu’un très faible pourcentage du montant de leur transaction.
Dans ce cas, il s’agirait d’un fonds communautaire qui dépendrait, par hy-
pothèse, d’une place de marché spécifique. Il serait approvisionné par tou-
tes les parties à une transaction réalisée sur la place de marché, mais des
prélèvements n’y seraient effectués que pour les parties reconnues créan-
cières par une procédure ODR. L’enjeu principal de cette hypothèse serait
de ne pas encourager les pratiques commerciales frauduleuses. En effet, la
partie reconnue débitrice dans la procédure ODR ne subit aucune perte
directe du fait de la mauvaise exécution de ses obligations. La somme al-
louée est prélevée sur le fonds de jugement, compte permanent sur lequel
les parties n’ont en principe aucun droit et qui ne représente en consé-
quence aucune valeur pour elles. Une pluralité de solutions peut être envi-
sagée pour cette problématique : l’introduction de primes versées aux

l’Organisation mondiale des migrations avait été désignée pour traiter des demandes. Voir <www.-
compensation-for-forced-labour.org/index_french.html>.

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370 RÉGULATION PAR LES ODR

opérateurs n’ayant causé aucun retrait sur le fonds de jugement, l’augmen-


tation du pourcentage dû sur les transactions effectuées pour les opérateurs
ayant été reconnus débiteurs lors de procédures ODR ou encore l’exclusion
de la place de marché.

C. — Contrôle de la refacturation par cartes de crédit


Un lien contractuel entre l’institution d’ODR et une compagnie émettrice
de cartes de crédit peut conduire à un mécanisme supplémentaire
d’autoexécution du résultat de la procédure : il s’agit du contrôle de la re-
facturation par cartes de crédit (charge back ou rejet de débit, c’est-à-dire le
recrédit des sommes versées en paiement). Ce mécanisme se fonderait sur
une clause contractuelle à insérer dans les contrats régissant les rapports
entre les diverses parties : entre l’émetteur de la carte et son porteur, entre
l’accepteur de la carte (le fournisseur de biens ou de services) et le porteur,
et entre l’émetteur de la carte et l’accepteur (1103). Une telle clause
contractuelle stipulerait que tout litige concernant une refacturation est
soumis à une procédure de résolution en ligne. On peut envisager
l’utilisation d’un tel mécanisme pour deux types de litiges : ceux ayant trait
à l’utilisation frauduleuse de la carte et ceux concernant l’inexécution ou la
mauvaise exécution du contrat sous-tendant le paiement.
L’utilisation frauduleuse des cartes de crédit est facilitée, dans le cadre
du commerce électronique, par le fait que le « paiement par carte sans
carte » (1104) (soit le paiement à distance par carte de crédit avec seule
indication de sa date d’échéance, du nom du porteur et du cryptogramme
visuel, c’est-à-dire le numéro figurant au dos de la carte) rend impossible la
vérification de l’identité réelle de la personne effectuant le paiement (1105).

(1103) Sur les rapports contractuels entre ces trois parties, voir Ch. GAVALDA et J.
STOUFFLET, Effets du commerce. Chèques, carte de paiement et de crédit, 3ème éd., Paris, Litec, 1998,
pp. 397–409. Pour un aperçu plus complet de toutes les relations contractuelles encadrant le paie-
ment par cartes de crédit, voir M. VASSEUR, « Les transferts internationaux de fonds » in Rec.
Cours La Haye, 1993, vol. 239, p. 117 et seq., spéc. p. 374.
(1104) J. ALLIX, « Consommateurs et paiement électroniques transfrontières » in Banque,
1993, p. 58 et seq., spéc. p. 60.
(1105) Sur ces questions, ID., « La protection du consommateur en matière de contrats à dis-
tance » in REDC, 1993, p. 95 et seq., spéc. p. 108. Voir aussi R. BRADGATE, « Distance selling in
the United Kingdom and the proposed E.C. Directive » in Consum. L.J., 1993, p. 19 et seq., spéc.
p. 31. Les cartes de crédit étant destinées à circuler lors de paiements hors ligne, il est aisé pour un

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EFFECTIVITÉ 371

Si le porteur de la carte fait valoir une utilisation frauduleuse de sa carte, il


pourra en principe révoquer l’ordre de paiement, respectivement obtenir le
recrédit des sommes débitées sur son compte par l’émetteur de la
carte (1106). Un litige peut toutefois survenir sur la question de savoir s’il y
a réellement eu utilisation frauduleuse de la carte par un usurpateur ou si la
fraude est imputable à une négligence du porteur de la carte (1107).

tiers de prendre connaissance des informations figurant sur la carte, seules nécessaires à ordonner le
paiement : voir J. HUET, « Aspects juridiques du télépaiement » in La Semaine Juridique (JCP),
1991, Doctrine, no 3524.
(1106) Sur le droit européen touchant à cette question : X. FAVRE-BULLE, Les paiements trans-
frontières dans un espace financier européen, Genève et Bruxelles, Helbing-Lichtenhahn et Bruylant,
1998, p. 331. Voir aussi R. PICHLER, « Kreditkartenzahlung im Internet » in NJW, 1998, p. 3234
et seq. Relevons par ailleurs que la Directive européenne sur la protection des consommateurs
prévoit que « les États membres veillent à ce que de mesures appropriées existent pour que le
consommateur […] puisse demander l’annulation d’un paiement en cas d’utilisation frauduleuse de
sa carte [et qu’il] soit recrédité des sommes versées » : art. 8 Directive 97/7 du Parlement européen
et du Conseil, du 20 mai 1997, concernant la protection des consommateurs en matière de contrats
à distance (Directive sur la vente à distance), JO L 144 du 4.6.1997, p. 19.
Sur la situation juridique aux États-Unis, voir J. KAUFMAN WINN, « Clash of the Titans :
Regulating the Competition Between Established and Emerging Electronic Payment Systems » in
Berkeley Tech. L.J., 1999, vol. 14, p. 675 et seq., spéc. p. 686 et seq. et R. PICHLER, « Finality of
Credit Card Payments and Consumer Confidence – Different Approaches in the United States
and in Europe » in Electronic Payment Systems Observatory Newsletter, 2001, vol. 5, <epso.jrc.es/-
newsletter>. Le droit à la refacturation en cas d’utilisation frauduleuse de la carte découle du US
Truth-in-Lending Act, 15 U.S.C. §§ 1601–1667 (2004) et de la US Federal Reserve Board’s
implementing regulation Z, 12 C.F.R. § 226.12, lit. b (2001).
Sur la pratique contractuelle en la matière, R. BROWNSWORD et G. HOWELLS, « When Surf-
ers Start to Shop. Internet commerce and contract law » in Legal Studies, 1999, vol. 19, p. 287 et
seq., A. SALAÜN, « Les paiements électroniques au regard de la vente à distance » in Droit de
l’Informatique et des Télécoms, 1999, vol. 99/2, p. 19 et seq. et X. FAVRE-BULLE, Les paiements
transfrontières dans un espace financier européen, op. cit. n. 1106, pp. 327-328, qui relève que quatre
situations semblent exister dans la pratique contractuelle : quelques fois le risque est contractuelle-
ment attribué dans tous les cas au porteur de la carte (ce qui est douteux quant à la validité de la
clause le prévoyant au regard des législations en matière de clauses abusives) ; d’autres fois il est
attribué sans condition au fournisseur acceptant le paiement (ce qui semble être la pratique la plus
courante, mais qui est largement insatisfaisante pour le fournisseur car la répudiation de mauvaise
foi est trop facile), il arrive aussi qu’aucune clause précise ne soit prévue (la question étant alors
réglée à l’amiable entre le fournisseur, l’émetteur de la carte et son porteur) ; enfin, il arrive égale-
ment que « les contrats bancaires prévoient d’une manière contradictoire, d’un côté que le
consommateur supporte les risques, de l’autre que les mêmes risques sont supportés par le commer-
çant. »
(1107) R. PICHLER, « Finality of Credit Card Payments and Consumer Confidence », op. cit.
n. 1106 : « en application de l’art. 8 Directive 97/7/CE […], en cas d’utilisation frauduleuse de la
carte de crédit, le consommateur ne peut être tenu pour responsable que si la fraude a été causée
par sa négligence. Toutefois, la transmission des informations figurant sur la carte de crédit par

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372 RÉGULATION PAR LES ODR

En cas d’inexécution ou de mauvaise exécution de la prestation caracté-


ristique du contrat principal qui a été à l’origine de l’utilisation de la carte,
le droit du porteur de la carte au recrédit des sommes versées en paiement
varie largement selon le droit applicable (1108) : de manière générale, on
peut dire que ce droit existe en droit américain s’il s’agit d’un contrat de
consommation (1109), mais non en droit européen (1110). Toutefois, il
semble qu’en Europe un tel droit au recrédit en cas d’inexécution ou de
mauvaise exécution soit fréquemment prévu dans l’un ou l’autre des
contrats liant les diverses parties (1111). Quand ce droit existe, un litige
surviendra dans la plupart des cas sur le manquement allégué de l’accepteur
de la carte.
Les litiges, qu’ils concernent l’utilisation frauduleuse d’une carte ou
l’inexécution de la prestation du contrat principal, sont généralement sou-
mis à une procédure interne de l’émetteur de la carte (1112). L’exter-
nalisation de la procédure de résolution des litiges semblerait toutefois
constituer un avantage pour toutes les parties concernées : l’émetteur de la
carte pourrait largement simplifier et accélérer la procédure de résolution
des litiges, qui est souvent longue et compliquée quand elle est administrée
par l’émetteur de la carte lui-même (1113) ; la procédure pourrait être
rendue plus transparente et plus indépendante, ce qui pourrait constituer

Internet, même en dehors de voies de communications sécurisées, ne saurait constituer un com-


portement négligent de la part du porteur de la carte » (trad. par l’auteur).
(1108) Sur la détermination du droit applicable, voir par exemple M. VASSEUR, « Les trans-
ferts internationaux de fonds », op. cit. n. 1103, pp. 368–374 et O. CACHARD, La régulation inter-
nationale du marché électronique, op. cit. n. 1038, pp. 162–165.
(1109) Voir US Billing Error Resolution, 12 C.F.R. § 226.13 lit. a, ch. 3 et lit. d, ch. 1 (2001),
D.E. SORKIN, « Payment Methods for Consumer-to-Consumer Online Transactions » in Akron
L. Rev., 2001, vol. 35, p. 1 et seq., spéc. p. 7 et seq. et R. PICHLER, « Finality of Credit Card
Payments and Consumer Confidence », op. cit. n. 1106 et M. VASSEUR, « Les transferts interna-
tionaux de fonds », op. cit. n. 1103, pp. 368–373.
(1110) M. VASSEUR, « Les transferts internationaux de fonds », op. cit. n. 1103, p. 370, O.
CACHARD, La régulation internationale du marché électronique, op. cit. n. 1038, p. 164 et X. FAVRE-
BULLE, Les paiements transfrontières dans un espace financier européen, op. cit. n. 1106, p. 350 et seq.
et pp. 452–453.
(1111) Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), « Le recours
du consommateur dans un marché international : les remboursements », Doc.
OCDE/GD(96)142, 28 mars 1997.
(1112) M. VASSEUR, « Les transferts internationaux de fonds », op. cit. n. 1103, p. 374 et seq.
Voir aussi US Billing Error Resolution, 12 C.F.R. § 226.13 lit. f, ch. 31 (2001).
(1113) M. VASSEUR, « Les transferts internationaux de fonds », op. cit. n. 1103, p. 374 et seq.

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EFFECTIVITÉ 373

un outil d’incitation à la confiance des clients envers un marchand ; et le


litige pourrait être réglé sur le fond par la même occasion, du moins s’il
s’agit d’un litige simple (1114).
Par la soumission de la décision de refacturation à un organisme
d’ODR, celui-ci acquiert la possibilité de faire autoexécuter les décisions ou
accords résultant de la procédure en ligne. L’institution d’ODR contrôle
dans ce cas la ressource en jeu, soit les sommes versées en paiement.

D. — Assurance de transactions
Les assurances de transactions, couplées à un système de résolution des
litiges en ligne, peuvent constituer un mécanisme d’autoexécution équi-
valent, à certains égards, au contrôle de la refacturation par cartes de crédit.
Les assurances de transactions couvrent en principe autant le risque de la
répudiation d’une commande par un client alléguant une utilisation frau-
duleuse de sa carte par un tiers usurpateur (1115) que le risque
d’inexécution ou de mauvaise exécution par le marchand de ses obliga-
tions (1116). Le couplage d’une telle assurance à un système d’ODR
concerne essentiellement la deuxième situation. En effet, une assurance de
transactions dédommage le marchand auquel une répudiation de com-
mande est opposée, que l’utilisation de la carte ait réellement été fraudu-

(1114) Ibid., p. 376 : « dans tous les cas, la décision [rendue à l’issue de la procédure interne de
résolution du litige] est définitive. Il apparaît toutefois juridiquement difficile de qualifier
d’arbitrage juridictionnel l’intervention des plus hautes instances de Visa International, qui paraît
plutôt se situer à un niveau administratif élevé qui évoque les cellules consuméristes existant au
niveau des grandes banques, en vue du traitement du litige. »
(1115) Comme nous l’avons vu, en cas de paiement par carte de crédit, le porteur de la carte
peut être recrédité des sommes versées en paiement s’il allègue que sa carte a été utilisée fraudu-
leusement par un usurpateur. Dans la plupart des cas, il en résultera un dommage pour le mar-
chand. C’est ce dommage qui est, entre autres dommages, couvert par l’assurance de transactions :
voir par exemple les services fournis par Fia-Net, <www.fia-net.com/reserve.asp> et <www.fia-
net.com/reserve_garantie2.asp>.
(1116) Voir par exemple le mécanisme du programme de labellisation de Trusted Shops : « si la
marchandise n’est pas livrée, Trusted Shops interviendra immédiatement auprès du vendeur. Si le
litige ne peut être résolu à ce stade, la société Gerling vous remboursera votre paiement après une
procédure interne d’approbation de votre réclamation » (trad. par l’auteur), <www.trustedshops.-
com/en/consumers/guarantee_en.html> et « Trusted Shops, avec son système de remboursement
garanti par Gerling, vous assure lors de vos achats en ligne contre tout dommage dû à la non-
livraison ou au retour d’une marchandise » (trad. par l’auteur), <www.trustedshops.com/en/consu-
mers/index.html>.

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374 RÉGULATION PAR LES ODR

leuse ou non. Aucun système de résolution des litiges n’est donc nécessaire
dans cette situation.
Le dédommagement du client en cas d’inexécution ou de mauvaise exé-
cution du marchand est toujours soumis à certaines conditions, dont la
réalisation est généralement constatée par une procédure interne à la com-
pagnie d’assurance. Comme pour les cartes de crédit, on pourrait toutefois
externaliser cette procédure et prévoir que la condition du dédommage-
ment est un résultat en ce sens (décision ou accord) d’une procédure ODR.
L’externalisation de cette procédure de résolution des litiges permettrait
à la compagnie d’assurance de limiter sa responsabilité, de garantir une
meilleure indépendance et plus de transparence dans la résolution du litige,
voire d’obtenir une décision finale s’il s’agit d’un arbitrage en ligne.
Par la soumission de la décision de dédommagement à un organisme
d’ODR, celui-ci acquiert la possibilité de faire autoexécuter les décisions ou
accords résultant de la procédure en ligne. L’institution d’ODR contrôle
dans ce cas la ressource en jeu : les sommes versées en dédommagement.

E. — Autoexécution technologique
La technologie elle-même, quelques fois, est la ressource en jeu dans le
litige. Dans ces situations, son contrôle par un organisme d’ODR peut
constituer le fondement d’un mécanisme d’autoexécution. L’exemple le
plus connu d’une régulation par une institution d’ODR grâce à son
contrôle de la technologie est celui du système international des noms de
domaine géré par l’ICANN, dont les litiges sont résolus en application de
la procédure UDRP.
Selon les règles UDRP et les contrats liant l’ICANN à tous les opéra-
teurs de registre de noms de domaine génériques ou internationaux (1117),
une décision d’un panel de l’une des institutions d’ODR accréditées par
l’ICANN d’annuler ou de transférer un nom de domaine est exécutée par

(1117) La procédure UDRP s’applique, il est vrai, également à d’autres systèmes de noms de
domaine nationaux, qui sont toutefois d’importance mineure, d’un point de vue quantitatif, par
rapport aux domaines génériques ou internationaux, dont on rappellera qu’ils concernent les sites
en <.com>, <.org> ou <.net>, <.biz>, <.info>, <.name>, <.aero>, <.coop>, <.museum> et <.pro>. À
notre connaissance, les domaines en <.eu> sont les seuls noms internationaux auxquels la procédure
UDRP ne s’applique pas.

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EFFECTIVITÉ 375

l’opérateur de registre du nom de domaine concerné. Concrètement, cela


signifie que cet opérateur modifie dans une banque de données l’association
entre un nom de domaine et une adresse IP dès lors qu’un panel autorisé à
appliquer l’UDRP le lui ordonne.
L’exécution de cette décision rendue en application des règles UDRP
n’est soumise qu’à une seule condition : que le titulaire du nom de domaine
en question n’ait pas fourni la preuve de l’introduction d’une procédure
judiciaire dans un délai de dix jours à compter de la décision du pa-
nel (1118). La saisine d’un tribunal dans ce délai étant extrêmement rare
(selon certaines statistiques moins d’un pour cent des affaires tranchées par
un panel UDRP), ces décisions sont quasiment toujours effectivement
exécutées par l’opérateur de registre (1119).
La ressource contrôlée ici est la banque de données utilisée pour la
conversion des noms de domaine en adresse IP (1120), qui constitue le

(1118) Voir l’article 4(k) principes UDRP, qui prévoit notamment que « si une commission ad-
ministrative décide que votre enregistrement de nom de domaine doit être radié ou transféré, nous
surseoirons à l’exécution de cette décision pendant dix (10) jours ouvrables (selon les usages établis
au lieu de notre siège) après en avoir été informés par l’institution de règlement compétente. Nous
exécuterons ensuite cette décision, à moins d’avoir reçu de vous dans ce délai de dix (10) jours
ouvrables un document officiel (par exemple la copie d’une plainte, portant le tampon
d’enregistrement d’un greffe de tribunal) attestant que vous avez engagé des poursuites judiciaires à
l’encontre du requérant en un for dont le requérant a accepté la compétence conformément au
paragraphe 3(b)xiii) des règles de procédure. (En règle générale, ce sera soit au lieu de notre siège,
soit à celui de votre adresse telle qu’elle figure dans notre répertoire […]). »
(1119) En ce sens, E.G. THORNBURG, « Going private : Technology, Due Process, and Inter-
net Dispute Resolution », op. cit. n. 977, p. 197, arguant que « si le titulaire du nom de domaine a
perdu la procédure ICANN et qu’il ne peut financer [une action judiciaire], le nom de domaine est
perdu » (trad. par l’auteur) et ID., « Fast, Cheap, and Out of Control : Lessons from the ICANN
Dispute Resolution Process » in J. Small & Emerging Bus. L., 2002, vol. 6, p. 191 et seq., spéc.
p. 224 : « bien qu’une partie insatisfaite du résultat de la procédure UDRP peut saisir un tribunal
pour tenter de renverser la décision, il ne s’agit pas ici d’un recours, mais d’un procédure judiciaire
de novo. Une telle procédure a également de grandes chances d’être affligée par les coûts et les
délais que l’UDRP devait précisément éviter. Il y a eu plus de 3’000 décisions UDRP et environ 25
procédures judiciaires subséquentes. Bien que cela puisse refléter une satisfaction totale avec la
procédure UDRP, il semble beaucoup plus réaliste de dire que cela est dû à tout le moins en partie
au délai excessivement bref et aux coûts probables d’une procédure judiciaire. Une procédure de
recours interne, particulièrement si elle a lieu devant un panel aussi représentatif que possible des
titulaires de noms de domaine et des titulaires de droits de marque, impliquerait moins de frais
pour les parties et leur conférerait un meilleur contrôle sur les décisions erronées » (trad. par
l’auteur).
(1120) Th. SCHULTZ, « Online dispute resolution (ODR) : résolution des litiges et ius nume-
ricum », op. cit. n. 978, p. 198 et seq.

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376 RÉGULATION PAR LES ODR

mécanisme de base des navigateurs pour Internet et donc un élément es-


sentiel au fonctionnement du web (1121). Ce contrôle est rendu possible,
comme nous l’avons vu ci-dessus (1122), par la mainmise de l’ICANN sur
la base de données opérant cette conversion. Si, dans les faits, la gestion de
cette base de données est déléguée aux opérateurs de registre, cette déléga-
tion est soumise à l’accréditation de l’opérateur de registre par l’ICANN.
Selon le contrat d’accréditation entre l’ICANN et les opérateurs de regis-
tre, ces derniers sont tenus d’exécuter les décisions des panels opérant sous
l’égide de l’ICANN. L’autoexécution est ici déléguée à un tiers n’ayant
aucun pouvoir d’opposition quant aux décisions rendues.

(1121) Sur l’importance fondamentale de ce mécanisme de conversion pour le fonctionnement


du web et ses conséquences sur la capacité régulatrice de l’ICANN, voir par exemple N.W.
NETANEL, « Cyberspace Self-Governance : A Skeptical View from Liberal Democratic Theory »
in Calif. L. Rev., 2000, vol. 88, p. 395 et seq., spéc. p. 485 : « le pouvoir futur de l’ICANN ne doit
pas être sous-estimé. Personne ne peut établir un site web publiquement accessible sans un nom de
domaine. En conséquence, si l’ICANN devait décider que les opérateurs de registre de noms de
domaine peuvent (ou doivent) rejeter l’enregistrement d’un nom de domaine si le candidat ne
s’engage pas à renoncer à certains types de publications, à satisfaire certains critères de ‘bonne
conduite’, ou s’il ne paye pas une somme substantielle, dans ce cas les candidats refusant de se plier
à ces conditions n’auront effectivement aucune présence sur le web » (trad. par l’auteur).
(1122) Voir Sous-section II. — Accès à Internet, spamming, noms de domaine et
certification, p. 330 supra.

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CHAPITRE XI
Chapitre XI. — Validité formelle : légalité et systèmes juridiques

VALIDITÉ FORMELLE : LÉGALITÉ ET


SYSTÈMES JURIDIQUES

Dans le chapitre précédent, nous avons étudié la capacité des institutions


de résolution des litiges en ligne à produire du droit, en nous concentrons
sur l’empirie. Nous y avons examiné avant tout les mécanismes que ces
institutions peuvent mobiliser afin de créer des normes qui seront respec-
tées en pratique. À cette fin, nous nous sommes résolument tourné vers le
concept d’effectivité, retenu dans sa dimension instrumentale, c’est-à-dire
que nous avons examiné la capacité de normes et de leurs auteurs à
contraindre leurs destinataires et à obtenir ainsi le respect de ces normes en
pratique.
Dans ce contexte, nous avons également abordé les relations entre, d’un
côté, les normes produites dans le contexte du règlement en ligne de diffé-
rends et, de l’autre, le droit étatique. Ceci signifie que nous y avons briève-
ment abordé les phénomènes d’internormativité, savoir les interactions
entre les normes de plusieurs sources. Plus précisément, nous nous sommes
demandé lequel de ces deux ordres normatifs pouvait avoir, au gré des cir-
constances dont il s’agissait de faire le constat ou l’hypothèse, la plus grande
capacité de contrainte. Ce faisant, nous nous sommes focalisé sur l’idée très
empiriste que cette capacité de contrainte prend souvent un rôle détermi-
nant dans la concurrence que se jouent les ordres normatifs en vue de la
régulation d’un type d’actions donné. Nous pensons en effet que le système
normatif possédant la plus importante capacité à contraindre influencera le
plus fortement, pour un temps au moins, le comportement des destina-
taires. Nous y avons conclu que les institutions de règlement des litiges en
ligne disposent d’instruments juridiques, économiques, sociaux et techni-
ques capables de conférer à ces institutions une force de contrainte surpre-
nante, susceptible d’exclure largement l’emprise du droit et de la justice
étatiques.

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378 RÉGULATION PAR LES ODR

Il convient maintenant de changer de perspective, de déplacer le regard


vers les aspects systémiques et formels de cette production de normes.
Dans le présent chapitre, nous entendons donc penser en termes non plus
de rapports de force bruts entre les normes et leurs producteurs, mais de
systèmes de normes : nous examinerons l’existence d’ordres normatifs pro-
duits par les procédures de règlement en ligne de litiges et les rapports
d’inclusion / exclusion qu’ils entretiennent avec le système juridique éta-
tique.
Ce faisant, il s’agira notamment de vérifier l’hypothèse du caractère juri-
dique des normes produites par les ODR. Cette juridicité peut être appré-
hendée relativement à deux références : ou bien l’on prend pour critère
l’inclusion / exclusion de ces normes par rapport au système juridique éta-
tique (juridicité étatique), ou bien l’on conçoit et l’on étudie la formation,
par ces normes, de systèmes juridiques hors de l’État (juridicité en tant que
système non étatique). Chacune de ces deux hypothèses, qui ne sont pas
mutuellement exclusives, véhicule des implications spécifiques quant aux
acteurs participant à l’élaboration des normes. Nous les examinerons en
conséquence toutes les deux. L’examen de la seconde hypothèse nous per-
mettra également de répondre à la question de savoir si les institutions de
résolution des litiges en ligne sont des vecteurs d’un simple pluralisme
normatif ou plutôt d’un réel pluralisme juridique – le second constituant un
pluralisme normatif qualifié.
Cette réflexion nous conduira par ailleurs à revenir et à enrichir notre
étude des phénomènes d’internormativité entre ces systèmes normatifs hors
l’État et le droit étatique, en nous concentrons cette fois-ci davantage sur
les relations formelles – et non plus les rapports de force – que ces systèmes
peuvent entretenir.
Avant de passer à l’analyse de ces divers sujets, il faut sans doute encore
expliciter notre perspective. Celle-ci est fondée sur le critère de la validité
formelle de normes et d’ordonnancements juridiques. C’est ainsi par l’étude
de ce critère que nous entamerons ce chapitre.

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VALIDITÉ FORMELLE 379

SECTION I. — Validité formelle et légalité :


définition

La validité formelle est un critère d’« appartenance au système juridique de


référence » (1123). Il s’agit donc d’un test d’intégration d’une norme ou
d’un groupe de normes à un système juridique. Ce test pose essentiellement
des conditions systémiques, formelles, procédurales, qui correspondent aux
« critères imposés par le système en question » (1124), aux exigences posées
par les « règles de reconnaissance » d’un système juridique (1125). En
général, on peut ainsi dire qu’une norme appartient à un système juridique
donné si elle a été adoptée (a) par un auteur dont le système juridique en
question reconnaît la compétence et (b) selon les procédures d’adoption
imposées par ce système (1126). La validité formelle d’une norme est donc
toujours dérivée d’une ou de plusieurs autres normes du système juridique
de référence (1127). C’est pourquoi la validité formelle est parfois qualifiée
de systémique.
Appliqué au droit étatique, le critère de la validité formelle se confond
avec celui de la légalité : une norme fait partie du système juridique étatique
si elle est conforme à la loi (au sens matériel du terme et limité aux normes

(1123) F. OST et M. VAN DE KERCHOVE, De la pyramide au réseau ?, op. cit. n. 911, p. 315, F.
OST, « Validité », op. cit. n. 913, p. 433 : « l’appartenance d’une norme juridique à un système
juridique ».
(1124) F. OST, « Validité », op. cit. n. 913, p. 433.
(1125) H.L.A. HART, Le concept de droit, op. cit. n. 914, p. 130 : « dire qu’une règle donnée est
valide, c’est reconnaître qu’elle satisfait à tous les critères fournis par la règle [secondaire] de recon-
naissance et qu’elle constitue ainsi une règle du système. Nous pouvons même dire simplement que
le jugement selon lequel une règle particulière est valide signifie qu’elle satisfait à tous les critères
fournis par la règle de reconnaissance. »
(1126) J. WROBLEWSKI, « Verification and Justification in the Legal Sciences » in Rechtstheo-
rie, Beiheft no 1, 1979, p. 195 et seq., spéc. p. 207 : « a norm is valid in the systemic meaning of
this term, if it fulfils the following conditions : (a) it is properly enacted and came in force ; (b) is
not derogated ; (c) is not inconsistent with another norm valid in the system in question ; (d) if it
is inconsistent, then it does not [lose] its validity according to the accepted rules of conflicts of
law. » Sur l’importance de la non-contradiction et de la résolution de conflits de normes au sein
d’un même système, contribuant à la construction intellectuelle de la « pyramide des normes », voir
H. KELSEN, Théorie pure du droit, op. cit. n. 958, p. 274.
(1127) A. AARNIO, Le rationnel comme raisonnable, op. cit. n. 918, p. 49 : « la norme N est léga-
lement valide au sens systémique interne […] si la norme N peut être dérivée d’une transformation
(interne) d’une norme formellement valide eu égard à la Constitution et […] si la validité juridique
de la Constitution peut être justifiée par une norme fondamentale. »

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380 RÉGULATION PAR LES ODR

secondaires au sens de Hart). La validité d’une norme du droit étatique est


dérivée d’autres normes du droit étatique.
Appliqué à des normes qui n’ont pas formellement été adoptées par une
autorité étatique, autrement dit qui proviennent de sources privées, la ques-
tion se pose de savoir par rapport à quel système juridique la validité
formelle doit être examinée. Deux réponses s’offrent à cette question : le
système juridique étatique et le système juridique non étatique au sein du-
quel la norme en examen a été adoptée. Nous nous proposons de consacrer
les points suivants à l’examen de ces deux réponses.

SOUS-SECTION I. — LÉGALITÉ : CONFORMITÉ AU


DROIT ÉTATIQUE ET INTÉGRATION DANS CELUI-CI

La première solution, consistant donc à analyser l’appartenance d’une


norme d’origine non étatique au système juridique étatique, amène une
interrogation (on le sent intuitivement) sur le plan purement logi-
que (1128). La validité formelle pose en effet la question de l’appartenance
à un système juridique de référence. Ce critère de validité fait toujours réfé-

(1128) Pour un exemple de l’adoption de cette solution dans le contexte du droit du cyber-
espace, voir Y. POULLET, « Les diverses techniques de réglementation d’Internet », op. cit. n. 913,
pp. 61-62 : « F. Ost affirmait que la validité d’un système juridique reposait sur trois critères que
nous paraphrasons comme suit : la légitimité des auteurs, la conformité du contenu aux normes
supérieures et, en définitive, l’effectivité de la règle posée. Appliquées à l’autorégulation, […] la
conformité de la norme à la norme supérieure suppose, lorsque la norme provient de sources pri-
vées, que son contenu ne déroge pas et applique le contenu de la norme supérieure. Cette norme
supérieure peut provenir d’un texte international ou national, d’une norme à contenu précis ou au
contraire vague » et ID., « How to Regulate the Internet », op. cit. n. 913, p. 13 : « selon certains
auteurs, tels que Ost, par exemple, il est possible de déterminer la validité d’une norme juridique
selon trois critères […] Le second critère est certainement la conformité du contenu de la norme
par rapport à d’autres normes. À nouveau, ce critère est relativement facile à satisfaire en ce qui
concerne les réglementations traditionnelles, où chaque effort de réglementation doit prendre en
considération des règles à valeur supérieure. Il semble plus difficile à satisfaire quand la conformité
avec les textes législatifs est précisément inexistante, dans la mesure où l’autorégulation est fré-
quemment une manière d’échapper aux modalités traditionnelles de production juridique » (trad.
par l’auteur). Voir aussi ID., « Technologies de l’information et de la communication et ‘co-régula-
tion’ : une nouvelle approche ? », op. cit. n. 919 et C. LAZARO, « Synthèse des débats », op. cit. n.
913, pp. 164–166 : « si l’on raisonne par analogie avec le système juridique étatique,
l’autorégulation, en tant que source normative, serait susceptible de tirer sa validité de trois critè-
res : la légitimité des auteurs, la conformité du contenu aux normes supérieures et l’effectivité de la
règle posée […] Les instruments d’autorégulation se doivent de respecter le contenu des normes
supérieures issues, par exemple, d’un texte national ou international, et ne peuvent, en aucun cas, y
déroger » (nous soulignons).

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VALIDITÉ FORMELLE 381

rence à un système juridique spécifique, qui n’est pas forcément le système


étatique (à condition, bien entendu, de s’en tenir à la perspective épisté-
mologique du pluralisme juridique (1129)), puisque ce dernier ne constitue
qu’un système parmi d’autres. Il serait en conséquence moins surprenant,
nous semble-t-il, d’examiner la validité formelle par rapport au système
juridique dans lequel se placent les auteurs de la norme (1130). Cela semble
aller de soi pour le droit étatique, où la validité formelle d’une norme est
examinée au regard du droit national de l’État dans lequel la norme a été
émise ; d’un point de vue purement systémique ou logique, il n’y a guère de
raison de procéder autrement pour les systèmes juridiques non étatiques. Si
l’on analyse la conformité d’une production normative juridique non étati-
que (autorégulation, régulation par la résolution des litiges en ligne, etc.)
par rapport au droit étatique, on procède en réalité à un test inter-
systémique, qui ne découle pas de manière évidente du critère de validité
formelle au sens habituel du terme.

A. — Légalité et relativité générale


Il n’est pas sans intérêt de considérer la validité formelle d’une norme
d’origine non étatique selon le principe de la légalité, c’est-à-dire au regard
du droit étatique. D’un point de vue purement systémique, tout d’abord, il
faut reconnaître qu’il existe des phénomènes de reconnaissance réciproque
de certaines parties de la production normative entre deux systèmes juridi-
ques (notons en passant que rien ne s’oppose à l’appartenance simultanée
d’une norme à plusieurs systèmes juridiques). La reconnaissance et
l’exécution de jugements étrangers ou de sentences arbitrales rendues dans

(1129) Notons qu’Yves Poullet se place dans la même position épistémologique : Y. POULLET,
« Les diverses techniques de réglementation d’Internet », op. cit. n. 913, p. 61, où il affirme que
dans la perspective « d’une reconnaissance claire et indiscutable du pluralisme juridique […] l’acte
d’autoréglementation, et plus généralement les sources privées du droit […] apparaissent au plein
sens du terme comme des ordres juridiques ». Dans « How to regulate the Internet », op. cit. n.
913, p. 12, il adopte la même position.
(1130) La validité formelle étant essentiellement fondée sur des considérations systémiques, qui
reposent en définitive sur la logique formelle, la définition de la validité en logique constitue dans
ce contexte un critère de référence central ; elle s’y définit de la manière suivante : « on dira que le
raisonnement est valide chaque fois que toutes les prémisses (dans le cas d’une règle d’inférence) ou
toutes les hypothèses (dans le cas d’une déduction) ont la valeur vrai dans un monde donné, alors la
conclusion doit aussi avoir la valeur vrai dans ce monde » : Encyclopédie philosophique universelle, t.
II, Les notions philosophiques, t. 2, Paris, PUF, 1990, p. 2963.

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382 RÉGULATION PAR LES ODR

d’autres systèmes juridiques en constituent la manifestation la plus osten-


sible (1131).
D’un point de vue systémique externe, les systèmes juridiques non étati-
ques ne sont pas soumis au droit étatique, ils n’occupent pas une position
hiérarchique inférieure à celui-ci. Cette absence de hiérarchie entre les
systèmes juridiques est patente quand on est en présence de plusieurs sys-
tèmes juridiques étatiques. Un droit national n’est ni supérieur ni inférieur
à un autre droit national, et pour cause : ils forment deux systèmes juridi-
ques distincts et donc deux systèmes hiérarchiques distincts, la hiérarchie
de chacun d’entre eux ne s’appliquant qu’à lui-même, en son sein. Il en va
de même pour les systèmes juridiques non étatiques qui existent, comme
dirait Phocion Francescakis, signant une introduction à l’œuvre de Santi
Romano, « chacun dans sa sphère » (1132), si bien que François Rigaux a
pu rappeler que l’État ne confère en aucun cas « aux ordonnancements
privés une juridicité que ceux-ci n’auraient pas par eux-mêmes » (1133).

(1131) Voir par exemple F. RIGAUX, « Les situations juridiques individuelles dans un système
de relativité générale », op. cit. n. 953, pp. 64–68, P. LAGARDE, « Approche critique de la lex
mercatoria » in Le droit des relations économiques internationales : études offertes à Berthold Goldman,
Paris, Litec, 1982, p. 125 et seq., spéc. p. 147 et Th. CLAY, L’arbitre, Paris, Dalloz, 2001, p. 215.
(1132) Ph. FRANCESCAKIS, « Introduction à l’édition française » de S. ROMANO, L’ordre juri-
dique, op. cit. n. 967, p. xiii : « C’est que l’existence d’un ordre juridique ne dépend pas de sa licéité au
regard de l’ordre étatique. Leur juridicité ne leur vient en effet de rien d’autre que de leur caractère
institutionnel, qui peut, dans des cas extrêmes rappelés par l’auteur, traduire une organisation fort
poussée, comparable à celle de l’État, voire parfois conçue sur son modèle. Leur refuser le caractère
d’ordre juridique, ce ne pourrait être qu’en vertu d’un jugement moral, lequel est précisément
étranger au droit. Ainsi, ces ordres proscrits par l’État et, de même et à plus forte raison, ceux qui
sont pour l’État irrelevants existent chacun dans sa sphère et peu importe que selon le droit de l’État
ils soient antijuridiques. » Voir aussi F. RIGAUX, Droit international privé, t. I, Théorie générale, 2ème
éd., Bruxelles, Larcier, 1987, p. 13 : « il faut joindre l’une à l’autre deux vérités complémentaires :
que chaque société humaine se construit de manière autonome, adoptant des règles et créant des
institutions dont la validité et la juridicité ne sauraient être évaluées de l’extérieur et notamment
par un autre ordre juridique ; qu’aucune société humaine ne peut s’isoler de toutes les autres socié-
tés. »
(1133) F. RIGAUX, La loi des juges, op. cit. n. 954, p. 28. Voir aussi ID., « Les situations juridi-
ques individuelles dans un système de relativité générale », op. cit. n. 953, p. 83 : « seule une identi-
fication périmée entre l’État et le droit conduit à subordonner la juridicité des droits étrangers (ce
qui inclut le droit d’un autre État et le droit non étatique) à leur réception dans le système de la lex
fori. Selon la doctrine traditionnelle, pareil au roi Midas qui transformait tout ce qu’il touchait en
or, seul le droit d’un État serait en mesure de rendre juridique, par son simple contact, une situa-
tion qui n’aurait pu, par elle-même, acquérir ce caractère. Contrairement à cette doctrine il est
erroné de réduire la juridicité des ordres juridiques transnationaux aux phénomènes sporadiques de
leur réception par le droit étatique. » Voir aussi Y. POULLET, « Les diverses techniques de régle-

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VALIDITÉ FORMELLE 383

Si toutefois l’on adopte ce que François Ost et Michel van de Kerchove


ont pu qualifier, dans un contexte quelque peu différent, de « point de vue
externe modéré », c’est-à-dire un « point de vue externe […] averti du
point de vue interne des acteurs juridiques » (1134), on réalisera aisément
que l’on est ici en réalité dans ce que François Rigaux a décrit comme un
« système de relativité générale » (1135), c’est-à-dire une situation où la
hiérarchie des normes dépend du point de vue (interne) de chaque obser-
vateur (1136). Pour l’observateur placé dans un système juridique, la pro-
duction normative de tout autre système sera, à tout le moins avant sa
réception, d’un niveau hiérarchique inférieur (1137). Cela découle du fait
que quand un système juridique reconnaît la production normative d’un
autre système, celle-ci est soumise (relation hiérarchique) aux conditions du
système qui opère la reconnaissance (1138).

mentation d’Internet », op. cit. n. 913, p. 61 : « faut-il pour autant considérer que les ordres juridi-
ques privés et publics sont sur pied d’égalité ? De nombreux auteurs affirment le double privilège
étatique par rapport à ceux privés. Le premier est celui du recours ultime devant les juridictions de
l’ordre juridique étatique. Nul ne peut être privé de la possibilité d’un recours devant de telles
juridictions ; le second est précisément la possibilité pour de telles juridictions, d’une part, de juger
de la validité des autres systèmes juridiques et, d’autre part, d’analyser leur conformité à certains
principes-clés de tout ordre juridique. »
(1134) F. OST et M. VAN DE KERCHOVE, Jalons pour une théorie critique du droit, op. cit. n.
913, p. 76
(1135) Voir de manière générale, dont le titre est évocateur : F. RIGAUX, « Les situations juri-
diques individuelles dans un système de relativité générale », op. cit. n. 953. Voir aussi ID., « Le
droit au singulier et au pluriel » in RIEJ, 1982, vol. 9, p. 45 et seq., spéc. p. 56, relevant « le carac-
tère essentiellement relatif de tout ordre juridique » et, encore ID., « La relativité générale des
ordres juridiques » in L’extranéité ou le dépassement de l’ordre juridique étatique, s. dir. E. Wyler et A.
Papaux, Paris, Pedone, 1999, p. 75 et seq.
(1136) F. RIGAUX, Droit international privé, t. I, Théorie générale, op. cit. n. 1132, p. 13 : « en
l’absence d’un métasystème et parce que chaque ordre juridique particulier est autonome, il règle à
sa manière et selon la perspective qui lui est propre les relations qu’il entretient avec les autres
systèmes, pure modalité de son propre fonctionnement. »
(1137) En ce sens, on lira avec intérêt ces lignes de François Rigaux : « il arrive que le droit éta-
tique reçoive certains effets juridiques produits par un ordonnancement qui lui est extérieur sans
être celui d’un autre État, ni se rattacher d’aucune manière au droit international […] Citons la
reconnaissance d’un acte de l’autorité religieuse, l’exclusion de la compétence juridictionnelle
étatique par l’effet d’une clause arbitrale, l’application des règles du jeu par le juge de la responsabi-
lité. Encore faut-il entendre la nature de tels phénomènes […] On peut en minimiser la portée en
affirmant que l’acte émanant d’une autorité non étatique est un simple fait au regard du droit
étatique. C’est en vertu de la même qualification réductrice que le droit étatique est tenu pour un
fait par le droit international » : F. RIGAUX, La loi des juges, op. cit. n. 954, p. 28.
(1138) Nous nous plaçons ici en continuité d’une réflexion, menée notamment par François
Ost et Michel van de Kerchove, sur la distinction entre validité interne (« qui s’attache aux actes et

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384 RÉGULATION PAR LES ODR

Au-delà de ces considérations systémiques, nécessaires pour asseoir en


logique l’examen de la validité formelle de la production juridique non
étatique selon le critère de la légalité, l’intérêt de ce test de légalité réside
essentiellement là où le critère de la validité formelle dépasse son rôle pu-
rement systémique, pour toucher à l’effectivité ou à des considérations
axiologiques. L’intérêt d’une analyse en application du concept de la léga-
lité réside donc, à notre avis, dans la question suivante : dans quelle mesure
la production normative juridique par la résolution des litiges en ligne est-
elle garantie dans son effectivité et ses aspects éthiques (pour ne pas dire
légitimité, nous reviendrons à la raison de cette distinction (1139)) par une
reconnaissance juridique étatique ? C’est à répondre à cette question que
nous nous attacherons ci-après.

B. — Légalité et effectivité
Du point de vue de l’effectivité, premier pôle d’importance concrète du
critère de légalité appliqué au droit produit par la résolution des litiges en
ligne, le rôle du contrôle de légalité est de vérifier si les conditions, fixées
par le droit étatique, sont satisfaites pour qu’une norme, un ordonnan-
cement juridique, une modalité de production du droit puisse avoir accès à
l’appareil coercitif du système juridique étatique (c’est-à-dire le système
juridique auquel la validité formelle lui prête appartenance) (1140). De

normes juridiques ») et validité externe (« qui caractérise les systèmes juridiques envisagés globale-
ment »). On notera que les auteurs relèvent, en rapport avec cette distinction, que « la validité
interne s’apprécie de façon dominante à l’aide de critères formels et systémiques (pôle légalité),
tandis que, en revanche, la validation des systèmes eux-mêmes procédera pour l’essentiel de consi-
dérations de légitimité et d’effectivité – tant du moins que ne se sera pas imposé un ordre juridique
mondial fixant des critères impératifs de reconnaissances des ordres juridiques » : F. OST et M. VAN DE
KERCHOVE, De la pyramide au réseau ?, op. cit. n. 911, p. 325 (nous soulignons), la référence à un
hypothétique ordre juridique mondial indique, nous semble-t-il, que les auteurs ont adopté un
point de vue externe ; le système de relativité générale et de reconnaissance réciproque des systèmes
juridiques que nous avons évoqué nous semble se placer en exacte continuité avec ce développe-
ment, avec toutefois une perspective légèrement différente. Voir aussi A. AARNIO, Le rationnel
comme raisonnable, op. cit. n. 918, p. 47 : « la question centrale consiste à se demander comment
justifier la norme fondamentale en recourant (seulement) à des critères externes. S’occuper de cette
sorte de validité systémique externe au sens formel nous conduit à prendre en considération le
problème de la légitimité du système de normes en tant que système juridique. »
(1139) Voir Section I. — Le concept de légitimité, p. 509 et seq. infra.
(1140) C’est en ce sens que François Rigaux a pu écrire que « la reconnaissance des actes et des
décisions étrangers s’articule au pouvoir exclusif de contrainte physique exercée par un État sur son
territoire » et qu’« entre le droit étatique et les ordres juridiques transnationaux s’établissent aussi

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VALIDITÉ FORMELLE 385

manière générale, l’un des aspects de l’importance de la validité formelle est


cet accès à l’appareil coercitif d’un système juridique (1141) ; une norme
doit être formellement valide pour qu’elle puisse par exemple conduire à
une décision et une exécution forcée. Bien que les ODR aient ou qu’ils
puissent avoir, comme nous l’avons vu au chapitre précédent, accès à
d’autres appareils coercitifs que celui de l’État, ce dernier demeure dans un
certain nombre de situations l’appareil le plus puissant et, parfois, le seul
qui soit réellement efficace (1142). Notons encore qu’il ne s’agit pas ici
d’une étude de l’effectivité en soi, mais d’une analyse de la légalité du droit
produit par la résolution des litiges en ligne qui est elle-même, à certains
égards, une condition (ou une possibilité) de l’effectivité de cette produc-
tion juridique. C’est dans un sens très proche à cette idée que François Ost
et Michel van de Kerchove écrivent que « l’effectivité est inexorablement
enchevêtrée avec des critères de légalité » (1143), relevant ainsi les déborde-
ments réciproques de ces deux critères de la validité.

des relations analogues à celles que les ordres juridiques étatiques entretiennent entre eux. Le droit
international privé des contrats et l’arbitrage transnational en procurent les exemples les plus
significatifs. Quand le réseau institutionnel de l’État accueille un phénomène de juridicité non
étatique, il y fait produire les effets prévus par le droit de cet État. Pareille réception confère à la
situation régie par un ordre juridique transnational une juridicité nouvelle propre au droit étatique,
mais ce n’est pas d’elle que dépend la force obligatoire qui y est inhérente en vertu de l’ordre juridi-
que dont elle émane » : F. RIGAUX, « Les situations juridiques individuelles dans un système de
relativité générale », op. cit. n. 953, pp. 81–82.
(1141) Effectivité et validité formelle sont donc liées. Si une règle est jugée formellement inva-
lide, elle sera exclue du système juridique de référence et ne pourra donc pas bénéficier de l’appareil
de coercition de ce système juridique. Par exemple, un contrat jugé illicite ne pourra plus bénéficier
des procédures d’exécution forcée offertes par le système juridique étatique. Dans un sens proche,
on se rappellera ce passage de Max Weber, que nous avions déjà évoqué : « une règle de droit est
pour nous une prescription assortie de certaines garanties spécifiques qui lui donnent la possibilité
d’entrer dans les faits. Et il faut entendre par droit objectif garanti celui dont la garantie est assurée
par l’existence d’un appareil de coercition » : M. WEBER, Économie et société, t. 2, op. cit. n. 943,
p. 13.
(1142) C’est dans un sens proche que le grand internationaliste René-Jean Dupuy écrivait, dans
le contexte de la globalisation et du cyberespace, qu’en principe « le droit a besoin de l’État, légi-
slateur interne et international qui, doté du monopole de la violence légitime, donne aux normes
juridiques leur effectivité » : R.J. DUPUY, « Le dédoublement du monde » in RGDIP, 1996, p. 313
et seq., spéc. pp. 316–317. Rappelons-nous toutefois ces mots de l’autre grand internationaliste,
François Rigaux : « [certains] ordonnancements non étatiques n’ont pas besoin du bras séculier
pour déployer leurs effets, car ils bénéficient du double attribut de circularité et de clôture qui
appartient à tout ordre juridique » : F. RIGAUX, La loi des juges, op. cit. n. 954, p. 28.
(1143) F. OST et M. VAN DE KERCHOVE, De la pyramide au réseau ?, op. cit. n. 911, p. 327.

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386 RÉGULATION PAR LES ODR

C. — Légalité et éthique
Du point de vue éthique, deuxième pôle d’importance, le contrôle de léga-
lité est un test de conformité d’une norme, d’un groupe de normes, d’une
modalité de production du droit ou même d’un système juridique tout en-
tier avec ce que l’on peut appeler, avec Lon Fuller, la « moralité interne du
droit » (1144). Il s’agit ici d’une moralité procédurale constituée de princi-
pes considérés nécessaires pour assurer à la production du droit une cer-
taine intégrité morale. Le droit doit être produit en respectant certains
principes (1145) visant à garantir au résultat de la production (c’est-à-dire
le droit en substance) une certaine conformité aux valeurs éthiques ou mo-
rales de ses destinataires. En d’autres termes, le contrôle de légalité est
perçu ici comme un test de moralité visant directement à garantir une cer-
taine justice procédurale ou formelle (1146) et, indirectement, à garantir la
moralité substantielle du droit – cette dernière se confondant avec sa légi-
timité, pôle de la validité auquel nous reviendrons dans le prochain chapi-
tre.
Partant, et en accord avec l’idée centrale de Lon Fuller, la moralité in-
terne est constituée de principes d’efficacité juridique (1147) qui sont en
même temps des idéaux moraux (1148). En simplifiant quelque peu, on

(1144) L.L. FULLER, The Morality of Law, New Haven et Londres, Yale Univ. Press, 1964,
p. 33 et seq. Pour une intégration de ce concept dans le contexte de la validité formelle du droit, F.
OST et M. VAN DE KERCHOVE, De la pyramide au réseau ?, op. cit. n. 911, pp. 327–328 : « par
ailleurs, un examen plus attentif des diverses conditions de validité procédurale propres à l’État de
droit révèle un souci qui va bien au-delà d’un pur formalisme : il y va, pour reprendre la lumineuse
expression de L. Fuller, d’une ‘moralité interne du droit’. »
(1145) Selon ces principes, les normes doivent notamment être générales, publiées, non rétro-
actives, claires, non contradictoires, ne pas prescrire l’impossible, ne pas être modifiée avec une
fréquence telle qu’elles en deviennent imprévisibles et leur mise en oeuvre doit pouvoir être atten-
due au regard de leur énoncé : L.L. FULLER, The Morality of Law, op. cit. n. 1144, p. 39 et ID.,
« Eight ways to fail to make law » in Philosophy of Law, s. dir. J. Feinberg, J. Coleman et J.L.
Coleman, 7ème éd., Belmont, Calif., Wadsworth, 2003, p. 20 et seq.
(1146) Voir par exemple J. BARNETT, « The Ninth Amendment and Constitutional Legiti-
macy » in Chi.-Kent. L. Rev., 1988, vol. 64, p. 37 et seq., spéc. p. 43.
(1147) L’efficacité juridique étant, on s’en souvient, la capacité d’une norme à sortir ses effets
juridiques.
(1148) C’est en ce sens qu’il écrit que « what I have called the internal morality of law is […] a
procedural version of natural law […] concerned, not with the substantive aims of legal rules, but
with the ways in which a system of rules for governing human conduct must be constructed and
administered if it is to be efficacious and at the same time remain what it purports to be »: L.L.
FULLER, The Morality of Law, op. cit. n. 1144, pp. 96–97.

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VALIDITÉ FORMELLE 387

peut ainsi dire qu’un système de production du droit ne peut réellement


créer du droit susceptible d’être doté d’une certaine efficacité que si la pro-
duction suit certains principes de procédure dans lesquels sont enchâssés
(embedded) certains principes moraux (1149). La raison pour la connexion
entre moralité interne et efficacité est qu’il en va aussi, avec la moralité
interne, de la légitimité du droit produit puisque, on l’a vu, ces principes de
procédures visent de manière médiate à assurer celle-ci. Or la légitimité
constitue, rappelons-le, une condition de la validité juridique (qui se
confond elle-même, selon la définition que nous en avons retenu, avec
l’efficacité juridique). Quant à cette dernière connexion, entre légitimité et
efficacité, on se rappellera que, suivant l’approche fondée sur la « typologie
dynamique des normes » de François Ost et Michel van de Kerchove, un
droit illégitime conduira selon toute vraisemblance à la résistance de ses
destinataires, ce qui entraînera une diminution de son effectivité et en défi-
nitive une probable abrogation.
Pour le droit étatique, il en va, avec la moralité interne, de la stabilité du
système. Comme l’écrivent Ost et van de Kerchove, suivant les dévelop-
pements de Fuller, « ignorer ces standards [de la moralité interne] serait,
dans le chef des gouvernants, porter atteinte à la confiance des destinataires
de la règle et ébranler ainsi la stabilité du pacte social sur lequel repose
l’État de droit. Il apparaît ainsi que la moralité interne […] concerne […]
directement la stabilité et l’acceptabilité de l’ordre juridique concer-
né » (1150). Pour le droit non étatique, il en va, pourrait-on dire en

(1149) Une célèbre critique de Hart consistait à affirmer que des critères d’efficacité ne consti-
tuent pas des critères de moralité, affirmation illustrée par le passage suivant : « the author’s insis-
tence on classifying these principles of legality as a morality is a source of confusion both for him
and his readers […] The crucial objection to the designation of these principles of good legal
craftsmanship as morality, in spite of the qualification inner, is that it perpetrates a confusion
between two notions that it is vital to hold apart : the notions of purposive activity and morality.
Poisoning is no doubt a purposive activity, and reflections on its purpose may show that it has its
internal principles. (‘Avoid poisons however lethal if they cause the victim to vomit’…) But to call
these principles of the poisoner’s art the morality of poisoning would simply blur the distinction
between the notion of efficiency for a purpose and those final judgments about activities and
purposes with which morality in its various forms is concerned » : H.L.A. HART, « Book Review
of The Morality of Law » in Harv. L. Rev., 1965, vol. 78, p. 1281 et seq., spéc. pp. 1285-86. Si
tout critère d’efficacité ne constitue, en effet, pas un critère de moralité, l’exclusion catégorique
entre ces deux types de critères est trop radicale, étant donné, par exemple, que des critères de
moralité peuvent tout à fait, comme on l’a vu, constituer des critères d’efficacité.
(1150) F. OST et M. VAN DE KERCHOVE, De la pyramide au réseau ?, op. cit. n. 911, p. 328.

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388 RÉGULATION PAR LES ODR

s’inspirant de Lon Fuller, de sa reconnaissance en tant que droit par le


système juridique étatique. En effet, selon cet auteur, « un échec total
concernant [l’une des composantes de la moralité interne] ne résulte pas
simplement en un mauvais système juridique ; il en résulte quelque chose
que l’on ne peut qualifier de système juridique du tout » (1151). Fina-
lement et en résumé, on peut donc percevoir le contrôle de légalité appliqué
au droit non étatique comme un test de conformité de ce dernier aux cri-
tères de moralité interne du droit étatique, qui visent eux-mêmes à garantir
une certaine légitimité (1152). La validité formelle déborde donc à nouveau
sur d’autres pôles de la validité juridique, ici sur le pôle axiologique.
Les aspects de droit positif de la résolution des litiges en ligne cons-
titueront, en conséquence de ces développements, la prochaine section de
ce chapitre.

SOUS-SECTION II. — VALIDITÉ FORMELLE ET


SYSTÈMES JURIDIQUES NON ÉTATIQUES

L’analyse de la validité du droit d’origine non étatique au regard du droit


étatique (contrôle de légalité ou d’intégration du droit d’origine non étati-
que dans le système juridique étatique) n’épuise pas la question de la vali-
dité formelle. À condition de se placer dans la perspective épistémologique
du pluralisme juridique, il est en effet patent, comme nous l’avons relevé,
que certaines normes revendiquent leur appartenance à des systèmes juridi-
ques non étatiques et qu’en conséquence rien ne s’oppose à procéder à un
examen de légitimé formelle au regard de ces systèmes (1153). La question

(1151) L.L. FULLER, The Morality of Law, op. cit. n. 1144, p. 39.
(1152) Rappelons encore ici que cette garantie quant à la substance du droit n’est qu’indirecte,
étant donné que la validité formelle (incluant donc la légalité) est de nature purement procédurale.
Si l’on inclut dans cette question, au titre de meilleure expression de la validité formelle, le principe
hiérarchique (le contenu d’une norme inférieure ne doit pas contredire le contenu d’une norme
supérieure), ce critère de fond n’est en réalité qu’un cas d’application des procédures d’adoption
déterminant la hiérarchie des autorités créatrices de droit. En ce sens, voir F. OST et M. VAN DE
KERCHOVE, Jalons pour une théorie critique du droit, op. cit. n. 913, p. 272 (sur la place du principe
hiérarchique dans le critère de la validité formelle) et, ID., De la pyramide au réseau ?, op. cit. n. 911,
p. 326 : « sans doute faut-il, de surcroît, que la règle inférieure ne contredise pas le contenu des
règles supérieures, mais ce critère de fond est lui-même dérivé par rapport à l’ordonnancement
institutionnel formel qui détermine le rang des autorités créatrices de droit. »
(1153) Voir Chapitre XI : Validité formelle : légalité et systèmes juridiques, p. 377 et seq. su-
pra.

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VALIDITÉ FORMELLE 389

cruciale que cette approche soulève, on l’aura deviné, est celle de l’existence
de tels systèmes juridiques non étatiques et, pour notre propos, celle de
l’existence de systèmes étroitement liés à la résolution des litiges en ligne.
L’importance de la question de la validité formelle au regard de tels sys-
tèmes juridiques et corrélativement de l’existence de ces derniers est ici, à
notre sens, qu’elle permet d’identifier les acteurs et les procédures de la
production juridique dans ces contextes. Il faut donc analyser la cons-
titution de systèmes juridiques pour comprendre, d’un point de vue struc-
turel et non substantiel, les phénomènes de production du droit, les inter-
actions entre les acteurs de la production normative et les enjeux posés par
ces phénomènes, notamment du point de vue des garanties éthiques.
Ces enjeux éthiques nous conduiront, au prochain chapitre, à l’examen
de la légitimité du droit produit par la résolution des litiges en ligne et à la
proposition d’architectures de contrôle visant à garantir, pour autant que
faire se peut, cette légitimité. Avant cela, la question de la constitution de
systèmes juridiques étroitement liés à la résolution des litiges en ligne
constituera, en conséquence de ces quelques remarques, la dernière section
du présent chapitre.

SECTION II. — Intégration de la résolution


des litiges en ligne dans les ordres juridiques
étatiques

En soi, on reconnaîtra avec François Rigaux que c’est « un accident qui


soumet aux tribunaux étatiques une situation que les parties avaient eu la
volonté d’y soustraire », situation dont la résolution extrajudiciaire d’un
litige est un archétype (1154). Cependant, si l’on considère qu’un refus de
s’exécuter par la partie débitrice à l’issue d’une procédure de règlement des
différends constitue un tel « accident », on reconnaîtra aisément que la
soumission évoquée aux tribunaux étatiques n’a non seulement rien
d’exceptionnel, mais qu’elle doit également être prévue et étudiée dans la

(1154) F. RIGAUX, « Souveraineté des États et arbitrage transnational » in Le droit des relations
économiques internationales : études offertes à Berthold Goldman, Paris, Litec, 1982, p. 261 et seq.,
spéc. p. 279.

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390 RÉGULATION PAR LES ODR

mesure où elle constitue une menace permettant de susciter l’exécution


volontaire.
Pour que cette menace soit réelle, il est nécessaire de conférer à la norme
non étatique suffisamment d’effectivité instrumentale pour pouvoir
contraindre la partie débitrice à s’exécuter. Or, une source possible et sou-
vent importante de cette effectivité réside dans le recours à la force publi-
que. Mais pour ceci, tout système juridique non étatique est « tributaire de
l’ordre juridique étatique » (1155), car la contrainte physique demeure du
ressort exclusif de l’État. On comprend ainsi pourquoi l’arbitrage inter-
national, par exemple, « oscille toujours entre l’autonomie et l’intégration »
dans l’ordre juridique étatique (1156).
En ce sens, on perçoit donc que l’examen de la légalité du droit produit
par les mécanismes de résolution des litiges en ligne a pour fonction de
décider de son accessibilité à l’appareil coercitif du système juridique étati-
que (1157). Le critère de la légalité est en effet le gardien de cet accès,
jouant le rôle d’une règle « de reconnaissance de tous les autres ordres juri-
diques » (1158).
En conséquence, nous suivrons Paul Lagarde quand il écrit qu’« il est
naturel que la vigilance de l’ordre juridique étatique s’exerce aux points de
passage en son sein des normes extra-étatiques, c’est-à-dire [en ce qui
concerne l’arbitrage] à l’occasion de l’examen de la validité de la clause
d’arbitrage et de la reconnaissance de la sentence » (1159). Nous nous pro-
posons donc d’étudier ici ces deux points de passage : tout d’abord les
clauses de résolution des litiges, ensuite l’exécution des décisions et des
accords issus de procédures de règlement des différends en ligne. Enfin,
nous aborderons l’examen d’une forme singulière d’arbitrage qui tend à se

(1155) Th. CLAY, L’arbitre, op. cit. n. 1131, p. 215.


(1156) B. OPPETIT, Théorie de l’arbitrage, Paris, PUF, 1998, p. 87. Voir aussi W.L. CRAIG,
W.W. PARK et J. PAULSSON, International Chamber of Commerce Arbitration, 3ème éd., Dobbs
Ferry, NY, Oceana Publ. / Paris, CCI, 2000, p. 495.
(1157) Voir B. — Légalité et effectivité, p. 384 et seq. supra.
(1158) F. RIGAUX, « Le droit au singulier et au pluriel », op. cit. n. 1135, p. 51.
(1159) P. LAGARDE, « Approche critique de la lex mercatoria », op. cit. n. 1131, p. 147.

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VALIDITÉ FORMELLE 391

développer tout particulièrement en ligne : l’arbitrage non contrai-


gnant (1160).

SOUS-SECTION I. — PREMIER POINT DE


PASSAGE : CONVENTIONS DE RÉSOLUTION
EXTRAJUDICIAIRE DES LITIGES

Tout mécanisme de production du droit est en principe soumis à une


forme quelconque de consentement des parties : choix de domicile ou de
résidence habituelle sur le territoire d’un État, principe démocratique, exer-
cice d’une activité à laquelle un droit non étatique s’applique (sport, prati-
que d’une religion, commerce international, etc.). Il s’agit là d’un principe
fondamental du droit. Pour qu’une norme puisse être considérée comme
légitime au sens de la théorie de la validité juridique suivie dans cette étude,
il importe que sa production repose – condition nécessaire mais non suffi-
sante – sur une forme quelconque de consentement de ses destinataires.
D’un autre côté, le principe de la relativité des systèmes juridiques (1161)
implique que chaque système juridique reconnaît la production juridique
d’un autre système selon ses propres règles (secondaires au sens de Hart).
Cette production comprend la création d’une norme individuelle et
concrète pour un cas particulier, par exemple une sentence arbitrale ou un
accord issu d’une médiation ou d’une négociation. Les conventions de ré-
solution extrajudiciaire sont l’expression de l’effet combiné de ces deux
principes : le système juridique étatique reconnaît la production d’une
norme individuelle et concrète non étatique si – condition à nouveau né-
cessaire mais non suffisante – celle-ci repose sur un consentement suffisant
des parties. La réglementation des conventions de règlement extrajudiciaire
des différends constitue donc l’un des instruments de reconnaissance du
droit non étatique par le droit étatique, autrement dit l’une des portes
d’entrée ou l’un des « points de passage » de celui-là dans celui-ci.
Du point de vue des conditions posées par le droit étatique à ce passage,
c’est-à-dire de la régulation en droit positif de l’accès à la force publique, il

(1160) L’analyse qui suit reprend, dans les grandes lignes, certaines études que nous avions pu
rapporter dans G. KAUFMANN-KOHLER et Th. SCHULTZ, Online Dispute Resolution : Challenges
for Contemporary Justice, op. cit. n. 936, pp. 135 et seq., 153 et seq., 169 et seq., 209 et seq. et dans
Th. SCHULTZ, « Online Arbitration : Binding or Non-Binding ? », op. cit. n. 1059.
(1161) Voir A. — Légalité et relativité générale, p. 381 et seq. supra.

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392 RÉGULATION PAR LES ODR

faut distinguer trois types de conventions de résolution extrajudiciaire des


litiges : clauses de médiation, conventions d’arbitrage hors droit de la
consommation et en matière de consommation. Notons encore que le
terme validité ne sera utilisé dans cette section, sauf indication contraire,
qu’en son sens de validité formelle, soit de légalité. Par ailleurs, le droit de
l’arbitrage étudié ci-dessous ne concerne que l’arbitrage international, à
l’exclusion donc de l’arbitrage interne (1162).

A. — Clauses de médiation
La question principale qui se pose à l’égard des clauses de médiation (pour
autant qu’elles instituent un préalable obligatoire, et non optionnel, pour
cette forme de règlement des litiges) est de savoir si leur non-respect cons-
titue simplement une violation du contrat qui l’incorpore ou si ces clauses
peuvent être assorties d’une sanction particulière. Ainsi, si une partie liée
par une telle clause intente une action judiciaire ou entame une procédure
d’arbitrage sans recourir préalablement à la médiation, le tribunal doit-il se
déclarer incompétent si la violation de la clause est soulevée à titre de fin de
non-recevoir, doit-il surseoir à statuer ou doit-il prononcer une injonction
renvoyant les parties à la médiation ?
Dans la plupart des ordres juridiques et jusqu’à certaines décisions ré-
centes, la règle générale relative à la conséquence du non-respect d’une
clause de médiation était qu’il s’agissait d’une simple violation du
contrat (1163). Toutefois, de récentes décisions aux États-Unis, en Angle-

(1162) Pour une analyse en droit interne en Allemagne et aux États-Unis de ces questions, voir
A. SPLITTGERBER, Online-Schiedsgerichtsbarkeit in Deutschland und den USA, Aachen, Shaker,
2003, pp. 10, 23–40, 131–152.
(1163) Voir en ce sens le Livre vert de la Commission européenne sur les modes alternatifs de
résolution des conflits relevant du droit civil et commercial, 19 avril 2002, COM (2002) 196 final,
qui a été établi sur la base d’une étude de droit comparée couvrant peu ou prou les 25 États mem-
bre de l’Union européenne. En Suisse, si l’on considère généralement qu’une clause de médiation
n’a aucun effet juridictionnel, qu’elle ne constitue qu’un contrat dont la violation engage la res-
ponsabilité de celui qui refuse de participer à la médiation à concurrence des dommages qui en
découlent, certains auteurs semblent soutenir qu’elle peut constituer une fin de non-recevoir : E.J.
HABSCHEID, « Die außergerichtliche Vermittlung (Mediation) als Rechtsverhältnis » in AJP,
2001, p. 938 et seq., spéc. p. 941 : « diese materiellrechtliche Pflichtenbindung tritt an die Stelle
der öffentlich-rechtlichen bei Einreichung einer Klage. Das ist die materiellrechtliche Seite der
Vereinbarung. Prozessrechtlich wirkt sie wie eine prozesshindernde Einrede, d.h., solange die
Mediation schwebt, ist eine Klage unzulässig. Es handelt sich also um einen materiellrechtlichen
Vertrag mit auch prozessrechtlichen Wirkungen. »

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VALIDITÉ FORMELLE 393

terre et en France inversent le courant, rejoignant ainsi une conception du


recours à la médiation et une pratique solidement établie en Allema-
gne (1164) et reprise dans la loi modèle de la CNUDCI sur la conciliation
commerciale internationale (1165). Si la tendance générale semble donc
être à l’accentuation du caractère obligatoire des clauses de médiation en
prévoyant des sanctions spécifiques pour leurs violations, la nature de ces
sanctions varie : injonction enjoignant les parties à participer à une média-
tion accompagnée d’un sursis à statuer aux États-Unis (1166) et au
Royaume-Uni (1167), simple fin de non-recevoir en Allemagne (1168) et
en France (1169).

(1164) J. RISSE, Wirtschaftsmediation, Munich, Beck, 2003, p. 98 et seq. et H. EIDENMÜLLER,


Vertrags- und Verfahrensrecht der Wirtschaftsmediation, Cologne, Schmidt, 2001, pp. 11–23.
(1165) Art. 13 loi modèle CNUDCI sur la conciliation commerciale internationale, de 2002 :
« lorsque les parties sont convenues de recourir à la conciliation et se sont expressément engagées à
n’entamer pendant une période spécifiée ou jusqu’à la survenance d’un événement spécifié aucune
procédure arbitrale ou judiciaire relative à un litige déjà né ou qui pourrait naître ultérieurement, il
est donné effet à cet engagement par le tribunal arbitral ou la juridiction étatique jusqu’à ce que les
conditions dont il s’accompagne aient été satisfaites. »
(1166) Design Benefit Plans c. Enright, 940 F. Supp. 200 (N.D. Ill. 1996) et Cecala c. Moore,
982 F. Supp. 609 (N.D. Ill. 1997), commentés, avec d’autres arrêts et l’évolution générale aux
États-Unis, dans Th.J. STIPANOWICH, « Contract and Conflict Management » in Wis. L. Rev.,
2001, p. 831 et seq., spéc. p. 860 et K.M. SCANLON et A. SPIEWAK, « Enforcement of Contract
Clauses Providing for Mediation » in Alternatives, 2001, vol. 19, no. 5, p. 1 et seq. de sect. « ADR
Counsel In-Box ».
(1167) Cable & Wireless Plc c. IBM UK Ltd, English High Court (Q. B. Div. Comm. Ct), 11
octobre 2002, in EWHC, 2002, p. 2059 et seq. et Arb. Int., 2003, vol. 19 p. 351 et seq., obs. A.
COLEMAN, « ADR : An Irreversible Tide ? » in Arb. Int., 2003, vol. 19, p. 303 et seq. et K.
MACKIE, « The Future for ADR Clauses After Cable & Wireless c. IBM » in Arb. Int., 2003,
vol. 19, p. 345 et seq.
(1168) J. RISSE, Wirtschaftsmediation, op. cit. n. 1164, p. 98 et seq Voir toutefois H.
EIDENMÜLLER, Vertrags- und Verfahrensrecht der Wirtschaftsmediation, op. cit. n. 1164, p. 11 et
seq., qui considère que le juge peut contraindre les parties à participer de bonne foi à une procédure
de médiation.
(1169) Poiré c. Tripier, Cass. ch. mixte, 14 février 2003, in Arb. Int., 2003, vol. 19, p. 367 et
Ch. JARROSSON, « Commentary on Poiré v. Tripier » in Arb. Int., 2003, vol. 19, p. 363 et seq.
ainsi que Société Polyclinique des Fleurs c. Peyrin, Cass. 2ème civ., 6 juillet 2000, in Rev. arb., 2001,
p. 749 et seq., obs. Ch. Jarrosson. Toutefois, dans deux arrêts de 2001, la Cour de cassation a jugé
que les clauses de médiation constituaient de simples clauses contractuelles sans aucun effet juri-
dictionnel et ne fondaient donc pas de fins de non-recevoir : Clinique du Morvan c. Vermuseau,
Cass. 1ère civ., 23 janvier 2001 et SNEP et autres c. SNEM et SPEDIDAM, Cass. 1ère civ., 6 février
2001, les deux in Rev. arb., 2001, p. 751 et seq., obs. Ch. Jarrosson qui, § 13, s’exclame : « disons-
le nettement, cette solution de la Première Chambre civile est absolument fausse en droit et doit
être démentie à la première occasion ».

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394 RÉGULATION PAR LES ODR

D’une certaine manière, on peut comprendre cette évolution comme une


accentuation du rattachement des parties à un ordre juridique non étati-
que : les parties sont davantage renvoyées à leurs mécanismes extra-
judiciaires de règlement des différends et l’ordre juridique étatique leur est
davantage fermé. Notons encore qu’en Angleterre, cette progression
s’inscrit en prolongement d’une volonté clairement établie d’écarter le plus
possible le contentieux des tribunaux étatiques… ce qui y fut mis en œuvre
avec une telle efficacité que les tribunaux anglais semblent aujourd’hui faire
face à des problèmes budgétaires dus au nombre trop faible de procédures
judiciaires (1170). C’est dire l’effet que l’adjonction d’une sanction spécifi-
que au non-respect des clauses de médiation peut avoir sur l’externalisation
des lieux de résolution des litiges par rapport à l’ordre étatique et du mou-
vement de reconnaissance indirecte de la production du droit par ces pro-
cédures.

B. — Conventions d’arbitrage : aspects généraux


Les principales questions qui se posent à l’égard de la validité des conven-
tions d’arbitrage en ligne concernent, en dehors des questions liées au droit
de la consommation, (1) leur forme écrite, étant donné qu’elles sont en
principe conclues en ligne, et (2) leur incorporation par référence dans le
contrat, puisqu’elles figurent généralement dans les conditions générales
des contrats, stipulées dans un document séparé du contrat lui-
même (1171).

(1170) Ch. NEWMARK, « Agree to mediate… or face the consequences – A review of the Eng-
lish courts’ approach to mediation » in SchiedsVZ, 2003, vol. 1, p. 23 et seq., spéc. pp. 23–24 : « the
encouragement of ADR was only part of a wide ranging reform of the English civil court system
[…] Three years after their introduction, the backlog of cases before the courts has disappeared
and the Lord Chancellor’s Department is now faced with the opposite problem to that which he
faced a decade ago : how to generate enough revenue from a dwindling case load in order to fund
the judicial system. »
(1171) De manière générale sur les clauses d’arbitrage conclues en ligne, voir G. KAUFMANN-
KOHLER, « Arbitration agreements in online business transactions » in Law of International Busi-
ness and Dispute Settlement in the 21st Century. Liber Amicorum Karl-Heinz Böckstiegel, s. dir. R.
Briner, L.Y. Fortier, K.P. Berger et J. Bredow, Cologne, Heymanns, 2001, p. 355 et seq. et ID.,
« Commerce électronique : droit applicable et résolution des litiges », op. cit. n. 983. Voir aussi G.
KAUFMANN-KOHLER et Th. SCHULTZ, Online Dispute Resolution : Challenges for Contemporary
Justice, op. cit. n. 936, p. 138 et seq.

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VALIDITÉ FORMELLE 395

1. Forme écrite
La plupart des droits nationaux (avec l’exception notable des droits fran-
çais (1172) et suédois (1173)) et des textes internationaux exigent la forme
écrite pour la validité des conventions d’arbitrage (1174), sans toutefois
exiger, de manière générale, la signature manuscrite (1175). Étant donné
que l’exigence de l’écrit telle qu’elle fut ancrée dans ces divers textes sous-
entendait toujours l’existence d’un document papier, la question se pose de
savoir dans quelle mesure un message électronique peut satisfaire à cette
condition.
Un certain nombre de droits nationaux et de textes internationaux re-
connaissent expressément le principe de l’équivalence (1176) entre le sup-
port papier et les supports électroniques. Il en va ainsi notamment en droits

(1172) Ph. FOUCHARD, E. GAILLARD et B. GOLDMAN, Traité de l’arbitrage commercial inter-


national, op. cit. n. 1095, §§ 608–609.
(1173) S. JARVIN et B. YOUNG, « A New Arbitration Regime in Sweden – the Swedish Arbi-
tration Act 1999 and the Rules of the Stockholm Chamber of Commerce » in JintArb, 1999,
vol. 16, p. 91 et seq.
(1174) Ainsi en droits allemand (§ 1031 ZPO), anglais (sect. 5 Arb. Act.), autrichien (§ 577
ch. 3 ZPO), belge (art. 1677 Cj), grec (art. 7 al. 3 loi grecque sur l’arbitrage commercial internatio-
nal), italien (art. 807 CPCI), luxembourgeois (art. 1005 NCPC), néerlandais (art. 1021 WBR),
norvégien (art. 452 CP), portugais (art. 2 al. 1 loi portugaise sur l’arbitrage volontaire) et suisse
(art. 178 al. 1 LDIP). Il en va de même pour la CNY (art. II al. 2) et la loi modèle de la CNUDCI
sur l’arbitrage commercial international. Sur tout ceci, voir J.-F. POUDRET et S. BESSON, Droit
comparé de l’arbitrage international, op. cit. n. 1095, pp. 150–189, A. REDFERN et M. HUNTER,
Law and Practice of International Commercial Arbitration, 3ème éd., Londres, Sweet & Maxwell,
1999, pp. 141–143, G.A. ALVAREZ, « Article II (2) of the New York Convention and the
Courts » in Improving the efficiency of arbitration agreements and awards, s. dir. A.J. van den Berg,
La Haye, Kluwer, ICCA Congress Series no 9, 1999, p. 68 et seq. et J.D.M. LEW, « The Law
Applicable to the Form and Substance of the Arbitration Clause » in ibid., pp. 129–132.
(1175) Voir A.J. VAN DEN BERG, « The New York Convention : Its Intended Effects, Its In-
terpretation, Salient Problems Areas » in The New York Convention of 1958 / a collection of reports
and materials delivered at the ASA Conference held in Zurich 2 February 1996, s. dir. M. Blessing,
Bâle, ASA, 1996, p. 25 et seq., A. REDFERN et M. HUNTER, Law and Practice of International
Commercial Arbitration, op. cit. n. 1174, p. 141 et K.P. BERGER, International Economic Arbitration,
Deventer, Kluwer, 1993, p. 137.
(1176) Le principe de l’équivalence fonctionnelle (neutralité technologique des législations si
tant est que les nouvelles technologies peuvent remplir les mêmes fonctions que les technologies
traditionnelles) trouve son origine dans le droit du commerce électronique : voir notamment art. 5
loi modèle CNUDCI sur le commerce électronique, art. 9 al. 1 Directive 2000/31 du Parlement
européen et du Conseil, du 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des services de la
société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur
(« directive sur le commerce électronique »), JO L 178 du 17.7.2000, p. 1, sect. 107 lit. a UCITA,
sect. 7 UETA et US E-Signature Act, 15 U.S.C. § 7001 lit. a, al. 1 (2000) .

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396 RÉGULATION PAR LES ODR

allemand (1177), anglais (1178), américain (1179) et suisse (1180), ainsi


que de la loi modèle de la CNUDCI (1181). Pour les autres textes, une
interprétation téléologique permet généralement d’arriver au même résul-
tat. Par exemple, la Convention de New York requiert que la convention
d’arbitrage soit contenue dans un document unique signé des deux parties
ou qu’elle soit « contenue dans un échange de lettres ou de télégram-
mes » (1182). Partant de l’idée, raisonnable, que les négociateurs avaient
inclus les modes de communication les plus modernes de leur temps et
qu’ils n’entendaient pas en soi exclure les développements technologiques,
les tribunaux ont interprété ces termes en les étendant au téléscripteur et au
fax (1183). Ces méthodes de communication sont en effet tout aussi capa-
bles de rapporter – les conditions de validité examinées ici ont surtout une
fonction probatoire – avec une certitude suffisante la volonté des parties de
renoncer au juge étatique et de soumettre leurs litiges à l’arbitrage, assurant
ainsi la sécurité juridique dans les relations entre les parties, but premier de
l’exigence de l’écrit dans ce domaine (1184). Le même raisonnement
conduit à ne pas rejeter en soi les messages électroniques du champ
d’interprétation de la Convention (1185), la seule différence par rapport à

(1177) § 1031 al. 1 ZPO, voir P. SCHLOSSER, « La nouvelle législation allemande sur
l’arbitrage » in Rev. arb., 1998, p. 291 et seq., spéc. pp. 295–296.
(1178) Sect. 5 al. 6 Arb. Act., voir J. HÖRNLE, « Online Dispute Resolution » in Bernstein’s
Handbook of Arbitration and Dispute Resolution Practice, s. dir. J. Tackaberry et A. Marriott, 4ème éd.,
Londres, Sweet & Maxwell, 2002, p. 779 et seq., spéc. p. 789.
(1179) Lieschke c. Realnetworks, 2000 WL 198424 (N.D. Ill. 2000), in Yearbook Comm Arb’n,
2000, vol. 25, p. 530 et Rev. arb., 2002, p. 193 et seq., obs. O. Cachard.
(1180) Art. 178 al. 1 LDIP, voir P. VOLKEN ad art. 17 LDIP in Zürcher Kommentar zum
IPRG, 2ème éd., Zurich, Schulthess, 2004, p. 1969 et seq., spéc. p. 1975 et O. ARTER, F.S. JÖRG et
R. GNOS, « Zuständigkeit und anwendbares Recht bei internationalen Rechtsgeschäften mittels
Internet unter Berücksichtigung unerlaubter Handlungen » in AJP, 2000, p. 277 et seq., spéc.
p. 279.
(1181) L’art. 7 al. 2 loi modèle CNUDCI dispose ainsi que : « la convention d’arbitrage doit se
présenter sous forme écrite. Une convention est sous forme écrite si elle est consignée dans un
document signé par les parties ou dans un échange de lettres, de communications télex, de télé-
grammes ou de tout autre moyen de télécommunications qui en atteste l’existence. »
(1182) Art. II al. 2 CNY.
(1183) Voir J.-F. POUDRET et S. BESSON, Droit comparé de l’arbitrage international, op. cit. n.
1095, p. 157, avec de nombreuses références.
(1184) Sur cette question, voir J.D.M. LEW, L.A. MISTELIS et S.M. KRÖLL, Comparative In-
ternational Commercial Arbitration, La Haye, Kluwer, 2003, § 7/9.
(1185) G. KAUFMANN-KOHLER, « Arbitration agreements in online business transactions »,
op. cit. n. 1171, p. 360 et seq., A.J. VAN DEN BERG, « The 1958 New York Arbitration Conven-

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VALIDITÉ FORMELLE 397

un fax résidant, comme l’écrit Gabrielle Kaufmann-Kohler, dans « la maté-


rialisation non automatique du flux d’information » (1186). C’est là par
ailleurs l’une des conclusions du Groupe de travail sur l’arbitrage de la
CNUDCI (1187).
Le principe de l’équivalence étant donc généralement reconnu, il reste à
en définir les exigences concrètes : d’un côté, les informations que le mes-
sage doit contenir en forme écrite et, de l’autre, la manière dont ces infor-
mations doivent être enregistrées. Quant au premier aspect de ces
modalités, les informations nécessaires à la conclusion de la convention
qu’est la clause arbitrale doivent prendre la forme écrite : les déclarations de
volonté des parties (l’offre d’arbitrer et son acceptation), le contenu de la
convention d’arbitrage et les identités des parties (1188). Le deuxième
aspect de ces modalités doit être examiné parce que toutes les utilisations
des communications électroniques n’entraînent pas la même sécurité juridi-
que, contrairement par exemple au fax dont les variantes d’utilisation sont
quasi nulles. On considère en général que, pour qu’il y ait équivalence
fonctionnelle entre support papier et électronique dans un cas concret, les
informations doivent être enregistrées de manière à ce qu’elles restent ac-
cessibles pour être consultées ultérieurement (1189). Cela signifie qu’elles

tion Revisited » in Arbitral Tribunals or State Courts : Who Must Defer to Whom ?, Bâle, ASA, 2001,
p. 125 et seq. et P. MANKOWSKI, « Das Internet im Internationalen Vertrags- und Deliktsrecht »
in RabelsZ, 1999, vol. 63, p. 203 et seq., spéc. pp. 215–216.
(1186) G. KAUFMANN-KOHLER, « Commerce électronique : droit applicable et résolution des
litiges », op. cit. n. 983.
(1187) CNUDCI, rapport du Groupe de travail sur l’arbitrage sur les travaux de sa 34ème ses-
sion, New York, 21 mai – 1er juin 2001, A/CN.9/487, § 63. La question, dont l’importance a été
soulignée, n’a plus été soulevée depuis lors par les Groupes de travail de la CNUDCI.
(1188) G. KAUFMANN-KOHLER, « Arbitration agreements in online business transactions »,
op. cit. n. 1171, pp. 362–363.
(1189) Cette exigence découle de manière générale du principe de l’équivalence fonctionnelle et
n’est pas applicable seulement à l’arbitrage. On en trouve d’ailleurs les mentions les plus explicites
dans les textes qui ne s’appliquent pas (ou du moins pas directement) à l’arbitrage : art. 6 al. 1 loi
modèle CNUDCI sur le commerce électronique : « lorsque la loi exige qu’une information soit
sous forme écrite, un message de données satisfait à cette exigence si l’information qu’il contient
est accessible pour être consultée ultérieurement. » Quant au Guide pour l’incorporation de la loi
type, il précise, § 50, que « le mot accessible implique qu’une information se présentant sous la
forme de données informatisées doit être lisible et interprétable et que le logiciel qui pourrait être
nécessaire pour assurer la lisibilité de pareille information doit être préservé. » Voir aussi l’art. 9 al.
2 projet de convention sur l’utilisation de communications électroniques dans les contrats interna-
tionaux, en l’état rapporté dans le document de travail de la CNUDCI A/CN.9/WG.IV/WP.110,
18 mai 2004 : « lorsque la loi exige qu’un contrat ou toute autre communication soit sous forme

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398 RÉGULATION PAR LES ODR

doivent tout d’abord être fixées sur un support durable : une clause figurant
simplement sur le site web du vendeur ne suffira pas comme telle, mais les
informations qui la constituent doivent pouvoir être téléchargées par
l’acheteur et inscrites sur disquette, disque dur, CD-ROM, DVD, etc. De
plus, ces informations doivent pouvoir être téléchargées dans un format
susceptible d’être compatible avec les technologies émergeantes pendant un
certain temps (dont la durée pourrait notamment être établie en s’inspirant
en première approximation des délais de prescription, forts variables il est
vrai, des actions fondées sur les obligations découlant du contrat principal
dans lequel figure la clause d’arbitrage) (1190).
Au-delà de ces exigences de validité, on évoquera encore brièvement la
preuve du contenu de la convention d’arbitrage. Le problème principal qui
se pose à cet égard est de savoir comment protéger les documents électro-
niques contre la falsification. À cet égard, il y a lieu de souligner qu’il existe
certaines technologies qui permettent d’exclure tout risque sérieux
d’altération d’informations enregistrées électroniquement : filigranes nu-
mériques (digital watermarks) apposées sur un document, signatures élec-

écrite, ou prévoit des conséquences en l’absence d’un écrit, une communication électronique satis-
fait à cette exigence si l’information qu’elle contient est accessible pour être consultée ultérieure-
ment. » Des dispositions similaires sont prévues à l’art. 102 lit. a, ch. 55 UCITA, dans l’US E-
Signature Act, 15 U.S.C. § 7006 ch. 9 (2000), à l’art. 1.11 Principes UNIDROIT relatifs aux
contrats du commerce international (« – le terme écrit s’entend de tout mode de communication
qui permet de conserver l’information qui y est contenue et qui est de nature à laisser une trace
matérielle ») et à l’art. 23 al. 2 RB I.
(1190) Cette durée n’est à ce jour définie dans aucun texte légal ou conventionnel. On en
trouve seulement quelques indications, évoquant l’idée que la durée ne doit être que relativement
courte. Ainsi le Guide pour l’incorporation de la loi modèle CNUDCI sur le commerce électroni-
que, qui indique, § 50, que « le mot accessible implique […] que le logiciel qui pourrait être néces-
saire pour assurer la lisibilité de pareille information doit être préservé […] Quant à l’expression
être consultée ultérieurement, elle a été préférée à la notion de durabilité ou à celle d’inaltérabilité, qui
auraient constitué des normes trop strictes, et à des notions comme la lisibilité ou l’intelligibilité,
qui auraient représenté des critères trop subjectifs. » Pour une interprétation du US E-Signature
Act, concluant que la durée d’accessibilité ultérieure ne devrait s’étendre qu’au minimum nécessaire
pour que les obligations prévues par le contrat puissent être exécutées, ce qui, appliqué à une clause
d’arbitrage, revient à calquer cette durée sur celle de la prescription des actions fondées sur les
obligations découlant du contrat de base : R. DENNY, « Electronic Contracting in Delaware : The
E-Sign Act and the Uniform Electronic Transactions Act » in Del. L. Rev., 2001, vol. 4, p. 33 et
seq., spéc. p. 41.

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VALIDITÉ FORMELLE 399

troniques ou encore cybernotaires (1191), c’est-à-dire un tiers de confiance


qui conserve des copies des communications entre les parties.

2. La clause arbitrale par référence


La clause arbitrale par référence est celle qui est contenue dans un docu-
ment distinct du contrat principal, la convention des parties renvoyant à
celui-là (1192). Typiquement, le contrat fait référence aux conditions géné-
rales dans lesquelles figure une convention d’arbitrage, incorporant ainsi
cette clause dans le contrat. On peut distinguer deux formes d’incorpo-
ration : la référence spécifique et la référence globale. La première désigne
la situation dans laquelle le contrat renvoie de manière expresse à une
convention d’arbitrage contenue dans les conditions générales ; la seconde
concerne le cas où le contrat ne mentionne que les conditions générales,
lesquelles contiennent une clause d’arbitrage.
Hors ligne, l’incorporation par référence spécifique ne soulève pas de
difficulté particulière, alors que la validité de celle opérée par référence
globale soulève plus de difficultés. Il convient de remarquer tout d’abord
que si le contrat principal et les conditions générales dans lesquelles figu-
rent la convention d’arbitrage sont en forme écrite (si celle-ci est exigée), la
validité formelle de la clause est en principe donnée. Il en va ainsi que la
clause soit incorporée par référence spécifique ou globale, puisqu’il semble
qu’aujourd’hui aucun texte important d’arbitrage, qu’il soit national ou
international, n’exige encore un renvoi spécifique d’un point de vue for-
mel (1193). La validité matérielle (c’est-à-dire la présence du consen-

(1191) Voir notamment, avec une approche avant tout technologique, Th. SCHULTZ, V.
BONNET et al., « Electronic Communication Issues Related to Online Dispute Resolution Sys-
tems » in actes du colloque WWW2002 – The Eleventh International World Wide Web Confer-
ence – Alternate Track CFP : Web Engineering, Honolulu, Hawaii, 7–11 mai 2002, <www2002.-
org/globaltrack.html>. Voir aussi P.G. FRINGUELLI et M. WALLHÄUSER, « Formfordernisse
beim Vertragsschluss im Internet » in CR, 1999, vol. 93, p. 99 et seq.
(1192) De manière générale sur ces clauses, voir J.-F. POUDRET et S. BESSON, Droit comparé
de l’arbitrage international, op. cit. n. 1095, pp. 175–189 et, pour l’application de cette problémati-
que aux clauses arbitrales conclues en ligne, G. KAUFMANN-KOHLER, « Arbitration agreements
in online business transactions », op. cit. n. 1171, pp. 364–369.
(1193) J.-F. POUDRET et S. BESSON, Droit comparé de l’arbitrage international, op. cit. n. 1095,
pp. 175–189, analysant la Convention de New York, la loi modèle CNUDCI sur l’arbitrage com-
mercial international, les droits suisse, belge, français, néerlandais, italien, anglais et allemand, et
concluant (p. 189) : « qu’elle soit expressément réglementée ou non, la clause arbitrale par référence

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400 RÉGULATION PAR LES ODR

tement) soulève par contre davantage de questions. Si la référence est


spécifique, on admettra avec Jean-François Poudret et Sébastien Besson
que « le contrat manifeste explicitement la volonté de se soumettre à
l’arbitrage et le fait que les modalités de celui-ci figurent dans un document
séparé importe peu » (1194). Dans ce cas, la validité matérielle de la
convention doit être reconnue. Par contre, si l’incorporation se fait par
référence globale, une incertitude émerge : la réalité du consentement à
l’arbitrage – les conditions de validité examinées ici ont surtout une fonc-
tion protectrice – est souvent douteuse quand la clause ne figure que dans
les conditions générales et qu’aucune mention spécifique n’en est faite dans
le contrat principal. On concédera qu’il en va différemment dans certaines
situations particulières où les parties pouvaient s’attendre à la présence
d’une clause d’arbitrage (1195). De manière générale, il semble cependant
recommandable, comme l’écrit notamment Klaus Peter Berger, de recourir
à une référence spécifique (1196).
En ligne, il n’y a pas de raison d’adopter une position différente. La loi
modèle de la CNUDCI sur le commerce électronique prévoit d’ailleurs à ce
sujet que « l’information n’est pas privée de ses effets juridiques, de sa vali-
dité ou de sa force exécutoire au seul motif qu’elle n’est pas incorporée dans
le message de données supposé produire ces effets juridiques, mais qu’il y
est uniquement fait référence » (1197). On considère en règle générale que

est compatible avec toutes les normes ici étudiées, même avec l’art. II de la Convention de New
York qui a suscité le plus de réticences. Lorsqu’elle est globale ou implicite, une première difficulté
consiste à déterminer si le destinataire en a eu connaissance. […] La deuxième question est celle de
l’acceptation. En principe, celle-ci est soumise aux règles générales concernant la validité à la fois
formelle et matérielle de la convention d’arbitrage. Dans la plupart des droits, qui imposent la
forme ou la preuve par écrit, cette acceptation devra résulter d’un document et ne pourra être
tacite. »
(1194) Ibid., p. 176.
(1195) Voir par exemple A.J. VAN DEN BERG, « New York Convention of 1958 Consolidated
Commentary Cases Reported in Volumes XXII (1997) – XXVII (2002) » in Yearbook Comm.
Arb’n, 2003, vol. 28, p. 566 et seq., spéc. p. 589 et seq., pour qui, à l’égard de la Convention de
New York, les situations dans lesquelles une référence globale est admissible sont les suivantes : les
conditions générales ont déjà été communiquées auparavant à la partie censée avoir accepté la
clause, les parties entretiennent une relation d’affaires dans laquelle les mêmes conditions généra-
les, contenant une clause d’arbitrage, sont toujours utilisées et les deux parties appartiennent à un
secteur d’activité où le recours à l’arbitrage est usuel et le contrat est conclu en relation avec une
activité de ce secteur.
(1196) K.P. BERGER, International Economic Arbitration, op. cit. n. 1175, pp. 152 et 155.
(1197) Art. 5bis loi modèle CNUDCI.

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VALIDITÉ FORMELLE 401

cette disposition signifie que les règles régissant l’incorporation par réfé-
rence hors ligne doivent également s’appliquer en ligne (1198). En regard
des conclusions établies pour l’aspect hors ligne de cette problématique, il
convient d’observer que dans la plupart des situations du commerce élec-
tronique, les parties ne s’attendront pas, à l’heure actuelle, à la présence
d’une clause arbitrale dans les contrats qu’ils concluent en ligne. En consé-
quence, une incertitude non négligeable demeure quant à la validité (maté-
rielle) de la convention arbitrale conclue en ligne et incorporée par
référence globale. Il est par contre probable qu’il suffira généralement, pour
établir le consentement d’un acheteur en ligne, (i) de prévoir sur le site web
du vendeur une mention expresse et immanquable indiquant que le contrat
est régi par les conditions générales, (ii) de s’assurer que les conditions gé-
nérales soient effectivement aisément accessibles pour un utilisateur nor-
malement diligent et (iii) d’insérer un champ dans lequel l’utilisateur doit
cliquer pour indiquer qu’il a accepté les conditions générales avant qu’il
puisse procéder à la conclusion du contrat. Toutefois, comme en conclut
Gabrielle Kaufmann-Kohler, il semble préférable d’inclure une mention
expresse de la clause arbitrale dans la référence aux conditions générales
régissant le contrat (1199).

C. — Clause d’arbitrage en matière de consommation


Quand la clause arbitrale est incluse dans un contrat de consommation, des
exigences supplémentaires à celles que nous venons de voir se posent à
l’égard de sa validité. Ces exigences ont une fonction protectrice.
Les litiges relevant du droit de la consommation ont une importance si-
gnificative pour la résolution des litiges en ligne, puisque l’une des raisons
primordiales de recourir à ce type de procédures est leur faible coût, qui
semble adapté à la faiblesse des valeurs litigieuses habituelles dans ce do-
maine.
L’importance de l’arbitrage en ligne pour la résolution de ces différends
est cependant moins évidente. À l’heure actuelle, la plupart des litiges de ce

(1198) G. KAUFMANN-KOHLER, « Arbitration agreements in online business transactions »,


op. cit. n. 1171, p. 367 et ID., « Commerce électronique : droit applicable et résolution des litiges »,
op. cit. n. 983.
(1199) Ibid.

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402 RÉGULATION PAR LES ODR

genre sont résolus – quand ils le sont en ligne – par voie de négociation ou
de médiation. Toutefois, la préférence pour ces deux méthodes semble
reposer, d’un côté, sur la difficulté en termes juridiques d’établir un système
d’arbitrage en ligne respectant les exigences des diverses législations de
protection des consommateurs potentiellement applicables (1200) et, de
l’autre, du manque de confiance que l’arbitrage inspire aux consomma-
teurs (1201). Quant à la première de ces raisons, on notera que les dif-
ficultés juridiques diminuent au fur et à mesure que progressent les
recherches en la matière. D’ailleurs, des centres d’arbitrage proposant des
procédures spécifiques pour ce type de différends se développent actuel-
lement, notamment en Angleterre (1202) et en Espagne (1203). Quant à la
deuxième raison, il semble que l’évolution se fasse en direction de
l’arbitrage non contraignant ou plus spécifiquement unilatéralement
contraignant (1204), c’est-à-dire une procédure dans laquelle la décision
peut être rejetée par le consommateur mais non par le professionnel (1205).
Ce genre de procédures réduit certains problèmes de confiance, puisqu’il
est possible, comme en médiation ou en négociation, de renoncer à une
solution qui paraît injuste.
Cela nous amène à notre première question : les conditions de validité
des conventions d’arbitrage en matière de consommation sont-elles égale-
ment applicables à l’arbitrage unilatéralement contraignant ? À la suite de
cette première question, nous examinerons celle du droit applicable à la
convention d’arbitrage, puis l’arbitrabilité des différends qui nous intéres-
sent ici, le rôle limitatif des règles de compétence protectrice, la validité des
clauses compromissoires (par opposition aux compromis arbitraux, conclus

(1200) En ce sens, voir l’entretien avec Steve Abernethy, reproduit dans G. KAUFMANN-
KOHLER et Th. SCHULTZ, Online Dispute Resolution : Challenges for Contemporary Justice, op. cit. n.
936, p. 307 et seq.
(1201) Th. SCHULTZ, « Does Online Dispute Resolution Need Governmental Intervention ?
The Case for Architectures of Control and Trust » in N.C. J.L. & Tech., 2004, vol. 6, p. 71 et seq.,
spéc. p. 89.
(1202) Voir notamment les diverses procédures du CIArb, <www.arbitrators.com> .
(1203) A. MONTESINOS, « Arbitraje online en la nueva Ley de Arbitraje 60/2003, de 23 de
diciembre » in Revista de la Corte Española de Arbitraje, 2004, vol. 19, p. 243 et seq.
(1204) Th. SCHULTZ, « Online Arbitration : Binding or Non-Binding ? », op. cit. n. 1059.
(1205) Voir Sous-section III. — L’arbitrage non contraignant : vers une distanciation par
rapport aux droits étatiques, p. 428 et seq. infra.

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VALIDITÉ FORMELLE 403

après la survenance du litige), et enfin les conditions spécifiques de forme


qui se posent pour ce type de différends.

1. Convention d’arbitrage unilatéralement contraignant


De deux choses l’une. Soit l’on considère que l’arbitrage unilatéralement
contraignant ne constitue pas de l’arbitrage au sens des lois sur cette mé-
thode de résolution des litiges et les conditions de validité des conventions
d’arbitrage ne s’appliquent pas. Ou alors l’on considère que l’arbitrage uni-
latéralement contraignant constitue de l’arbitrage et dans ce cas rien ne
permet de douter que les exigences de validité posées aux conventions
d’arbitrage s’appliquent (1206). Dans la première hypothèse, la question
que nous abordons ici, à savoir si les conditions de validité des conventions
d’arbitrage en matière de consommation sont également applicables à l’arbi-
trage unilatéralement contraignant, se solde clairement par la négative, à la
suite d’un raisonnement a fortiori partant de la distinction que nous venons
de présenter. Concentrons-nous donc sur la seconde hypothèse. La ques-
tion se pose alors de savoir quels sont les standards requis pour la validité
de la convention d’arbitrage : doit-on appliquer les critères généraux que
nous avons dégagés ci-dessus ou doit-on opter pour les conditions plus
restrictives de l’arbitrage en matière de consommation ?
On relèvera à ce stade, comme l’avons fait ailleurs (1207), que ces condi-
tions restrictives ont pour but de protéger les consommateurs. À notre sens
cependant, dans le contexte de l’arbitrage unilatéralement contraignant, les
consommateurs n’ont non seulement plus besoin de cette protection parti-
culière, mais ces conditions peuvent également jouer en leur défaveur. La
raison pour laquelle la protection n’est pas nécessaire est que le consom-
mateur pourra rejeter la sentence dans un délai donné et saisir les tribu-
naux ; il se retrouve dans ce cas dans la situation qui aurait été la sienne en
l’absence de convention d’arbitrage, sous réserve des coûts engagés dans la
procédure, qui forment quant à eux, à notre sens, un critère spécifique de
validité des clauses en examen ici (1208). Ensuite, ces conditions peuvent

(1206) Sur la qualification juridique de l’arbitrage unilatéralement contraignant, voir ibid.


(1207) G. KAUFMANN-KOHLER et Th. SCHULTZ, Online Dispute Resolution : Challenges for
Contemporary Justice, op. cit. n. 936, p. 169 et seq.
(1208) Voir point 5. Validité des clauses compromissoires : vers le critère de l’accessibilité
économique ?, p. 411 et seq. infra.

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404 RÉGULATION PAR LES ODR

affaiblir le consommateur, dans la mesure où le professionnel pourrait


s’opposer à la reconnaissance et à l’exécution de la sentence sur la base
d’une éventuelle invalidité de la convention ; le caractère strict des exigen-
ces de validité aurait dans ce cas un effet pervers, puisque celles-ci protè-
geraient le professionnel au lieu du consommateur.
Une situation spécifique doit encore être isolée. Il s’agit de l’arbitrage à
deux niveaux, instaurant un arbitrage unilatéralement contraignant en pre-
mière instance (dont le consommateur peut rejeter la sentence) et un arbi-
trage traditionnel et contraignant en deuxième instance (1209). Dans ce cas,
l’accès aux tribunaux est limité comme par une convention ordinaire
d’arbitrage en matière de consommation et les conditions restrictives de la
validité doivent être appliquées.

2. Droit applicable à la convention d’arbitrage


Le droit applicable à la convention d’arbitrage est fonction soit de sa sélec-
tion par les parties, soit de sa détermination par le tribunal arbitral ou par le
juge. En ce qui concerne la sélection par les parties, on se bornera à rappe-
ler que le principe de l’autonomie de la convention d’arbitrage (selon lequel
la validité de celle-ci est indépendante de celle du contrat principal (1210))
permet aux parties de choisir des droits différents pour la convention et
pour le contrat dans lequel elle s’insère (1211). En l’absence d’une telle
sélection – ce qui constitue, selon van den Berg, le cas le plus fré-
quent (1212) – , la question se pose de savoir si le droit choisi par les par-
ties pour régir le contrat doit être considéré comme s’étendant également à
la convention d’arbitrage (1213). Selon une partie importante de la doc-

(1209) Ceci sera également étudié sous Sous-section III. — L’arbitrage non contraignant :
vers une distanciation par rapport aux droits étatiques, p. 428 et seq. infra.
(1210) Voir par exemple, pour une analyse nuancée, P. MAYER, « Les limites de la séparabilité
de la clause compromissoire » in Rev. arb., 1998, p. 359 et seq.
(1211) A. REDFERN et M. HUNTER, Law and Practice of International Commercial Arbitration,
op. cit. n. 1174, p. 157.
(1212) A.J. VAN DEN BERG, The New York Convention of 1958 : Towards a Uniform Judicial In-
terpretation, Deventer, Kluwer, 1981), pp. 291–292.
(1213) Sur cette question, A. REDFERN et M. HUNTER, Law and Practice of International
Commercial Arbitration, op. cit. n. 1174, pp. 157–159, J.-F. POUDRET et S. BESSON, Droit comparé
de l’arbitrage international, op. cit. n. 1095, p. 274 et seq., J.D.M. LEW, « The Law Applicable to
the Form and Substance of the Arbitration Clause », op. cit. n. 1174, p. 136, L. COLLINS, « The
law governing the agreement and procedure in international arbitration in England » in Contem-

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VALIDITÉ FORMELLE 405

trine (1214) et de la jurisprudence (1215), la réponse est affirmative, soit


parce qu’il s’agit là de la volonté hypothétique des parties (si les parties ont
élu un droit spécifique pour régir le contrat, il existe une présomption
qu’elles aient voulu choisir le même droit pour la clause compromissoire),
ou parce que la convention d’arbitrage n’est que l’accessoire du contrat
principal. En l’absence d’une telle élection de droit pour le contrat princi-
pal, et dans tous les cas pour les auteurs rejetant l’extension du droit appli-
cable au contrat principal (1216), et dans tous les cas également devant
l’arbitre puisque ce dernier est tenu d’éviter l’annulation de la sentence et
donc de respecter les dispositions de la loi d’arbitrage du siège du tribunal
arbitral (1217), un autre mécanisme régit la détermination du droit appli-
cable à la convention d’arbitrage, à savoir qui indicem forum elegit ius : le
droit du siège du tribunal arbitral (1218). Tous les aspects de la validité de
la convention d’arbitrage ne peuvent toutefois être soumis par les parties au
droit de leur choix. La question de l’arbitrabilité du litige, mettant en

porary Problems in International Arbitration, s. dir. J.D.M. Lew, Londres, Publ. Queen Mary
College, 1986, p. 127 et seq., A.J. VAN DEN BERG, The New York Convention of 1958 : Towards a
Uniform Judicial Interpretation, op. cit. n. 1212, pp. 292–294 et P. SCHLOSSER, Das Recht der
internationalen privaten Schiedsgerichtsbarkeit, 2ème éd., Tubingen, Mohr, 1989, pp. 192–193.
(1214) Notamment L. COLLINS, « The law governing the agreement and procedure in inter-
national arbitration in England », op. cit. n. 1213, M.J. MUSTILL et S.C. BOYD, The law and
practice of commercial arbitration in England, 2ème éd., Londres et Edimbourg, Butterworths, 1989,
p. 63 et A. REDFERN et M. HUNTER, Law and Practice of International Commercial Arbitration, op.
cit. n. 1174, pp. 157–158.
(1215) En Angleterre, Black-Clawson Intl Ltd c. Papierwerke Waldhof – Aschaffenburg AG,
Queen’s Bench, in Lloyd’s Reports, 1981, no 2, p. 446 et seq., spéc. p. 455, The « Marques de
Bolarque », Queen’s Bench, in Lloyd’s Reports, 1984, no 1, p. 652 et seq. et ABB c. Keppel, in Lloyd’s
Reports, 1999, no 2, p. 24 et seq., spéc. p. 35. En Allemagne, Bundesgerichtshof, arrêt du 12 février
1976, in NJW, 1976, p. 1591. En Italie, SpA Coveme c. Compagnie française des isolants SA, Corte di
Appello di Bologna, 21 décembre 1991, in Yearbook Comm. Arb’n, 1993, vol. 18, p. 422 et seq. En
Belgique, Company M. c. M. SA, Cour d’appel de Bruxelles, 4 octobre 1985, in Yearbook Comm.
Arb’n, 1989, vol. 14, p. 618 et seq.
(1216) A.J. VAN DEN BERG, The New York Convention of 1958 : Towards a Uniform Judicial In-
terpretation, op. cit. n. 1212, p. 293, P. SCHLOSSER, Das Recht der internationalen privaten Schieds-
gerichtsbarkeit, op. cit. n. 1213, pp. 192–193 et J.-F. POUDRET et S. BESSON, Droit comparé de
l’arbitrage international, op. cit. n. 1095, pp. 271–272. La principale raison invoquée pour ce rejet
est « le rôle fondamentalement différent de la clause compromissoire par rapport aux autres dispo-
sitions du contrat » (Poudret et Besson, loc. cit.).
(1217) Voir J.-F. POUDRET et S. BESSON, Droit comparé de l’arbitrage international, op. cit. n.
1095, p. 277.
(1218) A. REDFERN et M. HUNTER, Law and Practice of International Commercial Arbitration,
op. cit. n. 1174, pp. 129–130 et 158–159.

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406 RÉGULATION PAR LES ODR

œuvre des exigences d’ordre public, relève en principe d’un rattachement


objectif et limite l’effet de la volonté des parties. C’est ce que nous nous
proposons d’examiner dans les paragraphes qui suivent.

3. L’arbitrabilité des litiges de consommation


« Le droit de la consommation n’interdit généralement pas le recours à
l’arbitrage », écrivent Jean-François Poudret et Sébastien Besson, « mais
[il] prévoit d’autres mécanismes destinés à protéger le consomma-
teur » (1219). Contrairement à une opinion souvent défendue, les litiges de
consommation sont en effet généralement arbitrables.
L’arbitrabilité d’un litige s’entend de sa capacité, déterminée par do-
maine ou type de litige, à être tranché par arbitrage, par opposition aux
différends pour la résolution desquels l’État confère à ses tribunaux une
compétence exclusive (1220). Une convention d’arbitrage ne peut être va-
lide que si elle porte sur un litige arbitrable (1221). Par son concept même,
l’arbitrabilité ne peut pas être assortie de conditions : soit un différend re-
lève d’un domaine ressortant exclusivement aux tribunaux étatiques et il est
inarbitrable, soit il est en dehors de tels domaines et il est arbitrable. En
conséquence, si un ordre juridique pose des conditions à l’admissibilité de
l’arbitrage de litiges relevant d’un certain domaine, cela signifie (condition
non nécessaire mais suffisante) qu’il reconnaît l’arbitrabilité des litiges du
domaine en question. La même conclusion s’impose si le droit national en
question déclare admissible, avec ou sans restrictions, les compromis arbi-
traux (conclus après la survenance du litige) pour un type de litiges donnés.
En ce qui concerne le droit applicable à l’arbitrabilité, on considère gé-
néralement qu’il s’agit de la lex arbitri (droit du siège de l’arbitrage) si un

(1219) J.-F. POUDRET et S. BESSON, Droit comparé de l’arbitrage international, op. cit. n. 1095,
p. 333.
(1220) Voir notamment A. REDFERN et M. HUNTER, Law and Practice of International Com-
mercial Arbitration, op. cit. n. 1174, p. 148 et A. RIGOZZI, « L’arbitrabilité des litiges sportifs » in
Bull. ASA, 2003, vol. 21, p. 501 et seq., spéc. pp. 502–503.
(1221) J.-F. POUDRET et S. BESSON, Droit comparé de l’arbitrage international, op. cit. n. 1095,
p. 298 et Ph. FOUCHARD, E. GAILLARD et B. GOLDMAN, Traité de l’arbitrage commercial inter-
national, op. cit. n. 1095, § 532. L’arbitrabilité relève ainsi de considérations d’ordre public : K.H.
BÖCKSTIEGEL, « Public Policy and Arbitrability » in Comparative Arbitration Practice and Public
Policy in Arbitration, Deventer, etc., Kluwer, ICCA Congress Series no 3, 1999, p. 177 et seq.

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VALIDITÉ FORMELLE 407

tribunal arbitral se prononce sur sa propre compétence (1222). Si c’est un


tribunal étatique qui se prononce sur la validité d’une convention d’ar-
bitrage, ce sera la lex fori ou la lex arbitri. On appliquera enfin la lex fori
lorsque le juge est saisi d’une demande de reconnaissance ou d’exécution
d’une sentence arbitrale (1223).
Quant à l’arbitrabilité des litiges de consommation, elle est reconnue par
la plupart des ordres juridiques : il en va ainsi notamment des droits alle-
mand (1224), américain (1225), anglais (1226), espagnol (1227), fran-

(1222) On notera toutefois qu’un courant doctrinal minoritaire considère que l’arbitrabilité est
soumise non au droit du siège, mais au droit applicable à la convention d’arbitrage, qui peut être
élu par les parties. Ce rattachement subjectif de l’arbitrabilité ferait de cette dernière un élément à
la libre disposition des parties, ce qui, à notre sens, contrevient à l’essence de la notion
d’arbitrabilité, qui est de véhiculer des considérations d’ordre public. Défendant cette position, B.
HANOTIAU, « L’arbitrabilité et la favor arbitrandum : un réexamen » in JDI, 1994, p. 899 et seq.,
spéc. pp. 909–911.
(1223) Sur ces diverses situations, J.-F. POUDRET et S. BESSON, Droit comparé de l’arbitrage
international, op. cit. n. 1095, pp. 303–306 et 947–948. Sur la dernière situation, voir art. V al. 2
CNY.
(1224) Des conditions de forme supplémentaires pour la validité de clauses d’arbitrage en ma-
tière de consommation sont prévues par le droit allemand : § 1031 al. 5 ZPO. Voir aussi J.
SAMTLEBEN, « Zur Wirksamkeit von Schiedsklauseln bei grenzüberschreitenden Börsentermin-
geschäften » in ZEuP, 1999, vol. 4, p. 974 et seq., spéc. p. 977 et C. BÖCKER, Das neue Recht der
objektiven Schiedsfähigkeit : Deutschland, Österreich, Spanien, Aachen, Shaker, 1998, p. 81. En raison
de ces conditions de forme, la doctrine soutenant l’inarbitrabilité des litiges ne peut que partir
d’une conception différente (généralement non définie par les auteurs) de l’arbitrabilité : N.
REICH, « Zur Wirksamkeit von Schiedsklauseln bei grenzüberschreitenden Börsentermingeschäf-
ten » in ZEuP, 1998, vol. 3, p. 974 et seq., spéc. p. 981 et R. HAUSMANN, « Einheitliche An-
knüpfung internationaler Gerichtsstands- und Schiedsvereinbarungen ? » in Festschrift für Werner
Lorenz, s. dir. B. Pfister et M.R. Will, Tübingen, Mohr, 1991, p. 359 et seq.
(1225) J.T. MCLAUGHLIN, « Arbitrability : Current Trends in the United States » in Arb. Int.,
1996, p. 123 et seq., R.M. ALDERMAN, « Consumer Arbitration in the United States : A System
in Need of Reform » in Revista Latinoamericana de Mediación y Arbitraje, 2002, vol. 3, p. 118 et
seq., spéc. p. 122 et seq. et L. ALLE-MURPHY, « Are Compulsory Arbitration Clauses in Con-
sumer Contracts Enforceable ? A Contractual Analysis » in Temple L. Rev., 2002, vol. 75, p. 125 et
seq.
(1226) Le Consumer Arbitration Agreements Act 1988 anglais prévoit des conditions spécifi-
ques pour la validité d’une convention d’arbitrage dans le domaine de la consommation. Voir aussi
V. ALLOTTI, « La clausole arbitrali nei contratti con i consumatori : l’esperienza inglese » in
Rivista dell’arbitrato, 1998, vol. 8, p. 360 et seq.
(1227) M.A. LÓPEZ et M. ORERO NÚÑEZ, « Le système espagnol d’arbitrage des litiges de
consommation » in REDC, 1996, p. 120 et seq.

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408 RÉGULATION PAR LES ODR

çais (1228) et portugais (1229). En droit italien (1230), finlandais (1231) et


suisse (1232), la doctrine semble toutefois partagée.

4. Règles de compétence protectrice


Comme les règles déterminant l’arbitrabilité d’un litige, les règles de com-
pétence protectrice concrétisent des exigences d’ordre public et limitent la
volonté des parties. En matière de consommation, leur but est de protéger
le consommateur, réputé partie faible au contrat, notamment en lui assu-
rant la compétence des tribunaux de son domicile (ou du lieu de sa rési-
dence habituelle) : une élection de for conclue avant la survenance du litige
et excluant la compétence de ces tribunaux est typiquement invalidée par
une règle de compétence protectrice (1233). La question se pose alors de
savoir si ce genre de dispositions invalidant les élections de for s’applique

(1228) P. DELEBECQUE, « Arbitrage et droit de la consommation » in Droit & Patrimoine,


2002, vol. 104, p. 46 et seq., Th. CLAY, « Nouvelles perspectives en droit de l’arbitrage – Ouver-
ture » in Droit & Patrimoine, 2002, vol. 104, p. 40 et seq., spéc. p. 42, M. DE BOISSÉSON et Th.
CLAY, « Recent Developments in Arbitration in Civil Law Countries » in Int. A.L.R., 1998,
p. 150 et seq., spéc. p. 151 et E. LOQUIN, « L’arbitrage des litiges du droit de la consommation »
in Vers un code européen de la consommation, s. dir. F. Osman, Bruxelles, Bruylant, 1998, p. 359 et
seq.
(1229) I.M. CABEÇADAS, « Le centre d’arbitrage des litiges de la consommation de Lis-
bonne » in REDC, 1999, p. 391 et seq.
(1230) V. VIGORITI, « Note su arbitrato e tutela di interessi minori nell’esperienza italiana e
comparativa » in Rivista dell’arbitrato, 1998, vol. 8, p. 366 et seq.
(1231) V. HEISKANEN, « Dispute Resolution in International Electronic Commerce » in
JintArb, 1999, vol. 16, p. 29 et seq., spéc. p. 31.
(1232) Considérant que ces litiges sont arbitrables : J.-F. POUDRET et S. BESSON, Droit com-
paré de l’arbitrage international, op. cit. n. 1095, p. 333, F. VISCHER ad art. 177 in Zürcher Kom-
mentar zum IPRG, 2ème éd., s. dir. D. Girsberger, A. Heini, M. Keller, J.K. Kostkiewicz, K. Siehr,
F. Vischer et P. Volken, Zurich, Schulthess, 2004, p. 1958 et seq., spéc. p. 1962, § 13, M.
BLESSING, Introduction to Arbitration – Swiss and International Perspectives, Bâle, Helbing &
Lichtenhahn, 1999, p. 182, R. BRINER ad Article 177 LDIP in Kommentar zum Schweizerischen
Privatrecht. Internationales Privatrecht, s. dir. H. Honsell, N.P. Vogt et A.K. Schnyder, Bâle et
Francfort-sur-le-Main, Helbing & Lichtenhahn, 1996, I. SCHWANDER, Einführung in das inter-
nationale Privatrecht. Erster Band : Allgemeiner Teil, 3ème éd., St Gall, Dike, 2000, p. 416 et H.
BARBER, Objektive Schiedsfähigkeit und Ordre Public in der internationalen Schiedsgerichtsbarkeit,
Francfort-sur-le-Main, Schulthess, 1994, p. 131. Contra A. BUCHER, Le nouvel arbitrage inter-
national en Suisse, Bâle et Francfort-sur-le-Main, Helbing & Lichtenhahn, 1988, pp. 40–41, K.
SIEHR, « Telemarketing und internationales Recht des Verbraucherschutzes » in Jahrbuch des
Schweizerischen Konsumentenrechts, s. dir. A. Brunner, M. Rehbinder et B. Stauder, Berne,
Stämpfli, 1998, p. 151 et seq. et B. DUTOIT, Droit international privé suisse, 3ème éd., Bâle et
Genève, Helbing & Lichtenhahn, 2001, pp. 493–494.
(1233) Ainsi notamment les art. 15 et seq. RB I et l’art. 114 LDIP.

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VALIDITÉ FORMELLE 409

également aux conventions d’arbitrage. Dans l’affirmative, soit elles ex-


cluent uniquement les clauses arbitrales prévoyant un arbitrage hors du lieu
de domicile du consommateur (1234), ou elles s’opposent à toute conven-
tion d’arbitrage, puisqu’une telle convention conduit à la renonciation du
consommateur aux tribunaux de son domicile.
Il semble raisonnable de conclure que ce genre de dispositions s’applique
en principe à l’arbitrage pour en invalider les conventions, que celles-ci
prévoient une procédure hors du lieu de domicile du consommateur ou
non. Il en va ainsi, en ce qui concerne les arbitrages hors du lieu du domi-
cile, en raison des coûts et des difficultés pratiques souvent liés à une pro-
cédure se déroulant à l’étranger. L’accès à la justice est tout autant limité
par une convention d’arbitrage que par une clause d’élection de for, si tou-
tes deux renvoient à une procédure hors du lieu de domicile du consom-
mateur. L’analogie semble donc prendre (1235). Quant aux arbitrages en ce
lieu, la raison d’appliquer ces règles de protection est moins évidente, mais
on évoquera l’idée que l’absence d’assistance judiciaire ouverte aux parties
ne pouvant financer une procédure d’arbitrage semble exiger que l’accès aux
tribunaux leur soit garanti.
Au-delà et par opposition à ce principe général, on soutiendra que les
règles de compétence protectrice ne doivent pas s’appliquer si l’arbitrage est
conduit en ligne. On raisonnera pour cela par analogie avec les lois
d’application immédiate (ou lois de police), dont les fonctions se recoupent
avec celles des règles de compétence protectrice, mais qui concernent le
droit applicable au fond du litige et non le droit applicable à des questions
de compétence (1236). On considère généralement que trois conditions

(1234) En ce sens, R. GEIMER et R.A. SCHÜTZE, Europäisches Zivilverfahrensrecht. Kommen-


tar zum EuGVÜ und zum Lugano-Übereinkommen, Munich, Beck, 1997, § 42 ad art. 17 RB I, S.
LEIBLE, « Gerichtsstandklauseln und EG-Klauselrichtlinie » in RIW, 2001, p. 422 et seq., spéc.
p. 425, T. PFEIFFER, « Gerichtsstandsklauseln und EG-Klauselrichtlinie » in Wege zur Globalisie-
rung des Rechts. Festschrift für Rolf. A. Schütze zum 65. Geburtstag, s. dir. R. Geimer, Munich, Beck,
1999, p. 671 et seq., spéc. p. 673 et N. REICH, « Zur Wirksamkeit von Schiedsklauseln bei grenz-
überschreitenden Börsentermingeschäften », op. cit. n. 1224, p. 990.
(1235) Sur cette question, F. VISCHER, L. HUBER et D. OSER, Internationales Vertragsrecht,
2ème éd., Berne, Stämpfli, 2000, p. 439 et seq. et A. BUCHER et P.-Y. TSCHANZ, International
Arbitration in Switzerland, Bâle et Francfort-sur-le-Main, Helbing & Lichtenhahn, 1988, p. 232.
(1236) Les lois d’application immédiate ont pour but d’« assurer l’efficacité de lois ou de dispo-
sitions considérées comme impérativement applicables au plan international » : A. BUCHER et A.
BONOMI, Droit international privé, 2ème éd., Bâle, etc., Helbing & Lichtenhahn, 2004, p. 101.

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410 RÉGULATION PAR LES ODR

doivent être remplies pour qu’une loi d’application immédiate s’applique


dans un cas particulier (1237). Premièrement, une connexion étroite doit
exister entre la situation et la norme impérative : en l’espèce, si la norme en
question fait partie de l’ordre juridique du domicile du consommateur, la
position géographique de ce dernier suffira pour établir le lien de connexité.
Deuxièmement, la norme doit avoir pour but de s’appliquer à ce type de
situations : les règles en question ici visent à garantir l’accès du consom-
mateur aux tribunaux de son domicile et cet accès est remis en cause par
une clause arbitrale. Troisièmement, l’application de la norme impérative
doit conduire à un résultat approprié et raisonnable : cette condition ne
semble pas remplie dans la situation où la procédure arbitrale en ligne im-
plique des coûts et une durée nettement inférieurs à une action en justice.
Les frais engagés pour une procédure judiciaire en matière de consomma-
tion, même si elle est intentée au domicile du consommateur, peuvent allè-
grement dépasser la valeur litigieuse avant même qu’une action en
exécution forcée ne soit intentée à l’étranger et prendre plusieurs mois voire
plusieurs années (1238). Une procédure d’arbitrage en ligne, par contre,
peut aisément être conduite à moindre coût et dans un temps extrêmement
bref, tout particulièrement si elle fait usage de mécanismes d’autoexécution
des sentences. En définitive, le consommateur du commerce électronique
paraît généralement mieux protégé par l’arbitrage en ligne que par les tri-
bunaux étatiques (1239). Il y a lieu de relever à ce stade l’émergence de ce
que l’on peut appeler le critère de l’accessibilité économique : les règles de
compétence protectrice ne doivent pas s’appliquer si, et seulement si,
l’arbitrage en ligne est réellement fourni à un coût raisonnable. Le caractère

(1237) Voir K.P. BERGER, International Economic Arbitration, op. cit. n. 1175, pp. 690–691, P.
SCHLOSSER, Das Recht der internationalen privaten Schiedsgerichtsbarkeit, op. cit. n. 1213, § 875 et
I. SCHWANDER, Einführung in das internationale Privatrecht. Erster Band : Allgemeiner Teil, op. cit.
n. 1232, p. 252 et seq.
(1238) En ce sens, voir H. VON FREYHOLD, V. GESSNER, E.L. VIAL et H. WAGNER, The
Cost of Judicial Barriers for Consumer in the Single Market, Bruxelles, Publ. Commission européenne,
1996 et B. FELDTMANN, H. VON FREYHOLD et E.L. VIAL, The Cost of Legal Obstacles to the
Disadvantage of the Consumers in the Single Market, Bruxelles, Publ. Commission européenne,
1998, <europa.eu.int/comm/dgs/health_consumer/library/pub/pub03.pdf>. Voir aussi Section I.
— L’inadéquation des tribunaux étatiques, p. 253 et seq. supra.
(1239) Voir aussi G. ALPA, « La clausola arbitrale nei contratti con i consumatori » in Rivista
dell’arbitrato, 1997, p. 681 et seq., l’auteur concluant de manière similaire en ce qui concerne
l’arbitrage hors ligne.

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VALIDITÉ FORMELLE 411

raisonnable dépend quant à lui de la valeur litigieuse et des coûts compara-


tifs des tribunaux étatiques. Nous retrouverons ce critère à l’occasion de
l’examen de la validité des clauses compromissoires par opposition aux
compromis arbitraux, ce qui forme le prochain point d’analyse.

5. Validité des clauses compromissoires : vers le critère de


l’accessibilité économique ?
Si tous les ordres juridiques favorables à l’arbitrabilité des litiges de
consommation reconnaissent en principe la conclusion d’une convention
d’arbitrage par compromis arbitral (conclu après la survenance du litige),
beaucoup plus rares sont ceux, comme le droit espagnol (1240) et à notre
sens le droit suisse (1241), dans lesquels une clause compromissoire
(conclue avant la survenance du litige) est valide sans condition particulière.
Le droit allemand, par exemple, semble l’admettre seulement si le profes-
sionnel peut démonter un intérêt prépondérant et légitime de recourir à
l’arbitrage, ce qui paraît être l’exception (1242). Le droit anglais, quant à
lui, les considère inopposables au consommateur (1243). La plupart des
ordres juridiques retiennent toutefois une solution moins tranchée, pré-
voyant simplement des conditions supplémentaires. À notre sens, on peut
voir émerger, dans ces diverses conditions supplémentaires, un noyau dur
qui correspondrait au critère de l’accessibilité économique que nous avons

(1240) M.A. LÓPEZ et M. ORERO NÚÑEZ, « Le système espagnol d’arbitrage des litiges de
consommation », op. cit. n. 1227, p. 128 et A.-M. DE MATOS, Les contrats transfrontières conclus par
les consommateurs, Aix-en-Provence, PUF, 2001, p. 470 et seq.
(1241) En droit suisse, aucune condition particulière n’est explicitement posée à la validité de
telles clauses. Certains auteurs considèrent toutefois que les règles de compétence protectrice (art.
114 al. 2 LDIP), qui ne visent expressément que les clauses d’élection de for, devraient également
s’appliquer à l’arbitrage et ainsi invalider les clauses compromissoires incluses dans des contrats de
consommation : voir F. KNOEPFLER, note sous ATF 118 II 353 (Fincantieri Cantieri Navali) in
Rev. arb., 1993, p. 695 et seq., spéc. pp. 698–699. Nous avons déjà conclu ci-dessus que nous
estimons que ces règles de compétence protectrice ne doivent pas s’appliquer à l’arbitrage si celui-ci
est économiquement accessible : voir sous 4. Règles de compétence protectrice, p. 408 et seq.
supra.
(1242) P. ULMER, H.E. BRANDNER, H.D. HENSEN et H. SCHMIDT, AGB Gesetz. Kommen-
tar, 9ème éd., Cologne, O. Schmidt, 2001, § 622. Contra M. WOLF, N. HORN et W.F.
LINDACHER, AGB-Gesetz : Gesetz zur Regelung der allgemeinen Geschäftsbedingungen, 4ème éd.,
Munich, Beck, 1999, § 214.
(1243) Voir sect. 1 al. 1 Consumer Arbitration Agreements Act 1988 anglais.

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412 RÉGULATION PAR LES ODR

évoqué ci-dessus dans le contexte des règles de compétence protectrice et


des lois d’application immédiate.
Selon la Directive européenne sur les clauses abusives (1244), interprétée
par la CJCE dans l’affaire Océano (1245), sont nulles les clauses compro-
missoires ou d’élection de for qui ont pour effet « de supprimer ou
d’entraver l’exercice d’actions en justice ou des voies de recours par le
consommateur » (1246) tout en créant « au détriment du consommateur un
déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties décou-

(1244) Directive 93/13 du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les
contrats conclus avec les consommateurs, JO L 95 du 21.4.1993, p. 29.
(1245) CJCE, arrêt Océano Grupo Editorial SA et Salvat Editores SA c. Rocio Murciano Quintero
du 27 juin 2000, aff. jtes C-240/98 à C-244/98, Rec. 2000, p. I-4941. Voir aussi L.
BERNARDEAU, « Clauses abusives : l’illicéité des clauses attributives de compétences et
l’autonomie de leur contrôle judiciaire (à la suite de l’arrêt CJCE, 27 juin 2000, Océano, aff. C-
240/98) » in REDC, 2000, p. 261 et seq.
(1246) Voir l’art. 6 al. 1 de la directive, selon lequel « les clauses abusives figurant dans un
contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs ». Selon
son art. 3 al. 3, « l’annexe contient une liste indicative et non exhaustive de clauses qui peuvent être
déclarées abusives » (nous soulignons). Les clauses mentionnées à l’annexe ne sont donc pas néces-
sairement abusives. En ce qui concerne les clauses d’arbitrage, voir le § q de l’annexe à la Directive,
qui dispose que peuvent être abusives les clauses ayant pour effet « q) de supprimer ou d’entraver
l’exercice d’actions en justice ou des voies de recours par le consommateur, notamment en obli-
geant le consommateur à saisir exclusivement une juridiction d’arbitrage non couverte par des disposi-
tions légales » (nous soulignons).
Il convient de noter qu’en France, où ces dispositions de la directive ont été transposées par
l’art. L132-1 du code de la consommation, ce caractère potentiellement abusif a été étendu par une
loi du 20 janvier 2005, au-delà des clauses compromissoires, aux clauses qui obligent le consom-
mateur à « passer exclusivement par un mode alternatif de règlement des litiges ». À notre sens, le
terme exclusivement doit être interprété en ce sens qu’il couvre également les clauses requérant une
simple participation à une procédure avant de pouvoir intenter une action en justice. Il ne nous
semble pas limité aux seules clauses prévoyant le recours à une procédure telle que l’expertise
irrévocable, dont la mise en œuvre aboutirait à interdire définitivement le consommateur d’intenter
une action en justice ab initio. L’art. L132-1 couvrirait donc notamment les clauses de médiation
préalable. Toutefois, selon nous, le caractère abusif de la clause demeure soumis à la condition que
celle-ci crée un déséquilibre significatif entre les parties, par analogie avec les conclusions de l’arrêt
Océano concernant les clauses d’élection de for. C’est précisément en ce sens qu’a récemment
conclu la Cour de cassation, dans un arrêt Confédération de la consommation du logement et du cadre
de vie (CLCV) c. Foncia Franco Suisse, Cass. 1ère civ., 1er février 2005, no de pourvoi 03-19692. La
Cour y casse un arrêt de la Cour d’appel de Paris qui avait décidé qu’une clause instituant un
préliminaire obligatoire de conciliation présentait en elle-même un caractère abusif pour le
consommateur. La Cour de cassation statue que « exempte d’un quelconque déséquilibre significatif au
détriment du consommateur, [la clause de conciliation] ne revêt pas un caractère abusif » (nous
soulignons).

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VALIDITÉ FORMELLE 413

lant du contrat » (1247). S’il est vrai que cette décision ne concernait direc-
tement que les clauses d’élection de for, il ne semble pas y avoir de raison
de ne pas l’appliquer par analogie aux clauses d’arbitrage, étant donné que
la directive les mentionne expressément (1248). Dans cette affaire, le désé-
quilibre découlait du fait que la clause d’élection de for désignait les tribu-
naux du lieu de domicile du professionnel et qu’ainsi celui-ci pouvait
concentrer géographiquement son contentieux alors que les consommateurs
devaient se déplacer, ce qui générait pour ces derniers des coûts dissuasifs.
On peut en déduire qu’une clause compromissoire prévoyant un arbitrage
en ligne n’est en principe pas nulle parce qu’elle ne crée pas de déséquilibre
significatif entre les parties, à condition que l’arbitrage soit économi-
quement accessible. De manière générale, le déséquilibre est largement
réduit du fait qu’aucune des parties ne devra se déplacer pour suivre la pro-
cédure. Cependant, les coûts impliqués par l’arbitrage ne devront pas être
élevés au point d’être dissuasifs pour le consommateur, la différence habi-
tuelle de pouvoir économique entre le professionnel et le consommateur
constituant dans ce cas, à notre sens, un déséquilibre potentiellement si-
gnificatif entre les parties (1249). L’accessibilité économique de la procé-
dure nous semble donc constituer, en dernière analyse, un élément essentiel
à un équilibre minimal des parties.
En droit américain, généralement beaucoup plus favorable à l’arbitrage
en matière de consommation que les droits européens (1250), la

(1247) Au § 24 de son arrêt, la CJCE déclare plus précisément « qu’une clause attributive de
juridiction, qui est insérée sans avoir fait l’objet d’une négociation individuelle dans un contrat
conclu entre un consommateur et un professionnel et qui confère compétence exclusive au tribunal
dans le ressort duquel est situé le siège du professionnel, doit être considérée comme abusive au
sens de l’article 3 de la directive, dans la mesure où elle crée, en dépit de l’exigence de bonne foi, au
détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des
parties découlant du contrat. » La référence à l’absence de négociation individuelle montre que
seules les clauses conclues avant la survenance du litige sont ici concernées.
(1248) Voir § q annexe de la Directive et n. 1246 supra.
(1249) Pour une discussion de cet arrêt en relation avec l’arbitrage en ligne, concluant en des
termes substantiellement similaires aux nôtres, voir G. KAUFMANN-KOHLER, « Commerce
électronique : droit applicable et résolution des litiges », op. cit. n. 983.
(1250) Th.E. CARBONNEAU, « The Exercise of Contract Freedom in the Making of Arbitra-
tion Agreements » in Vand. J. Transnat’l L., 2003, vol. 36, p. 1189 et seq., spéc. pp. 1192 et 1206
et R.S. HAYDOCK et J.D. HENDERSON, « Arbitration and Judicial Civil Justice : An American
Historical Review and a Proposal for a Private/Arbitral and Public/Judicial Partnership » in
Pepperdine Disp. Res. L.J., 2002, p. 141 et seq.

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414 RÉGULATION PAR LES ODR

jurisprudence récente semble également faire émerger le critère de


l’accessibilité économique (1251). La Cour suprême jugea ainsi dans
l’affaire Green Tree qu’une clause compromissoire peut être invalidée par le
fait que les coûts attendus d’une procédure arbitrale sont prohibitifs (1252).
Dans l’affaire Guttierez, la Cour d’appel de Californie conclut que « les
consommateurs peuvent s’opposer à une clause compromissoire en ce
qu’elle est inéquitable (unconscionable) si les coûts requis pour initier la pro-
cédure sont financièrement inabordables » (1253). Dans une série
d’affaires, dont la plus célèbre est Ting c. AT&T, plusieurs cours d’appel
considérèrent que les clauses compromissoires excluant un droit d’intenter
une action collective (class action) étaient inopposables aux consommateurs
parce que ces actions représentent souvent leur seul recours financièrement
abordable (1254). À la lumière de cette jurisprudence, il semble raisonnable
de soutenir qu’une clause compromissoire prévoyant un arbitrage en ligne
dont les coûts sont faibles serait valide.

6. Formalités additionnelles
Dans certains cas, la validité d’une convention d’arbitrage en matière de
consommation est soumise à des formalités plus strictes que si le contrat est
conclu entre professionnels ou entre consommateurs. Ainsi, en Allemagne, la
validité de l’incorporation par référence, que celle-ci soit globale ou spécifi-
que, d’une clause d’arbitrage exige la signature par le consommateur, éven-
tuellement sous forme électronique, d’un document contenant la clause
d’arbitrage qui soit distinct du document incorporant les conditions géné-

(1251) En ce sens, H. SMIT, « May an Arbitration Agreement Calling for Institutional Arbi-
tration be Denied Enforcement Because of the Costs Involved ? » in Am. Rev. Int’l Arb., 1997,
vol. 8, p. 167 et seq.
(1252) Green Tree Financial Corp. c. Randolph, 531 U.S. 79 (2000).
(1253) Gutierrez c. Autowest, Inc., 7 Cal. Rptr. 3d 267 (Ct. App. 2003), p. 271 : « consumers
may challenge a predispute arbitration clause as unconscionable if the fees required to initiate the
process are unaffordable, and the agreement fails to provide the consumer an effective opportunity
to seek a fee waiver. »
(1254) Ting c. AT&T, 319 F.3d 1126 (9th Cir. Cal. 2003), p. 1150, Ingle c. Circuit City Stores,
328 F.3d 1165 (9th Cir. 2003), pp. 1175-76 et Szetela c. Discover Bank, 118 Cal. Rptr. 2d 862 (Ct.
App. 2002), pp. 867-68. Voir aussi, pour un survol, Harvard Law Review, « The Supreme Court,
2002 Term : Leading Cases », Partie III. C, « Federal Arbitration Act » in Harv. L. Rev., 2003,
vol. 117, p. 410 et seq.

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VALIDITÉ FORMELLE 415

rales du contrat (§ 1031 al. 5 ZPO) (1255). Le droit communautaire,


quant à lui, n’exige pas de condition de forme additionnelle qui serait spé-
cifique aux clauses compromissoires, mais les règles sur la présentation des
conditions générales en matière de consommation s’appliquent et une
clause compromissoire doit ainsi, pour être conforme à l’art. 5 de la Direc-
tive sur les clauses abusives, être « rédigée de façon claire et compréhensi-
ble » (1256) ; on peut à cet égard estimer que la notion même d’arbitrage
doit être brièvement expliquée.

SOUS-SECTION II. — DEUXIÈME POINT DE


PASSAGE : EXÉCUTION DES DÉCISIONS ET DES
ACCORDS

Le premier point de passage du droit non étatique dans le droit étatique, le


consentement des parties, a ainsi été examiné dans le but de savoir si l’ordre
juridique de l’État accepte le principe de la production du droit hors de
celui-ci. Il reste maintenant à étudier les possibilités de la reconnaissance
de ce droit élaboré en dehors de l’État. À cette fin, nous analyserons les
conditions de l’exécution des décisions et des accords produits par les mo-
des extrajudiciaires et en ligne de règlement des différends.
Si aucun mécanisme d’autoexécution des décisions ou des accords n’est
disponible à l’issue d’une procédure d’arbitrage en ligne, l’exécution (ou la
reconnaissance, les conditions étant les mêmes pour les deux actes) des
sentences arbitrales ou des accords issus de médiations, par l’ordre juridique
étatique recourant à la force publique, devient une question cruciale de
l’effectivité. Plus avant, cette question touche à l’importance tant qualitative
que quantitative des modes de résolution des litiges en ligne. Les ODR
sont des glaives sans lame si aucune action en exécution n’est ouverte aux
parties. Deux cas de figure radicalement différents doivent être distingués à

(1255) M. EPPING, Die Schiedsvereinbarung im internationalen privaten Rechtsverkehr nach der


Reform des deutschen Schiedsverfahrensrechts, Munich, Beck, 1999, p. 145 et seq., R. ZÖLLER,
Zivilprozessordnung, 23ème éd., Cologne, O. Schmidt, 2002, no 9 ad § 1031 ZPO et A.
BAUMBACH, W. LAUTERBACH, J. ALBERS et P. HARTMANN, Zivilprozessordnung. Kommentar,
60ème éd., Munich, Beck, 2001, no 9 ad § 1031 ZPO.
(1256) De manière plus complète, l’art. 5 Directive sur les clauses abusives prévoit que « dans le
cas des contrats dont toutes ou certaines clauses proposées au consommateur sont rédigées par
écrit, ces clauses doivent toujours être rédigées de façon claire et compréhensible. En cas de doute
sur le sens d’une clause, l’interprétation la plus favorable au consommateur prévaut. »

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416 RÉGULATION PAR LES ODR

ce propos : l’exécution des accords issus de médiations (qui requiert en


principe un jugement au fond) et celle des sentences arbitrales (pour la-
quelle une procédure sommaire suffit).

A. — Exécution des accords issus de médiations en ligne


Les accords issus de médiations sont des transactions judiciaires si la pro-
cédure de médiation s’est déroulée devant les tribunaux et extrajudiciaire
dans les autres cas. Si elle est judiciaire, par exemple si la médiation a eu
lieu devant un cybertribunal, elle pourra en principe être exécutée comme
un jugement dans l’État du tribunal (1257) et, à l’étranger, selon certaines
dispositions spécifiques favorables. En Europe, elle pourra ainsi bénéficier
du régime prévu par le Règlement Bruxelles I et la Convention de Lugano
pour les actes authentiques, dont l’exécution suit une procédure simpli-
fiée (1258). Par contre, si la transaction est extrajudiciaire, elle n’aura en
principe que la valeur juridique d’un contrat et son exécution sera soumise à
l’obtention d’un jugement au fond, suivi le cas échéant d’une procédure
d’exécution (1259). Au vu de l’incompatibilité entre, d’un côté, les coûts et
le temps impliqués par un tel jugement et, de l’autre, les buts de la résolu-

(1257) Pour le droit suisse, W.J. HABSCHEID, Droit judiciaire privé suisse, 2ème éd., Genève, Li-
brairie de l’Université Georg, 1981, p. 283 ; pour le droit français, Ph. MALAURIE et L. AYNÈS,
Contrats spéciaux, 12ème éd., Paris, Cujas, 1999, p. 590 ; pour le droit allemand, Bundesgerichtshof,
Das bürgerliche Gesetzbuch : mit besonderer Berücksichtigung der Rechtsprechung des Reichsgerichts und
des Bundesgerichtshofes : Kommentar, vol. 2, 12ème éd., Berlin et New York, de Gruyter, 1982, no 55
ad art. 779.
(1258) L’art. 51 CLug et l’art. 58 RB I disposent ainsi que « les transactions conclues devant le
juge au cours d’un procès et exécutoires dans l’État membre d’origine sont exécutoires dans l’État
membre requis aux mêmes conditions que les actes authentiques. » Les transactions judiciaires sont
soumises, pour leur exécution dans le cadre de la CLug et du RB I, aux dispositions de ces textes
portant sur les actes authentiques et non sur les jugements : CJCE, arrêt Solo Kleinmotoren GmbH
c. Emilio Boch du 2 juin 1994, aff. C-414/92, Rec. 1994, p. I-2237.
(1259) Voir, pour le droit communautaire, l’arrêt Solo Kleinmotoren précité et, pour le droit
américain, A.S. RAU, E.F. SHERMAN et S.R. PEPPER, Mediation and Other Non-Binding ADR
Processes, 2ème éd., New York, Foundation Press, 2002, p. 193. Ce problème est reconnu dans la
proposition de Directive du Parlement européen et du Conseil sur certains aspects de la médiation
en matière civile et commerciale, 22 octobre 2004, COM (2004) 718 final, (voir points 10 et 11 du
préambule) et elle prévoit ainsi, en son art. 5 al. 1, que : « Les États membres font en sorte qu’à la
demande des parties, un accord transactionnel atteint à l’issue d’une médiation puisse être confirmé
au moyen d’un jugement, d’une décision, d’un instrument authentique ou de tout autre acte par un
tribunal ou une autorité publique qui rend l’accord exécutoire au même titre qu’un jugement en
droit national, sous réserve que ledit accord ne soit pas contraire au droit européen ou au droit
national de l’État membre dans lequel la demande est introduite. »

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VALIDITÉ FORMELLE 417

tion des litiges en ligne, il convient d’examiner si les accords issus de mé-
diations extrajudiciaires en ligne ne peuvent bénéficier d’autres régimes
juridiques (1260).
On pensera tout d’abord à faire d’un tel accord un acte authentique au
sens du Règlement Bruxelles I et de la Convention de Lugano. L’exercice
ne s’annonce cependant pas aisé : le concept même d’acte authentique im-
plique sinon une participation, du moins un certain contrôle de la part de
l’État (1261). Sans une implication importante de l’État à un stade ou un
autre de la procédure, il ne sera pas permis à des particuliers de produire un
acte authentique (1262). Ainsi, les principaux cas de figure dans lesquels un
accord issu d’une médiation est reconnu acte authentique, au sens des deux
textes internationaux mentionnés, sont les transactions conclues lors d’une
médiation ordonnée par un juge, celles qui sont conclues devant un centre
de médiation accrédité par l’État et celles qui sont authentifiées par un
notaire (1263). La principale solution pour la médiation en ligne semble à

(1260) Pour plus de développements sur tout ceci, G. KAUFMANN-KOHLER et Th. SCHULTZ,
Online Dispute Resolution : Challenges for Contemporary Justice, op. cit. n. 936, p. 211 et seq. Voir
aussi, pour un survol, B. YUNIS, « Rechtsfragen der Online-Mediation » in Online-Mediation.
Neue Medien in der Konfliktvermittlung – Mit Beispielen aus Politik und Wirtschaft, s. dir. O. Märker
et M. Trénel, Berlin, Sigma, 2003, p. 201 et seq., spéc. p. 218.
(1261) Voir pour plus de précisions H. GAUDEMET-TALLON, Compétence et exécution des juge-
ments en Europe, 3ème éd., Paris, LGDJ, 2002, p. 387 et seq., J. KROPHOLLER, Europäisches Zivil-
prozessrecht. Kommentar zur EuGVO und Lugano-Übereinkommen, 7ème éd., Heidelberg, Recht und
Wirtschaft, 2002, p. 484 et seq. et le Rapport Jenard-Möller sur la Convention de Lugano, JO C
189 du 28.7.1990, p. 57, § 72.
(1262) CJCE, arrêt Unibank A/S c. Flemming G. Christensen du 17 juin 1999, aff. C-260/97,
Rec., p. I-3715, § 21 : « un titre de créance exécutoire en vertu du droit de l’État d’origine mais
dont l’authenticité n’a pas été établie par une autorité publique ou toute autre autorité habilitée à ce
faire par cet État ne constitue pas un acte authentique au sens de l’article 50 de la Convention. »
(1263) J. RISSE, Wirtschaftsmediation, op. cit. n. 1164, pp. 444–445, V. D’HUART, « La procé-
dure de médiation » in La médiation en matière commerciale, Liège, Éd. du Jeune Barreau de Liège,
2000, p. 87 et seq., M. SANTA-CROCE, « L’efficacité des modes alternatifs de règlement des
litiges dans le contentieux international et européen » in Gaz. Pal., 2001, p. 936 et seq., spéc.
p. 938, H. GAUDEMET-TALLON, Compétence et exécution des jugements en Europe, op. cit. n. 1261,
p. 389 et J. KROPHOLLER, Europäisches Zivilprozessrecht, op. cit. n. 1261, pp. 485–486. Quant à
l’authentification par le notaire : N. WATTÉ, A. NUYTS et H. BOULARBAH, « La Convention de
Bruxelles » in JT, 2000, vol. 8, p. 225 et seq., spéc p. 237 : « l’authentification doit […] être le fait
d’une autorité publique ou de toute autre autorité habilitée par la loi de l’État d’origine et elle doit
porter non seulement sur les éléments extrinsèques de l’acte, comme la date et la signature, mais également
sur le contenu de l’acte. Les actes privés munis d’une certification de signature par une personne
habilitée […] ne sont, partant, pas des actes authentiques même s’ils sont exécutoires dans l’État

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418 RÉGULATION PAR LES ODR

cet égard résider dans la création de centres de médiation en ligne accrédi-


tés par l’État (1264). Au-delà de cette solution, on peut bien entendu espé-
rer que les tribunaux saisis de différends de faible valeur litigieuse
ordonneront dans la mesure du possible aux parties de tenter une média-
tion.
On pensera ensuite à faire d’un accord issu d’une médiation une sen-
tence arbitrale d’accord ; une partie importante de la doctrine considère en
effet que les sentences d’accord peuvent faire l’objet des mêmes procédures
d’exécution que les autres sentences (1265). Deux méthodes peuvent être
envisagées dans ce contexte (1266), bien que l’efficacité juridique de l’une
comme de l’autre paraisse douteuse. Avec la première méthode, les parties
confèrent au tiers un double rôle, consécutif, de médiateur et d’arbitre.
Celui d’arbitre est toutefois extrêmement limité, il s’agit uniquement pour
le tiers de rendre une sentence d’accord si, et seulement si, les parties ont
pu trouver un accord. Une difficulté pourrait toutefois apparaître si l’une
des parties tentait de s’opposer à l’exécution de la sentence en arguant de la
violation des principes fondamentaux de procédure, plus précisément du
principe du contradictoire et de l’impartialité ; l’arbitre aura en effet géné-
ralement eu des contacts ex parte portant sur le litige avec l’une et l’autre
des parties pendant qu’il officiait comme médiateur (1267). L’importance

dans lequel ils ont été accomplis. » En ce sens, voir aussi T. COLIN, Le Notaire français et le Notaire
suisse face à l’Europe, Paris, LGDJ, 1993, p. 82.
(1264) Sur ces centres, voir J. RISSE, Wirtschaftsmediation, op. cit. n. 1164, p. 444.
(1265) K.P. BERGER, International Economic Arbitration, op. cit. n. 1175, p. 582, A.J. VAN DEN
BERG, The New York Convention of 1958 : Towards a Uniform Judicial Interpretation, op. cit. n.
1212, pp. 49–51, Ph. FOUCHARD, E. GAILLARD et B. GOLDMAN, Traité de l’arbitrage commercial
international, op. cit. n. 1095, §§ 1364–1366 et W.L. CRAIG, W.W. PARK et J. PAULSSON,
International Chamber of Commerce Arbitration, op. cit. n. 120, p. 358.
(1266) Ces procédures sont notamment suggérées par l’Association du barreau américain :
ABA Task Force on E-Commerce and ADR and Shidler Center, « Addressing Disputes in Elec-
tronic Commerce : Final Recommendations and Report », op. cit. n. 1061, p. 456. La deuxième
d’entre elles à également été envisagée lors de l’élaboration de l’Uniform Mediation Act américain,
mais elle a été rejetée parce que la commission d’expert considéra que la voie habituelle d’exécution
des accords issus de médiations constitue une possibilité de contrôle nécessaire du caractère équita-
ble des accords : Th.J. STIPANOWICH, « Contract and Conflict Management », op. cit. n. 1166,
p. 903.
(1267) Les contacts ex parte, c’est-à-dire les communications entre l’arbitre (ou les arbitres) et
l’une seulement des parties, violent le devoir d’impartialité de l’arbitre et le principe du contra-
dictoire si ces communications portent sur le litige et non sur des questions purement procédurales
(calendrier, futures audiences, etc.) : A. REDFERN et M. HUNTER, Law and Practice of Inter-

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VALIDITÉ FORMELLE 419

de la difficulté ne doit cependant pas être surestimée, puisque l’on peut


considérer soit que cette objection à l’exécution constitue une violation du
principe de la bonne foi, soit que les parties, en acceptant cette procédure,
ont renoncé à l’une des dimensions de leur droit au respect du contradic-
toire et de l’impartialité (1268). Mais un autre problème, relatif à la notion
même d’arbitrage, se pose encore ; nous y reviendrons en examinant la
seconde méthode.
Avec la seconde méthode, les parties insèrent dans leur accord issu de la
médiation une clause stipulant que si l’une des parties refuse de s’exécuter,
un arbitre sera nommé avec pour seul rôle de rendre une sentence reprenant
précisément les termes de l’accord issu de la médiation. Le problème –
commun aux deux méthodes envisagées – qui se pose alors se situe plus
radicalement au plan du concept même de l’arbitrage : la mission donnée à
l’arbitre, pour que l’on puisse réellement parler d’arbitrage, doit être de
trancher un litige en appliquant le droit (1269) ; il s’agit d’un mode adjudi-
catif de résolution des litiges (1270). En conséquence, les procédures envi-
sagées par les deux méthodes rapportées ici risquent de se voir nier la
qualification d’arbitrage ; elles pourraient en conséquence ne pas entrer
dans le champ d’application matériel des conventions et des lois d’arbitrage.
La simple transformation d’un accord issu d’une médiation en une sentence
arbitrale nous semble en effet constituer une fraude à la loi (1271). En
conclusion, l’importance des mécanismes d’autoexécution des décisions
paraît ici réaffirmée.

national Commercial Arbitration, op. cit. n. 1174, § 4/58. En médiation, la règle générale est que le
médiateur s’isole tour à tour avec chacune des parties pour s’entretenir du litige ; ces réunions
(caucus) sont admissibles, fréquentes et désirables en médiation. Plus avant sur ces réunions : A.
BEVAN, Alternative Dispute Resolution, Londres, Sweet & Maxwell, 1992, p. 19 et J. RISSE, Wirt-
schaftsmediation, op. cit. n. 1164, p. 241 et seq.
(1268) Pour les renonciations ex ante au droit à l’impartialité de l’arbitre, voir notamment Cour
eur. D.H., Suovaniemi et autres c. Finlande, 23 février 2999, décision non publiée sur la recevabi-
lité, requête no 31737/96, présenté et étudié dans G. KAUFMANN-KOHLER et Th. SCHULTZ,
Online Dispute Resolution : Challenges for Contemporary Justice, op. cit. n. 936, p. 205 et seq.
(1269) Voir Th. CLAY, L’arbitre, op. cit. n. 1131, p. 43 et seq.
(1270) Ch. JARROSSON, La notion d’arbitrage, Paris, LGDJ, 1987, spéc. §§ 175–181.
(1271) En ce sens, J. RISSE, Wirtschaftsmediation, op. cit. n. 1164, p. 442.

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420 RÉGULATION PAR LES ODR

B. — Exécution des sentences arbitrales rendues en ligne


Dans plus de 130 États, l’exécution forcée des sentences arbitrales
étrangères (nous nous limiterons ici au contexte international, comme ci-
dessus (1272)) est soumise soit à la Convention de New York, soit à des
conventions ou dispositions légales plus favorables. Nous concentrerons
notre exposé sur la Convention de New York, puisque celle-ci constitue le
texte fondamental de la problématique que nous abordons. En restreignant
les moyens de défense admissibles au stade de l’exequatur, celle-ci a fait des
sentences arbitrales les instruments juridiques les plus facilement exécuta-
bles à l’étranger au plan mondial. La Convention étant donc largement
favorable à l’exécution, les conditions devant être satisfaites par les senten-
ces rendues en ligne sont tout à fait limitées. Si l’on y voyait, dans les pre-
mières heures de la résolution des litiges en ligne, un problème majeur de
l’arbitrage en ligne, on reconnaît aujourd’hui que les difficultés étaient sur-
faites, pour peu que quelques aménagements de la procédure soient opérés.
C’est à l’analyse de la principale de ces questions, l’exigence par la Conven-
tion d’une copie dûment authentifiée de la sentence et de la convention
d’arbitrage, que nous nous emploierons tout d’abord. Ensuite, nous en
viendrons brièvement au moyen tiré de l’annulation de la sentence dans
l’État dans lequel elle a été rendue. Notons encore que nous ne reviendrons
pas sur la validité de la convention d’arbitrage, qui constitue bien un moyen
d’opposition à l’exécution selon la Convention (1273), mais dont l’essentiel
de la problématique a été abordé ci-dessus (1274).

1. Formalités au plan de l’exequatur – art. IV al. 1 CNY


Selon la Convention de New York (1275), pour obtenir l’exécution d’une
sentence arbitrale, la partie qui en fait la demande doit fournir soit l’origi-
nal de la sentence dûment authentifiée et de la convention d’arbitrage, ou

(1272) Pour une analyse de ces questions en droit interne en Allemagne et aux États-Unis, voir
A. SPLITTGERBER, Online-Schiedsgerichtsbarkeit in Deutschland und den USA, op. cit. n. 1162,
pp. 87 et seq. et 183 et seq.
(1273) Art V al. 1, lit a CNY.
(1274) Voir Sous-section I. — Premier point de passage : conventions de résolution
extrajudiciaire des litiges, p. 391 et seq. supra.
(1275) Art. IV al. 1 CNY.

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VALIDITÉ FORMELLE 421

une copie certifiée conforme de ces documents (1276). Le problème


principal qui se pose dans ce contexte est de savoir si ces formalités peuvent
être respectées en utilisant des documents électroniques : si la sentence a
été rendue en ligne et que la convention a été conclue en ligne, que doit
faire la partie requérant l’exequatur pour satisfaire aux conditions posées
par la Convention ?
Il est vraisemblable qu’une sentence et une convention portant la signa-
ture électronique de l’autorité compétente (1277) soient considérées
comme des copies certifiées conformes (éventuellement comme des origi-
naux) par le juge de l’exécution si deux conditions sont remplies. Premiè-
rement, il faut que le droit applicable à la certification ou à
l’authentification (en principe le droit de l’État requis ou de l’État où la
sentence a été rendue, au choix du requérant (1278)) reconnaisse les signa-
tures électroniques comme équivalentes aux signatures manuscrites.
Deuxièmement, tout document doit pouvoir, selon ce droit, être authenti-
fié ou certifié conforme à l’original par voie électronique. Certains droits
nationaux semblent aujourd’hui admettre la possibilité de faire authentifier
ou certifier un document électronique, mais cela devra en principe toujours
se passer en présence du notaire ou du représentant d’une autre autorité
compétente (1279).

(1276) L’authentification ne concerne que la signature (on parle également de légalisation d’une
signature) tandis que la certification conforme de la copie porte sur l’intégralité du document :
P.M. PATOCCHI et C. JERMINI ad Article 194 LDIP in Kommentar zum Schweizerischen Privat-
recht. Internationales Privatrecht, s. dir. H. Honsell, N.P. Vogt et A.K. Schnyder, Bâle et
Francfort-sur-le-Main, Helbing & Lichtenhahn, 1996, p. 1730 et seq., spéc. p. 1752, § 50 et A.J.
VAN DEN BERG, The New York Convention of 1958 : Towards a Uniform Judicial Interpretation, op.
cit. n. 1212, p. 251.
(1277) L’autorité compétente pour établir l’authenticité ou la certification sont en principe les
tribunaux, les notaires et les agents diplomatiques ou consulaires de l’État d’origine : Ph.
FOUCHARD, E. GAILLARD et B. GOLDMAN, Traité de l’arbitrage commercial international, op. cit.
n. 1095, § 1675 et A.J. VAN DEN BERG, The New York Convention of 1958 : Towards a Uniform
Judicial Interpretation, op. cit. n. 1212, pp. 255–256.
(1278) J.-F. POUDRET et S. BESSON, Droit comparé de l’arbitrage international, op. cit. n. 1095,
p. 920, P.M. PATOCCHI et C. JERMINI ad art. 194 LDIP, op. cit. n. 1276, § 51, Ph. FOUCHARD,
E. GAILLARD et B. GOLDMAN, Traité de l’arbitrage commercial international, op. cit. n. 1095,
§ 1675, A.J. VAN DEN BERG, The New York Convention of 195 8: Towards a Uniform Judicial
Interpretation, op. cit. n. 1265, pp. 252–253.
(1279) Pour le droit français, voir D. FROGER, « L’authenticité électronique » in Le droit inter-
national de l’internet, s. dir. G. Chatillon, Bruxelles, Bruylant, 2003, p. 395 et seq., spéc. p. 397 :
« il n’y a plus besoin de se préoccuper de la manière électronique ou non, certifiée ou non, dont les

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422 RÉGULATION PAR LES ODR

À notre sens, la solution la plus prudente et la plus efficace est


d’aménager la procédure de manière à prévoir dans les règles de procédure
que l’arbitre (ou les arbitres) communique la sentence aux parties sous
forme électronique et qu’il fasse immédiatement suivre une version impri-
mée qui constituera, elle, l’original. La perte de temps et les coûts supplé-
mentaires impliqués par une telle procédure semblent en effet accepta-
bles (1280).
La question connaît encore un deuxième aspect, si le problème se pose
non pas au plan de l’authentification ou de la certification en tant que tel-
les, chaque État étant en principe libre de réglementer ces formalités
comme il l’entend (1281), mais au plan du refus de la reconnaissance par le
juge de l’exécution des documents authentifiés ou certifiés parce que ceux-
ci ne sont pas des écrits papier (1282). Tout document authentifié ou certi-

cocontractants vont manifester leur consentement. Ils peuvent tout simplement cliquer sur une
icône, l’essentiel est que cela se passe devant le notaire, en sa présence. » De manière générale sur la
question, I. DE LAMBERTERIE (éd), Les actes authentiques électroniques : réflexion juridique prospec-
tive, Paris, La Documentation française, 2002.
On peut à notre avis également interpréter en ce sens, en ce qui concerne le droit Suisse, l’art.
28 du règlement du Service diplomatique et consulaire suisse ou l’art. 21 al. 2 de la loi genevoise
sur le notariat – prévoyant que la signature manuscrite doit pour l’authentification être apposée sur
le document devant l’agent diplomatique ou consulaire – à la lumière du futur art. 14 al. 2bis CO
(appliqué par analogie), qui prévoit l’équivalence de certaines signatures numériques et des signa-
tures manuscrites. L’interprétation conduirait donc à admettre que, pour qu’il y ait authentifica-
tion, la signature numérique doit être apposée sur le document électronique devant l’agent
diplomatique ou consulaire.
(1280) Nous avions déjà pu conclure en ce sens dans Th. SCHULTZ, « Online Arbitration :
Binding or Non-Binding ? », op. cit. n. 1059. Dans le même sens, J. ARSIC, « International Com-
mercial Arbitration on the Internet - Has the Future Come Too Early ? » in JintArb., 1997,
vol. 14, p. 209 et seq., spéc. p. 217, M.E. SCHNEIDER et Ch. KUNER, « Dispute Resolution in
International Electronic Commerce » in JintArb., 1997, vol. 14, p. 5 et seq., spéc. p. 24, R. HILL,
« Online Arbitration : Issues and Solutions » in JintArb., 1999, vol. 15, p. 199 et seq., spéc. p. 207
et I. KALANKE, Schiedsgerichtsbarkeit und schiedsgerichtsähnliche Verfahren im Internet, op. cit. n.
1059, pp. 127–128.
(1281) V. DELICATO, « Le autenticazioni necessarie per il riconoscimento e l’esecuzione dei
lodi esteri secondo la Convenzione di New York del 1958 » in RDIPP, 1988, vol. 24, p. 659 et
seq., spéc. p. 665 et seq.
(1282) Le problème a été évoqué par la CNUDCI, qui conclut provisoirement en 2002 (la
question ayant été laissée de côté depuis lors) à la nécessité d’un protocole additionnel à la CNY :
voir CNUDCI, Groupe de travail sur le commerce électronique, Aspects juridiques du commerce
électronique, Les obstacles juridiques au développement du commerce électronique dans les ins-
truments internationaux relatifs au commerce international, New York, 14 février 2002,
A/CN.9/WG.IV/WP.94, § 152. Plus spécifiquement sur le protocole additionnel comme instru-

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VALIDITÉ FORMELLE 423

fié étant par nature un écrit, il semble raisonnable d’interpréter la Conven-


tion en ce sens qu’elle exige un écrit. Si la loi du juge requis ne prévoit pas
l’équivalence entre écrits électroniques et écrits papier, il pourrait y trouver
une raison de s’opposer à l’exécution de la sentence. La meilleure solution
dans cette situation repose sur une certaine flexibilité, défendue par la ma-
jorité des auteurs, dans la production de ces documents : on considère gé-
néralement qu’il est possible de compléter une requête d’exequatur après
son dépôt (1283). Si le juge de l’exécution considère que la sentence sous
forme électronique ne satisfait pas aux conditions de la Convention, la
partie demandant l’exécution pourrait alors requérir de l’institution
d’arbitrage qu’elle imprime la sentence, la signe et que ce nouvel original
soit authentifié par l’autorité compétente (1284). Il est en conséquence
souhaitable que les règlements d’arbitrage en ligne prévoient une disposi-
tion obligeant l’institution à faire établir une version papier de la sentence,
sur requête de la partie la plus diligente (1285).

ment juridique adéquat : CNUDCI, rapport du Groupe de travail sur l’arbitrage sur les travaux de
sa 36ème session, New York, 12 avril 2002, A/CN.9/508.
(1283) Voir J.-F. POUDRET et S. BESSON, Droit comparé de l’arbitrage international, op. cit. n.
1095, pp. 920-921, Ph. FOUCHARD, E. GAILLARD et B. GOLDMAN, Traité de l’arbitrage com-
mercial international, op. cit. n. 1095, § 1675 et A.J. VAN DEN BERG, The New York Convention of
1958 : Towards a Uniform Judicial Interpretation, op. cit. n. 1212, p. 249.
(1284) On notera également ici que la jurisprudence américaine semble admettre
l’authentification de l’original de la sentence par l’institution d’arbitrage elle-même : voir Conti-
nental Grain Co. c. Foremost farms, 1998 U.S. Dist. LEXIS 3509 (S.D.N.Y. 1998), in Yearbook
Comm. Arb’n, 2000, vol. 25, p. 820 et seq., voire par les arbitres eux-mêmes : Bergesen c. Joseph
Müller Corp., 710 F.2d 928, 934 (2d Cir. 1983), in Yearbook Comm. Arb’n, 1984, vol. 9, p. 487 et
seq.
(1285) Notons également que, à notre sens, une telle impression de la sentence après la fin de
la procédure d’arbitrage ne constitue pas une correction de la sentence par le tribunal arbitral,
correction qui, en tant qu’exception au principe selon lequel le tribunal arbitral est dissout dès la
communication de la sentence (principe de functus officio), nécessite une base légale ou le consen-
tement des parties, possiblement consacré par le règlement d’arbitrage. Sur ce principe, G.
KAUFMANN-KOHLER et A. RIGOZZI, « Correction and interpretation of awards in international
arbitrations held in Switzerland. Note on a decision of the Swiss Federal Court (ATF 126 III
524) » in Jusletter, 19 mars 2001 et A. REDFERN et M. HUNTER, Law and Practice of International
Commercial Arbitration, op. cit. n. 1174, §§ 8/93 et 8/94.

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424 RÉGULATION PAR LES ODR

2. Sentence annulée – art. V al. 1, lit. e CNY


Si une sentence arbitrale a été annulée sur recours par les tribunaux de
l’État dans lequel elle a été rendue (1286), le juge de l’exequatur refusera
généralement de donner suite à une procédure d’exécution forcée ;
l’annulation de la sentence constitue en effet un motif d’opposition à l’exe-
quatur au sens de la Convention de New York (1287). Cela nous amène à
aborder deux des trois plus importants motifs de recours en matière
d’arbitrage en ligne, le troisième étant laissé de côté puisqu’il a déjà fait, ci-
dessus, l’objet de développements suffisants pour notre propos. Nous
aborderons ainsi les vices pouvant affecter d’un côté la procédure et de
l’autre la rédaction de la sentence et nous laisserons de côté le motif de
l’incompétence du tribunal arbitral tiré de l’invalidité de la convention
d’arbitrage (1288).
La violation des principes fondamentaux de procédure constitue un mo-
tif de recours contre une sentence arbitrale dans tous les ordres juridiques.
La question essentielle qui se pose en cette matière et à l’égard de l’arbi-
trage en ligne est de savoir jusqu’à quel point la procédure peut être

(1286) Il convient de mentionner ici que seule l’annulation dans l’État d’origine de la sentence
joue un rôle quant à une subséquente procédure d’exequatur : voir par exemple K.P. BERGER,
International Economic Arbitration, op. cit. n. 1175, p. 649.
(1287) Art. V al. 1, lit. e CNY. Il est très généralement admis que cette disposition n’a pas une
portée absolue, le texte de quatre des cinq langues officielles (la version française étant la cin-
quième) disposant que la demande d’exécution peut être refusée (may be refused) en raison de
l’annulation de la sentence : voir J. PAULSSON, « May or Must Under the New York Convention.
An Exercise in Syntax and Linguistics » in Arb. Int., 1998, p. 227 et seq. et ID., « The case for
disregarding LSAS (local standard annulments) under the New York Convention » in Am. Rev.
Int’l Arb., 1996, vol. 7, p. 99 et seq. De plus, l’art. VII CNY prévoit l’applicabilité des dispositions
nationales plus favorables à l’exécution des sentences. Certains tribunaux, en France, en Belgique,
aux Pays-Bas et aux États-Unis ont ainsi donné suite à une demande d’exequatur portant sur une
sentence annulée sur recours dans son pays d’origine : Ph. FOUCHARD, « La portée internationale
de l’annulation de la sentence dans son pays d’origine » in Rev. arb., 1997, p. 329 et seq., spéc. 334
et seq. et J.-F. POUDRET et S. BESSON, Droit comparé de l’arbitrage international, op. cit. n. 1095,
pp. 898–904 et 962–964.
(1288) Voir B. — Conventions d’arbitrage : aspects généraux, p. 394 et seq. supra et C. —
Clause d’arbitrage en matière de consommation, p. 401 et seq. supra. Pour le surplus, nous ren-
voyons à J.-F. POUDRET et S. BESSON, Droit comparé de l’arbitrage international, op. cit. n. 1095,
pp. 426–429 et 772–777.

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VALIDITÉ FORMELLE 425

accélérée et donc simplifiée (1289). Trois droits fondamentaux des parties


sont concernés : le droit à des débats oraux, le principe de la contradiction
et le principe d’égalité. En ce qui concerne les débats oraux, qu’une institu-
tion d’arbitrage en ligne peut vouloir ne pas permettre afin d’accélérer la
procédure, la difficulté est en réalité mineure : il suffit de prévoir dans le
règlement d’arbitrage que les parties renoncent à toute phase orale pour la
production de preuves ou pour l’exposé des arguments. En effet, la plupart
des ordres juridiques, à l’exception des Pays-Bas (1290) et de l’Italie (1291),
prévoient les débats oraux de manière dispositive et non impérative – les
parties peuvent y renoncer (1292). D’autres droits ne prévoient même pas
de procédure orale en arbitrage ; il en va par exemple ainsi en Angle-
terre (1293), en Suisse (1294) et en Finlande (1295). Quant au principe de
la contradiction, qui implique que chacune des parties puisse examiner et se

(1289) Voir par exemple, sur cette question, Th. SCHULTZ, « Human rights : speed bumps for
arbitral procedures ? » in L’impact des droits de l’homme sur les différentes disciplines du droit, s. dir. F.
Werro, à paraître 2005/2006.
(1290) Voir art. 1039 al. 2 WBR et J.-F. POUDRET et S. BESSON, Droit comparé de l’arbitrage
international, op. cit. n. 1095, p. 500
(1291) Selon P. BERNARDINI, Rapport national pour l’Italie, in International Handbook on
Commercial Arbitration, s. dir. J. Paulsson, suppl. du 31 septembre 2000, La Haye, Kluwer, ICCA
Series, p. 23.
(1292) Ainsi la loi modèle CNUDCI sur l’arbitrage commercial international (art. 24 al. 1) et
les droits allemand (art. 1057 ZPO), belge (art. 1694 Cj et J. LINSMEAU, L’arbitrage volontaire en
droit privé belge, Bruxelles, Bruylant, 1991, § 245 ainsi que P. DE BOURNONVILLE, Droit judi-
ciaire : l’arbitrage, Bruxelles, Larcier, 2000, p. 175), français (selon C. KESSEDJIAN, « Principe de la
contradiction et arbitrage » in Rev. arb., 1995, p. 381 et seq., spéc. p. 405, contra Ph. FOUCHARD,
E. GAILLARD et B. GOLDMAN, Traité de l’arbitrage commercial international, op. cit. n. 1095,
§ 1296) et suédois (art. 24 al. 1 SU). Voir aussi G. KAUFMANN-KOHLER, « Identifying and
Applying the Law Governing the Arbitration Procedure – The Role of the Law of the Place of
Arbitration » in Improving the Efficiency of Arbitration Agreements and Awards : 40 Years of Applica-
tion of the New York Convention : ICCA International Arbitration Conference, Paris, 1998, s. dir. A.J.
van den Berg, La Haye et Cambridge, Mass., Kluwer, ICAA Congress Series no 9, 1999, p. 336 et
seq., spéc. pp. 357, 359, 363–364.
(1293) Voir sect. 34 al. 2, lit. h Arb. Act.
(1294) ATF 117 II 346 (U. c. Époux G.), in Bull. ASA, 1991, vol. 9, p. 415 et seq. Voir aussi J.-
F. POUDRET et S. BESSON, Droit comparé de l’arbitrage international, op. cit. n. 1095, pp. 500,
780–781 et J.-F. POUDRET, « Expertise et droit d’être entendu dans l’arbitrage international » in
Études de droit international en l’honneur de Pierre Lalive, Bâle, Helbing & Lichtenhahn, 1993,
p. 607 et seq.
(1295) G. MÖLLER, Rapport national pour la Finlande, in International Handbook on Commer-
cial Arbitration, s. dir. J. Paulsson, suppl. d’octobre 1995, La Haye, Kluwer, ICCA Series, p. 13.

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426 RÉGULATION PAR LES ODR

déterminer sur les moyens et preuves de son adversaire (1296), on peut


relever deux problématiques. Premièrement, lors de vidéoconférences, il est
essentiel de garantir l’absence de défaillances techniques, telle la décon-
nexion involontaire de l’une des parties, qui conduirait son adversaire à
soumettre ses moyens ou ses preuves au tribunal arbitral sans que la partie
déconnectée puisse avoir accès à cette communication. Deuxièmement, on
peut se demander si l’échange de mémoires peut se limiter, afin de simpli-
fier la procédure, à une requête d’arbitrage du demandeur et une réponse
du défendeur. Le problème est dans ce cas que le demandeur ne peut pas se
prononcer sur les moyens et preuves du défendeur (1297). La validité d’une
renonciation anticipée au principe de la contradiction est douteuse (1298) ;
il semble en conséquence préférable soit d’organiser une brève audience en
ligne (par vidéoconférence ou une autre technologie de messagerie instan-
tanée ou synchronique, telle qu’un forum de discussion ou une téléconfé-
rence) après l’échange des écrits, soit de permettre au moins deux échanges
de mémoires. Finalement, un problème peut se poser à l’égard du principe
de l’égalité des parties : la plateforme de communication peut requérir
l’utilisation d’une technologie spécifique et les deux parties peuvent maî-
triser celle-ci de manières très inégales ou son acquisition par l’une des
parties peut occasionner pour elle des coûts exorbitants (1299). Il est à cet
égard préférable de se cantonner à des logiciels et des matériels informati-

(1296) Voir par exemple K.P. BERGER, International Economic Arbitration, op. cit. n. 1175,
p. 374, Ph. FOUCHARD, E. GAILLARD et B. GOLDMAN, Traité de l’arbitrage commercial inter-
national, op. cit. n. 1095, § 1638 et J.-F. POUDRET et S. BESSON, Droit comparé de l’arbitrage
international, op. cit. n. 1095, p. 780 et seq.
(1297) Voir aussi D. GIRSBERGER et D. SCHRAMM, « Cyber Arbitration und prozessuale
Fairness » in Geschäftsplattform Internet IV. Open Source – Multimedia – Online Arbitration, s. dir.
R.H. Weber, M. Berger et R. auf der Maur, Zurich, etc., Schulthess, 2003, p. 189 et seq., spéc.
198.
(1298) G. KAUFMANN-KOHLER et Th. SCHULTZ, Online Dispute Resolution : Challenges for
Contemporary Justice, op. cit. n. 936, p. 204 et seq., D. GIRSBERGER et D. SCHRAMM, « Cyber-
Arbitration » in EBOR, 2002, vol. 3, p. 605 et seq., spéc. pp. 613–614 et S. SCHIAVETTA, « The
Relationship Between e-ADR and Article 6 of the European Convention of Human Rights
pursuant to the Case Law of the European Court of Human Rights » in JILT, 2004, no 1, <elj.-
warwick.ac.uk/jilt/04-1/schiavetta.html>.
(1299) Voir sur ceci J. HÖRNLE, « Online Dispute Resolution », op. cit. n. 1178, §§ 11/59 et
11/74–11/77 et O. CACHARD, « Electronic Arbitration », module 5.9 du cours de la CNUCED
sur la résolution des litiges dans le commerce international, l’investissement et la propriété intel-
lectuelle, UNCTAD/EDM/Misc.232/Add.20, New York et Genève, Publ. Nations unies, 2003,
<www.unctad.org/en/docs/edmmisc232add20_en.pdf>, p. 36.

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VALIDITÉ FORMELLE 427

ques largement diffusés et connus, même s’ils sont peut-être moins perfor-
mants.
Le principal vice pouvant affecter la sentence dans le contexte de
l’arbitrage en ligne concerne la forme écrite et la signature de la sentence et,
dans une moindre mesure, sa motivation. Ne pas motiver une sentence, ou
ne l’accompagner que d’une motivation très succincte, peut constituer une
tentation assurément réelle pour un tribunal arbitral visant à minimiser le
plus possible les coûts et la durée de la procédure. Nonobstant le fait que la
plupart des lois d’arbitrage permettent d’annuler une sentence non ou in-
suffisamment motivée (1300), la difficulté ne doit pas être surestimée. Il
suffira généralement (sauf pour un arbitrage ayant son siège en Belgique,
aux Pays-Bas ou en Italie (1301)) de prévoir l’absence de motivation dans
les règles de procédure (1302), les parties pouvant le plus souvent dispenser
les arbitres de motiver leurs sentences (1303). La forme écrite et la signa-
ture par les arbitres de la sentence est une question un peu plus problémati-
que. La plupart des lois d’arbitrage, à l’exception notable des droits français
et suisse (1304), permettent d’annuler une sentence si elle n’a pas été ren-
due en forme écrite et signée (1305), et seul le droit anglais (1306) permet
aux parties de renoncer à cette exigence de forme. Dans les États recon-
naissant l’équivalence des documents électroniques et des documents pa-
pier, ainsi que des signatures électroniques et manuscrites, l’exigence de
l’écrit et de la signature ne devrait pas poser de difficulté ; tout au plus sera-

(1300) Deux exceptions notables étant la Suisse et, selon certains auteurs, la France : J.-F.
POUDRET et S. BESSON, Droit comparé de l’arbitrage international, op. cit. n. 1095, p. 799 et, pour
la Suisse, ATF 116 II 373 = JdT 1991 I 186.
(1301) Voir, respectivement, art. 1706 al. 6 et 1704 al. 2, lit. i Cj ; art. 1057 al. 4, lit. e et 1065
al. 1, lit. d WBR ; art. 832 al. 2, ch. 3 et 829, al. 1, ch. 3 CPCI.
(1302) Les parties peuvent notamment renoncer à la motivation de la sentence selon la loi mo-
dèle de la CNUDCI sur l’arbitrage commercial international, ainsi qu’en droits anglais et alle-
mand : voir respectivement art. 31 al. 2 loi modèle CNUDCI ; sect. 52 al. 4 et 70 al. 4 Arb. Act. ;
§ 1052 al. 2 ZPO.
(1303) De manière générale, J.-F. POUDRET et S. BESSON, Droit comparé de l’arbitrage inter-
national, op. cit. n. 1095, pp. 708–713.
(1304) Ibid., p. 797.
(1305) Il en va ainsi notamment selon la loi modèle de la CNUDCI sur l’arbitrage commercial
international (art. 31 al. 1) et les droits allemand (art. 1054 al. 1 ZPO), autrichien (art. 577 et 592
al. 2 ZPO), belge (art. 1701 et 1704 al. 2, lit. h Cj), italien (art. 823 al. 1, 829 al. 1, ch. 5, 823 al. 2
et 837 CPCI) et néerlandais (art. 1057 WBR). Le droit suédois l’érige en condition de nullité
absolue (art. 31 et 33 SU).
(1306) Sect. 52 Arb. Act.

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428 RÉGULATION PAR LES ODR

t-il nécessaire d’utiliser un type spécifique de signatures électroniques (en


principe les signatures qualifiées, appelées aussi signatures digitales) (1307).
Dans les autres États, une sentence rendue sous forme électronique risque
l’annulation.

SOUS-SECTION III. — L’ARBITRAGE NON


CONTRAIGNANT : VERS UNE DISTANCIATION PAR
RAPPORT AUX DROITS ÉTATIQUES

Le constat de l’analyse que nous venons de mener est que si aucune diffi-
culté capitale ne semble exister à l’intégration de la production juridique
des mécanismes de résolution des litiges en ligne, certaines incertitudes
demeurent et certains obstacles sont encore posés. Ceci est tout particuliè-
rement vrai en matière d’arbitrage en ligne impliquant des consommateurs.
Or il semblerait que ces obstacles poussent les institutions d’arbitrage en
ligne à se distancer des ordres juridiques étatiques en développant des for-
mes d’arbitrage qui sont, aux États-Unis (1308), encore marginales, au
Royaume-Uni (1309), récentes et peu pratiquées et, en Europe continen-
tale, radicalement non orthodoxes. On pense à ces procédures que l’on peut
regrouper sous le terme d’arbitrage non contraignant. Il convient tout
d’abord d’expliciter les concepts que couvre ce terme, d’en évoquer les di-
verses formes. Ensuite, nous étudierons le but premier de l’arbitrage non
contraignant, soit la reconstruction de l’effectivité en palliant les obstacles
posés par le droit étatique. Enfin, nous nous pencherons sur l’intégration
du droit produit par les procédures d’arbitrage non contraignant dans
l’ordre juridique étatique.

(1307) De manière générale, voir art. 6 et 7 loi modèle CNUDCI sur le commerce électroni-
que.
(1308) Voir par exemple A.S. RAU et C. PÉDAMON, « La contractualisation de l’arbitrage : le
modèle américain » in Rev. arb., 2001, p. 451 et seq., spéc. p. 448 et seq., sous titre « Le pouvoir
des parties de limiter conventionnellement l’étendue de la compétence arbitrale » et, en matière de
propriété intellectuelle, S.H. BLACKMAND et R.M. MCNEILL, « Alternative Dispute Resolution
in Commercial Intellectual Property Disputes » in Am. U. L. Rev., 1998, vol. 47, p. 1709 et seq.,
spéc. p. 1714.
(1309) Sect. 58 al. 1 Arb. Act. : « unless otherwise agreed by the parties, an award made by the
tribunal pursuant to an arbitration agreement is final and binding both on the parties and on any
persons claiming through or under them » (nous soulignons).

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VALIDITÉ FORMELLE 429

A. — Définition et formes de l’arbitrage non


contraignant
Le concept d’arbitrage non contraignant couvre en réalité plusieurs types de
procédures de règlement des différends ; celles-ci ont toutes en commun
leur caractère adjudicatif et le fait que les décisions rendues ne sont pas, au
moment de leur communication aux parties, contraignantes comme une
sentence arbitrale ordinaire, c’est-à-dire de manière proche d’une décision
judiciaire. L’arbitrage non contraignant doit être distingué de sa forme non
obligatoire, l’élément constitutif du second étant que c’est le recours à
l’arbitrage, et non la décision au moment de sa communication aux parties,
qui n’est pas obligatoire pour les deux parties (1310). Dans ce second cas, la
clause d’arbitrage n’est généralement qu’unilatéralement contraignante, en
ce sens que l’une des parties seulement doit se soumettre à l’arbitrage si
l’autre en fait la requête. Le cas de figure typique est un professionnel qui
s’engage à se soumettre à l’arbitrage si un consommateur en fait la de-
mande, sans que le consommateur puisse quant à lui être attrait devant
l’arbitre sans son consentement (1311).
On peut distinguer deux formes principales d’arbitrage non contrai-
gnant : celui conditionnellement contraignant et celui réellement non
contraignant (1312). Dans le premier cas, soit les deux parties peuvent
rejeter la décision pendant un délai déterminé (arbitrage bilatéralement

(1310) En ce sens, avec une approche fondée essentiellement sur l’anthropologie juridique, M.
SHAPIRO, Courts : a comparative and political analysis, op. cit. n. 1052, p. 7, l’auteur évoquant la
« compulsory nonbinding arbitration […] that is, the parties may be compelled by statute or a
contract provision to go to arbitration if a contract provision is in dispute, but the same statute
and/or contract may not compel them the arbitrator’s award ».
(1311) Sur ces clauses unilatéralement contraignantes, généralement considérées comme valides
par analogie aux clauses unilatérales d’élection de for, dont la validité est clairement établie, voir
par exemple L. IDOT, « Arbitrage et droit communautaire » in RDAI, 1996, vol. 7, p. 561 et seq.,
spéc. p. 582 et Ph. FOUCHARD, « Clauses abusives en matière d’arbitrage » in Rev. arb., 1995,
p. 147 et seq., spéc. pp. 148–149. La question est cependant moins clairement tranchées aux États-
Unis, où un risque d’invalidité demeure : L.A. NIDDAM, « Unilateral Arbitration Clauses in
Commercial Arbitration » in ADRLJ, 1996, vol. 5 p. 147 et seq. ainsi que W.W. PARK, « Making
Sense of Financial Arbitration » in ICC Bull. (numéro spécial sur l’arbitrage, la finance et les
assurances), 2000, vol. 7, p. 12 et seq.
(1312) Pour plus de développements sur ces formes d’arbitrage, Th. SCHULTZ, « Online Ar-
bitration : Binding or Non-Binding ? », op. cit. n. 1059. et G. KAUFMANN-KOHLER et Th.
SCHULTZ, Online Dispute Resolution : Challenges for Contemporary Justice, op. cit. n. 936, p. 153 et
seq.

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430 RÉGULATION PAR LES ODR

conditionnellement contraignant), ou l’une des parties est liée par la déci-


sion dès que celle-ci est rendue tandis que l’autre peut la rejeter pendant un
délai déterminé (arbitrage unilatéralement contraignant). Pour ces procé-
dures, on qualifie généralement la décision au moment de sa communica-
tion aux parties de projet de sentence : si elle n’est pas rejetée, elle devient
une véritable sentence arbitrale, qui lie les deux parties comme une sen-
tence ordinaire. Si la décision est rejetée, elle ne lie plus aucune des parties,
et deux hypothèses se présentent : soit un deuxième niveau d’arbitrage est
prévu, auquel les parties sont soumises dès que la décision a été rejetée, soit
rien n’est prévu et les parties peuvent entamer une procédure judiciaire (ou
arbitrale si un compromis arbitral peut être conclu) de novo.
Dans le deuxième cas, celui de l’arbitrage réellement non contraignant,
le but de la procédure n’est précisément pas de produire de véritables sen-
tences arbitrales. Dans cette situation, il existe deux possibilités. Ou bien le
tiers émet une recommandation que les deux parties peuvent rejeter ou
utiliser pour transiger en concluant un simple contrat intégrant la recom-
mandation. Ou bien le tiers rend une décision que les parties ne peuvent
pas rejeter, mais qui ne vise en rien l’effet contraignant des vraies sentences
arbitrales ; la procédure UDRP de l’ICANN en constitue l’exemple le plus
connu.

B. — Reconstruction de l’effectivité en dehors du droit


étatique
Les obstacles posés à l’arbitrage en ligne par les droits étatiques diminuent
l’effectivité du droit qu’il produit, car ils compliquent son accès à la force
publique, à l’appareil coercitif étatique. En réaction à cela, tout se passe
comme si le but premier de l’arbitrage non contraignant était de recons-
truire cette effectivité en dehors du droit étatique, le poussant à se distancer
des systèmes juridiques étatiques. Les deux formes de l’effectivité sont ainsi
mises à contribution, l’une symbolique et l’autre instrumentale.

1. Effectivité symbolique : vers l’arbitrage à deux niveaux ?


L’effectivité symbolique, rappelons-le, est en substance le critère d’accep-
tabilité d’une norme par ses destinataires ; il s’entend de la capacité d’un
principe, d’une règle ou d’une décision à convaincre ses destinataires du
caractère légitime de la conduite imposée. Le respect volontaire, non

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VALIDITÉ FORMELLE 431

contraint, de la norme en est fonction (1313). Certaines caractéristiques de


l’arbitrage non contraignant visent ce type d’effectivité.
Il en va ainsi d’abord de la simple possibilité, qui concerne autant
l’arbitrage conditionnellement contraignant que l’arbitrage réellement non
contraignant, qu’a l’une des parties ou qu’ont les deux parties de rejeter la
décision. Dans cette optique, l’arbitrage non contraignant fonctionne en
quelque sorte comme une forme d’assistance à la négociation ou de mini-
trial (1314) et, dans une moindre mesure, il ressemble à la traditionnelle
dernière phase d’une procédure de médiation, où le médiateur rend une
recommandation que les parties peuvent transcrire dans un accord si elles
l’acceptent (1315). Dans ce cas, mieux la procédure est conduite, plus la
probabilité que les parties respectent volontairement la décision est élevée.
Cependant, le problème qui se pose à ce stade est que si cette simple possi-
bilité de rejeter la décision augmente l’effectivité symbolique de la décision,
elle diminue en revanche la probabilité que la procédure conduise à une
décision mettant fin au litige : il n’y a en effet pas de décision en l’absence
de l’accord des parties. C’est pour cette raison que l’on recourt quelquefois à
un arbitrage à deux niveaux.

(1313) Voir Section II. — Effectivité symbolique et instrumentale, p. 315 et seq. supra.
(1314) Pour une brève introduction à ces formes d’assistance à la négociation, voir A.-J.
ARNAUD et J.-P. BONAFÉ-SCHMITT, « Alternatif (Droit) – Alternative (Justice) » in Dictionnaire
encyclopédique de sociologie et de théorie du droit, s. dir. A.-J. Arnaud, 2ème éd., Paris, LGDJ, 1993,
p. 11 et seq., spéc. p. 14. Pour une comparaison entre l’arbitrage non contraignant et d’autres
formes d’assistance à la négociation, voir A.S. RAU, « Contracting Out of the Arbitration Act » in
Am. Rev. Int’l Arb., 1997, vol. 8, p. 225 et seq., spéc. p. 242 : « the parties may see the virtues of
what is in effect an advisory opinion as an aid to evaluating a case for settlement purposes – al-
though they may be unwilling to give up all notion of recourse to litigation […] In this respect
non-binding arbitration has much in common with other formal reality testing devices such as court-
annexed arbitration, the summary jury trial, the mini-trial, and fact finding in public-sector em-
ployment disputes. »
(1315) Sur cette dernière phase de la médiation, voir par exemple « Should Mediators Evalu-
ate ? : A Debate Between Lela P. Love and James B. Boskey » in Cardozo Online J. Conflict Resol.,
1999–2000, vol. 1, p. 1 et seq. et, dans le contexte de procédures en ligne de recommandation, A.
CRUQUENAIRE et F. de PATOUL, « Le développement des modes alternatifs de règlement des
litiges de consommation : Quelques réflexions inspirées par l’expérience ECODIR », op. cit. n.
1070, §§ 75–80.

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432 RÉGULATION PAR LES ODR

L’arbitrage à deux niveaux, dont quelques exemples existent hors li-


gne (1316), émerge également en ligne, où il est d’ailleurs de plus en plus
souvent appelé des vœux de la doctrine et d’un nombre croissant de sec-
teurs économiques et d’acteurs politiques (1317). Hors ligne, le règlement
d’arbitrage de la Chambre arbitrale de Paris, par exemple, prévoit que
« chacune des parties à l’instance peut demander un examen de la cause au
second degré dans un délai de quinze jours suivant la date de réception de
la notification du projet de sentence. [À défaut], le projet de sentence est
transformé en sentence sur la simple requête de l’une des parties et notifi-
cation en est faite aux intéressés » (1318). Quant à la procédure en seconde
instance, elle s’articule, à la Chambre arbitrale de Paris mais aussi de ma-
nière générale, selon les mêmes termes qu’une procédure arbitrale ordi-
naire (1319). En ligne, le règlement d’arbitrage du prestigieux Chartered
Institute of Arbitrators de Londres, en ce qui concerne la procédure pour
les litiges impliquant des membres de l’association britannique des agences
de voyages (ABTA), prévoit que « si l’une des parties considère que la sen-
tence est telle qu’aucun arbitre n’aurait raisonnablement dû la rendre sur la
base des pièces à lui soumises, elle peut requérir [dans les 21 jours] quelle
soit revue » (1320). Une telle procédure présente des avantages du point de
vue de l’effectivité symbolique. Si les parties acceptent le projet de sentence,
la probabilité est plus élevée, par rapport à un arbitrage à un seul niveau,
que la partie ayant succombé dans la procédure exécute volontairement la
décision. De plus, même si l’une des parties rejette la décision en première
instance, la probabilité d’une exécution volontaire de la sentence de se-
conde instance est plus élevée que dans un arbitrage à un niveau. La raison

(1316) En plus de l’exemple évoqué ci-après, voir l’art. 10 du règlement d’arbitrage de la Grain
and Feed Trade Association (GAFTA) à Londres, qui prévoit une procédure de recours interne
devant un « board of appeal ».
(1317) Voir sur cela Th. SCHULTZ, « Does Online Dispute Resolution Need Governmental
Intervention ? », op. cit. n. 1201, p. 100 et seq.
(1318) Art. 17 règlement d’arbitrage de la Chambre arbitrale de Paris.
(1319) Pour d’autres procédures d’arbitrage à deux niveaux et de manière générale sur ce sujet,
voir É. LOQUIN, « L’examen du projet de sentence par l’institution et la sentence au deuxième
degré. Réflexions sur la nature et la validité de l’intervention de l’institution arbitrale sur la sen-
tence » in Rev. arb., 1990, p. 427 et seq., spéc. p. 440 et seq. Voir aussi A. KASSIS, Réflexions sur le
règlement d’arbitrage de la Chambre de commerce internationale – Les déviations de l’arbitrage institu-
tionnel, Paris, LGDJ, 1988, p. 139 et seq.
(1320) Sect. 6 al. 2 règlement d’arbitrage du Chartered Institute of Arbitrators pour les litiges
impliquant des membres de l’association britannique des agences de voyages.

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VALIDITÉ FORMELLE 433

en tient au double examen du bien-fondé des moyens des parties, qui affine
l’image de la probable solution devant une subséquente procédure judiciaire
ou arbitrale, et au simple dédoublement des possibilités des parties
d’obtenir une sentence dont ils considèrent le contenu légitime (1321).
En définitive, on comprend que l’effectivité symbolique des décisions
rendues par arbitrage non contraignant est une forme de compensation de
la difficulté d’accès à la force publique. L’augmentation de la probabilité
d’une exécution volontaire de la décision, par la partie débitrice à l’issue de
la procédure, contrebalance les obstacles posés à l’arbitrage en ligne en vue
de l’obtention d’une exécution forcée par l’appareil coercitif étatique.
L’effectivité symbolique de la décision vise donc à compenser le manque
d’effectivité instrumentale, qui est d’ordinaire assurée par la force publique
mais qui peut aussi l’être par des mécanismes d’autoexécution.

2. Effectivité instrumentale : mécanismes d’autoexécution


Nous serons beaucoup plus bref en ce qui concerne la dimension instru-
mentale de l’effectivité et les mécanismes d’autoexécution des décisions, ces
derniers ayant déjà été étudiés avec suffisamment de détail ci-des-
sus (1322). Il convient simplement de faire mention du fait que, pour com-
pléter la reconstruction de l’effectivité outre sa dimension symbolique, les
institutions d’arbitrage non contraignant se fondent parfois sur de tels mé-
canismes d’autoexécution, qui visent à remplacer l’appareil coercitif étati-
que. Le but de ces mécanismes est ici de donner des instruments de
contrainte aux institutions d’arbitrage non contraignant – on l’a compris, le
caractère non contraignant de cette forme d’arbitrage est défini ici unique-
ment par rapport au droit étatique – afin d’améliorer leur effectivité ins-
trumentale.
À titre d’illustration, rappelons simplement que la procédure de résolu-
tion des litiges en ligne développée par Eurochambres (dénommée Online-
Confidence), dont l’une des phases est un arbitrage réellement non
contraignant, prévoit le retrait de son label OC Trust Seal en cas d’absence

(1321) Plus généralement sur l’importance des instances de recours en ligne, voir Sous-section
III. — Instances de recours en ligne, p. 544 et seq. infra.
(1322) Voir Section VI. — Mécanismes d’autoexécution et ODR, p. 349 et seq. supra.

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434 RÉGULATION PAR LES ODR

d’exécution volontaire de la décision (1323). Quant à la procédure UDRP,


qui est également de l’arbitrage réellement non contraignant (1324), on se
souvient qu’elle comprend un mécanisme d’autoexécution technologique
par lequel la décision (annulation ou transfert d’un nom de domaine) est
exécutée sans aucun recours à l’appareil coercitif étatique (1325).

C. — L’arbitrage non contraignant au regard du droit


étatique
À la lecture des termes arbitrage non contraignant, le juriste traditionaliste
criera au non-sens ou, plus gentleman, relèvera la présence d’un oxymore :
c’est que l’arbitrage, selon la définition traditionnelle, est précisément
contraignant. Autrement dit, si une procédure n’est pas contraignante, ce
n’est pas de l’arbitrage. Ces réactions concernant la nature juridique de
l’arbitrage non contraignant ne jouissent d’une grande importance ni au
regard du but premier de l’arbitrage non contraignant (la reconstruction de
l’effectivité hors du droit étatique) ni du principe de la relativité des systè-
mes juridiques (chaque système juridique définit lui-même les critères de
validité formelle de ses normes et de ses concepts, ceux du système étatique
n’ayant aucune prééminence a priori ou absolue (1326)). Il importe néan-
moins de comprendre comment le droit produit par l’arbitrage non contrai-
gnant intègre, à titre d’effet incident, le système juridique étatique. Nous
nous proposons en conséquence d’aborder ici une analyse en droit positif de
l’arbitrage réellement non contraignant et de sa forme conditionnellement
contraignante.

1. L’arbitrage réellement non contraignant


L’arbitrage réellement non contraignant, nous l’avons dit, n’a en principe
pas pour but de produire de véritables sentences arbitrales. On peut distin-
guer à cet égard, en précisant quelque peu la distinction entamée plus
haut (1327), trois formes d’arbitrage réellement non contraignant. Il

(1323) Voir A. — Labellisation des sites web, p. 353 et seq. supra. Voir au surplus <www.on-
lineconfidence.org/To-Resolve/ODR-Proced/index.htm>.
(1324) Voir Section IV. — La procédure UDRP de l’ICANN, p. 188 et seq. supra.
(1325) Voir E. — Autoexécution technologique, p. 374 et seq. supra.
(1326) Voir A. — Légalité et relativité générale, p. 381 et seq. supra.
(1327) Voir A. — Définition et formes de l’arbitrage non contraignant, p. 429 et seq. supra.

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VALIDITÉ FORMELLE 435

convient de préciser dès ici que le droit (étatique) de l’arbitrage ne


s’applique à aucune d’elles et les décisions qu’elles produisent ne sont donc
pas contraignantes, selon le droit étatique, comme l’est une sentence arbi-
trale ordinaire. Précisons maintenant ce propos.
En premier lieu, il existe un type de procédure qui n’est pas contraignant
au regard du droit étatique, mais qui l’est en ce qui concerne le système
juridique (non étatique) dans lequel il agit. L’exemple le plus patent en est
la procédure UDRP. Nous avons relevé qu’elle ne constitue pas un arbi-
trage au sens du droit de l’arbitrage, que les décisions rendues en son appli-
cation ne sont pas contraignantes du point de vue du droit étatique et
qu’elles ne lient en rien le juge étatique (1328). En revanche, il ne fait au-
cun doute que ces décisions exercent une contrainte certaine sur leurs des-
tinataires : en l’absence de preuve de la saisine d’un juge dans les dix jours à
compter de la notification de la décision UDRP, le nom de domaine est
perdu pour le défendeur si la décision est favorable au demandeur (1329). Il
y a lieu de souligner à ce stade la constitution d’un système juridique autour
de l’UDRP et de l’ICANN, au sein duquel une procédure UDRP joue
précisément le même rôle qu’un arbitrage au sein du droit étatique : tran-
cher un litige par une décision finale – nous y reviendrons (1330).
On rencontre ensuite des procédures de règlement des différends qui ne
sont contraignantes sur aucun plan. Il s’agit ici de la forme pure de la re-
commandation ou de l’évaluation, celle qui n’est pas connectée à un méca-
nisme d’autoexécution, c’est-à-dire celle qui ne prévoit pas, par exemple, le
retrait d’un label en cas de non-exécution de la recommandation ou de
l’évaluation. L’opinion du tiers n’a ici aucune force contraignante : les par-
ties peuvent, si elles le veulent, la transcrire dans un accord mais il n’y a
aucune conséquence si l’une d’elles s’y oppose. Par exemple, le descriptif de
la procédure administrée par Online Resolution indique ainsi que si les
deux parties « acceptent l’opinion, l’affaire est résolue. Si toutefois [elles la]

(1328) Voir Section IV. — La procédure UDRP de l’ICANN, p. 188 et seq. supra.
(1329) E.G. THORNBURG, « Going private : Technology, Due Process, and Internet Dispute
Resolution », op. cit. n. 977, p. 197, arguant que « si le titulaire du nom de domaine a perdu la
procédure ICANN et qu’il ne peut financer [une action judiciaire], le nom de domaine est perdu »
(trad. par l’auteur) et voir B. — Un système juridique pour les noms de domaine : l’ICANN et
l’UDRP, p. 481 et seq. infra.
(1330) Voir B. — Un système juridique pour les noms de domaine : l’ICANN et l’UDRP,
p. 481 et seq. infra.

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436 RÉGULATION PAR LES ODR

rejettent, [elles] peuvent choisir une autre méthode de règlement de leur


différend » (1331).
Finalement, en variante des procédures que nous venons de voir, il en
existe dans lesquelles les parties s’engagent par avance à respecter la re-
commandation ou l’évaluation. Dans ce cas, la décision n’a que la force
obligatoire d’une convention. Le règlement d’ECODIR, par exemple, pré-
voit cette forme de procédure (1332).

2. L’arbitrage conditionnellement contraignant


Un arbitrage unilatéralement contraignant ou bilatéralement conditionnel-
lement contraignant doit, à notre avis, être considéré comme de l’arbitrage
au sens du droit de l’arbitrage et un projet de sentence accepté par les par-
ties doit être reconnu comme une véritable sentence arbitrale (1333).
Il est vrai qu’une approche tout à fait stricte de l’arbitrage peut amener à
conclure à l’inverse : on considère en effet généralement que, quand les
parties confient à l’arbitre une mission juridictionnelle, elles renoncent de
ce fait à tout contrôle sur l’issue de la procédure (1334). Or la possibilité
pour les parties de rejeter le projet de sentence implique qu’elles conservent

(1331) Voir « Evaluation. How the Expert Evaluation System Works », <www.onlineresolu-
tion.com/oe-how.cfm> (trad. par l’auteur). Les règles de procédure elles-mêmes ne sont pas
accessibles.
(1332) Voir art. 3 al. 3, ch. 3 règlement ECODIR et A. CRUQUENAIRE et F. de PATOUL,
« Le développement des modes alternatifs de règlement des litiges de consommation : Quelques
réflexions inspirées par l’expérience ECODIR », op. cit. n. 1070, § 78.
(1333) Nous avions déjà pu conclure en ce sens dans G. KAUFMANN-KOHLER et Th.
SCHULTZ, Online Dispute Resolution : Challenges for Contemporary Justice, op. cit. n. 936, p. 159 et
seq. Nous renvoyons à cet ouvrage pour de plus amples développements sur la nature de l’arbitrage
non contraignant au regard du droit (étatique) de l’arbitrage.
(1334) Voir en ce sens Ch. JARROSSON, « Les frontières de l’arbitrage » in Rev. arb., 2001, p. 5
et seq., spéc. p. 21 : « l’arbitre impose sa solution » et ID., La notion d’arbitrage, op. cit. n. 1270,
p. 197, J.-F. POUDRET et S. BESSON, Droit comparé de l’arbitrage international, op. cit. n. 1095,
p. 3, T.E. CARBONNEAU, Cases and Materials on The Law and Practice of Arbitration, 2ème éd.,
Yonkers, NY, Juris Publ. 2000, p. 2 : « once the parties entrust the arbitral tribunal with the au-
thority to rule, they – subject to a possible settlement – relinquish control of the dispute and of its
resolution to the arbitrators » et M. HUYS et G. KEUTGEN, L’arbitrage en droit belge et internatio-
nal, Bruxelles, Bruylant, 1981, p. 21.

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VALIDITÉ FORMELLE 437

un pouvoir décisif sur l’issue de la procédure, ce qui implique justement


qu’elles ne confient pas une réelle mission juridictionnelle à l’arbitre (1335).
L’importance accordée à la rigueur logique de cet argument nous semble
toutefois disproportionnée par rapport aux implications concrètes qu’aurait
le refus de qualifier une telle procédure d’arbitrage et le projet de sentence
accepté de véritable sentence arbitrale, et cela tout particulièrement dans le
contexte de l’arbitrage en ligne. Le même type de flexibilité logique conduit
d’ailleurs à ce que l’on admette très généralement que les sentences d’accord
(pour lesquelles les parties ont également exercé un pouvoir décisif sur
l’issue de la procédure) sont de véritables sentences (1336). La même flexi-
bilité conduit encore la jurisprudence française dominante à reconnaître
qu’un projet de sentence rendu dans une procédure d’arbitrage à deux ni-
veaux – le premier niveau constituant précisément un arbitrage condition-
nellement contraignant – devient, en l’absence d’appel, une véritable
sentence arbitrale (1337). Quant aux implications concrètes dans le
contexte de l’arbitrage en ligne, on observera que la non-qualification en
tant qu’arbitrage, respectivement en tant que sentence arbitrale, conduit à
donner aux parties ayant accepté le projet de sentence un instrument juri-
dique ayant uniquement la force obligatoire d’une convention. La procé-
dure d’exécution de celle-ci, on l’a indiqué (1338), a de fortes chances de
générer des coûts dissuasifs pour la partie requérant l’exécution forcée,
protégeant ainsi sans raison la partie débitrice qui refuse simplement de se
conformer à ses obligations.

(1335) En ce sens, substantiellement, É. LOQUIN, « L’examen du projet de sentence par


l’institution et la sentence au deuxième degré », op. cit. n. 1319, p. 445 et seq., not. : « il est pour-
tant impossible sur le plan théorique que les parties à l’arbitrage puissent ainsi donner à [un projet
de sentence] valeur d’un acte juridictionnel, ou de nier la valeur juridictionnelle de celui-ci. »
(1336) Voir n. 1265 supra et le texte y relatif.
(1337) Voir Douillet et Cie c. Goldschmidt et Cie, Cass. 2ème civ., 2 décembre 1964, in Rev. arb.,
1965, p. 13 et seq., Établissement Louis Laprade c. Thership, CA Paris, 1ère ch. suppl., 5 février 1981,
in Rev. arb., 1983, p. 109 et seq., Polycoton c. Continaf, CA Rouen, 1ère ch. civ., 16 avril 1986, in
Rev. arb., 1988, p 327 et seq. Contra, décision isolée, Mesny c. Courtehoux, CA Paris, 1ère ch. suppl.,
4 novembre 1958, in Rev. arb., 1958, p. 126 et seq.
(1338) Voir A. — Exécution des accords issus de médiations en ligne, p. 416 et seq. supra.

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438 RÉGULATION PAR LES ODR

SECTION III. — Résolution des litiges en


ligne et systèmes juridiques non étatiques

La notion de système juridique est intimement liée à la juridicité et aux


modalités de la production du droit. Comme nous le verrons tout particu-
lièrement avec le critère de la secondarité relatif à l’identité d’un système
juridique, dès qu’un groupe existe, des normes se développent. Dès que les
relations entre les membres du groupe et entre ceux-ci et les normes qu’ils
créent se formalisent, ces normes peuvent devenir juridiques. La juridicité
présuppose cette formalisation. Et celle-ci implique l’existence d’un ensem-
ble de normes organisées en système. Les systèmes juridiques forment le
contexte de la production du droit. En conséquence, l’examen de tels
contextes, c’est-à-dire pour notre problématique la vérification de
l’hypothèse de la formation de systèmes juridiques étroitement liés à une ou
plusieurs institutions de règlement des litiges en ligne, constitue une ma-
nière d’étudier les modalités de la création de droit par les ODR, ou déjà la
possibilité structurelle d’une telle création. À cette fin, nous préciserons
tout d’abord la notion de système juridique retenue. Puis nous aborderons
deux cas d’école de la formation de systèmes juridiques non étatiques. En-
fin, nous étudierons les réalités et les possibilités structurelles de la forma-
tion de tels systèmes dans le cyberespace et en rapport avec la résolution des
litiges en ligne.

SOUS-SECTION I. — AUTOUR DU CONCEPT DE


SYSTÈME JURIDIQUE

La terminologie utilisée dans les divers domaines et les nombreuses théo-


ries touchant à l’organisation ou à l’identité d’un ensemble de normes ou
encore aux relations entre plusieurs de ces ensembles recourt alternative-
ment aux notions de système juridique, d’ordre juridique ou encore
d’ordonnancement juridique. Quelles sont exactement les différences entre
ces notions ? Ceci sera le sujet de la première partie de l’analyse qui suivra.
Ensuite nous mobiliserons plusieurs théories relatives à l’identité d’un sys-
tème juridique afin d’en dégager les critères qui nous semblent les plus
opératoires pour notre problématique. Finalement, nous passerons en revue
plusieurs relations que les systèmes juridiques peuvent entretenir entre eux,
celles-ci éclairant l’influence dans la genèse normative qu’un système peut
avoir sur un autre.

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VALIDITÉ FORMELLE 439

A. — Systèmes, ordres, ordonnancements : distinctions


terminologiques
S’il existe, comme nous le verrons, un grand nombre de conceptions de
l’objet d’analyse couvert tour à tour par les notions de système, d’ordre ou
d’ordonnancement juridique, c’est-à-dire une certaine diversité de perspec-
tive quant à ce que constitue un ordre / système / ordonnancement juridi-
que pour ces auteurs qui ne font pas de distinction entre ces termes, il
existe au surplus un certain nombre de distinctions opérées par d’autres
auteurs entre ces trois termes. Nous nous proposons de mentionner briè-
vement quelques-unes de ces distinctions terminologiques, avant de retenir
celle dont nous pensons qu’elle est la plus à même de constituer le plus
petit dénominateur commun, tout en gardant un certain caractère opéra-
toire.
Notons tout d’abord qu’une opposition est en générale faite entre, d’un
côté, ordre ou ordonnancement et, de l’autre, système juridique (1339). Il
semble que l’on puisse relever à tout le moins cinq types de distinctions
entre ordre (ou ordonnancement) et système : (i) l’ordre se caractérise par
l’unité hiérarchique de ses éléments, le système par la cohérence de ces
derniers, (ii) l’ordre est un mode d’organisation volontaire, le système est
spontané, (iii) le système est un ensemble statique de normes (l’ensemble
des normes en vigueur), l’ordre regroupe l’ensemble statique et le processus
dynamique (le droit dans sa création et son application) (1340), (iv) le
système est un sous-ensemble temporaire de l’ordre (1341), (v) ces deux
concepts peuvent au fond être utilisés de manière interchangeable, la seule
différence résidant dans une certaine connotation, une saveur qui relève soit
de la forme, de la systématisation, de la cohérence et de la logique pour le

(1339) M. VAN DE KERCHOVE et F. OST, Le système juridique entre ordre et désordre, op. cit. n.
540, p. 22.
(1340) Ces trois premières distinctions sont rapportées par van de Kerchove et Ost, ibid.,
pp. 23–24, se référant, pour (1) à N. BOBBIO, Teoria dell’ordinamento giuridico, Turin,
Giappachelli, 1960, p. 23 et à A.-J. ARNAUD, Critique de la raison juridique, t. I., Où va la sociologie
du droit ?, Paris, LGDJ, 1981, p. 21 ; pour (2) à J. COMBACAU, « Le droit international : bric-à-
brac ou système ? » in APD, 1986, vol. 31, p. 85 et seq. ; pour (3) à M. JORI, « Ordre juridique » in
APD, 1984, vol. 29, p. 347 et seq., spéc. p. 349.
(1341) C. ALCHOURRÓN et E. BULYGIN, Normative Systems, Vienne et New York, Springer,
1971.

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440 RÉGULATION PAR LES ODR

terme système, ou de la substance, de la normativité, de la culture juridique


et de l’ordre social pour le terme ordre (1342).
En ce qui nous concerne, nous retiendrons la dernière distinction, consi-
dérant que la nuance qu’elle introduit est suffisante pour notre propos.
Nous utiliserons ainsi le terme système juridique quand nous voudrons don-
ner à notre étude un caractère systémique ou formel et le terme ordre juridi-
que quand nous emprunterons une approche plus sociologique, davantage
centrée sur la normativité. Quant au terme ordonnancement, nous lui don-
nerons un caractère plus neutre, visant simplement un ensemble de normes
sans vouloir le qualifier (ou le disqualifier) de système ou d’ordre juridi-
que (1343).

B. — Critères d’identité d’un système juridique


Nous considérerons ici que l’existence d’un système juridique peut être
identifiée par les critères suivants (qui sont graduels) : la présence d’un
groupe disposant d’une autonomie sociale, organique et organisationnelle,
cette autonomie se traduisant en général par un dédoublement ou une se-
condarisation du groupe au travers d’institutions ayant des compétences
législatives, juridictionnelles et d’exécution. Notre approche étant gradua-
liste (tout comme nous avons déjà pu suivre l’idée de la gradualité de la
validité juridique), nous accepterons l’idée qu’un groupe de normes peut
constituer plus ou moins un système juridique, autrement dit que leur juri-
dicité ou leur caractère systémique peut être plus ou moins marqué. Les
raisons d’une telle position sont explicitées dans les paragraphes qui sui-
vent.

(1342) M. HARTNEY, « Système juridique » in Dictionnaire encyclopédique de théorie et de socio-


logie du droit, s. dir. A.-J. Arnaud, Paris, LGDJ, 1993, p. 404 et seq., spéc., p. 405.
(1343) Relevons que c’est là « le sens banalisé que beaucoup de juristes donnent indifféremment
aux termes ordre ou système » : M. VAN DE KERCHOVE et F. OST, Le système juridique entre ordre et
désordre, op. cit. n. 540, p. 24. Notons également que le normativisme, ou l’approche normativiste
du droit considère qu’un ordre ou un système juridique est simplement un ensemble de normes ;
nous ne suivrons pas cette approche, suivant par exemple l’enseignement de François Rigaux,
quand il écrit que « les ordres juridiques se distinguent les uns des autres moins par leurs normes
que par leurs institutions […] Réduire [un ordre juridique] un ensemble de préceptes normatifs
dissimule la véritable nature d’un tel système » : F. RIGAUX, « Les situations juridiques individuel-
les dans un système de relativité générale », op. cit. n. 953, pp. 27–28. En ce sens, voir aussi S.
ROMANO, L’ordre juridique, op. cit. n. 967, p. 77.

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VALIDITÉ FORMELLE 441

Relevons toutefois d’abord qu’il existe de très nombreuses conceptions


de la notion de système juridique, diversité qui s’apparente à (et souvent
découle de) la pluralité irréductible de conceptions de la notion de droit.
Prenant acte de cette diversité, nous ne tenterons pas ici de dégager ou de
retenir une définition du concept de système juridique qui aurait la préten-
tion d’être la seule valable. Notre entreprise se limitera à relever quelques
théories fondamentales, avant de choisir une définition du concept de sys-
tème juridique que nous considérerons comme opératoire pour la suite de
cette étude. Nous commencerons pour cela, afin de mettre en lumière les
raisons de la difficulté d’une définition unique, par une rapide présentation
de deux positions foncièrement opposées – découlant, pour l’une, du positi-
visme et, pour l’autre, d’une sociologie radicale du droit. Ensuite, nous
procéderons à un examen sommaire de positions dialectiques, s’inspirant de
ces deux extrêmes.
Du côté du positivisme, on retrouve, on le sait, l’équation droit = État.
L’une des raisons de cette équation tient, justement, à des considérations
relatives aux systèmes juridiques : toute science, nous rappelle François
Rigaux, à pour objectif la systématisation, « la réduction à l’unité, à un
modèle unique englobant la totalité des phénomènes étudiés » (1344). Li-
mitée par le principe de souveraineté au territoire de chacun des États,
cette tendance inhérente à toute science a conduit à penser le droit, sur le
territoire de chaque État, comme un système unique, théorisé par les doc-
trines monistes (1345). Théoricien par excellence des systèmes juridiques,
Hans Kelsen, qui considère que la construction moniste a un « caractère
inévitable » (1346), établit ainsi une équation entre ordre juridique et droit
étatique ; il conçoit qu’il y a « identité de l’État et du droit » (1347) et iden-
tification du peuple de l’État (Staatsvolk) (1348), du territoire de l’État

(1344) F. RIGAUX, Droit international privé, t. I, Théorie générale, op. cit. n. 1132, p. 11.
(1345) Ibid., p. 12 : « les doctrines monistes sont les plus fidèles au modèle scientifique idéal ».
Voir aussi, sur le monisme, H. KELSEN, « Les rapports de système entre le droit interne et le droit
international » in Rec. Cours La Haye, 1926, vol. 14, p. 227 et seq.
(1346) H. KELSEN, Théorie pure du droit, op. cit. n. 958, p. 436, sous titre « Le caractère iné-
vitable d’une construction moniste », l’auteur évoquant également, p. 430, « l’unité scientifique de
la totalité du droit ».
(1347) Ibid., p. 378, titre du § 41.
(1348) Ibid., p. 380.

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442 RÉGULATION PAR LES ODR

(Staatsgebiet) (1349) et du droit (de l’État) (1350). Toute norme qui ne


peut être rattachée à ce système n’est donc pas du droit (1351). Pour arriver
à cette équation droit = État, Kelsen introduit dans la définition du droit
l’accès des normes juridiques à l’exercice de la contrainte physique, dont la
maîtrise exclusive est, on l’a vu, un élément propre à l’État moderne (1352).
Le seul critère d’identification d’un système juridique, dans ce cas, est la
présence de l’État.
Toutefois, « l’homme », nous rappelle François Rigaux, « n’est pas seule-
ment un animal politique organisant la vie collective à l’abri d’une cité
(polis), il est aussi un animal civil » (1353). En tant qu’animal civil, il génère
des institutions et des systèmes normatifs non étatiques qu’il est « aisé de
qualifier de juridique » (1354). Ce dualisme hégélien entre État et société
civile a facilité l’essor du pluralisme juridique. Il s’agit là de la « négation
implicite du monopole que dogmatiquement [les juristes] reconnaissent à
l’État dans la production du droit » (1355). Le pluralisme juridique corres-
pond ainsi à l’idée qu’il est des systèmes juridiques civils, c’est-à-dire non
étatiques. Ces systèmes normatifs doivent être reconnus comme juridiques

(1349) Ibid., p. 381.


(1350) Voir aussi F. RIGAUX, « Les situations juridiques individuelles dans un système de rela-
tivité générale », op. cit. n. 953, pp. 30–32 et M. VAN DE KERCHOVE et F. OST, Le système juridi-
que entre ordre et désordre, Paris, PUF, 1988, pp. 32–38.
(1351) J. CARBONNIER, Sociologie juridique, Paris, PUF, 1994, p. 213 : « ou bien les phéno-
mènes dépeints comme constituant un autre droit sont pris en considération par le système juridi-
que global… et l’unité est restaurée à travers ce système global qui assume l’ensemble ; ou bien les
phénomènes de prétendu autre droit restent en dehors, non intégrés au système, à l’état sauvage, et
ils ne peuvent être qualifiés véritablement de droit, tout au plus de sous-droit. » Voir aussi, parta-
geant la conception présentée ici, J. DABIN, Théorie générale du droit, 2ème éd. Paris, Dalloz, 1969,
p. 24 : « l’ordre juridique de la société politique […], en tant que suprême, est le seul vrai droit ».
Voir aussi A.-J. ARNAUD, Critique de la raison juridique, t. I., Où va la sociologie du droit ?, op. cit. n.
1340, p. 325 : « on parlera d’infradroit comme de tout ce qui, n’étant pas du droit au sens positi-
viste, participe néanmoins du phénomène juridique lato sensu ».
(1352) F. RIGAUX, « Les situations juridiques individuelles dans un système de relativité géné-
rale », op. cit. n. 953, p. 31 et H. KELSEN, Théorie pure du droit, op. cit. n. 958, p. 423.
(1353) F. RIGAUX, « Les situations juridiques individuelles dans un système de relativité géné-
rale », op. cit. n. 953, p. 31.
(1354) Ibid.
(1355) J. CARBONNIER, préface à J.-F. PERRIN, Sociologie empirique du droit, op. cit. n. 917,
p. 6. Voir plus avant F. OST et M. VAN DE KERCHOVE, De la pyramide au réseau ?, op. cit. n. 911,
pp. 185–187 et J.-G. BELLEY, « Pluralisme juridique » in Dictionnaire encyclopédique de théorie et de
sociologie du droit, s. dir. A.-J. Arnaud, Paris, LGDJ, 1993, p. 300 et seq. Voir aussi S. ROMANO,
L’ordre juridique, op. cit. n. 967, p. 77.

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VALIDITÉ FORMELLE 443

au même titre que le droit étatique. Ils ne doivent pas être relégués au rang
d’infra-droit (1356). La présence de l’État n’est alors, bien entendu, plus un
critère d’identification d’un système juridique. Partant, la question se pose
de savoir quels sont les nouveaux critères d’identification.
Une forme radicale et paradigmatique du pluralisme juridique est défen-
due par Jean-François Perrin, dans un ouvrage qu’une recension qualifia de
« révolution copernicienne » (1357). « Il y a autant d’ordres juridiques que
de groupes » (1358), écrit l’auteur, relevant ainsi l’importance cruciale, pour
la constitution d’un système juridique, de la présence d’une entité sociale,
d’une « unité collective réelle » (1359). Quant à l’identification de ce qui
constitue la juridicité d’une assertion normative, elle dépend de la
« reconnaissance du caractère juste d’un rapport de droit et de de-
voir » (1360). En d’autres termes, un ordre (ou système) juridique existe

(1356) J.-F. PERRIN, Sociologie empirique du droit, op. cit. n. 917, p. 27 et références.
(1357) F. OST, Compte-rendu de Jean-François Perrin, Sociologie empirique du droit, in RIEJ,
1998, vol. 40, p. 181 et seq., spéc. p. 181 : « sous les allures anodines d’une introduction à la so-
ciologie du droit, ce livre développe les éléments de quelques chose comme une révolution juridi-
que […] un changement de paradigme qui serait à la science du droit ce que la révolution
copernicienne fut à l’astronomie. »
(1358) J.-F. PERRIN, Sociologie empirique du droit, op. cit. n. 917, p. 38.
(1359) Ibid., p. 40. Sur le concept d’« unité collective réelle », voir G. GURVITCH, Éléments de
sociologie juridique, Paris, Aubier-Montaigne, 1940, p. 180 : « tout groupe, toute unité collective
réelle, représente une synthèse, un équilibre des formes de sociabilité, une unité intégrée en même
temps dans un ensemble plus vaste de la société globale. Ce qui caractérise un groupe particulier,
c’est l’élément de synthèse unifiante qui cependant n’est pas totale. » L’importance de la présence
d’une entité sociale pour la constitution d’un système juridique est aussi retenue par S. ROMANO,
L’ordre juridique, op. cit. n. 967, pp. 17–18, pour qui il faut, en vue de la détermination du concept
de droit et donc de système juridique, « avant tout se rapporter au concept de société. […] Ce que
l’on doit entendre par société, ce n’est pas simplement une relation entre individus, telle l’amitié,
où le droit n’a aucune part, mais une entité distincte des individus qui la composent et constituent
de façon concrète une unité, même d’un point de vue formel et extrinsèque. Il s’agit bien d’une
unité effectivement constituée : […] une classe ou une couche sociale, non pas organisée comme
telle, mais résultant d’une simple affinité entre les personnes qui en font partie, n’est pas une
société au sens propre. » Pour une approche en anthropologie du droit de cette question, voir S.F.
MOORE, Law as Process. An Anthropological Approach, Londres, Routledge & Kegan Paul, 1978,
p. 54, retenant le concept de « champ social semi-autonome ». Pour une approche en droit inter-
national privé, tout particulièrement dans le contexte de la lex mercatoria : P. LAGARDE,
« Approche critique de la lex mercatoria », op. cit. n. 1131, p. 134 : pour qui la notion de système
juridique est fondée, notamment, sur un « élément d’organisation sociale, d’unité structurée en vue
d’une certaine fin ». Notons que ce concept d’entité sociale correspond largement à ce que nous
avons pu qualifier, dans ce travail, de communauté : voir Sous-section I. — Des réseaux choisis de
sociabilité, p. 212 et seq. supra.
(1360) J.-F. PERRIN, Sociologie empirique du droit, op. cit. n. 917, p. 30.

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444 RÉGULATION PAR LES ODR

dans cette optique chaque fois que plusieurs personnes forment un groupe
reconnaissant le caractère juste d’un rapport de droit et de devoir qui leur
est propre (1361). C’est ainsi que l’auteur évoque, à titre d’illustration, la
famille comme constituant un groupe social (1362). C’est dire que le nom-
bre de systèmes juridiques existant, qui se passent de toute évidence de la
présence de l’État, est réellement gigantesque.
Bien qu’elle soit profondément réaliste, et donc particulièrement
convaincante, cette approche, par son caractère radicalement empirique et
sociologique, ne nous semble pas contenir en elle-même les éléments opé-
ratoires requis pour notre étude. Néanmoins, sans développer plus avant les
nombreux avantages d’un tel pluralisme radical pour la science juridique,
nous en tirerons à tout le moins deux enseignements. Tout d’abord, nous
retiendrons que les réseaux des groupes sociaux et de leurs aspirations au
droit sont innombrables et qu’il n’existe guère de raisons que dogmatiques
pour écarter purement et simplement ces relations du phénomène de la
juridicité. Ensuite, nous poursuivrons l’idée qu’il convient d’adopter une
approche gradualiste, parce que, si tous ces groupes forment des systèmes
juridiques, il faudra bien n’en retenir que certains pour les besoins de
l’analyse. Au lieu d’affirmer que seuls les systèmes juridiques que nous re-
tiendrons méritent réellement cette qualification, nous admettrons qu’il
existe certainement de nombreux autres systèmes juridiques, mais que seuls
ceux que nous qualifierons comme tel nous semblent établis avec suffisam-
ment de force pour constituer un objet d’analyse adéquat pour notre étude.
En d’autres termes, si ce pluralisme radical n’aura cesse de jouer un impor-
tant rôle d’arrière-plan, nous nous devons de rechercher des critères
d’identification d’un système juridique plus opérants pour notre propos. À
cette fin, la première étape consiste à clarifier l’idée de la gradualité que
nous venons d’évoquer.

(1361) Voir aussi F. OST, Compte-rendu, op. cit. n. 1357, p. 183 : « dans [les] pratiques [socio-
juridiques] et les représentations qui y sont liées, la sociologie empirique du droit voit plutôt
l’expression de faits normatifs, de normes, tantôt spontanées, tantôt organisées, constitutives
d’autant d’ordres juridiques distincts. »
(1362) J.-F. PERRIN, Sociologie empirique du droit, op. cit. n. 917, p. 30, p. 43, sous titre « Quels
types de groupes sociaux rencontre-t-on, le plus souvent ? » : « on observe en effet que des entités
nouvelles naissent souvent. Il n’est pas possible de proposer un numerus clausus des groupes sociaux.
Ainsi, par exemple, la famille monoparentale est un groupe social d’émergence assez récente. »

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VALIDITÉ FORMELLE 445

Reconnaissant la tension dialectique existant entre ces deux pôles que


constituent la recherche, d’un côté, d’une organisation systémique forte et
d’une certaine forme de contrainte, dont le système juridique étatique est
l’idéal-type et, de l’autre côté, d’un réalisme sociétal dans la conception du
concept de système juridique, certaines théories adoptent une approche
gradualiste. Selon Joseph Raz, par exemple, « les critères généraux carac-
térisant un système comme juridique sont multiples et chacun d’entre eux
peut en principe comporter plusieurs degrés. En ce qui concerne les idéaux
types de systèmes juridiques, tous ces critères se manifestent avec une
grande vigueur. Mais il existe également des systèmes ne présentant ces
critères qu’avec une force inférieure, ou pour lesquels certains de ces critères
font totalement défaut. Il serait arbitraire de vouloir tracer une frontière
clairement établie entre les systèmes normatifs qui sont juridiques et les
autres » (1363). Dans le même sens, François Ost et Michel van de
Kerchove affirment qu’il est « préférable d’admettre que l’identité d’un
système juridique est susceptible de degrés, selon que ces différents critères
se trouvent plus ou moins réunis » (1364). En conséquence de ce qui pré-
cède, nous retiendrons ici l’idée qu’il existe une gradualité dans les systèmes
juridiques, un spectre définitoire allant, en son maximum d’intensité, de
l’idéal-type du système juridique (le système étatique) au système juridique
minimal, tel qu’il pourrait par exemple être défini par Jean-François Perrin,
en son minimum d’intensité. Au sein de ce spectre définitoire (1365), il
existe certains repères, qui indiquent si un système spécifique est plus ou

(1363) J. RAZ, Practical reasons and norms, Londres, Hutchinson, 1975, p. 150 (trad. par
l’auteur).
(1364) F. OST et M. VAN DE KERCHOVE, De la pyramide au réseau ?, op. cit. n. 911, p. 188,
poursuivant en indiquant qu’« en d’autres termes, on peut admettre que l’autonomie d’un système
juridique par rapport aux autres systèmes juridiques est aussi relative qu’elle l’est par rapport au
système social et à d’autres systèmes normatifs non juridiques ».
(1365) Dans un sens proche à cette idée de spectre définitoire, donnant au concept de système
juridique une très grande largeur de champ sémantique, fondée d’un côté sur l’idée qu’il faut don-
ner à un concept le sens qu’il a acquis par son utilisation en pratique (suivant ainsi le Wittgenstein
d’après-guerre) et, de l’autre, sur le principe qu’il faut qualifier un système de juridique quand cette
qualification constitue, simplement, la meilleure acception de sa nature : S. COYLE, « Hart, Raz,
and the concept of a legal system » in L. & Phil., 2002, vol. 21, p. 275 et seq., spéc. p. 301 : « a
system of law need only be classified as such on the grounds that it is best explained as legal rather
than anything else : the notion of a legal system can remain, in semantic terms, indeterminate » et
« there is no reason to accept (and many reasons to doubt) that a single theoretical framework can
effectively account for the concept of law ».

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446 RÉGULATION PAR LES ODR

moins proche de l’idéal-type du système juridique, ces repères constituant


souvent autant de conditions à l’existence d’un tel système, selon l’auteur à
qui ces repères sont empruntés. L’analyse de certains de ces repères, autre-
ment dit de certains critères d’identité d’un ordre juridique, est l’objet des
paragraphes qui suivent. On observera que certains critères se recoupent.
Notons encore que ce spectre définitoire ne reflète pas seulement une gra-
dation d’ordre intellectuel, mais également une réelle progression histori-
que de certains groupes s’arrachant à l’état de nature pour constituer, peu à
peu, le système juridique par excellence que constitue le système juridique
étatique (1366).
L’un de ces repères, qui marque donc l’existence d’un système juridique à
un degré supérieur au minimum défini par Perrin, est une certaine autono-
mie de l’entité sociale, du groupe en question. François Ost et Michel van
de Kerchove retiennent ainsi trois critères (susceptibles de degrés, on l’a
dit) d’identité d’un système juridique, qui sont autant de types d’autonomie
du groupe, celle-ci devant être sociale, organique et organisationnelle.
L’autonomie sociale s’entend de l’existence d’une entité sociale, d’un corps
social spécifique au système juridique en question, d’un « groupement dis-
tinct de la société globale » (1367). Partant, la simple existence de conven-
tions privées ne suffit pas, à elle seule, pour fonder l’existence d’un système
juridique (1368). Le critère de l’autonomie organique pose la question de
savoir si les organes du système juridique en question statuent au nom de
cette entité sociale ou si, au contraire, ils sont hiérarchiquement subordon-
nés (en cette fonction d’organe de l’entité sociale) à un pouvoir extérieur au

(1366) Ainsi, selon Locke, un groupe ne quitte pas l’état de nature parce qu’il n’existe pas de
règles qui lui sont propres (c’est-à-dire la présence de ce qu’il faut probablement reconnaître
comme un système juridique au sens de Perrin), mais parce qu’il « manque une loi établie, fixée,
connue […] ; il manque un juge connu de tous et impartial […] ; la puissance manque à l’appui de
la décision pour l’imposer quand elle est juste et la mettre à l’exécution comme il se doit » : J.
LOCKE, Deuxième traité de gouvernement civil, trad. B. Gilson, Paris, Vrin, 1977, p. 146 et seq.
Pour davantage de développements et de clarifications sur cette idée, F. OST et M. VAN DE
KERCHOVE, De la pyramide au réseau ?, op. cit. n. 911, pp. 368–371, parlant ainsi de la
« constitution progressive des systèmes juridiques » et de du fait que « la genèse de la juridicité est
progressive ».
(1367) F. OST et M. VAN DE KERCHOVE, De la pyramide au réseau ?, op. cit. n. 911, p. 189.
(1368) M. VAN DE KERCHOVE et F. OST, Le système juridique entre ordre et désordre, op. cit. n.
1350, p. 191, écrivant qu’en général « les conventions privées ne constituent pas un système juridi-
que distinct du système juridique étatique, bien qu’elles émanent des particuliers, pour la simple
raison que ceux-ci n’agissent pas comme membres d’un groupement distinct de la société globale ».

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VALIDITÉ FORMELLE 447

corps social et agissent par délégation de ce pouvoir extérieur (1369). Par


autonomie organisationnelle, il faut entendre la mesure de la faculté d’auto-
organisation du système juridique (1370), de son caractère autoréféren-
tiel (1371) ou autopoïétique (1372). En empruntant les termes de Kelsen,
on pourrait dire qu’il s’agit avec ce critère de la capacité d’un système
juridique de « régler lui-même sa création et son application » (1373) ;
capacité qui est l’objet, on le comprend aisément en suivant une approche
sociologique, d’une « inévitable relativité » (1374).
Les critères d’autonomie organique et organisationnelle présupposent à
leur tour un autre élément, qui est par ailleurs fondamental à la juridicité
du système examiné : il s’agit de la présence d’institutions, elles-mêmes
conséquences du dédoublement du groupe et de la « secondarisation » de

(1369) Ibid., p. 193.


(1370) Voir aussi F. RIGAUX, Droit international privé, t. I, Théorie générale, op. cit. n. 1132,
pp. 10–11, not. : « aucun ordre juridique ne saurait s’immiscer dans l’organisation d’un autre sys-
tème de droit, également autonome ».
(1371) F. OST et M. VAN DE KERCHOVE, De la pyramide au réseau ?, op. cit. n. 911, p. 194, les
auteurs renvoyant ici à Kelsen et Hart. De manière sommaire, on peut rappeler que pour Kelsen, le
droit doit pouvoir se produire sans référence à un système de valeurs externe, tel que la morale :
voir par exemple H. KELSEN, Théorie pure du droit, op. cit. n. 958, p. 262 : « on ne peut pas […]
nier qu’une norme juridique donnée soit valable, on ne peut pas refuser de reconnaître sa validité,
en invoquant que son contenu contredirait à celui d’une autre norme qui ne fait pas partie de
l’ordre juridique sur la norme fondamentale duquel repose la validité de la norme en question. »
Pour Hart, la caractère autoréférentiel d’un système juridique découle de ses règles secondaires qui
déterminent l’appartenance d’autres règles (dites primaires) au système juridique : H.L.A. HART,
Le concept de droit, op. cit. n. 914, p. 119.
(1372) Sans entrer dans les détails, on rappellera que l’autopoïèse est essentiellement synonyme
d’autoproduction. La thèse fondamentale, empruntée à la biologie, en est en synthèse qu’« un
système autopoïétique [est] une machine organisée selon un réseau de processus de production de
composants qui, du fait de leurs interactions et transformations permanentes, régénèrent sans arrêt
le réseau de processus de production des composants et qui, dans cette mesure, confèrent à la
machine une unité […] déterminée » : M. VAN DE KERCHOVE et F. OST, Le système juridique
entre ordre et désordre, op. cit. n. 1350, p. 151. Les principaux tenants de l’application de cette
théorie biologique au droit sont Niklas Luhmann et Günther Teubner : voir par exemple N.
LUHMANN, Die Soziologische Beobachtung des Rechts, Francfort-sur-le-Main, Metzner, 1986, p. 20,
où l’auteur écrivait qu’« il n’y a pas de droit en dehors du droit et donc qu’il n’existe, par rapport à
l’environnement social du droit, aucune relation d’input ou d’output » et G. TEUBNER, Le droit, un
système autopoïétique, Paris, PUF, 1993, p. 34 et seq., l’auteur relevant une progression graduelle
entre « auto-observation », « auto-organisation », « autorégulation », et « processus auto-réflexifs »,
« auto-production », et enfin « autopoïèse ».
(1373) H. KELSEN, Théorie pure du droit, op. cit. n. 958, p. 96.
(1374) F. OST et M. VAN DE KERCHOVE, De la pyramide au réseau ?, op. cit. n. 911, p. 197.

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448 RÉGULATION PAR LES ODR

ses normes (1375). Le concept de secondarisation renvoie au développe-


ment, à côté des normes primaires de comportement, de normes secondai-
res, ces méta-normes conférant à certaines personnes du groupe des
pouvoirs de reconnaissance des règles applicables en tant que juridiques,
des pouvoirs de changement des règles en vigueur et des pouvoirs d’appli-
cation de ces règles à des cas concrets (1376). L’idée du dédoublement du
groupe est que certains de ses membres, ceux auxquels des pouvoirs ont été
attribués par les normes secondaires, acquièrent un statut particulier : le
groupe se subdivise en gouvernants et gouvernés (1377). Les institutions du
groupe développent également un caractère de secondarité : les institutions
coutumières comme les sages ou les anciens du village sont remplacées par
des institutions plus formalisées, aux compétences plus clairement
définies (1378). La secondarité des personnes et des normes conduit à
l’institution (1379) (au sens fort du terme) et c’est en ce sens que Santi
Romano posait l’hypothèse que le concept de système juridique se définit
avant tout par le concept d’institution : il y a simplement, écrit l’auteur,
« équivalence des concepts d’institution et d’ordre juridique » (1380).

(1375) Ibid., pp. 368–371.


(1376) H.L.A. HART, Le concept de droit, op. cit. n. 914, p. 116 et seq., spéc. p. 195, où l’auteur
définit les règles secondaires (rappelons que les normes primaires imposent ou prohibent des
comportements) en indiquant qu’elles « se rapportent toutes aux règles primaires elles-mêmes [et]
déterminent la façon dont les règles primaires peuvent être définitivement identifiées, édictées,
abrogées ou modifiées, et le fait de leur violation définitivement établi », puis précise que c’est
l’introduction des règles secondaires qui convertissent « le régime des règles primaires en ce qui
constitue indiscutablement un système juridique » (nous soulignons).
(1377) Cf. G. GURVITCH, Éléments de sociologie juridique, op. cit. n. 1359, pp. 185–186 : « la
capacité d’organisation [d’un groupe] est liée à la prédominance de la sociabilité active [c’est-à-dire
formelle, exprimant la secondarité] sur la sociabilité passive [c’est-à-dire informelle] incapable de
s’exprimer dans des superstructures organisées » et, plus avant sur le dédoublement du groupe : « le
groupe une fois organisé maintient dans son cadre d’importantes couches du spontané sous-jacent,
car la superstructure organisée du groupe ne l’exprime nullement entièrement. » Voir aussi J.-F.
PERRIN, Sociologie empirique du droit, op. cit. n. 917, pp. 40–41, 43–44, qui, reprenant cette distinc-
tion entre les deux formes de sociabilité, rapproche (sans les identifier) le « droit organisé », c’est-à-
dire la loi, de la sociabilité active et le « droit spontané », c’est-à-dire la coutume, de la sociabilité
passive.
(1378) En ce sens, N. BOBBIO, « Nouvelles réflexions sur les normes primaires et secondaires »
in La règle de droit, s. dir. Ch. Perelman, Bruxelles, Bruylant, 1980, p. 116 et seq.
(1379) Cf. B. OPPETIT, « La notion de source du droit et le droit du commerce international »
in APD¸1982, p. 43 et seq., spéc. p. 44 : « [l’institution] ne saurait se reconnaître compétence à
elle-même à l’effet de produire des règles de droit, encore faut-il que ce rôle lui ait été imparti. »
(1380) S. ROMANO, L’ordre juridique, op. cit. n. 967, titre du § 13, p. 29. Notons par ailleurs
que l’auteur évoque déjà les trois même critères d’autonomie que ceux que nous avons évoqués en

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VALIDITÉ FORMELLE 449

À la lumière de cette idée de fondement institutionnel d’un système ju-


ridique, le critère de l’autonomie organisationnelle (« régler lui-même sa
création et son application ») peut être précisé plus avant par la définition
des pouvoirs ou compétences dont les institutions du système juridique
doivent être dotées. C’est ainsi que François Rigaux écrit qu’« un ordre
juridique se définit par ses institutions, auxquelles sont attribuées trois
compétences […], la compétence législative (jurisdiction to prescribe), la
compétence juridictionnelle (jurisdiction to adjudicate) et la compétence
d’exécution (jurisdiction to enforce) » (1381). Quand bien même cette appro-
che est en principe adoptée dans le contexte de l’étude des droits étati-
ques (1382), cette conception du système juridique nous semble non
seulement contenir des éléments dont la vérification est suffisamment aisée

suivant Ost et van de Kerchove, ci-dessus. En effet, l’auteur écrit, p. 26, que « nous entendons par
institution tout être ou corps social » (autonomie sociale), puis p. 28, qu’il faut se poser la question
de savoir si les institutions sont « intégrées à la structure de l’institution supérieure […] ou seule-
ment protégées et garanties par celle-ci » (autonomie organique), et que les institutions doivent
être en possession « des moyens nécessaires aux fins qui leur sont réservées » (autonomie organisa-
tionnelle). Pour une interprétation de Santi Romano en ce sens, voir aussi F. OSMAN, Les principes
généraux de la lex mercatoria, Paris, LGDJ, 1992, p. 407, qui note, au sujet de la théorie de Santi
Romano, que « l’institution apparaît alors sous le jour d’une structure organisationnelle, ferment de
l’unité du corps social ».
(1381) F. RIGAUX, « Les situations juridiques individuelles dans un système de relativité géné-
rale », op. cit. n. 953, p. 28, l’auteur en tire ensuite la conséquence qu’une « proposition normative
n’acquiert cette nature que si elle émane d’un pouvoir institué, et à la double condition que les
contestations que peut faire naître son application soient soumises à une autorité apte à les trancher
et que la décision rendue soit exécutoire, le cas échéant par la contrainte » et ID., « Souveraineté
des États et arbitrage transnational », op. cit. n. 1154, p. 279 : « pour mériter la qualification d’ordre
juridique, un système de relations sociales [doit] se composer de trois séries d’éléments : des règles
de conduite observées par leurs destinataires, des règles de décision appliquées par un juge, des
mécanismes de contrainte qui assurent l’effectivité du système. » La présence de ces trois compé-
tences est par ailleurs, selon Locke, le but d’une société tentant de s’arracher à l’état de nature : la
sortie de cet état de nature s’opère en effet en raison de l’absence d’une « loi établie, fixée, connue »,
d’un « juge connu de tous et impartial » et de « la puissance […] à l’appui de la décision pour
l’imposer quand elle est juste et la mettre à l’exécution comme il se doit » : J. LOCKE, Deuxième
traité de gouvernement civil, op. cit. n. 1366, p. 146. Voir aussi M. VIRALLY, La pensée juridique,
Paris, LGDJ, 1960, p. 200: « un ordre juridique complet, c’est-à-dire qui dispose à la fois de
sources du droit originaires, où il puise sa propre validité, et d’un appareil de contrôle et
d’exécution forcée, n’est tributaire d’aucun autre ni au point de vue de la création, ni au point de
vue de l’application des normes qui le composent. Dès lors, il fonctionne naturellement en se
refermant sur lui-même et en n’admettant comme valables que les normes qu’il secrète. Il consti-
tue, structurellement, un système clos. »
(1382) Voir par exemple F.A. MANN, « The Doctrine of International Jurisdiction Revisited
After Twenty Years » in Rec. Cours La Haye, 1984, vol. 186, p. 19 et seq.

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450 RÉGULATION PAR LES ODR

pour qu’ils soient facilement opératoires, mais elle semble encore constituer
une concrétisation efficace des critères d’identification d’un système juridi-
que rapportés plus haut (1383).
L’ensemble de ces théories, et tout spécialement l’idée de la gradualité de
la qualification de système juridique liée aux repères que constituent ces
diverses définitions, constituera l’arrière-plan de l’analyse de la constitution
de systèmes juridiques dans le contexte de la résolution des litiges en ligne.
Toutefois, nous retiendrons essentiellement comme critères explicites
d’analyse le triptyque de compétences mentionné par Rigaux. Cette ma-
nière de procéder nous semble la plus féconde et la plus opératoire tout en
couvrant, par sa référence au fondement institutionnel de Santi Romano,
une partie importante des éléments retenus par Ost et van de Kerchove.

C. — Rapports entre systèmes juridiques


L’une des raisons essentielles fondant l’utilité de l’analyse de l’identité des
systèmes juridiques et de leurs rapports est, comme l’écrit Jean-François
Perrin, que les « interpénétrations [des divers systèmes juridiques] nourris-
sent les différents ordres normatifs. Elles expliquent les genèses normati-
ves » (1384). En d’autres termes, une analyse structurelle des rapports entre
systèmes juridiques, visant à démontrer le niveau de clôture (« identité spé-
cifique ») ou d’ouverture (« insertion dans un environnement ») (1385) d’un
tel système par rapport à un ou plusieurs autres systèmes, permet de procé-
der à des observations relatives à l’identité et au poids potentiel – au regard

(1383) En ce sens, dans le contexte de la régulation du cyberespace, H.H. PERRITT,


« Cyberspace self-government : Town hall democracy or rediscovered royalism » in Berkeley Tech.
L.J., 1997, vol. 12, p. 413 et seq., spéc. p. 437.
(1384) J.-F. PERRIN, Sociologie empirique du droit, op. cit. n. 917, p. 52.
(1385) J. CHEVALLIER, « L’ordre juridique » in Le droit en procès, s. dir. J. Chevallier, Paris,
PUF, 1983, p. 8 et seq., spéc. p. 19 : « tout système juridique est […] à la fois et nécessairement
ouvert, dans la mesure où il s’insère dans un environnement, et fermé, dans le mesure où il s’en
détache par la constitution d’une identité spécifique : plus encore, les concepts de fermeture et
d’ouverture se présupposent réciproquement, si tant est que l’ouverture implique l’existence préala-
ble de frontières et la fermeture ne se conçoit que par référence à un milieu d’appartenance » et J.
RAZ, The Authority of Law, op. cit. n. 912, p. 119 : « a normative system is an open system to the
extent that it contains norms the purpose of which is to give binding force within the system to
norms which do not belong to it. The more alien norms are adopted by the system the more open it
is. It is characteristic of legal systems that they maintain and support other forms of social group-
ing. »

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VALIDITÉ FORMELLE 451

du droit propre à un système juridique donné – des divers acteurs de la


production de ce droit. En termes plus simples, on pourrait dire que l’étude
des rapports entre systèmes juridiques permet de faciliter la compréhension
de la formation du droit dans chacun de ces systèmes.
L’un des instruments conceptuels les plus couramment utilisés pour pro-
céder à une telle étude est la notion de relevance et d’irrelevance introduite
dans la pensée juridique par Santi Romano (1386). Selon l’auteur, il y a
relevance quand « l’existence, le contenu ou l’efficacité d’un ordre [est]
conforme aux conditions visées par un autre ordre » et irrelevance quand
« il n’y a aucune relation entre eux » (1387). Cela signifie que le système A
est relevant pour le système B si ce dernier reconnaît l’existence ou le
contenu du système A et qu’il lui confère une certaine efficacité juridique
au sein du système B (1388). Cette distinction doit encore être précisée en
cela que l’auteur la conçoit comme graduelle, c’est-à-dire qu’un système
juridique peut être plus ou moins relevant par rapport à un autre (1389).
Les instruments juridiques concrétisant la relevance ou l’irrelevance d’un
système juridique pour un autre sont notamment constitués par ce que nous
avons qualifié de « points de passage » (1390) d’un système juridique dans
un autre. Les conditions posées par le droit étatique à la reconnaissance
d’une sentence arbitrale, par exemple, constitueront (si l’on reconnaît dans
le cas concret que la sentence a été rendue dans un système juridique tiers)
de tels instruments concrétisant la relevance du droit dans lequel la sen-
tence arbitrale a été rendue au regard du droit étatique (1391).

(1386) S. ROMANO, L’ordre juridique, op. cit. n. 967, pp. 106–151.


(1387) Ibid., p. 106.
(1388) Notons par ailleurs, avec Ost et van de Kerchove, que « l’irrelevance […] n’a aucune in-
cidence sur l’existence d’un système juridique ni sur son efficacité interne ; elle a seulement pour
conséquence que ce système sera ignoré comme tel par un autre et ne produira aucun effet juridi-
que à l’égard de celui-ci » : F. OST et M. VAN DE KERCHOVE, De la pyramide au réseau ?, op. cit. n.
911, p. 194.
(1389) Ibid., p. 144 : « l’irrelevance peut être totale ou partielle »
(1390) Voir Sous-section I. — Premier point de passage : conventions de résolution
extrajudiciaire des litiges, p. 391 et seq. supra et Sous-section II. — Deuxième point de passage :
exécution des décisions et des accords, p. 415 et seq. supra.
(1391) Voir par exemple, dans le domaine de l’arbitrage en matière sportive, A. RIGOZZI,
L’arbitrage international en matière de sport, op. cit. n. 856, § 147 et seq., sous titre « Les rapports
entre ordre juridique sportif et ordre juridique étatique ». Voir aussi P. LAGARDE, « Approche
critique de la lex mercatoria », op. cit. n. 1131, p. 147, pour qui « il est naturel que la vigilance de
l’ordre juridique étatique s’exerce aux points de passage en son sein des normes extra-étatiques,

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452 RÉGULATION PAR LES ODR

Il est bien évidemment possible qu’un système juridique ait une préten-
tion à être reconnu par un autre (prétention unilatérale à la relevance) mais
que ce dernier refuse la reconnaissance (1392). La relevance se concevant
comme graduelle, on peut à tout le moins distinguer, à titre illustratif, deux
cas de figure. Le premier est relevé par Hart. Il concerne l’hypothèse où le
système juridique d’une colonie anglaise refuse de reconnaître la supériorité
du droit anglais en arguant de l’absence de compétences législatives du
Parlement de Westminster à son égard (1393). Il s’agit ici du refus de re-
connaître, au travers de la contestation de la hiérarchie, l’efficacité juridique
du contenu normatif comme tel d’un autre système au sein du système
opérant la reconnaissance. Le second cas de figure est celui où un système
juridique va jusqu’à refuser la prétention d’un système juridique à
l’existence, en le traitant « comme un simple fait, éventuellement illicite, tel
qu’une association de malfaiteurs ou un mouvement terroriste » (1394). Il
s’agit ici du refus, plus radical, de reconnaître l’existence d’un autre système
juridique comme tel (1395).
De manière générale, on peut affirmer que le droit étatique a une pré-
tention à être relevant pour les systèmes juridiques non étatiques (1396). Le

c’est à dire à l’occasion de l’examen de la validité de la clause d’arbitrage et de la reconnaissance de


la sentence ».
(1392) Voir par exemple J.-F. PERRIN, Sociologie empirique du droit, op. cit. n. 917, p. 53 : « l’un
des ordres veut l’irrelevance, l’autre, au contraire la relevance », F. OST et M. VAN DE KERCHOVE,
De la pyramide au réseau ?, op. cit. n. 911, p. 201 et seq., sous titre « Prétentions unilatérales et
reconnaissances réciproques » et N. BOBBIO, Teoria dell’ordinamento giuridico, op. cit. n. 1340,
p. 195.
(1393) H.L.A. HART, Le concept de droit, op. cit. n. 914, p. 150.
(1394) F. OST et M. VAN DE KERCHOVE, De la pyramide au réseau ?, op. cit. n. 911, p. 199 et
S. ROMANO, L’ordre juridique, op. cit. n. 967, p. 145.
(1395) On notera par ailleurs qu’un tel refus est également présent dans l’exemple précité de
Hart, si l’on considère le rapport de relevance du point de vue du droit anglais, ce dernier refusant
de reconnaître jusqu’à l’existence du droit de la colonie en tant que système juridique : « il se peut
que le droit anglais considère encore que le Parlement de Westminster a conservé, ou a juridique-
ment récupéré le pouvoir de légiférer pour la colonie […] Le droit de la colonie n’est pas reconnu
par les tribunaux anglais pour ce qu’il est en fait, à savoir un système juridique indépendant » :
H.L.A. HART, Le concept de droit, op. cit. n. 914, p. 150.
(1396) On peut notamment penser à ses mots évocateurs de Pierre Lalive, intervenant lors de la
conférence « Sport et Arbitrage » de l’Association suisse de l’arbitrage, tenue le 9 mars 1990 et
transcrite in Bull. ASA, 1990, vol. 8, p. 114 et seq., spéc. p. 137 : « jamais l’ordre juridique étatique
ne pourra laisser, sans intervenir, à ses associations ou des activités quelles qu’elles soient (qu’il
s’agisse des activités des opérateurs du commerce international en général ou des activités sportive),
la revendication d’un monopole sans aucun contrôle direct. »

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VALIDITÉ FORMELLE 453

droit étatique a en effet vocation à s’appliquer – en tant que système – de


manière illimitée sur le territoire de l’État duquel il relève, puisque son
critère d’application est géographique et non sectoriel ou défini par do-
maine d’activité. L’appareil coercitif étatique assure à cette prétention une
certaine force (1397). Par contre, le droit non étatique peut fort bien tenter
de refuser ces prétentions, avoir des « velléités de clôture » (1398) et consi-
dérer que, à tout le moins à un certain degré, le droit étatique est pour lui
irrelevant (1399).
Il s’ensuit ce que l’on peut appeler, en suivant Jean Carbonnier et Jean-
François Perrin, un « conflit internormatif » (1400) : c’est-à-dire qu’« une
situation est susceptible d’être régie par deux systèmes de normes qui, cha-
cun, a ou aurait vocation à régir le rapport de droit » (1401). Par exemple,
un système juridique non étatique impose certaines normes qui diffèrent
des normes étatiques, ces dernières ayant également vocation à s’appliquer :
le droit étatique a une prétention à être relevant pour le système non étati-
que, mais ce dernier refuse cette prétention. Le conflit internormatif porte
donc sur la question de savoir quel système s’appliquera, lequel décidera de
la situation dans les faits, ce qui revient à se prononcer sur la relevance
réciproque des deux systèmes (1402). En suivant Perrin, il apparaît qu’en

(1397) En ce qui concerne les systèmes juridiques sportifs, voir notamment L. SILANCE, « Les
ordres juridiques dans le sport » in Sport et droit, s. dir. E. Bournazel, Bruxelles, Bruylant, 2000,
p. 107 et seq., spéc. p. 114.
(1398) J.-F. PERRIN, Sociologie empirique du droit, op. cit. n. 917, p. 53.
(1399) Pour des exemples, voir ibid. et, plus spécifiquement en matière de sport, A. RIGOZZI,
L’arbitrage international en matière de sport, op. cit. n. 856, § 153 : « nombreux sont les exemples de
pressions de tout ordre exercées par les organisations sportives afin d’empêcher les sportifs de saisir
les tribunaux étatiques. On peut notamment citer ici la menace de la FIFA d’exclure tous les clubs
français des compétitions internationales suite au dépôt par l’Olympique de Marseille d’une re-
quête de mesures provisionnelles devant les tribunaux bernois visant à annuler la suspension infli-
gée au club phocéen dans le cadre de l’affaire de corruption connue sous le nom d’OM-
Valenciennes. Or force est de constater que dans l’énorme majorité des cas, l’organisation sportive
l’emporte. »
(1400) J.-F. PERRIN, Sociologie empirique du droit, op. cit. n. 917, pp. 53 et 56 et seq. Sur la no-
tion d’internormativité, voir J. CARBONNIER, « Internormativité » in Dictionnaire encyclopédique de
théorie et de sociologie du droit, s. dir. A.-J. Arnaud, Paris, LGDJ, 1993, p. 199 et seq., qui définit ce
terme comme l’« ensemble des phénomènes constitués par les rapports qui se nouent et se dé-
nouent entre deux catégories, ordres ou systèmes de normes ».
(1401) J.-F. PERRIN, Sociologie empirique du droit, op. cit. n. 917, p. 55.
(1402) Ibid., p. 53 et seq., aussi p. 54 : « l’existence ou l’inexistence de contacts entre deux or-
dres normatifs est une question de fait […] La relevance est donnée non seulement lorsqu’un ordre

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454 RÉGULATION PAR LES ODR

tel conflit peut être résolu soit par une professio iuris (c’est-à-dire par une
modalité consensuelle), soit par une réelle concurrence entre les systèmes
juridiques (1403).
En simplifiant radicalement, on pourrait dire que la résolution d’un
conflit internormatif par une professio iuris consiste en ceci que les deux
parties optent pour le résultat prévu par un système juridique (par hypo-
thèse le système non étatique) et qu’aucune des parties ne porte le litige
devant l’instance juridictionnelle de l’autre système juridique (par hypo-
thèse les tribunaux étatiques). La convention des parties détermine alors le
système applicable. Quant à la concurrence réelle entre les systèmes juridi-
ques, elle conduira en général à la prééminence du système étatique (1404),
notamment en raison de la puissance de son appareil coercitif, activé par la
saisine des tribunaux (1405).
Toutefois, il arrive que les parties n’aient pas réellement de choix, en
raison d’« obstacles à l’internormativité » (1406). Il s’agit là d’obstacles au

entend déterminer l’existence, le contenu et l’efficacité d’un autre, mais surtout lorsqu’il y parvient
en fait. »
(1403) Ibid., pp. 56–61, notons que Perrin distingue plus précisément entre (1) résolution par
professio iuris et (2)(a) « la loi du plus fort » et (2)(b) « une partie impose le recours au juge ». No-
tons également que les situations relevant typiquement du droit international privé ne présentent
pas véritablement de conflits internormatifs, puisque chaque système étatique prévoit des règles (le
droit international privé) de coordination des différents systèmes ; on pourrait également dire qu’en
droit international privé il existe des conflits de lois mais non des conflits de systèmes : dans un sens
proche, voir H. BATIFFOL, Aspects philosophiques du droit international privé, Paris, Dalloz, 1956,
p. 19 : « le développement récent du droit international privé suggère l’idée qu’il tend vers un ordre
de systèmes, en ce sens qu’il travaille à la coordination de systèmes distincts coexistants, afin de
soumettre à un régime défini les relations privées qui, par leur caractère international, se présentent
comme s’insérant simultanément dans plusieurs systèmes différents. »
(1404) Notons toutefois que prééminence du système étatique ne signifie pas forcément pré-
éminence du droit matériel étatique, étant donné que le système étatique peut tout à fait accorder la
préférence au droit non étatique et s’en inspirer pour interpréter le droit étatique, celui-ci se cal-
quant sur celui-là. Ce genre de relations, notamment, est constitutif de hiérarchies enchevêtrées,
propre au modèle du réseau de Ost et van de Kerchove, que nous avons pu évoquer sous référence
croisée. Pour des exemples concrets où le système étatique suit le droit non étatique, J.-F. PERRIN,
Sociologie empirique du droit, op. cit. n. 917, pp. 58–61.
(1405) Voir Section III. — Concurrence des appareils coercitifs, p. 317 supra.
(1406) G. ROCHER, « Les phénomènes d’internormativité : faits et obstacles » in Le droit soluble :
contributions québécoises à l’étude de l’internormativité, s. dir. J.-G. Belley, Paris, LGDJ, 1996, p. 25
et seq., p. 28 : « l’internormativité ne suppose pas nécessairement le passage d’une règle d’un ordre
normatif vers un autre […] L’internormativité peut prendre la forme d’une résistance à ce passage,
tout autant que celle de l’emprunt d’une norme étrangère. Les porteurs d’un ordre normatif peuvent

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VALIDITÉ FORMELLE 455

recours à un autre système juridique dépendant de certaines réalités struc-


turelles. On pense par exemple à l’impossibilité (d’un point de vue rationnel
économique) de saisir le juge en raison des coûts prohibitifs générés par
une telle action (1407) ou à des sanctions suffisamment graves imposées
par le système non étatique en cas de saisine d’un juge étatique (1408).
Dans une telle situation, on pourra dire, dans les termes de Michel Virally,
que le système examiné a une tendance a constituer « structurellement un
système clos » (1409).
L’obstacle internormatif que constituent les difficultés pratiques de sai-
sine d’un juge est ainsi un élément empirique mais structurel de la clôture
d’un système juridique ; ces difficultés limitent la relevance d’autres systè-
mes juridiques pour ce dernier. Le même mécanisme de clôture opère, à
certains égards, par les trois compétences législative, juridictionnelle et
d’exécution, pour autant qu’elles reflètent autant de pouvoirs au plan empi-
rique. Il semble en effet évident qu’un système juridique doté d’une forme
institutionnalisée d’élaboration normative, d’un lieu de résolution des liti-

s’employer à faire obstacle à un transfert de normes, perçu comme une intrusion ou un envahis-
sement non souhaité. »
(1407) J.-F. PERRIN, Sociologie empirique du droit, op. cit. n. 917, pp. 56–57, relevant l’exemple
suivant : « un nombre important de contrats de vente par acomptes sont nuls parce qu’ils contre-
viennent à des dispositions légales impératives destinées à protéger les consommateurs. Nous avons
pu observer que, dans un certain nombre de cas, les consommateurs, pourtant dûment informés au
sujet de leurs droits, renoncent à agir en justice. Les normes qui régissent ces contrats découlent
d’une convention tacite, contraire au droit impératif. On peut affirmer que ces situations ne sont
pas isolées. La recherche a permis de montrer que cette illégalité (du point de vue du droit étatique)
se rencontre fréquemment, en pratique. »
(1408) Pour des exemples en ce sens, on pensera notamment à l’affaire OM/Valenciennes, rele-
vant du droit du sport, et notamment décrite dans J.P. KARAQUILLO, « Réflexion sur la décision
du tribunal de Berne dans l’affaire UEFA-FIFA/OM-FFF » in RJES, 1993, vol. 29, p. 19 et seq.
Lire aussi Ch.-A. MORAND, « Le droit saisi par la mondialisation : définition, enjeux et trans-
formations » in Le droit saisi par la mondialisation, s. dir. Ch.-A. Morand, Bruxelles, Bruylant /
Bruxelles, Éd. de l’Université de Bruxelles / Bâle, Helbing & Lichtenhahn, 2001, p. 87 et seq.,
spéc. p. 100 : « l’autonomie [des systèmes juridiques non étatiques] est renforcée par le fait que
certains groupes interdisent le recours au droit étatique et qu’ils assurent l’efficacité de l’interdiction
par des pénalités très graves. Cela est particulièrement vrai en matière de droit sportif. Bernard
Tapie s’en est rendu compte, lorsqu’il a tenté de recourir aux tribunaux bernois contre une sanction
sportive dans l’affaire OM/Valenciennes. Le droit sportif l’a emporté, parce que la transgression de
l’interdiction de porter le conflit devant les tribunaux étatiques aurait créé un préjudice considéra-
ble au club en question », l’auteur affirmant par ailleurs, p. 99, que « le critère décisif [de
l’autonomie d’un système juridique] réside dans le fait que le groupe spécialisé réussit, en cas de
conflit, à substituer au moins dans une certaine mesure sa propre justice à celle de l’État ».
(1409) M. VIRALLY, La pensée juridique, op. cit. n. 1381, p. 200.

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456 RÉGULATION PAR LES ODR

ges et d’un mécanisme d’exécution des décisions non seulement constitue,


comme nous avons pu l’évoquer (1410), un système juridique au sens le
plus fort du terme, mais peut également contrôler toute la chaîne de la
production du droit, de sa genèse à son application concrète, et peut ainsi
manifester une clôture relativement forte par rapport à d’autres systèmes
juridiques. On reviendra à cette problématique en analysant concrètement
l’identité et la clôture des systèmes juridiques se développant dans le
contexte de la résolution des litiges en ligne (1411).

SOUS-SECTION II. — DEUX CAS D’ÉCOLE : LA LEX


SPORTIVA ET LA LEX MERCATORIA

Avec l’affaiblissement de l’État, dont l’assise territoriale acquise par le sang


et les bannières lui assurait hier encore un pouvoir réellement souverain,
hégémonique, sans rival et qui est aujourd’hui « trop étroit pour faire face
au développement des échanges » (1412), en peine de se battre contre des
concurrents sans territoire, émergent des normativités sectorielles, trans-
nationales et bien sûr non étatiques. Il s’agit ici de ce que l’on appelle dé-
sormais le droit de la mondialisation, ce « développement, en relation avec
l’explosion des flux transfrontières, d’un droit conçu et appliqué en dehors
de l’intervention des États » (1413) qui se subdivise en une « prolifération
de lois à la fois spécialisées et uniformes, conférant à chaque secteur sa
régulation spécifique, comme si les différenciations s’opéraient désormais
par domaine d’activité plus que par pays » (1414). C’est de ce phénomène
généralisé, de son rôle dans le développement de systèmes juridiques secto-

(1410) Voir B. — Critères d’identité d’un système juridique,p. 440 et seq. supra. Voir aussi
Th. SCHULTZ, « eBay : un système juridique en formation ? » in RDTI, 2005, vol. 22, p. 27 et seq.
(1411) Nous avions déjà pu ébaucher cette théorie dans Th. SCHULTZ, « Online dispute reso-
lution (ODR) : résolution des litiges et ius numericum », op. cit. n. 978, p. 203.
(1412) B. BADIE, La fin des territoires, Paris, Fayard, 1995, 4ème de couverture.
(1413) J. CHEVALLIER, « Mondialisation du droit ou droit de la mondialisation ? » in Le droit
saisi par la mondialisation, s. dir. Ch.-A. Morand, Bruxelles, Bruylant / Bruxelles, Éd. de
l’Université de Bruxelles / Bâle, Helbing & Lichtenhahn, 2001, p. 37 et seq., spéc. p. 38.
(1414) F. OST et M. VAN DE KERCHOVE, De la pyramide au réseau ?, op. cit. n. 911, p. 125.
Voir aussi, sur la notion d’« espace juridique », F. RIGAUX, Droit public et droit privé dans les rela-
tions internationales, op. cit. n. 957, p. 408 et seq. et 442 et seq. et Ch.-A. MORAND, « Le droit
saisi par la mondialisation : définition, enjeux et transformations », op. cit. n. 1408, p. 101 : « dans
l’espace transnational, la division n’est plus territoriale, mais sectorielle. »

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VALIDITÉ FORMELLE 457

riels et non étatiques, objet de la présente étude, que participe la probléma-


tique de la résolution des litiges en ligne.
De ce phénomène généralisé participent également deux figures emblé-
matiques du pluralisme juridique, deux cas d’école du droit hors l’État. La
lex sportiva, on le verra, est un exemple très fort de la construction de sys-
tèmes juridiques non étatiques par la montée en puissance, dans la grande
intrigue de la régulation juridique, d’acteurs autres que l’État. La lex mer-
catoria, quant à elle, constitue réellement l’archétype de la transnationalité
de ces systèmes juridiques non étatiques en développement. Tous deux
nous servirons de sources de raisonnement par analogie pour l’examen de
notre problématique, qui nous conduira de la lex electronica aux systèmes
juridiques de places de marché électroniques, en passant par le cas très
spécifique du droit des noms de domaine en édification par l’ICANN.
Sur le plan méthodologique, nous répondons donc ici à la nécessité
d’illustrer la notion de système juridique et d’évoquer les virtualités de ses
applications à la mouvance généralisée des sphères de normativité, où
émergent, on l’a compris, des normativités se rattachant à des « espaces »
sectoriels plus qu’à des territoires. Le but de l’examen de la lex sportiva et
de la lex mercatoria est donc ici purement illustratif, c’est-à-dire que l’on n’y
trouvera pas une réelle prise de position sur ces deux phénomènes ; bien
plus, nous jouerons avec ces deux cas d’école de systèmes juridiques non
étatique comme le chat joue avec la souris, en nous intéressant simplement
à quelques réactions de ces concepts, sans réellement leur tordre le cou. Il
s’agit uniquement de tester les critères dégagés plus haut quant à
l’identification d’un système juridique afin d’affermir le bagage conceptuel
et d’affûter les instruments de réflexion pour l’analyse de notre propos.
On relèvera encore brièvement les raisons qui nous poussent à étudier la
lex sportiva avant la lex mercatoria, contrairement à l’ordre que l’on ren-
contre habituellement quand ces deux phénomènes sont abordés. À notre
sens, si l’on considère généralement que la doctrine relative à la lex merca-
toria aide à théoriser la lex sportiva, il nous semble que la réalité des faits
pousse au cheminement inverse. Les faits paraissent plus percutants dans le
contexte du sport que dans celui du commerce international en ce qui

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458 RÉGULATION PAR LES ODR

concerne la constitution de systèmes juridiques non étatiques. L’analyse qui


suit, nous l’espérons, le montrera (1415).

A. — Lex sportiva
Depuis l’accession du sport au statut de véritable phénomène commercial,
et ce moment n’est pas innocent, de nombreux débats ont émergé concer-
nant l’existence ou l’inexistence d’une lex sportiva (1416). Toutefois, si le
concept est fréquemment utilisé par les théoriciens du droit du sport et
quelques fois même par les tribunaux, il est plus rare d’en rencontrer une
réelle définition ou une véritable étude basée sur une conjecture théorique
vérifiée en pratique (1417). L’utilisation de la notion révèle par ailleurs une

(1415) On pourrait préciser encore que le phénomène de la lex sportiva montre de manière ma-
nifeste l’existence de systèmes juridiques non étatiques fortement établis, clairement délimités et
dont les velléités de clôture ont une efficacité assez marquée ; en substance, cela revient à dire que,
suivant l’idée de la gradualité que nous avions pu évoquer, ces systèmes sont relativement proches
de l’idéal type d’un système juridique. En ce qui concerne la lex mercatoria, l’existence de tels sys-
tèmes, si elle semble incontestable, est moins nettement marquée. Sur cette gradualité de la carac-
téristique d’un système juridique, voir B. — Critères d’identité d’un système juridique, p. 440
supra. Dans un sens très proche, voir D. REUTER, « Das selbstgeschaffene Recht des internationa-
len Sports im Konflikt mit dem Geltungsanspruch des nationalen Rechts » in DWiR, 1996, p. 1 et
seq., spéc. p. 8, pour qui les analogies entre lex sportiva et lex mercatoria sont à manier avec pru-
dence, étant donné qu’il existe, dans le contexte du commerce international, « une domination non
autoritaire du marché, tandis que [dans le contexte du sport, on est confronté à] une domination
autoritaire de fédérations monopolistiques » (texte original : « doch es ist angesichts der unter-
schiedlichen Strukturen – hier nichtautoritäre Herrschaft des Marktes, dort autoritäre Herrschaft
von Monopolverbänden – vor vorschnellen Analogien zu warnen »). La même approche que la
nôtre (lex sportiva puis lex mercatoria) est suivie notamment par F. RIGAUX, « Les situations juridi-
ques individuelles dans un système de relativité générale », op. cit. n. 953, pp. 64–69.
(1416) A. RIGOZZI, L’arbitrage international en matière de sport, op. cit. n. 856, § 1248 : « À
l’époque où l’histoire du mouvement sportif a atteint le stade de la commercialisation et de
l’intervention des tribunaux étatiques, le recours à la notion de lex sportiva représente […] un
moyen d’échapper à l’application du droit étatique national et d’éviter ainsi de porter atteinte à
l’homogénéité de l’ordre juridique sportif » (références omises). Voir également J. ADOLPHSEN,
« Eine lex sportiva für den internationalen Sport ? » in Die Privatisierung des Privatrechts – rechtliche
Gestaltung ohne staatlichen Zwang, Stuttgart, Boorberg, 2003, p. 281 et seq., spéc. p. 286.
(1417) Ainsi Antonio Rigozzi relève-t-il que l’« on parle de la lex sportiva – mais aussi de la lex
electronica ou informatica – en terme de ‘phénomène analogue’ à la lex mercatoria, souvent sans autre
précision ni explication, si ce n’est que ces phénomènes s’insèrent dans le mouvement social plus
large de la globalisation » (références omises) : A. RIGOZZI, L’arbitrage international en matière de
sport, op. cit. n. 856, § 1240. Pour quelques exemples de l’utilisation du concept : T. BACH, « Der
Dopingfall Harry ‘Butch’ Reynolds – Plädoyer für internationale Sportgerichtsbarkeit » in SpuRt,
1995, p. 142 et seq., M.R. WILL, « Les structures du sport international » in Scritti in onore di
Rodolfo Sacco, Milan, Giuffrè, 1994, p. 1211 et seq., spéc. pp. 1230–1231, M. BLESSING, Intro-

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VALIDITÉ FORMELLE 459

pluralité de conceptions implicites. Nous nous proposons en conséquence


de passer brièvement en revue les diverses significations que l’on peut en
donner, avant d’aborder l’hypothèse de la lex sportiva en tant que système
juridique.
Parmi la pluralité de conceptions de la notion de lex sportiva, on en relè-
vera trois. Tout d’abord et au sens le plus large, la notion semble pouvoir
renvoyer à un domaine d’activité ou une discipline juridique, correspondant
en substance à celle de « droit du sport », comme on peut par exemple par-
ler de « droit des affaires », de « droit des nouvelles technologies », ou en-
core de « droit de l’art ». En ce sens, on évoquera également des notions
telles que la lex petrolae, la lex bursarum, la lex mediatica, ou la lex bio-
ethica (1418). Il s’agit ici essentiellement d’une définition sectorielle, une
catégorie conceptuelle visant une analyse de normes non forcément coor-
données ou organisées en système, ne formant un ensemble de normes que
par leur matière (1419). Du point de vue du concept de système juridique,
une telle conception est potentiellement trans-systémique, regroupant pour
les besoins d’une analyse des normes appartenant à des systèmes diffé-
rents (1420).
Le concept de lex sportiva semble également pouvoir être utilisé comme
une notion que l’on peut éventuellement qualifier de phénoménologique,
en ce sens qu’il renvoie à l’analyse descriptive d’un vécu juridique ; ici l’on a
recours au terme de lex sportiva à défaut d’une notion plus adéquate pour
décrire la « réalité vivante » (1421) de la montée en puissance des fédéra-

duction to arbitration, op. cit. n. 1232, p. 295. Voir aussi l’arrêt de l’Oberlandsgericht de Francfort,
citant le concept de lex sportiva, pour en rejeter l’existence : « eine von jedem staatlichen Recht
unabhängige lex sportiva gibt es nicht » : Baumann c. DLV, Oberlandesgericht de Francfort, arrêt
du 18 avril 2001, in SpuRt, 2001, p. 159 et seq., spéc. p. 161.
(1418) É. LOQUIN et L. RAVILLON, « La volonté des opérateurs, vecteurs d’un droit mondia-
lisé » in La mondialisation du droit, s. dir. E. Loquin et C. Kessedjian, Dijon, Litec, 2000, p. 91 et
seq., spéc. p. 123 et les références citées.
(1419) M. COCCIA, « Fenomenologia della controversia sportiva e dei suoi mosi di risolu-
zione » in Rivista di diritto sportivo, 1997, p. 605 et seq., spéc. p. 621.
(1420) E. BOURNAZEL, « Le sport et le droit : antiquité, modernité » in Sport et droit, s. dir. E.
Bournazel, Bruxelles, Bruylant, 2001 p. 35 et seq., spéc. p. 37, relevant que le droit du sport se
situe « à la confluence de plusieurs ordres juridiques ».
(1421) Cf. J. GHESTIN, « L’utile et le juste dans les contrats » in APD, 1981, vol. 26, p. 35 et
seq., spéc. p. 57 : « la réalité vivante et complexe des relations contractuelles se laisse difficilement
enfermer dans des concepts ».

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460 RÉGULATION PAR LES ODR

tions sportives face à l’État, imposant une distanciation croissante des


athlètes et des activités sportives par rapport à l’État. On notera à cet égard
que le terme est fréquemment utilisé soit de manière vindicative par les
tenants d’une privatisation du sport, ou à la manière d’un désaveu par ceux
qui entendent ramener le sport dans le giron de l’État (1422).
Finalement, ce concept peut être utilisé en son sens le plus technique de
système juridique (1423). Il s’agit ici d’une catégorisation sociojuridique, en
raison de la nécessaire présence de l’entité sociale que la notion de système
juridique implique. Les deux questions qui se posent dans cette optique
sont tout d’abord de savoir s’il s’agit bien de systèmes juridiques et, dans
l’affirmative, s’il en existe un ou plusieurs.
On relèvera tout d’abord qu’un certain nombre d’organisations sportives
se présentent pour leurs analystes comme de « véritables structures para-
étatiques comportant des attributions législatives, exécutives et juridiction-
nelles » (1424). La compétence législative est exercée par l’adoption des
divers règlements des fédérations sportives couvrant ainsi « l’ensemble des
règles qui président à l’organisation des épreuves sportives » (1425). La
compétence juridictionnelle est mise en œuvre, dans la plupart des cas, par
la soumission des litiges à ce que l’on appelle la justice sportive, formée des
instances internes aux fédérations sportives. La compétence d’exécution,
quant à elle, réside dans la possibilité, pour une fédération sportive, de
suspendre ou d’exclure un athlète, ce dont on a pu dire qu’il s’agissait de la
peine « la plus redoutable qui soit » (1426). On en conclura en conséquence

(1422) G. SIMON, Justice, droit et sport : la résolution des conflits sportifs, Paris, INSEP, 1996,
p. 13, relevant le souci des instances sportives de vouloir « laver le linge sale en famille » et, de
manière plus générale, Ph. KAHN, « L’autorégulation » in L’émergence de la société civile internatio-
nale : vers la privatisation du droit international ?, Paris, Pedone, 2003, p. 197 et seq., spéc. p. 197,
relevant que les qualifications de lex (sportiva, mercatoria, electronica, etc.) sont des « néologismes
qui cherchent un titre de reconnaissance dans un simili-latin, [qui] veulent symboliser l’autonomie,
l’indépendance des milieux d’affaires [ou d’autres milieux, par exemple sportifs], le grand méchant
loup étant la communauté des États. » Voir aussi J. ADOLPHSEN, « Eine lex sportiva für den
internationalen Sport ? », op. cit. n. 1416, p. 286.
(1423) Dans ce sens, A. RIGOZZI, L’arbitrage international en matière de sport, op. cit. n. 856,
§ 140 et les références citées.
(1424) M.R. WILL, « Les structures du sport international », op. cit. n. 1417, p. 1230.
(1425) É. LOQUIN, « Chronique des sentences arbitrales du Tribunal arbitral du sport » in JDI,
2002, p. 266.
(1426) F. RIGAUX, « Les situations juridiques individuelles dans un système de relativité géné-
rale », op. cit. n. 953, p. 67, poursuivant, un peu plus loin, en ces termes : « sans doute la maîtrise

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VALIDITÉ FORMELLE 461

que dans de nombreux cas les organisations sportives forment des systèmes
juridiques qui sont par ailleurs fortement marqués en leur qualité de sys-
tème, puisqu’ils disposent des trois compétences que nous venons de rele-
ver.
Quant à savoir s’il existe un ou plusieurs systèmes juridiques sportifs, il
semble falloir admettre la deuxième hypothèse. L’un des principaux systè-
mes juridiques sportifs, fondé sur le mouvement olympique, s’est constitué
sous l’égide du Comité international olympique (CIO), de la Charte olym-
pique, du recours au TAS en cas de litiges et de la possibilité d’exclure un
athlète des Jeux olympiques. Cependant, on notera que certaines grandes
fédérations, telles la Fédération internationale automobile (FIA), la Fédé-
ration internationale de rugby amateur et la World Karate Federation, ne
sont pas liées par la Charte olympique et, ne participant en rien aux Jeux,
ne peuvent en être exclus. Il semblerait en conséquence plus conforme à
l’acception de la notion de système juridique que nous avons retenu de
penser qu’il existe – à tout le moins – un système juridique du CIO, un
autre de la FIA et d’autres encore pour certaines disciplines évoluant en
marge du mouvement olympique (1427). Si l’on suit cette ligne de pensée,
il semble plus juste de parler de leges sportivae que de lex sportiva, pour au-

exercée par les Jockey Clubs sur les champs de course ou par le Comité olympique sur le sport non
professionnel est-elle un pur élément de fait : il n’est interdit à personne de lancer une initiative
concurrente. Toutefois, l’existence d’un monopole de fait introduit dans l’adhésion aux règles
posées l’élément de coercition qui contribue à leur signification juridique. » Sur la diversité des
types de coercition, voir Sous-section II. — Autres appareils coercitifs pouvant conférer au droit
l’effectivité requise pour sa validité, p. 322 supra.
(1427) Sur cette question, voir A. RIGOZZI, L’arbitrage international en matière de sport, op. cit.
n. 856, § 144 : « analysée en elle-même, chaque discipline sportive représente un ordre juridique
sous l’égide d’une fédération internationale : chaque discipline a ses propres réglementations, qui
divergent entre elles non seulement au niveau des règles techniques mais aussi sur des questions qui
ne relèvent pas de la spécificité de la discipline. De plus, chaque discipline a ses propres organes
disciplinaires et de justice interne, organisés différemment et développant des pratiques différentes.
Cela n’exclut toutefois pas que l’on puisse envisager un seul ordre juridique sportif chapeautant en
quelque sorte les ordres juridiques de chaque fédération internationale », l’auteur considérant
ensuite que cet ordre chapeautant les autres ordres est celui du CIO, impliquant des obligations
communes dans tous les ordres juridiques (élément législatif) et un recours au TAS (élément
juridictionnel). Voir aussi J. ADOLPHSEN, « Eine lex sportiva für den internationalen Sport ? », op.
cit. n. 1416, p. 284 et seq. et T. SUMMERER, « Internationales Sportrecht – eine dritte Rechtsord-
nung ? » in Festschrift für Hans Hanisch, Cologne, Heymans, 1994, p. 267 et seq., spéc. pp. 113–
118.

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462 RÉGULATION PAR LES ODR

tant que l’on considère que la notion de lex sportiva renvoie à l’idée d’un
système juridique (1428).
Comme le phénomène de la distanciation du sport par rapport au droit
étatique pouvait le laisser prévoir, un certain nombre de conflits inter-
normatifs apparaissent entre les droits étatiques et les systèmes juridiques
sportifs, c’est-à-dire, pour reprendre les termes de Jean Carbonnier, qu’il
existe des dissonances entre les diverses normes juridiques s’appliquant à
des mêmes situations de fait (1429). L’une des particularités de la problé-
matique de la lex sportiva au sens large est qu’un certain nombre de ces
conflits d’internormativité ont conduit à de réelles luttes de pouvoir entre
les fédérations sportives internationales et les États (par opposition à la
résolution, plus souvent observée dans d’autres contextes, de ce genre de
conflits par le recours au juge étatique). Ces luttes ont montré un extra-
ordinaire pouvoir de négociation des fédérations faces aux États (1430). On
pensera notamment à l’opposition de l’Union des associations européennes
de football (UEFA) contre la Belgique suite au drame du Heysel, où

(1428) En ce sens, sans parler toutefois de leges sportivae, F. RIGAUX, « Les situations juridi-
ques individuelles dans un système de relativité générale », op. cit. n. 953, pp. 68-69 : « pas plus
qu’il n’existe un ordre juridique qui regrouperait toutes les confessions religieuses ou toutes les
organisations sportives, il n’existe un seul ordre juridique transnational se posant en rival de l’ordre
juridique international, celui-ci étant le seul qui puisse aspirer à pareille universalité. Dans l’espace
transnational se laisse distinguer un nombre indéterminé d’ordres juridiques ayant chacun leurs
sujets, leurs institutions, leurs normes, leurs secteur d’activité. Il suffit d’ailleurs de rappeler qu’un
ordre juridique se définit par ses institutions, pour que soit condamnée l’idée d’un système institu-
tionnel unique qui inclurait l’indéfinie diversité et le renouvellement perpétuel des ordres juridiques
transnationaux » et Ch.-A. MORAND, « Le droit saisi par la mondialisation : définition, enjeux et
transformations », op. cit. n. 1408, pp. 98–99, considérant qu’il s’agit là d’« une série d’ordres
juridiques partiels ».
(1429) J. CARBONNIER, Essais sur les lois, Evreux, Répertoire du notariat defrénois, 1979,
p. 264, pour qui la dissonance entre divers ordres normatifs renvoie à l’idée d’un climat conflictuel
entre les normes cherchant à s’appliquer. Voir aussi J.-F. PERRIN, Sociologie empirique du droit, op.
cit. n. 917, pp. 54 et seq.
(1430) M. VAN HOECKE, « Des ordres juridiques en conflits : sport et droit » in RIEJ, 1995,
vol. 35, p. 61 et seq., spéc. p. 73, relevant les « luttes de pouvoirs » et P. ZEN-RUFFINEN, Droit du
sport, Zurich, Schulthess, 2002, p. 9, relevant le « poids social, économique et politique considéra-
ble » de certaines fédérations internationales. Notons toutefois qu’il existe dans ce domaine égale-
ment des exemples d’« obstacles internormatifs », où les systèmes juridiques sportifs ont réussi à
interdire le recours aux tribunaux étatiques par la menace de sanctions mises en œuvre par
l’appareil coercitif sportif : voir J.P. KARAQUILLO, « Réflexion sur la décision du tribunal de Berne
dans l’affaire UEFA-FIFA/OM-FFF », op. cit. n. 359, p. 19 et seq., relatant l’affaire
OM/Valenciennes.

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VALIDITÉ FORMELLE 463

l’UEFA avait suspendu les matchs internationaux en Belgique jusqu’à ce


que le gouvernement prennent des mesures de sécurité. On se remémorera
également le conflit entre la FIA et la France à propos de l’exclusivité des
droits de retransmission, où la menace de la FIA de ne plus organiser de
course en France avait amené le gouvernement à amender sa loi sur la cou-
verture médiatique des courses (1431).
Sur le plan théorique, cela révèle une efficacité particulièrement forte des
velléités de clôture des systèmes juridiques sportifs, capables de s’opposer
aux prétentions de relevance des droits étatiques pour les systèmes non
étatiques, et d’irrelevance de ceux-ci pour ceux-là, par leur simple force de
négociation (1432). Comme l’a en effet montré Antonio Rigozzi, en
s’appuyant notamment sur les affaires que nous venons de citer, seules des
structures aussi puissantes que l’Union européenne semblent réellement
capables de tenir tête aux plus grandes fédérations sportives internatio-
nales (1433) ! Notons toutefois que cela ne signifie pas que les systèmes
juridiques sportifs soient totalement clos, qu’ils excluent totalement la rele-
vance des droits étatiques, tant il est vrai que toute fédération est en défini-
tive localisée sur le territoire d’un État et soumise à ce titre à son droit et à
son appareil coercitif (1434). La fuite de certaines fédérations vers des
États à la législation plus favorable en est une preuve – mais elle constitue
également un cas de lex shopping (1435).

(1431) Sur les détails de ces affaires, A. RIGOZZI, L’arbitrage international en matière de sport,
op. cit. n. 856, § 152.
(1432) On notera par ailleurs que la lutte doctrinale contre ces velléités de clôture a entraîné un
certain nombre d’auteurs à déguiser un argument normatif (le droit du sport doit revenir dans le
giron de l’État, seul capable d’assurer une protection jugée suffisante) en un argument descriptif (il
n’existe pas de système juridique sportif non étatique) : voir par exemple M. BADDELEY, « Le
sportif, sujet ou objet ? La protection de la personnalité du sportif » in RDS, 1996, p. 135 et seq. Si
une telle prise de position est certainement légitime dans son fondement axiologique, il n’en de-
meure pas moins qu’elle fait violence à la réalité des faits.
(1433) A. RIGOZZI, L’arbitrage international en matière de sport, op. cit. n. 856, § 153.
(1434) Voir par exemple Ch.-A. MORAND, « Le droit saisi par la mondialisation : définition,
enjeux et transformations », op. cit. n. 1408, pp. 99–100, notant que « l’autonomie n’est jamais
totale, le collier du droit étatique n’est jamais complètement arraché » et concluant ainsi qu’il y a en
cette matière une forme de « co-régulation », qui « atteste de l’autonomie partielle acquise par la
réglementation sportive ».
(1435) Sur ces questions, A. RIGOZZI, L’arbitrage international en matière de sport, op. cit. n.
856, § 154.

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464 RÉGULATION PAR LES ODR

Rappelons encore qu’en ce qui concerne de l’existence en soi d’un sys-


tème juridique, par hypothèse non étatique, il est radicalement sans perti-
nence de savoir si le système juridique étatique la reconnaît ou non. Certes,
cette reconnaissance détermine la relevance du système non étatique pour
le système étatique et ce dernier pourra en conséquence mettre ou non à la
disposition du premier son appareil coercitif, mais le système étatique ne
saurait en aucun cas déterminer l’existence en soi d’un autre système juridi-
que (1436). Cela découle, comme nous l’avons évoqué en suivant Rigaux,
de la théorie de la relativité générale des systèmes juridiques (1437). Cette
théorie est elle-même une conséquence de l’approche pluraliste, qui est à
son tour nécessaire à la constatation de la réalité sociale sur laquelle le droit
entend avoir une emprise, surtout dans des domaines tels que ceux que
nous analysons ici (1438).
Deux des enseignements que l’on peut retenir de cette problématique
sont, d’un côté, les diverses acceptions de la notion de lex au sens utilisé ici,
traduisant souvent des volontés d’indépendance ou de contrôle, davantage
que des réflexions systémiques et, de l’autre côté, un rappel de l’importance

(1436) S’il semble tout à fait juste d’affirmer, d’un point de vue interne dans un système juridi-
que étatique, que « l’autonomie que l’État accorde aux associations ne peut impliquer la violation
du droit, même dans son interprétation la plus large » (M. BADDELEY, L’association sportive face au
droit, Genève, Helbing & Lichtenhahn, 1994, p. 228), il n’en va bien évidemment pas de même
d’un point interne dans un autre système juridique (par hypothèse non étatique) ou d’un point de
vue externe. Cela n’est pas seulement une conséquence logique de la notion de système juridique
telle que nous l’avons retenue, mais cela se vérifie d’une certaine manière également en pratique :
« [l’ordre juridique sportif] puise son efficacité en lui-même sans reposer sur celle d’autres ordres
juridiques : en d’autres termes, l’ordre juridique sportif ne doit rien au droit de l’État. Dans une
optique pluraliste, le fait que [l’État ne reconnaît aucune autre institution produisant du droit au
même titre que le droit étatique] ne saurait rien y changer » : A. RIGOZZI, L’arbitrage international
en matière de sport, op. cit. n. 856, § 143. Notons par ailleurs, avec Michel van de Kerchove, que les
systèmes juridiques étatiques reconnaissent quelques fois l’existence et la relevance des systèmes
juridiques sportifs : M. VAN DE KERCHOVE, « La diversité des rapports entre ordres juridiques,
l’exemple des ordres sportifs et des ordres ecclésiastiques » in Pour un droit pluriel, Études offertes au
professeur Jean-François Perrin, Genève et Bâle, Helbing & Lichtenhahn, 2002, p. 235 et seq., spéc.
p. 248, pour qui l’arrêt Bosman de la CJCE (CJCE, arrêt Bosman c. UEFA et al. du 15 décembre
1995, aff. C-415/93, Rec. 1995, p. I-5040) reconnaît « la relevance respective des ordres juridiques
en la matière »
(1437) Voir A. — Légalité et relativité générale, p. 381 supra.
(1438) En ce sens A. RIGOZZI, L’arbitrage international en matière de sport, op. cit. n. 856,
§ 142 : « au-delà des positions dogmatiques et idéologiques, il est incontestable que le recours à la
notion d’ordre juridique sportif permet de mieux appréhender la réalité sociale du phénomène
sportif » (références omises).

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VALIDITÉ FORMELLE 465

des appareils coercitifs non étatiques. Par ailleurs, nous reviendrons à plu-
sieurs reprises à cette notion de lex sportiva lors de raisonnements par ana-
logie.

B. — Lex mercatoria
La vie de la lex mercatoria, semblable à celle d’un phénix renaissant de ces
cendres, peut être décrite en trois phases (1439). Tout d’abord, elle consti-
tuait au Moyen-Âge un corps de règles d’origine coutumière régulant les
échanges commerciaux dans les divers ports et foires commerciales de ce
que l’on considérait alors comme le monde civilisé. Dans sa deuxième
ème
phase, sous la montée du nationalisme qui culmina au 19 siècle, du dé-
veloppement du concept d’État-nation et de la souveraineté nationale
westphalienne, la lex mercatoria se subdivisa et se diversifia au travers de son
incorporation dans une pluralité de droits nationaux réglementant les
échanges commerciaux. La troisième phase, contemporaine, est concomi-
tante à l’affaiblissement de la souveraineté des États et à la mondialisation
croissante des échanges commerciaux. La combinaison du retour à
l’internationalisme en politique et en économie, de la distanciation critique
des citoyens par rapport aux États et de la montée en puissance des grandes
entreprises amena certains groupes d’acteurs commerciaux à élaborer leurs
propres règles de conduite, en marge des droits étatiques. Les juristes se
devant d’appréhender conceptuellement ce phénomène, les normes émer-
geant de cette pratique reçurent d’abord, sous la plume de Jessup qui écri-
vait il y a un demi-siècle (1440), la qualification générale de « droit trans-
national », l’auteur relevant essentiellement par ce terme la transition du
droit international privé à quelque chose comme un droit privé internatio-
nal. Quelques années plus tard, Clive Schmitthoff fit ressurgir le terme de
lex mercatoria, en la définissant comme un « corps de règles autonome »,
c’est-à-dire comme des normes que l’on retrouve régulièrement dans les
contrats et la pratique des opérateurs du commerce international, dont le
but serait avant tout de remédier aux problèmes de sécurité juridique par

(1439) En ce sens, C.M. SCHMITTHOFF, « International business law : A new law merchant »
in Clive M. Schmitthoff’s selected essays on international trade law, Dordrecht / Boston, Nijhoff /
Graham & Trotman, 1988, p. 20 et seq., spéc., pp. 21–22, publié originairement dans Current
Law and Social Problems, 1961, vol. 2, p. 129 et seq.
(1440) Ph.C. JESSUP, Transnational law, New Haven, Yale Univ. Press, 1956.

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466 RÉGULATION PAR LES ODR

l’évitement des conflits de lois (1441). Cette approche, résolument prag-


matique et difficilement contestable en pratique, ne souleva guère de criti-
que (1442).
L’attitude de la doctrine changea toutefois de manière assez radicale
après la publication d’un célèbre article de Berthold Goldman, en
1964 (1443), dans lequel il évoquait l’idée que la lex mercatoria puisse cons-
tituer un système juridique. Dès lors, le débat devint passionné, donnant
lieu à ce qui pu être qualifié de véritable « guerre des tranchées » doctri-
nale (1444). Si la lex mercatoria constitue en effet clairement l’archétype de
l’hypothèse d’un tiers droit anational (1445), illustrant le phénomène
contemporain du passage des « boules de billards » (1446) des droits étati-
ques aux « strates » (1447) juridiques sectorielles régissant certaines trans-
actions sans considérations territoriales, sa qualité de système juridique est
toutefois moins aisée à établir. De la même manière, on peut affirmer que
si la question est souvent posée de savoir si la lex mercatoria existe dans la
réalité des faits et non seulement comme une pure « création doctri-
nale » (1448), la problématique ne se situe véritablement qu’au niveau de
l’opportunité de qualifier la lex mercatoria de système juridique ou non. En
effet, le phénomène de la privatisation du droit d’un ou de plusieurs sec-
teurs d’activités ainsi que le développement d’une certaine harmonisation

(1441) C.M. SCHMITTHOFF, « International business law : A new law merchant », op. cit. n.
1439, p. 31 (« the new law merchant as an autonomous body of law ») et p. 33 (« the autonomous
law merchant as a means of conflict avoidance »). Dans un autre article, paru quelques années plus
tard, il qualifia la lex mercatoria de « domaine du droit » (« Rechtsgebiet ») : ID., « Das neue Recht
des Welthandels » in RabelZ, 1964, vol. 28, p. 47 et seq., spéc. p. 48.
(1442) F. DE LY, » Emerging New Perspectives Regarding Lex Mercatoria in an Era of In-
creasing Globalization » in Festschrift für Otto Sandrock zum 70. Geburtstag, s. dir. K.P. Berger et
al., Heidelberg, Recht und Wirtschaft, 2000, p. 179 et seq., spéc. p. 182.
(1443) B. GOLDMAN, « Frontières du droit et lex mercatoria » in APD, 1964, vol. 9, p. 177 et
seq.
(1444) P. LAGARDE, « Approche critique de la lex mercatoria », op. cit. n. 1131, p. 125.
(1445) En ce sens Ch.-A. MORAND, « Le droit saisi par la mondialisation : définition, enjeux
et transformations », op. cit. n. 1408, p. 98.
(1446) La métaphore est de G. ABI-SAAB, « Cours général de droit international public » in
Rec. Cours La Haye, 1987, vol. 207, p. 9 et seq., spéc. pp. 62 et 75.
(1447) J. BASEDOW, « The effects of globalization on private international law » in Legal As-
pects of Globalization, s. dir. J. Basedow and T. Kono, Londres, Kluwer, 2000, p. 1 et seq.
(1448) Dans ce sens, G. DE LA PRADELLE, « La justice privée » in L’émergence de la société ci-
vile internationale : vers la privatisation du droit international ?, s. dir. H. Gherari et S. Szurek,
Paris, Pedone, 2003, p. 125 et seq., spéc. p. 134.

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VALIDITÉ FORMELLE 467

des règles coutumières dans ce domaine (notamment sous l’impulsion de la


codification des Principes UNIDROIT (1449) et des travaux de recense-
ment de Klaus Peter Berger (1450)), semblent indiscutablement ré-
els (1451).
À notre sens, les problèmes principaux quant à la qualification de la lex
mercatoria en tant que système juridique tiennent, d’une part, au caractère
d’entité sociale de la societas mercatorum et, d’autre part, de l’existence d’ins-
titutions propres à cette entité sociale, autrement dit de la secondarité des
règles de ce groupe.
Il n’est pas aisé d’apporter une réponse circonstanciée à la première
question, étant donné que les limites de la societas mercatorum sont difficiles
à tracer, puisque l’appartenance ou non d’un acteur juridique à cette société
ne répond pas à des critères aussi nets que, par exemple, le domicile sur un
territoire donné ou la qualité de membre d’une fédération sportive. Cer-
tains auteurs, disciples de Goldman, affirment sans hésiter que « la lex mer-
catoria est un nouvel ordre juridique, qui se forme au sein d’une
communauté internationale d’hommes d’affaires et de commerçants suffi-
samment homogène et solidaire pour susciter la création de ces normes et
en assurer l’application » (1452). D’autres, tels que François Rigaux,
contestent la nature de système juridique unique à la lex mercatoria, en rai-
son de « la diversité des institutions qui en assument, dans des secteurs
particuliers, la régulation » (1453). Sans se plonger dans une vérification
empirique de la conjecture suivante, qui n’est pas nécessaire pour notre

(1449) Voir par exemple MARRELLA F., La nuova lex mercatoria. Principi UNIDROIT ed usi
dei contratti del commercio internazionale, Padoue, CEDAM, 2003.
(1450) Voir par exemple K.P. BERGER, The Creeping Codification of the Lex Mercatoria, La
Haye, Kluwer, 1999.
(1451) Dans le même sens, É. LOQUIN, « Où en est la lex mercatoria » in Souveraineté étatique
et marchés internationaux à la fin du 20e siècle : à propos de 30 ans de recherche du CREDIMI : mélanges
en l’honneur de Philippe Kahn, s. dir. C. Leben et al., Paris, Litec, 2000, p. 23 et seq., spéc. pp. 25–
26.
(1452) É. LOQUIN, L’amiable composition en droit comparé et international, Paris, Litec, 1980,
pp. 308–309.
(1453) F. RIGAUX, « Les situations juridiques individuelles dans un système de relativité géné-
rale », op. cit. n. 953, p. 69, rappelant de manière plus générale que « dans l’espace transnational se
laisse distinguer un nombre indéterminé d’ordres juridiques ayant chacun leurs sujets, leurs institu-
tions, leurs normes, leur secteur d’activité. Il suffit d’ailleurs de rappeler qu’un ordre juridique se
définit par ses institutions, pour que soit condamnée l’idée d’un système institutionnel unique qui
inclurait l’indéfinie diversité et le renouvellement perpétuel des ordres juridiques transnationaux. »

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468 RÉGULATION PAR LES ODR

propos et dépasserait largement le cadre de notre étude, nous retiendrons


simplement ici qu’il semble manquer à la lex mercatoria (plus encore qu’à la
lex sportiva) l’existence d’un « groupement distinct de la société globale »,
autrement dit d’une « unité collective réelle » disposant véritablement d’une
autonomie sociale, ce qui constitue un critère central de l’identification
d’un système juridique (1454). Il semble en effet plus raisonnable d’admet-
tre l’hypothèse d’une pluralité de « societates mercatorum partielles ou res-
treintes » (1455) regroupées en secteurs d’activité (1456) (par exemple « la
banque, l’assurance, les diamantaires, le commerce des matières premières,
les concessions pétrolières » (1457)) et donc d’une pluralité de leges
mercatoriae, si l’on entend ce concept au sens strict de système juridi-
que (1458).

(1454) Sur ces critères, voir B. — Critères d’identité d’un système juridique, p. 440 supra.
(1455) Les termes sont de Goldman, qui rejette l’idée de cette pluralité : B. GOLDMAN,
« Nouvelles réflexions sur la lex mercatoria » in Études de droit international en l’honneur de Pierre
Lalive, Bâle et Francfort-sur-le-Main, Helbing & Lichtenhahn, 1982, p. 241 et seq., p. 249.
Contra F. OSMAN, Les principes généraux de la lex mercatoria, op. cit. n. 1380, pp. 407–410, qui,
pour rejeter l’idée d’une pluralité de sociétés de marchands, considère que le corps social ne doit pas
être défini comme « un unité organique, un tout formant un corps physique. Tout comme l’idée de
Nation, il s’agit d’un être spirituel, et donc une abstraction » (nous soulignons). Notons toutefois
que si l’on retirait tout support concret à une nation, s’il ne lui existait plus de corps social physique,
on en viendrait à conclure à la fin de la présence d’une nation. C’est dire que si la notion est abs-
traite, elle renvoie à une réalité sociale que l’on ne peut ignorer.
(1456) En ce sens, P. LAGARDE, « Approche critique de la lex mercatoria », op. cit. n. 1131,
pp. 135–137, 139 : « il semble que ce soient seulement des îlots d’organisation qui apparaissent
dans le commerce international, non une organisation unique. On peut admettre que telle opéra-
tion du commerce international relève, sous réserve d’une vérification ponctuelle, de règles maté-
rielles issues de tel de ces îlots auquel ressortissent, de près ou de loin, les parties. Mais il paraît
difficile d’aller plus loin. Même si la pratique contractuelle devait en fournir quelques exemples, la
soumission globale d’un contrat à la lex mercatoria en général paraîtrait vide de sens, car elle pré-
supposerait l’existence d’un ordre juridique, donc d’une organisation sociale, que l’expérience ne
permet pas encore de constater. » Voir aussi A. KASSIS, Théorie générale des usages du commerce,
Paris, LGDJ, 1984, p. 396. Dans un sens très proche, voir F. RIGAUX, « Les situations juridiques
individuelles dans un système de relativité générale », op. cit. n. 953, p. 257, pour qui « inviter les
arbitres à statuer selon la lex mercatoria consiste, soit à leur permette une sélection discrétionnaire
des principes de droit applicables au contrat, soit à les inviter à recueillir des usages particuliers
propres au milieu professionnel des parties. »
(1457) F. RIGAUX, « Les situations juridiques individuelles dans un système de relativité géné-
rale », op. cit. n. 953, p. 256.
(1458) En ce sens, mais sans utiliser le terme leges mercatoriae, F. RIGAUX, « Les situations juri-
diques individuelles dans un système de relativité générale », op. cit. n. 953, p. 257 : « l’hypothèse
d’ordres juridiques transnationaux est acceptable mais elle est liée à l’originalité [sectorielle] de
chacun de ces systèmes » et É. LOQUIN, « Où en est la lex mercatoria », op. cit. n. 1451, p. 26 : « il

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VALIDITÉ FORMELLE 469

Quant au critère de la secondarité des règles du groupe, dont on a pu


dire qu’il s’agissait notamment du développement d’institutions formali-
sées, le défaut de la lex mercatoria en tant que système juridique – quand
bien même on accepterait l’hypothèse de l’unité de la societas mercatorum –
se situe principalement dans l’absence d’une institution d’élaboration légi-
slative clairement établie et formalisée (1459) : il suffit de rappeler que
nous sommes, avec la lex mercatoria, dans « l’hypothèse de règles trans-
nationales, que les partenaires des échanges économiques internationaux se
donne[nt] progressivement à eux-mêmes, notamment dans le cadre de
leurs organes professionnels, et que les arbitres, contractuellement désignés
pour résoudre leurs litiges, constatent, et par là même précisent, voire éla-
borent à leur intention » (1460). Nous en conclurons donc, en retenant
l’idée évoquée plus haut de la gradualité de l’existence d’un système juridi-
que, que la lex mercatoria est un corps de règles – ou une pluralité de corps
de règles – dont la caractérisation en tant que système(s) juridique(s) est
faiblement marquée (1461). En cela, on peut encore retenir qu’elle se rap-

nous paraît certain qu’il existe dans les relations commerciales internationales des ordres juridiques
anationaux complets propres à une branche du commerce », voir aussi ID., « La réalité des usages
du commerce international » in RIDE, 1989, p. 163 et seq. On trouvera une utilisation du terme
leges mercatoriae, sans toutefois qu’elles soient clairement identifiées comme autant de systèmes
juridiques, notamment chez G. HERRMANN, « The future of trade law unification » in Internatio-
nales Handelsrechts, 2001, vol. 1, p. 6 et seq., spéc. p. 11 et L. MISTELIS, « Is Harmonisation a
Necessary Evil ? The Future of Harmonisation and New Sources of International Trade Law » in
Foundations and Perspectives of International Trade Law, s. dir. I. Fletcher, L. Mistelis et M.
Cremona, Londres, Sweet & Maxwell, 2001, p. 3 et seq., spéc. p. 23.
(1459) Voir en ce sens É. LOQUIN, « Où en est la lex mercatoria », op. cit. n. 1451, pp. 26–27,
qui considère qu’il existe, au sein de la lex mercatoria, des systèmes juridiques que là où il existe « un
milieu fortement homogène de commerçants liés par des intérêts communs et organisés par des
institutions ayant les moyens d’imposer des normes et de les faire sanctionner le plus souvent par
l’intermédiaire d’un recours systématique à l’arbitrage », poursuivant avec l’exemple suivant : « la
filière d’un produit concerné est susceptible de constituer un ordre juridique complet lorsqu’elle est
fortement organisée par une association professionnelle […] » (nous soulignons).
(1460) B. GOLDMAN, « La lex mercatoria dans les contrats et l’arbitrage internationaux » in
JDI, 1979, p. 475 et seq.
(1461) Notons que c’est également ce qu’admettait le principal défenseur de la lex mercatoria :
B. GOLDMAN, « Nouvelles réflexions sur la lex mercatoria », op. cit. n. 1455, p. 249 : « cet ordre
juridique n’est pas, ou n’est pas encore complet ». Dans un sens proche, É. LOQUIN, « Où en est la
lex mercatoria », op. cit. n. 1451, p. 25 : « la lex mercatoria [forme] une collection de règles d’origine
variable rassemblées sur le seul fondement de leur adéquation aux besoins du commerce international »
(nous soulignons) et, plus radical, E. GAILLARD, « Trente ans de lex mercatoria. Pour une applica-
tion sélective de la méthode des principes généraux du droit » in JDI, 1995, p. 5 et seq., spéc. p. 22

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470 RÉGULATION PAR LES ODR

proche du droit international (public), auquel on attribue quelques fois un


statut affaibli de système juridique pour cette même raison de
« décentralisation normative » (1462).
La question de la qualification de la lex mercatoria en tant que système
juridique ou non ne demande en vérité pas forcément à être tranchée pour
notre étude. Nous l’avons essentiellement relevée afin de mettre en lumière
quelques questions qu’elle pose et les réponses qui purent y être apportées,
certaines de ces questions se retrouvant dans la problématique qui est réel-
lement la nôtre, à savoir l’idée d’une lex electronica ou alors d’une pluralité
de systèmes juridiques formés dans le cyberespace. C’est à cette probléma-
tique que nous nous attèlerons maintenant.

SOUS-SECTION III. — DE LA LEX ELECTRONICA


AUX SYSTÈMES JURIDIQUES DE PLACES DE MARCHÉ

Le but des développements précédents a été de nous armer conceptuel-


lement pour étudier la question de la formation de systèmes juridiques non
étatiques dans le cyberespace, plus spécifiquement en connexion avec les
mécanismes de résolution des litiges en ligne. À ce stade s’impose une
brève récapitulation des divers critères de la présence de tels systèmes ainsi
que de constats généraux concernant leur identité.
Nous avons abordé dans un premier temps diverses théories relatives à
l’identité d’un système juridique. Le premier constat qui a émergé de ces
théories, et qui correspond par ailleurs à l’acception générale de la juridicité

et seq., qui considère qu’il s’agit, avec la lex mercatoria, davantage d’une méthode de sélection (ou
de reconnaissance) des règles que d’une liste de règles.
(1462) Sur cette question, voir A. PELLET, « La lex mercatoria, ‘tiers ordre juridique’ ? Remar-
ques ingénues d’un internationaliste de droit public » in Souveraineté étatique et marchés internatio-
naux à la fin du 20e siècle : à propos de 30 ans de recherche du CREDIMI : mélanges en l’honneur de
Philippe Kahn, s. dir. C. Leben et al., Paris, Litec, 2000, p. 53 et seq., spéc. p. 59, qui indique
précisément que comme le droit international public, la lex mercatoria « est marquée par une forte
décentralisation normative ; elle émane des sujets mêmes auxquels elle s’applique et le droit
spontané, qui n’est pas formellement posé par leur volonté y joue un grand rôle » et, plus loin (p.
63) : « alors que, dans l’État, le pouvoir d’édicter des règles de droit est monopolisé par un (ou un
petit nombre de) législateur(s) spécialisé(s), dans la société internationale, il est diffus, partagé
entre des pouvoirs réputés également souverains dont la concordance de vues constitue le moyen le
plus commode et le plus fréquent de créer des normes. La même chose se passerait dans la société
internationale des marchands. »

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VALIDITÉ FORMELLE 471

retenue pour la présente étude (1463), est que cette identité est graduelle :
une entité normative donnée peut constituer plus ou moins un système
juridique. De ces théories se sont ensuite dégagés certains critères fondant
cette identité. En raison de la gradualité de la notion étudiée, ceux-ci sont
eux-mêmes graduels, leur importance est toujours relative et certains
d’entre eux sont interdépendants ou au moins s’inter-influencent. Ces cri-
tères sont tout d’abord la présence d’une entité sociale autonome – on parle
aussi de la condition de l’autonomie sociale. Ensuite, il importe de consta-
ter l’existence de pouvoirs législatif, juridictionnel et d’exécution propres à
cette entité. Puis, il sied de considérer l’autonomie organique, soit la non-
soumission, toujours relative rappellerons-nous pour insister, des trois pou-
voirs évoqués à des institutions externes au système étudié, et l’autonomie
organisationnelle, soit l’auto-organisation de la création et de l’application
des normes. Enfin, il convient d’étudier la secondarité des personnes et des
normes. En synthèse de ces différents critères, on dira que dès lors qu’un
groupe existe, des normes apparaissent. Avec leur apparition émerge un
pouvoir d’élaboration des normes, c’est-à-dire un pouvoir législatif. Cette
première phase est suivie de l’application de ces normes à des cas concrets,
traduisant le développement d’un pouvoir adjudicatif ou juridictionnel.
Enfin, avec l’inévitable refus de certains membres du groupe de se confor-
mer aux règles et principes ainsi élaborés et appliqués, c’est le pouvoir
d’exécution qui se développe. Dans certains cas, et nous touchons ici au
critère le plus spécifique à la juridicité, se produira un dédoublement des
normes et de certains membres du groupe : à côté des normes primaires de
comportement émergent des normes secondaires attribuant une ou plu-
sieurs compétences spécifiques (législative, juridictionnelle ou d’exécution)
à certains membres du groupe.
Nous avons ensuite, dans un second temps, étudié brièvement les phé-
nomènes de la lex sportiva et de lex mercatoria. On en retiendra quatre
constats principaux. Premièrement, il existe clairement des systèmes coer-
citifs reposant sur des formes de contrainte autre que le recours à la force
publique. Deuxièmement, on peut observer, d’un côté, des velléités de clô-
ture dans certains ordres juridiques et, de l’autre, l’importance particulière
de l’accès à divers appareils coercitifs pour la réalisation de ces velléités.

(1463) Voir Chapitre IX : Validité : l’efficacité juridique en trois temps, p. 305 et seq. supra.

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472 RÉGULATION PAR LES ODR

Troisièmement, les conflits internormatifs ne sont pas toujours, loin s’en


faut, résolus par un recours au juge étatique. Quatrièmement, la relevance
réciproque de différents systèmes juridiques, ainsi que leur dépendance
respective en ce qui concerne leur efficacité, conduit à l’existence de hiérar-
chies enchevêtrées. Cela signifie, notamment, qu’il peut y avoir une évolu-
tion des hiérarchies entre systèmes juridiques avec le temps et selon les
circonstances : tour à tour, l’un des systèmes se place en position de domi-
nance ou à tout le moins de supériorité par rapport à un autre, et ceci no-
tamment grâce à l’efficacité de son appareil coercitif. Ce dernier constat
place l’analyse des ordres juridiques dans un système de relativité générale.
Ces quatre constats, ainsi que les critères que nous venons de rappeler, nous
guideront dans la vérification de l’hypothèse de l’existence de systèmes
juridiques non étatiques dans le cyberespace.

A. — La lex electronica n’est pas un système juridique


« C’est une évidence qu’on ne rappellera jamais assez : les individus parties
à une relation internationale ou désireux d’en établir une », écrit Pierre
Lalive, « éprouvent un besoin de sécurité d’autant plus grand qu’ils ont en
général conscience de s’aventurer dans l’inconnu, en sortant de leur propre
ordre juridique » (1464). Cette problématique s’applique selon toute évi-
dence au cyberespace, où la très grande majorité des internautes ont préci-
sément le sentiment de quitter le droit qu’ils connaissent, en raison des
problèmes d’effectivité que rencontre le droit étatique et des difficultés de
localiser géographiquement les acteurs et les actions. Ce sentiment d’insé-
curité juridique, combiné à l’idée récurrente que les dysfonctionnements du
droit étatique révèlent une inadaptation fondamentale de ce type de
normativité, entraîne aisément un souhait de création d’un droit spécifique,
uniforme et transnational pour cet espace non territorial qu’est le cyber-

(1464) P. LALIVE, « Tendances et méthodes en droit international privé » in Rec. Cours La


Haye, 1977, vol. 155, p. 69.

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VALIDITÉ FORMELLE 473

espace (1465) : c’est en ce sens, essentiellement, que se conçoit la lex electro-


nica (1466).
Pour la plupart des auteurs, la lex electronica (ou numerica, informatica,
virtualis, voire networkia pour les anglophones) est ainsi au commerce
électronique ce que la lex mercatoria est au commerce international (1467).
Tout comme la lex mercatoria est perçue depuis longtemps comme le droit
transnational du commerce international, la lex electronica est aujourd’hui

(1465) Rappelons-nous que le concept de lex mercatoria avait à l’origine de sa renaissance été
pensé de la même manière, à savoir pour éviter les conflits de lois : voir la position de Schmittoff,
rapportée n. 1439 supra.
(1466) P. TRUDEL, « La lex electronica » in Le droit saisi par la mondialisation, s. dir. Ch.-A.
Morand, Bruxelles, Bruylant / Bruxelles, Éd. de l’Université de Bruxelles / Bâle, Helbing &
Lichtenhahn, 2001, p. 221 et seq., spéc. p. 231 : « dans le cyberespace, la capacité de contourner
les règles ou tout simplement de s’exclure de leur application demeure toujours disponible et paraît
plus aisée que pour les activités se déroulant sur le territoire d’un État. D’où la quête d’un corpus de
règles qui transcenderait le droit étatique. » Voir aussi J.-J. LAVENUE, « Cyberespace et droit
international : pour un nouveau jus communicationis » in RRJ, 1998, p. 811 et seq., l’auteur propo-
sant, pour faire face à ce sentiment d’insécurité juridique, un projet de « convention internationale
sur les principes régissant les activités dans le cyberespace » et B. FAUVARQUE-COSSON, « Le
droit international classique privé à l’épreuve des réseaux » in Le droit international de l’internet, s.
dir. G. Chatillon, Bruxelles, Bruylant, 2003, p. 55 et seq., spéc. p. 55 : « Conceptualisation, locali-
sation, réglementation caractérisent le droit international privé ; vélocité, ubiquité, liberté caracté-
risent les réseaux, et sans doute également notre temps. De là l’engouement pour des voies
nouvelles, de prime abord plus adaptées que celles proposées par la science des conflits de lois et de
juridictions ; de là le succès des cyberjuridictions, affranchies de tout lien territorial et libres
d’appliquer cette fameuse lex electronica, venant se substituer aux lois étatiques. À l’heure des auto-
routes de l’information, pourquoi s’égarerait-on encore sur les sentiers du droit international
privé ? »
(1467) Un tel parallèle est notamment défendu par P. TRUDEL et al., Droit du Cyberespace, op.
cit. n. 1003, p. 3/57–3/58, ID., « La lex electronica », op. cit. n. 1466, p. 235, V. GAUTRAIS, Le
contrat électronique international. Encadrement juridique, Bruxelles, Bruylant, 2002, p. 235 et seq.,
V. GAUTRAIS, G. LEFEVBRE et K. BENYEKHLEF, « Droit du commerce électronique et normes
applicables : l’émergence de la lex electronica » in RDAI, 1997, p. 547 et seq., spéc. p. 548, consi-
dérant que la lex electronica « copie » les développement de la lex mercatoria, A. MEFFORD, « Lex
Informatica : Foundations of law on the Internet » in Ind. J. Global Legal Studies, 1997, p. 211 et
seq., J. REIDENBERG, « Lex Informatica : The Formulation of Information Policy Rules Through
Technology », op. cit. n. 1043, pp. 553–554, T. HARDY, « The proper legal regime for ‘cyber-
space’ » in U. Pitt. L. Rev., 1994, vol. 55, p. 993 et seq., spéc. p. 1019, É. CAPRIOLI et R.
SORIEUL, « Le commerce international électronique : vers l’émergence de règles juridiques trans-
nationales » in JDI, 1997, p. 323 et seq., spéc. p. 330, les auteurs utilisant le terme lex mercatoria
numerica, L.E. TRAKMAN, « From the medieval law merchant to e-merchant law » in U. Toronto
L.J., 2003, vol. 53, p. 265 et seq. et C. KESSEDJIAN, Rapport de synthèse, in Internet : Quel tribu-
nal décide ? Quel droit s’applique ?, s. dir. K. Boele-Woelki et C. Kessedjian, La Haye, Kluwer,
1998, p. 143 et seq., spéc. p. 149, l’auteur évoquant la « néo lex mercatoria » et la « net lex ».

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474 RÉGULATION PAR LES ODR

brandie comme le « droit transnational des réseaux » (1468). Et tout


comme la lex mercatoria connaît une pluralité de significations, la lex elec-
tronica est aussi l’objet d’acceptions graduelles, définissant son champ
d’application matériel de manière plus ou moins large et lui conférant une
juridicité ainsi qu’une qualité de système juridique plus ou moins marquées.
On lui prête ainsi une nature allant, selon les auteurs, d’un simple en-
semble de règles purement techniques ayant trait à l’architecture du cyber-
espace (1469) à un réel système juridique en formation et doté
d’institutions en devenir (1470). Son champ matériel varie entre une limi-
tation aux modalités des communications du commerce électronique (par
opposition aux règles relatives à la substance des contrats conclus par voie
électronique) (1471), à une ouverture à l’ensemble des activités du cyber-

(1468) O. CACHARD, La régulation internationale du marché électronique, op. cit. n. 1038, p. 18,
relevant, avant de se défendre de ce courant, que « les propositions doctrinales convergent pour
reconnaître la juridicité d’un corps de règles et d’usages qui formerait le droit transnational des
réseaux ».
(1469) J. REIDENBERG, « Lex Informatica : The Formulation of Information Policy Rules
Through Technology », op. cit. n. 1043, pour qui il s’agit, avec la lex informatica, d’un système à la
juridicité incertaine de règles techniques adoptées notamment par des organismes de standardisa-
tion et exerçant leurs effets normatifs au travers de l’architecture du cyberespace : p. 555 : « the set
or rules for information flows imposed by technology and communication networks form a Lex
Informatica that policymakers must understand, consciously recognize, and encourage. »
(1470) Voir par exemple W.S. BYASSEE, « Jurisdiction of cyberspace : Applying real world
precedent to the virtual community » in Wake Forest L. Rev., 1996, vol. 30, p. 197 et seq., spéc.
p. 219–220 : « establishing self-government in cyberspace, or implementing some other means to
resolve the application of existing law to virtual communities, will occur only within established
political institutions » et T. HARDY, « The proper legal regime for ‘cyberspace’ », op. cit. n. 1467,
p. 1021 : « a ‘law cyberspace’ co-existing with existing laws would be an eminently practical and
efficient way of handling commerce in the networked world. » Ces deux auteurs voient la lex
electronica comme un véritable système juridique en formation, doté d’institutions ayant notam-
ment des compétences juridictionnelles (surtout chez Hardy, qui retient en ce sens les systèmes de
résolution des litiges en ligne) et législatives (surtout Byassee). Dans un sens proche, E.J.
VALAUSKAS, « Lex networkia : Understanding the Internet community » in First Monday, 1996,
vol. 1, no 4, <www.firstmonday.dk/issues/issue4/index.html>, qui appelle à la formalisation de la
production normative afin de donner davantage d’efficacité aux velléités de clôture de ce qu’il
conçoit comme un système juridique : « For the Internet and its diverse communities, the formali-
zation of its many regulations and rules into a Lex Network might be its best hope for survival in
the next century […] The Internet community already in a fashion has invented an informal Lex
Networkia. What is needed is a certain flexible formalization to slow the controlling lunatic fringes
in certain traditional governmental agencies around the world. » Voir aussi A. MEFFORD, « Lex
Informatica : Foundations of law on the Internet », op. cit. n. 1467, p. 229.
(1471) O. CACHARD, La régulation internationale du marché électronique, op. cit. n. 1038, p. 19 :
« la lex electronica concerne principalement les modalités des communications électroniques et leur

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VALIDITÉ FORMELLE 475

espace, qu’elles soient commerciales ou non (1472). La position la plus


couramment défendue dans la littérature récente consiste toutefois à voir en
la lex electronica un droit transnational composé exclusivement de règles
(primaires) de comportement applicables au commerce électronique inter-
national (1473).
Quant aux acteurs de sa formation, la plupart des défenseurs d’une lex
electronica fortement teintée de juridicité et ayant un caractère systémique
relativement marqué admettent aisément qu’il en existe un grand nombre.
Sont ainsi cités (1474) tout d’abord les commerçants et les consommateurs,
non seulement par les pratiques contractuelles qu’ils élaborent, mais aussi
par les codes de conduite auxquels ils souscrivent et les contrats-types qu’ils

portée juridique. Ainsi la question de la valeur juridique des écrits et des signatures électroniques
des parties relève de la lex electronica. Au contraire, la lex electronica ne devrait pas être entendu
comme un corps de règles relatif à la substance du contrat conclu par électronique. Comment
pourrait-il en aller autrement quand on sait que le marché électronique permet la mise en réseau
d’opérations relevant d’une pluralité de branches d’activités ? » Aussi É. CAPRIOLI, « Aperçus sur
le droit du commerce électronique (international) » in Souveraineté étatique et marchés internatio-
naux à la fin du 20e siècle : à propos de 30 ans de recherche du CREDIMI : mélanges en l’honneur de
Philippe Kahn, s. dir. C. Leben et al., Paris, Litec, 2000, p. 247 et seq., spéc., p. 253 : « parler de
l’émergence de règles juridiques transnationales du commerce électronique ne se discute plus […]
Le droit du commerce électronique se caractérise par le pluralisme de ses sources ; même s’il puise
ses sources dans le droit du commerce international, il s’en différencie néanmoins, spécialement
parce qu’il ne touche pas, en principe, aux transactions sous-jacentes et qu’il relève pour partie
exclusivement du droit interne. Il ne se confond avec aucun droit tant celui de la propriété intel-
lectuelle, de l’informatique ou celui des télécommunications, c’est un droit spécifique qui emprunte
des parcelles de son contenu à de multiples domaines juridiques. »
(1472) Voir par exemple P. TRUDEL, « La lex electronica », op. cit. n. 1466, p. 235, l’auteur rele-
vant que la notion de lex electronica « fait écho » à « l’émergence d’un droit a-national du cyber-
espace composé des divers usages et coutumes de la communauté ou des communautés existant
dans l’Internet » constituant (p. 221) « l’un des ensembles de règles de droit encadrant les activités
se déroulant dans l’espace virtuel résultant du raccordement des ordinateurs suivant les protocoles
Internet », rendant ainsi compte « des différents phénomènes normatifs encadrant les participants à
la communauté électronique comme celle se déroulant sur Internet ». Voir aussi A. MEFFORD,
« Lex Informatica : Foundations of law on the Internet », op. cit. n. 1467, p. 229.
(1473) V. GAUTRAIS, Le contrat électronique international., op. cit. n. 1467, p. 231 : pour qui la
lex electronica est « l’ensemble des normes juridiques informelles applicables dans le commerce
électronique international ». Une autre conception, proche de celle-ci, en restreint le champ
d’application aux seuls marchands, aux seuls commerçants professionnels : il s’agit de la lex merca-
toria numerica défendue notamment par É. CAPRIOLI et R. SORIEUL, « Le commerce internatio-
nal électronique : vers l’émergence de règles juridiques transnationales », op. cit. n. 1467, p. 330.
(1474) Sur tout ceci, P. TRUDEL, « La lex electronica », op. cit. n. 1466, pp. 236–259 et V.
GAUTRAIS, G. LEFEVBRE et K. BENYEKHLEF, « Droit du commerce électronique et normes
applicables : l’émergence de la lex electronica », op. cit. n. 1466, pp. 559–583.

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476 RÉGULATION PAR LES ODR

concluent. De manière plus générale, on mentionne (si l’on adopte une


conception large de la lex electronica) l’ensemble des internautes, en tant que
représentants de la « société civile » du cyberespace, en raison des usages et
coutumes qu’ils développent. Viennent ensuite les États, dont la contribu-
tion normative s’articule selon les conventions internationales, les lois na-
tionales et les recommandations qu’ils adoptent. En raison de la spécificité
du cyberespace en tant que contexte de la normativité, on relève également
tous les artisans de l’architecture du cyberespace, c’est-à-dire toutes les
personnes capables de créer des contraintes techniques, comme les instan-
ces de standardisation, les fournisseurs d’accès et de services sur Internet,
les producteurs de logiciels et d’équipements informatiques, dont la contri-
bution normative se situe dans la normalisation technique qu’ils apportent.
Enfin, on évoque quelques fois les « structures adjudicatives du cyber-
espace » ou les « instances arbitrales spécialisées en matière de commerce
électronique », c’est-à-dire essentiellement les institutions d’arbitrage en
ligne, contribuant à la lex electronica par le développement jurisprudentiel
des usages et des pratiques commerciales propres au cyberespace (1475). À
ce stade déjà, la qualification de système juridique d’une telle constellation
hétérogène et apparemment hétérarchique (c’est-à-dire sans hiérarchie) de
normativités apparaît intuitivement douteuse.
À notre sens, non seulement la lex electronica ne constitue pas actuel-
lement un système juridique, mais elle s’éloigne même, avec le temps, de la
possibilité de cette qualification. Tout d’abord, l’analogie avec la lex merca-

(1475) Sur ce dernier point, voir A.E. ALMAGUER et R.W. BAGGOTT, « Shaping New Legal
Frontiers : Dispute Resolution for the Internet » in Ohio St. J. on Disp. Resol., 1998, vol. 13, p. 711
et seq., spéc. P. 717, sous titre « Un mécanisme d’ADR peut être fondé sur, et contribuer au déve-
loppement naturel des coutumes d’Internet » : « Internet a ses propres coutumes et usages qui
doivent déterminer de la formation de la résolution des litiges dans le cyberespace. Si les usages du
cyberespace sont le fondement des décisions des mécanismes de résolution des litiges propres à la
communauté du cyberespace, nous aurons des décisions de règlement des différends que la com-
munauté du cyberespace se prête à considérer comme juste » et considérant plus loin, p. 748, que la
mise en œuvre généralisée des ODR contribuera à une « évolution naturelle du droit coutumier du
cyberespace » (trad. par l’auteur), et V. GAUTRAIS, G. LEFEVBRE et K. BENYEKHLEF, « Droit du
commerce électronique et normes applicables : l’émergence de la lex electronica », op. cit. n. 1466,
p. 564 : « il apparaît que l’idée de départ [du Virtual Magistrate, l’un des premiers centre d’arbitrage
en ligne] est de susciter, de par ses faibles coûts, l’engouement des usagers et de créer ainsi une
pratique portant tant sur le contenu décisionnel que sur la procédure à suivre », les auteurs consta-
tant plus loin à regret que « le Virtual Magistrate ne peut constituer dans ce secteur d’activité le
catalyseur d’usages que l’on pouvait attendre de lui ».

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VALIDITÉ FORMELLE 477

toria, au lieu d’argumenter en faveur de la qualification de système juridi-


que de la lex electronica, fait ressortir, avec davantage même de vigueur, les
mêmes constats qui nous avaient poussé à conclure que la lex mercatoria
n’est pas un système juridique. Ainsi, la lex electronica est en défaut de four-
nir les éléments d’unité du groupe social (et en conséquence d’autonomie
sociale), de secondarité des normes et des institutions, et de compétences
législatives, juridictionnelles et d’exécution. Or, ces éléments comptent
parmi les principaux critères permettant de conclure à la présence d’un
système juridique.
En ce qui concerne l’unité du groupe et son autonomie sociale, comme
nous avons pu l’observer plus haut (1476), il convient d’observer une dis-
tinction importante entre les internautes des premières heures d’Internet et
ceux d’aujourd’hui. Aux origines d’Internet, il était sans doute possible de
conclure à l’existence d’une communauté globale du cyberespace réunissant
la quasi-totalité des utilisateurs d’Internet ; on pouvait identifier un groupe
social qui se concevait comme autonome, perdurant hors du monde maté-
riel – comme le revendiquait par exemple John Perry Barlow dans sa flam-
boyante Déclaration d’indépendance du cyberespace (1477). De nos jours en
revanche, tout un chacun est internaute, et de plus en plus rares sont ceux
qui ne sont pas cyberconsommateurs. Il s’ensuit que les acteurs des diverses
activités véhiculées par le cyberespace ne forment pas une entité sociale, un
« groupement distinct de la société globale », une « unité collective réelle »
disposant véritablement d’une autonomie sociale. Le même phénomène
que nous avons pu relever en ce qui concerne les acteurs du commerce in-
ternational dans le contexte de la lex mercatoria se retrouve donc ici, et ce de

(1476) Voir Sous-section I. — Des réseaux choisis de sociabilité, p. 212 et seq. supra.
(1477) J.P. BARLOW, « Déclaration d’indépendance du Cyberespace », Davos, 8 février 1996,
s’adressant aux « Gouvernements du Monde Industrialisé » : « Le Cyberespace ne se trouve pas à
l’intérieur de vos frontières. Ne pensez pas que vous pourrez le construire comme un projet de
travaux publics. Vous ne le pouvez pas. C’est une création de la nature, qui croît d’elle-même, au
travers de nos actions collectives. Vous n’avez pas pris part à notre grande et fraternelle conversa-
tion, vous n’avez pas créé les richesses de nos places de marché. Vous ne connaissez pas notre
culture, notre éthique, les règles non écrites qui confèrent à notre société plus d’ordre que l’on n’en
obtiendra jamais d’aucune de vos règles imposées. » En ce sens aussi : D.R. JOHNSON et D.G.
POST, « Law and Borders – The Rise of Law in Cyberspace » in Stan. L. Rev. 1996, vol. 48,
p. 1367 et seq., spéc. p. 1387, évoquant la « communauté du Net » et « des citoyens du cyber-
espace ». Pour une affirmation du caractère réaliste de cette position pendant les premières années
d’Internet : M. CASTELLS, La galaxie Internet, trad. P. Chemla, Paris, Fayard, 2001, p. 150.

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478 RÉGULATION PAR LES ODR

manière d’autant plus marquée que l’objet d’étude concerne, au-delà des
seuls commerçants professionnels concernés par la lex mercatoria, tous les
individus susceptibles de se connecter à Internet ou d’y conclure des trans-
actions, selon la conception de la lex electronica que l’on retient. En effet,
même si l’on conçoit celle-ci de manière restreinte, ne s’appliquant qu’aux
activités commerciales du cyberespace (c’est-à-dire le commerce électroni-
que), on ne saurait voir un réel groupe social dans l’ensemble des mar-
chands et des consommateurs, des fournisseurs de services et de leurs
clients (1478). C’est donc la croissante diversification des acteurs et des
activités du cyberespace, dont le seul point commun demeure le fait que les
communications se font par électronique, qui nous empêche de défendre
raisonnablement l’hypothèse d’une communauté globale du cyberespace de
nos jours (1479). Partant, on ne saurait guère concevoir un système juridi-
que unique couvrant tout le cyberespace, ni même, de manière plus res-
treinte, tout le marché électronique.
Si cet argument ne suffisait pas à convaincre de l’inexistence d’un sys-
tème juridique global, couvrant tout le cyberespace, on relèvera également
que le critère de la secondarité des institutions et des normes n’est pas rem-
pli (1480). Même si l’on admettait, avec les auteurs les plus enthousiastes à
l’égard de la lex electronica, qu’il existe dans le cyberespace un certain nom-
bre de règles de comportement, formées pour l’essentiel par les pratiques
contractuelles, les usages, les standards techniques, les recommandations et

(1478) O. CACHARD, La régulation internationale du marché électronique, op. cit. n. 1038,


p. 261 : « la réception de la notion de communauté est […] délicate en droit, quand il s’agit
d’évoquer la ‘communauté du commerce électronique’. Ce terme imprécis ne peut en aucun cas
désigner de façon générique la société des marchands se livrant au commerce électronique
puisqu’ils sont trop nombreux pour constituer un milieu homogène » et, p. 19, « cette absence
d’uniformité et de cohésion entre les membres du marché électronique devrait freiner l’émergence
des usages » ainsi que, p. 20, « le présupposé qui fait du cyberespace un espace autonome ou une
communauté unitaire produit une vision simpliste de la réalité ».
(1479) A.L. SHAPIRO, « The Disappearance of Cyberspace and the Rise of Code » in Seton
Hall Const. L.J., 1998, vol. 8, p. 703 et seq., spéc. p. 710.
(1480) Dans un sens proche, B. COTTIER, « From Internet Gaming Law to Cyberspace Law »
in Cross-Border Gambling Law on the Internet, Zurich, Bâle, Genève, Schulthess, 2004, p. 407 et
seq., spéc. p. 409, qui écrit, à propos de la lex electronica, que « the partisans of this lex mercatoria of
modern times were hard pressed to define the content of these specific rules. They were even less
able to specify who, within the Internet community, would be competent to adopt them. »

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VALIDITÉ FORMELLE 479

les codes de conduite (1481), on serait bien en mal d’identifier des règles
conférant à certains personnes du groupe un statut leur permettant de dé-
terminer quelles sont les règles de comportements applicables (normes et
pouvoir de reconnaissance), de les amender pour les adapter à l’évolution
sociale (normes et pouvoir de changement) et les appliquer à des cas
concrets (normes et pouvoir d’application). Le fait que les règles de com-
portement évoquées soient formées sur la base de sources informelles ré-
vèle, justement, que les producteurs de ces règles n’ont pas de statut
particulier au sein du groupe ; si l’on admet que ces producteurs de règles
sont des institutions de normalisation, le caractère informel de leur pro-
duction indique qu’il n’y a pas eu de secondarisation des institutions. Cette
absence de secondarisation montre que les normes sociales que constituent
ces règles informelles ne sont pas devenues ces normes sociales qualifiées
que sont les normes juridiques. Ainsi, quand bien même on admettrait qu’il
existe une entité ou un groupe social du cyberespace, il faut conclure que ce
groupe ne s’est pas subdivisé en gouvernants et gouvernés. En conséquence,
le caractère de secondarité des normes et des institutions, qui caractérise un
système juridique, fait défaut.
Ce problème de secondarité se traduit également par l’absence des com-
pétences législative, juridictionnelle et d’exécution. Il existe, comme nous
avons pu le relever plus haut, une multitude d’acteurs et de sources de la
normativité dans le cyberespace. Mais il n’existe pas d’institution unique
dont on reconnaîtrait qu’elle dispose d’une compétence législative pour
toutes les activités véhiculées par le cyberespace, ni même pour toutes les
activités commerciales qui s’y déroulent. Il y a des mécanismes de résolu-
tion des litiges en ligne propres à certaines activités en ligne. Mais on ne
saurait y voir la juridiction ordinaire ni des activités du cyberespace en gé-
néral ni des transactions commerciales électroniques en particulier. Il est,
comme nous avons pu le relever au chapitre précédent, des institutions
ayant compétence pour mettre en œuvre les normes issues de la multitude
de sources de normativité et exécuter les résultats des procédures ODR, en
recourant à des formes de contrainte qui peuvent être sociale, économique

(1481) V. GAUTRAIS, Le contrat électronique international., op. cit. n. 1467, pp. 271–288, V.
GAUTRAIS, G. LEFEVBRE et K. BENYEKHLEF, « Droit du commerce électronique et normes
applicables : l’émergence de la lex electronica », op. cit. n. 1466, p. 554 et seq., et P. TRUDEL, « La
lex electronica », op. cit. n. 1466, pp. 236–259.

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480 RÉGULATION PAR LES ODR

ou architecturale. Mais aucune de ces institutions n’a de compétence glo-


bale s’étendant à l’ensemble des activités ou seulement aux activités com-
merciales du cyberespace. On constate ainsi qu’il existe certes des
institutions ayant ces compétences, mais qu’elles ne sont pas globales. C’est
précisément cela qui nous amènera à poser l’hypothèse de systèmes juridi-
ques sectoriels au sein du cyberespace, propres à certaines « parties » du
cyberespace, dont nous expliciterons les délimitations.
S’il faut ainsi nier à la lex electronica sa qualité de système juridique,
d’autres acceptions de la notion ne sont toutefois pas sans pertinence. Tout
d’abord, elle peut être considérée, écrit Pierre Trudel, comme un « vecteur
heuristique afin de situer et comprendre la normativité d’Internet et du
coup contribuer à la construction de concepts et paradigmes propres à
l’appréhension du droit dans le cadre virtuel qui est celui du cyber-
espace » (1482). La notion peut également être utilisée, comme nous
l’avons noté à propos de la lex sportiva, pour désigner une discipline juridi-
que (1483), renvoyant de la sorte au « droit du cyberespace » comme on
parle du « droit de l’environnement » (1484), du « droit maritime » (1485),
ou encore du « droit de l’espace extra-atmosphérique ». On constatera fi-
nalement, tout comme pour la lex sportiva, que la notion peut être utilisée

(1482) P. TRUDEL, « La lex electronica », op. cit. n. 1466, p. 259. Nous avons déjà eu l’occasion,
dans Th. SCHULTZ, « Online dispute resolution (ODR) : résolution des litiges et ius numeri-
cum », op. cit. n. 978, d’avancer la notion d’un « ius » numericum, plus que d’une « lex » numerica,
entendant établir par là un parallèle avec le ius commune médiéval, en ce sens que ce dernier cons-
titue « un cadre de pensée, une méthode de raisonnement, de nature à maîtriser la complexité des
différentes sources de droit faisant autorité » : A. WIJFFELS, « Ius commune européen », communi-
cation au 3ème Séminaire Erasmus de théorie du droit (Bruxelles, 16 mars 1991), cité dans F. OST,
« La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme : amorce d’un nouveau ius com-
mune ? » in Le droit commun de l’Europe et l’avenir de l’enseignement juridique, s. dir. B. de Witte et
C. Forder, Deventer, Kluwer, 1992, p. 683 et seq., spéc. p. 684.
(1483) Dans un sens proche, mais sans utiliser le terme lex electronica, B. COTTIER, « From In-
ternet Gaming Law to Cyberspace Law », op. cit. n. 1480, p. 409 : « cyberspace law will continue
to remain a fragmented area of the law, made of different and uncoordinated rules dealing with
certain aspects of the Internet, some embodied in criminal statutes or civil codes, others in data
protection laws or telecommunication laws, still others in intellectual property laws or even broad-
casting laws. »
(1484) Pour une comparaison entre droit de l’environnement et droit du cyberespace, voir par
exemple R.S. ZEMBEK, « Jurisdiction and the Internet : Fundamental Fairness in the Networked
World of Cyberspace » in Alb. L.J. Sci. & Tech., 1996, vol. 6, p. 339 et seq., spéc. pp. 376–380.
(1485) Pour une comparaison entre droit maritime et droit du cyberespace : M.R. BURNSTEIN,
« Conflicts on the Net : Choice of Law in Transnational Cyberspace » in Vand. J. Transnat’l L.,
1996, vol. 29, p. 75 et seq., spéc. p. 90 et seq.

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VALIDITÉ FORMELLE 481

tant de manière vindicative par les tenants des velléités d’indépendance du


cyberespace qu’à la manière d’un désaveu par ceux qui entendent arracher la
lex electronica aux modes de régulation non étatiques (1486).

B. — Un système juridique pour les noms de domaine :


l’ICANN et l’UDRP
La procédure de règlement de litiges concernant l’attribution de noms de
domaine mise en place par l’ICANN, la célèbre Uniform Domain Name
Dispute Resolution Policy (UDRP), soulève depuis sa mise en œuvre en 1999
d’importantes vagues de critiques, tout particulièrement aux États-Unis. Si
les diatribes les plus virulentes, basées sur des analyses statistiques élabo-
rées (1487), concernent un manque important d’impartialité, un traitement
inégalitaire favorisant systématiquement les titulaires de marques au détri-
ment des titulaires de noms de domaine, d’autres auteurs dénoncent la
formation d’un nouveau régime juridique au travers du corpus des décisions
UDRP (1488). Ce régime juridique conférerait aux titulaires de marques

(1486) Sur ceci B. FAUVARQUE-COSSON, « Le droit international privé classique à l’épreuve


des réseaux », op. cit. n. 1466, constatant par exemple, à l’égard de la lex electronica, p. 60, « la part
de fantasme qu’implique l’idée d’un droit mondial uniforme de l’internet, rattaché à un ordre
juridique international ou a-national ».
(1487) Sur les dérives éthiques en matière de noms de domaine qu’engendre l’effet combiné de
la difficulté économique d’avoir recours à d’autres types de mécanismes de résolution des litiges, la
libre compétition entre les organes de règlement des différends opérant sous l’égide de l’ICANN,
et le fait que seul le demandeur (titulaire du droit de marque) choisisse l’organe qui tranchera le
litige (en d’autres termes, la possibilité explicite et reconnue pour le demandeur de faire du forum
shopping) : M. GEIST, « Fair.com ? : An Examination of the Allegations of Systemic Unfairness in
the ICANN UDRP » in Brooklyn J. Int’l L., 2002, vol. 27, p. 903 et seq. Voir aussi M. MUELLER,
« Rough Justice : An Analysis of ICANN’s Dispute Resolution Policy », novembre 2000, <dcc.-
syr.edu/miscarticles/roughjustice.pdf>, dont l’analyse statistique révèle que quand une décision est
rendue par défaut (ce qui est le cas dans 34 pour cent des affaires), 98 pour cent des décisions sont
favorables au demandeur, contre 51 pour cent seulement en cas de procédure contradictoire.
(1488) Notamment C. CARON, « Brefs propos sur l’émergence des usages de l’internet dans
l’environnement international » in L’Internet et le droit. Droit français, européen et comparé de
l’internet, Paris, Légipresse, 2001, p. 429 et seq., l’auteur évoquant l’émergence d’usages relatifs aux
noms de domaine dans le cyberespace, L. BOCHURBERG, Internet et commerce électronique : site
web, contrats, responsabilités, contentieux, 2ème éd., Paris, Delmas–Dalloz, 2001, p. 49, qui considère
que ce corpus forme la pointe de l’iceberg de la « lex mercatoria du réseau des réseaux » ou encore
le vecteur créatif d’« un ensemble de normes internationales fondées sur des principes internatio-
naux », T.H. WEBSTER, « Domain Name Proceedings and International Dispute Resolution » in
BLI, 2001, p. 215 et seq., spéc. p. 236 : « the UDRP decisions tend to refer mainly to other UDRP
decisions […] Therefore, there is a body of transnational soft-law that is building up in which
panelists from various nationalities readily rely on decisions from panelists based elsewhere » et

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482 RÉGULATION PAR LES ODR

une protection qu’ils n’auraient pas selon les diverses réglementations tou-
chant aux droits de la propriété intellectuelle (1489). Ce qui nous intéresse
à ce stade de l’analyse n’est pas tant la réalité de la surprotection des titu-
laires de droits de la propriété intellectuelle (1490) – qui semble être une
problématique généralisée dans le cyberespace (1491) – que l’hypothèse de
l’émergence d’un système juridique spécifique à l’ICANN et à l’UDRP.
Un bref rappel du fonctionnement du système mis en place par
l’ICANN s’impose. Nous nous tournerons ensuite vers l’examen des divers
critères qui nous permettrons de conclure à la présence d’un système juridi-
que spécifique, dont nous relèverons au surplus qu’il dispose de forts élé-
ments de clôture par rapport aux systèmes juridiques étatiques.

G.B. DINWOODIE, « A New Copyright Order : Why National Courts Should Create Global
Norms » in U. Pa. L. Rev., 2000, vol. 149, p. 469 et seq., spéc. pp. 524–525.
(1489) Voir par exemple A. CRUQUENAIRE, Le règlement extrajudiciaire des litiges relatifs aux
noms de domaine. Analyse de la procédure UDRP, Bruxelles, Bruylant, 2002, p. 193 et seq., l’auteur
concluant notamment que, d’un côté, « de nombreuses décisions s’appuient sur une motivation
lacunaire, voire incorrecte » et « une partie importante de la jurisprudence UDRP montre [une]
tendance à alléger la charge de la preuve […] Les panels se contentent souvent de vagues pré-
somptions », favorisant de la sorte les titulaires de droits de marque, et, de l’autre côté, « le champ
d’application de la procédure UDRP a été sensiblement étendu par un jurisprudence abondante,
qui afin de pouvoir sanctionner un maximum de cas d’enregistrements abusifs, ignore les limites
posées par les principes directeurs UDRP », ce qui a été opéré notamment en appliquant à l’échelle
mondiale la « notion très souple de common law trademark […] alors que la procédure est censée
reposer sur une assise internationale commune (le droit des marques tel que nous l’entendons
traditionnellement en droit continental, c’est-à-dire reposant sur un acte de dépôt). » K.
BLACKMAN, « The Uniform Domain Name Dispute Resolution Policy : A Cheaper Way to
Hijack Domain Names and Suppress Critics » in Harv. J.L. & Tech., 2001, vol. 15, p. 211 et seq.,
spéc. pp. 233–236, l’auteur analysant une série de décisions traduisant une interprétation extrê-
mement souple de l’UDRP et conduisant à une « recapture illicite de nom de domaine ». M.
MUELLER, Ruling the Root : Internet Governance and the Taming of Cyberspace, Cambridge (Mass.),
MIT Press, 2002, p. 231. Voir aussi Ph. GILLIÉRON, La procédure de résolution en ligne des conflits
relatifs aux noms de domaine, Lausanne, Cedidac, 2002, p. 51 : « les conditions d’application de la
UDRP ne se recoupent pas avec celles qui existent notamment en droit des marques ; à ce titre, on
peut estimer qu’elle constitue une source de droit autonome »
(1490) En ce qui concerne l’ICANN, cette question sera traitée infra, sous Section II. — Où
va la régulation par la résolution des litiges en ligne ? Questions axiologiques, p. 512 et seq.
(1491) Voir Sous-section IV. — Protection des détenteurs de biens informationnels, p. 50 et
seq. supra et, de manière générale, L. LESSIG, The future of ideas : The fate of the commons in a
connected world, New York, Vintage Books, 2002 et ID., Free Culture : How Big Media Uses Tech-
nology and the Law to Lock Down Creativity, New York, Penguin Press, 2004.

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VALIDITÉ FORMELLE 483

Tout d’abord, rappelons que tous les titulaires de noms de domaine gé-
nériques ou internationaux (1492) ainsi que les titulaires de certains noms
de domaine nationaux d’importance mineure (1493) sont contraints d’ad-
hérer à une clause prévoyant la compétence des quatre organes de résolu-
tion des litiges accrédités par l’ICANN et appliquant l’UDRP (1494). Une
telle clause est en effet obligatoirement incorporée dans le contrat d’enre-
gistrement d’un nom de domaine auprès d’une unité d’enregistrement (ou
opérateur de registre) (1495). L’incorporation de cette clause dans les
contrats d’enregistrement est imposée aux opérateurs de registre par
l’ICANN ; elle constitue l’une des conditions à l’accréditation de ces
derniers par l’ICANN. Cette accréditation, quant à elle, est nécessaire pour
accéder au « root », le cœur du réseau, la base de données (contrôlée par
l’ICANN) qui convertit les noms de domaine en adresses IP (1496). Cette

(1492) C’est-à-dire les noms de domaine en <.com>, <.org>, <.net>, <.biz>, <.info>, <.name>,
<.aero>, <.coop>, <.museum> et <.pro>. Sur le champ d’application de l’UDRP, voir par exemple le
site web du Centre d’Arbitrage et de Médiation de l’OMPI : <arbiter.wipo.int/domains/index-fr.-
html>.
(1493) Au début de l’année 2004, la répartition mondiale de tous les noms de domaine suivait
les pourcentages suivants : <.com> : 44%, <.net> : 8%, <.org> : 5%, <.info> : 2%, <.biz> : 2%, pour
les noms de domaine internationaux, et <.de> : 12%, <.uk> : 8% et tous les 238 autres noms de
domaine nationaux additionnés : 19%. Les noms de domaine internationaux constituent la majo-
rité des noms dans la plupart des pays, mis à part quelques exceptions, telles que l’Allemagne, où
90% des noms de domaine sont nationaux (c’est-à-dire en <.de>) : « The VeriSign Domain Re-
port » in The Domain Name Industry Brief, 2004, vol. 1, no 1, <www.verisign.com/static/002690.-
pdf>.
(1494) Voir Sous-section II. — Accès à Internet, spamming, noms de domaine et
certification, p. 330 et seq. supra.
(1495) L’UDRP prévoit ainsi, art. 1 des principes directeurs, qu’« incorporés par renvoi dans
[le] contrat d’enregistrement, [les principes directeurs] énoncent les clauses et conditions applica-
bles à l’occasion d’un litige entre vous et toute partie autre que nous-mêmes (l’unité
d’enregistrement) au sujet de l’enregistrement et de l’utilisation d’un nom de domaine de l’Internet
enregistré par vous ». Pour un exemple d’une telle clause, voir le contrat type d’enregistrement
auprès de Gandi, l’une des principales unités d’enregistrement françaises : article VII al. 6 :
« Conformément aux obligations souscrites par Gandi auprès de l’ICANN, le Client reconnaît et
accepte que son enregistrement de Nom de Domaine est sujet à suspension, annulation ou trans-
fert suivant toute règle adoptée par l’ICANN » et article VIII al. 4 : « Le Client reconnaît avoir lu
et compris et s’engager à respecter la charte de résolution des conflits de l’ICANN (‘Uniform
Domain Name Dispute Resolution Policy’ – UDRP) » : <www.gandi.net/contract.fr.txt>.
(1496) A.M. FROOMKIN, « Wrong Turn in Cyberspace : Using ICANN to Route Around the
APA and the Constitution », op. cit. n. 995, p. 49 : « une utilisation plus subtile, mais déjà large-
ment répandue, du cœur du réseau [root authority] consiste à fixer contractuellement des conditions
d’accès. L’ICANN a ainsi imposé un grand nombre de conditions aux opérateurs de registre […]
que ces derniers n’ont d’autres choix que d’accepter » (trad. par l’auteur). Voir aussi M. MUELLER,

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484 RÉGULATION PAR LES ODR

conversion, finalement, constitue une condition indispensable à la présence


d’un site web sur Internet et à l’acheminement des courriers électroniques
qui y sont rattachés (1497). En conséquence, il est en principe impossible
d’être le titulaire d’un nom de domaine ayant l’un des suffixes mentionnés
sans être soumis à la compétence d’un organe de résolution appliquant
l’UDRP (1498).
Mentionnons ensuite le fait que les règles applicables au fond lors d’une
telle procédure ont pour l’essentiel été édictées par l’ICANN (1499), qui
dispose ainsi d’une importante compétence législative (1500). Ce sont ainsi
les trois conditions ancrées à l’art. 4 lit. a des Principes directeurs UDRP
qui sont déterminantes quant au fond du litige (à savoir l’identité ou la
similarité du nom de domaine litigieux et de la marque du demandeur,
l’absence d’intérêt légitime du titulaire du nom de domaine et l’enregis-

Ruling the root, op. cit. n. 1489, p. 13 et seq., sous titre « The Root as Resource ». Il faut par ailleurs
souligner que le système de nommage (ou Domain Name System - DNS), c’est-à-dire le système
d’allocation et de correspondance des adresses IP et des noms de domaine, est tout à fait centralisé,
au contraire de la nature globalement décentralisée du cyberespace. Voir par exemple P.
MOUNIER, « L’ICANN : Internet à l’épreuve de la démocratie » in Mouvement, 2001, vol. 18,
p. 100 et seq., spéc. p. 105 : l’auteur concluant qu’« en quelques années, l’ICANN s’est imposé au
centre d’un réseau censé en être dépourvu. » De cette centralité découlent d’ailleurs des allégations
selon lesquels l’ICANN serait dans une situation monopolistique qui devrait être soumise au droit
de la concurrence : A.M. FROOMKIN et M.A. LEMLEY, « ICANN and Antitrust » in U. Ill. L.
Rev., 2003, p. 1 et seq. et L. BLUE, « Internet and Domain Name Governance : Antitrust Litiga-
tion and ICANN » in Berkeley Tech. L.J., 2004, vol. 19, p. 387 et seq.
(1497) Voir Sous-section II. — Accès à Internet, spamming, noms de domaine et
certification, p. 330 et seq. supra.
(1498) Notons que cette clause est dite « unilatérale », en ce sens qu’elle lie le titulaire du nom
de domaine mais non le titulaire d’éventuelles marques correspondantes : le demandeur, c’est-à-
dire le titulaire d’une marque, est libre d’engager une procédure ICANN (devant l’une des quatre
institutions accréditées au choix) ou toute autre procédure, tandis que le défendeur, c’est-à-dire le
titulaire du nom de domaine, est contractuellement tenu de se soumettre à la procédure ICANN,
si c’est celle qui est engagée. L’art. 4 lit. d principes directeurs UDRP dispose ainsi que « le requé-
rant choisit l’institution de règlement parmi celles qui sont agréées par l’ICANN en soumettant sa
plainte à cette institution de règlement. L’institution de règlement choisie administre la procé-
dure. »
(1499) A.M. FROOMKIN, « Wrong Turn in Cyberspace : Using ICANN to Route Around the
APA and the Constitution », op. cit. n. 995, p. 96 et seq., l’auteur analysant par ailleurs les diverses
questions de constitutionalité que cette compétence législative posent à l’égard du droit américain.
(1500) En ce sens, voir par exemple T. FRANKEL, « The managing lawmaker in cyberspace : a
power model » in Brooklyn J. Int’l L., 2002, vol. 27, p. 859 et seq., spéc. p. 860 : « ICANN estab-
lishes some of the Internet’s constitutive rules that facilitate universal connectivity. It has used its
power to determine the process under which new top-level domain names (TLDs) are allocated.
To this extent it is a lawmaker. »

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VALIDITÉ FORMELLE 485

trement et l’utilisation de mauvaise foi du nom de domaine litigieux). S’il


est vrai que l’art. 15 lit. a des Règles d’application UDRP prévoit que le
panel statue conformément « aux principes directeurs, aux présentes règles
et à tout principe ou règle de droit qu’[il] juge applicable », il n’en demeure pas
moins qu’en pratique les Principes directeurs, les Règles d’applications et
les précédents d’autres panels semblent constituer les sources normatives
dominantes (1501).
Notons finalement qu’une décision d’un panel de l’un des organes accré-
dités par l’ICANN d’annuler ou de transférer un nom de domaine est exé-
cutée par l’opérateur de registre du nom de domaine concerné.
Concrètement, l’opérateur modifie dans la banque de données l’association
entre le nom de domaine en question et l’adresse IP de la partie mise en
cause. Il renvoie ainsi les internautes vers cette nouvelle adresse IP et ôte
par ce fait la présence sur le web du site correspondant à l’ancienne adresse
IP (1502). L’opérateur de registre est quant à lui tenu de procéder à cette
exécution par les termes du contrat qui le lie à l’ICANN. L’exécution de
cette décision rendue en application des règles UDRP n’est soumise qu’à la
condition que le titulaire du nom de domaine en question n’ait pas fourni la
preuve de l’introduction d’une procédure judiciaire dans un délai de dix
jours ouvrables à compter de la notification de la décision du panel (1503).

(1501) Voir D. WOTHERSPOON et A. CAMERON, « Reducing inconsistency in UDRP cases »


in Canadian J. L. & Tech., 2003, 2, p. 71 et seq., spéc. pp. 72–75 et Ph. GILLIÉRON, La procédure
de résolution en ligne des conflits relatifs aux noms de domaine, op. cit. n. 1489, pp. 49–51 : « force est
quoi qu’il en soit de constater que la référence à un droit donné est de plus en plus rare, et que la
UDRP se transforme de plus en plus en une voie de droit autonome, affranchie de tout lien avec la
jurisprudence de quelque pays que ce soit. » Voir aussi T.H. WEBSTER, « Domain name proceed-
ings and international dispute resolution », op. cit. n. 1488, p. 236 et A. CRUQUENAIRE, Le règle-
ment extrajudiciaire des litiges relatifs aux noms de domaine, op. cit. n. 1489, passim.
(1502) Pour une explication plus détaillée du fonctionnement de ce système, A.M.
FROOMKIN, « Wrong Turn in Cyberspace : Using ICANN to Route Around the APA and the
Constitution », op. cit. n. 995, p. 47.
(1503) Voir l’article 4 lit. k principes UDRP, qui prévoit notamment que « si [un panel] décide
que votre enregistrement de nom de domaine doit être radié ou transféré, nous [l’opérateur de
registre] surseoirons à l’exécution de cette décision pendant dix (10) jours ouvrables (selon les
usages établis au lieu de notre siège) après en avoir été informés par l’institution de règlement
compétente. Nous exécuterons ensuite cette décision, à moins d’avoir reçu de vous dans ce délai de
dix (10) jours ouvrables un document officiel (par exemple la copie d’une plainte, portant le
tampon d’enregistrement d’un greffe de tribunal) attestant que vous avez engagé des poursuites
judiciaires à l’encontre du requérant en un for dont le requérant a accepté la compétence confor-

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486 RÉGULATION PAR LES ODR

La saisine d’un tribunal dans ce délai étant extrêmement rare (moins d’un
pour cent des cas, nous reviendrons aux raisons de ce faible pourcentage),
ces décisions sont dans les faits quasiment toujours exécutées par l’opéra-
teur de registre (1504).
Des organismes privés interviennent ainsi en amont du litige en adop-
tant les Principes directeurs et les Règles d’application, lors du litige en
statuant sur les prétentions relatives aux noms de domaine et en aval du
litige en (auto)exécutant la décision. C’est ici toute la chaîne de la produc-
tion du droit qui est sous contrôle d’organismes privés : adoption des nor-
mes par l’ICANN, interprétation des normes par les organes de résolution
des litiges, exécution des normes par les opérateurs de registre. On recon-
naît ici les trois compétences législatives, juridictionnelle et d’exécution, qui
sont autant de critères d’identification d’un système juridique. En d’autres
termes, l’ICANN constitue pour ce système juridique la compétence et le
pouvoir législatif, les organes d’ODR accrédités fondent la compétence et
le pouvoir juridictionnel, et les opérateurs de registre accrédités forment la
compétence et le pouvoir exécutif (1505).
Certains auteurs remettent en cause la compétence juridictionnelle de ce
système juridique au titre qu’il ne s’agit pas, avec la procédure UDRP,
d’arbitrage au sens du droit de l’arbitrage. L’argument est que, puisqu’une
décision UDRP n’est pas une sentence arbitrale et n’emporte pas autorité
de la chose jugée, elle n’empêche pas la saisine postérieure d’un juge étati-
que, qui serait habilité à rendre un jugement contraire à cette décision.
Dans ce cas, le jugement prévaudrait auprès de l’ICANN, pour autant qu’il
soit reconnu en Californie, où se situe le siège de l’ICANN. Partant, « c’est
la condition d’autonomie de la sentence par rapport au juge étatique qui

mément au paragraphe 3)b)xiii) des règles de procédure. (En règle générale, ce sera soit au lieu de
notre siège, soit à celui de votre adresse telle qu’elle figure dans notre répertoire […]). »
(1504) En ce sens, E.G. THORNBURG, « Going private : Technology, Due Process, and Inter-
net Dispute Resolution », op. cit. n. 977, p. 197.
(1505) Dans un sens proche : G.B. DINWOODIE, « A new copyright order : why national
courts should create global norms », op. cit. n. 1488, pp. 524–525 : « la procédure [UDRP] a un
potentiel significatif de création de normes transnationales de droit des marques : la procédure
d’enregistrement d’un nom de domaine crée la possibilité d’imposer une obligation [d’accepter la
compétence des organes de résolution des litiges appliquant l’UDRP], les décisions des [panels]
sont publiées sur le site de l’ICANN et il existe […] un système centralisé – l’ICANN – au travers
duquel les procédures de résolution des litiges peuvent être établies à l’échelle mondiale » (trad. par
l’auteur).

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VALIDITÉ FORMELLE 487

fait défaut » (1506) ; on entend par là que ces décisions sont ainsi placées
« sous la dépendance des ordres juridiques étatiques » (1507).
Toutefois, s’il est effectivement incontestable que la procédure UDRP
ne peut être qualifiée d’arbitrage (1508), cela n’enlève rien à la dimension
de compétence juridictionnelle de ce mode de résolution des litiges. Si l’on
retient en général l’absence d’un « pouvoir général de révision [des déci-
sions] de la part du juge étatique saisi d’une demande d’exécution,
d’infirmation ou d’annulation » (1509) comme un critère de la qualification
de jurisprudence arbitrale ou comme un critère de « form[ation] de normes
jurisprudentielles » (1510), c’est qu’il s’agit là d’un élément de clôture (dont
on se souviendra qu’elle est toujours relative, jamais absolue (1511)) du
système. C’est un élément qui lui donne l’indépendance minimale néces-
saire vis-à-vis de son environnement pour constituer un système juridique.
C’est en ce sens que Fouchard, Gaillard et Goldman écrivent que « toute
sentence arbitrale que le juge étatique peut confirmer ou infirmer à sa guise
n’est en définitive qu’un élément qui s’intègre dans la hiérarchie de
l’organisation judiciaire, et les solutions qu’elle exprime ne sont que celles
qu’autorise, au sommet de cette hiérarchie, la Cour suprême, régulatrice au

(1506) O. CACHARD, La régulation internationale du marché électronique, op. cit. n. 1038, p. 21.
Dans une perspective différente, nous avions pu écrire ailleurs, au sujet de cet argument : « Mais
n’est-ce pas là une approche trop positiviste, trop légaliste ? Si les décisions ICANN sont soumises
aux ordres juridiques étatiques mais que ceux-ci n’interviennent presque jamais, si ces décisions ne
sont pas autonomes par rapport aux juges étatiques, mais que ceux-ci ne sont presque jamais saisis
d’affaires ayant fait l’objet d’une décision ICANN, ne faut-il pas alors délaisser les questions de la
qualification d’arbitrage de cette procédure et de jurisprudence arbitrale de ce corpus décisionnel ?
Si on arrive, et c’est bien le cas, à la conclusion que les décisions ICANN connaissent une très forte
effectivité, ne faut-il pas conclure à la validité d’un droit transnational des noms de domaine pro-
duit par les centres d’ODR appliquant le règlement ICANN ? » : Th. SCHULTZ, « Online dispute
resolution (ODR) : résolution des litiges et ius numericum », op. cit. n. 978, pp. 194–195.
(1507) Ph. FOUCHARD, E. GAILLARD et B. GOLDMAN, Traité de l’arbitrage commercial inter-
national, op. cit. n. 1095, p. 200 : « pour que l’on puisse parler, sans abus de langage, de ‘jurispru-
dence arbitrale’ […] il faut que les solutions dégagées dans les sentences ne soient pas exposées à
une éventuelle résolution judiciaire qui les placerait sous la dépendance des ordres juridiques étati-
ques. »
(1508) Voir Section IV. — La procédure UDRP de l’ICANN, p. 188 et seq. supra.
(1509) Ph. FOUCHARD, E. GAILLARD et B. GOLDMAN, Traité de l’arbitrage commercial inter-
national, op. cit. n. 1095, p. 201.
(1510) Ibid.
(1511) J. CHEVALLIER, « L’ordre juridique », op. cit. n. 1385, p. 19 : « tout système juridique
est […] à la fois et nécessairement ouvert, dans la mesure où il s’insère dans un environnement, et
fermé, dans le mesure où il s’en détache par la constitution d’une identité spécifique. »

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488 RÉGULATION PAR LES ODR

plein sens du mot » (1512). Comme le laisse supposer le très faible


pourcentage de saisine postérieure de tribunaux dans le contexte de
l’UDRP, de tels éléments de clôture y existent également. Ils y sont toute-
fois mis en œuvre différemment. Ils ne découlent pas de la reconnaissance
par les systèmes juridiques étatiques de leur relative irrelevance pour cer-
tains autres systèmes juridiques – reconnaissance traduite en droit positif
par la limitation des recours contre les sentences arbitrales (1513) – mais de
la relative difficulté pratique de saisir un tribunal ainsi que du contrôle, par
l’ICANN, des ressources en jeu (1514).
La relative difficulté de saisir un tribunal après une décision UDRP dé-
coule essentiellement de l’importance des frais de la procédure. Ces der-
niers seront en principe beaucoup plus importants que les coûts engendrés
par la procédure UDRP et surtout souvent disproportionnés par rapport à
la valeur litigieuse que représente le nom de domaine en cause. L’impor-
tance de ces frais est notamment fonction de la fréquente internationalité
du litige, qui peut susciter des coûts supplémentaires tant au plan de la pro-
cédure judiciaire proprement dite que de l’exequatur (1515). En pratique,
une difficulté supplémentaire est causée par la brièveté du délai imparti au
titulaire du nom de domaine pour saisir le juge : rappelons que l’opérateur

(1512) Ph. FOUCHARD, E. GAILLARD et B. GOLDMAN, Traité de l’arbitrage commercial inter-


national, op. cit. n. 1095, p. 201.
(1513) Notons que l’élément de clôture est dans cette hypothèse exogène ou extrasystémique,
en ce sens que la clôture trouve son origine dans un autre système juridique que celui qui est clos, à
savoir dans le système juridique étatique.
(1514) E.G. THORNBURG, « Fast, Cheap, and Out of Control : Lessons from the ICANN
Dispute Resolution Process », op. cit. n. 1119, p. 224 : « bien qu’une partie insatisfaite du résultat
de la procédure UDRP peut saisir un tribunal pour tenter de renverser la décision, il ne s’agit pas
ici d’un recours, mais d’une procédure judiciaire de novo. Une telle procédure a également de
grandes chances d’être affligée par les coûts et les délais que l’UDRP devait précisément éviter. Il y
a eu plus de 3'000 décisions UDRP et environ 25 procédures judiciaires subséquentes. Bien que
cela puisse refléter une satisfaction totale avec la procédure UDRP, il semble beaucoup plus réaliste
de dire que cela soit dû à tout le moins en partie au délai excessivement bref et aux coûts probables
d’une procédure judiciaire. Une procédure de recours interne, particulièrement si elle a lieu devant
un panel aussi représentatif que possible des titulaires de noms de domaine et des titulaires de
droits de marque, impliquerait moins de frais pour les parties et leur conférerait un meilleur
contrôle sur les décisions erronées » (trad. par l’auteur).
(1515) Rappelons ici que le demandeur doit accepter la compétence soit du tribunal du lieu
d’établissement de l’opérateur de registre, soit du tribunal du domicile du titulaire du nom de
domaine : voir art. 4 lit. k principes directeurs UDRP et art. 1 et 3 lit., ch. b règles d’application
UDRP.

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VALIDITÉ FORMELLE 489

de registre est tenu d’exécuter la décision UDRP s’il n’a pas reçu preuve de
l’introduction d’une procédure judiciaire dans les dix jours (1516).
L’élément de clôture est donc constitué ici par une barrière économique et
temporelle au recours au juge étatique (1517). Nous sommes donc très
précisément dans la situation, envisagée plus haut, d’un obstacle à l’inter-
normativité : il s’agit ici de la barrière économique. Cette barrière rend plus
difficile la résolution d’un conflit d’internormativité (quand un système
juridique étatique prévoit une autre solution que le système juridique de
l’ICANN-UDRP) par le juge étatique, ce qui contribue à la clôture du
système juridique (1518).
Le contrôle (technologique) des ressources en jeu – c’est-à-dire la base
de données permettant la conversion du nom de domaine en adresse IP –
confère à la décision UDRP un appareil de coercition, une forme de
contrainte qui ne doit rien à d’autres systèmes juridiques (1519). L’exé-
cution de la décision est totalement indépendante des systèmes juridiques
étatiques (1520). L’élément de clôture, qui renvoie ici à la compétence et au
pouvoir d’exécution de ce système juridique, est constitué par la disponibili-
té d’un appareil coercitif autonome (1521) mettant en œuvre un mécanisme
d’autoexécution (technologique) des décisions (1522).
En définitive, la présence très nette des trois compétences, législative,
juridictionnelle et d’exécution, qui montrent clairement qu’il y a ici secon-

(1516) En ce sens, K. BLACKMAN, « The uniform domain name dispute resolution policy : A
cheaper way to hijack domain names and suppress critics », op. cit. n. 1489, p. 236, concluant que
la possibilité pour un titulaire de nom de domaine de saisir les tribunaux à la suite d’une procédure
UDRP est « illusoire », à tout le moins pour tous les individus et les PMEs qui ne sont pas habi-
tués à saisir les tribunaux. Voir aussi B. SANDBURG, « ICANN Needs Fine Tuning, Lawyers mull
pros and cons of adding an appeals process » in Nat’l L.J., 2000, 6 novembre, p. B10.
(1517) En ce sens, voir par exemple E.G. THORNBURG, « Going private : Technology, Due
Process, and Internet Dispute Resolution », op. cit. n. 977, p. 151 et seq., spéc. p. 197 : « si le
titulaire du nom de domaine qui a perdu la procédure ICANN n’est pas à même de financer un
avocat pour rédiger le mémoire et de payer les frais d’une action en justice, le nom de domaine est
perdu » (trad. par l’auteur).
(1518) Sur cette situation au plan théorique et la terminologie utilisée ici, voir C. — Rapports
entre systèmes juridiques, p. 450 et seq. supra.
(1519) Voir Sous-section III. — Contrainte architecturale, p. 346 et seq. supra.
(1520) Notons ici que l’élément de clôture est dans cette hypothèse endogène ou intrasystémi-
que, en ce sens que la clôture trouve son origine dans le système qui prétend à la clôture.
(1521) Voir Sous-section II. — Autres appareils coercitifs pouvant conférer au droit
l’effectivité requise pour sa validité, p. 322 et seq. supra.
(1522) Voir E. — Autoexécution technologique, p. 374 et seq. supra.

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490 RÉGULATION PAR LES ODR

darité des normes et des institutions, permet de conclure à la présence d’un


système juridique propre à l’ICANN et à l’UDRP.
Si le système juridique de l’ICANN-UDRP pourrait à moyen terme être
remis en question par l’une des nombreuses réformes envisagées suite aux
importantes critiques adressées à l’ICANN, il demeure un exemple utile à
un phénomène qui semble promettre une expansion croissante : la cons-
titution de systèmes juridiques propres à certaines places de marché électro-
niques.

C. — Vers des systèmes juridiques construits autour de


places de marché électroniques
Imaginons une citadelle. Une petite ville, entourée d’une haute muraille.
Elle évoque le Mont Saint Michel, à marée haute. Sauf qu’ici, personne n’y
vit. Pour entrer, il faut s’identifier, donner un mot de passe, et ensuite at-
tendre que les gardes aient vérifié les droits, les accréditations, les référen-
ces bancaires de celui qui s’y présente. Une fois passée la muraille, une acti-
vité commerciale débordante s’offre aux yeux. On y réalise principalement
de petites ventes, souvent aux enchères. Tout paiement se fait par une
tierce personne de confiance, qui conserve les sommes versées jusqu’à ce
que l’acheteur ait déclaré que la marchandise lui a été livrée et n’a pas de
défaut. Quand un litige survient, les parties peuvent se tourner vers les
tribunaux situés en dehors de la citadelle, mais ils sont chers, la procédure
est longue et tortueuse, et elle n’aboutit qu’à une décision qu’il faut encore
faire exécuter. Mais il est également possible de s’adresser à un tiers neutre,
arbitre ou médiateur, établi au sein de la citadelle, beaucoup moins cher et
plus rapide, disponible à toute heure de la journée et de la nuit. Sa compé-
tence, son indépendance et son impartialité sont assurées par l’accréditation
d’une autorité reconnue de la citadelle. Une fois le litige résolu ou tranché,
l’accord ou la décision est communiqué à la tierce personne de confiance,
qui transférera les sommes gardées en dépôt au vendeur ou les rendra à
l’acheteur. Imaginons maintenant que cette citadelle se trouve dans le
cyberespace, qu’elle soit pour ainsi dire électronique, sans implantation
territoriale, s’inscrivant dans cette « scène mondiale faite […] de réseaux,
de prolifération et de volatilité d’allégeances qui s’inscrivent elles-mêmes

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VALIDITÉ FORMELLE 491

dans plusieurs espaces » (1523). En d’autres termes, imaginons une place


de marché électronique, aux frontières clairement établies, disposant de ses
propres institutions et de son propre système juridique (1524).
Dans la deuxième partie de cette étude, nous avons abordé les formes de
sociabilité du cyberespace, c’est-à-dire l’hypothèse de la formation de
communautés numériques (1525). Nous avons souligné que de telles com-
munautés s’y construisaient graduellement autour de places de marché
électroniques. D’un point de vue anthropologique, il va de soi que dès lors
qu’existe un groupe ou une communauté, des règles se forment. Reste à
savoir, pour le juriste, si ces règles sont juridiques, si elles ne sont que des
règles sociales coutumières ou si elles ont été secondarisées ou positivées,
c’est-à-dire reformulées par des institutions spécifiques (1526). En d’autres
termes, on se demande si l’on est en présence d’un système juridique. C’est
cette question que nous proposons d’aborder ici.
Soulignons tout d’abord la présence croissante d’affirmations alléguant,
plus ou moins explicitement, le développement d’ordonnancements juridi-
ques propres à certaines places de marché. Qui plus est, ces affirmations
émanent de milieux diversifiés : juristes et sociologues spécialisés dans la
résolution des litiges en ligne (1527), théoriciens du commerce électroni-
que et du cyberespace (1528), juristes plus traditionalistes et positivis-

(1523) B. BADIE, La fin des territoires, op. cit. n. 1412, p. 14, à propos des structures sociales et
géopolitiques contemporaines de manière générale.
(1524) Pour une analyse avec cette perspective de la place de marché eBay, voir Th. SCHULTZ,
« eBay : un système juridique en formation ? », op. cit. n. 1410.
(1525) Voir Sous-section I. — Des réseaux choisis de sociabilité, p. 212 et seq. supra.
(1526) Voir B. — Critères d’identité d’un système juridique, p. 440 et seq. supra. Sur la trans-
formation de règles sociales coutumières en règles juridiques par leur reformulation institution-
nelle, voir P. BOHANNAN, « The differing realms of the law » in Am. Anthropol., 1964, vol. 67,
no 6 (numéro spécial), p. 33 et seq., spéc. p. 35–36 : « law may be regarded as a custom that has
been restated in order to make it amenable to the activities of the legal institutions ».
(1527) E. KATSH, J. RIFKIN et A. GAITENBY, « E-Commerce, E-Dispute, and E-Dispute
Resolution : In the Shadow of ‘eBay Law’ », op. cit. n. 1080, p. 732 : « online marketplaces are
environments in which there is law, authority, and power, and in which there are also disputes ».
(1528) P. TRUDEL et al., Droit du cyberespace, op. cit. n. 1003, pp. 3/53–3/54 : « même si les
usages et pratiques dans un champ d’activité donné sont souvent pris en compte et ainsi intégrés,
en quelque sorte, au droit étatique, l’intérêt de ce type de norme réside dans sa capacité à organiser
de façon autonome les comportements et les transactions des membres d’une communauté. Le
respect des usages et pratiques est, dans de telles circonstances, la condition essentielle de
l’adhésion d’un participant à une communauté donnée […] Si l’importance de la communauté le
justifie, les usages et pratiques pourraient constituer une technique de réglementation complète,

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492 RÉGULATION PAR LES ODR

tes (1529), associations de consommateurs (1530), journalistes (1531). Si


cette problématique n’a à notre connaissance pas encore fait l’objet d’une
analyse détaillée, ces affirmations révèlent une intuition croissante de
l’existence d’un tel phénomène (1532).
Revenons tout d’abord aux communautés numériques, qui constituent
les entités sociales, les « unités collectives réelles » formant le fondement
social des systèmes juridiques. On rappellera à l’égard du cyberespace que
l’on peut observer que les commerçants en ligne développent, en vue de
l’établissement de la confiance et de la fidélisation de la clientèle, des ar-
chitectures de socialisation reposant sur la facilitation de la communica-
tion (1533). Ainsi se construit ce que Paul Virilio appelle la « téléproximité
sociale », c’est-à-dire la socialisation fondée uniquement sur des intérêts
communs (et non plus sur une proximité physique) (1534) ; ils établissent,
selon les mots de Manuel Castells, des communautés numériques érigées

parallèle au droit étatique, qui réglerait les rapports des participants d’un communauté et qui serait
administrée par ses propres instances. »
(1529) Notamment O. CACHARD, La régulation internationale du marché électronique, op. cit. n.
1038, p. 20, où l’auteur, après avoir affirmé qu’il n’existait pas une communauté, un groupe social
global du cyberespace et qu’en conséquence les usages ne sauraient y apparaître, relève que « ces
usages apparaîtront sur un segment du marché électronique, par exemple dans les relations entre
professionnels sur des places de marché électroniques », notant ensuite que « ce constat [de
l’inexistence d’une communauté globale des internautes] n’exclut pas que des communautés secto-
rielles se constituent. Simplement, le présupposé qui fait du cyberespace un espace autonome ou
une communauté unitaire produit une vision simpliste de la réalité », aussi p. 260 et seq.
(1530) Organisation internationale des consommateurs (Consumers International), « Disputes
in Cyberspace. Online Dispute Resolution for Consumers in Cross-Border Disputes – An In-
ternational Survey », 2000, <www.consumersinternational.org/document_store/Doc29.pdf>, p. 29,
admettant que l’on peut considérer les mécanismes de résolution des litiges en ligne comme « un
moyen d’éliminer les questions de droit applicable et de compétence des tribunaux, et de créer un
place de marché virtuelle régulée par les contrats et les ‘cybertribunaux’ » (trad. par l’auteur).
(1531) S. MALLABY, « Tangling the wild web » in Washington Post, 2 avril 2001 : « the fact
that private companies are issuing online ‘passports’, and that they are assuming quasi-judicial
functions, fuels the cyberlibertarian idea that government need not regulate the Internet. »
(1532) G. KAUFMANN-KOHLER, « La resolución de los litigios en línea – perspectivas y retos
del contencioso internacional contemporáneo » in Revista Latinoamericana de Mediación y Arbitraje,
2003, vol. 3, no 4, p. 11 et seq., spéc. p. 21, qui relève que « certains […] vont jusqu’à penser que le
recours [aux] mécanismes d’autoexécution permettrait de détacher complètement l’ODR de tout
droit d’émanation étatique […] Des groupes de sites commerçants adhèreraient à un système
d’ODR, adopteraient leurs propres règles, tant de droit des obligations matériel que de procédure,
établirait un mécanisme d’exécution des décisions, et fonctionnerait ainsi en quelque sorte en
autarcie, groupés en marketplaces, sans recours nécessaire ni au droit, ni aux tribunaux étatiques. »
(1533) Voir Sous-section III. — La réalité des communautés numériques, p. 218 et seq. supra.
(1534) P. VIRILIO, La bombe informatique, Paris, Galilée, 1998, pp. 69–70.

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VALIDITÉ FORMELLE 493

sur des « liens choisis » (1535). L’intérêt commun, ou la rationalité du


choix des liens sociaux, est ici de faire du commerce sur une plateforme
commerciale électronique spécifique. On observe ainsi l’émergence de
communautés numériques constituées d’opérateurs économiques, fournis-
seurs et destinataires de services, acheteurs et vendeurs, professionnels et
consommateurs, tous regroupés en raison de leur activité ou intérêt dans un
même secteur. On notera aussi que ces communautés sont généralement
bien délimitées, en ce sens que l’accès aux réseaux de communication qui
leur sont propres (et donc l’accès à la place de marché elle-même) est sou-
mis à un identifiant et un mot de passe. Il faut donc s’identifier comme
membre de la communauté des acteurs commerciaux d’une place de mar-
ché électronique pour y accéder, comme l’évoquait la métaphore de la cita-
delle. Cette identification des membres et les conditions posées à leur accès
à une place de marché conduit par ailleurs au morcellement du cyberespace,
à la réintroduction de frontières en son sein (1536). Cela conduit à son
tour, pour autant que l’accès constitue une valeur, une ressource importante
aux yeux des membres, un vecteur potentiel de contrainte pour qui contrôle
cet accès, par le pouvoir d’exclusion qui en découle (1537). Ces diverses
caractéristiques confèrent à ce genre de corps sociaux la qualité de
« groupement distinct de la société globale » ; ceci répond au critère de
l’autonomie sociale, de la présence d’une « unité collective réelle », ou encore

(1535) M. CASTELLS, La galaxie Internet, op. cit. n. 1477, pp. 157–63, pour qui les commu-
nautés numériques sont ainsi « des réseaux de sociabilité, à géométrie variable et composition
changeante, selon l’évolution des centres d’intérêt des acteurs sociaux et la forme du réseau lui-
même. Le thème autour duquel il s’édifie contribue largement à déterminer ses membres. » Voir
aussi Ph. GIORDANO, « Invoking Law as a Basis for Identity in Cyberspace » in Stan. Tech. L.
Rev., 1998, p. 1 et seq., spéc. p. 10 : « Cyberspace users have been able to create thriving and
multi-dimensional relationships for a number of reasons. First, the members of a newsgroup have
much in common – they self-select according to their interest in a particular topic » et H.
RHEINGOLD, The Virtual Community : Homesteading on the Electronic Frontier, Reading, Mass.,
Addison-Wesley, 1993.
(1536) Voir Sous-section VI. — Vers un morcellement du cyberespace ?, p. 229 et seq. supra.
Voir aussi J.R. REIDENBERG, « Governing Networks and Rule-Making in Cyberspace » in Borders
in Cyberspace, s. dir. B. Kahin et Ch. Nesson, Cambridge, Mass., MIT Press, 1997, p. 84 et seq.,
spéc. pp. 90–91, l’auteur considérant qu’en plus de la nouvelle géographie des frontières tracées par
les réseaux des réseaux fermés sur Internet, on peut observer l’émergence de règles et d’une citoyen-
neté propres à ces réseaux ; la possibilité d’exclure un membre d’un tel réseau confère à ce dernier
un important pouvoir de contrainte et donc d’élaboration normative.
(1537) Voir Sous-section III. — Contrainte architecturale, p. 346 et seq. supra et D. —
Exclusion de places de marché, p. 360 et seq. supra.

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494 RÉGULATION PAR LES ODR

de l’unité du groupe social, critère nécessaire à la constitution d’un système


juridique (1538).
Quant au critère de l’autonomie organique, on notera simplement qu’il ne
doit pas y avoir de délégation de compétence, pas de subordination à une
autorité extérieure au corps social (1539). À moins donc d’être en présence
d’une place de marché dépendant d’une autorité extérieure (on pourrait
imaginer, par exemple, une fédération de places de marchés proposées par
un même opérateur économique, fondées chacune sur un secteur d’activité
spécifique, ou une place de marché mise en œuvre par une autorité étati-
que), ce critère ne soulèvera en règle générale pas de problème.
Le critère de l’autonomie organisationnelle, c’est-à-dire la faculté pour le
système juridique de « régler lui-même sa création et son applica-
tion » (1540), dépendra de la présence d’institutions ayant des compétences
et des pouvoirs législatifs, juridictionnels et d’exécution.
La compétence législative pour un tel système juridique se traduit en gé-
néral par l’adoption d’actes normatifs spécifiques à une place de marché ;
ceux-ci prennent par exemple la forme de règlements internes, de codes de
conduite, de règles d’utilisation, de conditions générales de vente, de
contrats-type et autres « instruments professionnels de guidance contrac-
tuelle » (1541). On observe par ailleurs que ces normes peuvent être d’un
nombre et d’une précision remarquables ; ainsi les « Règlements
eBay » (1542) sont composés, notamment, d’un « Règlement sur le respect
de la vie privée » (prévoyant par exemple des règles précises sur l’« utilisa-

(1538) Voir B. — Critères d’identité d’un système juridique, p. 440 et seq. supra.
(1539) Voir B. — Critères d’identité d’un système juridique, p. 440 et seq. supra.
(1540) Voir B. — Critères d’identité d’un système juridique, p. 440 et seq. supra.
(1541) F. OSMAN, Les principes généraux de la lex mercatoria, op. cit. n. 1380, pp. 260–291, en ce
qui concerne la forme des actes normatifs formant la lex mercatoria (ou les leges mercatoriae), l’auteur
concluant que « les codes de conduite constituent d’ores et déjà une manifestation de la lex merca-
toria dans la mesure où ils aspirent à définir précisément le comportement de l’opérateur diligent et
avisé […] Transposés aux échanges transfrontières, les codes de conduite sont révélateurs de
l’existence d’un ordre juridique a-étatique, propre aux opérateurs du commerce international. Plus
précisément nous pouvons considérer qu’ils contribuent à la formation du droit anational : ils en
constituent l’une des sources formelles. »
(1542) Voir <pages.ebay.fr/help/community/index.html>. En anglais : « eBay policies », qui se
subdivisent en « user agreement » et divers corps de « rules » : <pages.ebay.com/help/policies/hub.-
html>. En allemand : « eBay-Grundsätze » : <www.pages.ebay.de/help/policies/index.html>.

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VALIDITÉ FORMELLE 495

tion de données relatives à d’autres Membres d’eBay » (1543)), de « Règle-


ments pour les acheteurs » (1544) (formés de règles sur la manière de faire
une enchère, sur l’interdiction de la « manipulation des enchères au moyen
d’un alias en vue d’enregistrer des enchères et d’obtenir une men-
tion » (1545), sur l’interdiction d’ingérence dans d’autres transac-
tions (1546), sur les modalités de paiement, etc.), de « Règlements pour les
vendeurs » (1547) (réglementant notamment les aspects de la vitrine élec-
tronique, les tarifs imposés pour la livraison, l’interdiction de certaines
pratiques commerciales ou de certaines formes de publicité qui seraient par
ailleurs légales en application de certains droits étatiques (1548)), ou encore
d’un « Règlement sur les évaluations » (1549), c’est-à-dire sur les possibili-
tés d’attribution de points de réputation positifs ou négatifs (1550) (qui
régit par exemple l’interdiction de l’extorsion et de la sollicitation de points
de réputation ou l’abus du système de réputation en général).
On ne reconnaît généralement qu’un caractère incitatif à certains de ces
actes normatifs et en particulier aux codes de conduite (1551), ce qui peut
faire douter de la réalité de la compétence législative d’un système juridique
ne produisant que de tels actes (1552) ou à tout le moins de l’effectivité

(1543) Voir <pages.ebay.fr/help/policies/privacy-policy.html#5>.


(1544) Voir <pages.ebay.fr/help/policies/buyer-rules-overview.html>.
(1545) Voir <pages.ebay.fr/help/policies/shill-bidding.html>.
(1546) Voir <pages.ebay.fr/help/policies/transaction-interference.html>.
(1547) Voir <pages.ebay.fr/help/policies/seller-rules-overview.html>.
(1548) Voir <pages.ebay.fr/help/policies/listing-giveaways.html>, sur les « primes, cadeaux pro-
motionnels, tombolas et récompenses ».
(1549) Voir <pages.ebay.fr/help/policies/feedback-ov.html>.
(1550) Nous avions pu mentionner ce système supra, sous C. — Systèmes de gestion de la
réputation, p. 358 et seq.
(1551) Voir par exemple F. OSMAN, Les principes généraux de la lex mercatoria, op. cit. n. 1380,
p. 286 : « les codes de conduite apparaissent sur le plan formel comme des documents à caractère
exclusivement incitatif » et F. RIGAUX, « Les situations juridiques individuelles dans un système de
relativité générale », op. cit. n. 953, p. 363 : « le code de conduite est réduit à poser un minimum
d’exigences et à énoncer des règles de respectabilité plutôt que des obligations proprement juridi-
ques. » Voir aussi, plus proche de notre problématique, É.A. CAPRIOLI, « Arbitrage et médiation
dans le commerce électronique (L’expérience du ‘CyberTribunal’) » in Rev. arb., 1999, p. 224 et
seq., spéc. p. 245, notant que l’ancien code de conduite du Virtual Magistrate « guid[ait] simple-
ment les cybermarchands dans l’élaboration de leurs pratiques commerciales ».
(1552) Autour de cette question, adoptant une perspective de droit international public, I.
SEIDL-HOHENVELDERN, « International economic soft law » in Rec. Cours La Haye, 1979,
vol. 163, p. 173 et seq., spéc. p. 194 et seq., sous titre « How soft is soft law ? » Rappelons tout
d’abord que toute cette troisième partie de l’étude s’oriente essentiellement vers l’obligatoriété des

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496 RÉGULATION PAR LES ODR

instrumentale d’une telle régulation. On observe toutefois que, à tout le


moins dans le contexte de la régulation par places de marché, ces textes
sont souvent plus qu’incitatifs, leurs violations étant sanctionnées juridi-
quement. Les Règlements eBay, par exemple, prévoient que leur violation
peut être sanctionnée « d’un avertissement formel, d’une suspension tem-
poraire ou d’une suspension pour une durée indéterminée » (1553). Si une
clause des Règlements eBay crée une obligation pécuniaire du vendeur à
l’égard de l’acheteur, découlant par exemple du mode de fixation des frais
de livraison, sa violation pourra être sanctionnée par le transfert au créan-
cier des sommes versées en paiement sur le compte de garantie blo-
qué (1554). Dans d’autres contextes, la violation d’un code de conduite
peut aussi être érigée en motif de retrait d’un label (1555). Par ailleurs, une
étude empirique révèle que les codes de conduite des places de marché
électroniques sont régulièrement appliqués par les arbitres dans les procé-
dures en ligne se déroulant devant le Chartered Institute of Arbitrators à
Londres (1556) et pris en considération comme « référent pour l’ac-

normes de la régulation du cyberespace et du commerce électronique, voir Section I. — Approche


systémique, a priori et orientée vers l’obligatoriété, p. 313 et seq. supra. Rappelons ensuite que
l’obligatoriété n’est pas en soi une condition de la juridicité d’une norme, puisqu’il existe des nor-
mes juridiques permissives – ce qui est juridique n’est pas forcément obligatoire – comme nous
avions pu l’aborder sous Chapitre IX : Validité : l’efficacité juridique en trois temps, p. 305 et seq.
supra.
(1553) Voir par exemple <pages.ebay.fr/help/policies/buyer-rules-overview.html> ou <pages.-
ebay.fr/help/policies/seller-rules-overview.html>. Voir aussi les Conditions Générales d’utilisation,
qui prévoient à l’art. 9, note marginale « Infractions », que « nous nous réservons le droit de vous
donner un avertissement, de suspendre temporairement ou définitivement votre inscription, d’y
mettre fin et de cesser de vous fournir nos services dans les cas suivants : a. si vous violez tout ou
partie des présentes Conditions Générales ou des documents qui y sont incorporés par référence » :
voir <pages.ebay.fr/help/policies/user-agreement.html#9>. Sur l’exclusion d’une place de marché
comme instrument d’effectivité, voir D. — Exclusion de places de marché, p. 360 et seq. supra.
(1554) Sur le système du tiers de confiance, voir A. — Compte de garantie bloqué, p. 366 et
seq. supra. Rappelons toutefois que SquareTrade, l’organe de résolution des litiges pour eBay, ne
propose à l’heure actuelle que de la médiation en ligne et de la négociation en ligne, mais qu’un
projet d’arbitrage en ligne est en développement et devrait voir le jour prochainement.
(1555) Voir A. — Labellisation des sites web, p. 353 et seq. supra.
(1556) Voir le compte rendu de l’entrevue avec Gregg Hunt, administrateur des services de ré-
solution de litige de cet institut dans G. KAUFMANN-KOHLER et Th. SCHULTZ, Online Dispute
Resolution : Challenges for Contemporary Justice, op. cit. n. 936, p. 280 et seq.

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VALIDITÉ FORMELLE 497

tion » (1557) lors de médiations en ligne administrées par l’organisme de


résolution des litiges en ligne ECODIR (1558).
On notera au demeurant que la qualification juridique de ces divers actes
normatifs au regard du droit étatique n’a pas de pertinence pour la problé-
matique de la compétence législative de systèmes juridiques non étatiques.
Il faut seulement, condition nécessaire et suffisante à la constatation de la
production juridique dans un tel système, que ces actes incorporent des
normes qui soient juridiquement valides (d’un point de vue formel, empiri-
que et axiologique (1559)) au regard du système juridique de réfé-
rence (1560).
En ce qui concerne la validité formelle de ces normes, qui ne s’établit
donc pas par rapport au droit étatique puisque nous sommes dans
l’hypothèse d’un système juridique non étatique, mais en fonction de leur
conformité avec les règles secondaires du système juridique de la place de
marché, il faut avant tout que ces normes soient reconnues par la place de

(1557) Voir sur ceci l’introduction à la Troisième partie, p. 297 et seq. infra.
(1558) Voir le compte rendu de l’entrevue avec Brian Hutchinson, secrétaire général
d’ECODIR dans G. KAUFMANN-KOHLER et Th. SCHULTZ, Online Dispute Resolution : Chal-
lenges for Contemporary Justice, op. cit. n. 936, p. 287 et seq.
De manière générale sur les sanctions juridiques des violations de codes de conduite et la juridi-
cisation croissante de ces derniers, voir F. OSMAN, Les principes généraux de la lex mercatoria, op. cit.
n. 1380, p. 286 et seq., sous titre « Des codes dont la violation est sanctionnée juridiquement » et
G. FARJAT, « Réflexions sur les codes de conduites privés » in Le droit des relations économiques
internationales : Études offertes à Berthold Goldman, Paris, Litec, 1982, p. 56 et seq., spéc. pp. 56–57,
pour qui la conjonction de « l’exigences de normes […] techniques » et « l’existence de pouvoirs
privés économiques » conduit immanquablement à l’émergence de « sources formelles privées »,
constituées notamment par les codes de conduite. Voir aussi A.-J. ARNAUD, « Les transformations
de la régulation juridique et la production du droit. Introduction » in Les transformations de la
régulation juridique, s. dir. J. Clam et G. Martin, Paris, LGDJ, 1998, p. 75 et seq., spéc. p. 77 qui
observe la « juridicisation croissante [de la] normalisation technique ».
Sur l’application des codes de conduite par les arbitres dans le cadre de la lex mercatoria, voir par
exemple P. SANDERS, « Codes of Conduct and Sources of Law » in Le droit des relations économi-
ques internationales : Études offertes à Berthold Goldman, Paris, Litec, 1982, p. 281 et seq., spéc.
p. 289.
(1559) Voir Chapitre IX : Validité : l’efficacité juridique en trois temps, p. 305 et seq. supra.
(1560) Voir Sous-section II. — Validité formelle et systèmes juridiques non étatiques, p. 388
et seq. supra. Plus spécifiquement sur les codes de conduite dans le contexte de la lex mercatoria,
certains auteurs observent ainsi qu’« il n’est pas à exclure que les normes des codes arrêtent leur
évolution quelque part entre le non-droit et le hard law » : S.A. METAXAS, Entreprises trans-
nationales et codes de conduite. Cadre juridique et questions d’effectivité, Zurich, Schulthess, 1988,
pp. 322–323.

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498 RÉGULATION PAR LES ODR

marché (ce qui est déterminé par les règles secondaires de reconnaissance).
En pratique, il n’y aura que rarement des règles explicites d’édiction – qui
sont une forme de règles de reconnaissance – pour les codes de conduite,
les règlements, les règles d’utilisation et les autres instruments de guidance
contractuelle. Une règle non écrite existera toutefois dans la plupart des cas
selon laquelle ces instruments ne peuvent être adoptés que par le cyber-
marchand propriétaire ou gérant de la place de marché : c’est ce dernier,
comme le montre l’exemple d’eBay (1561), qui détermine les règles du jeu
et qui est, pour ainsi dire, souverain quant à l’organisation de sa place de
marché (1562). Il existera par contre plus souvent des règles explicites (en
principe des règles de procédure) indiquant que les codes de conduite ou
autres instruments de normativité des places de marché constituent des
normes applicables ou de référence lors de procédures de résolution des
litiges (1563) – ces règles sont une autre forme de règles de reconnaissance.
À l’égard de cette faiblesse très relative de la secondarité des règles, on rap-
pellera simplement la gradualité de la juridicité (ou, ce qui revient au même
ici, la gradualité de la qualité de système juridique), qui dépend notamment
de cette secondarité (1564) ; ce qui nous permet de dire que la juridicité ou
la qualité de système juridique des places de marché est bien réelle. Elle
n’est cependant pas aussi radicalement marquée que celle des systèmes
juridiques étatiques – ce qui semble au demeurant évident – ou que celle
des systèmes appartenant à la lex sportiva au sens large.
La conformité des normes en question ici avec les règles secondaires du
système juridique de la place de marché – c'est-à-dire leur reconnaissance
par ce système – est importante parce qu’elle leur donne accès à l’appareil

(1561) Sur la place de marché eBay, tous les règlements que nous avions évoqués plus haut ont
été adoptés par la société eBay.
(1562) Cf. E. KATSH, J. RIFKIN et A. GAITENBY, « E-Commerce, E-Dispute, and E-Dispute
Resolution : In the Shadow of ‘eBay Law’ », op. cit. n. 1080, p. 731 : « the obstacle that has frus-
trated most online ADR projects thus far is that there has been no sovereign authority that could
compel any party to appear and participate. This is a power that marketplace owners do have, since
parties that refuse to participate and abide by decisions could be threatened with exclusion » (nous
soulignons).
(1563) Voir n. 1556 et 1558 supra et sect. 1.8 règlement d’arbitrage CIArb pour litiges ABTA :
« in considering the Parties’ cases, the Arbitrator shall have regard to ABTA’s Code of Conduct.
In the event of a conflict between a rule of law and a provision of the code, the interpretation most
favourable to the customer shall prevail. »
(1564) Sur la gradualité et la qualité de système juridique et le critère de la secondarité des nor-
mes, voir B. — Critères d’identité d’un système juridique, p. 440 et seq. supra.

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VALIDITÉ FORMELLE 499

coercitif de la place (1565). Cette reconnaissance des normes par le système


se manifeste par leur application à des cas concrets, par exemple lors de la
résolution d’un litige. Cette application contribue à son tour à la validité
empirique (c’est-à-dire à l’effectivité, plus précisément à la partie instru-
mentale de l’effectivité) des normes ; l’accès à l’appareil de coercition per-
met en effet de contraindre leur respect (1566). L’effectivité instrumentale
de ces normes tient donc ici à la menace, en cas de violation du code de
conduite, du règlement ou d’un autre acte normatif, de l’exclusion de la
place de marché, de l’attribution de points négatifs de réputation, du retrait
d’un label, du prononcé d’astreintes ou encore de l’inscription sur une liste
noire. Les mécanismes d’autoexécution directe (comptes de garantie blo-
qués, fonds de jugement, refacturation, assurance, autoexécution techno-
logique) constituent un élément d’effectivité instrumentale à certains égard
encore plus efficace, puisqu’ils permettent la mise en œuvre immédiate de
la règle, sans requérir le consentement de la partie mise en cause (1567).
À l’égard de la validité, il est également nécessaire que la norme en
question soit en adéquation avec les valeurs et aspirations fondamentales de
ses destinataires, c’est-à-dire des acteurs économiques de la place de mar-
ché électronique. Il s’agit ici de la validité axiologique de la norme, de sa
légitimité. Cette légitimité contribuera, elle aussi, à l’effectivité de la norme
(c’est-à-dire à sa validité empirique), mais il s’agira ici plus précisément de
l’effectivité symbolique, dont l’acceptation volontaire de la règle est fonc-
tion (1568). Des analyses empiriques montrent par ailleurs clairement la
réalité de l’existence d’une telle effectivité symbolique des normes de cer-
tains systèmes juridiques de places de marché (1569).

(1565) Voir A. — Légalité et relativité générale, p. 381 et seq. supra.


(1566) Voir Section III. — Concurrence des appareils coercitifs, p. 317 et seq. supra et
Section V. — Instruments de coercition et modalités de contrainte dans le cyberespace, p. 337 et
seq. supra.
(1567) Sur tout ceci, voir Section VI. — Mécanismes d’autoexécution et ODR, p. 349 et seq.
supra.
(1568) Voir Section II. — Effectivité symbolique et instrumentale, p. 315 et seq.
(1569) E. KATSH, J. RIFKIN et A. GAITENBY, « E-Commerce, E-Dispute, and E-Dispute
Resolution : In the Shadow of ‘eBay Law’ », op. cit. n. 1080, p. 731 : « as we observed the inter-
action of the parties to disputes arising out of eBay transactions, we increasingly felt that eBay
could be considered to be a jurisdiction in itself, a legal authority in itself, an entity that might
even be considered to be able to exercise a loosely defined sovereign power over at least one aspect
of many individuals’ online lives […] we were increasingly persuaded that the most relevant and

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500 RÉGULATION PAR LES ODR

En ce qui concerne cette compétence législative, notons encore le carac-


tère acceptable, pour les associations de consommateurs et pour l’industrie,
de ces pratiques de développement d’un droit propre à certaines places de
marché. À ce propos, on évoquera un important accord sur la résolution
extrajudiciaire des litiges dans le contexte du commerce électronique,
conclu entre l’Organisation internationale des consommateurs, représen-
tant 250 associations de consommateurs dans le monde entier, et le GBDe,
représentant environ 25 entreprises dont un certain nombre de multi-
nationales. Les parties ont non seulement recommandé l’application de
codes de conduite et d’autres instruments juridiques spécifiques à des places
de marché lors de procédures de résolution des litiges, mais ont également
conclu que cette démarche constituait « une opportunité pour le dévelop-
pement de standards élevés de protection des consommateurs au niveau
mondial » (1570).
Quant à la compétence juridictionnelle de tels systèmes juridiques de places
de marché, elle est formée par les systèmes de résolution des litiges en li-
gne (1571). Ceux-ci jouent un rôle comparable à celui des tribunaux spéci-

powerful law probably was eBay’s law and the power it exercised as a result of users agreeing to the
terms and conditions for participation that eBay presents to them […] There may have been other
laws casting shadows on our process, but federal law or recourse to any court system rarely was
mentioned. »
(1570) Global Business Dialogue on electronic commerce (GBDe) et Organisation inter-
nationale des consommateurs (Consumers International), « Alternative Dispute Resolution
Guidelines. Agreement reached between Consumers International and the Global Business Dia-
logue on Electronic Commerce », novembre 2003, <www.gbde.org/adragreement03.pdf>, notam-
ment p. 59, sous titre « Applicable law » : « one of the principal reasons why business, consumers
and governments consider the development of ADR systems to be of such strategic importance for
the enhancement of consumer trust in electronic commerce is that such systems can settle disputes
in an adequate fashion without necessarily engaging in cumbersome, costly, and difficult research
on the detailed legal rules that would have to be applied in an official court procedure. Govern-
ments in particular, must be confident that the rights of both consumers and businesses are pro-
tected, while at the same time avoiding actions that could adversely impact the growth of global
electronic commerce. ADR dispute resolution officers may decide in equity and/or on the basis of
codes of conduct. This flexibility as regards the grounds for ADR decisions provides an opportu-
nity for the development of high standards of consumer protection worldwide. »
(1571) F. GÉLINAS, « Le point sur l’ODR : du concept à la réalité commerciale » in Bull. CCI
(numéro spécial sur la technologie au service des différends commerciaux), 2004, p. 7 et seq., spéc.
pp. 17–18 : « dans la mesure où ces places de marché fonctionnent comme des groupements pro-
fessionnels traditionnels, elles peuvent résoudre l’énigme de la justice transfrontière en intégrant
dans la structure – juridique et technique – du marché un système obligatoire de résolution des
différends (culminant par l’arbitrage si nécessaire), faisant ainsi d’un système d’ODR la juridiction
par défaut de cette ‘place’ virtuelle. »

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VALIDITÉ FORMELLE 501

fiques aux places de marché du Moyen-Âge (1572) ou, plus récemment,


aux tribunaux arbitraux spécifiques à certaines compétitions sportives, no-
tamment aux Jeux olympiques (1573).
Il est vrai que la résolution des litiges est souvent externalisée vers une
institution d’ODR administrant des procédures pour plusieurs places de
marché. Cette externalisation tient aux éléments suivants. Tout d’abord, les
frais de développement et de fonctionnement de ces mécanismes de réso-
lution des litiges ne peuvent souvent pas être supportés par une place de
marché unique. Ensuite, le savoir-faire de ces marchés dans le domaine de
la résolution des litiges en ligne est souvent insuffisant – il s’agit d’un do-
maine somme toute suffisamment récent et complexe pour que le dévelop-
pement d’un tel mécanisme requière des compétences spécifiques et encore
relativement rares. Finalement, il est nécessaire de donner, par l’exter-
nalisation, une apparence plus nette d’indépendance et d’impartialité à
l’organisme et aux tiers intervenant dans la procédure (1574).
Cette externalisation n’implique à notre sens pas de dépendance ou de
soumission de ces systèmes juridiques à d’autres systèmes juridiques. Ce
n’est pas comme si les litiges émergeant sur une place de marché étaient
systématiquement résolus par les tribunaux étatiques. Il est vrai que, dans
ce cas, ces derniers seraient soumis à la hiérarchie du système juridique
étatique dans lequel ils s’insèrent. Dans l’hypothèse qui est la nôtre, les
clauses de résolution des litiges ainsi que des causes pratiques (par exemple
les coûts et la durée du règlement du différend, mais aussi la facilité avec
laquelle les litiges sont soumis par un simple clic de souris aux institutions
d’ODR) font que les litiges restent généralement pris en charge par des
institutions et des procédures de règlement des litiges qui ne sont pas en-
globés dans un autre système juridique. Nous entendons par là que ces
institutions et procédures ne s’insèrent pas en tant que tel dans la hiérarchie
établie par un autre système juridique. On observera que l’on en revient ici

(1572) Sur ces tribunaux, voir par exemple L. NADER, « Styles of Court Procedure : To Make
the Balance » in Law in Culture and Society, s. dir. L. Nader, Chicago, Aldine, 1969, p. 69 et seq.,
et seq., spéc. pp. 74–75.
(1573) Voir G. KAUFMANN-KOHLER, Arbitration at the Olympics : Issues of Fast-Track Dispute
Resolution and Sports Law, La Haye, Kluwer, 2001.
(1574) Nous avions déjà pu évoquer ces questions dans Th. SCHULTZ, « Connecting
complaint filing processes to online resolution systems » in CLP, 2003, vol. 10, p. 307 et seq.

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502 RÉGULATION PAR LES ODR

au critère de l’autonomie organique. À ce propos, il est vrai que les entre-


prises privées de résolution des litiges auxquels il est fait recours ne sont pas
non plus soumises en tant qu’organes aux places de marché. À nouveau, il
ne faut pas en conclure à l’absence de compétence juridictionnelle et
d’autonomie organisationnelle de ces systèmes. Le choix délibéré par une
place de marché de confier ses litiges à l’une des nombreuses institutions
d’ODR disponibles sur le marché constitue plutôt une indication qu’elle
reste libre de déterminer elle-même la création et l’application de son droit.
Cela constitue le fondement du critère de l’autonomie organisationnelle.
La compétence d’exécution des systèmes juridiques de places de marché
peut se fonder sur l’un des types de contrainte (sociale, économique, archi-
tecturale) que nous avons pu évoquer dans le chapitre précédent (1575).
Elle s’exprime par l’exécution des résultats des procédures de résolution des
litiges en ligne (sentences arbitrales, recommandations, autres décisions,
accords issus de médiations ou de négociations) par un mécanisme
d’autoexécution (labellisation, liste noire, système de gestion de la réputa-
tion, exclusion d’une place de marché, astreinte, compte de garantie bloqué,
fonds de jugement, contrôle de la refacturation par cartes de crédit, assu-
rance de transactions, autoexécution technologique) (1576). Ces mécanis-
mes peuvent bien entendu également être combinés. On peut par exemple
imaginer une place de marché ayant recours à un système de gestion de la
réputation et de labellisation attestant de la conformité des membres au
code de conduite de la place, un fonds de jugement alimenté par de faibles
prélèvements réalisés sur toutes les transactions, une assurance de trans-
actions pour les membres les plus suspicieux et un mécanisme d’exclusion
pour les acteurs les plus récalcitrants (1577).
Ces divers mécanismes d’autoexécution renforcent le degré de clôture
des places de marché et de leurs systèmes juridiques en consolidant leur
autonomie – qui n’est toutefois jamais totale – par rapport à d’autres systè-
mes juridiques, puisque même l’appareil coercitif étatique ne leur est plus

(1575) Voir Section V. — Instruments de coercition et modalités de contrainte dans le


cyberespace, p. 337 et seq. supra.
(1576) Ces mécanismes sont présentés sous Section VI. — Mécanismes d’autoexécution et
ODR, p. 349 et seq. supra.
(1577) Voir Th. SCHULTZ, « Online Arbitration : Binding or Non-Binding ? », op. cit. n.
1059.

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VALIDITÉ FORMELLE 503

nécessaire (1578). Cette autonomie et l’importante capacité de surveillance


et de contrôle des places de marché vis-à-vis de leurs membres (1579)
constitue un cas d’école de deux hypothèses. Premièrement, elle illustre la
réintroduction de frontières dans le cyberespace (1580). Deuxièmement,
elle constitue un exemple de la théorie prévoyant que le cyberespace ne se
régulera pas tout en bloc, en tant qu’espace unique, mais par zones, dont la
délimitation n’est pas fonction que de barrières technologiques (1581),
mais aussi, on le voit, de facteurs économiques et sociaux.
Finalement, si c’est un phénomène encore relativement peu marqué, la
régulation par places de marché présente, à notre sens, une très forte pro-
babilité de se développer. Considérons à cet égard les deux éléments sui-
vants. D’un côté, on observe la recherche d’un marché par les nombreux
fournisseurs de services de résolution des litiges en ligne. Dans ce contexte,
la réussite exceptionnelle de SquareTrade – résolvant quelque 800'000
litiges par an, essentiellement sur la base d’une place de marché, eBay –
constitue indubitablement un exemple à suivre. De l’autre côté, on cons-
tate, d’abord, le développement volontaire de communautés numériques,
puis l’importance d’un système de résolution des litiges pour de telles
communautés (1582). Ensuite, on note le souci de proposer un cadre juri-
dique uniforme et donc prévisible à tous les opérateurs économiques d’une
même place de marché. Enfin, on remarque le souci d’efficience et

(1578) On se souvient que l’accès à l’appareil coercitif étatique, au travers des procédures
d’exécution forcées, de la reconnaissance et de l’exécution de sentences arbitrales, accords issus de
médiations, jugements étrangers, est l’un des principaux « points de passage » du droit non étatique
dans le droit étatique, et donc l’un des principaux points de contrôle : voir Section II. —
Intégration de la résolution des litiges en ligne dans les ordres juridiques étatiques p. 389 et seq.
supra.
(1579) On rappellera par exemple la réglementation de l’accès, l’identification et le suivi des
transactions dans la place, la possibilité d’exclusion, le contrôle des flux de sommes monétaires par
les tiers de confiance et les comptes de garantie bloqués. Sur les aspects technologiques de ces
contrôles, L. LESSIG, Code and Other Laws of Cyberspace, op. cit. n. 949, pp. 28 et 30 seq.
(1580) Voir par exemple ibid., p. 33 et seq. et S. HANDA, « Cyber-borders for the Borderless
Internet » in Int’l Tech. L. Rev., 2001, vol. 17, p. 18 et seq.
(1581) Sur la constitution de zones dans le cyberespace par des barrières technologiques, no-
tamment des outils de contrôle des œuvres concernées par la propriété intellectuelle, voir L.
LESSIG, « Zones in Cyberspace » in Stan. L. Rev., 1996, vol. 48, p. 1403 et seq., spéc. p. 1409 et
seq. Précisons encore que la constitution de « zones juridiques » (c’est-à-dire d’espaces et de systè-
mes juridiques) est une conséquence et non une cause de cette délimitation ou de ce « zoning ».
(1582) Voir Sous-section IV. — La présence d’un système de résolution des litiges, p. 221 et
seq. supra.

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504 RÉGULATION PAR LES ODR

d’efficacité juridictionnelle dans la résolution des litiges qui y surviennent,


ce qui implique une procédure rapide et peu coûteuse de règlement des
différends et un mécanisme efficace d’exécution. En d’autres termes, les
institutions d’ODR sont en quête d’une alliance avec des places de marché,
qui peuvent leur fournirent l’assurance d’un nombre important de litiges à
traiter. Les places de marché, quant à elles, commencent à réaliser les
avantages découlant de la disponibilité d’un système de résolution des liti-
ges qui leur est propre. Les intérêts des acteurs semblent donc se conjuguer
d’une manière qui favorise la régulation par places de marché.

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CHAPITRE XII
Chapitre XII. — Validité axiologique : légitimité d’une régulation par les ODR

VALIDITÉ AXIOLOGIQUE : LÉGITIMITÉ


D’UNE RÉGULATION PAR LES ODR

Les normes que se donne une bande de brigands pour régir leurs activités
peuvent-elles constituer un ordre juridique ? Ce thème central pour la vali-
dité du droit a traversé les âges depuis saint Augustin pour nous rappeler
constamment que le droit ne peut, sans se dénaturer, évoluer en marge de
certaines valeurs qui nous sont fondamentales (1583). Quand une bande de
brigands, se conformant aux règles qu’elle s’est données, adopte des actions
qui choquent foncièrement notre sens moral ou éthique, nous ne pourrions
accepter de qualifier sans réserve ces normes de droit (1584). La juridicité
n’émerge qu’au prix d’un respect minimal de nos aspirations morales et
éthiques. Il n’est pas suffisant qu’une norme ait été adoptée conformément
aux règles posées par le système auquel elle entend appartenir (validité for-
melle, légalité) et qu’elle soit respectée en pratique (validité empirique,
effectivité) pour que nous puissions la qualifier de juridique ou de juridi-
quement valide. Encore faut-il que nous lui prêtions un minimum de légi-
timité. Il serait en effet choquant de qualifier les règles imposées par la

(1583) SAINT AUGUSTIN, La cité de Dieu, livre IV, chap. IX, trad. L. Moreau revue par J.-C.
Eslin, Paris, Éd. du Seuil, 1994, p. 167 : « sans la justice […] les royaumes sont-ils autre chose que
de grandes troupes de brigands ? Et qu’est-ce qu’une troupe de brigands, sinon un petit royaume ?
Car c’est une réunion d’hommes où un chef commande, où un pacte social est reconnu, où certai-
nes conventions règlent le partage du butin. »
(1584) Nous suivons ici la théorie de la validité retenue depuis le début pour cette étude, voir F.
OST et M. VAN DE KERCHOVE, De la pyramide au réseau ?, op. cit. n. 911, p. 325 et seq. Pour
Santi Romano, la validité juridique n’a de dimension que formelle et empirique et il ne fait en
conséquence aucune distinction entre le système normatif d’une bande de brigands organisée et un
système juridique étatique : voir S. ROMANO, L’ordre juridique, op. cit. n. 967, pp. 89–91. Kelsen
rejette également ce critère de la légitimité, considérant que la validité ne doit être que formelle
(bien que l’auteur admette des éléments empiriques) : H. KELSEN, Théorie pure du droit, op. cit. n.
958, pp. 60–68, sous titre « Le droit en tant qu’ordre normatif. Communauté juridique et ‘bande
de voleurs’ ».

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506 RÉGULATION PAR LES ODR

mafia sicilienne, par exemple, de règles typiquement juridiques. Les forces


sociales concourent d’ailleurs dans ce type de situations au développement
de stratégies d’évitement ou d’opposition ouverte à la règle (désobéissance
civile), faisant ainsi diminuer son respect en pratique, donc son effectivité
et en définitive sa validité. Par ces références aux aspirations morales et
éthiques, c’est à la dimension axiologique de la validité que nous touchons
ici.
C’est à l’analyse de cette problématique, appliquée au contexte de la ré-
solution des litiges en ligne et du commerce électronique, que nous nous
attacherons dans ce chapitre. La question centrale qui se posera est celle de
savoir comment garantir la légitimité de la production normative par les
institutions de règlement des différends en ligne. En effet, les conclusions
semblant maintenant acquises en ce qui concerne l’effectivité d’une régula-
tion par les ODR et leurs possibilités de créer des systèmes juridiques auto-
nomes, organisés notamment autour de places de marché, il nous reste à
répondre à cette exigence relevée notamment par Jacques Berleur et Yves
Poullet quand ils écrivent simplement que s’« il faut insister sur la nécessité
d’une autorégulation effective et, si celle-ci peut être appliquée par des
juges ou médiateurs privés, c’est dans le respect de certaines règles procé-
durales et moyennant certaines garanties en ce qui concerne les juges ou
médiateurs » (1585).
Les institutions politiques et juridiques modernes ont avant tout été dé-
veloppées afin d’assurer le respect de certains droits fondamentaux, qui
traduisent des valeurs morales et éthiques fondamentales. Ces institutions
se basent conceptuellement sur la démocratie, sur la participation égalitaire
du peuple à la production du cadre normatif des activités les concernant.
Avec une régulation fortement influencée par des systèmes privés de règle-
ment des différends produisant des normes juridiques, on peut se deman-
der quelles sont les frontières, quels sont les garde-fous propres encore à
assurer le respect de ces valeurs.
À cet égard, certains auteurs défendent l’idée ambitieuse selon laquelle
l’évolution du droit du cyberespace devrait s’accompagner d’un « nouveau
projet démocratique […] post-national […], c’est-à-dire aussi probable-

(1585) J. BERLEUR et Y. POULLET, « Réguler Internet » in Revue Études, 2002, vol. 397, no 5,
p. 463 et seq., spéc. pp. 474–475.

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LÉGITIMITÉ 507

ment post-étatique » (1586). On se souviendra à ce titre du projet de


« démocratie mondiale », qui conduisit en 2000 aux élections mondiales de
cinq des neufs membres du directoire de l’ICANN, qualifié désormais de
« collège at-large » (1587). On se souviendra aussi que cette élection fut
l’objet de critiques très sévères, notamment en raison du découpage arbi-
traire du monde en régions électorales (1588), de l’impossible contrôle de
l’exigence essentielle du one man one vote, étant donné que l’organisation
des suffrages se limitait à permettre le vote par tout titulaire d’une adresse
de courrier électronique (1589), et du fait qu’une telle élection reflétait
inévitablement la fracture numérique entre les pays industrialisés et les
autres (1590).
À notre sens, il semble plus opératoire, à tout le moins à l’heure actuelle,
de penser en termes d’instruments permettant d’exercer ce que l’on peut
qualifier avec certains auteurs de « fonctions de contrôle » des modes ex-
trajudiciaires de résolution des litiges (1591). Avec ces auteurs, on peut
distinguer les fonctions externes et internes de contrôle. Dans le premier

(1586) B. FRYDMAN, « Quel droit pour l’Internet ? » in Internet sous le regard du droit, Internet
sous le regard du droit, Bruxelles, Ed. du Jeune Barreau, 1997, p. 279 et seq., spéc. p. 295.
(1587) Sur ces élections, voir H. KLEIN, « The feasibility of global democracy : Understanding
ICANN’s at-large election » in Info, 2001, vol. 3, p. 333 et seq. ainsi que le site de l’ICANN :
<www.icann.org/committees/at-large/at-large.htm>.
(1588) O. ITÉANU, « L’Icann, un exemple de gouvernance originale ou un cas de law intel-
ligence ? » in Homo Numericus, 2002, <www.homo-numericus.net/IMG/_article_PDF/arti-
cle_154.pdf>, p. 7.
(1589) Une étude ultérieure aurait ainsi démontré qu’une moitié des suffrages validés étaient
frauduleux : P. MOUNIER, « L’ICANN : Internet à l’épreuve de la démocratie », op. cit. n. 1496,
p. 103 : « les possibilités de fraudes sont extrêmement importantes et entraînent des procédures de
validation (par courrier postal) et de vérification coûteuses et techniquement incertaines. Au total,
l’ICANN a validé près de 76'000 inscriptions parmi lesquelles un peu moins de la moitié ont
effectivement participé au vote. » De manière générale sur les déficiences démocratiques de
l’ICANN, voir R. MARLIN-BENNETT, « ICANN and democracy : contradictions and possibili-
ties » in Info, 2001, vol. 3, p. 299 et seq.
(1590) A.M. FROOMKIN, « Habermas@Discourse.net : Towards a Critical Theory of Cyber-
space » in Harv. L. Rev., 2002, vol. 116, p. 749 et seq., spéc. p. 838 et seq. Voir aussi J.
WEINBERG, « Geeks and greeks » in Info, 2001, vol. 3, p. 313 et seq., l’auteur considérant que ce
projet démocratique imparfait est préférable à une absence totale de représentation populaire.
(1591) L.R. HELFER et G. DINWOODIE, « Designing Non-National Systems : The Case of
the Uniform Domain Name Dispute Resolution Policy » in Wm. & Mary L. Rev., 2001, vol. 43,
p. 141 et seq., spéc. p. 199 et W.M. REISMAN, Systems of Control in International Adjudication and
Arbitration : Breakdown and Repair, Durham/Londres, Duke Univ. Press, 1992, pp. 1–7. Voir aussi
H.H. PERRITT, « Towards a hybrid regulatory scheme for the Internet », op. cit. n. 984, p. 303 et
seq.

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508 RÉGULATION PAR LES ODR

cas, le contrôle est exercé par une entité extérieure aux parties impliquées
dans le règlement des différends (1592). Dans le second, le contrôle est
exercé par les tiers intervenant dans les procédures de résolution des litiges
eux-mêmes (arbitres ou médiateurs, par exemple), suivant volontairement
certaines règles qui permettent le contrôle de leur propre travail. Concrè-
tement, cela nous amènera à étudier certaines architectures de contrôle,
puis la technique juridique de la pesée des intérêts.
Ces instruments de contrôle ont pour rôle d’améliorer les garanties de
légitimité des normes produites par ces mécanismes de règlement des dif-
férends. En cela, ils ont un double but, empirique et éthique. Le but empi-
rique est tout d’abord une conséquence de la typologie dynamique de la
validité : comme nous l’avons évoqué dans l’introduction au concept de
validité (1593), une régulation manquant de légitimité tendra à perdre de
son effectivité et de sa légalité. Pour que les ODR puissent continuer à
exercer une influence régulatrice sur le cyberespace en général et le com-
merce électronique en particulier (ce qui est en soi souhaitable), ils doivent
assurer une certaine légitimité à leur production normative. Le but empiri-
que est également, dans le même ordre d’idées, celui de faciliter l’exécution
des décisions en augmentant la probabilité d’une exécution volontaire (ac-
croissement de l’efficacité juridictionnelle, ou de l’effectivité des normes
produites, par l’amélioration de l’effectivité symbolique). Le but éthique est
simplement celui de garantir une certaine qualité de la justice comme fin en
soi.
Avant d’étudier les architectures de contrôle (4) et la pesée des intérêts
(5), plusieurs problématiques devront encore être traitées. Ainsi examine-
rons-nous tout d’abord diverses significations du concept de légitimité (1),
afin de dégager un cadre notionnel plus précis pour les développements qui
suivront. Puis, afin de faire ressortir plus clairement les défis qui se posent
en termes de légitimité, nous prendrons un peu de distance par rapport à la

(1592) Dans une perspective légèrement différente, on pourrait faire correspondre ces deux ty-
pes de contrôle à deux pôles de gouvernance, l’un actantiel (« apprentissage organisationnel »),
l’autre institutionnel (mise en place d’une forme institutionnalisée de contrôle) : sur ces termes, M.
MAESSCHALCK et T. DEDEURWAERDERE, « Autorégulation, éthique procédurale et gouver-
nance de la société de l’information » in Gouvernance de la société de l’information. Loi – Auto-
réglementation – Éthique, s. dir. J. Berleur, C. Lazaro et R. Queck, Bruxelles, Bruylant, 2002, p. 77
et seq., spéc. p. 93.
(1593) Voir Chapitre IX : Validité : l’efficacité juridique en trois temps, p. 305 et seq. supra.

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LÉGITIMITÉ 509

problématique ici traitée, élargissant le champ de vision à une appréciation


générale du phénomène de la régulation du commerce électronique par la
résolution des litiges en ligne (2). À la suite de cela, nous étudierons encore
une thèse importante des cyberlibertariens, qui repose sur certaines théories
générales du libéralisme politique pour s’opposer à toute forme de contrôle
des divers modes d’autorégulation du cyberespace (3).

SECTION I. — Le concept de légitimité

« L’unique moyen pour assouvir nos aspirations vers la justice et l’équité »,


écrivaient Léon Duguit et Hans Kelsen, « c’est l’assurance résignée qu’il n’y
ait pas d’autre justice que celle que l’on trouve dans le droit positif des
États » (1594). Dans cette perspective, radicalement positiviste, la condi-
tion nécessaire et suffisante du caractère juste du droit est sa légalité : toute
norme dérivée correctement des normes supérieures étatiques, qui n’entre
pas en contradiction avec une autre norme étatique de même niveau et qui
n’a pas été abrogée (c’est-à-dire une norme qui remplit les conditions de la
validité formelle) est juste. L’appartenance au système juridique étatique
confère à une norme son caractère juste, la non-appartenance le lui nie ; la
juridicité et le caractère juste se confondent et sont communément fonction
d’un seul critère : la validité formelle.
Il s’agit ici simplement d’une illustration des diverses significations qui
purent être données, au fil du temps, au concept de légitimité, qui a été
assimilé tour à tour aux divers critères qui constituent, dans la théorie de
Ost et van de Kerchove que nous suivons, les autres pôles de la validité
juridique. Au-delà de son assimilation à la légalité, ce qui correspond par
ailleurs à l’étymologie commune (lex) de ces notions, la légitimité a no-
tamment été identifiée à l’efficacité pratique, à l’efficience et à l’effectivité.
Dans le premier cas, le droit est légitime seulement s’il pourvoit réellement
au bien-être général et qu’il est ainsi efficace ; cela correspond à l’approche
de la validité propre à l’État providence. Dans le deuxième, l’idée est que
moins l’intervention législative coûte cher et plus elle atteint le but concret
qui lui a été attribué, plus elle est légitime ; il s’agit ici de l’approche de la

(1594) L. DUGUIT et H. KELSEN, Préface au premier numéro de la Revue internationale de la


théorie du droit, 1926-1927, vol. 1, p. 3, reproduit in D&S, 1985, vol. 1, p. 9 et seq., spéc. p. 10.

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510 RÉGULATION PAR LES ODR

validité par l’analyse économique propre à l’État managérial. Dans le troi-


sième, on conçoit qu’une norme qui n’est plus respectée en pratique n’est
plus légitime, ce qui correspond à l’approche réaliste de la validité (1595).
De ces diverses acceptions du concept de légitimité émerge un point
commun : la légitimité est la justification d’une norme ou d’un ordre juridi-
que – ce que l’on peut à juste titre considérer comme le « problème central
de tout ordre juridique » et partant la question centrale de toute approche
de la validité (1596). Considérer une norme ou un ordre juridique comme
légitime, c’est reconnaître (d’un point de vue normatif et axiologique, et
non descriptif au sens de la reconnaissance-observation) sa « capacité à
dicter des ordres auxquels on doit obéir » (1597), c’est-à-dire reconnaître
son caractère juste.
La réduction de la légitimité à la légalité est en conséquence trop res-
trictive, tant il existe des normes juridiques dont on ne peut que s’accorder
ème
qu’elles sont injustes, malgré leur légalité (1598). Le droit du 3 Reich en
avait fourni le meilleur exemple (1599). La réduction de la légitimité à
l’effectivité (respect de la norme en pratique), à l’efficacité pratique (réali-
sation des buts, sur le plan de l’empirie, donnés à la norme) ou encore à
l’efficience (faiblesse des coûts impliqués par la réalisation des buts donnés
à la norme) est également trop limitatif : constater le respect d’une norme
ne révèle pas qu’elle est juste (son respect peut être contraint) et le but
donné à la norme peut être lui-même injuste. On pense par exemple à
l’omerta de la Mafia.

(1595) Sur ces diverses assimilations, F. OST, « La légitimité dans le discours juridique : cohé-
rence, performance, consensus ou dissensus ? » in ARSP, 1985, Beiheft no 25, p. 191 et seq., spéc.
p. 191.
(1596) F. JAVER DE LUCAS, « Légitimité » in Dictionnaire encyclopédique de théorie et de socio-
logie du droit, s. dir. A.-J. Arnaud, Paris, LGDJ, 1993, p. 225 et seq., spéc. p. 225.
(1597) Ibid. : considérant que la légitimité est, au sens strict, la « qualité qui, attribuée à un or-
dre juridico-politique, suppose sa reconnaissance comme domination, et la reconnaissance de sa
capacité à dicter des ordres auxquels on doit obéir ».
(1598) La légitimité ou validité axiologique est donc « méta-positive », elle dépend de la
conformité avec des « règles, valeurs ou idéaux méta-positifs : conformité avec un Sollen qui excède
le Sollen dérivé de la norme fondamentale d’un système juridique donné » : F. OST, « Validité », op.
cit. n. 913, p. 433.
(1599) Sur la légalité ou la validité formelle du régime juridique du 3ème Reich, voir par exemple
F. RIGAUX, La loi des juges, op. cit. n. 954, p. 96 et seq. et seq. et H.O. PAPPE, « On the Validity of
Judicial Decisions in the Nazi Era » in MLR, 1960, vol. 23, p. 260 et seq.

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LÉGITIMITÉ 511

Ce n’est pas que la légalité, l’effectivité, l’efficacité ou encore l’efficience


ne participent pas de la formation de l’idée qu’une norme ou un ordre juri-
dique soit juste, mais ces critères ne suffisent pas. Le problème est que ces
critères n’épuisent pas le critère de la légitimité, ne permettent pas de
conclure définitivement au caractère juste d’une norme ou d’un ordre juri-
dique, d’accepter sans réserve sa capacité à dicter des comportements. Ceci
ne peut se faire que par référence à l’ordre du devoir moral inconditionnel,
au registre de l’éthique (1600). Les exigences du critère de légitimité se
forgent donc dans les aspirations morales et éthiques des destinataires de la
norme, des sujets de l’ordre juridique en question. Dans ce sens, la légiti-
mité s’entend de « la conformité de la norme à des normes, valeurs ou prin-
cipes extra-juridiques, de nature éthique » (1601).
Au surplus, il nous semble devoir distinguer une légitimité substantielle
à côté d’une légitimité procédurale. La première s’entend de la conformité
du contenu des normes avec les valeurs morales et éthiques des destinatai-
res. Selon la terminologie de Hart, il s’agit ici de la légitimité des normes
primaires et, selon celle de Fuller, on est en présence de la question de la
moralité externe du droit. La seconde s’entend de la conformité de la pro-
cédure de création de la norme avec les valeurs morales et éthiques des
destinataires. Pour écrire comme Hart, il s’agit alors de la légitimité des
normes secondaires et, dans les termes de Fuller, on est confronté à la
question de la moralité interne du droit (1602). Cette seconde dimension
de la légitimité englobe celle des auteurs de la norme, c’est-à-dire des ac-
teurs de la production juridique, auxquels on reconnaît l’autorité du pou-
voir (1603).

(1600) F. OST et M. VAN DE KERCHOVE, De la pyramide au réseau ?, op. cit. n. 911, p. 337, les
auteurs retenant que le critère de la légitimité « entend apprécier la validité des actes et normes
juridiques à l’aune de valeurs méta-positives [qui ] se ne cesse[nt] de se creuser soit dans l’ordre du
devoir moral inconditionnel, soit dans le registre de la surabondance de l’éthique. »
(1601) F. OST, « La légitimité dans le discours juridique », op. cit. n. 1595, p. 191.
(1602) H.L.A. HART, Le concept de droit, op. cit. n. 914, p. 116 et seq. et voir, sur Hart,
Chapitre IX : Validité : l’efficacité juridique en trois temps, p. 305 et seq. supra ainsi que B. —
Critères d’identité d’un système juridique, p. 440 et seq. supra. L.L. FULLER, The Morality of Law,
op. cit. n. 1144, p. 33 et seq. et voir, sur Fuller, C. — Légalité et éthique, p. 386 et seq. supra.
(1603) Cf. N. BOBBIO, « Sur le principe de légitimité » in L’idée de légitimité, Paris, PUF (coll.
Annales de philosophie politique, vol. 7), 1967, p. 47 et seq., pour qui, pp. 48–49, la « légitimité […]
est un attribut du pouvoir […] Lorsqu’on exige qu’un pouvoir soit légitime, on demande que celui
qui le détient ait un juste titre pour le détenir […] Le pouvoir légitime est un pouvoir, dont le titre

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512 RÉGULATION PAR LES ODR

Finalement, rappelons la dualité de l’importance de la légitimité d’une


norme ou d’un ordre juridique. D’un côté, la conformité avec les aspirations
morales et éthiques, le fait pour une norme ou un ordre juridique d’être
perçu comme juste, est une fin en soi comme la justice est une fin en soi.
De l’autre côté, la légitimité, quand elle se confond avec l’effectivité sym-
bolique, fonde le respect volontaire des normes ; il y a conformation à la
règle en raison d’une adhésion en conscience (1604).

SECTION II. — Où va la régulation par la


résolution des litiges en ligne ? Questions
axiologiques

À ce stade, il est sans doute nécessaire de faire le point sur le phénomène


de la régulation du commerce électronique par la résolution des litiges en
ligne, afin de faire ressortir les défis qui s’y posent en termes de légitimité.
À titre liminaire, on rappellera simplement que tout se passe comme si les
mécanismes de règlement en ligne des litiges pouvaient être amenés à oc-
cuper progressivement une place centrale dans la régulation de certains
aspects du commerce électronique, en se positionnant comme les seuls
lieux de résolution des litiges dotés d’une réelle efficacité. Ces mécanismes
sont par ailleurs capables de développer, et ils le font déjà, des systèmes
assurant à leurs décisions une effectivité importante et non tributaire des
appareils coercitifs des États. Mais quelle est alors la légitimité de leur in-
tervention ? Peut-elle découler des clauses de résolution des litiges, de

est juste. » Ce second aspect du principe de légitimité a une importance particulière dans le
contexte de la régulation du cyberespace et du commerce électronique, en raison du fréquent
recours au mode de l’autorégulation, ce qui implique des auteurs et une procédure de production
normative qui ne correspondent pas à ceux du mode traditionnel d’intervention normative par la
réglementation. Ainsi Yves Poullet a-t-il insisté sur cet aspect de la légitimité dans le cadre d’une
analyse des techniques de régulation du cyberespace : « la légitimité des auteurs suppose que les
auteurs de la règle soient reconnus compétents par les destinataires de cette règle pour l’émettre » :
Y. POULLET, « Les diverses techniques de réglementation d’Internet », op. cit. n. 913, p. 62.
(1604) Cf. F. OST et M. VAN DE KERCHOVE, De la pyramide au réseau ?, op. cit. n. 911,
p. 361 : « quant aux modalités de la réception des règles par les sujets de droit, on peut dire qu’aux
pôles légalité et compétence correspond l’obéissance (neutre, non autrement définie) des individus,
qu’aux pôles effectivité et force correspond la conformation ou sujétion des sujets de droit, tandis
qu’aux pôles légitimité et autorité répondent des attitudes d’allégeance ou d’adhésion en cons-
cience. »

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LÉGITIMITÉ 513

l’autonomie de la volonté des parties ? Mais si les parties sont matériel-


lement contraintes, faute d’autre recours, de s’y soumettre, ne faut-il pas
trouver d’autres garanties, d’autres sources de légitimité ? Le droit de la
consommation, qui est étatique, a développé nombre de protections juridi-
ques indispensables au fonctionnement de l’économie contemporaine et à
la protection de l’une des principales catégories actuelles de parties faibles
aux contrats. Si l’on se dirige vers un accroissement de la régulation
d’origine non étatique, que deviennent ces protections ? Qu’en advient-il
quand les normes étatiques, quand bien même elles sont impératives, sont
écartées dans l’hypothèse d’une création par les ODR de systèmes juridi-
ques suffisamment autonomes pour qu’aucune entité étatique ne soit réel-
lement amenée à vérifier le respect de ces normes ? La manière dont
l’UDRP malmène les législations sur la propriété intellectuelle, tel que cela
a été relevé par certaines études (1605), constitue à cet égard une mise en
garde qu’il est prudent de prendre au sérieux.
C’est le fondement de ces diverses questions qui sera abordé ici. On ex-
pliquera ainsi d’abord comment les institutions de règlement en ligne des
litiges peuvent réguler les domaines dans lesquels ils interviennent et quels
défis ces formes de régulation posent en termes de légitimité. Les réponses
à ces diverses questions, quant à elles, seront étudiées dans les sections qui
suivent.

SOUS-SECTION I. — FORMES DE RÉGULATION


PAR LA RÉSOLUTION DES LITIGES EN LIGNE

Toute procédure de résolution des litiges est productrice de normati-


vité (1606). Les règles ou les principes, appliqués ou pris en compte comme
« référents pour l’action » sont toujours, à un degré variable, interprétés et
donc étendus ou restreints, et ils peuvent être infirmés ou confirmés, tout
particulièrement s’il s’agit de règles ou de principes jurisprudentiels. De
plus, de nouvelles normes, individuelles et concrètes, propres au cas parti-
culier, sont produites à l’issue de toute procédure de règlement des diffé-
rends, pour autant que cette procédure débouche sur une décision ou un

(1605) A. CRUQUENAIRE, Le règlement extrajudiciaire des litiges relatifs aux noms de domaine, op.
cit. n. 1489, p. 193 et seq.
(1606) Voir l’introduction à la Troisième partie, p. 297 et seq. supra.

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514 RÉGULATION PAR LES ODR

accord. Les organes de résolution des litiges sont donc toujours producteurs
de droit, ou acteurs de la régulation.
Au regard du commerce électronique en général, l’apport normatif de la
résolution des litiges en ligne peut intervenir à différentes échelles, dans
diverses situations et les ODR participent donc de la régulation du com-
merce électronique de plusieurs manières. En schématisant quelque peu, on
peut affirmer que cette participation à la régulation peut être globale et
diffuse (les ODR jouant le rôle de l’un des acteurs du réseau global et ou-
vert de la régulation du commerce électronique) ou locale et focalisée (les
ODR comme pouvoir juridictionnel d’une place de marché électronique ou
d’un secteur centralisé et restreint, tel que le système des noms de do-
maine). De plus, au travers de la mise en tension de plusieurs ordonnance-
ments juridiques localisés, causée notamment par les potentialités du lex
shopping entre plusieurs places de marché, une troisième forme de régula-
tion peut émerger. Les paragraphes suivants abordent tour à tour ces trois
formes de régulation par la résolution des litiges en ligne.

A. — Régulation globale : les ODR comme acteurs dans


le réseau de la régulation
Cette première forme de régulation relève d’une perspective globale ou de
non-morcellement du cyberespace. À titre liminaire, il faut noter que cette
perspective n’est pas incompatible avec l’hypothèse du morcellement du
cyberespace (que nous avons évoqué plus haut et à laquelle nous revien-
drons avec la deuxième forme de régulation), en raison de la relativité ou
gradualité de la clôture de l’organisation des entités sociales et des systèmes
juridiques – ce qui signifie que l’organisation d’une entité sociale ou d’un
système juridique peuvent être alimentés par des sources à la fois locales et
globales.
Les ODR sont vus ici comme un acteur parmi d’autres dans le réseau de
la régulation du commerce électronique, producteurs de droit par le simple
fait qu’ils résolvent des litiges. Ils contribuent simplement à la régulation
du commerce électronique et du cyberespace par la résolution d’un nombre
toujours croissant de litiges. En effet, dès lors que les ODR produisent des
normes individuelles et concrètes dans le contexte du commerce électroni-
que, ils contribuent à sa régulation. Ils participent ici de la lex electronica en
tant que discipline juridique ou branche du droit, couvrant toute une cons-

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LÉGITIMITÉ 515

tellation non ordonnée de normes (1607) ; ils ne collaborent pas à la for-


mation d’un ou de plusieurs systèmes juridiques spécifiques.
Il ne s’agit pas tant ici de l’hypothèse, dont nous doutons fortement, de
la contribution des ODR à l’émergence d’un droit nouveau, spécifique au
commerce électronique, qui serait formé par les usages et les pratiques
commerciales positivées par les procédures de résolution des litiges, comme
certains auteurs le soutiennent (1608). Il s’agit ici plutôt de l’idée qu’un
nombre croissant de litiges du commerce électronique, résolus par les
ODR, sont en définitive soumis de ce fait aux normes individuelles et
concrètes produites lors de procédures ODR. La question de savoir si ces
normes individuelles et concrètes participent ou non de la formation d’un
droit global et plus ou moins uniforme du commerce électronique est à
l’heure actuelle encore très spéculative. Dans tous les cas, il est certain
qu’elles régulent les litiges qu’elles résolvent.
La situation s’apparente en quelque sorte au cas de figure suivant : ima-
ginons l’existence, sur le territoire d’un État, d’un tribunal hors de la hiérar-
chie formelle du droit étatique, dont les jugements ne pourraient guère
faire l’objet d’un recours devant une autorité appartenant à la hiérarchie de
l’État. Imaginons que ce tribunal soit régulièrement saisi, dans un certain
nombre de situations survenant sur le territoire de cet État, par exemple
pour les affaires relevant d’un secteur commercial spécifique. Ce tribunal
participerait indubitablement de la régulation de secteur commercial sur le
territoire de l’État en question. Mais cela ne veut pas dire qu’il participerait
de la formation du droit étatique dans l’État en question, puisqu’il se situe
hors de sa hiérarchie formelle, hors de son système juridique. Il apparaît
par ailleurs d’emblée que la légitimité de la régulation produite par ce tri-
bunal doit être assurée, puisqu’elle constitue sinon une source potentielle
d’injustice pour les acteurs du secteur commercial en question.

(1607) Voir A. — La lex electronica n’est pas un système juridique, p. 472 et seq. supra.
(1608) Ibid., on rappellera ici les références suivantes : A.E. ALMAGUER et R.W. BAGGOTT,
« Shaping New Legal Frontiers : Dispute Resolution for the Internet », op. cit. n. 1475, p. 717 et
seq., sous titre « Un mécanisme d’ADR peut être fondé sur, et contribuer au développement natu-
rel des coutumes d’Internet » et V. GAUTRAIS, G. LEFEVBRE et K. BENYEKHLEF, « Droit du
commerce électronique et normes applicables : l’émergence de la lex electronica », op. cit. n. 1466,
p. 564.

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516 RÉGULATION PAR LES ODR

Au même titre, il importe que la justice des ODR (c’est-à-dire leur pro-
duction normative) ait une certaine qualité, importance qui augmente au
demeurant avec l’accroissement des litiges résolus ; il est nécessaire, d’un
point de vue éthique, que les normes individuelles et concrètes produites
par les ODR aient une certaine légitimité, qu’elles se conforment aux aspi-
rations axiologiques de leurs destinataires.

B. — Régulation locale : places de marché, noms de


domaine
La deuxième forme de régulation du commerce électronique par la résolu-
tion des litiges en ligne est plus évidente. Elle correspond à la perspective
du morcellement ou de la fragmentation du cyberespace, c’est-à-dire d’une
perception sectorielle des activités véhiculées par les réseaux (1609). Il s’agit
ici d’une régulation dont la délimitation s’opère soit par places de mar-
ché (1610) – au sujet desquelles nous avons pu relever, à la fin du chapitre
précédent, la constitution de frontières sociales, économiques, technologi-
ques, et en définitive juridique –, ou par secteur d’activité, quand ces sec-
teurs atteignent une clôture et une centralisation suffisantes.
Si, dans l’optique globale de la régulation du commerce électronique par
la résolution des litiges en ligne, les ODR ne sont pas forcément acteurs de
la création d’un droit spécifique, il en va autrement dans la perspective que
nous abordons ici. En effet, les ODR participent, comme nous l’avons
argué dans le chapitre précédent, de la formation de systèmes juridiques
non étatiques dans le cyberespace. L’intervention normative de la résolu-
tion des litiges en ligne est ici focalisée sur un champ social déterminé qui
est, comme le présuppose le concept de système juridique, relativement clos
par rapport à son environnement social et juridique. Cette clôture s’installe
notamment en raison des appareils coercitifs mettant à contribution des
formes sociales, économiques et technologiques de la contrainte, et qui
donnent aux résultats des procédures de résolution des litiges en ligne leur
efficacité juridictionnelle, soit leur effectivité instrumentale. Les mécanis-

(1609) Voir aussi S. SASSEN, « On the Internet and Sovereignty » in Ind. J. Global Legal Stud.,
1998, vol. 5, p. 545 et seq., spéc. p. 552, l’auteur retenant le terme de « cyber-ségmentation ».
(1610) Voir plus avant Th. SCHULTZ, « eBay : un système juridique en formation ? », op. cit. n.
1410.

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LÉGITIMITÉ 517

mes d’autoexécution fondés sur ces appareils coercitifs permettent au sys-


tème sociojuridique en question d’opérer avec plus d’autonomie ou
d’indépendance par rapport aux autres systèmes sociojuridiques, tel que les
États.
La clôture du système juridique permet la création d’un ordre juridique.
Nous voulons dire que cette clôture est la traduction sur le plan du forma-
lisme ou de la systémie d’une configuration des réseaux de pouvoirs qui
limite (partiellement, la clôture est toujours graduelle) l’influence des sour-
ces de pouvoir (qui constituent autant de sources de normativité) externes
au groupe social en question. C’est cette limitation qui permet l’élaboration
plus ou moins autonome du contenu substantiel de ce système juridique.
Or le terme d’ordre juridique, comme nous l’avons noté (1611), désigne
fondamentalement le même sujet que la notion de système juridique, mais
avec une attention orientée davantage sur ses aspects substantiels ou orga-
niques. En termes plus simples, on dira que la limitation de l’influence dans
la création du droit d’acteurs de la régulation autres que ceux du système
concerné (place de marché, secteur d’activité spécifique comme celui des
noms de domaine) rend possible l’émergence d’un droit propre.
Notons toutefois à cet égard que le cas de l’ICANN-UDRP est, dans le
contexte du cyberespace, particulier à bien des égards, puisque tout repose
en définitive sur le contrôle centralisé et monopolistique du système de
nommage. Comme on le verra, le consentement à la procédure de résolu-
tion des litiges, en application de l’UDRP, est ici tout à fait forcé. Il
n’existe aucune possibilité de sortie, de choix d’un autre régime juridique
puisqu’il s’agit d’un monopole : il n’est pas possible, à tout le moins pour
qui n’est pas un expert en informatique, d’obtenir un nom de domaine
ayant l’un des suffixes auxquels s’applique l’UDRP sans se soumettre à
l’ICANN et à l’UDRP. C’est aussi un cas particulier par son importance.
Le contrôle du système de nommage est réellement un objet commercial
(voire politique) majeur. Dans ce cadre-là, « les règles imposées par cet
organisme dépassent de loin les simples considérations techniques pour
lesquelles il a été primitivement conçu », puisque le système « agit au croi-
sement du droit de la propriété intellectuelle, du droit sur la concurrence ou
encore de la répartition de ces ressources publiques que sont les noms de

(1611) Voir Chapitre IX : Validité : l’efficacité juridique en trois temps, p. 305 et seq. supra.

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518 RÉGULATION PAR LES ODR

domaine » (1612). On se gardera en conséquence d’opérer des analogies


trop simplistes avec d’autres secteurs d’activités véhiculées par les réseaux.
Toutefois, ce cas particulier a un grand intérêt en soi au vu de son impor-
tance économique et politique, qui en fait un terrain d’expérimentation
attirant l’attention de nombreux acteurs (1613). Bien plus, il constitue un
passage à la limite, c’est-à-dire une forme radicale de l’hypothèse de la ré-
gulation par secteur d’activité dans le cyberespace, poussée vers ses limites
en termes de puissance de contrôle et de défis posés à la légitimité. Ce
passage à la limite est d’une clarté particulière et révélateur de nombre de
défis à la légitimité qui peuvent se poser dans d’autres situations dès lors
que la clôture du système acquiert une certaine force.

C. — Effet global de la régulation locale


Le caractère ubiquitaire ou global du cyberespace établit une tension entre
les normativités locales et les normativités globales ; elles entrent en
concurrence. La facilité de déplacement d’un internaute d’un cyberlieu à un
autre, c’est-à-dire d’une zone du cyberespace soumise à certaines normes
juridiques à une autre zone du cyberespace soumise à d’autres normes juri-
diques, favorise les pratiques de forum et de lex shopping (1614). Un acteur
économique peut par exemple choisir sans guère de contrainte entre plu-
sieurs places de marché (1615). Cette liberté de choix met en concurrence
non seulement leur attractivité économique directe (attrait des offres et
demandes d’une place de marché), mais également les ordonnancements

(1612) P. MOUNIER, « L’ICANN : Internet à l’épreuve de la démocratie », op. cit. n. 1496,


p. 105.
(1613) Dans ce sens, W. KLEINWÄCHTER, « The silent subversive : ICANN and the new
global governance » in Info, 2001, vol. 3, p. 259 et seq.
(1614) Entendez ici lex au sens d’ordonnancement juridique, voir de système juridique au sens
large, non limité à ceux étatiques.
(1615) Notons ici que cette liberté de choix n’entre pas en conflit avec la réalité de la contrainte
ou du sérieux de la menace que constitue la menace de l’exclusion d’une place de marché. Une fois
qu’un opérateur économique a choisi une telle place, il va y développer un historique de trans-
actions, une réputation et d’autres liens sociaux ayant une valeur économique. L’exclusion de la
place de marché rend ces liens inutilisables. Nous avions abordé tout cela en relation avec le méca-
nisme de gestion de la réputation d’eBay, voir C. — Systèmes de gestion de la réputation, p. 358
et seq. supra. En d’autres termes, une fois la place de marché choisie, ce choix acquiert progres-
sivement une valeur commerciale, menacée par l’exclusion.

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LÉGITIMITÉ 519

juridiques qui y encadrent la réalisation des transactions (1616). Cette mise


en concurrence des ordonnancements juridiques a un effet globalisant.
Tout comme la concurrence économique entre des entreprises met en ten-
sion les prix pratiqués par chacune de ces entreprises et a en définitive un
effet global sur le prix général pratiqué par l’ensemble des entreprises (qui
tend, on le sait, vers la réduction du profit marginal), la concurrence entre
les ordonnancements met en tension leur attractivité pour les acteurs des
activités qui en sont régies.
Ce phénomène est déjà connu dans la problématique générale de la
mondialisation du droit. Ainsi François Ost et Michel van de Kerchove
observent-ils « une diffusion étonnante de modèles, de valeurs et de légi-
slations fondées sur l’efficacité et la rationalité économique [qui] suscite
une uniformisation spontanée des pratiques et réglementations » (1617). Il y
a convergence des normativités, écrit aussi Jacques Chevallier, vers un dé-
nominateur commun, autant au niveau procédural que substantiel (1618).
Il en va par exemple ainsi, observe Gabrielle Kaufmann-Kohler, en matière
de procédure arbitrale (1619). Il s’agit ici d’une concurrence entre ces ins-
truments juridiques, dont les plus attractifs – l’attractivité se mesurant en
termes d’efficacité et de rationalité économique – s’imposent vis-à-vis des
instruments juridiques moins performants. Et cette concurrence influence la

(1616) Cf., en ce qui concerne le droit économique dans le contexte de la mondialisation du


droit en général, A. MARTIN-SERF, « La modélisation des instruments juridiques » in La mondia-
lisation du droit, s. dir. E. Loquin et C. Kessedjian, Dijon, Litec, 2000, p. 179 et seq., spéc. p. 180 :
« un marché, pour être concurrentiel, doit l’être en économie mais aussi en droit, en créant un
environnement juridique propice et des modèles performants destinés aux opérations que l’on
souhaite favoriser ou attirer […] Les lois sont en elles-mêmes, en tant qu’éléments du marché, des
instruments concurrentiels ou anti-concurrentiels […] [Les opérateurs économiques] n’hésitent
plus, pour mieux servir leur projet économique, à se tourner vers un autre système juridique qui
leur offre [les] structures [qu’ils désirent]. C’est le phénomène […] appelé le jus shopping. »
(1617) F. OST et M. VAN DE KERCHOVE, De la pyramide au réseau ?, op. cit. n. 911, p. 169.
(1618) J. CHEVALLIER, « Mondialisation du droit ou droit de la mondialisation ? », op. cit. n.
1413, p. 38.
(1619) G. KAUFMANN-KOHLER, « Mondialisation de la procédure arbitrale » in Le droit saisi
par la mondialisation, s. dir. Ch.-A. Morand, Bruxelles, Bruylant / Bruxelles, Éd. de l’Université de
Bruxelles / Bâle, Helbing & Lichtenhahn, 2001, p. 269 et seq., l’auteur notant de plus, p. 278, que
« le cadre concédé par l’État est extrêmement large. Il laisse une très grande autonomie aux opéra-
teurs privés. Ceux-ci en usent pour forger des règles qui, sans être strictement identiques, se nour-
rissent les unes les autres et produisent des modèles largement suivis. »

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520 RÉGULATION PAR LES ODR

formation du contenu de ces instruments lors de leur inévitable (impératif


concurrentiel oblige) révision (1620).
C’est en de termes voisins que des auteurs comme Katsh, Rifkin et
Gaitenby voient le développement du « droit d’Internet » – par quoi il faut
entendre non l’émergence d’un ordre juridique global propre au cyber-
espace, mais simplement l’ensemble des normes régulant les activités véhi-
culées par les réseaux. Ce droit émerge donc, écrivent les auteurs, « non
point par la décision de quelque autorité supérieure, mais par l’addition des
choix des opérateurs système quant aux règles à imposer et des choix des
utilisateurs individuels quant à la communauté en ligne à intégrer » (1621).
En ce qui concerne notre problématique, cette théorie et ces observa-
tions aboutissent donc à la conclusion que la régulation de chaque place de
marché, de chaque zone du cyberespace doit être perçue comme un élé-
ment de la formation de la normativité globale d’un secteur d’activité du
cyberespace, d’une branche du commerce électronique.

SOUS-SECTION II. — DÉFIS POSÉS EN TERMES DE


LÉGITIMITÉ

Ces diverses formes de régulation par la résolution des litiges en ligne po-
sent, nous l’avons évoqué, un certain nombre de questions à l’égard de leur
légitimité. C’est à l’examen de ces questions que seront employés les para-
graphes qui suivent. On y abordera d’abord la problématique des acquis
juridiques que le droit étatique, reflétant l’évolution de nos sociétés, avait
inscrit au sein de celles-ci. La question se posera ainsi de savoir ce qu’il
advient de ces acquis avec l’éloignement des lieux de production du droit
par rapport à l’État. On y évoquera ensuite la problématique, très généra-

(1620) A. MARTIN-SERF, « La modélisation des instruments juridiques », op. cit. n. 1616,


p. 179–180 : « les législations culturées deviennent de plus en plus difficiles à édicter ou à mainte-
nir, car la connaissance des performances des modèles législatifs étrangers accélère les efforts
conscients ou inconscients de convergence et de standardisation […] Les instruments juridiques
subissent ainsi une modélisation […] qui est une sorte de sélection naturelle des instruments les
plus performants, ces derniers supplantant les autres avant de les éliminer. [Il s’agit ainsi de] la
tendance […] des instruments juridiques à s’aligner sur les modèles dominants […] réclamés par
les opérateurs économiques […] parce qu’ils répondent le mieux aux besoins spécifiques de ces
opérateurs économiques. »
(1621) E. KATSH, J. RIFKIN et A. GAITENBY, « E-Commerce, E-Dispute, and E-Dispute
Resolution : In the Shadow of ‘eBay Law’ », op. cit. n. 1080, p. 732 (trad. par l’auteur).

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LÉGITIMITÉ 521

lement contemporaine, de la procéduralisation de la justice, c’est-à-dire le


déplacement progressif de la légitimité d’une intervention normative vers le
respect de procédures de production du droit, s’éloignant de l’importance
de la substance des normes produites. On verra que ce phénomène semble
se poser avec une acuité particulière dans le contexte qui nous concerne ici.

A. — Acquis juridiques, affaiblissement du droit étatique


et qualité de la justice étatique
ème
Le 19 siècle, ère de l’industrialisation, vit la naissance et le développe-
ment des syndicats d’ouvriers, protégeant ceux qui étaient les plus exposés
ème
aux injustices de cette forme d’activité commerciale. Le 20 siècle nous
apporta la société de consommation. Cette fois-ci, ce furent les associations
de consommateurs qui entrèrent dans la bataille pour faire inscrire dans le
droit des États contemporains diverses modalités de protection de ceux qui
sont devenus les nouvelles parties faibles de cette forme de commerce. Ce
genre d’acquis, et dans notre contexte tout particulièrement le droit de la
consommation, fait aujourd’hui partie des attentes légitimes des destina-
taires de tout droit (à tout le moins dans les pays industrialisés), il compose
avec leurs aspirations morales et éthiques. Une norme ou un système juri-
dique non étatique qui contreviendrait gravement ou systématiquement à
ce type d’acquis, et donc au droit étatique, serait perçu comme illégitime,
comme disposant d’une faible validité axiologique sur le plan de la subs-
tance de ces normes. Il est dès lors légitime, sans jouer sur les mots, de se
demander dans quelle mesure le phénomène de la résolution des litiges en
ligne peut être un garant de tels acquis. En d’autres termes, si l’on retourne
la question, il convient de se demander si ce phénomène ne participe pas,
au contraire, de l’affaiblissement généralisé du droit étatique et de la capa-
cité d’intervention normative des États-nations sur les échanges commer-
ciaux transfrontières. À cet égard, on sait que le commerce électronique fait
déjà figure d’archétype au sein de cette problématique. En synthèse, la
question est de savoir si les ODR conduisent à un rapprochement ou un
éloignement, par rapport au droit étatique, de la normativité du champ
social dans lequel ils interviennent. On regrettera certainement qu’en raison
du faible nombre de décisions publiées l’on ne puisse guère se prononcer
véritablement, à ce stade, sur la réalité d’une dérive éthique de la produc-
tion normative des ODR dans d’autres secteurs que les noms de domaine.
Cela n’empêche toutefois pas de relever quelques aspects structurels de
l’évolution de ce phénomène de normativité.

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522 RÉGULATION PAR LES ODR

D’un côté, on arguera que le litige résolu en ligne n’aurait de toute façon
pas été soumis au juge étatique, pour des raisons pratiques tenant notam-
ment à des questions de coûts ; les ODR se développent justement, rap-
pellera-t-on, en raison de ces difficultés de saisir le juge. Cela pousserait à
conclure que les ODR n’affaiblissent pas le droit étatique, qui était déjà
faible de lui-même en raison du nombre de litiges qui ne peuvent pas être
rationnellement portés devant le juge étatique.
D’un autre côté, on relèvera tout d’abord que certains litiges, en raison
de leur importance aux yeux des parties, auraient été portés devant le juge
étatique mais n’ont pu l’être en raison d’une clause d’arbitrage en ligne
insérée dans les conditions générales d’un contrat d’adhésion. La problé-
matique n’est pas neuve en arbitrage en matière de consommation et l’on
sait qu’elle conduit dans ce domaine à une réticence générale des milieux
consuméristes à ce genre d’arbitrage, ce qui révèle à tout le moins la per-
ception par ces milieux que l’acquis du droit de la consommation en est
remis en jeu. De plus, il existe toute une gamme de litiges que la soumis-
sion à une procédure de règlement en ligne fait basculer dans la catégorie
des litiges qui ne sont en principe plus soumis au juge étatique, quel que
soit le caractère contraignant au plan formel et la qualité de la procédure et
de la décision. La procédure UDRP, quand bien même elle n’entre pas
dans le champ du droit de la consommation, est éloquente à ce titre. En
principe, trois facteurs semblent devoir pousser les parties à saisir les tribu-
naux. Tout d’abord, les règles de procédure permettent une telle saisine à
tout moment, soit avant, pendant ou après l’instance. Ensuite, on peut
estimer que le litige a souvent une importance non négligeable pour les
parties. Finalement, selon de très sérieuses recherches empiriques, on peut
observer dans les affaires tranchées en application de l’UDRP de trop fré-
quentes solutions juridiques sinon nettement erronées, du moins peu
convaincantes (1622). En dépit de ces trois facteurs, les tribunaux ne sont
saisis à la suite d’une procédure UDRP que dans moins d’un pour cent des
cas. La raison de la faiblesse de ce nombre n’est pas clairement établie. On
peut cependant spéculer que la brièveté radicale du délai (dix jours) entre la
notification de la décision et l’(auto)exécution de la décision – après la-

(1622) Voir surtout A. CRUQUENAIRE, Le règlement extrajudiciaire des litiges relatifs aux noms
de domaine, op. cit. n. 1489, passim.

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LÉGITIMITÉ 523

quelle le défendeur dans la procédure UDRP se retrouve demandeur dans


une hypothétique action en justice –, combinée à la possibilité de cette
autoexécution sans aucun contrôle externe, crée une barrière tout à fait
réelle au recours à la justice étatique. Enfin, de manière plus diffuse,
l’institutionnalisation ou la normalisation du recours aux ODR, telle qu’elle
apparaît par exemple sur la place de marché eBay contribue aussi, de ma-
nière moins contraignante mais bien réelle, au détournement d’une partie
du contentieux, l’éloignant des tribunaux.
Par ailleurs, le droit étatique ne garantit pas seulement ces acquis que
nous évoquons, son but est également d’assurer, de manière plus générale,
un minimum de qualité des décisions ou accords privés mettant fin à un
litige ainsi que des procédures menant à de telles décisions ou accords. En
principe, ces garanties sont surtout mises en œuvre par un contrôle au mo-
ment de la reconnaissance et de l’exécution de tels décisions ou accords ;
cela constitue dans la plupart des cas, nous l’avons retenu plus haut (1623),
un « point de passage obligé » du droit non étatique dans le droit étatique.
Ces garanties visent en définitive à assurer la qualité de la justice non étati-
que, c’est-à-dire la qualité éthique ou morale du contenu des décisions ou
accords (légitimité substantielle) et de la manière dont ils ont été atteints
(légitimité procédurale). Or on a vu que les mécanismes d’autoexécution
constituent précisément un contournement de ces points de passages obli-
gés (1624).
Il semble donc permis de conclure que les ODR conduisent, de manière
générale, à une distanciation du champ social dans lequel ils interviennent
par rapport au juge étatique, et donc par rapport aux acquis juridiques que
le droit étatique garanti au travers du juge. Ce n’est pas que les acquis du

(1623) Voir Section II. — Intégration de la résolution des litiges en ligne dans les ordres
juridiques étatiques, p. 389 et seq. supra.
(1624) Voir Section VI. — Mécanismes d’autoexécution et ODR, p. 349 supra. On rappellera
que Lawrence Lessig s’exprimait en des termes très proches sur les défis posés de manière générale
par la normativité dans le cyberespace : L. LESSIG, « The Law of the Horse : What Cyberlaw
Might Teach », op. cit. n. 991, 530-531: « with every enforced contract – with every agreement that
subsequently calls upon an enforcer to carry out the terms of that agreement – there is a judgment
made by the enforcer about whether this obligation should be enforced. In the main, these judg-
ments are made by a court […] When the code enforces agreements, however, or when the code
carries out a self-imposed constraint, these public values do not necessarily enter into the mix. »
Voir aussi ID., Code and other Laws of Cyberspace, op. cit. n. 949, p. 136 : « the ultimate power of a
contract is a decision by a court–to enforce the contract of not […] The same is not true of code. »

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524 RÉGULATION PAR LES ODR

droit de la consommation, par exemple, soient forcément mis à mal, mais


ce sont les garanties du respect de ces acquis – qui constituent autant de
garanties de légitimité substantielle – qui sont affaiblies (1625). C’est tout
particulièrement par le recours aux mécanismes d’autoexécution que les
ODR restreignent les possibilités de contrôle par l’État de la qualité de la
justice non étatique, contournant ainsi ces garanties de la légitimité procé-
durale de la justice non étatique. De nouvelles formes de garantie
s’imposent donc, en remplacement des celles qui sont affaiblies ou
contournées (1626).
Les ODR constituent une occasion précieuse d’améliorer la défense des
droits des acteurs du commerce électronique. La défense de ces droits ne
passera toutefois pas seulement pas l’amélioration de leur efficacité et de
leur efficience, ce à quoi s’attache la majeure partie des initiatives du secteur
de la résolution des litiges en ligne, mais également par la garantie du res-
pect des acquis juridiques des sociétés contemporaines ainsi que de la qua-
lité éthique de ces procédures.

(1625) Nous mentionnerons simplement ici, pour ne pas entrer dans une digression qui nous
détournerait de l’essence de notre exposé, une partie de la politique de la Commission européenne
en matière de résolution extrajudiciaire (essentiellement hors ligne) des litiges, qui à notre sens
reconnaît cette distanciation et la nécessité de réintroduire des mécanismes de garantie. Nous nous
limiterons à rapporter les propos de Philippe Amblard, qui écrit que « l’Union européenne entend
organiser un véritable dispositif informationnel comparable à la jurisprudence des ordres judiciaires
nationaux ou communautaires. L’objectif est d’uniformiser les règles de conduite appliquées par ces
différents organismes extrajudiciaires afin d’accroître l’influence normative de ces normes élaborées
consensuellement par les acteurs dans le respect des principes édictées par l’Union européenne. Afin de
pérenniser un corpus de grandes décisions d’organismes extrajudicaires de règlement des litiges
[…] la directive dite commerce électronique prévoit en son article 17 al. 3 que ‘les États membres
encouragent les organes de règlement extrajudiciaire des litiges à communiquer à la Commission
les décisions importantes qu’ils prennent en matière de services de la société de l’information’ »
(nous soulignons) : Ph. AMBLARD, Régulation de l’Internet. L’élaboration des règles de conduite par le
dialogue internormatif, Bruxelles, Bruylant, 2004, pp. 411–412.
(1626) Dans le même sens, voir par exemple E.G. THORNBURG, « Going Private : Techno-
logy, Due Process, and Internet Dispute Resolution », op. cit. n. 977, p. 154, qui retient notam-
ment que « ni l’autorégulation volontaire par l’industrie ni les développements ad hoc lors de
procédures de résolution des litiges ne seront suffisants pour assurer la protection des valeurs
fondamentales sur Internet. »

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LÉGITIMITÉ 525

B. — Société globale de l’information et justice


procédurale
La construction géographiquement délimitée des États-nations a permis
une certaine homogénéisation des cultures et des cultures juridiques en leur
sein, une formation de l’identité nationale qui est, entre de nombreuses
autres choses, la traduction de valeurs, d’aspirations morales et éthiques.
Cette communauté de références axiologiques entre les citoyens joue un
rôle important dans la régulabilité, ou plus exactement dans l’adéquation
des divers modes de régulation, d’un État-nation. Elle est un ingrédient
culturel qui déterminera, à côté d’autres facteurs, de l’acceptabilité d’une
norme ou d’un ensemble de normes. C’est ce qui explique en partie le fait
qu’une norme ou une politique publique ou sociale puisse être très bien
acceptée, c’est-à-dire considérée comme légitime, au sein de la nation d’un
État, mais pas d’un autre. Ce phénomène n’est bien entendu pas limité aux
seuls États-nations, mais concerne toute entité sociale. Il s’ensuit que plus
une entité sociale est hétérogène quant à ses repères axiologiques, plus elle
est difficilement gouvernable en substance, une intervention normative
étant toujours déjà une sélection et une défense de certaines valeurs au
détriment d’autres.
On sait que ces questions de gouvernabilité ou de régulabilité relèvent
d’une problématique très actuelle, que la mondialisation et l’érosion des
frontières accentuent de manière croissante le panachage culturel des po-
pulations, entraînant cette diversité salutaire mais complexe, enrichissante
mais irréductible et difficilement prévisible. Du point de vue de l’inter-
vention législative, nous l’avons noté plus haut (1627), on passe ainsi du
gouvernement à la gouvernance, c’est-à-dire de « l’imposition de principes
d’action par une autorité […] centrale » à un « processus de coordination
d’acteurs, de groupes sociaux, d’institutions (publiques ou non) pour
atteindre des buts propres discutés et définis collectivement dans des envi-
ronnements fragmentés et incertains » (1628) : on n’impose plus, on coor-
donne. Le même problème se pose – on s’en doute – dès lors que l’on étend

(1627) Voir Chapitre IV : Le réseau : un méta-modèle de régulation, p. 151 et seq. supra.


(1628) J. COMMAILLE, « La régulation des temporalités juridiques par le social et le politique »
in Temps et droit. Le droit a-t-il pour vocation de durer ?, s. dir. F. Ost et M. van Hoecke, Bruxelles,
Bruylant, 1998, p. 317 et seq., spéc. p. 335.

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526 RÉGULATION PAR LES ODR

l’échelle géographique de l’intervention normative. C’est que, écrit Jean


Leca, « le modèle de l’État-nation n’est pas transférable à un niveau global
ou même régional (ici au sens du niveau d’un groupe d’États), car il est
inséparable de l’État-nation » (1629). Au transnational, on semble être
contraint d’accepter l’existence de fortes oppositions de valeurs, de diver-
gences d’intérêts et de conflits de normes. Dans un tel environnement, la
quête de la justice devra souvent se limiter à la balance ou coordination des
intérêts en jeu, en deçà de l’idéal de la recherche d’un ordre social basé sur
une conception substantielle et idéologique de la justice.
On réalise aisément que le problème se pose de manière exacerbée dans
le cyberespace, où l’absence presque totale de frontières géographiques
entraîne le multiculturalisme à son degré le plus fort. Il s’agit ici d’une
forme radicale de ce « nouveau pluralisme culturel [qui] tend à émerger, où
la ‘société’ globale est vue comme rassemblant des individus n’ayant aucun
accord substantiel sur des valeurs communes, mais seulement un accord
éventuel sur des procédures de négociation » (1630).
Cela signifie, en d’autres termes, que la légitimité de l’intervention nor-
mative tend à passer de sa dimension substantielle à sa dimension procé-
durale (1631). Si les aspirations morales et éthiques quant au contenu des
normes se diversifient et que la légitimité substantielle des normes est en
conséquence plus difficile à atteindre, on devra veiller d’autant plus à ga-
rantir que les procédures suivies et les auteurs chargés de produire les nor-
mes sont perçus comme légitimes. La justice sera dans ces conditions
davantage procédurale que substantielle.

(1629) J. LECA, « L’État creux » in La France au-delà du siècle, La Tour d’Aigues, DATAR /
Ed. de l’Aube, 1994, p. 91 et seq., spéc. p. 92.
(1630) Ibid.
(1631) Voir aussi G.-P. CALLIESS, Prozedurales Recht, Baden-Baden, Nomos, 1999, p. 271 :
« wenn in der modernen Gesellschaft die materiellen Regeln derart komplex und kurzlebig wer-
den, dass weder deren Kenntnis erwartet noch auf deren Fortgeltung vertraut werden kann, so
müssen wenigstens die Prozeduren, in denen über die Inhalte entschieden wird, transparent sein,
und die Rechte der Subjekte auf Teilnahme an der Definition der sie betreffenden Rechtsinhalte
müssen unverbrüchlich garantiert sein [...] Im Lichte des prozeduralen Rechtsparadigmas kommt
dem Recht die Funktion eines Supervisors autonomer gesellschaftlicher Selbststeuerungsprozesse
zu, der mit der notwendigen Distanz und Neutralität die Einhaltung der prozeduralen Spielregeln
überwacht, ohne selbst als Mitspieler Partei zu ergreifen. »

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LÉGITIMITÉ 527

SECTION III. — Libéralisme : la légitimité


fondée sur la défection

Un courant théorique important de la régulation du cyberespace s’inspire


de formes radicales du libéralisme politique. Issu des velléités libertaires des
premiers théoriciens du cyberespace, ce courant de pensée conçoit la nor-
mativité dans le cyberespace comme un gigantesque marché de corps de
règles entre lesquels les internautes peuvent choisir. Selon cette théorie,
tout internaute choisirait, rationnellement, un corps de règles qu’il juge
acceptable, légitime, juste. La production normative des mécanismes de
résolution des litiges en ligne constituerait un ou plusieurs corps de règles
de ce type, ou alors intégrerait simplement un autre corps de règle plus
large, tel celui d’une place de marché.
L’internaute se déplacerait du champ d’application d’un corps de règle à
un autre – par exemple d’une place de marché à une autre – faisant défec-
tion des environnements normatifs qu’il considère illégitime. Il voterait
avec sa souris comme on vote avec ses pieds. Pour les tenants de cette
théorie, l’État n’aurait donc pas à intervenir (ni d’ailleurs aucune autre
structure de contrôle) car seul le libre choix des destinataires des normes de
se soumettre à l’un ou à l’autre de divers ordonnancements normatifs sau-
rait constituer une réelle garantie de la légitimité de la régulation. Toute
autre structure de contrôle ne ferait qu’imposer des choix de valeurs dont
rien ne garantirait la légitimité.
Si l’on voulait éclairer cette théorie à l’aide de principes plus accessibles
au juriste de droit positif, on pourrait soutenir qu’elle est analogue au prin-
cipe de subsidiarité du droit européen (1632). Celui-ci, à la lumière du
récent Accord institutionnel Mieux légiférer (1633), peut être considéré

(1632) Traditionnellement, ce principe dispose simplement que les institutions communautai-


res ne doivent intervenir que si la question en cause ne peut être adéquatement réglée à un niveau
inférieur : J. VERHOEVEN, « Analyse du contenu et de la portée du principe de subsidiarité » in Le
principe de subsidiarité, s. dir. F. Delpérée, Bruxelles, Bruylant, 2002, p. 376 et seq. Rappelons que
le principe de subsidiarité découle de l’art. 5 CE, qui prévoit que « la Communauté n’intervient
[…] que si et dans le mesure où les objectifs de l’action envisagée ne peuvent pas être réalisés de
manière suffisante par les États membres. »
(1633) L’art. 16 Accord interinstitutionnel entre le Parlement, le Conseil et la Commission :
Mieux légiférer, JO C 321 du 31.12.2003, p. 1, prévoit que « les trois institutions rappellent que la
Communauté ne légifère que dans la mesure nécessaire, conformément au protocole sur

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528 RÉGULATION PAR LES ODR

comme signifiant, en tant que principe fondamental de politique législa-


tive, qu’il « imposerait à l’État de ne pas légiférer lorsque d’autres moyens
d’atteindre les objectifs publics peuvent exister, en particulier l’autorégu-
lation » (1634). Si l’on pousse le raisonnement un peu plus loin et qu’on
l’applique à la théorie examinée ici, on pourrait dire que nous sommes en
présence d’une application du principe de subsidiarité dans son sens
nouveau que nous venons de mentionner, avec cette particularité que l’on
retient le postulat que l’autorégulation par le truchement du vote avec la
souris atteint quasi systématiquement les objectifs publics que l’État pour-
rait vouloir atteindre. Celui-ci ne devrait donc quasiment jamais intervenir
dans le cyberespace, si son intervention doit demeurer légitime, puisqu’il y
a toujours « d’autres moyens d’atteindre les objectifs publics […] en parti-
culier l’autorégulation [par la souris] ».
Dans cette section, nous nous proposons d’expliciter un peu plus cette
théorie, tout d’abord dans son acception générale, puis dans son application
au cyberespace et au commerce électronique. Enfin, nous expliquerons
pourquoi nous considérons que cette approche est utopiste et insuffisante.

SOUS-SECTION I. — LIBÉRALISME ET DÉFECTION


Dans le Criton de Platon, on s’en souvient, Socrate est condamné à boire
de la ciguë, prétendument coupable d’avoir corrompu la jeunesse par ses
idées. Son ami Criton, révolté par cette injustice, vient le trouver en prison
pour le libérer. Mais Socrate refuse. L’un des arguments le poussant à res-
ter et à attendre la mort est que les lois, auxquelles Platon prête la parole,
lui rappellent ceci : « nous ne laissons pas de proclamer, par la liberté que
nous laissons à tout Athénien qui veut en profiter, que, lorsqu’il aura […]
pris connaissance des mœurs politiques et de nous, les lois, il aura le droit,
si nous lui déplaisons, de s’en aller où il voudra […] Mais, qui que ce soit
de vous qui demeure ici, où il voit de quelle manière nous rendons la justice

l’application des principes de subsidiarité et de proportionnalité. Elles reconnaissent l’utilité de


recourir, dans les cas appropriés, lorsque le traité CE n’impose pas spécifiquement le recours à un
instrument juridique, à des mécanismes de régulation alternatifs » (nous soulignons). L’Accord
mentionne ensuite la co-régulation (art. 18 et seq.) et l’autorégulation (art. 22 et seq.) comme
« mécanismes de régulation alternatifs ».
(1634) Y. POULLET, « Technologies de l’information et de la communication et ‘co-régula-
tion’ : une nouvelle approche ? », op. cit. n. 919, p. 167 et seq., spéc. pp. 175–176.

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LÉGITIMITÉ 529

et administrons les autres affaires publiques, dès là nous prétendons que


celui-là s’est de fait engagé à faire ce que nous commanderons et que, s’il ne
nous obéit pas, il est […] coupable » (1635). Le consentement librement
manifesté de la soumission au droit d’une cité constitue donc, selon le texte
de ce bel argumentaire (1636), le fondement de sa légitime application – il
s’agit pour ainsi dire d’une présomption irréfragable de la légitimité procé-
durale des normes du droit étatique.
Ce genre d’argument a été repris et étendu par certains tenants du libé-
ralisme politique, tels que Robert Nozick. Ils en ont construit la théorie
selon laquelle l’État doit intervenir le moins possible dans l’organisation
sociale, il doit se cantonner à un rôle de « veilleur de nuit » (« watchman
state »). L’organisation sociale doit être laissée à son auto-organisation
autour de communautés librement formées au sein de l’État. Celui-ci ne
doit même pas intervenir, dans cette perspective, contre une communauté
répressive ou même totalitaire, puisque, dans le monde utopique de
Nozick, les individus sont totalement libres de se joindre à une commu-
nauté ou à une autre. La soumission à une communauté, postulée
volontaire et produit d’un consentement éclairé, emporte la légitimité de
l’application de son ordonnancement normatif, quel que soit son
contenu (1637) – on peut voir ici une présomption irréfragable de la légiti-
mité procédurale et substantielle des divers ordonnancements normatifs
non étatiques.
Des auteurs comme Albert Hirschman, qui développe la « théorie de la
défection » (« exit theory »), poussent le raisonnement encore plus loin. Ici
la meilleure forme de régulation sociale n’est pas l’intervention et le
contrôle de l’État, mais un bon usage des options de défection (exit) et de
prise de parole (1638). La prise de parole, qui est la protestation et la
revendication visant à corriger de l’intérieur le dysfonctionnement d’une

(1635) PLATON, Criton, trad. É. Chambry, Paris, Flammarion, 1965, p. 76.


(1636) On sait que le réel argument de Platon est beaucoup plus complexe que cela, mais ceci
dépasse le contexte de notre propos. Pour une analyse du Criton en termes d’argumentaire pour la
désobéissance civile, voir F. OST, « La désobéissance civile : jalons pour un débat » in Obéir et
désobéir. Le citoyen face à la loi, s. dir. P.-A. Perrouty, Bruxelles, Éd. de l’ULB, 2000, p. 15 et seq.
(1637) R. NOZICK, Anarchie, État et utopie, trad. É. d’Auzac de Lamartine, Paris, PUF, 1988,
chapitre 10 « Utopie », pp. 363–405.
(1638) A. HIRSCHMAN, Défection et prise de parole, trad. C. Besseyrias, Paris, Fayard, 1995,
passim.

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530 RÉGULATION PAR LES ODR

entité sociale, nous intéresse moins ici que la défection. Celle-ci advient de
la manière la plus ostensible lorsqu’un consommateur mécontent d’un pro-
duit se tourne vers celui d’une autre entreprise, ce qui a pour effet non seu-
lement d’améliorer sa propre position, mais également d’inciter la première
entreprise à redresser la qualité de sa production. La qualité moyenne d’un
produit tend ainsi à s’améliorer dans un secteur donné. La défection ad-
vient aussi, de manière plus générale, lorsqu’un acteur social juge qu’il
existe un dysfonctionnement dans une entité sociale (communauté, orga-
nisation, entreprise, marché, etc.) et qu’il décide de s’en départir, pour se
joindre à une autre entité. Cette défection, à nouveau, non seulement amé-
liore la position de l’acteur social, mais incite aussi l’entité sociale à corriger
son dysfonctionnement. Par-dessus tout, cela crée une concurrence entre
les diverses entités sociales, l’acteur se tournant toujours, selon le postulat
de cette théorie, vers l’entité la plus attrayante. Finalement, le dysfonction-
nement en question peut bien entendu être constitué par le caractère illégi-
time de l’ordonnancement normatif de l’entité sociale, son inadéquation
avec les aspirations morales et éthiques de ses destinataires. Il se crée dans
ce cas, si l’on suit la théorie de la défection, une concurrence entre les or-
donnancements normatifs, qui tendraient naturellement vers un maximum
d’adéquation morale et éthique, un maximum de légitimité. On peut donc
voir dans cette théorie l’idée que la possibilité de la défection conduit non
seulement à une présomption irréfragable de légitimité d’un ordonnance-
ment normatif (parce que son application présuppose la non-défection),
mais elle crée également des externalités positives sur tous les ordonnan-
cements normatifs d’un même secteur, puisqu’ils sont en concurrence les
uns avec les autres. Il s’agit réellement ici de l’idée d’un darwinisme des
normes et des ordonnancements normatifs, seuls survivent ceux qui sont
acceptables pour leurs destinataires, c’est-à-dire légitimes à tout point de
vue, les autres étant éliminés par la concurrence. Et si pour Darwin les
races tendent à s’améliorer par épuration, les secteurs normatifs suivent
aussi, d’après la théorie de ce libéralisme radical, le chemin naturel du pro-
grès.

SOUS-SECTION II. — APPLICATION AU


CYBERESPACE ET AU COMMERCE ÉLECTRONIQUE

Les théories de Hirschman et de Nozick connaissent un certain engoue-


ment dans leur application à la régulation du commerce électronique et
plus généralement du cyberespace. Elles ont notamment été suivies par des

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LÉGITIMITÉ 531

auteurs aussi étroitement liés à la théorie générale de la régulation du


cyberespace que David Post, David Johnson, Pierre Trudel ou encore
Ethan Katsh, ainsi que tout le courant cyberlibertarien (1639).
Pierre Trudel affirme ainsi tout d’abord que l’ordonnancement normatif
attaché à un produit ou un service offert dans le cyberespace fait partie des
critères de sélection pour les acheteurs ou destinataires de services, sans
relever de distinction entre professionnels ou consommateurs ; « la régula-
tion devient compétitive », écrit l’auteur, « les règles associées à un produit
ou un service en [font] partie […] Tout se passe comme si la régulation
suivie dans un site donné faisait partie du produit offert » (1640). Katsh,
Rifkin et Gaitenby renchérissent qu’il existe une « concurrence entre corps
de règles » (1641).
David Johnson et David Post poursuivent en insistant sur la liberté de
choix, la facilité avec laquelle un internaute passe d’un site web à un autre,
correspondant à ce qui est souvent décrit comme le user empowerment :
l’amélioration de la position de l’utilisateur par la technologie (1642). Cette
facilité de se déplacer d’un site web à l’autre correspond à une facilité de
voter avec la souris, de passer d’un ordonnancement juridique à un autre. Ils
écrivent ainsi que « dans le cyberespace […] tout utilisateur a une option de

(1639) Pour un survol, voir aussi E. LONGWORTH, « Opportunité d’un cadre juridique appli-
cable au cyberespace – y compris dans une perspective néo-zélandaise » in Les dimensions inter-
nationales du droit du cyberespace, s. dir. T. Fuentes-Camacho, Paris, Éd. UNESCO/Economica,
2000, p. 11 et seq., spéc. p. 39, sous titre « L’internet la stratégie de sortie ». Pour une mise en
œuvre de ses théories dans le contexte de la création de l’ICANN, voir S.D. MCDOWELL et Ph.E.
STEINBERG, « Non-state governance and the internet : civil society and the ICANN » in Info,
2001, vol. 3, p. 279 et seq.
(1640) P. TRUDEL, « L’influence d’Internet sur la production du droit » in Le droit internatio-
nal de l’internet, s. dir. G. Chatillon, Bruxelles, Bruylant, 2003, p. 89 et seq., spéc. p. 100.
(1641) E. KATSH, J. RIFKIN et A. GAITENBY, « E-Commerce, E-Dispute, and E-Dispute
Resolution : In the Shadow of ‘eBay Law’ », op. cit. n. 1080, p. 732 : « competition among ‘rule-
sets’ ».
(1642) Voir, parmi de nombreuses références, Center for Democracy & Technology, « An
Analysis of the Bertelsmann Foundation Memorandum on Self-Regulation of Internet Content :
Concerns from a User Empowerment Perspective », octobre 1999, <www.cdt.org/speech/-
991021bertelsmannmemo.shtml>, M. D’UDEKEM-GEVERS et Y. POULLET, « Concerns from a
European User-Empowerment Perspective Relating to Internet Content Regulation : An Analysis
of Some Recent Statements » in CL&SR, 2002, vol. 17, p. 371 et seq. et vol. 18, p. 11 et seq. et H.
BURKERT, « The Post-Deregulatory Landscape in International Telecommunications Law : A
Unique European Union Approach ? » in Brooklyn J. Int’l L., 2002, vol. 27, p. 739 et seq., spéc.
p. 775.

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532 RÉGULATION PAR LES ODR

défection plus importante [que dans la situation territorialisée envisagée par


Hirschman], conférée par la facilité de se déplacer d’un environnement
virtuel normatif à un autre, ce qui conduit à un mécanisme de sélection
plus légitime [que dans le monde hors ligne] » (1643).
Que cette liberté crée de bonnes règles, qui correspondent, par l’effet
conjugué de la constellation des possibilités (et des réalités) de défection,
aux aspirations morales et éthiques de leurs destinataires est un argument
qui est ensuite partagé par tous les auteurs cyberlibertariens. David Post en
tête, ils affirment que « la mobilité – la possibilité de se déplacer sans en-
trave entre ces divers réseaux individuels ayant chacun leur corps de règles
propres – est une puissante garantie que la distribution des règles en résul-
tant est juste » (1644). Dans un autre article, un peu plus circonstancié,
Post indique encore que « la perspective de choix individuels relativement
libres entre des corps de règles en compétition est certainement désirable,
étant donné que ce qui en émerge représente les règles que les individus ont
choisi volontairement d’adopter, plutôt que des règles qui leur ont été im-
posées » (1645).
De là, il n’y a qu’un pas à affirmer que ce n’est pas seulement la régula-
tion de chaque communauté ou de chaque place de marché qui devient

(1643) D.R. JOHNSON et D.G. POST, « Law and Borders – The Rise of Law in Cyberspace »,
op. cit. n. 1477, pp. 1398–1399 : « the ease with which individuals can move between different rule
sets in Cyberspace has important implications for any contractarian political philosophy […] In
the nonvirtual world, this consent has a strong fictional element […] In Cyberspace, though, any
given user has a more accessible exit option, in terms of moving from one virtual environment’s
rule set to another’s, thus providing a more legitimate selection mechanism by which differing rule
sets will evolve over time. » Voir aussi D.R. JOHNSON et K.A. MARKS, « Mapping Electronic
Data Communications onto Existing Legal Metaphors : Should We Let Our Conscience (and
Our Contracts) Be Our Guide ? » in Vill. L. Rev., 1993, vol. 38, p. 487 et seq.
(1644) D.G. POST, « Governing Cyberspace » in Wayne L. Rev., 1996, vol. 43, p. 155 et seq.,
spéc. p. 167 : « mobility – our ability to move unhindered into and out of these individual networks
with their distinct rule-sets – is a powerful guarantee that the resulting distribution of rules is a just
one. »
(1645) D.G. POST, « Anarchy, State, and the Internet : An Essay on law Making in Cyber-
space » in J. Online L., 1995, art. no 3, § 43 : « the prospect of relatively unfettered individual
choice among competing sets of rules is surely an attractive prospect, to the extent that what
emerges represents the rules that people have voluntarily chosen to adopt rather than rules that
have been imposed by others upon them. » Les mêmes idées sont encore défendues dans les arti-
cles suivants : ID., « The Unsettled Paradox : The Internet, the State, and the Consent of the
Governed » in Ind. J. Global Legal Stud., 1998, vol. 5, p. 521 et seq., spéc. p. 539 et seq. et ID.,
« The New Electronic Federalism » in Am. Law., 1996, p. 93 et seq.

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LÉGITIMITÉ 533

juste et légitime par ce mécanisme. C’est déjà aussi l’ensemble de la régula-


tion du cyberespace et du commerce électronique qui est juste et légitime.
Mue par une dynamique due à la concurrence, cette situation ne ferait par
ailleurs que s’accroître et tendre vers un maximum de légitimité, tout
comme les prix tendent vers un minimum dans un marché en situation de
concurrence parfaite. C’est en ce sens que Dawn Nunziato, qui écrit en
totale adhésion aux thèses cyberlibertariennes, considère que le cyberespace
doit devenir un gigantesque marché de règles en situation de concurrence
parfaite, parce qu’un « marché qui agrège nos préférences individuelles en
réponse aux actes individuels de défection sera suffisant pour refléter nos
valeurs fondamentales » (1646).
Ces auteurs concluent finalement au rejet de l’intervention de l’État dans
le cyberespace et le commerce électronique. Ils invoquent l’argument que le
choix d’un ordonnancement juridique privé est (selon la théorie) totalement
libre, alors que la soumission au droit étatique en fonction du lieu de rési-
dence ne découle pas, selon ces auteurs, d’un réel choix, puisque le dépla-
cement du lieu de résidence est une possibilité de défection utopiste dans la
mesure où elle implique des conséquences négatives bien trop importantes
pour l’individu (1647).

SOUS-SECTION III. — CRITIQUES


À notre sens, cette théorie de la garantie, fondée sur la défection, de la
légitimité du droit des places de marché, du commerce électronique et plus
généralement du cyberespace est gravement utopiste. Nous pensons pou-
voir lui faire reproche de cela pour au moins quatre raisons.

(1646) D.C. NUNZIATO, « Exit, Voice, and Values on the Net » in Berkeley Tech. L.J., 2000,
vol. 15, p. 753 et seq., spéc. p. 763 : « in an unregulated cybermarketplace, different market actors
will produce a wide and divergent range of code-sets, embodying different value choices (some
consistent with the First Amendment, for example, others not), offering users the freedom to
choose which value-set or code-set best accords with their preferences and values […] In short, the
Net libertarian claim is that a market on the Internet that aggregates our individual preferences in
response to individual acts of exit will be sufficient to reflect our important values. »
(1647) D.R. JOHNSON et D.G. POST, « Law and Borders – The Rise of Law in Cyberspace »,
op. cit. n. 1477, p. 1398 et D.G. POST, « Governing Cyberspace », op. cit. n. 1644, p. 167 « [online
communities] rather than territorially-based states, become the essential units of governance ; users
in effect delegate the task of rule-making to them – confer sovereignty on them – and choose
among them according to their own individual views of the constituent elements of an ordered
society. »

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534 RÉGULATION PAR LES ODR

En premier lieu, tout comme l’on sait pertinemment qu’un marché to-
talement libre, sans intervention de l’État, produit des externalités négati-
ves notamment en termes moraux et éthiques (on évoquera simplement les
questions environnementales ou de santé publique), on réalise aisément que
les mêmes externalités négatives se produiront inévitablement dans le
cyberespace. Dans le contexte du commerce électronique, on évoquera
simplement la problématique de la vente d’objets qui heurtent gravement
les aspirations morales ou éthiques de la population en générale, tels que les
objets nazis concernés par la célèbre affaire Yahoo, que nous avons eu
l’occasion de mentionner (1648). Le problème de ce type d’externalités
négatives est qu’elles touchent, justement, l’éthique et la morale de la so-
ciété en générale, et non celles des acheteurs qui acceptent d’intégrer une
entité sociale permettant ce genre de ventes ; à ce titre, ces questions de
légitimité ne peuvent pas entrer dans la théorie de la défection, puisqu’elle
ne prend en compte que les aspirations des individus directement concer-
nés, dans notre hypothèse les vendeurs et les acheteurs. Or tout projet de
société, tel celui de la société globale de l’information, se doit de tenir
compte des aspirations morales et éthiques de l’ensemble de la société.
Ensuite, croire que les acteurs commerciaux, tout particulièrement s’il
s’agit de consommateurs et non de professionnels, ont réellement connais-
sance du cadre normatif d’une place de marché, d’un marchand, ou encore
d’un produit ou service, et tout particulièrement de la production normative
des ODR qui fait partie de ce cadre général de règles, est illusoire. La pro-
blématique est ici sensiblement la même que dans le contexte des clauses
d’arbitrage incorporées par référence dans les contrats d’adhésion en ma-
tière de consommation. Les associations de consommateurs se battent
contre la validité de telles clauses compromissoires – c’est-à-dire quand
elles sont conclues avant la survenance du litige, par opposition aux com-
promis arbitraux. La raison pour cela tient à ce que la renonciation à la
justice étatique que ces clauses impliquent repose sur le consentement du
consommateur (1649) alors que l’on sait pertinemment que ce consen-
tement n’existe généralement pas en réalité. Les personnes qui lisent de

(1648) Voir B. — L’affaire Yahoo, p. 69 et seq. supra.


(1649) Sur les divers degrés et standards de consentement du consommateur, voir par exemple
S.J. WARE, « Employment Arbitration and Voluntary Consent » in Hofstra L. Rev., 1996, vol. 25,
p. 83 et seq.

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LÉGITIMITÉ 535

bout en bout les conditions générales des contrats de vente d’objets de


consommation avant de procéder à l’achat sont simplement extrêmement
rares (1650). Le consommateur est donc réputé considérer que la norme
que produira la procédure arbitrale sera légitime au sens procédural. En
réalité il ignore généralement tout de la procédure de production de la
norme individuelle et concrète à laquelle il se soumet (1651). Il est vrai que
cette connaissance du cadre normatif existera forcément a posteriori, après
son application à un cas concret impliquant l’individu dont la connaissance
est en question. Cela ne suffit cependant pas à asseoir l’idée que la situation
d’un individu soumis à un ordonnancement normatif qu’il pourrait quitter
traduit de manière générale son consentement à cet ordonnancement ou
l’adéquation de celui-ci avec les aspirations morales et éthiques de l’indivi-
du en question.
De plus, la défection dans le commerce électronique, le fait de passer
d’une place de marché à une autre, par exemple, n’est pas toujours aussi
exempt de conséquences négatives que les cyberlibertariens le présument.
Le capital social, nous avons tenté de le montrer dans la première partie de
cette étude (1652), se construit dans le cyberespace essentiellement en
fonction de communautés numériques, notamment de places de marché.
Quitter une telle communauté, faire défection d’une place de marché, re-

(1650) Pour une discussion des problèmes éthiques liés au fait de considérer les clauses
d’arbitrage incorporées dans les contrats de consommation comme une simple caractéristique des
biens ou services proposés, qui devrait être prise en considération par les consommateurs au mo-
ment de choisir entre plusieurs fournisseurs : J.R. STERNLIGHT, « Panacea or Corporate Tool ? :
Debunking the Supreme Court’s Preference for Binding Arbitration » in Washington U. L.Q.,
1996, vol. 74, p. 637 et seq.
(1651) On comparera avec intérêt cette situation à celle de la Rome primitive, où le droit de la
Cité n’était pas encore clairement établi et uniforme : M. SHAPIRO, Courts : a comparative and
political analysis, op. cit. n. 1052, p. 49: « the most fundamental device for maintaining the triad is
consent. Early Roman law procedures provide a convenient example. The two parties at issue first
met to decide under what norm their dispute would be settled. Unless they could agree on a norm,
the dispute could not go forward in juridical channels. Having agreed on the norm, they next had
to agree on a judge, a third person who would find the facts and apply the previously agreed upon
norm to settle the dispute. The eventual loser was placed in the position of having chosen both the
law and the judge and thus of having consented to the judgment rather than having had it imposed
on him [...] All of this can, of course, be put in the form of the classic political question : Why
would I obey ? The loser is told that he should obey the third man because he has consented in
advance to obey. He has chosen the norm of decision. He has chosen the decider. He has thus
chosen to obey the decision. »
(1652) Voir Section III. — Reformer des communautés de confiance, p. 211 et seq. supra.

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536 RÉGULATION PAR LES ODR

vient pour la plupart des acteurs commerciaux du cyberespace à perdre leur


capital social (1653), à renoncer à leur clientèle attitrée. L’exemple d’eBay
l’a montré : la réputation en ligne, qui est donc spécifique à une place de
marché donnée, a une valeur commerciale qui peut être significa-
tive (1654).
Finalement, on rappellera qu’en ce qui concerne l’ICANN et l’UDRP, la
défection est impossible, puisque le système de nommage pour les noms de
domaine concernés est bâti sur le contrôle centralisé et monopolistique
d’une base de données. Il n’y a pas, dans ce secteur, de concurrent vers qui
les titulaires de noms de domaine peuvent se tourner si l’UDRP heurte
leurs aspirations morales et éthiques. Il est vrai, toutefois, que le cas du
système de nommage est à cet égard tout à fait particulier (1655). Néan-
moins, son importance pour les bases du fonctionnement du cyberespace –
et donc du commerce électronique – mérite que nous le prenions en
compte pour une réflexion sur la légitimité de la régulation dans l’environ-
nement électronique.

SECTION IV. — Architectures de contrôle


étatique comme garants de légitimité

Nous concluons donc, à la section précédente, que la possibilité d’exercer


l’option défection dans le cyberespace n’est pas constitutive d’une garantie
suffisante quant à la qualité éthique et morale des divers ordonnancements
juridiques qui peuvent s’y développer. Nous proposerons ici quelques mé-
canismes permettant à notre sens d’améliorer cette garantie, en se fondant
sur un contrôle des résultats des procédures ODR. En opposition avec les
thèses du libéralisme politique que nous venons d’évoquer, nous nous ba-
serons sur l’idée que ces divers mécanismes doivent être aux mains de
l’État, seul garant de la légitimité démocratique. Si ces mécanismes ne sont
en effet pas soumis à l’État, ils ne constitueraient guère plus qu’un élément

(1653) En ce sens, L. LESSIG, Code and Other Laws of Cyberspace, op. cit. n. 949, pp. 199–204,
spéc. p. 202, l’auteur allant jusqu’à conclure que l’option défection est en réalité plus riche en
conséquences négatives pour celui qui l’exerce dans le cyberespace que dans le monde réel.
(1654) Voir D. — Exclusion de places de marché, p. 360 et seq. supra.
(1655) Nous avons pu évoquer ceci sous B. — Régulation locale : places de marché, noms de
domaine, p. 516 et seq. supra.

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LÉGITIMITÉ 537

supplémentaire dans ces ordonnancements juridiques sur lesquels les desti-


nataires n’ont d’autre contrôle que celui de la défection.
On observera également que l’État peut en théorie exercer, sans les ar-
chitectures que nous envisageons, ce contrôle que nous appelons ici de nos
vœux. En effet, les tribunaux étatiques demeurent bien entendu formel-
lement compétents pour revoir les sentences arbitrales sous l’angle du re-
cours et les autres résultats des procédures ODR (qui prennent en principe
la forme juridique du contrat) quant à leur compatibilité avec le droit des
obligations. Toutefois, il est improbable que ces voies soient empruntées
par les parties à la plupart des procédures en ligne. Il en va ainsi en raison
de la lourdeur des procédures judiciaires et des coûts qu’elles génèrent, qui
sont disproportionnés par rapport à la valeur litigieuse de la plupart des
litiges soumis à ce mode de règlement des différends. D’autres mécanismes
de contrôle doivent en conséquence être mis en place ; nous examinerons
ici les hypothèses des systèmes d’accréditation, des centres de traitement et
des instances de recours en ligne (1656).

SOUS-SECTION I. — SYSTÈMES
D’ACCRÉDITATION

Le premier type d’architecture de contrôle, soit les systèmes d’accréditation,


est informationnel ; il repose sur le contrôle de l’information concernant les
institutions d’ODR. Il intervient plus précisément à deux niveaux. D’un
côté, il permet de perfectionner le fonctionnement de l’option défection
préconisée par les cyberlibertariens en améliorant la transparence des orga-
nismes de résolution des litiges en ligne (1657). De l’autre, il contribue à la

(1656) Les paragraphes concernant ces trois premiers mécanismes s’inscrivent en prolongement
des études que nous avions pu rapporter dans Th. SCHULTZ, « An Essay on the Role of Govern-
ment for ODR. Theoretical considerations about the future of ODR » in Online Dispute Resolution
(ODR). Technology as the “Fourth Party”, s. dir. E. Katsh et D. Choi, Genève et Amherst, Mass.,
Publ. des Nations unies et de l’Université de Massachusetts, 2003, p. 99 et seq. et dans G.
KAUFMANN-KOHLER et Th. SCHULTZ, Online Dispute Resolution : Challenges for Contemporary
Justice, op. cit. n. 936, p. 121 et seq.
(1657) Dans le même sens que nos conclusions quant à la théorie de la défection abordée plus
haut, le groupe de travail sur les ODR et le commerce électronique de l’Association du barreau
américain conclut ainsi que « l’un des principaux problèmes [quant à l’établissement de standards
dans le domaine des ODR] est l’absence de structures permettant aux consommateurs et aux
professionnels d’obtenir les informations nécessaires pour opérer des choix éclairés entre les divers
fournisseurs dans le domaine du commerce électronique et de la résolution des litiges en ligne » :

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538 RÉGULATION PAR LES ODR

mise en œuvre de standards de qualité de la justice établis par des autorités


auxquels les utilisateurs font confiance pour le règlement des diffé-
rends (1658), c’est-à-dire avant tout les États (1659). Ces deux niveaux de
contrôle opèrent et se combinent de différentes manières dans les quatre
types de systèmes d’accréditation, qui correspondent à autant de rôles que
peut jouer l’entité d’accréditation : le registre, le guide, l’évaluateur et le
certificateur (1660).
On notera encore, avant de passer en revue ces quatre formes
d’accréditation, que de nombreux acteurs du domaine de la résolution des
litiges en ligne considèrent qu’il n’est pas souhaitable que l’État intervienne
et qu’il est trop tôt pour développer des systèmes d’accréditation (1661).
L’argument de ces détracteurs des architectures de contrôle est essentiel-
lement le suivant. Ce domaine doit encore évoluer. Or on ne connaît pas
actuellement toutes les possibilités offertes par le règlement des litiges en
ligne, ni toutes ses difficultés. Il n’est donc pas possible, à l’heure actuelle,
de développer de bons standards dans ce domaine. Cette position est à
notre sens trop manichéenne, ne voyant dans les standards et le contrôle de

ABA Task Force on E-Commerce and ADR and Shidler Center, « Addressing Disputes in Elec-
tronic Commerce : Final Recommendations and Report », op. cit. n. 1061, p. 446 (trad. par
l’auteur).
(1658) Sur la résolution extrajudiciaire comme marché où le respect par les institutions de rè-
glement des différends de certains standards constitue un élément important de concurrence : J.B.
RACINE, « Les dérives procédurales de l’arbitrage » in Les transformations de la régulation juridique,
s. dir. J. Clam and G. Martin, Paris, LGDJ, 1998, p. 229 et seq., spéc. p. 233.
(1659) Sur la question de la confiance dans l’ODR, voir Th. SCHULTZ, « Does Online Dispute
Resolution Need Governmental Intervention ? », op. cit. n. 1201, p. 89 et seq. et M.S.A. WAHAB,
« La technologie sape-t-elle la confiance ? La confidentialité et la sécurité dans l’arbitrage en
ligne » in Bull. ICC (numéro spécial sur la technologie au service des différends commerciaux),
2004, p. 45 et seq.
(1660) Sur ces formes d’accréditation, voir M. PHILIPPE, « Where Is Everyone Going With
Online Dispute Resolution (ODR) ? » in RDAI, 2002, vol. 13, p. 167 et seq., spéc. pp. 183–184 et
ABA Task Force on E-Commerce and ADR and Shidler Center, « Addressing Disputes in Elec-
tronic Commerce : Final Recommendations and Report », op. cit. n. 1061, p. 449 et seq.
(1661) M. CONLEY TYLER et D. BRETHERTON, Research into Online Alternative Dispute
Resolution : Exploration Report Prepared for the Department of Justice Victoria, International Conflict
Resolution Centre, Université de Melbourne, Mars 2003, <www.justice.vic.gov.au>, p. 49, L.E.
TEITZ, « Providing Legal Services For The Middle Class In Cyberspace : The Promise And
Challenge Of On-Line Dispute Resolution » in Fordham L. Rev., 2001, vol. 70, p. 985 et seq.,
spéc. pp. 1013–1014 et ABA Task Force on E-Commerce and ADR and Shidler Center,
« Addressing Disputes in Electronic Commerce : Final Recommendations and Report », op. cit. n.
1061, p. 448.

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LÉGITIMITÉ 539

leur respect qu’une cause de gel de l’innovation, comme si les standards


devaient forcément être très élaborés, très précis, inflexibles. À notre sens,
il est tout à fait possible et désirable de mettre en œuvre des standards mi-
nimaux et flexibles, qui seraient étoffés au fur et à mesure de la progression
de ce secteur d’activité.
En tant que registre, l’entité d’accréditation fournit simplement aux uti-
lisateurs des liens Internet vers les institutions accréditées. L’existence de ce
lien garantit à l’utilisateur que les institutions d’un tel registre remplissent
les conditions fixées pour y figurer ; ces conditions peuvent bien entendu
varier d’une simple reconnaissance de la pratique de la résolution des litiges
en ligne par l’institution – ce qui constitue l’essentiel de la pratique ac-
tuelle (1662), qui n’a qu’un intérêt très limité – à son respect de certains
standards de qualité. Il semble évident qu’un tel registre peut fournir aux
utilisateurs un repère digne de confiance (si l’accréditeur inspire confiance,
ce qui est en principe le cas, dans ce domaine, des autorités étatiques) leur
permettant d’orienter leur choix d’un organisme d’ODR ou d’une place de
marché (hypothèse de la défection). Il permet aussi à l’accréditeur de favo-
riser le respect généralisé de ses standards (hypothèse de la régulation par
l’exercice de l’option défection).
En tant que guide, l’entité de certification propose une information plus
fournie sur les activités des organismes de résolution des litiges en ligne. La
description de cette activité pourrait ainsi inclure les langues dans lesquelles
les services de l’institution peuvent être obtenus, la délimitation ratione
materiae et ratione loci, la durée moyenne d’une procédure, les coûts engen-
drés, les méthodes de sélection des tiers, le nombre de litiges résolus,
etc. (1663). On le voit : la transparence des activités de l’organisme aug-
mente dans cette hypothèse, permettant aux utilisateurs un choix plus
éclairé. Cette information accrue permet aux utilisateurs de doubler la sé-
lection par l’accréditeur, selon les standards de ce dernier, d’une seconde
sélection des institutions jugées dignes de confiance, selon les critères de
l’utilisateur lui-même. Ce type de systèmes d’accréditation s’adresse de

(1662) Voir par exemple la liste tenue par le Centre de Résolution des Litiges et des Techno-
logies de l’Information de l’Université de Massachusetts, <www.odr.info/providers.php>.
(1663) M. PHILIPPE, « Where Is Everyone Going With Online Dispute Resolution
(ODR) ? », op. cit. n. 1660, p. 186.

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540 RÉGULATION PAR LES ODR

toute évidence à des parties plus sophistiquées, aptes à juger d’elles-mêmes


du respect des critères qui leur paraissent importants quant à la qualité des
procédures de règlement des différends.
Quand l’entité d’accréditation endosse le rôle d’évaluateur, son rôle est,
en plus de fournir les services de registre et de guide, d’évaluer la qualité des
services fournis par les institutions accréditées et de rendre ces évaluations
publiques. Une telle évaluation se fera typiquement sur la base des com-
mentaires d’utilisateurs et sur des contrôles périodiques (1664) destinés à
établir la manière dont la procédure est administrée de manière générale,
comment elle est menée par le tiers et quelle est la qualité des décisions
rendues ou des accords conclus. Les résultats de ces évaluations doivent
ensuite être rendus publiquement accessibles sur le site web de l’accré-
diteur. Cette forme d’accréditation est plus poussée que les deux formes
précédentes : par rapport au registre, elle fournit de manière générale
beaucoup plus d’informations et, en comparaison avec le guide, les
informations sont davantage substantielles.
En tant que certificateur, forme la plus aboutie des systèmes
d’accréditation, l’accréditeur fournit les informations que fournirait un
registre, un guide et un évaluateur, mais cela non seulement sur son site
web, mais également de manière délocalisée, c’est-à-dire sur les sites web
des organismes de résolution des litiges en ligne elles-mêmes. Cela assure
une diffusion plus importante de l’information, qui est en quelque sorte
accessible sur le produit lui-même. Il s’agit ici d’une forme de labellisation
des institutions, le label ou sceau de confiance prenant la forme d’une mar-
que électronique visible sur le site web de l’institution de règlement des
différends (1665).

(1664) Dans ce sens, ABA Task Force on E-Commerce and ADR and Shidler Center,
« Addressing Disputes in Electronic Commerce : Final Recommendations and Report », op. cit. n.
1061, pp. 453–454.
(1665) Voir ibid. pp. 27–29, F. WALTER, « E-Confidence in E-Commerce durch Alternative
Dispute Resolution » in AJP, 2001, p. 755 et seq. et A. WIENER, « Regulations and Standards for
Online Dispute Resolution. A Primer for Policymakers and Stakeholders », 15 février 2001,
<www.mediate.com/articles/awiener2.cfm>, p. 3.

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LÉGITIMITÉ 541

SOUS-SECTION II. — CENTRES DE TRAITEMENT


Un centre de traitement (ou centre d’information et d’assistance, en anglais
clearinghouse) est en substance un intermédiaire entre les futurs demandeurs
dans une procédure ODR et les organismes de résolution des litiges en
ligne ; il fournit des informations sur les institutions de règlement en ligne
et aide le demandeur d’abord à choisir l’organisme d’ODR le plus appro-
prié à ses besoins et ensuite à initier la procédure. Concrètement, l’activité
typique d’un centre de traitement est de fournir des formulaires de récla-
mation à compléter en ligne, de jouer le rôle d’un tiers de confiance pour
les paiements des utilisateurs aux institutions d’ODR, de filtrer les deman-
des et de fournir toute sorte de conseils sur la résolution des litiges en gé-
néral (1666). Par ces activités, un centre de traitement exerce généralement
un contrôle sur les institutions de résolution en ligne à deux niveaux. Tout
d’abord, ce genre d’architectures de confiance incorpore en principe un
système d’accréditation : le centre ne fournit des informations et n’aide à
choisir qu’entre des organismes dont la qualité des services est jugée suffi-
sante. Ensuite, le centre opère un contrôle plus spécifique sur le plan de
l’accès des parties aux institutions d’ODR. Il peut par exemple émettre des
recommandations spécifiques à certains types de litiges, visant des institu-
tions données. Il peut également orienter les demandeurs en fonction des
organismes qui lui semblent fournir la meilleure qualité de justice. Il peut
finalement jouer le rôle d’une institution supervisant toute la phase de
soumission d’une affaire, pour ainsi observer la pratique d’un organisme
durant cette phase et limiter les dérives qui pourraient y survenir.
Il existe actuellement deux exemples permettant de rendre compte de ce
type d’architectures de contrôle : le projet de « Dispute Resolution Clear-
ingHouse » (DCH) de la CCI et le Réseau extrajudiciaire européen (réseau
EJE) (1667).

(1666) En ce sens, voir M. PHILIPPE, « Where Is Everyone Going With Online Dispute
Resolution (ODR) ? », op. cit. n. 1660, p. 184.
(1667) De tels mécanismes ont également été étudiés par l’Association du barreau américain,
mais ils n’ont pas à notre connaissance fait l’objet d’un réel projet de mise en œuvre : voir ABA
Task Force on E-Commerce and ADR and Shidler Center, « Addressing Disputes in Electronic
Commerce : Final Recommendations and Report », op. cit. n. 1061, p. 449, décrivant des « entités
dont le rôle serait de recevoir des réclamations de consommateurs du monde entier pour ensuite
référer ces litiges à des centres d’ADR/ODR ‘certifiés’ de manière interne » (trad. par l’auteur).

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542 RÉGULATION PAR LES ODR

Le but du DCH serait d’informer les consommateurs et les profession-


nels quant aux mécanismes existants et aux organismes d’ODR sélection-
nés (1668) en matière de consommation, ainsi que de fournir une aide aux
consommateurs pour choisir l’institution la plus appropriée au vu des cir-
constances. Plus précisément, le DCH devrait fournir à tout le moins six
types de services, qui ensemble décrivent bien les fonctions des centres de
traitement. Tout d’abord, il doit fournir, sur son site, des informations
concernant les institutions sélectionnées d’ODR en matière de consom-
mation. Ensuite, il aiderait les consommateurs à sélectionner une institu-
tion d’ODR adéquate et à lui soumettre le litige ; cette adéquation serait
établie selon le type de litige, la proximité géographique et la langue choisie
par le consommateur. Plus avant, le DCH élaborerait un formulaire de
soumission des litiges standardisé et disponible en plusieurs langues. De
plus, et ici la dimension de contrôle de légitimité des résultats des procé-
dures apparaît, il développerait des standards fondamentaux que tous les
organismes d’ODR auxquels il renvoie doivent respecter. Par ailleurs, il
s’assurerait du respect de ces standards par les organismes de règlement en
ligne soit à intervalle régulier, soit à la suite de plaintes d’utilisateurs. Fina-
lement, il serait chargé de veiller à ce qu’un maximum d’entreprises accep-
tent de se soumettre aux procédures de résolution en ligne si un
consommateur en fait la demande, donc de s’engager unilatéralement par
avance à suivre une procédure ODR (1669).
Lancé en octobre 2001 par la Commission européenne (DG Sanco), le
Réseau EJE est une structure européenne d’information et d’assistance. Son
objectif est d’« établir un réseau d’organes nationaux de règlement extra-
judiciaire des litiges pour une résolution rapide et efficace des litiges de
consommation transfrontaliers, en utilisant les nouveaux moyens de com-

(1668) La liste des institutions provisoirement sélectionnées est reproduite dans le document
Chambre de commerce internationale (CCI), « Business-to-Consumer and Consumer-to-
Consumer Alternative Dispute Resolution (ADR) Inventory Project », 18 juillet 2002, <www.-
iccwbo.org/home/ADR/ADR%20PROJECT%20REPORT%20final.pdf>.
(1669) Ces six fonctions ont été décrites dans le document Chambre de commerce internatio-
nale (CCI), Commission sur les télécommunications et les technologies de l’information, « ICC
and business-to-consumer Alternative Dispute Resolution in E-Commerce : A Strategy Paper »,
DOC CTIT 373/404, 12 février 2000, présenté par Christopher Kuner lors d’une conférence sur
la résolution des litiges en ligne à l’Université de Münster, Allemagne, le 22 juin 2001.

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LÉGITIMITÉ 543

munication, notamment l’Internet » (1670). Constatant d’un côté l’inadé-


quation des procédures judiciaires pour résoudre ce type de litiges et de
l’autre la trop grande diversité des procédures extrajudiciaires dans les dif-
férents États membres, la Commission a ainsi décidé de mettre en œuvre
un réseau de « centres d’information et d’assistance ». Il s’agit là de points
de contact nationaux où les consommateurs peuvent obtenir renseignement
et conseils, et où ils peuvent déposer une réclamation contre un profession-
nel situé dans un autre État membre. Cette réclamation est ensuite ache-
minée vers l’institution d’ADR ou d’ODR jugée la plus appropriée au
litige (1671).
Au travers de ces centres de traitement, le Réseau EJE exerce sur les ins-
titutions d’ODR un certain contrôle. Les centres de traitement ne fournis-
sent des informations qu’à propos des institutions de règlement des diffé-
rends accrédités, et ils n’orientent les consommateurs, par la transmission
de leurs réclamations, que vers de telles institutions. La principale condi-
tion d’accréditation est le respect des principes fondamentaux de procédure
spécifiés dans les Recommandations de la Commission 98/257 (1672) et
2001/310 (1673). La réalisation de cette condition est dans un premier
temps vérifiée par les États membres, qui communiquent ensuite à la
Commission les listes d’organismes d’ADR et d’ODR respectant ces
Recommandations ; la Commission décide finalement de l’intégration de
ces organismes dans le Réseau EJE. La réalisation de cette condition est
ensuite vérifiée périodiquement. Par ailleurs, une autre forme de contrôle se

(1670) Voir Résolution du Conseil, du 25 mai 2000, relative à un réseau au niveau communau-
taire d’organes nationaux chargés du règlement extrajudiciaire des litiges de consommation, JO C
155 du 6.6.2000, p. 1. Voir aussi Union européenne, Synthèse de la législation, Réseau pour la
résolution extrajudiciaire des litiges de consommation (Réseau EJE), <europa.eu.int/scadplus/leg/-
fr/lvb/l32043.htm> et le site <www.eejnet.org>.
(1671) Pour un description plus détaillée du réseau EJE, voir Commission européenne, DG
Sanco, « Document de travail relatif à la création d’un Réseau extrajudiciaire européen (EJE) », 20
mars 2000, <europa.eu.int/comm/consumers/redress/out_of_court/eej_net/acce_just06_fr.pdf> et,
de manière générale, Commission européenne, DG Sanco, Réseau EJE, <europa.eu.int/comm/-
consumers/redress/out_of_court/eej_net/index_fr.htm>.
(1672) Recommandation 98/257 de la Commission, du 30 mars 1998, concernant les principes
applicables aux organes responsables pour la résolution extrajudiciaire des litiges de consommation,
JO L 115 du 17.4.1998, p. 31.
(1673) Recommandation 2001/310 de la Commission, du 4 avril 2001, relative aux principes
applicables aux organes extrajudiciaires chargés de la résolution consensuelle des litiges de
consommation, JO L 109 du 19.4.2001, p. 56.

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544 RÉGULATION PAR LES ODR

développe par le contact quasi permanent entre les centres de traitement et


les organismes de règlement des différends. Ce contact, qui correspond à
une fonction d’« intermédiation » (1674) des centres de traitement, s’établit
à l’occasion de la transmission de la plainte, quand le centre de traitement
interagit réellement avec l’organisme de résolution des litiges lors des
premiers stades de la procédure.
Ces deux exemples, le DCH et le Réseau EJE, montrent le rôle que
peuvent jouer les centres de traitement, comment ils peuvent exercer un
contrôle sur la qualité de la justice rendue au sein des organismes d’ODR
par la communication d’informations et l’aiguillage des parties vers les or-
ganismes respectant les conditions posées par les centres de traitement. On
rappellera encore la difficulté que connaissent de nombreuses institutions
de règlement des litiges en ligne pour apparaître sur le marché de cette
forme de justice et, en corollaire, combien il leur est important d’avoir une
source institutionnalisée d’affaires à traiter. Ceci aide à percevoir le poids
que peut avoir la communication d’information et l’aiguillage des parties
vers certains organismes plutôt que d’autres.

SOUS-SECTION III. — INSTANCES DE RECOURS


EN LIGNE

La forme de contrôle la plus directe des résultats des procédures en ligne


(et donc de la légitimité des normes produites par les institutions d’ODR)
réside dans la possibilité de revoir les décisions prises ou les accords conclus
devant une instance supérieure (1675). L’hypothèse est ici de prévoir des
instances de recours en ligne, soit un deuxième niveau d’ODR.
Comme nous l’avons dit au début de cette section, les parties aux procé-
dures de règlement des litiges en ligne ont toujours juridiquement la possi-

(1674) Commission européenne, DG Sanco, « Document de travail relatif à la création d’un


Réseau extrajudiciaire européen (EJE) », op. cit. n. 1671, p. 5.
(1675) En admettant l’hypothèse d’une instance en ligne habilitée à invalider des accords issus
de médiations, nous élargissons la perspective que nous avions pu adopter dans G. KAUFMANN-
KOHLER et Th. SCHULTZ, Online Dispute Resolution : Challenges for Contemporary Justice, op. cit. n.
936, p. 128 et seq. L’argument en faveur de cet élargissement est que l’instance de recours en ligne
doit reprendre pour autant que faire se peut le rôle des tribunaux étatiques. Si l’invalidation d’un
accord de médiation n’est plus guère possible devant les tribunaux (d’un point de vue empirique et
non légal), elle doit l’être d’une autre manière.

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LÉGITIMITÉ 545

bilité de saisir les tribunaux pour recourir contre les sentences arbitrales ou
pour faire invalider un accord issu d’une médiation pour vice de consen-
tement. Cette possibilité juridique ne se traduira toutefois que rarement en
une réelle possibilité pratique si le litige en question n’a qu’une valeur liti-
gieuse relativement faible, ce qui concerne la plupart des litiges soumis au
règlement en ligne. Une opposition au stade de la procédure d’exequatur,
par hypothèse entamée contre une partie considérant que le résultat de la
procédure est incorrect et qui refuserait en conséquence de s’exécuter vo-
lontairement, n’est pas réellement plus réaliste. Les frais judiciaires occa-
sionnés sont similaires et les mécanismes d’autoexécution permettent, dans
les cas où ils sont utilisés, de mettre hors circuit la possibilité d’une telle
opposition. Si les résultats des procédures ODR doivent pouvoir faire
l’objet d’un recours ou d’une action en annulation, la seule voie réaliste, la
seule manière de mettre en œuvre une voie de recours réellement accessible
est à notre sens de prévoir un deuxième niveau d’ODR, une instance de
recours en ligne – le terme recours n’est donc pas à prendre ici en son sens
strict, mais englobant toute possibilité d’invalider le résultat d’une procé-
dure de règlement de litiges (1676).
Au-delà de ces avantages, soit le contrôle de la qualité des résultats des
procédures en ligne et l’amélioration de l’accessibilité des voies de recours,
une telle deuxième instance présenterait également un autre effet désirable.
Elle permettrait d’harmoniser la production juridique de divers tribunaux
arbitraux d’une même institution et d’améliorer ainsi la sécurité juridique
de ces ordonnancements juridiques. Bien entendu, ici comme pour le
contrôle de la qualité, plus grand est le pouvoir de l’instance de recours de
revoir la décision ou l’accord, plus important sera l’effet d’harmonisation. Il
est ainsi souhaitable que le recours soit notamment plus large que celui
prévu par la plupart des droits nationaux à l’égard des sentences arbitrales,
qui est en principe limité à la violation des principes fondamentaux de pro-
cédures et de l’ordre public international.
Notons à ce propos qu’il est possible de prévoir des voies de recours dif-
férentes de celles qui sont ordinairement ouvertes devant les tribunaux.

(1676) M. PHILIPPE, « Where is everyone going with online dispute resolution (ODR) ? », op.
cit. n. 1660, p. 188, l’auteur suggérant qu’un organisme d’appel en ligne est la réponse à la question
de savoir « quel recours peut être offert afin de ne pas perdre les avantages du règlement à
l’amiable ».

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546 RÉGULATION PAR LES ODR

Nous pensons tout particulièrement ici à l’arbitrage à deux niveaux, prévu


par les règles de procédure de certaines institutions d’arbitrage hors li-
gne (1677), où les parties peuvent saisir, après avoir obtenu une sentence
arbitrale de première instance, un second tribunal arbitral au sein de la
même institution, dont la sentence remplacera celle rendue en premier lieu.
Ayant déjà abordé l’arbitrage à deux niveaux plus haut (1678), nous n’y
reviendrons pas ici plus avant.
L’hypothèse d’une instance de recours en ligne a toutefois également
certains désavantages. Tout d’abord, la durée de la procédure sera allongée
et les coûts augmenteront. Par ailleurs, l’argument est souvent soulevé que
l’accessibilité a pour corollaire les abus : plus une instance de recours est
facilement accessible, plus il y aura d’abus, les parties utilisant simplement
cette voie de recours à des fins dilatoires (1679). Ces arguments nous sem-
blent toutefois manichéens. S’il est indubitable que la possibilité d’un re-
cours allonge la procédure et génère des coûts supplémentaires, qu’il y ait
d’ailleurs abus ou non, on ne peut en conclure que la procédure sera forcé-
ment trop longue ou trop chère, les procédures d’ODR étant de manière
générale rapides et relativement peu onéreuses. Finalement, il est possible
des limiter le nombre de recours, et d’exclure dans une très large mesure les
abus, par des moyens tels que l’exigence d’une autorisation d’appel (leave to
appeal) ou d’une ordonnance de certiorari (writ of certiorari). La première
est typiquement délivrée par l’instance inférieure, la seconde par l’instance
supérieure, en réponse à une requête introductive d’instance démontrant
que l’affaire soulève des questions si importantes juridiquement que
l’instance supérieure doit s’en saisir (1680). Il est par ailleurs révélateur à
cet égard de constater que les premiers projets de l’UDRP prévoyaient une
telle instance de recours. L’idée fut abandonnée suite aux pressions des
lobbies des titulaires de marques, qui alléguaient la possibilité d’abus de la

(1677) Voir sous point 1. Effectivité symbolique : vers l’arbitrage à deux niveaux ?, p. 430 et
seq. supra.
(1678) Ibid.
(1679) En ce sens, M. MUELLER, « Rough Justice : An Analysis of ICANN’s Dispute Resolu-
tion Policy », op. cit. n. 1487, p. 19.
(1680) En ce sens, M.S. DONAHEY, « A Proposal for an Appellate Panel for the Uniform Do-
main Name Dispute Resolution Policy » in JintArb, 2001, vol. 18, p. 131 et seq., spéc. p. 132.

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LÉGITIMITÉ 547

voie de recours, commis par les titulaires de noms de domaine (1681). Un


nombre croissant d’auteurs considèrent aujourd’hui qu’une telle deuxième
instance est nécessaire pour garantir une application uniforme de l’UDRP
et pour améliorer la qualité générale des décisions (1682).
Finalement, on observera qu’une instance de recours en ligne peut elle-
même contribuer à la formation ou au renforcement de systèmes juridiques
non étatiques, en accroissant la clôture de tels systèmes. Une décision d’une
instance de recours diminuerait en effet dans la plupart des cas l’incitation
des parties de porter l’affaire devant les tribunaux étatiques. Les raisons en
sont, d’un côté, le rallongement de la procédure et l’augmentation des coûts
et, de l’autre, l’accroissement par le recours de la probabilité qu’ont les par-
ties d’obtenir une décision acceptable (1683).
Si l’on peut conclure qu’une telle instance de recours en ligne est certai-
nement désirable en elle-même, il semble toutefois préférable, à la suite de
cette dernière observation, qu’elle soit contrôlée par l’État, seul garant de la
légitimité démocratique. À ce titre, si le caractère transnational du cyber-
espace et du commerce électronique pose la question problématique de
savoir quel État, représentant quel peuple, devra contrôler cette deuxième
instance, une réponse partielle peut résider dans une perspective non mon-
diale mais régionale (au sens où le terme région désigne un territoire plus
large que les États) : l’Union européenne, par exemple, pourrait proposer

(1681) Pour un historique de ces projets, voir A.M. FROOMKIN, « ICANN’s’Uniform Dispute
Resolution Policy’ – Causes and (Partial) Cures » in Brooklyn L. Rev., 2002, vol. 67, p. 605 et seq.,
spéc. p. 638.
(1682) Voir par exemple M.S. DONAHEY, « Divergence in the UDRP and the Need for Ap-
pellate Review » in J. Internet L., 2002, vol. 5, no 11, p. 1 et seq., spéc. p. 1, l’auteur, ayant constaté
les fortes divergences entre les solutions juridiques retenues par les divers panel, se demande si
« l’UDRP est un système juridique ou simplement une loterie » et conclut qu’« il manque à
l’UDRP une instance de recours qui permettrait d’apporter un minimum d’uniformité à cette
procédure » (trad. par l’auteur) et ID., « A Proposal for an Appellate Panel for the Uniform Do-
main Name Dispute Resolution Policy », op. cit. n. 1680, p. 132, l’auteur considérant qu’une
harmonisation est hautement improbable si l’on compte sur l’effet des recours aux tribunaux étati-
ques. Voir aussi L.R. HELFER and G.B. DINWOODIE, « Designing Non-National Systems », op.
cit. n. 1591, p. 251.
(1683) En ce sens L.R. HELFER and G.B. DINWOODIE, « Designing Non-National Sys-
tems », op. cit. n. 1591, p. 252 et M. MUELLER, « Rough Justice : An Analysis of ICANN’s Dis-
pute Resolution Policy », op. cit. n. 1487, p. 19, concluant qu’une instance de recours rendrait
l’UDRP « davantage comme un droit global et moins comme un système de résolution alternative
des litiges ».

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548 RÉGULATION PAR LES ODR

une telle instance de recours, notamment dans le cadre du Réseau EJE que
nous venons d’évoquer, pour le commerce électronique européen.
Au-delà de ces formes de contrôle externes de la légitimité du droit pro-
duit par les mécanismes de résolution des litiges en ligne, nous nous
proposons d’aborder maintenant une forme interne de contrôle. Nous pas-
serons ainsi de l’idée de la construction d’architectures encadrant cette
production normative à une proposition de repenser de manière très géné-
rale les raisonnements juridiques des tiers dans des procédures de résolution
des litiges. À notre sens, la pesée des intérêts est une technique juridique
importante pour ces raisonnements juridique et elle peut être améliorée par
une méthodologie.

SECTION V. — Une méthodologie de la pesée


des intérêts comme technique juridique garante
de légitimité

« L’intérêt, aussi bien de chaque individu, que l’intérêt de la population


comme telle » écrivait Michel Foucault, « constitue la nouvelle cible et
l’instrument fondamental de gouvernement de la population » (1684). Pour
François Ost, « ce ne sont pas des modifications de détails que l’intérêt
apporte, […] c’est un ‘bougé’ généralisé de toutes les catégories, un ébran-
lement dont on n’a sans doute pas fini de mesurer l’intensité » et « l’am-
pleur des transformations présentes est telle […] et si important l’enjeu des
réponses qu’y apportent nos ordres juridiques, que nous sommes en droit
de réfléchir en termes de ‘changement de paradigme’ » (1685). On le voit :
l’intérêt joue un rôle tout à fait central dans les phénomènes juridiques
contemporains.
Ceci est fonction, entre autres facteurs, du fait que le droit entend au-
jourd’hui être plus proche de la réalité sociale à laquelle il a vocation à
s’appliquer. Ceci nécessite un meilleur dialogue avec les faits sociaux, qui
s’établit notamment par le truchement du concept d’intérêt, qui se situe, on

(1684) M. FOUCAULT, « Governmentality » in I & C, 1979, vol. 6, p. 5 et seq., spéc. p. 18.


(1685) F. OST, Droit et intérêt, t. 2, Entre droit et non-droit : l’intérêt, Bruxelles, Publ. FUSL,
1990, p. 157.

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LÉGITIMITÉ 549

le verra, au point de passage entre le droit et les faits. Cette réalité sociale
est par ailleurs devenue plus complexe, diversifiée et multiculturelle.
L’accélération du temps juridique, qui correspond à une accélération de la
réalité sociale, contribue également à la montée en importance de l’intérêt
en droit, puisqu’il faudra souvent adapter les textes juridiques à des réalités
changeantes (1686). Divers acquis juridiques (acquis sociaux en général,
acquis environnementalistes ou, plus près de notre propos, acquis consu-
méristes) imposent également au droit la prise en compte d’un plus grand
nombre d’intérêts que par le passé ; la fonction de l’intérêt est dans cette
optique de « promouvoir la participation de nouveaux partenaires dans le
jeu juridique » (1687). Résultat de tous ces facteurs, la pesée des intérêts
devient un mode central des processus contemporains de décision juridi-
que, un « nouveau mode de production du droit » (1688).
À notre sens, un certain nombre de ces facteurs sont encore exacerbés
dans le cyberespace. On relèvera tout d’abord le plus manifeste : le multi-
culturalisme. Il s’agit du panachage des cultures et des cultures juridiques
dans ce monde, sans guère de frontières géographiques, que génère la
« téléproximité sociale » (1689) propre au cyberespace. Ce multicultura-
lisme, on l’a noté (1690), conduit nécessairement à une justice procédurale,
qui devra veiller à ménager un équilibre entre les diverses aspirations mo-
rales et éthiques, qui sont autant d’intérêts qu’il faudra peser. Ensuite, ce
sont les normes applicables lors de la résolution des litiges par les ODR qui
seront souvent vagues, notamment quand il s’agit de codes de conduite ou
de principes généraux du commerce (1691) ; ce caractère vague, on le verra,

(1686) À ce propos, F. OST, Le temps du droit, Paris, Odile Jacob, 1999 et ID., « Le commerce
en ligne : courts-circuits et excès de vitesse » in Le consentement électronique, s. dir. B. de Nayer et J.
Laffineur, Louvain-la-Neuve, Centre de droit de la consommation, 2000, p. 187 et seq.
(1687) ID., Droit et intérêt, op. cit. n. 1685, p. 156.
(1688) Ibid., chapitre IV : « La fonction régulatrice exercée par l’intérêt. Un nouveau mode de
production du droit ? », p. 155 et seq.
(1689) P. VIRILIO, La bombe informatique, op. cit. n. 1534, pp. 69–70.
(1690) Voir B. — Société globale de l’information et justice procédurale, p. 525 et seq. supra.
(1691) Cf. Y. POULLET, « Quelques considérations sur le droit du cyberespace » in Les di-
mensions internationales du droit du cyberespace, s. dir. T. Fuentes-Camacho, Paris, Éd.
UNESCO/Economica, 2000, p. 185 et seq., spéc. pp. 198-199 « à propos des ‘environnements
électroniques’ […] on notera [parmi les] tendances particulières du droit étatique […] celle de
préférer le recours à des notions à contenu vague, évolutif et susceptibles de moult interprétations,
des ‘standards’. »

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550 RÉGULATION PAR LES ODR

implique une plus importante pesée d’intérêts. Finalement, on rappellera


que le droit de la consommation – qui est le reflet juridique d’une partie
centrale de l’arrière-plan sociétal de cette étude – est, comme l’écrit Thierry
Bourgoignie, un « droit de la représentation des intérêts collectifs et dif-
fus » (1692). Or la représentation de ces intérêts collectifs et diffus se fait
ordinairement par le droit étatique (représentation démocratique des divers
courants d’intérêts de la société), alors que l’on sait que dans le cyberespace
celui-ci est affaibli.
Comment assurer alors que ces intérêts soient pris en compte lors de
l’élaboration de la norme individuelle et concrète qui sera produite à l’issue
de la procédure de résolution d’un litige ? Nous gagerons qu’une possibilité
réside dans une bonne méthodologie de la pesée des intérêts : l’arbitre pro-
nonçant une sentence, mais aussi tout autre tiers rendant une décision, un
avis, une recommandation, devra, comme le préconisait notamment l’école
de l’Interessenjurisprudenz (1693), compléter l’œuvre du pouvoir législatif
(étatique ou non étatique) qui a produit la norme qu’il applique ou dont il
s’inspire, en prenant en compte l’ensemble des intérêts pertinents pour
aboutir à un résultat axiologiquement acceptable.
On observera ici que le mécanisme de la pesée des intérêts n’intervient
que dans les modes d’ODR qui impliquent la participation d’un tiers ren-
dant un avis, une recommandation ou une décision. Ceci exclut notam-
ment la médiation purement facilitative (dans laquelle le médiateur ne
tente que de rapprocher les parties, sans leur rendre un avis ou une recom-
mandation) ainsi que la négociation. De plus, les différents modes de rè-
glement des litiges impliquent différents types de pesée des intérêts, ou au
moins différentes gradations d’intervention de ce mécanisme. Ceci dépend
notamment, comme nous le verrons ci-dessous, de la densité des normes

(1692) Th. BOURGOIGNIE, Éléments pour une théorie du droit de la consommation, Bruxelles,
Story-scientia, 1988, p. 212.
(1693) Voir par exemple Ph. HECK, Gesetzauslegung und Interessenjurisprudenz, Tubingue,
Mohr / Siebeck, 1914, ID., Interessenjurisprudenz. Gastvorlesung, Tubingue, Mohr / Siebeck, 1933,
ID., « Rechtsphilosophie und Interessenjurisprudenz » in AcP, 1937, p. 194 et seq. et ID., « The
Jurisprudence of Interests. An outline » in The Jurisprudence of Interests, selected writings,
Cambridge, Mass., Harvard Univ. Press, 1948, p. 31 et seq. Voir aussi, sur le mouvement de
l’Interessenjurisprudenz : M. BÜRGISSER et J.-F. PERRIN, « Interessenjurisprudenz : statut et inter-
prétation de la loi dans l’histoire du mouvement » in Droit et intérêt, t. 1, Approche interdisciplinaire,
s. dir. Ph. Gérard, F. Ost et M. van de Kerchove, Bruxelles, Publ. FUSL, 1990, p. 327 et seq.

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LÉGITIMITÉ 551

appliquées ou encore de la rigueur avec laquelle elles sont appliquées. Ces


variations sont donc par exemple fonction du fait que l’on est en médiation
ou en arbitrage, mais elles existent également entre un type d’arbitrage et
un autre. Elles dépendront encore du degré de processualisation atteint par
une procédure de résolution donnée : plus ce degré est élevé, plus la pesée
d’intérêt sera limitée, parce que la marge de maneuvre du tiers, ou autre-
ment dit son pouvoir d’appréciation, sera plus faible (1694).
Si l’on projette cette corrélation entre processualisation et pesée
d’intérêts dans le temps, il apparaît que le rôle de celle-ci diminuera avec la
progression de celle-là (1695). Du point de vue du contrôle de la produc-
tion normative des ODR, la processualisation creuse en effet le lit des mé-
canismes de contrôle externes (1696) : la formalisation des procédures les
ouvre à une emprise accrue de la part de ces mécanismes. Tout porte donc
à penser que les fonctions de contrôle interne (pesée des intérêts) cèderont
progressivement la place aux fonctions de contrôle externes (accréditation,
centres de traitement, recours). Pour l’heure toutefois, le faible degré de
processualisation des procédures de résolution des litiges en ligne ainsi que
la fréquente indétermination des normes appliquées lors de telles procédu-
res font de la pesée des intérêts, en tant que processus cognitif de prise de
décision ou de proposition de solution, un élément important de la qualité
des résultats produits. De manière tout à fait simplifiée, on dira donc
qu’une bonne méthodologie de la pesée des intérêts peut constituer un
instrument utile au bon travail des tiers, qu’ils soient arbitres, décideurs ou
encore médiateurs.
Nous aimerions en conséquence nous aventurer ici dans les linéaments
d’une méthodologie opératoire de la pesée des intérêts. Nous sommes plei-
nement conscient du caractère largement exploratif et spéculatif des déve-
loppements qui vont suivre, dû notamment au manque de matériau
empirique disponible – les décisions, recommandations et avis rendus à
l’issue d’une procédure de règlement de litiges en ligne sont encore large-
ment confidentiels ou au moins non publiés, ce qui empêche de procéder à

(1694) Voir sous Sous-section III. — Pesée d’intérêt et pouvoir d’appréciation, p. 556 et seq.
infra.
(1695) Voir Chapitre VIII : Perspective : vers la processualisation ?, p. 271 et seq. supra.
(1696) Ces mécanismes de contrôle externe ont été abordés dans la Section IV. —
Architectures de contrôle étatique comme garants de légitimité, p. 536 et seq. supra.

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552 RÉGULATION PAR LES ODR

un test de falsification de la théorie que nous développons. En consé-


quence, nous concevons cette théorie comme ayant un rôle davantage nor-
matif que descriptif ; par ailleurs, nous la proposons ici simplement en
guise d’ouverture pour une réflexion.

SOUS-SECTION I. — LA NOTION D’INTÉRÊT


Bien que l’on considère en général que « l’intérêt résiste à la défini-
tion » (1697), qu’il est une « notion […] que l’on illustre, qu’on qualifie
[…], qu’on classe […], mais qu’on ne définit pas » (1698), nous aimerions
tout de même tenter d’en exposer brièvement quelques éléments définitoi-
res. Nous nous limiterons toutefois ici aux seuls éléments qui nous sem-
blent nécessaires à la construction du raisonnement qui suivra (1699). Nous
noterons ainsi que l’intérêt a « partie liée avec la réalité » (1700), qu’il se
place, pour ainsi dire, entre les normes et les faits. À ce titre, nous consi-
dérerons qu’il constitue essentiellement un désir traduit en droit (désir qui
peut être, par exemple, patrimonial et individualiste, ou communautaire,
moral et éthique).
L’intérêt a donc « partie liée avec la réalité ; une réalité diverse et variable
qui, faisant irruption au creux des règles de droit, en subvertit les caractères
d’abstraction, de généralité et d’intemporalité » (1701). Il est ainsi une
connexion entre l’abstraction des normes juridiques et la réalité factuelle, il
se situe entre les deux ; il n’est pas en lui-même une norme et il n’est pas
non plus un fait brut, sans rapport quelconque avec une norme.
Qu’il ne soit pas une norme semble flagrant. Une norme appartient à la
sphère de ce que l’on peut appeler les idées de devoir (1702) : elle prescrit,

(1697) F. OST, Droit et intérêt, op. cit. n. 1685, p. 10


(1698) G. CORNU et J. FOYER, Procédure civile, 3ème éd., Paris, PUF, 1996, p. 256.
(1699) Nous avons pu aborder cette définition plus en détail dans : Th. SCHULTZ, « Pesée
d’intérêts : réflexions autour de la notion d’intérêt » in D&Q, 2003, vol. 3, p. 299 et seq.
(1700) F. OST, Droit et intérêt, op. cit. n. 1685, p. 14.
(1701) Ibid.
(1702) Les notions sont d’Axel Hägerström, qui distingue plus précisément idée morale de de-
voir et de valeur. Elles sont exposées dans E. PATTARO, Realismo giuridico Scandinavo, t. I, Axel
Hägerström, Bologne, Coop. Libraria Universitaria, 1974, pp. 202 et seq. et ID., « Conduite cor-
recte, droit subjectif et intérêt » in Droit et intérêt, vol. 1, s. dir. Ph. Gérard, F. Ost et M. van de
Kerchove, Bruxelles, Publ. FUSL, 1990, p. 319 et seq., spéc. p. 320 : « les idées morales sont des
idées de valeur ou bien des idées de devoir. Avec les premières, on considère quelque chose comme

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LÉGITIMITÉ 553

sans qu’il y ait de jugement de valeur une fois la norme produite. L’intérêt
se range par contre du côté de ce que l’on qualifierait alors d’idées de va-
leur : si l’on attribue un intérêt à quelque chose, on fait un jugement de
valeur, on considère qu’il s’agit de quelque chose de bon (moralement ou
éthiquement, par exemple (1703)), qui procure un sentiment de plaisir.
Que l’intérêt ne soit pas un fait brut découle notamment de ce jugement
de valeur que nous venons d’évoquer. À son origine, l’intérêt est un dé-
sir (1704). Il puise en effet de toute évidence son essence dans l’utile et le
profitable et il correspond à la volonté de son titulaire d’inscrire dans une
norme juridique l’un de ses désirs : j’ai le désir que ma vie privée soit proté-
gée, j’ai un intérêt (juridiquement reconnu) à la protection de ma vie privée,
le droit prescrit de respecter ma vie privée. L’intérêt constitue ainsi une
étape sur le chemin des désirs aux normes juridiques. Tout ce chemin est
une suite de sélection des désirs légitimes.

SOUS-SECTION II. — SÉLECTION DES INTÉRÊTS


Avant la sélection juridique (la traduction en droit du désir), on peut voir
avec François Ost que se produisent plusieurs sélections préjuridiques. La
psychologie nous révèle une première sélection des désirs, entre le je et le tu
par le il, cette « loi du père », pour écrire comme Lacan, dont l’enfant doit
faire l’apprentissage (1705). Viennent ensuite toute sorte de sélections par

bon ou mauvais ; elles aboutissent à des sentiments de plaisir ou de regret. Les deuxièmes concer-
nent la conduite et elle n’ont rien à voir avec le plaisir ou le regret que la conduite provoque par
elle-même ou bien moyennant ses conséquences. »
(1703) Ch.-A. MORAND, « Vers une méthodologie de la pesée des valeurs constitutionnelles »
in De la Constitution. Études en l’honneur de Jean-François Aubert, s. dir. P. Zen-Ruffinen et A.
Auer, Bâle, etc., Helbing & Lichtenhahn, 1996, p. 57 et seq., spéc. p. 59, l’auteur rapprochant
intérêt de valeur. Voir aussi E. HUBER, Code civil suisse. Avant-projet, Berne, Éd. Chancellerie
fédérale, 1900, p. 1 et seq., qui rapproche intérêt de besoin de la vie. Voir au surplus le vo « Intérêt »
in Vocabulaire juridique, s. dir. G. Cornu, Paris, PUF, 1987, pp. 429 et seq., spéc. p. 430 : l’intérêt
est « ce qui importe (à l’état brut, avant toute qualification) : considération d’ordre moral (affection,
bonheur, haine) ou économique (argent, possession d’un bien) qui, dans une affaire (contrat,
procès,...), concerne, attire, préoccupe une personne (ce qui lui importe). »
(1704) F. OST, Droit et intérêt, op. cit. n. 1685, p. 14 : « en pointant, à la suite de Carbonnier, le
lien intime qui relie l’intérêt au désir, peut-être avons-nous touché l’essentiel – en tout cas, la
racine profonde de la méfiance que suscite l’intérêt dans la pensée juridique classique. L’intérêt ne
serait-il pas l’interprète du désir, ce terrible désir, subjectif et ravageur, qui se joue, ou pourrait se
jouer, craint-on, des contraintes sociales et des interdits juridiques ? »
(1705) Voir, pour l’idée des sélections préjuridiques, ibid.

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554 RÉGULATION PAR LES ODR

des normes sociales faisant le tri entre ces désirs ayant passé le premier filet
psychologique. C’est seulement après ces deux sélections qu’un désir peut
devenir intérêt, par le choix des producteurs de droit de le faire apparaître
dans le paysage juridique. Et c’est seulement après ce triple critère
d’élimination qu’un désir peut devenir agissant en droit, dans sa traduction
juridique d’intérêt. C’est en ce sens que nous retiendrons l’idée que l’intérêt
est un désir agissant en droit et relatif à un comportement.
Nous devons maintenant nous demander comment ces producteurs de
droit doivent faire leur sélection, quels sont les désirs qui doivent devenir
des intérêts, quels doivent être ces intérêts.
Dans un chemin allant de la foule de désirs originaires, ces désirs d’avant
leur première sélection, aux décisions des cas concrets, après leur dernière
sélection, nous en sommes à l’acceptation par les producteurs de droit de la
traduction en intérêt (c’est-à-dire en droit) de certains désirs ayant passé
avec succès les premiers tests de conformité psychologiques et sociaux. La
question, à ce stade, est de savoir s’il est possible de dégager des critères
abstraits de sélection, des critères qui permettraient d’établir, a priori, un
groupe d’intérêts qui pourraient plus tard entrer dans la pesée des intérêts.
La nature de la délimitation du groupe que nous retiendrons se fonde
sur la distinction entre intérêts solipsistes et universalisables. François Ost
relève ainsi que dans le langage courant et sous la plume d’auteurs tels que
Bentham ou Habermas, la conception de l’intérêt est plurielle et fait preuve
d’au moins deux acceptions opposées : l’intérêt peut ainsi être identifié d’un
côté au dessein de lucre, à l’appât de gain, en son sens le plus péjoratif
d’intérêt égoïste, comme l’exprime l’expression « agir par intérêt » (1706).
Mais il peut aussi viser une fin noble et altruiste qui jette l’opprobre sur le
désintéressement, qui est le refus de la prise en compte de désirs que certai-
nes valeurs nous commandent de considérer comme légitimes (1707). Ces

(1706) Ibid., p. 16 : « sous la plume d’un utilitariste comme Bentham, [l’intérêt] se charge du
plus lourd égoïsme individuel. »
(1707) J. HABERMAS, Raison et légitimité. Problèmes de légitimation dans le capitalisme avancé,
trad. F. Lacoste, Paris, Payot, 1978, pp. 149–153, qui retient le concept d’« intérêts universalisa-
bles », qui constituent autant d’« intérêts établis sans méprise », fruits d’un « consensus rationnel »
dégagé par la raison pratique. En d’autres termes, les intérêts universalisables correspondent, pour
Habermas, aux choix éthiques collectifs d’une société, choix qui doivent s’opérer non simplement
par un vote majoritaire, mais suivant un processus discursif entre les divers acteurs en présence. Ce
processus discursif, pour aboutir à résultats raisonnablement acceptables par tous, doit respecter les

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LÉGITIMITÉ 555

deux conceptions (extrêmes opposés d’un axe définitoire) peuvent être qua-
lifiées d’intérêts solipsistes et universalisables (1708). D’un côté de l’axe, les
intérêts sont des désirs du « plus lourd égoïsme individuel » (1709). De
l’autre, ce sont des désirs correspondant à des aspirations morales et éthi-
ques, dont la prise en compte généralisée constitueraient une norme géné-
rale d’une grande moralité (1710) – un intérêt qui pourrait être rapproché
d’un impératif catégorique kantien. La légitimité d’un intérêt se détermine
selon sa position sur cet axe, graduel, allant des intérêts solipsistes d’un côté
(pôle d’illégitimité), aux intérêts universalisables de l’autre (pôle de légiti-
mité).
Ceci nous conduit à deux premières conclusions : tout d’abord que les
intérêts trop proches du pôle solipsiste doivent être rejetés lors de la créa-
tion d’une norme juridique (y compris, bien entendu, la norme du cas
d’espèce). On pense par exemple au désir de profiter d’un enrichissement
indu, c’est-à-dire, justement, illégitime. Ensuite, que la recherche des in-
térêts (au sens de « la pesée de tous les intérêts pertinents ») lésés par une
norme doit être d’autant plus approfondie que l’intérêt prépondérant tend
vers le pôle solipsiste. À l’inverse, si l’intérêt majeur de la pesée des intérêts
est universalisable, l’importance de la recherche de tout autre intérêt à
prendre en compte est moindre. L’édiction d’une norme (soit-elle celle du
cas particulier) selon un nombre limité d’intérêts tendant au solipsisme, au
mépris d’autres intérêts semblables ou universalisables, correspond à son
accaparement par le bénéficiaire des intérêts que la norme traduit.

conditions d’éthique communicationnelle dégagées par Habermas (participants et thèmes de la


discussion non limités ; point de contrainte autre que le meilleur argument ; arguments avancés de
manière hypothétique et en admettant la possibilité d’alternatives).
(1708) F. OST, Droit et intérêt, op. cit. n. 1685, p. 16.
(1709) Ibid., p. 189 : « d’un côté, l’individu souverain, qui est lui-même sa propre mesure. Pro-
méthéen et moderne, sa raison et sa volonté solipsistes (solus ipse) génèrent une manière
d’autorégulation. Traduite dans le langage du droit, cette logique conduirait, à la limite, à
l’absolutisation du moi libre, d’une liberté ‘pure’, détachée du corps, de la nature, du lien social,
autorisée donc à disposer de soi, à manipuler jusqu’à l’épuisement les ressources naturelles, et à
s’affranchir du commerce social, à commencer par le lien d’inscription généalogique. »
(1710) Ibid., p. 190 : « [la question de la légitimité] ne suppose-t-elle pas quelque référence à
une norme générale et transcendante, elle-même référée à des droits et intérêts universalisables ?
Cette aspiration éthique reçoit, elle aussi, diverses consécrations juridiques. Qu’il suffise d’évoquer
les droits fondamentaux [...] qui paraissent plutôt comme des intérêts universalisables. »

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556 RÉGULATION PAR LES ODR

SOUS-SECTION III. — PESÉE D’INTÉRÊT ET


POUVOIR D’APPRÉCIATION

Nous avons évoqué à plusieurs reprises l’idée d’une prise en compte sélec-
tionnée des intérêts lors de la création de normes. Cette prise en compte
implique certains choix. Choix de l’acceptation ou du rejet d’accorder un
poids à un intérêt considéré, choix dans la hiérarchisation des intérêts rete-
nus. Ce double choix est désigné par les syntagmes, équivalent, de « pou-
voir d’appréciation » et de « pouvoir discrétionnaire ».
Pour analyser le concept de pouvoir d’appréciation et son rapport avec la
pesée d’intérêts, partons de deux autres concepts qui se distinguent l’un de
l’autre par leurs relations avec le pouvoir d’appréciation : les règles et les
principes (1711).
Ces deux types de normes sont deux bornes par lesquelles passe l’axe
d’indétermination (qui est un corollaire du pouvoir d’appréciation) (1712).
D’un côté, les règles tendent vers la réduction du tiers dans une procédure
de résolution des litiges à une bouche de la loi, sans jamais y parvenir (1713),
sans jamais parvenir à exclure totalement son pouvoir d’appréciation. De
l’autre, les principes laissent au tiers un pouvoir plus ou moins large de
création du droit, car la norme qu’est le principe est plus ou moins floue,

(1711) L’essentiel de l’étude qui suit a fait l’objet d’une première publication dans Th.
SCHULTZ, « Pesée d’intérêts : réflexions autour de la notion d’intérêt », op. cit. n. 1699, p. 305 et
seq.
(1712) De manière générale sur la distinction entre règles et principes reposant sur leur généra-
lité ou indétermination, voir R. DWORKIN, Prendre les droits au sérieux, trad. M.-J. Rossignol et al.,
Paris, PUF, 1995, p. 69 et seq., J. RAZ, « Principles and the Limits of Law » in Yale L.J., 1972,
vol. 81, p. 823 et seq., spéc. p. 838 : « rules prescribe relatively specific acts, principles presribe
highly unspecific actions », G.C. CHRISTIE, « The Model of Principles » in Duke L.J., 1968,
p. 649 et seq., spéc. p. 669 : « [if] we have difficulty in formulating and applying rules because of
the vagueness of language, we look for even vaguer rules called principles […] Presumably, if we
have difficulty in applying principles we would look to still vaguer rules, which we would perhaps
call maxims or second-order principles », G. HUGHES, « Rules, Policy and Decision Making » in
Yale L.J., 1968, vol. 77, p. 411 et seq., spéc. p. 419 : « no precise distinctions can be made between
rules, principles and maxims, but the terms serve to mark differences of degree in the precision of
guides to decision-making. Rules are fairly concrete guides for decisions geared to narrow catego-
ries of behavior and prescribing narrow patterns of conduct. Principles are vague signals which
alert us to general considerations that should be kept in mind in deciding disputes under rules. So
we decide under rules but in light of principles. » Sur le concept de généralité ou d’indétermination,
voir R.M. HARE, Freedom and Reason, Oxford, Oxford Univ. Press, 1963, p. 39 et seq.
(1713) R. DWORKIN, Prendre les droits au sérieux, op. cit. n. 1712, p. 82.

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LÉGITIMITÉ 557

sans jamais laisser une liberté totale, ce qui correspondrait à une absence de
norme (1714). Ces deux extrêmes, totale liberté et absence totale de liberté,
ne peuvent jamais être atteints, mais entre ces deux pôles, toutes les grada-
tions sont possibles (1715). Règles et principes ne sont que deux pôles
entre lesquels chaque norme trouve sa place, c’est « le degré d’indétermi-
nation de la norme qui permettra de [la] classer dans l’une ou l’autre des
catégories » (1716). Plus il y a d’indétermination dans la norme, plus le
pouvoir d’appréciation sera important et plus la pesée d’intérêts sera
« grande » (1717).
Une pesée d’intérêts a pour corollaire nécessaire une pluralité de solu-
tions juridiquement correctes au regard de la norme à appliquer. En
d’autres termes, le pouvoir d’appréciation est le libre choix d’une solution
dans une pluralité de solutions juridiquement correctes. Cela signifie qu’il y
a un choix possible soit dans les intérêts à prendre en compte, ou dans leur
hiérarchisation (c’est-à-dire leur pesée), ou encore dans les deux.
On s’accord généralement à dire qu’en cas de confrontation entre deux
règles, l’une d’elles est écartée par une (méta-)règle de préférence, tandis
que deux principes contradictoires peuvent subsister, donnant simplement

(1714) Ch.-A. MORAND, « Vers une méthodologie de la pesée des valeurs constitutionnelles »,
op. cit. n. 1703, p. 59.
(1715) Notre approche des règles et des principes repose donc sur l’idée de la gradualité (règles
et principes ne se distinguent que par le grade d’indétermination, toujours relatif, qui les caracté-
rise). Les règles et les principes peuvent en conséquence être eux-mêmes plus ou moins indétermi-
nés et se rapprocher plus ou moins des idéaux-types de la règle parfaitement claire et du principe
parfaitement vague. Pour une approche dichotomique, voir D. DWORKIN, Prendre les droits au
sérieux, op. cit. n. 1712, p. 79 et seq. et not. p. 82 : « la distinction entre principes juridiques et
règles de droit est une distinction logique […] Les règles sont applicables dans un style tout-ou-
rien. Si les faits qu’une règle stipule sont donnés, alors soit cette règle est valide, auquel cas la
réponse qu’elle fournit doit être acceptée, soit elle ne l’est pas, auquel cas elle n’apporte rien pour la
décision. » Pour une critique de la fertilité de cette distinction dichotomique chez Dworkin, voir R.
ALEXY, « Rechtsregeln und Rechtsprinzipien » in ARSP, 1985, Beiheft no 25, p. 13 et seq., spéc.
pp. 15–19.
(1716) Ch.-A. MORAND, « Vers une méthodologie de la pesée des valeurs constitutionnelles »,
op. cit. n. 1703, p. 60.
(1717) ID., « Pesée d’intérêts et décisions complexes » in La pesée globale des intérêts, droit de
l’environnement et de l’aménagement du territoire, s. dir. Ch.-A. Morand, Bâle–Francfort-sur-le-
Main, Helbing & Lichtenhahn, 1997, p. 41 et seq., spéc. p. 46, l’auteur affirmant qu’il y a une
« petite pesée d’intérêt » lors de l’application des règles, en raison de leur faible flou (ou de leur
faible indétermination) et qu’il y a une « grande pesée d’intérêt » lors de l’application de principes,
en raison de leur fort flou (ou de leur forte indétermination).

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558 RÉGULATION PAR LES ODR

lieu à une tension entre eux (1718). Un enseignement, au moins, peut en


être tiré pour notre problématique : quand plusieurs principes trouvent
application, il est souhaitable d’additionner les intérêts qu’ils véhiculent
pour une pesée de tous les intérêts en présence (1719).
Plus il y a de principes applicables, plus le groupe d’intérêts à peser sera
grand. La hiérarchisation des intérêts, c’est-à-dire le poids qu’il faut leur
accorder, sera également plus complexe s’il y a plus de principes à appli-
quer. Étant donné que les principes incorporent eux-mêmes déjà le résultat
d’une pesée d’intérêt (réalisée par le pouvoir législatif, et non le pouvoir
juridictionnel) et peuvent donc donner des poids différents à de mêmes
intérêts, le tiers, en essayant de concilier tous ces principes, aura forcément
un choix plus large dans la hiérarchie, ou le poids qu’il donnera à chaque
intérêt lors de l’élaboration de la règle du cas particulier.
Le tiers a donc un choix plus large dans la hiérarchisation des intérêts
lorsqu’il est en présence de principes plutôt que de règles, d’une multitude
de principes plutôt que de quelques-uns. Il n’a toutefois pas un choix plus
large dans leur prise en compte dans certaines de ces situations plutôt que
dans d’autres. En règle générale, il devra simplement tenir compte d’un
plus grand nombre d’intérêts en présence d’un nombre accru de principes,
mais il devra toujours tous les prendre en compte. Dans certains cas, il
devra toutefois refuser de retenir certains intérêts, ou il devra en considérer
d’autres qui n’étaient pas prévus par les normes applicables. Il en va par
exemple ainsi quand la norme est injuste, la réalité sociale ayant par hypo-
thèse trop évoluée ou une situation peut ne pas avoir été prévue. Dans ces
cas, le pouvoir juridictionnel devra en quelque sorte donner une seconde
chance à la norme d’être juste, en prenant en compte ou en excluant des

(1718) ID., « Vers une méthodologie de la pesée des valeurs constitutionnelles », op. cit. n.
1703, p. 59. Voir aussi R. ALEXY, « Rechtsregeln und Rechtsprinzipien », op. cit. n. 1715, pp. 18–
19 : « es bleibt also dabei, dass die Spannungslage etwas ist, was zwischen Prinzipien besteht […]
Prinzipienkollisionen und Regelkonflikte sind also auf kategorial verschiedenen Ebenen anzusie-
deln. Während es bei Regelkonflikten stets um ein Innen-Außen-Problem geht, finden Prinzipien-
kollisionen stets innerhalb der Rechtsordnung statt. »
(1719) Cf. R. ALEXY, « Rechtsregeln und Rechtsprinzipien », op. cit. n. 1715, p. 24, qui note
simplement que « dem Problem der Vorrangrelationen zwischen Prinzipien [korrespondiert] das
Problem einer Rangordnung der Werte. »

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LÉGITIMITÉ 559

intérêts qui ne l’avaient pas été par le pouvoir législatif (1720). Mais ne
peut-on trouver une délimitation générale de la liberté que peut prendre le
pouvoir juridictionnel par rapport à l’œuvre du pouvoir législatif ? L’exa-
men de la relation entre indétermination, interprétation et pesée d’intérêts
peut être révélateur à cet égard.

SOUS-SECTION III. — INDÉTERMINATION, PESÉE


D’INTÉRÊT ET INTERPRÉTATION

Selon certains auteurs, la pesée d’intérêts ne relève pas de l’interpréta-


tion (1721). L’argument est en substance que les préceptes habituels d’in-
terprétation sont nettement insuffisants lors de l’application de principes. Il
ne suffit nullement d’interpréter des principes pour assurer leur mise en
œuvre et il faut éviter de croire, en ayant recours aux techniques d’inter-
prétation, que l’on ne peut aboutir qu’à une seule interprétation correcte.
En conséquence, « l’exercice du pouvoir d’appréciation généré par les
principes doit être guidé par d’autres préceptes que ceux qui ont trait à
l’interprétation » (1722).

(1720) Cf., sur l’hypothèse où une norme précise devient indéterminée par une simple évolu-
tion de la réalité sociale, J.-F. PERRIN, « Comment le juge suisse détermine-t-il les notions juridi-
ques à contenu variable (Quelques réflexions concernant la dogmatique et la pratique judiciaire de
l’article 4 du Code civil suisse) » in Les notions à contenu variable en droit, s. dir. Ch Perelman et R.
van der Elst, Bruxelles, Bruylant, 1984, p. 201 et seq., spéc. pp. 212–213 : « la pression exercée par
une nouvelle prise en compte des besoins sociaux gérés sous le couvert de l’équité va avoir pour
conséquence l’introduction d’un flou, d’une ‘indétermination’, sans changement de vocable [dans la
loi] […] On voit [ainsi] que le juge peut, par le biais de la théorie de l’interprétation […] utiliser
[par exemple] l’équité pour transformer un concept précis en un concept flou. »
(1721) Ch.-A. MORAND, « Vers une méthodologie de la pesée des valeurs constitutionnelles »,
op. cit. n. 1703, p. 61. Contra R. DWORKIN, A Matter of Principle, Cambridge, Mass. et Londres,
Harvard Univ. Press, 1985, p. 128 et seq., dans le chapitre intitulé « Is there really no right answer
in hard cases ? »
(1722) Ch.-A. MORAND, « Vers une méthodologie de la pesée des valeurs constitutionnelles »,
op. cit. n. 1703, p. 61. Voir aussi, avec une position nettement plus circonstanciée, H. KELSEN,
Théorie pure du droit, op. cit. n. 958, p. 455 et seq., qui distingue l’indétermination accidentelle, due
par exemple à (p. 456) « l’ambiguïté d’un mot ou d’une suite de mots par lesquels la norme
s’exprime : le sens linguistique de la norme n’est pas univoque », et l’indétermination intention-
nelle, créée par le recours, dans la loi, à des termes tels que « adéquat », « convenable » ou
« équitable. » Les indéterminations accidentelles (qui seront généralement plus des règles que des
principes) doivent être résolues en recherchant la volonté du législateur, donc en interprétant ses
mots, tandis que les indéterminations intentionnelles (qui prendront plus généralement la forme
d’un principe) doivent conduire à une spécification par activité créatrice de droit, exercée par celui
qui applique la norme. L’auteur reconnaît cependant qu’il ne s’agit là que d’une distinction de

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560 RÉGULATION PAR LES ODR

La conséquence d’une telle position est toutefois de déposséder le juriste


de ses instruments de travail habituels (les techniques d’interprétation) au
moment où il en a le plus besoin. Plus une norme est vague, plus le travail
d’intervention est grand entre la lecture du texte et son application à un cas
concret. S’il est certain que les techniques d’interprétation ne permettent
pas de dégager une seule solution juridiquement correcte, il nous semble
tout aussi flagrant qu’elles permettent de limiter le champ des significations
possibles, c’est-à-dire le domaine des solutions correctes auxquelles peut
mener une pesée d’intérêts donnée (1723). Les paragraphes suivants seront
employés à l’étude de cette hypothèse.
Tout d’abord, il convient de reconnaître que toute norme juridique est le
résultat d’une pesée d’intérêts. Cette pesée sera plus restreinte, dans le sens
que sa marge de manœuvre sera moindre, quand le paysage normatif dans
lequel elle s’inscrit est plus fourni : la norme, plus précisément la règle, du
cas d’espèce sera adoptée avec moins de largeur de pesée d’intérêts (ce sera
une « petite » pesée d’intérêts) en cas d’application de règles (paysage for-
tement pré-occupé) qu’avec des principes (qui « aménagent des blancs »
dans le paysage juridique et permettent en conséquence une « grande »
pesée d’intérêts (1724)). Par exemple, une norme plus générale, comme une
loi, sera adoptée avec plus ou moins de liberté selon que le paysage juridi-
que (l’environnement normatif, dirait-on en légistique) est plus ou moins
constellé d’autres lois. Dans tous les cas, le paysage juridique devra, au
moment de la création de la norme nouvelle, être interprété (1725). Inter-

degrés, étant donné que l’interprétation constitue toujours un acte volontaire de création du droit
(sur ceci, voir p. 458 et seq.). Sur cette distinction de Kelsen et son utilisation théorique dans la
jurisprudence du Tribunal fédéral suisse, voir J.-F. PERRIN, « Comment le juge suisse détermine-
t-il les notions juridiques à contenu variable », op. cit. n. 1720, pp. 204–205, 214–230, qui conclut,
p. 221, que « [cette] distinction est dogmatiquement indispensable mais sociologiquement imprati-
cable ».
(1723) H. KELSEN, Théorie pure du droit, op. cit. n. 958, p. 457 : « le résultat d’une interpréta-
tion juridique ne peut être que la détermination du cadre que le droit à interpréter représente, et
par là la reconnaissance de plusieurs possibilités qui existent à l’intérieur de ce cadre. »
(1724) Sur ces questions, Ch.-A. MORAND, « Pesée d’intérêts et décisions complexes », op. cit.
n. 1717, p. 46.
(1725) H. KELSEN, Théorie pure du droit, op. cit. n. 958, pp. 459–460 : « la tâche qui consis-
terait à déterminer le jugement seul correct ou l’acte administratif seul correct à partir de la loi est
pour l’essentiel le même que celle qui consisterait à créer dans le cadre de la Constitution les lois
qui seraient seules correctes […] Certes, il existe une différence entre ces deux cas, mais une diffé-
rence simplement quantitative, et non pas qualitative. »

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LÉGITIMITÉ 561

prété au sens d’essayer de connaître la signification qui doit être attribuée


aux textes préexistants et susceptibles de limiter l’envergure ou la marge de
la pesée des intérêts. Pour la création d’une loi, cela signifie qu’il faut inter-
préter les lois préexistantes pour éviter le désordre normatif. Pour la créa-
tion de la règle du cas particulier, cela signifie qu’il convient de s’attacher à
connaître les sens possibles des principes ou règles applicables. Il faudra
bien savoir quel sens donner au principe de proportionnalité, par exemple,
pour savoir jusqu’où peut ou doit aller une intervention étatique. On peut
donc, en définitive, affirmer avec François Ost que « produire du droit,
c’est nécessairement interpréter le droit » (1726).
Nous entendons ensuite prêter réflexion à quelques outils d’interpréta-
tion, développés en sémiotique et en théorie du droit. Le but en est de défi-
nir le champ des significations possibles d’un principe – les principes nous
intéressent ici plus que les règles parce qu’ils constituent une situation plus
radicale de pesée d’intérêts. Nous tirerons quelques exemples d’application
de ces outils des Règlements de la place de marché eBay (1727).
L’interprétation littérale des principes apporte bien peu, il est vrai, car de
nombreux principes sont succincts dans leur énoncé (le principe « de la
bonne foi », par exemple). Elle constitue pourtant un point de départ na-
turel de la limitation du sens. En relation avec l’exemple d’eBay, le principe
de l’interdiction faite aux utilisateurs de « manipuler les enchères » a ainsi
déjà une signification littérale relativement claire.
La référence au topic discursif (1728), dans le sens du respect des
« ‘présuppositions’ qui font l’objet d’une sorte d’accord implicite entre
l’auteur et le lecteur et déterminent le cadre, le fond ou le point de vue à
partir duquel un texte demande à être entendu » (1729), peut, par des réfé-
rences extrajuridiques principalement, conduire à quelques indices. Pour le
principe de la proportionnalité par exemple, on peut penser aux acquis

(1726) F. OST, « L’herméneutique juridique entre hermétisme et dogmatisme. Le jeu de


l’interprétation en droit » in Revue internationale de sémiotique juridique, 1993, vol. 6, p. 227 et seq.,
spéc. p. 230.
(1727) Pour une brève présentation de ces Règlements, Voir C. — Vers des systèmes
juridiques construits autour de places de marché électroniques, p. 490 et seq. supra.
(1728) U. ECO, Les limites de l’interprétation, trad. M. Bouzaher, Paris, Grasset, 1992, p. 128 et
seq.
(1729) F. OST, « L’herméneutique juridique entre hermétisme et dogmatisme », op. cit. n.
1726, p. 233.

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562 RÉGULATION PAR LES ODR

juridiques (qui sont fondamentalement historiques, sociaux, ou encore


culturels) relatifs à l’intervention de l’État dans la société civile. A notre
sens, l’ensemble des Règlements eBay devra être ainsi interprété, si le litige
concerne un consommateur, à la lumière des acquis consuméristes généraux
de la société contemporaine.
Le bénéfice du recours à la fiction de l’intentio operis n’est pas exclu non
plus par un flou accru tel celui des principes, à condition à nouveau de ne
pas espérer arriver à une solution unique. Opérer la fiction de l’intentio
operis signifie que le tiers, au moment d’établir les limites d’un principe, lit
celui-ci en faisant comme si son auteur était un auteur modèle, c’est-à-dire
« celui qui garantit la plus grande cohérence du texte » (1730) dans lequel a
été inséré le principe. Le tiers doit lui-même agir comme s’il était un lec-
teur modèle, c’est-à-dire « celui qui s’adapte au mieux à [la] stratégie tex-
tuelle [consistant à présupposer la cohérence du texte] » (1731). Prenons un
exemple concret : le principe de l’interdiction de l’abus de droit que l’un des
Règlements eBay prévoit en interdisant l’abus du système de réputation en
général. Ce principe pourrait ainsi être appliqué à la lumière de la cohé-
rence générale des Règlements eBay et du fonctionnement de ce système
de gestion de la réputation.
Une interprétation téléologique, peut aussi, dans certains cas, apporter
une aide aussi manifeste que précieuse. On pensera par exemple au principe
général de l’interdiction sur la place de marché eBay de faire ingérence dans
les transactions de tiers. On se demandera simplement quel est le but de
cette interdiction, en quoi est-ce qu’un tel comportement peut affecter une
transaction tierce.

SOUS-SECTION III. — DES DÉSIRS AUX INTÉRÊTS


ET DES INTÉRÊTS AUX DÉCISIONS D’ESPÈCE :
PARALLÈLE

Selon Philipp Heck, figure centrale du mouvement de l’Interessenjurispru-


denz, dont nous nous inspirons ici, il existe un parallèle fort entre la
résolution d’un litige par une décision ou une recommandation (création

(1730) Ibid., p. 234, renvoyant à U. ECO, Les limites de l’interprétation, op. cit. n. 1728, p. 41 et
seq.
(1731) Ibid.

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LÉGITIMITÉ 563

d’une norme individuelle et concrète) et l’adoption d’une loi (création d’une


norme générale et abstraite) (1732). Dans le premier cas, l’acte de création
se compose de la sélection, la hiérarchisation et la pesée d’intérêts. Dans le
second, l’acte de création se forme par la sélection, la hiérarchisation et la
pesée de désirs sociaux. À peu de choses près, ce sont là des démarches
sinon identiques, du moins à forte ressemblance (1733). Partant, nous
tenterons de développer un modèle rendant compte de ces deux phéno-
mènes en leur donnant un contexte commun.
Le modèle envisagé a pour élément central le désir. Celui-ci agit à tra-
vers une série de normes qui varient en juridicité, en indétermination, en
pouvoir d’appréciation, en nombre de désirs pris en compte. Tout d’abord
brut, le désir est sélectionné, tamisé par des normes psychologiques, puis
sociales. Il devient ainsi désir social, en son sens d’élément pris en considé-
ration par l’acte politique de la gestion des désirs sociaux. Ensuite vient le
système juridique qui, au travers des producteurs de droit, traduit certains
de ces désirs en droit et les transforme en intérêts s’ils sont jugés légitimes.
À ce moment surgissent les normes juridiques : principes, règles générales
et abstraites, et règles du cas particulier. Le législateur se base sur des prin-
cipes reconnus en droit pour édicter des règles, le tiers se base sur des règles
pour résoudre le cas particulier en lui donnant sa norme.

(1732) Voir Ph. HECK, « Die Leugnung der Interessenjurisprudenz » in AcP, 1933, reproduit
in Interessenjurisprudenz, s. dir. G. Hellscheid et W. Hassemer, Darmstadt, Wissenschaftliche
Buchgesellschaft, 1974, p. 238 et seq., spéc. p. 240 et seq. Sur Heck, voir M. BÜRGISSER et J.-F.
PERRIN, « Interessenjurisprudenz : statut et interprétation de la loi dans l’histoire du mouvement »,
op. cit. n. 1693, not. p. 349 : « Heck prévoit aussi la nécessité d’une pesée d’intérêts complé-
mentaire qui pourrait ou devrait être effectuée lors de la solution des cas particuliers. Il parle à cet
égard de Eigenwertung. Le processus qui est effectué à titre subsidiaire par le juge est identique en
tout point à celui qu’effectue le législateur. »
(1733) Voir aussi H. KELSEN, Théorie pure du droit, op. cit. n. 958, loc. cit. n. 1725 et p. 459 :
« la nécessité d’une interprétation résulte […] de ce que les normes à appliquer […] laissent ouver-
tes plusieurs possibilités – autrement dit : de ce qu’[elles] ne contiennent pas de décision sur le
point de savoir lequel des intérêts en jeu a le plus de valeur, mais remettent cette décision, cette
indétermination du rang respectif des intérêts à un acte de création de normes qu’il va s’agir de
faire, aux décisions juridictionnelles par exemple. »

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564 RÉGULATION PAR LES ODR

Le schéma suivant permet de modéliser simplement cette progression :

Règles des cas


particuliers
Règles

Principes
Intérêts
Désirs

Passant des désirs aux intérêts, les producteurs de droit ont un pouvoir
d’appréciation, ils ont une liberté de choisir les désirs qu’ils retiendront. En
édictant des principes (les normes les plus générales), ils auront également
un tel pouvoir, car ils peuvent pour le moins arriver à plusieurs principes
conformes à l’ordre juridique dans lequel ils seront insérés. Il n’en va pas
différemment pour les règles, qu’elles soient ou non la concrétisation d’un
ou de plusieurs principes. Lors de l’édiction de la règle du cas particulier, il
reste toujours un pouvoir d’appréciation. Quelle que soit la norme édictée,
ce sera toujours la prise en compte d’intérêts et leur pesée qui constitueront
le chemin y menant. Il y a ainsi une pesée d’intérêts avant un principe et
après ce même principe (1734). Toute norme est le résultat d’une pesée
d’intérêts (1735).

(1734) Ainsi Ch.-A. MORAND, Pesée d’intérêts et décisions complexes, op. cit. n. 1717, p. 54, qui
évoque la « pesée d’intérêts progressive et en cascade ».
(1735) F. GÉNY, Méthode d’interprétation et sources en droit privé positif – Essai critique, 2éme éd.,
Paris, LGDJ, 1919, t. 1, p. 167 : « ce principe, qu’on peut appeler principe de l’équilibre des inté-
rêts en présence, doit guider le jurisconsulte interprète du droit, aussi bien que le législateur ou les
organes de la coutume [...] L’objet de l’organisation juridique positive, en effet, n’est pas autre que
de donner la satisfaction la plus adéquate aux diverses aspirations rivales, dont la juste conciliation
apparaît nécessaire pour réaliser la fin sociale de l’humanité. Le moyen général d’obtenir ce résultat
consiste à reconnaître les intérêts en présence, à évaluer leur force respective, à les peser, en quelque
sorte, avec la balance de la justice, en vue d’assurer la prépondérance des plus importants, d’après
un critérium social, et finalement d’établir entre eux l’équilibre éminemment désirable. »

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LÉGITIMITÉ 565

SOUS-SECTION III. — VERS UNE MÉTHODOLOGIE


Des considérations abordées jusqu’ici, nous pensons pouvoir tirer les ensei-
gnements qui suivent. Tout d’abord, la réflexion sur l’universabilité des
intérêts peut apporter des éléments intéressants sur deux plans. En effet,
outre la référence métaphysique d’un intérêt universalisable à une norme
transcendante qui pourrait alléger les exigences d’examen d’atteinte à des
intérêts antagonistes (1736), il est possible de mobiliser cette réflexion pour
examiner la reproductibilité de la décision d’un point de vue moral ou éthi-
que, à la façon d’un impératif catégorique kantien.
Les théories de l’interprétation permettent, elles, de réduire la marge de
manœuvre, le pouvoir d’appréciation et de donner un cadre à la pesée des
intérêts. Il faut encore garder à l’esprit lors de la pesée d’intérêts qu’il n’y a
jamais seulement une seule solution possible, que le pouvoir d’appréciation
est ubiquiste (1737). Il ne saurait donc y avoir une méthode mathématique
de résolution du flou, une méthodologie qui ôterait tout pouvoir d’appré-
ciation au tiers puisqu’il ne pourrait arriver qu’à une seule solution correcte.
Puisque toute norme juridique véhicule et met en jeu un nombre déter-
miné d’intérêts (ceux qui ont été à la base de la genèse de la norme), on
peut penser qu’il faut en principe tous les retenir ; sauf dans certains cas
d’inadéquation de la norme à la réalité, où il semble essentiel de pouvoir
négliger certains intérêts que la loi dicte de prendre en compte ou, en sens
inverse, de tenir compte de certains intérêts qui n’avaient pas été prévus.

(1736) Si l’intérêt qui tend à faire pencher la balance du juge d’un côté est un intérêt relatif à un
droit fondamental, à la préservation de l’environnement ou à un autre idéal louable, il nous semble
juste de penser que l’intérêt qui serait lésé par une décision allant dans le sens de l’intérêt précité
devrait bénéficier d’une protection moindre que l’intérêt lésé par une décision allant dans le sens
d’un intérêt purement pécuniaire, par exemple.
(1737) On se rappellera à ce titre ces mots de François Rigaux : « la vérité n’émane pas d’un
passé mythique, elle ne se laisse découvrir dans l’avenir. La tradition nous livre un langage et un
réseau de significations qui cessent d’être pertinents au moment même où ils sont mis en œuvre.
En tout ordre juridique les institutions ont le pas sur les normes » : F. RIGAUX, « Le juge, ministre
du sens » in Justice et argumentation, essais à la mémoire de Chaïm Perelman, s. dir. G. Haarscher et
L. Ingber, Bruxelles, Éd. de l’Univ. de Bruxelles, 1986, p. 79 et seq., spéc. p. 92.

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566 RÉGULATION PAR LES ODR

Il sied ensuite de classer les intérêts selon un degré d’importance a


priori (1738), les hiérarchiser en s’inspirant notamment du critère de l’uni-
versabilité, traduisant les aspirations morales et éthiques des destinataires
de la norme.
Ensuite, on pourra se demander quel est le degré de l’atteinte causée à
chacun de ces intérêts par l’édiction de la norme du cas particulier. Autre-
ment dit, la pesée au sens stricte du terme se fera selon l’importance accor-
dée a priori à l’intérêt en relation avec l’atteinte effectivement réalisée par la
décision.

(1738) En ce sens Ch.-A. MORAND, « Pesée d’intérêts et décisions complexes », op. cit. n.
1717, pp. 69 et seq. et ID., « Vers une méthodologie de la pesée des valeurs constitutionnelles », op.
cit. n. 1703, pp. 65 et seq., qui évoque la « pondération des intérêts ».

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CONCLUSION
Conclusion
Les réseaux mondiaux d’informations qui se forment sur la base d’Internet
s’immiscent aujourd’hui dans une partie très importante des contextes éco-
nomiques et culturels de nos sociétés. Ils s’infiltrent et prennent place dans
notre vie de tous les jours. Ils affectent et quelquefois transforment la ma-
nière dont nous exerçons une partie toujours grandissante de nos activités.
Depuis un certain temps déjà, un important débat anime les milieux juridi-
ques, économiques et politiques sur la question de savoir comment réguler
ces activités ainsi transformées. On se demande comment appréhender ces
activités par l’une ou l’autre des expressions du phénomène juridique de
manière à ce qu’elles créent un maximum d’externalités positives et un mi-
nimum d’externalités négatives pour la société. Or, les deux présupposés
fondamentaux d’une telle appréhension résident, d’un côté, dans la com-
préhension des conditions de production du droit pour et au sein de ces
réseaux d’information et, de l’autre, dans l’identification des acteurs de cette
production. C’est à une meilleure connaissance de ces deux éléments que
nous avons voulu contribuer par cette étude.
En raison de la structure quasiment sans frontières de leur support, les
activités véhiculées par les réseaux adoptent une forme particulière et ac-
quièrent des effets qui heurtent l’une des structures essentielles du droit et
donc de la justice : sa limitation territoriale. Leur ubiquité et leur dématé-
rialisation suscitent plus précisément des difficultés à l’égard des mécanis-
mes de mise en œuvre du droit et de l’accès à la justice pour certains
participants de ces activités. Après une première période où l’on pensait
que le cyberespace devait constituer un espace social de totale liberté (et qui
plus est, on pensait qu’il en allait là d’une nécessité ontologique) (1739), on
assiste aujourd’hui plutôt à une course à la régulation, chaque acteur enten-
dant imposer sa régulation pour protéger les intérêts qui lui semblent pré-

(1739) S. BIEGEL, Beyond our control ? Confronting The Limits of Our Legal System in the Age of
Cyberspace, Londres, MIT Press, 2001, p. 66.

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568 CONCLUSION

pondérants (1740). Cette course prend l’allure d’une lutte de pouvoir, en


cela que chacune de ces productions normatives influencera les autres si elle
dispose d’un pouvoir d’imposition plus grand et devra se conformer aux
autres si elle est plus faible. Le modèle global de la production du droit
prend ainsi la forme d’un réseau d’acteurs de la régulation liés par des hié-
rarchies qui s’enchevêtrent au gré de leur force respective, c’est-à-dire du
pouvoir contraignant de chacune de ces sphères de normativité.
Dans un domaine bien précis, à savoir les petits et moyens litiges trans-
frontières du commerce électronique, un acteur particulier pourrait bien
acquérir, dans ce réseau de la régulation, un rôle d’une importance large-
ment insoupçonnée. Il s’agit des institutions de résolution en ligne des
litiges. Ce rôle est la résultante de la somme des facteurs dont nous rappel-
lerons ainsi les grandes lignes.
À l’origine se situe le problème que, pour un litige de ce genre, les tribu-
naux étatiques ainsi que les formes extrajudiciaires et hors ligne de règle-
ment des différends ne fournissent pas de justice réellement accessible et
efficace. Cet accès à la justice n’est pas praticable parce que les procédures
judiciaires, arbitrales ou de médiation génèrent généralement des coûts trop
élevés. De plus, la subséquente procédure d’exequatur de la décision, res-
pectivement le jugement nécessaire pour obtenir l’exécution d’un accord
conclu à l’issue d’une médiation, impliquent des frais supplémentaires, qui
peuvent à eux seuls être prohibitifs (1741). En conséquence, le recours
s’impose aux mécanismes de règlement en ligne des différends, qui ont
l’avantage de diminuer très largement ces coûts. Plus précisément, les pro-
fessionnels, c’est-à-dire les marchands en ligne, sont incités à accepter la
compétence des institutions de résolution en ligne en raison de la confiance
qu’une telle acceptation véhicule pour leurs clients. La soumission aux
ODR fera souvent partie des conditions d’attribution d’un sceau de
confiance, sorte de label de qualité des services proposés par un marchand.

(1740) L. LESSIG, Code and other Laws of Cyberspace, New York, Basic Books, 1999, pp. 39–
42.
(1741) H. VON FREYHOLD, V. GESSNER, E.L. VIAL et H. WAGNER, The Cost of Judicial
Barriers for Consumer in the Single Market, Bruxelles, Publ. Commission européenne, 1996 et B.
FELDTMANN, H. VON FREYHOLD et E.L. VIAL, The Cost of Legal Obstacles to the Disadvantage of
the Consumers in the Single Market, Bruxelles, Publ. Commission européenne, 1998, <europa.eu.-
int/comm/dgs/health_consumer/library/pub/pub03.pdf>.

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CONCLUSION 569

La disponibilité d’une procédure de résolution en ligne est en ce sens un


outil de marketing. SquareTrade, par exemple, affirme que l’affichage de
son label sur le site web d’un marchand, attestant de l’acceptation du mar-
chand de se soumettre à une procédure ODR, conduit à un accroissement
des ventes d’environ 15 pour cent (1742). Pour les consommateurs, ou plus
généralement les clients du commerce électronique, l’incitation de recourir
à ces mécanismes réside dans le fait qu’ils ont en principe exécuté leur obli-
gation (le paiement) avant que le professionnel n’ait rempli les siennes. La
meilleure manière pour le client de récupérer les sommes versées en paie-
ment consiste alors à introduire une procédure de règlement en ligne.
Ensuite, deuxième facteur contribuant à l’importance du rôle régulateur
des ODR, il semble que la pratique continuera à se développer de ne tenir
compte, à titre de droit applicable dans la procédure en ligne, que de prin-
cipes fondamentaux communs, comme il en va actuellement dans la procé-
dure UDRP pour les noms de domaine. Cette pratique a en effet l’avantage
de faciliter la procédure et donc de l’accélérer, ainsi que de minimiser les
risques de divergence entre la solution juridique retenue et la culture
juridique des parties, potentiellement très variable en raison du panachage
culturel que le caractère global du commerce électronique implique. Cette
réduction du droit applicable à des principes juridiques communs confère
aux institutions de règlement en ligne (plus précisément aux tiers chargés
de la résolution du litige) un pouvoir d’élaboration normative plus grand,
en raison du large pouvoir d’appréciation qui leur est laissé par
l’indétermination propre aux principes.

(1742) S. ABERNETHY, « Building Large-Scale Online Dispute Resolution & Trustmark Sys-
tems » in Online Dispute Resolution (ODR) : Technology as the “Fourth Party”, Amherst, Mass., Publ.
des Nations unies et de l’Université de Massachusetts, 2003, p. 70 et seq., spéc. p. 85 : « analysis
shows an average increase in sales of over 15% after seal members display the seal on their auction
listings (based on weighted average of a full year of user data comparing the month prior to use to
the first month of use of the Seal in item listings) ». Voir aussi <www.squaretrade.com/business/-
sslFAQs03.jsp>, dernière visite le 26.01.05 : « a recent study of SquareTrade customers showed a
17% increase in sales after implementing a SquareTrade Trust Seal » ; <www.squaretrade.-
com/business/securityHowItHelps.jsp>, dernière visite le 26.01.05 : « a recent study of Square-
Trade customers showed a 14 % increase in sales after implementing a SquareTrade seal » et S.
ABERNETHY, « Online Dispute Resolution : ‘Trusted Access to the Global Digital Economy’ », in
actes du Premier Forum sur la résolution des litiges en ligne de la Commission économique pour
l’Europe des Nations unies (UNECE), Genève, 6–7 juin 2002, diapositive 11 : « SquareTrade Seal
Trust Framework […] increases sales by over 25%, increases bids by over 10%, reduces disputes by
over 45%. »

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570 CONCLUSION

Finalement, troisième facteur, on peut s’attendre à ce qu’un recours


croissant soit fait à des mécanismes permettant l’autoexécution des déci-
sions et accords issus des procédures de règlement des différends en ligne.
Un tel mécanisme peut être constitué par le retrait d’un label, une liste
noire, un système de gestion de la réputation, l’exclusion d’une place de
marché, une astreinte, un compte de garantie bloqué, un fonds de juge-
ment, le contrôle de la refacturation par cartes de crédit, le contrôle d’une
assurance de transactions, ou encore une forme d’autoexécution technologi-
que. Les raisons d’un recours croissant à ces mécanismes résident en pre-
mier lieu dans le fait qu’ils rendent la procédure plus efficace, car ils
facilitent l’exécution forcée ou incitent l’exécution volontaire du résultat de
la procédure. De plus, ils réduisent les coûts associés aux procédures de
résolution des litiges et les rendent ainsi plus accessibles, car ils diminuent
la probabilité de devoir introduire une procédure d’exequatur ou une procé-
dure judiciaire visant l’exécution d’un accord issu d’une médiation ou d’une
négociation. Enfin, ces mécanismes augmentent la prévisibilité de
l’exécution des résultats des procédures en limitant l’intervention des droits
étatiques, ces derniers conduisant à une certaine imprévisibilité notamment
en raison du risque du cumul des dispositions impératives (1743).
Les mécanismes d’autoexécution permettent de détacher les procédures
de règlement des différends en ligne par rapport aux droits étatiques, puis-
que le recours aux tribunaux étatiques n’est plus nécessaire. Toute la chaîne
de l’élaboration normative propre à la résolution du litige peut dès lors être
soustraite aux États. Ainsi, par hypothèse, les obligations découlant d’un
contrat sont déterminées en application de principes fondamentaux com-
muns, eux-mêmes définis, par exemple, au sein d’une place de marché
électronique ou par un code de conduite, élaboré par l’organisme délivrant
le sceau de confiance. Puis le litige est résolu selon une procédure aména-
gée par l’institution d’ODR. Finalement, la décision ou l’accord conclu est
exécuté par un mécanisme soumis au contrôle de cette même institution.
On reconnaîtra par ailleurs dans ces trois étapes de la chaîne de la produc-
tion du droit les pouvoirs législatif, juridictionnel et d’exécution qui consti-
tuent, avec le caractère souvent formel de l’attribution de ces pouvoirs, deux

(1743) O. CACHARD, La régulation internationale du marché électronique, Paris, LGDJ, 2002,


p. 427.

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CONCLUSION 571

critères fondamentaux de l’identité d’un système juridique (1744).


Certaines places de marché électroniques semblent ainsi être sur la voie de
la formation de systèmes juridiques qui leur seraient propres. Le droit qui
se forme à partir de la résolution des litiges en ligne ne prend pas la forme
d’un droit uniforme global, mais semble bien plus suivre la fragmentation
des activités électroniques en communautés numériques d’échanges com-
merciaux.
À titre d’illustration, rappelons cette étude sociologie menée sur des
clients d’eBay qui, pendant la procédure de règlement des différends en
ligne, déclaraient que ce qu’ils percevaient comme droit applicable à leur
litige était essentiellement formé des règles imposées par la place de marché
eBay (1745). Quant à l’UDRP, dans le contexte des noms de domaine, elle
est de plus en plus perçue comme un droit mondial supplantant progres-
sivement, à mesure que le nombre de litiges tranchés augmente, les divers
droits des marques nationaux applicables par les tribunaux (1746). Men-
tionnons encore cet accord officiel entre une importante association de
consommateurs et un groupement de grande envergure représentant les
secteurs professionnels, dans lequel il a été stipulé de promouvoir les ODR.
L’une des raisons pour cette promotion, inscrite dans l’accord, réside en
cela que les tiers dans de tels mécanismes de règlement des litiges peuvent
« décider sur la base de codes de conduite » et que ceci « constitue une pos-

(1744) Sur ces trois pouvoirs et leur relation avec l’identité d’un système juridique, voir F.
RIGAUX, « Les situations juridiques individuelles dans un système de relativité générale » in Rec.
Cours La Haye, 1989, vol. 213, p. 28. L’attribution formelle de ces pouvoirs correspond à l’idée de
l’apparition de normes secondaires, propres à la formation d’un système juridique : F. OST et M.
VAN DE KERCHOVE, De la pyramide au réseau ? Pour une théorie dialectique du droit, Bruxelles,
Publ. FUSL, 2002, pp. 368–371.
(1745) E. KATSH, J. RIFKIN et A. GAITENBY, « E-Commerce, E-Dispute, and E-Dispute
Resolution : In the Shadow of ‘eBay Law’ » in Ohio St. J. on Disp. Resol., 2000, vol. 15, p. 705 et
seq., spéc. p. 728.
(1746) M. MUELLER, Ruling the Root : Internet Governance and the Taming of Cyberspace,
Cambridge (Mass.), MIT Press, 2002, p. 231, A.M. FROOMKIN, « Wrong Turn in Cyberspace :
Using ICANN to Route Around the APA and the Constitution » in Duke L.J., 2000, vol. 50,
p. 17 et seq., spéc. p. 49, G.B. DINWOODIE, « A New Copyright Order : Why National Courts
Should Create Global Norms » in U. Pa. L. Rev., 2000, vol. 149, p. 469 et seq., spéc. pp. 524–525.
Th.H. WEBSTER, « Domain Name Proceedings and International Dispute Resolution » in BLI,
2001, p. 215 et seq., spéc. p. 236.

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572 CONCLUSION

sibilité de développement de standards élevés de protection des consomma-


teurs au niveau mondial » (1747).
Pour de nombreux juristes, ces idées de l’importance de la source
normative que constituent les ODR, et plus encore de la formation de sys-
tèmes juridiques en dehors de l’État, peuvent paraître choquantes. Le choc
résultera toutefois souvent de cette idée, exprimée en 1926 par Duguit et
Kelsen mais toujours aussi profondément ancrée dans l’esprit de nombreux
juristes, qu’il n’y a « pas d’autre justice que celle que l’on trouve dans le
droit positif des États » (1748). En d’autres termes, la question, fort légi-
time, se pose de savoir où se situent les garanties du caractère éthique de
cette production du droit, garanties dont on reconnaît que l’un des princi-
paux rôles de l’État est justement d’en assurer la mise en œuvre. Dans le
contexte de la régulation du commerce électronique par la résolution des
litiges en ligne, l’État doit jouer son rôle. Il doit intervenir et chapeauter le
mouvement ODR. Cette intervention peut prendre la forme de systèmes
d’accréditation des institutions de règlement en ligne, de centres de traite-
ment supervisant la soumission des litiges à ces institutions et de voies de
recours en ligne similaires à celles existant pour l’arbitrage traditionnel. Il
est finalement nécessaire que cette intervention de l’État se mette en place
le plus tôt possible, afin de corriger à temps les erreurs de trajectoire que
toute innovation aussi fondamentale que la résolution des litiges en ligne
connaît inévitablement.

(1747) Voir Global Business Dialogue on electronic commerce (GBDe) et Organisation inter-
nationale des consommateurs (Consumers International), « Alternative Dispute Resolution
Guidelines. Agreement reached between Consumers International and the Global Business Dia-
logue on Electronic Commerce », novembre 2003, <www.gbde.org/adragreement03.pdf>, p. 59.
(1748) L. DUGUIT et H. KELSEN, Préface au premier numéro de la Revue internationale de la
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22.6.2001, p. 10 .......................... 55
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protection des oeuvres littéraires et 14 mai 1991, concernant la
artistiques, du 9 septembre 1886, protection juridique des
complétée à Paris le 4 mai 1896, programmes d’ordinateur, JO L
révisée à Berlin le 13 novembre 122 du 17.5.1991, p. 42 .............. 56
1908, complétée à Berne le 20 mars
1914 et révisée à Rome le 2 juin UE – Directive 93/13 du Conseil, du 5
1928, à Bruxelles le 26 juin 1948, à avril 1993, concernant les clauses
Stockholm le 14 juillet 1967, à abusives dans les contrats conclus
Paris le 24 juillet 1971, et modifiée avec les consommateurs, JO L 95
le 28 septembre 1979 (RS du 21.4.1993, p. 29... 412, 413, 415
0.231.13).....................................51 UE – Directive 97/7 du Parlement
Convention de Lugano concernant la européen et du Conseil, du 20 mai
compétence judiciaire et l’exécution 1997, concernant la protection des
des décisions en matière civile et consommateurs en matière de
commerciale, du 16 septembre contrats à distance (Directive sur la
1988 ..................................255, 416 vente à distance), JO L 144 du
4.6.1997, p. 19............ 58, 243, 371
Convention de New York pour la
reconnaissance et l’exécution des UE – proposition de Directive du
sentences arbitrales étrangères, du Parlement européen et du Conseil
10 juin 1958 .....205, 207, 395, 396, sur certains aspects de la médiation
399, 407, 420, 422, 423, 424 en matière civile et commerciale, 22
octobre 2004, COM (2004) 718
Convention de sauvegarde des droits final................................... 251, 416
de l’homme et des libertés
fondamentales, du 4 novembre UE – Règlement 44/2001 du Conseil,
1950 ..................................260, 267 du 22 décembre 2000, concernant
la compétence judiciaire, la
Traité de l’Organisation mondiale de reconnaissance et l’exécution des
la propriété intellectuelle sur le décisions en matière civile et
droit d’auteur, du 20 décembre commerciale, JO L 12 du
1996 ............................................55 16.1.2001, p. 1 (Règlement
UE – Directive 2001/29 du Parlement Bruxelles I) 255, 398, 408, 409, 416
Européen et du Conseil, du 22 mai UE – Traité instituant la
2001, sur l’harmonisation de Communauté européenne, JO C
certains aspects du droit d’auteur et 325 du 24.12.2002, p. 33 .......... 527
des droits voisins dans la société de

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624 TRAITÉS, LOIS, DIRECTIVES ET RÈGLEMENTS

Textes nationaux ou infra- ROYAUME-UNI – English Consumer


Arbitration Agreements Act 1988
nationaux ..........................................407, 411
ALLEMAGNE – Zivilprozessordnung, SUÈDE – loi suédoise sur l’arbitrage,
du 30 janvier 1877 ... 395, 396, 399, du 4 mars 1999 (SFS 1999:116)
407, 415, 425, 427 ..................................365, 425, 427
AUTRICHE – Zivilprozessordnung, du SUISSE – code suisse des obligations,
er
1 août 1895 ..................... 395, 427 du 30 mars 1911 (CO ; RS 200)
BELGIQUE – code judiciaire, du 10 ..................................................422
octobre 1967.... 365, 395, 399, 425, SUISSE – loi fédérale sur le droit
427 international privé, du 18 décembre
BELGIQUE – loi spéciale du 12 janvier 1987 (LDIP ; RS 291) .....395, 396,
1989 relative aux institutions 399, 408, 411, 421, 427
bruxelloises ............................... 167 SUISSE – loi genevoise sur le notariat,
FRANCE – code de la consommation, du 25 novembre 1988 (LNot/GE ;
er
du 1 février 1995 ..................... 412 RSG E 6 05) .............................422

FRANCE – code pénal, du 19 juillet SUISSE – règlement du Service


1993............................................ 70 diplomatique et consulaire suisse,
du 24 novembre 1967 (RSDC ; RS
FRANCE – nouveau code de procédure 191.1)........................................422
civile, du 5 décembre 1975 ...... 399,
425, 427 USA – Digital Millennium Copyright
o
Act, Pub. L. n 105-304, 112 Stat.
GRÈCE – loi sur l’arbitrage commercial 2860, 1998, codifié en diverses
international, du 18 août 1999 . 395 sections de 17 U.S.C., 28 U.S.C. et
ITALIE – codice di procedura civile, du 35 U.S.C. ....................................56
28 octobre 1940........ 395, 399, 427 USA – Electronic Signatures in
LUXEMBOURG – nouveau code de Global and National Commerce
procédure civile, du 8 décembre Act, 15 U.S.C. §§ 7001–7031
1981.......................................... 395 (2000)................................395, 398
NORVÈGE – code de procédure civile, USA – Federal Reserve Board’s
du 13 août 1915........................ 395 implementing regulation Z, 12
C.F.R. § 226 (2001)..........371, 372
PAYS-BAS – Wetboek van Burgerlijke
Rechtsvordering (code de USA – House Bill 4140 / Public Act
er
procédure civile), du 1 octobre 262 de 2001 de l’État du Michigan
1838.......... 365, 395, 399, 425, 427 (portant création du Cybercourt)
..................................................192
PORTUGAL – loi portugaise sur
l’arbitrage volontaire, du 29 août USA – Truth-in-Lending Act, 15
1986.......................................... 395 U.S.C. §§ 1601–1667 (2004)....371
ROYAUME-UNI – English Arbitration USA – Uniform Computer
Act 1996.. 395, 396, 399, 425, 427, Information Transaction Act, de
428 2001 ..................................395, 398

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TRAITÉS, LOIS, DIRECTIVES ET RÈGLEMENTS 625

USA – Uniform Electronic USA – Uniform Mediation Act, de


Transactions Act, de 1999 ........395 2001.......................................... 418

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AUTRES TEXTES
(lois modèles, recommandations, règlements d’arbitrage, livres blancs, livres verts, codes
de conduite, rapports, etc.)

Standards internationaux CNUDCI – projet de convention sur


l’utilisation de communications
ABA TASK FORCE ON E-COMMERCE électroniques dans les contrats
AND ADR AND SHIDLER CENTER internationaux, en l’état rapporté
– « Addressing Disputes in dans le document de travail de la
Electronic Commerce : Final CNUDCI
Recommendations and Report », A/CN.9/WG.IV/WP.110, 18 mai
2002… .....196, 287, 288, 291, 354, 2004.......................................... 397
355, 356, 418, 538, 540, 541 CNUDCI – rapport du Groupe de
ALLIANCE FOR GLOBAL BUSINESS travail sur l’arbitrage sur les travaux
ème
(AGB) – « A Global Action Plan de sa 34 session, New York, 21
ème er
for Electronic Business », 3 éd., mai – 1 juin 2001, A/CN.9/487
juillet 2002 ................................286 .................................................. 397
BEUC – « Alternative Dispute EBAY – règlements (divers), de 2004
Resolution – BEUC’s Position on .......................... 494, 495, 496, 561
the Commission’s Green Paper », ECODIR – règlement de résolution
BEUC/X/048/2002, 21 novembre des litiges en ligne, de 2001 ...... 436
2002 ..................287, 291, 300, 342
GAFTA – règlement d’arbitrage, de
CCI – « Resolving disputes online. 2003.......................................... 432
Best practices for Online Dispute
Resolution (ODR) in B2C and GBDE – « Alternative Dispute
C2C transactions », novembre 2003 Resolution – The Miami 2000
..................................................287 Recommendations », 26 septembre
2000.......................................... 286
CHAMBRE ARBITRALE DE PARIS –
règlement d’arbitrage, du 1
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octobre 2004 .............................432 Recommendations », Paris, 1999
.................................................. 195
CNUDCI – loi modèle sur l’arbitrage
commercial international, du 21 GBDE et ORGANISATION
juin 1985 ...395, 396, 399, 425, 427 INTERNATIONALE DES
CONSOMMATEURS – « Alternative
CNUDCI – loi modèle sur la Dispute Resolution Guidelines.
conciliation commerciale Agreement reached between
internationale, du 19 novembre Consumers International and the
2002 ..........................................393 Global Business Dialogue on
CNUDCI – loi modèle sur le Electronic Commerce », novembre
commerce électronique, du 16 2003.......... 286, 289, 291, 500, 572
décembre 1996… .....206, 395, 397,
398, 400, 428

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628 AUTRES TEXTES

GROUPE DE TRAVAIL CANADIEN SUR Cross-Border Disputes », novembre


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canadien de pratiques pour la DES CONSOMMATEURS –
protection des consommateurs dans « Disputes in Cyberspace. Online
le commerce électronique », 16 Dispute Resolution for Consumers
janvier 2004 .............................. 286 in Cross-Border Disputes »,
ICANN – Uniform Dispute décembre 2000 ..........287, 288, 291
Resolution Policy, du 26 août 1999 TACD – « Alternative Dispute
. 189, 190, 191, 375, 482, 483, 484, Resolution in the Context of
485, 488 Electronic Commerce », Ecom-12-
IETF – « Netiquette Guidelines », 00, février 2000… ....287, 290, 291,
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and Information Technology. ..................................................287
Principles for Good Practice UE – Accord interinstitutionnel entre
(Draft) », mars 2002 ................. 286 le Parlement, le Conseil et la
OCDE – « Dispositions juridiques Commission : Mieux légiférer, JO
liées au règlement alternatif des C 321 du 31.12.2003, p. 1 ........527
litiges entre entreprises et UE – Communication de la
consommateurs relatifs à la vie Commission au Conseil, au
privée et à la protection des Parlement européen, au Comité
consommateurs », économique et social et au Comité
DSTI/ICCP/REG/CP(2002)1/Fin des régions - Une initiative
al, 22 janvier 2003 .................... 286 européenne dans le domaine du
OCDE – « Les consommateurs sur le commerce électronique, COM (97)
marché en ligne : les lignes 157 final ....................................195
directrices de l’OCDE, trois ans UE – Livre blanc de la Commission
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Resolution for Consumers in alternatifs de résolution des conflits

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AUTRES TEXTES 629
629

relevant du droit civil et contrats négociés à distance, JO L


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(2002) 196 final.........................392 UE – Recommandation 98/257 de la
UE – Rapport Jenard-Möller sur la Commission, du 30 mars 1998,
Convention de Lugano, JO C 189 concernant les principes applicables
du 28.7.1990, p. 57 ...................417 aux organes responsables pour la
UE – Recommandation 2001/310 de résolution extrajudiciaire des litiges
la Commission, du 4 avril 2001, de consommation, JO L 115 du
relative aux principes applicables 17.4.1998, p. 31 ................ 292, 543
aux organes extrajudiciaires chargés UE – Résolution du Conseil, du 25
de la résolution consensuelle des mai 2000, relative à un réseau au
litiges de consommation, JO L 109 niveau communautaire d’organes
du 19.4.2001, p. 56 ...........292, 543 nationaux chargés du règlement
UE – Recommandation 92/295 de la extrajudiciaire des litiges de
Commission, du 7 avril 1992, consommation, JO C 155 du
concernant des codes de conduite 6.6.2000, p. 1............................ 543
pour la protection des UNIDROIT – Principes relatifs aux
consommateurs en matière de contrats du commerce
international, de 2004....... 398, 467

Standards nationaux ou ROYAUME-UNI, DEPARTMENT OF


TRADE AND INDUSTRY – « A New
infra-nationaux Future for Communications.
ASSOCIATION DES AGENCES DE Communications White Paper »,
VOYAGE BRITANNIQUES (ABTA) –
Londres, décembre 2000 .......... 143
Code de conduite ......................498 ROYAUME-UNI, DEPARTMENT OF
CIARB – règlement d’arbitrage pour TRADE AND INDUSTRY – « White
les litiges impliquant des membres Paper : Modern Markets :
de l’association britannique des Confident Consumers », Londres,
agences de voyages (ABTA), du 1
er 1999.......................................... 145
avril 2003 ..........................432, 498
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dans Internet. Renseignez-vous »,
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INDUSTRIE CANADA – « Votre
commerce dans Internet. Gagner la
confiance des consommateurs »,
recommandation du 8 novembre
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in Electronic Commerce », vol. 2,
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Jurisprudence aff. jtes C-240/98 à C-244/98, Rec.


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supranationale ou
CJCE – arrêt Solo Kleinmotoren GmbH
internationale c. Emilio Boch du 2 juin 1994, aff.
CJCE – arrêt Bosman c. UEFA et al. C-414/92, Rec. 1994, p. I-2237…
du 15 décembre 1995, aff. C- .................................................. 416
415/93, Rec. 1995, p. I-5040....464 CJCE – arrêt Stauder c. Ville d’Ulm du
CJCE – arrêt Comptoir de vente de 12 novembre 1969, aff. C-29/69,
charbon de la Ruhr du 15 juillet Rec. 1969, p. 419....................... 168
1960, aff. 36 à 38/59 et 40/59, Rec. CJCE – arrêt Stork c. Haute Autorité de
1960, p. 857 ..............................167 la CECA du 4 février 1959, aff.
CJCE – arrêt Dona c. Mantero du 14 1/58, Rec. 1959, p. 43 ............... 167
juillet 1974, aff. C-13/76, Rec. CJCE – arrêt Unibank A/S c.
1976, p. 1333 ............................169 Flemming G. Christensen du 17 juin
CJCE – arrêt Internationale 1999, aff. C-260/97, Rec., p. I-
Handelsgesellschaft c. Einfuhr und 3715.......................................... 417
Vorratsstelle für Getreide und CJCE – arrêt Walrave et Koch c.
Futtermittel du 17 décembre 1970, Association Union Cycliste
aff. C-11/70, Rec. 1970, p. 1125 Internationale du 12 décembre
..................................................168 1974, aff. C-36/74, Rec. 1974, p.
CJCE – arrêt Nold, Kohlen und 1405.......................................... 169
Baustoffgroßhandlung c. Commission Cour eur. D.H. – Suovaniemi et autres
du 14 mai 1974, aff. C-4/73., Rec. c. Finlande, 23 février 2999,
1974, p. 491 ..............................168 décision non publiée sur la
o
CJCE – arrêt Océano Grupo Editorial recevabilité, requête n 31737/96
SA et Salvat Editores SA c. Rocio .................................................. 419
Murciano Quintero du 27 juin 2000,

Jurisprudence nationale et ALLEMAGNE – Bundesfinanzhof, arrêt


du 10 juillet 1968...................... 167
infra-nationale
ALLEMAGNE – Bundesgerichtshof,
ALLEMAGNE – Baumann c. DLV, arrêt du 12 février 1976, in NJW,
Oberlandesgericht de Francfort, 1976, p. 1591............................ 405
arrêt du 18 avril 2001, in SpuRt,
2001, p. 159 et seq. ...................459

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632 ARRÊTS ET DÉCISIONS

ANGLETERRE – ABB c. Keppel, in arrêts de la Cour de cassation, 1979,


o
Lloyd’s Reports, 1999, n 2, p. 24 et p. 136 et seq. .............................169
seq. ........................................... 405 FRANCE – Mesny c. Courtehoux, CA
ère
ANGLETERRE – Black-Clawson Intl Paris, 1 ch. suppl., 4 novembre
Ltd c. Papierwerke Waldhof – 1958, in Rev. arb., 1958, p. 126 et
Aschaffenburg AG, Queen’s Bench, seq. ............................................437
o
in Lloyd’s Reports, 1981, n 2, p. 446 FRANCE – Michel Le P. c. Société Miss
et seq......................................... 405 ère
France, CA Paris, 1 ch., 17 juin
ANGLETERRE – The « Marques de 2004 ..........................................190
Bolarque », Queen’s Bench, in FRANCE – Poiré c. Tripier, Cass. ch.
o
Lloyd’s Reports, 1984, n 1, p. 652 et mixte, 14 février 2003, in Arb. Int.,
seq. ........................................... 405 2003, vol. 19, p. 367..................393
BELGIQUE – Company M. c. M. SA, FRANCE – Polycoton c. Continaf, CA
Cour d’appel de Bruxelles, 4 ère
Rouen, 1 ch. civ., 16 avril 1986, in
octobre 1985, in Yearbook Comm. Rev. arb., 1988, p 327 et seq. ....437
Arb’n, 1989, vol. 14, p. 618 et seq.
.................................................. 405 FRANCE – SNEP et autres c. SNEM et
ère
SPEDIDAM, Cass. 1 civ., 6
BELGIQUE – Cour de cassation, arrêt février 2001, in Rev. arb., 2001, p.
du 16 juin 1969, Pas. 1969-I-650 751 et seq. .................................393
.................................................. 169
FRANCE – Société Polyclinique des Fleurs
FRANCE – Carpentier c. Baur et Roux, ème
c. Peyrin, Cass. 2 civ., 6 juillet
CA Douai, 3 décembre 1912, in 2000, in Rev. arb., 2001, p. 749 et
D., 1913, p. 189 et seq.............. 169 seq. ............................................393
FRANCE – Clinique du Morvan c. FRANCE – Union des Étudiants Juifs de
ère
Vermuseau, Cass. 1 civ., 23 janvier France et la Ligue contre le Racisme
2001, in Rev. arb., 2001, p. 751 et et l’Antisémitisme c. Yahoo ! Inc. et
seq. ........................................... 393 Yahoo France, TGI Paris,
FRANCE – Confédération de la ordonnance de référé du 11 août
consommation du logement et du cadre 2000 ............................................70
de vie (CLCV) c. Foncia Franco FRANCE – Union des Étudiants Juifs de
ère er
Suisse, Cass. 1 civ., 1 février France et la Ligue contre le Racisme
o
2005, n de pourvoi 03-19692 .. 412 et l’Antisémitisme c. Yahoo ! Inc. et
FRANCE – Douillet et Cie c. Yahoo France, TGI Paris,
ème
Goldschmidt et Cie, Cass. 2 civ., 2 Ordonnance de référé du 22 mai
décembre 1964, in Rev. arb., 1965, 2000 ............................................69
p. 13 et seq................................ 437 FRANCE – Union des Étudiants Juifs de
FRANCE – Établissement Louis Laprade France, la Ligue contre le Racisme et
ère
c. Thership, CA Paris, 1 ch. l’Antisémitisme et MRAP
suppl., 5 février 1981, in Rev. arb., (intervenant volontaire) c. Yahoo !
1983, p. 109 et seq.................... 437 Inc. et Yahoo France, TGI Paris,
FRANCE – Lassalle c. Bouc, Cass. 2
ème ordonnance de référé du 20
civ., 21 juin 1979, in Bulletin des novembre 2000............................70

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ARRÊTS ET DÉCISIONS 633

ITALIE – Corte costituzionale, arrêt USA – Green Tree Financial Corp. c.


o
“Frontini” n 183 du 27 décembre Randolph, 531 U.S. 79 (2000)... 414
1973 ..........................................167 USA – Gutierrez c. Autowest, Inc., 7
ITALIE – Corte di Cassazione, arrêt du Cal. Rptr. 3d 267 (Ct. App. 2003)
9 octobre 1950, in Giust. Pen., .................................................. 414
o
1951, n 2, p. 230 et seq. ...........169 USA – Heathmount c. Technodome.com,
ITALIE – SpA Coveme c. Compagnie 106 F Supp. 2d 860 (E.D. Va.
française des isolants SA, Corte di 2000)......................................... 190
Appello di Bologna, 21 décembre USA – Hy Cite c.
1991, in Yearbook Comm. Arb’n, BadBusinessBureau.com, 2004 U.S.
1993, vol. 18, p. 422 et seq........405 Dist. LEXIS 206 (W.D. Wi.) .. 357
ROYAUME-UNI – Cable & Wireless Plc USA – Ingle c. Circuit City Stores, 328
c. IBM UK Ltd, English High F.3d 1165 (9th Cir. 2003) ........ 414
Court (Q. B. Div. Comm. Ct), 11
octobre 2002, in EWHC, 2002, p. USA – Lieschke c. Realnetworks, 2000
2059 et seq. et Arb. Int., 2003, WL 198424 (N.D. Ill. 2000), in
vol. 19 p. 351 et seq. .................393 Yearbook Comm Arb’n, 2000, vol. 25,
p. 530 et Rev. arb., 2002, p. 193 et
SUISSE – ATF 116 II 373 = JdT 1991 seq............................................. 396
I 186..........................................427
USA – Mail Abuse Prevention c. Black
SUISSE – ATF 117 II 346 (U. c. Époux o
Ice Software, aff. n 1-00-CV-
G.), in Bull. ASA, 1991, vol. 9, p. 788630, Superior Court of
415 et seq. .................................425 California, County of Santa Clara
SUISSE – ATF 118 II 353 (Fincantieri (affaire pendante)...................... 332
Cantieri Navali) ........................411 USA – Martin c. International Olympic
USA – Bergesen c. Joseph Müller Corp., Committee, 740 F.2d 670, 1984
710 F.2d 928, 934 (2d Cir. 1983), U.S. App. LEXIS 21274, 35 Empl.
th
in Yearbook Comm. Arb’n, 1984, Prac. Dec. (CCH) P34705 (9 Cir.
vol. 9, p. 487 et seq. ..................423 Cal. 1984)................................. 169
USA – Broadbridge Media LLC c. USA – Media3 Techs., LLC c. Mail
HyperCD.com, 106 F. Supp. 2d 505 Abuse Prevention System, LLC, 2001
(S.D.N.Y. 2000) .......................190 U.S. Dist. LEXIS 1310 (D. Mass.,
USA – Cecala c. Moore, 982 F. Supp. 2001)......................................... 332
609 (N.D. Ill. 1997)..................393 USA – Parisi c. NetLearning, Inc., 139
USA – Continental Grain Co. c. F Supp. 2d 745 (E.D. Va. 2001)
.................................................. 190
Foremost farms, 1998 U.S. Dist.
LEXIS 3509 (S.D.N.Y. 1998), in USA – Szetela c. Discover Bank, 118
Yearbook Comm. Arb’n, 2000, Cal. Rptr. 2d 862 (Ct. App. 2002)
vol. 25, p. 820 et seq. ................423 .................................................. 414
USA – Design Benefit Plans c. Enright, USA – Ticketmaster Corp. c.
940 F. Supp. 200 (N.D. Ill. 1996) Tickets.com, 2003 U.S. Dist. LEXIS
..................................................393 6483, Copy. L. Rep. (CCH)
P28607 (C.D. Cal. 2003) ......... 106

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634 ARRÊTS ET DÉCISIONS

USA – Ting c. AT&T, 319 F.3d 1126 autres, 169 F. Supp. 2d 1181 (N.D.
th
(9 Cir. Cal. 2003) ................... 414 Cal. 2001) ...................................71
USA – Weber-Stephen Prods Co. c. USA – Yahoo ! Inc. c. La Ligue Contre
Armitage Hardware & Bldg Supply, Le Racisme et L’Antisémitisme et
th
54 U.S.P.Q. 2d 1766 (N.D. Ill autres, 379 F.3d 1120 (9 Cir. Cal.
2000) ........................................ 190 2004)...........................................71
USA – Yahoo ! Inc. c. La Ligue Contre
Le Racisme et L’Antisémitisme et

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INDEX DES AUTEURS CITÉS DANS LE TEXTE

ABI-SAAB, G., 38 DELPÉRÉE, F., 167


AMBLARD, Ph., 6, 524 DEZALAY, Y., 224, 225
BACHELARD, G., 4 DUGUIT, L., 7, 91, 509, 572
BACON, F., 123, 158 DUPUY, R.-J., 52, 63, 80, 98
BARANÈS, W., 311 DURKHEIM, É., 275
BARLOW, J.P., 38, 52, 88, 477 FALQUE-PIERROTIN, I., 162
BENKLER, Y., 20 FOUCAULT, M., 153, 165, 548
BENTHAM, J., 554 FOUCHARD, Ph., 280, 487
BENYEKHLEF, K., 84 FRANCESCAKIS, Ph., 382
BERGER, K.P., 400, 467 FRIEDMAN, Th., 32
BERLEUR, J., 120, 137, 139, 506 FRISON-ROCHE, M.-A., 311
BESSON, S., 400, 406 FROOMKIN, M., 43, 117
BIEGEL, S., 101 FUKUYAMA, F, 218
BOURDIEU, P., 315 FULLER, L., 386, 387, 388, 511
BOURGOIGNIE, Th., 57, 550 GAILLARD, E., 487
CACHARD, O., 69, 93 GAITENBY, A., 227, 360, 520, 531
CALABRESI, G., 343 GALANTER, M., 277
CARBONNIER, J., 453, 462 GARTH, B., 224, 225
CASTELLS, M., 152, 170, 213, 492 GIBSON, W., 22
CERF, V., 99 GOLDMAN, B., 271, 466, 467, 487
CHEVALLIER, J., 519 GOLDSMITH, J., 113
CLARK, Ch., 53 GREWLICH, K., 163
CLAY, Th., 250 GUINCHARD, S., 282
COASE, R., 343 HABERMAS, J., 60, 117, 277, 279, 554
DABIN, J., 318 HÄGERSTRÖM, A., 552
DARWIN, Ch., 530 HARDY, T., 105
DAVIDSON, J.D., 102 HART, H.L.A., 153, 156, 173, 307,
DE SOUSA SANTOS, B., 173 315, 316, 380, 391, 452, 511
DE TOCQUEVILLE, A., 93 HECK, Ph., 562
DEDEURWAERDERE, T., 116, 122 HEGEL, G.W.F., 322, 442
DELMAS-MARTY, M., 168, 169, 280 HINSLEY, F., 77
HIRSCHMAN, A., 529, 530, 532

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636 INDEX DES AUTEURS CITÉS DANS LE TEXTE

HOBBES, Th., 38, 319 PERRIN, J.-F., 166, 316, 443, 445,
HOEREN, Th., 57 446, 450, 453
HOLMES, O., 151, 155 PERRITT, H., 83, 182, 329
HUGO, V., 51 PICHLER, R., 244
JARROSSON, Ch., 319 PLATON, 50, 528
JELLINEK, G., 66 POPPER, K., 165
JESSUP, Ph.C., 465 POSNER, R., 343
JOHNSON, D., 182, 531 POST, D., 531, 532
KANT, E., 318 POUDRET, J.-F., 400, 406
KATSH, E., 200, 208, 227, 238, 266, POULLET, Y., 17, 39, 54, 75, 107,
348, 360, 520, 531 120, 137, 139, 142, 315, 506
KAUFMANN-KOHLER, G., 10, 31, RACINE, J.-B., 281
239, 329, 397, 401, 519 RAZ, J., 306, 445
KELSEN, H., 7, 91, 154, 320, 441, REES-MOGG, W. (Lord), 102
442, 447, 509, 572 REIDENBERG, J., 125, 130, 133
KOBRIN, S., 64 RIFKIN, J., 227, 360, 520, 531
LACAN, J., 553 RIGAUX, F., 27, 63, 319, 321, 323,
LAGARDE, P., 390 324, 325, 326, 329, 337, 382, 383,
LALIVE, P., 281, 472 389, 441, 442, 449, 450, 464, 467
LECA, J., 39, 526 RIGOZZI, A., 463
LEFEBVRE, A., 59 ROMANO, S., 323, 382, 448, 450, 451
LESSIG, L., 95, 99, 125, 132, 202, SAINT AUGUSTIN, 505
204, 239, 242, 332, 337, 348 SCHMITTHOFF, C., 465
LOCKE, J., 446, 449 SILANCE, L., 169
LUHMANN, N., 447 SLAUGHTER, A.-M., 82, 86
MAESSCHALCK, M., 116, 122 SOCRATE, 528
MCLUHAN, M., 33 SOMMER, J., 92
MERLEAU-PONTY, M., 173 TEUBNER, G., 228, 233, 234, 278,
MONTERO, É., 59 447
NASH, J., 142 TRUDEL, P., 29, 97, 107, 123, 480,
531
NEGROPONTE, N., 96
VAN DE KERCHOVE, M., 151, 152,
NOZICK, R., 529, 530
155, 165, 173, 174, 234, 305, 306,
NUNZIATO, D., 533 311, 316, 349, 383, 385, 387, 445,
OPPETIT, B., 282 446, 450, 509, 519
OST, F., 57, 151, 152, 154, 155, 165, VAN DEN BERG, J., 404
173, 174, 234, 278, 305, 306, 311, VIRALLY, M., 455
316, 349, 383, 385, 387, 445, 446,
VIRILIO, P., 492
450, 509, 519, 548, 553, 554, 561
VIVANT, M., 101, 112, 162
PAUL, Ch., 146

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ARRÊTS ET DÉCISIONS 637

VON JHERING, R., 318, 320 WITTGENSTEIN, L., 445


WEBER, M., 92, 316, 321, 323, 324,
337, 349

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INDEX THÉMATIQUE

Les numéros en italique indiquent le siège de la matière se


situe dans les notes de bas de page.

ACCORD MULTILATÉRAL SUR LES


INVESTISSEMENTS (AMI) : 84
A
ACCRÉDITATION : v. aussi labels
AAA (American Arbitration - des marchands : 209, 345 à 46
Association) : 185 - des ODR : 293 à 94, 537 à 40, 572

ABA (American Bar Association) : ACHAT D’IMPULSION : v. incitation (à


185, 196, 287, 291, 367, 369, 537 à l’achat)
38, 541 ACTE AUTHENTIQUE
- et médiation : 416, 417 à 18
ABTA (Association of British Travel
Agents) : 432 ACTION COLLECTIVE : 257, 414
ACCÈS À INTERNET : 330 ADAPTABILITÉ (propriété
- valeur : 40 à 41 informatique) : 268 à 69
ACCÈS À LA JUSTICE : 49, 236 à 37, ADR (alternative dispute resolution)
251 à 69, 567 - comme phénomène de masse : 282
- analyse économique du droit : 253 à 61 - évolution : 271 à 85
- définition : 251 - mouvement – : 181, 238 à 39, 279
- et accessibilité technologique des AGB (Alliance for Global Business) :
procédures : 266 à 69 286
- et coûts de procédure : 262 à 65, 326 à
27, 351 à 52, 364, 410 à 14, 455, 488 à AGENT INDEXEUR : 53
89, 537, 568, 570 AGENT INTELLIGENT : 130
- et développement du commerce ALTERMONDIALISTES : 84
électronique : 5
- et ODR : 5, 246 à 47, 251 à 61, 326 à AMAZON.COM : 48
27, 522, 568, 570 v. aussi recours ANALYSE ÉCONOMIQUE DU DROIT :
(contre la résultat d’une procédure v. law and economics
d’ODR)
ANARCHISME : 97 à 98, 99 à 101,
ACCÈS AUX SITES WEB : 72, 79, 82, 102, 104
332 à 35, 484 v. aussi délocalisation
(de sites web) ANONYMISATION : 84 à 85, 126
ACCORD ISSU D’UNE MÉDIATION ANTHROPOLOGIE
- comme acte authentique : 417 à 18 - de la résolution des litiges : 250, 273 à
85
- comme sentence arbitrale d’accord :
418 à 19 - du droit : 222, 429, 443
- exécution : 416 à 19, 570 ANTISÉMITISME : 138 v. Yahoo
(affaire –)

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640 INDEX THÉMATIQUE

APPAREIL DE COERCITION : v. ARCHITECTURE DE CONFIANCE : 201


contrainte à 11
APPROCHE ARCHITECTURE DE CONTRÔLE : 199,
- dialectique : 4 293 à 95, 536 à 48, 572
- gradualiste : 98 à 99, 305, 440, 444 à ARPANET : 18
46, 451, 469, 471, 498, 514, 517
ASSOCIATION DE MALFAITEURS : 452
ARBITRABILITÉ
- définition : 406 ASSURANCE DE TRANSACTIONS : 373
- des litiges du droit de la à 74, 499, 502, 570
consommation : 407 à 8 ASTREINTE : 70, 324, 363 à 65, 499,
- droit applicable : 406 à 7 502, 570
ARBITRAGE AUCHAN : 360
- à deux degrés : 265, 404, 430 à 33,
AUSTRALIE : 195, 286
437, 546
- comme phénomène de masse : 282 AUTHENTIFICATION (propriété
- définition : 436 informatique) : 202 à 4, 421 à 23
- et astreinte : 365 - des parties et des documents : 197
- évolution : 271 à 85 AUTODÉTERMINATION : 97, 99
- harmonisation de la procédure : 282, AUTOEXÉCUTION (de résultats de
519
procédures d’ODR) : 349 à 76, 433
- histoire : 249 à 50
à 34, 479 à 80, 485 à 86, 489, 502 à
- non contraignant : 428 à 37
3, 570 à 71
conditionnellement ou
unilatéralement contraignant : AUTONOMIE DE LA VOLONTÉ : 107
187, 429 à 33, 436 à 37 AUTONOMIE ORGANIQUE (d’un
et clause arbitrale en matière de système juridique) : 446 à 47, 449,
consommation : 403 à 4
494, 501, 517
définition : 187 à 88, 429
efficacité : 430 à 34 AUTONOMIE ORGANISATIONNELLE
formes : 429 (d’un système juridique) : 447, 449,
qualification juridique : 434 à 37 494, 502, 517
réellement non contraignant : 187, AUTONOMIE SOCIALE (d’un système
430 à 33, 434 à 36 juridique) : 446, 449, 492, 517
- non obligatoire : 429
AUTONORMATIVITÉ : 97
- procédure
débat(s) AUTOPOÏÈSE : 447
audience écrite : 205 AUTORÉFÉRENCE : 447
audience hors ligne : 187, 192
oraux : 205, 425 AUTORÉGULATION : 85, 102 à 23,
droit d’être entendu : 205 157 à 58, 188, 279, 326, 336, 344
principe d’égalité : 426 - avantages de l’– : 110 à 15
principe de la contradiction : 425 à - comme expérimentation pour l’État :
26 144
- raison d’être : 249 à 50 - déficiences : 115 à 23
- stare decisis : 290 à 91 - définition : 103 à 5
- doctrine de l’– : 110 à 15
ARBITRAGE EN LIGNE : 186 à 88
- encadrée : v. co-régulation
ARBITRES - et culture juridique : 105
- sélection : 264 à 65

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INDEX THÉMATIQUE 641

- et pragmatisme : 118 CARTE DE CRÉDIT : 203, 362


- et proximité par rapport au milieu et - et incitation à l’achat : 57
aux destinataires : 61, 111 - et inexécution de la prestation due :
- et régulation par la technique : 129 372, 373 à 74
- et sécurité juridique : 118 à 19 - protection des détenteurs de – : 200
- et systèmes de normes : 109 à 10 - refacturation par – : 370 à 73, 499,
- et territorialité : 112 à 15 502, 570
- externalités pour d’autres domaines : - utilisation frauduleuse : 370 à 71, 373 à
138 74
- instruments d’– : 108 à 10 CASIER COMMERCIAL : 204
- insuffisance réflexive : 119 à 23
- mise en oeuvre : 108 à 10
CATHARSIS : 221, 261, 288 à 89
- publicité : 289
- sources : 105 à 8
- rituel : 228, 261
- surveillance par l’État : 144
AUTORISATION (propriété CCI (Chambre de commerce
informatique) : 202 à 4 internationale) : 252, 264, 287, 542
AUTORITÉS ADMINISTRATIVES CENTRE DE TRAITEMENT : 293 à 94,
INDÉPENDANTES : 85
541 à 44, 572
CERTIFICATION : 421 à 23 v. aussi
labels / accréditation
B - définition : 353 à 54
CHAMBRE ARBITRALE DE PARIS : 432
BANQUES (contentieux avec les –
suisses) : 368 CHARGE BACK : v. carte de crédit
BANQUES DE DONNÉES : 43 à 46 CHARTE OLYMPIQUE : 169, 461 à 62
BERTELSMANN (rapport –) : 126 CHARTERED INSTITUTE OF
ARBITRATORS : 188, 496
BIENS INFORMATIONNELS : 33, 42, 50
à 56 v. aussi information CHARTES : 108
- concept : 54 CHAT ROOM : 205
BITNET : 18 CHEVAUX DE TROIE : 130
BLIND BIDDING : v. négociation CHICAGO (école de –) : 343 à 45
BOTS : v. agents indexeurs CIGARETTES : 339 à 40, 345
BOUCLES ÉTRANGES : v. hiérarchies CIO (Comité international
(enchevêtrement) olympique) : 461 à 62
- définition : 165 CJCE (Cour de justice des
BULLE ÉCONOMIQUE : 101 Communautés européennes) : 167
à 68, 412
CLASS ACTION : v. action collective
C
CLAUSE ARBITRALE : v. aussi
CANADA : 286, 335 convention d’arbitrage
- comme caractéristique d’un produit :
CAPITAL SOCIAL : 535 v. aussi 535
réputation - coûts de la procédure comme condition
CAPITAL SYMBOLIQUE : 224, 248 à 49 de validité : 410 à 14
- définition : 248 - droit applicable : 404 à 6

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642 INDEX THÉMATIQUE

- en matière de consommation : 401 à - et accès à la justice : 5, 251 à 61, 253 à


15, 522, 534 57, 567
arbitrabilité : 406 à 8 - internationalité : 2, 251 à 53, 352
et arbitrage à deux degrés : 404 COMMUNAUTÉ NUMÉRIQUE : 114,
et arbitrage unilatéralement 211 à 31, 340, 535
contraignant : 403 à 4
- comme outil commercial : 218 à 21
et coûts de la procédure en ligne :
- et contrainte sociale : 338 à 42, 359 à
410 à 14
60
et règles de compétence protectrice :
- et morcellement du cyberespace : 229 à
408 à 11
31
formalités : 414 à 15
- et place de marché : 492 à 94
- par référence : 399 à 401
- exemples : 218 à 21
- unilatéralement contraignante : 429
- globale : 212 à 13, 215
CLAUSE DE MÉDIATION : 392 à 94
COMMUNICATIONS : v. courrier
CLAUSE PÉNALE : 365 électronique / forum de discussion /
CLEARINGHOUSE : v. centre de vidéoconférence / téléconférence /
traitement arbitrage (procédure) / téléphone /
CLIC fax
- comme déclaration de volonté : 107 COMPÉTENCE D’EXÉCUTION (dans un
CNIL (Commission nationale système juridique) : 449, 460, 479 à
(française) de l’informatique et des 80, 485 à 86, 502 à 3, 570
libertés) : 159 COMPÉTENCE JURIDICTIONNELLE
CODE (informatique) : v. logiciel (dans un système juridique) : 449,
460, 479, 483 à 84, 486 à 88, 500 à
CODE D’ÉTHIQUE : 108 502, 570
CODE DE CONDUITE : 105, 108, 110, COMPÉTENCE LÉGISLATIVE (dans un
112, 118, 121, 210, 240 à 44, 335 à système juridique) : 449, 460, 469 à
36, 354 à 55, 494 à 500, 502, 549, 70, 479, 484 à 85, 494 à 500, 570
571
COMPÉTENCES INFORMATIQUES :
CODE DE DÉONTOLOGIE : 108 268
CODE-BASED REGULATION : v. COMPLEXITÉ
régulation (par la technique) - de l’élaboration normative étatique :
COERCITION : v. contrainte 111
COLLÈGE AT-LARGE (ICANN) : 506 à - de la création du droit : 173
- définition : 173
7
- des domaines à réguler : 61, 85, 100,
COLONIES : 452 135, 147
COMMANDEMENTS ( 10 – ou 12 –) : - des procédures de résolution des
108 litiges : 278
COMMERCE ÉLECTRONIQUE COMPLIQUÉ (en tant que paradigme)
- acteurs : 4 - définition : 173
- caractéristiques fondamentales : 2, 251 COMPTE DE GARANTIE BLOQUÉ : 366
à 53, 256 à 67, 499, 502, 570
- début : v. Internet (début de
CONDITIONS GÉNÉRALES (de
l’utilisation commerciale)
contrats) : 121, 494 à 500, 535
- définition : 2

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INDEX THÉMATIQUE 643

CONFIANCE - et temps : 57 à 59
- communauté de – : 199, 211 à 31 - et temps de réflexion : 59
- dans le commerce électronique : 195 à - et transactions internationales : 352
250 - et vie privée : 48
- dans les ODR : 248 à 49, 289, 538 - renforcement : 49 à 50
- définition : 211, 244 à 45 CONSTITUTION : 165 à 66
- et communautés numériques : 215 à - des USA : v. Yahoo (affaire –)
18, 340
- et dilemme du prisonnier : 216 CONTENEUR CRYPTOGRAPHIQUE : 54
- et États : 137, 139 CONTRACTUALISATION
- et homogénéisation des normes : 226 à - de la contrainte : 363 v. aussi
29 autoexécution
- et label : v. label - de la procédure : 278
- et présence d’un système de résolution CONTRAINTE : v. aussi effectivité
des litiges : 221 à 26, 569 (instrumentale)
- et rematérialisation : 201 à 11
- architecturale : 346 à 49, 362, 460
- et rôle du droit : 245
- comme élément constitutif du droit :
- interpersonnelle : 215 à 17 318 à 25, 442, 445
- repères de – : 198 à 201, 335 à 36, 357 - économique : 342 à 46, 355, 356, 357,
à 58 v. aussi labels 359, 363, 364, 516
- sociale : 216 à 18 - et adéquation éthique des normes : 132
- système de – : 208 à 10 - étatique : 318 à 22, 325 à 27, 350 à 51,
CONFLIT DE LOIS : 317 364, 384 à 85, 390, 442 v. aussi
souveraineté (puissance d’État)
CONSENSUALISME : 271 à 95
- formes de –
CONSENTEMENT diversité : 321 à 25
- à l’achat : 57 v. aussi incitation (à typologie : 337 à 49
l’achat) - non étatique : 68, 104, 108, 109, 112,
- à la résolution des litiges : 517, 534 à 119, 247 à 48, 350 à 51, 430 à 34, 460,
35 479 à 80, 485 à 86, 489, 498 à 99, 502
- des destinataires de normes : 133, 391 à 3, 516, 570 à 71
- et régulation par la technique : 240 à - ordres de – : 317 à 27
42 v. aussi insuffisance réflexive - physique : 119, 202, 318 à 22, 325 à
- par une clause de résolution des litiges : 27, 338, 350, 390, 442
512 - sociale : 338 à 42, 357, 359 à 60, 516
CONSOMMATEURS : v. aussi droit de - technologique : 124, 132, 346 à 49,
la consommation 362, 374 à 76, 485 à 86, 489, 499, 502,
- acquis juridiques : 521 à 24, 549 516, 570
- affaiblissement : 47 à 50 ex ante : 130
- association de – : 257, 264, 291, 521, CONTRAT
571 - modèle : 108, 494 à 500
- autres protections que le droit de la - régulation par – : v. régulation
consommation : 59 (contractuelle)
- et accès à la justice : 49, 251 à 61, 409,
CONTRAT SOCIAL : 273
410 à 14
- et cookies : 48 CONVENTION D’ARBITRAGE : 394 v.
- et coûts de procédure : 409 aussi clause arbitrale
- et délai de réflexion : 34, 58 - authentification : 421 à 23
- et distances : 49 - certification : 421 à 23

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644 INDEX THÉMATIQUE

- droit applicable : 404 à 6 CULTURE(S) JURIDIQUE(S)


- éléments nécessaires : 397 - diversité des –
- forme écrite : 395 à 99 et régulabilité : 525 à 26, 549, 569
CONVENTION-LOI (principe de la –) : - et autorégulation : 105
107 CYBERANARCHISTE : v. anarchisme
COOKIES : 44, 48, 107, 126, 130 CYBERCAFÉ : 79
- définition : 107 CYBERCRIMINALITÉ : 136
COPIE NUMÉRIQUE : 50 à 56, 125, CYBERESPACE : 212 à 15
132, 206 - caractéristiques : 31 à 36, 39, 98, 201 à
COPYRIGHT : v. droit d’auteur 2
CO-RÉGULATION : 104, 134 à 50, 159 - comme domaine trivial d’application
du droit : 4, 25 à 27, 87, 92
à 60
- comme eldorado de parfaite liberté : 3,
- acceptions de la notion : 142 à 46
23 à 24, 88, 95 à 99
- avantages et désavantages : 147 à 50
- comme environnement particulier : 29,
- définition large : 140 à 42 65, 87, 88
- définition stricte : 145 à 46 - comme environnement technique : 29
- et autorégulation : 142 à 46 - comme espace à part entière : 23, 29,
- et réglementation : 142 à 46 64
- modèle de la – : 139 à 50 - comme espace de non-droit : 95 à 99
- raisons d’être : 147 à 50 - comme espace social : 29
- rapports de force : 148 à 50 - comme pure métaphore : 25 à 27, 94
COUR DES PETITES CRÉANCES : 198, - comme simple moyen de
257 communication : 20
- contenu : 20
COURRIER ÉLECTRONIQUE : 186,
- Déclaration d’indépendance du – : 38,
187, 189, 190, 192, 193, 205, 252, 202
269, 330 à 32 - définition : 3, 21
- adresses : 85, 96, 484 - distinction avec Internet : 21
- utilisation au niveau mondial : 1, 78 - droit du – : 25, 26, 88, 93 v. aussi lex
COÛTS electronica
- d’un comportement et régulation : 99, - et confiance : v. confiance
328 à 29 v. aussi contrainte - et droit des télécommunications : 26
(économique) - et États : 24, 38, 94 à 102, 110 à 15,
- de l’accès à la justice : v. accès à la 135 à 39, 530 à 33
justice - et idéologie libertaire : 4, 38, 88, 99 à
- de la résolution des litiges en ligne : v. 101, 202, 530 à 33, 567
ODR - et ineffectivité du droit étatique : 29,
CRAWLERS : v. agents indexeurs 81 à 86, 98
- et lex electronica : 24
CRÉATION DU DROIT : v. droit /
- et repères : v. confiance
pyramide / régulation / hiérarchies
- et territoire (en général) : 62 à 65
CRÉATIVITÉ - filtrage : v. filtrage
- et droit d’auteur : 51 - formes de sociabilité : 111, 114, 492 à
CRITON (Platon) : 528 à 29 94, 549 v. aussi communauté
numérique
CRYPTOGRAPHIE : 84 à 85, 96, 126,
- morcellement : 229 à 31, 493, 503,
348 514, 516, 571 v. aussi filtrage

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INDEX THÉMATIQUE 645

- pluralité de cyberespaces : 29 v. aussi - mondiale : 506 à 7


morcellement - non majoritaire : 115 à 16
- résistance à la régulation : 95 à 99, 102 - régimes non démocratiques : 83
- spécificités architecturales : 27 à 29 - représentative : 115
CYBERIENS : 106 - vote avec la souris : 520, 527 à 36
CYBERNOTAIRE : 399 DÉMOGRAPHIE
- flux démographiques : 33
CYBERSQUATTING : 189
DÉPERSONNALISATION : 216, 217
CYBERTRIBUNAUX : 191 à 93, 416
DÉPÔT FIDUCIAIRE : 366
DÉPROFESSIONNALISATION : 279
D
DÉSINSTITUTIONNALISATION : 115
DARPA (Defense Advanced Research DÉSOBÉISSANCE CIVILE : 529
Projects Agency) : 18 DÉSOCIALISATION : 199, 211 à 31 v.
DÉCENTRALISATION : 34 à 36, 95, aussi resocialisation
115, 157, 279, 517 à 18, 536 DÉTEMPORALISATION : 31 à 32, 96
DÉCLARATION D’INDÉPENDANCE DU DÉTERRITORIALISATION : 31 à 32,
CYBERESPACE : v. cyberespace 34, 95, 213, 214, 567 v. aussi
DÉCLARATION DE VOLONTÉ reterritorialisation
- le clic comme – : 107 DIGITAL WATERMARK : v. filigranes
DÉCONNEXION : 109, 340, 426 numériques
DÉCRYPTAGE : v. cryptographie DILEMME DU PRISONNIER : v.
confiance
DÉJUDICIARISATION : 199, 238 à 39,
245, 279 v. aussi rejudiciarisation DISTANCES GÉOGRAPHIQUES : 49,
- définition : 238 235 à 40, 251 à 61, 325 à 27
DÉLAI DE PRESCRIPTION : 398 DNS (Domain Name System) : v.
système de nommage
DÉLAI DE RÉFLEXION : v.
consommateurs DOGMATIQUE JURIDIQUE : 89 à 102,
153 à 54 v. aussi positivisme
DÉLÉGALISATION : 271 à 85
juridique
DÉLÉGATION DE COMPÉTENCES : 85,
DONNÉES PERSONNELLES : 43 à 47,
104, 143 à 44
107, 130, 135
DÉLOCALISATION
DOT.COMS : 44
- de sites web : 79, 81 à 82
- des acteurs : 235 à 36 DOUBLECLICK : 45
DÉMATÉRIALISATION : 3, 31 à 32, 34, DRM (digital rights management) : v.
83, 87, 95, 199, 205 à 7, 217, 247, droit d’auteur (solutions
325, 567 v. aussi rematérialisation techniques)
DÉMOCRATIE : v. aussi légitimité DROIT
(démocratique) - critères de référence de la juridicité :
- directe : 115 378, 505 à 6
- et autorégulation : 104, 120, 527 à 36 - et contrainte : 318 à 25
- et marché : 344 - juridicité étatique : 380 à 88
- et réflexivité : 119 à 23 - juridicité non étatique : 388 à 89

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646 INDEX THÉMATIQUE

- production du – : 8 DROIT NÉGOCIÉ : 273 à 85


chaîne de la – : 110, 456, 486, 570 à DROIT ORGANISÉ : 448
71
par la résolution des litiges : 8, 513 à DROIT ROMAIN : 319, 535
14, 571 DROIT SPONTANÉ : 448
par le pouvoir d’appréciation : 8, 556
à 59, 569
DUMPING RÉGLEMENTAIRE : 62, 82,
par médiation et négociation : 8, 300 97, 157
DROIT D’AUTEUR : 50 à 56, 124, 135
- comme victime du cyberespace : 51 E
- et copie numérique : 52
- et solutions techniques (ECMS / E@DR : 192
DRM) : 52 à 56, 125
contournement / neutralisation : 55
E-ADMINISTRATION : 136
à 56 EASY CASES (Hart) : 156 à 57, 173
efficacité : 53 EBAY : 185, 196, 220, 227, 358 à 60,
surprotection : 54 à 56, 124 366, 494 à 500, 523, 536, 561 à 62,
typologie : 53 à 54
571
- exceptions : 55
- fair use : 55 ECMS (electronic copyright
- fondement : 51 management systems) : v. droit
d’auteur (solutions techniques)
DROIT DE LA CONSOMMATION : v.
aussi consommateurs / clause ECODIR (Electronic Consumer
arbitrale Dispute Resolution) : 185, 187,
- arbitrabilité : 406 à 8 356, 436, 497
- comme acquis juridiques : 521 à 24 ÉCRIT : v. forme écrite
- comme approche : 6, 550 EFFECTIVITÉ
- comme protection des parties faibles
- comme condition de validité : 308
actuelles : 513, 521 à 24
- définition : 131 à 32, 311 à 17
- et accélération du temps : 57
- du droit étatique : 237 à 38 v. aussi
- règle de compétence protectrice : 408 à
souveraineté (puissance d’État)
11
- et formes de contrainte : 119
DROIT DE LA MONDIALISATION : 456 - et légalité : 384 à 85
à 57 - et légitimité : 509 à 11
DROIT DE PROPRIÉTÉ : 88 - gradualité de l’– : 98 à 99
- instrumentale
DROIT DU CHEVAL : 88
définition : 316 à 17
DROIT DU CYBERESPACE : v. et arbitrage non contaignant : 433 à
cyberespace / lex electronica / 34
régulation et contrainte : 317 à 27, 516
DROIT DU SPORT : 169, 458 à 65 v. et contrôle des ressources : 327 à 36
aussi lex sportiva et forces du marché : 342 à 46, 433 à
34
DROIT ÉTATIQUE : v. réglementation /
et formes de contrainte : 337 à 49
territorialité / positivisme juridique par l’architecture : 346 à 49
/ États par la technologie : 132, 346 à 49,
- mort du – : 96, 98 433 à 34
DROIT IMPOSÉ : 273 à 85 par les normes sociales : 338 à 42

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INDEX THÉMATIQUE 647

- intrumentale : v. aussi contrainte fondamentales : 69, 75, 107, 132 à 33,


- symbolique : 315 à 16, 339, 430 à 33 137 à 39 v. aussi ordre public
et technique : 132 - disparition des – : 103
EFFICACITÉ : 306 v. aussi validité - et contrainte : 320 à 21, 442
- et cyberespace : 24, 94 à 102, 110 à 15,
- juridictionnelle : 236 à 38, 516
135 à 39, 325 à 27
- juridique : 305 à 10
- et technologie : 132 à 33, 134
- pratique : 147
- réflexif : 278
et légitimité : 509 à 11
- veilleur de nuit : 527 à 36
EFFICIENCE : 147 - watchman state : 527 à 36
- et légitimité : 509 à 11
ÉTATS-UNIS : 195, 201, 286
ÉGALITÉ DES PARTIES : 269
ÉTHIQUE : v. légitimité
EMAIL : v. courrier électronique - communicationnelle (Habermas) : 117
ENFORCEMENT : v. exécution forcée / à 18
effectivité conditions de l’– : 117
- et légalité : 386 à 89
ENTIERCEMENT : 366
EUROCHAMBRES : 243 à 44, 433
ENTREPRISE UNIPERSONNELLE
MULTINATIONALE : 50 ÉVITEMENT LÉGISLATIF : 81 à 82, 88,
96 à 97, 113, 157, 163 v. aussi lex
ÉPÉE DE DAMOCLÈS : 238
shopping
ÉPISTÉMOLOGIE : 7 v. aussi
EXCLUSION
paradigme / obstacle
- d’un athlète : 460
épistémologique
- d’une place de marché : 130, 360 à 63,
ÉQUILIBRE 499, 502, 518, 570
- auteurs / utilisateurs : 51, 55
EXÉCUTION DES PRESTATIONS
- instauré par le droit : 38, 43, 56
CONTRACTUELLES
- professionnels / consommateurs : 50
- exécution asynchrone : 49, 199, 569
ÉQUIVALENCE FONCTIONNELLE : - mauvaise exécution : 49
395 à 98 - non-exécution : 49
- définition : 206
EXÉCUTION FORCÉE : v. aussi accord
ESCROW : v. compte de garantie issu d’une médiation / sentence
bloqué arbitrale / autoexécution /
ESPACE : v. territorialité contrainte
- juridique : 27 - et accès à la justice : 49, 237, 255 à 56,
351 à 52, 364, 570
ESPAGNE : 286
- et exécution volontaire : 351 à 52 v.
ÉTAT DE NATURE : 97 à 98, 446, 449 aussi incitation
ÉTAT(S) EXEQUATUR : v. aussi accord issu
- autorégulation des – : 104, 120, 122 d’une médiation / sentence arbitrale
- comme boules de billard sur la scène EXIT THEORY (Hirschman) : 527 à 36
internationale : 38, 67
- comme expression d’un bien commun : EXTRATERRITORIALITÉ : 39, 65 à 77
105 - définition : 67
- comme initiateur de régulation : 144 à - du cyberespace sur le monde hors
45 ligne : 137 à 38
- devoir de protection de leurs - effectivité de l’interdiction de l’– en
populations et de leurs valeurs droit international public : 68

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648 INDEX THÉMATIQUE

- et légitimité démocratique : 68, 100, FONDS DE JUGEMENT : 368 à 70, 499,


113 502, 570
- et sécurité juridique : 113
FOR
- au lieu de domicile ou de résidence
F habituelle du consommateur : 49
- au lieu de téléchargement d’une page
web : 69, 74 à 75
FAI (fournisseur d’accès à Internet) :
- purposeful availment : 71
42, 112, 121, 135, 330
- targeting : 74
FAX : 187, 189, 396
FORCE PUBLIQUE : v. contrainte
FBI (Federal Bureau of
FORMALISME : 271 à 95
Investigation) : 136
FORME ÉCRITE : 205, 395 à 99
FÉDÉRATION ROMANDE DES
CONSOMMATEURS : 244 FORUM DE DISCUSSION : 135, 186,
187, 193, 220, 269, 426
FÉDÉRATIONS INTERNATIONALES
(sportives) : 169, 461 à 63 FORUM DES DROITS SUR
L’INTERNET : 146
FIA (Fédération internationale
automobile) : 461 à 62, 463 FORUM SHOPPING : 157, 163, 168 à 69,
518 v. aussi lex shopping
FIFA (Fédération internationale de
football association) : 453 FOURNISSEUR D’HÉBERGEMENT : 361
à 62
FILIGRANE NUMÉRIQUE : 53, 398
FOURNISSEURS D’ACCÈS À
FILTRAGE : 130
INTERNET : v. FAI
- automatique du courrier électronique :
340 FOURTH PARTY : 266 à 69, 266
- du contenu : 73 à 74, 126 FRACTURE NUMÉRIQUE : 40 à 42, 267
- géographique : 70 à 71, 72 à 74, 230 à à 68 v. aussi accès à Internet
31 - importance : 41
à l’émission : 73 - lutte des classes : 41
à l’immission : 73 à 74 - pluralité : 41
FILTRAGE FRAUDE (sur Internet) : 101, 136, 200,
- filtres parentaux : 46 237, 289 à 90
FINANCEMENT FREE RIDERS : 118
- des institutions d’ODR : 262 à 65
formes de financement : 263 à 64
FRONTIÈRES
indépendance : v. indépendance (en - absence de – : 31 à 32, 33, 34, 98, 525
procédure de règlement des à 26, 549
différends) - affaiblissement : 64, 86, 114
- culturelles et identitaires : 114, 525 à
FLAMING : 109, 340 26, 549
- définition : 109 - et autorégulation : 76
FLUX - et calibrage du droit : 65
- d’informations : v. ubiquité / - et place de marché : 493, 503
territorialité / frontières / information - et régulation par la technique : 76
- de pouvoir : 152, 153, 160, 164, 170, - et traités internationaux : 76
172, 456 à 57
- démographiques : v. démographie

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INDEX THÉMATIQUE 649

G et ordonnances administratives : 166


à 67
GAP : 360 - entre État et secteurs privés : 134
- juxtaposition de – linéaires : 156 à 57
GBDE (Global Business Dialogue on - linéarité : 153 à 60, 157 à 60, 171, 173
electronic commerce) : 195, 264, - renversement : 145
286, 500, 571
HIÉRARCHIES (entre les systèmes
GENDARMES COUCHÉS : 347 juridiques) : v. système(s)
GÉOLOCALISATION : 36 juridique(s)
GLOBALISATION : v. mondialisation HTML (hypertext markup language) :
GLOCALISATION : 231 19
GOUVERNANCE : 163, 525 à 26 HTTP (hypertext transfer protocol) :
- définition : 141, 172, 525 124
GRADUALISME : 98 à 99, 440, 444 à HTTPS (hypertext transfer protocol
46, 451, 469, 471, 498, 514, 517 over secure socket layer) : 203
GRAND SECRET, LE : v. Mitterrand HYPERTEXTE (liens –) : 19, 97
(affaire –) HYPERTROPHIE DES RÈGLES : 68 v.
GRANDE DÉPRESSION : 32 aussi extraterritorialité
GREEN TREE (affaire –) : 414
GUERRE : 320 I
GUERRE DU GOLFE : 368
ICANN (Internet Corporation for
GUERRE FROIDE : 33, 35 Assigned Names and Numbers) :
GUERRES MONDIALES : 32 145, 188 à 91, 332 à 35, 374 à 76,
GUTTIEREZ (affaire –) : 414 435, 481 à 90, 506 à 7, 517 à 18,
522 à 23, 536, 546 à 47, 571
- manque de transparence : 116
H IDÉES
- et droit d’auteur : 51
HARD CASES (Hart) : 156 à 57, 173
IDENTIFICATION
HARDWARE : v. matériel informatique - des acteurs : 96, 126, 197, 198, 362,
HÉTÉRARCHIE : 165 493 v. aussi localisation
- des courriers électroniques : 96 v. aussi
HIÉRARCHIES (entre les producteurs
anonymisation
de droit) : 148 à 50, 153 à 60
- des ordinateurs : 96 v. aussi IP
- absence de – : v. hétérarchie (Internet Protocol)
- en co-régulation : 148 à 50
- enchevêtrement : 149, 164 à 74, 568
IDENTITÉ CULTURELLE : 114, 245 à
définition : 165 46, 525 à 26, 549
et CJCE : 167 à 68 IETF (Internet Engineering Task
et contrôle de constitutionnalité : Force) : 117 à 18
165 à 66 - présentation : 117
et droit du sport : 169 IMAGES
et interprétation : 166
- reconnaissance automatique : 74
et lex / forum shopping : 168 à 69

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650 INDEX THÉMATIQUE

IMPARTIALITÉ (en procédure de INFORMATIQUE : 43 à 44


règlement des différends) INFRA-DROIT : 443
- apparence d’impartialité, confiance et
externalisation du système d’ODR : INGÉRENCE (sur le territoire d’un
501 État) : v. extraterritorialité
- catharsis : 228 INSTITUTION(S) (et droit) : 447 à 48
- comme principe fondamental de INSUFFISANCE RÉFLEXIVE : 119 à 23,
procédure pour les ODR : 287
131 à 33, 137, 139, 147
- médiation conduisant à une sentence
- définition : 120
arbitrale : 419
- renonciation ex ante : 419 INTÉGRITÉ (propriété informatique) :
- UDRP : 481 202 à 4
IMPERIUM : 319, 321 à 22, 350 INTELLECTUAL PROPERTY ENHANCING
TECHNOLOGIES : 53
IMPORTATION DU DROIT : 168 à 69
INTERDISCIPLINARITÉ : 8
IMPRIMERIE : 51
INCITATION : 99 INTERESSENJURISPRUDENZ : 550, 562
- à divulguer des données personnelles : INTÉRÊTS
130 - concept : 552 à 53
- à l’achat : 50, 57 à 59 - coordination : 526
- à l’exécution volontaire des résultats de - différends d’– : 276
procédures d’ODR : 353 à 65, 430 à 33 - pesée : 548 à 66
- à la fraude : 237 comme mode de production du
- au respect de la norme : 112, 315 droit : 548 à 49
INDÉPENDANCE (du cyberespace) : v. et interprétation : 559 à 62
cyberespace et normes vagues : 549, 551, 556 à
59, 569
INDÉPENDANCE (en procédure de et pouvoir d’appréciation : 556 à 59,
règlement des différends) 569
- apparence d’impartialité, confiance et hiérarchisation des intérêts : 557 à
externalisation du système d’ODR : 59
501 méthodologie : 565 à 66
- catharsis : 228 prise en compte des intérêts dans la
- comme principe fondamental de – : 550
procédure pour les ODR : 287 sélection des intérêts : 553 à 55
- externalisation de la procédure par - prise en compte des – : 119 à 23, 133,
rapport à une place de marché : 374 137, 139, 147, 149 v. aussi insuffisance
- financement des institutions d’ODR : réflexive
262 à 65 - solipsistes : 554 à 55
- garanties institutionnelles : 264 à 65 - universalisables : 554 à 55, 565 à 66
- garanties procédurales : 265
INTERMÉDIATION POLITIQUE : 83 à
INFORMALISME : 271 à 95 84
INFORMATION INTERNET
- comme ressource de valeur : 42, 83 v. - comme facteur de mondialisation : 2
aussi accès à Internet / ressources / - comme fondement du cyberespace : 30
biens informationnels
- comme instrument d’opposition de la
- et nouvelles technologies : 33, 56 société civile à l’État : 83 à 86
- transmission : 56 - composantes : 127
- ubiquité : v. ubiquité

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INDEX THÉMATIQUE 651

- création : 1, 18 à 19 JURISDICTION TO ADJUDICATE : v.


- début de l’utilisation commerciale : 19, compétence juridictionnelle
201
JURISDICTION TO ENFORCE : v.
- définition : 21
compétence d’exécution
- distinction avec cyberespace : 21
- et droit des télécommunications : 26 JURISDICTION TO PRESCRIBE : v.
- et guerre : 35, 83 compétence législative
- historique : 18 à 19 JUS COMMUNICATIONIS : 25
- reroutage : 35
JUSTICE
- routage : 35
- efficacité : 49
INTERNORMATIVITÉ - formelle : 240
- conflit internormatif : 276, 317 à 27, - procédurale : 525 à 26, 548 à 66
453 à 56, 462 à 63, 488 à 89 - repères de – : 199
- obstacle à l’– : 454 à 55, 488 à 89, 570 - substantielle : 240
à 71 v. aussi recours (contre le résultat
d’une procédure d’ODR)
INTERPRÉTATION DU DROIT : 166, K
559 à 62, 569
- contra legem : 166 K-MART : 360
IP (Internet Protocol) : 1, 19, 35, 36, KOWEÏT : 368
118
- adresses : 70, 72, 85, 96, 190, 230 à 31,
330 à 31, 332 à 35, 348, 374 à 76, 483, L
485 à 86
- IPv6 : 73, 118 LABEL : 109, 110, 130, 208 à 11, 243
IPETS : v. intellectual property à 44, 263 à 64, 265, 335 à 36, 345 à
enhancing technologies 46, 353 à 56, 357, 433, 435, 540,
568
IRAK : 368
- définition : 209, 353 à 54
IRIS (Imaginons un réseau Internet - retrait par institution d’ODR : 243 à
solidaire) : 159 44, 247, 345 à 46, 356, 499, 502, 570
IRRELEVANCE (Santi Romano) : 450 à LAISSER-FAIRE : 101
56 LAMBDAMOO : 171
ISOC (Internet Society) : 100 LANGAGE
- et communications électroniques : 266
J LAW AND ECONOMICS : 343 à 45 v.
aussi accès à la justice (analyse
JEUX OLYMPIQUES : 326, 329, 461 à économique du droit)
62, 501 LÉGALISATION : 271 à 85
JUDICIARISATION : 277 LÉGALITÉ
JUGE - comme condition de validité : 308
- comme point focal de la production du - définition : 379 à 89, 379 à 80
droit : 155 à 56 - et effectivité : 384 à 85
- comme régulateur privilégié : 174, 349 - et éthique : 386 à 89
JURISDICTIO : 350 - et légitimité : 386 à 89, 509
- rôle du contrôle de – : 384 à 85, 390

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652 INDEX THÉMATIQUE

LEGES ELECTRONICAE : 231 - comme système juridique : 476 à 80


- comme vecteur heuristique : 480
LÉGISTIQUE : 313, 345, 560
- compétence d’exécution : 479 à 80
LÉGITIMITÉ : v. aussi effectivité - compétence juridictionnelle : 479
(symbolique) - compétence législative : 479
- buts : 508, 511 à 12 - entité sociale : 477 à 78
- comme condition de validité : 308, 505 - raison d’être : 472 à 73
à 6, 510 - secondarité : 478 à 79
- comme devoir moral inconditionnel :
511 LEX MEDIATICA : 459
- définition : 509 à 12 LEX MERCATORIA : 94, 465 à 70
- démocratique : 547 - comme système juridique : 466 à 70
et autorégulation : 119 à 23 - compétence législative : 469 à 70
et droit non étatique : 506 à 8 - histoire : 465 à 66
et extraterritorialité : 68, 100, 113 - leges mercatoriae : 467 à 68
- des normes primaires : 511 - secondarité : 469 à 70
- des normes secondaires : 511 - societas mercatorum : 467 à 68
- et capacité à dicter des ordres : 510
LEX PETROLAE : 459
- et contrôle par la technique : 240 à 42
- et effectivité : 509 à 11 LEX SHOPPING : 96 à 97, 157, 163, 168
- et efficacité pratique : 509 à 11 à 69, 463, 518, 519, 527 à 36 v.
- et efficience : 509 à 11 aussi forum shopping / évitement
- et éthique : 511 législatif
- et intérêts universalisables : 555 LEX SPORTIVA : 458 à 65
- et légalité : 386 à 89, 509 - comme appréhension de la puissance
- et valeurs méta-positives : 511 des milieux sportifs : 459 à 60
- éthique communicationnelle : v. - comme discipline juridique : 459
éthique (communicationnelle) - comme système juridique : 460 à 65
- évolution du concept : 509 à 10 - compétence d’exécution : 460
- insuffisance réflexive : 119 à 23 - compétence juridictionnelle : 460
- mécanismes de contrôle : 507 à 8, 572 - compétence législative : 460
endogènes : 548 à 66 - leges sportivae : 461 à 62
exogènes : 536 à 48
LIBÉRALISME POLITIQUE : 527 à 36
- par choix de soumission : 527 à 36
- procédurale : 511, 523, 524, 535, 548 à LIBERTÉ D’EXPRESSION : 83, 85, 126
66 v. aussi Yahoo (affaire –) /
- substantielle : 511, 523, 524, 536 à 48 Mitterrand (affaire –)
LENTEUR - limitée par l’ensemble des législations
du monde : 72
- devant être instituée par le droit : 59
LIENS HYPERTEXTE : v. hypertexte
LÉVIATHAN : 38
LISTE NOIRE : 126, 324, 357 à 58,
LEX BIOETHICA : 459
499, 502, 570
LEX BURSARUM : 459
LOCALISATION
LEX ELECTRONICA : 24, 231, 472 à 81 - des acteurs : 24, 68, 70, 88, 239, 252
v. aussi cyberespace (droit du –) - des actions : 24, 68, 239
- acceptions de la notion : 473 à 75
LOGICIEL : 20, 30, 268
- acteurs de sa formation : 475 à 76
- open source : 259
- comme discipline juridique : 480, 514

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INDEX THÉMATIQUE 653

LOGIQUE FORMELLE : v. positivisme MODERNITÉ : v. réglementation /


juridique temps / territorialité
LOI D’APPLICATION IMMÉDIATE : 409 - définition : 80
à 11 MONDIALISATION : 32 à 33, 525
LOI DE LA NATURE : 30, 38, 43, 123 à - du droit : 232 à 35, 456 à 57, 519 à 20
24, 158 à 59, 346 à 49 MONEY CLAIM ONLINE PILOT : 192
LOI DE POLICE : 409 à 11 MORALITÉ EXTERNE DU DROIT
LOI DU PÈRE (Lacan) : 553 (Fuller) : 511
MORALITÉ INTERNE DU DROIT
(Fuller) : 511
M - et légalité : 386 à 89
MORCELLEMENT (du cyberespace) : v.
MAFIA : 506, 510
filtrage / cyberespace
MAIL : v. courrier électronique
MOT DE PASSE : 230, 348, 362, 490,
MAJORITÉ 493
- tyrannie de la – : 88, 99, 115 à 16, 121
MOUVEMENT TECHNORÉALISTE :
MANICHÉISME : 90, 98, 99 124
MAPS (Mail Abuse Prevention MULTINATIONALES : 77
System) : 126, 240 à 42, 330 à 32
MULTIRÉGULATION : 162 à 64
MARCHÉ
- de la loi : 168 à 69, 317 à 27, 450 à 56,
518 à 20, 527 à 36 v. aussi lex shopping N
- et démocratie : 344
- et prix : 50, 342 NAMING AND SHAMING : 342, 357
- instrumentalisé par le droit : 342 à 46
NATION
MARCHÉ ARTIFICIEL : 345 - et autorégulation : 104, 105
MATÉRIEL INFORMATIQUE : 20, 30, NATIONAL SCIENCE FOUNDATION :
268 201
MÉDIATION NATURE : v. lois de la –
- en ligne : 185 à 86, 192, 193 NAZISME : 138 v. Yahoo (affaire –) /
- et production du droit : 300
OIM (Organisation internationale
- phase de recommandation : 431
des migrations)
MEMORANDA OF UNDERSTANDING : - validité du droit du régime nazi : 510
108 NÉGOCIATION
MESSAGERIE INSTANTANÉE : 269, - assistance à la – : 431
426 - en ligne
MINI-TRIAL : 431 assistée par ordinateur : 184 à 85
automatisée : 184
MISE EN ŒUVRE : v. effectivité
- et production du droit : 300
MITTERRAND (affaire –) : 78 à 80, 81
NETÉCONOMIE : 101
MOBIL OIL : 219
NEW YORK TIMES : 220
MODERNISME : 275 à 77
NOMOSCEPTICISME : 97

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654 INDEX THÉMATIQUE

NOMS DE DOMAINE : 36, 126, 188 à - comme service client : 222 à 23, 569
91, 332 à 35, 374 à 76, 434, 435, - contrôle des – : 293 à 94, 536 à 48, 572
481 à 90, 536, 569 v. aussi ICANN - coûts : 257 à 61, 410 à 14, 570
/ UDRP / système de nommage - et État : 260, 521 à 24, 536 à 48, 572
- et homogénéisation du droit : 293 à 95,
NON-RÉPUDIATION (propriété
545 v. aussi sécurité juridique /
informatique) : 202 à 4 confiance
NORME(S) : v. aussi pyramide - évolution possible : 249, 271 à 95
- application : v. positivisme juridique - financement : 259 à 61, 262 à 65
- darwinisme des – : 530 - instance de recours : 293 à 94, 544 à
- généralité des – : 40, 118, 133 48, 572 v. aussi recours (contre le
- individuelle et concrète : 155, 174, résultat d’une procédure d’ODR)
300, 313, 352, 391, 513, 514, 515, 516, leave to appeal : 546
535, 550, 563 writ of certiorari : 546
- primaires (Hart) : 307, 511 - labellisation des institutions d’– : 265,
- remise en chantier permanent : v. 540
temps (de l’élaboration normative) - nombre de litiges résolus : 2, 179
- secondaires (Hart) : 307, 379 à 80, - procédure : 265, 271 à 95, 537 à 39
391, 447 à 48, 511 agent électronique : 206
- sociales : v. contrainte (sociale) communication : v. courrier
- sociales et – juridiques : 338 à 42, 360 électronique / forum de
discussion / vidéoconférence /
téléconférence / arbitrage
O (procédure) / téléphone / fax
initiatives de régulation : 286 à 87
OBLIGATORIÉTÉ : 307, 313 à 15 matérialisation : 205 à 7
principes fondamentaux : 286 à 87,
OBSTACLE ÉPISTÉMOLOGIQUE : v.
545
positivisme juridique
processualisation : 271 à 95, 551
- définition : 91
- propriétés informatiques requises : 266
OC TRUST SEAL : 433 à 69
OCDE (Organisation de coopération - raisons d’être : 4 à 5, 6, 232 à 50, 251 à
et de développement 61, 570
économiques) : 137, 195, 286 - régulation : v. procédure / architecture
de contrôle / accréditation / centre de
OCÉANO (affaire –) : 412 traitement / recours / régulation
ODR (online dispute resolution) : v. - rentabilité : 259 à 61
aussi négociation / médiation / - typologie : 181 à 93
arbitrage / cybertribunaux ŒUVRES
- accréditation : 541, 543, 572 - (non) originales : 54 à 55
certification : 540 - relevant du domaine public : 54 à 55
évaluation : 540 OIM (Organisation internationale des
guide : 539 à 40 migrations) : 368
registre : 539
- centre de traitement des affaires : 293 à OM/VALENCIENNES (affaire –) : 462
94, 541 à 44, 572 OMBRE DU DROIT : 227 à 28, 238
- comme accès à la justice : 5, 6, 246 à OMC (Organisation mondiale du
47, 251 à 61, 326 à 27, 410 à 14, 568,
commerce) : 84, 137
570

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INDEX THÉMATIQUE 655

OMPI (Organisation mondiale de la PHONE HOME (ECMS) : 53


propriété intellectuelle) : 137, 189, PICS (Platform for Internet Content
191 Selection) : 46, 109, 122, 124
ONG (organisation non PLACE DE MARCHÉ : 196, 322, 340,
gouvernementale) : 84 359, 369, 490 à 504
ONLINE RESOLUTION : 435 - comme juridiction d’ODR : 223, 490 à
ONLINECONFIDENCE : 433 504, 500, 516 à 18
- comme système juridique : 490 à 504,
OPÉRATEUR DE REGISTRE (registrar) : 516 à 18, 571
190, 332 à 35, 374 à 76, 483, 485 à autonomie organique : 494, 501 à 2
86, 489 autonomie organisationnelle : 494,
ORDONNANCEMENT(S) 502
JURIDIQUE(S) : v. aussi ordre(s) autonomie sociale : 492 à 94
juridique(s) / système(s) compétence d’exécution : 502 à 3
juridique(s) compétence juridictionnelle : 500 à
- distinction avec ordre et système 502
juridiques : 310, 439 à 40 compétence législative : 494 à 500
entité sociale : 492 à 94
ORDRE PUBLIC : 72, 291, 545, 570
- définition : 360 à 61
ORDRE(S) JURIDIQUE(S) : v. aussi - et frontières : 493, 503
ordonnancement(s) juridique(s) / - et sécurité juridique : 503
système(s) juridique(s) - exclusion : 130, 360 à 63, 499, 502,
- distinction avec ordonnancement et 518, 570
système juridiques : 310, 439 à 40
PLURALISME JURIDIQUE : 8, 42, 148,
ORGANISATION INTERNATIONALE 279, 321 à 25, 381, 388 à 89, 442 à
DES CONSOMMATEURS : 196, 287, 56, 457 v. aussi système(s)
500 juridique(s)
POLLUTION (bons de –) : 344, 345
P PORNOGRAPHIE : 74, 85, 136, 341
POSITIVISME JURIDIQUE : 89 à 90,
P3P (Platform for Privacy 317, 441 à 42
Preferences) : 47, 109, 122, 131 - comme obstacle épistémologique : 4, 7,
PAIEMENT 37, 79, 87, 89 à 102
- par le consommateur : 49, 366 - définition : 91 à 92
- et contrainte : 318 à 22
PARADIGME : 91 v. aussi
- Weltanschauung du – : 91, 509, 572
épistémologie
- changement de – : 101 à 2 POSTMODERNISME : 213, 277 à 79
- contractuel : 106, 107 POUVOIR
- de régulation : 88 - définition : 164
- définition : 29 POUVOIR D’APPRÉCIATION : v.
PARTENARIAT PUBLIC / PRIVÉ : v. co- intérêts (pesée)
régulation PRATIQUES COMMERCIALES : 515
PARTICULARISME (en droit) : 223 à 24 PRATIQUES CONTRACTUELLES : 107 à
PETS : v. privacy enhancing 8
technologies PRÉCÉDENT (rôle du –) : 290 à 91

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656 INDEX THÉMATIQUE

PREUVE - structure pyramidale de contrôle : 95 v.


- par électronique : 256 aussi décentralisation
PRINCIPES ET RÈGLES (Dworkin) :
556 à 57 R
PRISE DE PAROLE (Hirschman) : 527 à
36 RACISME : v. Yahoo (affaire –)
PRIVACY ENHANCING TECHNOLOGIES : RAPPORTS DE FORCE : v. régulation /
46 à 47 v. aussi vie privée / données flux de pouvoir / hiérarchies /
personnelles contrainte (surtout ordres de –)
PRIVATISATION (de la justice) : 224 à RÉALISME (américain) : 155 à 56
25 - théorie prédictive du – : 155
PRIX RECOURS (contre le résultat d’une
- dans le commerce électronique : 50 procédure d’ODR) : 191, 265, 334,
- et marché : 50 375, 486, 521, 522, 523, 544 à 48,
- et profit marginal : 50, 97 570 à 71, 572
PROCÉDURE DE CONSULTATION RECRÉDIT : v. carte de crédit
- d’acteurs privés : 143 REFACTURATION : v. carte de crédit
- de l’État : 145
RÉFLEXION : v. consommateurs
PROCESSUALISATION : 271 à 95, 551
RÉFLEXIVITÉ SOCIALE : v.
PRODUCTION DU DROIT : v. droit / insuffisance réflexive / légitimité /
pyramide / régulation démocratie
PROFESSIO IURIS : 453 à 54 REGISTRAR : v. opérateur de registre
PROFIL D’UTILISATEUR : 44, 126 v. REGISTRE DU COMMERCE : 362
aussi cookies
RÈGLE DE COMPÉTENCE
PROPRIÉTÉ : 88 PROTECTRICE
PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE : v. - applicabilité à l’arbitrage : 409
droit d’auteur / noms de domaine / - application à l’arbitrage en ligne : 409 à
ICANN / copie numérique / biens 11
informationnels - définition : 408 à 9
PUBLICATION - et loi d’application immédiate : 409 à
11
- des comportements : 341 à 42, 357 à
58, 359 RÈGLEMENT EN LIGNE DES
- des résultats de procédures d’ODR : DIFFÉRENDS : v. ODR
265, 288 à 93 RÉGLEMENTATION (modèle de la –) :
PUBLICITÉ (sur Internet) : 71, 354 89 à 102, 153 à 54
PUISSANCE D’ÉTAT : v. souveraineté - définition : 13 à 14, 153 à 54
- forme adoucie : 143 à 44
PURPOSEFUL AVAILMENT : v. for
- rejet parce qu’impraticable : 95 à 99
PYRAMIDE - rejet parce qu’indésirable : 99 à 101
- des normes : 37, 146, 148, 153 à 54, - rupture avec le – : 101 à 2
317
RÈGLES DE RECONNAISSANCE
- production pyramidale du droit : 14,
37, 146, 148, 153 à 54 v.
(Hart) : v. normes (secondaires)
réglementation / co-régulation RÈGLES DU JEU : 169

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INDEX THÉMATIQUE 657

RÈGLES ET PRINCIPES (Dworkin) : - participation à la – : 86


556 à 57 - pouvoir régulateur
définition : 8
RÉGULATION
- rapports de force : 148 à 50
- absence de – : 94 à 102
- spontanée : 104
- acteurs : 149, 171 à 72
définition : 6 REJUDICIARISATION : 232 à 50
hiérarchies entre les – : v. hiérarchies RELATIVITÉ
imprévisibilité de leurs identités : - de tout système juridique : 381 à 84,
149, 162, 163 à 64 391, 434, 464, 514, 517
nouveaux – : 38, 42, 43, 56, 61, 78,
RELEVANCE (Santi Romano) : 450 à
83 à 84
56
pluralité : 162 à 64, 162, 170 à 74
rapports de force : 167 à 69 REMATÉRIALISATION : 201 à 11
souveraineté : v. souveraineté REPRÉSENTATION
- contractuelle : 105 à 8 - des intérêts : 122, 133, 139, 147, 550 v.
- course à la – : 38, 40, 60 à 61, 234, aussi insuffisance réflexive
240, 568
RÉPUTATION : 217, 289, 341 à 42,
- définition : 13
357 à 63, 499, 536 v. aussi système
- efficience : 111
de – / contrainte (sociale)
- et coût d’un comportement : 99
- et transparence : 116 à 18 REROUTAGE ANONYME : v.
- externalités : 111, 518 à 20, 529 à 30, anonymisation
532 à 33, 534 RÉSEAU
- free riders de la – : 118 - collaboration en – d’autorités
- imprévisibilité du mode de – : 162, 163 publiques : 82, 86, 168 à 69
à 64, 172 à 73 - concept du – : 170
- modèles de – : v. réglementation / - modèle du – : 170 à 74, 568
autorégulation / co-régulation / - ouvert et – fermé : 361 à 62
multirégulation / réseau
dynamiques et statiques : 15 à 16
RÉSEAU EJE (réseau extrajudiciaire
schématisation : 15
européen) : 542 à 44, 548
- par défection : 527 à 36, 527 à 36 RESOCIALISATION : 211 à 31
et darwinisme des normes : 527 à 36 RÉSOLUTION DES LITIGES
- par la technique : 123 à 33, 158 à 59, - en ligne : v. ODR
346 à 49 v. aussi technique - évolution : 271 à 85
avantages et désavantages : 123 à 33
définition : 127 à 29
RESPONSABILITÉ
et autorégulation : 129 - de l’utilisateur et autorégulation : 105,
106 à 7
et co-régulation : 133
évolution possible : 129 RESSOURCES
gradualité : 128 - contrôle des – : 42, 327 à 36, 352, 356,
- par ODR 359, 362, 365, 373, 374, 375, 488, 489,
et places de marché : 516 à 18, 571 à 493
72 - information comme – : 42
globale : 514 à 16, 571 à 72 - instituant de nouveaux acteurs : v.
locale/globale : 518 à 20, 571 à 72 régulation (acteurs)
- par places de marché : 490 à 504, 516 à RETERRITORIALISATION : 230 à 31
20 RETS : v. rights enhancing technologies
- par traités internationaux : 76, 242

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658 INDEX THÉMATIQUE

REVERSE ENGINEERING : 124 - par homogénéisation des normes


applicables : 294 à 95
RIGHTS ENHANCING TECHNOLOGIES :
- par intervention des États dans le droit
46 à 47 du cyberespace : 101
RISQUE - par labels : 244
- perception du – : 199, 216 - par processualisation : 282, 285 à 95
- par publication des résultats des
procédures ODR : 290 à 91
S - par une convention international sur le
droit du cyberespace : 473
SAISINE (des tribunaux) : v. accès à la SENTENCE ARBITRALE
justice - authentification : 421 à 23
SATELLITES : 33, 56 - certification : 421 à 23
SCANNER : 79 - d’accord : 418 à 19, 437
- exequatur : 207, 420 à 28, 451, 570
SECONDARITÉ : 447 à 48, 498
originaux ou copies de la convention
SÉCURITÉ INFORMATIQUE : 201, 202 et de la sentence : 420 à 23
à 4, 354 sentence annulée : 424
- et confiance : 109, 201 à 3, 355 - forme écrite : 427 à 28
- et sécurité juridique : 206 - forme électronique : 420 à 23, 427 à 28
SÉCURITÉ JURIDIQUE - motivation : 427
- comme besoin originel : 233 à 35 - recours : 424 à 28
- comme prérequis de la confiance en - rejet : v. arbitrage (à deux degrés)
affaires : 234 - signature : 427 à 28
- et autorégulation : 118 à 19 SIGNATURE
- et communications électroniques : 397 - ad probationem : 59
à 99, 397 à 98 - ritualisme / symbolique : 58
- et confiance dans le commerce
électronique : 244
SIGNATURE DIGITALE : 428
- et exécution ex ante par la technique : SIGNATURE ÉLECTRONIQUE : 46,
130 135, 203, 206, 209, 399, 427
- et exigence de la forme écrite : 396 SIMPLICITÉ (propriété informatique) :
- et extraterritorialité : 113 267 à 68
- et production du droit par les ODR :
290, 295 SITES WEB : v. accès aux sites web
- et régulation par places de marché : SMALL CLAIMS COURT : v. cour des
503 petites créances
- et sécurité informatique : 206 SOCIABILITÉ DE L’ENVIRONNEMENT
- et temporalité de l’élaboration ÉLECTRONIQUE : v. communauté
normative : 37
numérique / cyberespace
- et ubiquité : 240 à 44
- lex electronica comme évitement des SOCIÉTÉ CIVILE : 322, 442 à 43
conflits de lois : 472 SOCIÉTÉ CIVILE MONDIALE : 84, 163,
- lex mercatoria comme évitement des 233
conflits de lois : 465
SOCIÉTÉ DE L’INFORMATION : 42,
- par garanties procédurales : 282, 285 à
95 102, 114, 525 à 26, 534
- par harmonisation des décisions par la SOCIÉTÉS MODERNES : 273 à 85
présence de voies de recours : 545

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INDEX THÉMATIQUE 659

SOCIÉTÉS TRIBALES : 273 à 85 STANDARD ADMINISTRATIF : 108


SOCIOLOGIE DU DROIT : 89 STANDARD TECHNIQUE : 108, 117 à
SOCIOLOGIE URBAINE : 213 18, 121, 124
SOFTWARE : v. logiciel STIMULATION SENSORIELLE : v.
incitation
SOUVERAINETÉ
- acceptions de la notion : 66 STRATES JURIDIQUES : 466
- au sens de Herrschaft : 160 SUBSIDIARITÉ (principe de –) : 143
- chevauchement de – : v. - autorégulation et libéralisme politique
extraterritorialité radical : 103, 527 à 28
- de l’utilisateur : 88 v. autorégulation SUBVENTION : 345
- des acteurs de la production du droit :
153 à 62, 170 à 74 SUFFRAGE UNIVERSEL : 120, 139
- des producteurs de technologies : 127 à SUPPORT DURABLE : 398
29, 135, 175 v. régulation (par la SURINFLATION (juridique) : 278
technique)
- des utilisateurs : 135 SURJURIDICISATION : 277
- du réseau : 127 à 29 v. régulation (par SYSTÈME D’INFORMATION
la technique) STATISTIQUE : 292 à 93
- informationnelle : 82
SYSTÈME DE COMMUNICATION
- internationale
- organisation en strates : 20
définition : 66 à 67
et extraterritorialité : 67 SYSTÈME DE CONFIANCE (ECMS) :
- puissance d’État : v. aussi contrainte 54
(étatique) SYSTÈME DE CONFIANCE (hors
affaiblissement dans le cyberespace : ECMS) : v. confiance
81 à 86, 325 à 27
SYSTÈME DE NOMMAGE : 36 v.
définition : 77, 80 à 81
ICANN / UDRP / noms de
SPAMMING : 45, 107, 126, 135, 240 à domaine
42, 330 à 32
- définition : 240
SYSTÈME DE RÉPUTATION : 220, 358
à 60, 495, 499, 502, 570
SPIDERS : v. agents indexeurs
SYSTÈME DE TRANSACTION : 208 à 9
SPONTANÉISME : 104
SYSTÈME(S) JURIDIQUE(S) : v. aussi
SPORT : 169, 324, 326, 329, 453, 458 ordonnancement juridique / ordre
à 65 juridique
- luttes de pouvoir : 462 à 63 - appartenance d’une norme à un – :
SPORTSZONE/ESPN : 219 307, 308, 379 à 89 v. aussi normes
(secondaires)
SQUARETRADE : 185, 186, 188, 246,
- concurrence des – : 317 à 27, 450 à 56,
263, 264, 354, 355, 359, 496, 503, 518 à 20, 527 à 36
569 - darwinisme des – : 530
SSL (Secure Sockets Layer) : 203 - définition : 438 à 50
STAATSGEBIET : v. territorialité - distinction avec ordonnancement et
ordre juridiques : 310, 439 à 40
STAATSGEWALT : v. souveraineté - et appareil de coercition : 350 à 51
(puissance d’État)
STAATSVOLK : 441 v. aussi souveraineté

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660 INDEX THÉMATIQUE

- fermeture : 450 à 56, 463, 489, 502 à 3, TÉLÉCHARGEMENT (de pages web) :
514, 516 à 18, 547, 570 à 71 v. aussi v. for
internormativité (obstacle à l’–)
- hiérarchie entre les – : 169, 381 à 84,
TÉLÉCONFÉRENCE : 186, 426
450 à 56 v. aussi relativité TÉLÉPHONE : 187
- hors l’État TEMPS
ICANN-UDRP (noms de - accélération du – : 34, 549
domaine) : 481 à 90, 517 à 18
commercial : 56, 57 à 59
leges mercatoriae : 465 à 70
de l’élaboration normative : 56, 59 à
leges sportivae : 458 à 65 61
lex electronica : 472 à 81 social : 56
places de marché : 490 à 504, 516 à - des facteurs : 57
18, 571 - et consommateurs : 38, 49, 57 à 59
- ordre juridique international : 63 à 64 - et États : 38, 100, 111, 135, 147 v.
- ouverture : 450 à 56 aussi régulation (course à la –)
- qualité graduelle : 440, 444 à 46, 469, - maître de la vitesse : 60 v. aussi
471, 474, 498 régulation (course à la –)
- temporalité du cyberespace : 31 à 32,
38, 56 à 61, 85, 100, 111
T
- temporalité du droit moderne : 34, 37

TABAGISME : 339 à 40, 345 TERRITORIALITÉ


- assise territoriale de l’État : 3, 38, 62 à
TACD (Transatlantic Consumer 65, 80 à 81, 234, 235 à 40, 320, 325 à
Dialogue) : 287 27, 452 à 53
TARGETING : v. for - et autorégulation : 112 à 15
- et course à la régulation : 60, 234, 240,
TAS (Tribunal arbitral du sport) : 461
568
à 62 - et cyberespace : 62 à 65, 81 à 83, 112 à
TATOUAGE NUMÉRIQUE : v. filigrane 15, 235 à 40
numérique - et dématérialisation : 3
TAXE D’ORIENTATION : 345 - et droit étatique : 34, 62 à 65, 80 à 81,
112 à 15, 235 à 40
TCP/IP (Transmission Control - et Internet : 3
Protocol / Internet Protocol) : v. IP - et sociabilité : 213 à 14
TECHNIQUE - et ubiquité : 3, 60, 113, 567
- capacité régulatrice de la – : 38, 39, 43, - et Weltanschauung de la modernité : 3,
47, 68, 109, 123 à 26, 132, 346 à 49 v. 81
aussi régulation (par la technique) - principe de – : 62 à 65
- comme paradigme de gouvernance : définition : 63
125 et souveraineté : 62, 80, 456 à 57
- instrumentalisation de la – : 124, 346 à
TERRORISTES : 452
49 v. aussi contrainte (technologique)
- non-neutralité de la – : 124 TESCO : 360
- souveraineté des producteurs de – : v. THÉORIES
souveraineté - critères d’évaluation : 89
TECHNIQUE LÉGISLATIVE : 144 TING c. AT&T (affaire –) : 414
TECHNORÉALISME : 124
TÉLÉ-ACHAT : 57

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INDEX THÉMATIQUE 661

TRAITÉS INTERNATIONAUX : v. - UDRP-DB : 292


régulation (par traités UEFA (Union des associations
internationaux) européennes de football) : 462
TRANSACTION (judiciaire / UNCC (United Nations
extrajudiciaire) : v. accord issu Compensation Commission) : 368
d’une médiation
UNIDROIT : 467
TRANSNATIONALITÉ : 27, 525 à 26
UNION EUROPÉENNE : 137, 145, 195,
TRANSPARENCE 196, 255, 547 v. aussi ECODIR /
- dans les procédures d’ODR : 265 Réseau EJE
- dans les processus de régulation : 116 à
18
UNITÉ COLLECTIVE RÉELLE : 443
TRIBUNAUX : 191 à 93, 253 à 57, 273 USAGES : 105, 107 à 8, 242, 515 v.
à 85 aussi autorégulation / lex electronica
TRUSTED SHOPS : 373 USENET : 18
TRUSTED SYSTEMS : v. système de USER EMPOWERMENT : 47, 531
confiance UTILISATEUR
TRUSTMARK : v. labels - comme point focal de la production du
droit : 157 à 58
TYRANNIE
- de la majorité : 88, 99 à 100, 115 à 16,
121 V

VALEUR LITIGIEUSE
U
- et accès à la justice : 49, 253 à 57
- et consommateurs : 49, 253 à 57
UBIQUITÉ : 3, 32, 33 à 34, 213, 247,
567 v. Internet / territorialité / VALEURS
- différends de – : 276
dématérialisation
- et capacité régulatrice : 60 VALIDITÉ
- et capacité régulatrice des États : 34, - axiologique : v. légitimité
78, 81, 325 à 27 - d’une norme et – de l’ordre juridique et
- et contrats à distance : 236 à 38 – d’un mode de régulation : 309
- et localisation : 68 - définition : 238, 305 à 10
- et sécurité juridique : 240 à 44 - empirique : v. effectivité
- et temporalité : 60 - et droit étatique : 308
UDRP (Uniform Domain Name - formelle : v. système(s) juridique(s) /
légalité
Dispute Resolution Policy) : 188 à
définition : 379 à 89
91, 265, 332 à 35, 374 à 76, 435,
513, 522 à 23, 536, 546 à 47, 569 VENTE AUX ENCHÈRES : v. aussi eBay
- comme ordre juridique : 6, 481 à 90, - et délai de réflexion : 58
517 à 18, 571 VERISIGN : 333
compétence d’exécution : 485 à 86
VÉRITÉ
compétence juridictionnelle : 483 à
- concernant le droit : 4, 89
84, 486 à 88
- du droit : 4, 89
compétence législative : 484 à 85
- procédure : 189 à 90, 483 à 86 VERRECHTLICHUNG (Habermas) : 277
- qualification juridique : 190 à 91

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662 INDEX THÉMATIQUE

VIDE JURIDIQUE : 79, 93 WESTPHALIE (traité de –) : v.


VIDÉOCONFÉRENCE : 186, 187, 193, souveraineté / territorialité
205, 269, 426 WORLD WIDE WEB : 19
VIE PRIVÉE : 43 à 47, 79, 126, 130, WORLDWIDE RETAIL EXCHANGE :
135, 354 360
- et consommateurs : 48
VILLAGE GLOBAL : 33 X
VISA (carte de crédit) : 373
VISITE DE SITES WEB XML (Extensible Markup
- constitutive d’un contrat : 106 Language) : 206
VITESSE : v. temps
VOTE ÉLECTRONIQUE : 135 Y

YAHOO (affaire –) : 69 à 77, 230 à 31,


W
349, 534
W3C (World Wide Web
Consortium) : 46, 122, 124 Z
WEBRING : 361
WEBSEALS : v. labels ZONAGE : v. filtrage

WEBTRADER : 244 ZONES (de clarté et de pénombre –


Hart) : 156 à 57, 173

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TABLE DES MATIÈRES

PAGES

SOMMAIRE ..................................................................................................................... VII

LISTE DES ABRÉVIATIONS .........................................................................................IX

PRÉFACE ........................................................................................................................ XIX

AVANT-PROPOS........................................................................................................... XXI

INTRODUCTION GÉNÉRALE ....................................................................................... 1

PREMIÈRE PARTIE
THÉORIE GÉNÉRALE DE LA RÉGULATION DU
CYBERESPACE

INTRODUCTION ............................................................................................................. 13

CHAPITRE I. — LE CYBERESPACE, UN ENVIRONNEMENT TECHNIQUE DE


NORMATIVITÉ .............................................................................................................. 17

SECTION I. — La notion de cyberespace ....................................................................... 18


Sous-section I. — Internet : un bref historique........................................................... 18
Sous-section II. — Internet ou cyberespace ? ............................................................. 20
SECTION II. — La pertinence juridique du concept de cyberespace.............................. 22
Sous-section I. — Le cyberespace comme espace géographiquement distinct ............ 23
Sous-section II. — Le cyberespace comme métaphore non pertinente
juridiquement ........................................................................................................ 25
A. — Flou de la notion ............................................................................................... 25
B. — Équation d’Internet et du cyberespace ................................................................. 26
C. — Absence de spécificités des activités véhiculées par les réseaux................................. 26
Sous-section III. — Le cyberespace comme environnement particulier ..................... 27
SECTION III. — Caractéristiques inhérentes au cyberespace......................................... 30

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664 TABLE DES MATIÈRES

PAGES
Sous-section I. — Ubiquité : dématérialisation, détemporalisation,
déterritorialisation ................................................................................................. 31
Sous-section II. — Décentralisation ........................................................................... 34

CHAPITRE II. — LE DROIT DANS LE CYBERESPACE : PERTURBATIONS


ANNONCÉES ................................................................................................................. 37

SECTION I. — Acteurs et équilibres............................................................................... 39


Sous-section I. — Accès aux réseaux .......................................................................... 40
Sous-section II. — Protection de la vie privée ............................................................ 43
Sous-section III. — Affaiblissement des consommateurs ........................................... 47
Sous-section IV. — Protection des détenteurs de biens informationnels.................... 50
SECTION II. — Le temps............................................................................................... 56
Sous-section I. — Accélération du temps transactionnel............................................ 57
Sous-section II. — Temps de la production normative juridique ............................... 59
SECTION III. — L’espace............................................................................................... 61
Sous-section I. — Considérations générales sur le principe de territorialité et le
cyberespace............................................................................................................ 62
Sous-section II. — Extraterritorialité ......................................................................... 65
A. — Souveraineté internationale et extraterritorialité ................................................ 66
B. — L’affaire Yahoo ................................................................................................. 69
Sous-section III. — Affaiblissement de la puissance d’État........................................ 77
A. — L’affaire Mitterrand ......................................................................................... 78
B. — Caractéristiques contemporaines du cyberespace affaiblissant la puissance d’État.... 80

CHAPITRE III. — LES TROIS PRINCIPAUX MODÈLES DE RÉGULATION DU


CYBERESPACE .............................................................................................................. 87

SECTION I. — Résistance du paradigme de la réglementation...................................... 89


Sous-section I. — Le positivisme comme obstacle épistémologique........................... 90
Sous-section II. — Durcissement du modèle de la réglementation ............................ 92
Sous-section III. — Rejet du modèle de la réglementation ........................................ 94
A. — Approche descriptive de la non-réglementation.................................................... 95
B. — Approche normative de la non-réglementation .................................................... 99
C. — Vers une rupture avec le paradigme de la réglementation ................................... 101
SECTION II. — Premier modèle : l’autorégulation ...................................................... 102
Sous-section I. — Précisions terminologiques et aspects de l’autorégulation dans le
cyberespace.......................................................................................................... 103

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TABLE DES MATIÈRES 665
PAGES
A. — Le concept d’autorégulation .............................................................................. 103
B. — Sources de l’autorégulation ............................................................................... 105
C. — Instruments d’autorégulation et mise en œuvre des normes produites ................... 108
Sous-section II. — L’autorégulation comme doctrine .............................................. 110
A. — Arguments contingents .................................................................................... 111
B. — Arguments fondés sur la nécessaire indadéquation de la territorialité de l’État ..... 112
Sous-section III. — Déficiences du modèle de l’autorégulation................................ 115
A. — Déficiences mineures ........................................................................................ 116
B. — Insuffisance réflexive ....................................................................................... 119
SECTION III. — Deuxième modèle : la régulation par la technique ............................ 123
Sous-section I. — La normativité de la technique .................................................... 123
Sous-section II. — Le modèle de la régulation et la souveraineté du réseau ............. 127
Sous-section III. — Évaluation de la régulation par la technique ............................. 130
SECTION IV. — Troisième modèle : la co-régulation.................................................. 134
Sous-section I. — Ne pas enterrer le droit étatique .................................................. 135
A. — La permanence de l’activité réglementaire......................................................... 135
B. — La nécessité de l’activité réglementaire .............................................................. 137
Sous-section II. — Le modèle de la co-régulation.................................................... 139
A. — Traits généraux............................................................................................... 140
B. — Les formes de la co-régulation........................................................................... 142
C. — Raison d’être et limites du modèle de la co-régulation......................................... 147

CHAPITRE IV. — LE RÉSEAU : UN MÉTA-MODÈLE DE RÉGULATION ..................... 151


SECTION I. — Linéarité des hiérarchies ...................................................................... 153
Sous-section I. — La réglementation........................................................................ 153
Sous-section II. — Le réalisme américain................................................................. 155
Sous-section III. — Les zones de clarté et les zones de pénombre de Hart .............. 156
Sous-section IV. — Autorégulation.......................................................................... 157
Sous-section V. — Régulation par la technique........................................................ 158
Sous-section VI. — Co-régulation ........................................................................... 159
SECTION II. — Aucun acteur n’est souverain.............................................................. 160
SECTION III. — Vers la multirégulation ? ................................................................... 162
SECTION IV. — Enchevêtrement des hiérarchies : illustration générale ..................... 164
SECTION V. — Le modèle du réseau ........................................................................... 170

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666 TABLE DES MATIÈRES

PAGES

DEUXIÈME PARTIE
LE MOUVEMENT ONLINE DISPUTE RESOLUTION (ODR)

INTRODUCTION ........................................................................................................... 179

CHAPITRE V. — LES MODES DE LA RÉSOLUTION DES LITIGES EN LIGNE ............. 181


SECTION I. — La négociation en ligne........................................................................ 183
Sous-section I. — La négociation automatisée ......................................................... 184
Sous-section II. — La négociation en ligne assistée par ordinateur .......................... 184
SECTION II. — La médiation en ligne......................................................................... 185
SECTION III. — L’arbitrage en ligne ........................................................................... 186
SECTION IV. — La procédure UDRP de l’ICANN.................................................... 188
SECTION V. — Procédures judiciaires en ligne et cybertribunaux............................... 191

CHAPITRE VI. — LA CONFIANCE DANS LE COMMERCE ÉLECTRONIQUE ............. 195


SECTION I. — La perte des repères.............................................................................. 198
SECTION II. — Vers une architecture de contrôle ....................................................... 201
Sous-section I. — La matérialisation des procédures de résolution des litiges en
ligne..................................................................................................................... 205
Sous-section II. — ODR, labels et confiance dans le commerce électronique.......... 208
SECTION III. — Reformer des communautés de confiance......................................... 211
Sous-section I. — Des réseaux choisis de sociabilité................................................. 212
Sous-section II. — Communautés numériques et confiance .................................... 215
Sous-section III. — La réalité des communautés numériques .................................. 218
Sous-section IV. — La présence d’un système de résolution des litiges.................... 221
Sous-section V. — L’homogénéisation des normes de référence .............................. 226
Sous-section VI. — Vers un morcellement du cyberespace ? .................................... 229
SECTION IV. — Réintroduire des repères de justice.................................................... 232
Sous-section I. — Les déficits d’un environnement global ....................................... 232
Sous-section II. — Des processus déterritorialisés d’élaboration du droit................. 235
Sous-section III. — Des codes de conduite pour la prévisibilité de la justice............ 240
Sous-section IV. — Des ODR pour l’efficacité de la justice..................................... 244

CHAPITRE VII. — LA RÉSOLUTION DES LITIGES EN LIGNE COMME ACCÈS À LA


JUSTICE ....................................................................................................................... 251

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TABLE DES MATIÈRES 667
PAGES
SECTION I. — L’inadéquation des tribunaux étatiques ............................................... 253
SECTION II. — L’adéquation de la résolution des litiges en ligne................................ 257
SECTION III. — Lieux de justice en ligne : questions pratiques choisies ....................261
Sous-section I. — Aspects financiers ........................................................................ 262
A. — Formes de financement .................................................................................... 263
B. — Garanties d’indépendance ................................................................................ 264
Sous-section II. — Aspects techniques ..................................................................... 266
A. — Simplicité ....................................................................................................... 267
B. — Adaptabilité.................................................................................................... 268

CHAPITRE VIII. — PERSPECTIVE : VERS LA PROCESSUALISATION ? ...................... 271


SECTION I. — L’informalisme en théorie, la processualisation en pratique ?.............. 273
Sous-section I. — Idéologie : du formalisme à l’informalisme, de l’imposé au
négocié ................................................................................................................ 274
A. — Le formalisme du modernisme .......................................................................... 275
B. — L’informalisme du postmodernisme................................................................... 277
Sous-section II. — Évolution en pratique : processualisation ................................... 280
Sous-section III. — Constat : le mouvement sisyphique de la résolution des litiges. 283
SECTION II. — Quelle processualisation de la résolution des litiges en ligne ? ........... 285
Sous-section I. — Publication des résultats .............................................................. 288
Sous-section II. — Mécanismes de contrôle ............................................................. 293

TROISIÈME PARTIE
LA VALIDITÉ D’UNE RÉGULATION PAR LES ODR

INTRODUCTION ........................................................................................................... 299

CHAPITRE IX. — VALIDITÉ : L’EFFICACITÉ JURIDIQUE EN TROIS TEMPS .............. 305

CHAPITRE X. — VALIDITÉ EMPIRIQUE : L’EFFECTIVITÉ D’UNE RÉGULATION ...... 311


SECTION I. — Approche systémique, a priori et orientée vers l’obligatoriété.............. 313
SECTION II. — Effectivité symbolique et instrumentale ............................................. 315
SECTION III. — Concurrence des appareils coercitifs ................................................. 317
Sous-section I. — L’appareil coercitif étatique et la contrainte physique.................. 318
Sous-section II. — Autres appareils coercitifs pouvant conférer au droit l’effectivité
requise pour sa validité ........................................................................................ 322

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668 TABLE DES MATIÈRES

PAGES
Sous-section III. — La faiblesse de l’appareil coercitif étatique dans le cyberespace. 325
SECTION IV. — Le contrôle des ressources comme véhicule de l’effectivité ............... 327
Sous-section I. — Le concept de contrôle des ressources ......................................... 328
Sous-section II. — Accès à Internet, spamming, noms de domaine et certification . 330
SECTION V. — Instruments de coercition et modalités de contrainte dans le
cyberespace ............................................................................................................. 337
Sous-section I. — Contrainte sociale........................................................................ 338
A. — Renforcement ou création de normes sociales par les normes juridiques................. 339
B. — Exposition de comportements aux normes sociales .............................................. 341
Sous-section II. — Contrainte économique.............................................................. 342
Sous-section III. — Contrainte architecturale .......................................................... 346
SECTION VI. — Mécanismes d’autoexécution et ODR .............................................. 349
Sous-section I. — Autoexécution indirecte : incitation ............................................ 353
A. — Labellisation des sites web ............................................................................... 353
B. — Listes noires .................................................................................................... 357
C. — Systèmes de gestion de la réputation.................................................................. 358
D. — Exclusion de places de marché .......................................................................... 360
E. — Astreintes ....................................................................................................... 363
Sous-section II. — Autoexécution directe : décision ou accord autoexécutoire ........ 365
A. — Compte de garantie bloqué............................................................................... 366
B. — Fonds de jugement .......................................................................................... 368
C. — Contrôle de la refacturation par cartes de crédit ................................................. 370
D. — Assurance de transactions ................................................................................ 373
E. — Autoexécution technologique ............................................................................ 374

CHAPITRE XI. — VALIDITÉ FORMELLE : LÉGALITÉ ET SYSTÈMES JURIDIQUES .... 377


SECTION I. — Validité formelle et légalité : définition................................................ 379
Sous-section I. — Légalité : conformité au droit étatique et intégration dans
celui-ci................................................................................................................. 380
A. — Légalité et relativité générale ........................................................................... 381
B. — Légalité et effectivité ....................................................................................... 384
C. — Légalité et éthique........................................................................................... 386
Sous-section II. — Validité formelle et systèmes juridiques non étatiques ............... 388
SECTION II. — Intégration de la résolution des litiges en ligne dans les ordres juridiques
étatiques.................................................................................................................. 389

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TABLE DES MATIÈRES 669
PAGES
Sous-section I. — Premier point de passage : conventions de résolution extrajudiciaire
des litiges............................................................................................................. 391
A. — Clauses de médiation ....................................................................................... 392
B. — Conventions d’arbitrage : aspects généraux ....................................................... 394
1. Forme écrite ....................................................................................................395
2. La clause arbitrale par référence ......................................................................399
C. — Clause d’arbitrage en matière de consommation................................................. 401
1. Convention d’arbitrage unilatéralement contraignant .....................................403
2. Droit applicable à la convention d’arbitrage ....................................................404
3. L’arbitrabilité des litiges de consommation .....................................................406
4. Règles de compétence protectrice....................................................................408
5. Validité des clauses compromissoires : vers le critère de l’accessibilité
économique ?...............................................................................................411
6. Formalités additionnelles ................................................................................414
Sous-section II. — Deuxième point de passage : exécution des décisions et des
accords................................................................................................................. 415
A. — Exécution des accords issus de médiations en ligne.............................................. 416
B. — Exécution des sentences arbitrales rendues en ligne............................................. 420
1. Formalités au plan de l’exequatur – art. IV al. 1 CNY ....................................420
2. Sentence annulée – art. V al. 1, lit. e CNY......................................................424
Sous-section III. — L’arbitrage non contraignant : vers une distanciation par rapport
aux droits étatiques.............................................................................................. 428
A. — Définition et formes de l’arbitrage non contraignant.......................................... 429
B. — Reconstruction de l’effectivité en dehors du droit étatique ................................... 430
1. Effectivité symbolique : vers l’arbitrage à deux niveaux ?.................................430
2. Effectivité instrumentale : mécanismes d’autoexécution..................................433
C. — L’arbitrage non contraignant au regard du droit étatique .................................. 434
1. L’arbitrage réellement non contraignant .........................................................434
2. L’arbitrage conditionnellement contraignant ..................................................436
SECTION III. — Résolution des litiges en ligne et systèmes juridiques non étatiques . 438
Sous-section I. — Autour du concept de système juridique...................................... 438
A. — Systèmes, ordres, ordonnancements : distinctions terminologiques........................ 439
B. — Critères d’identité d’un système juridique .......................................................... 440
C. — Rapports entre systèmes juridiques.................................................................... 450
Sous-section II. — Deux cas d’école : la lex sportiva et la lex mercatoria.................. 456
A. — Lex sportiva ................................................................................................... 458
B. — Lex mercatoria................................................................................................ 465

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670 TABLE DES MATIÈRES

PAGES
Sous-section III. — De la lex electronica aux systèmes juridiques de places de
marché................................................................................................................. 470
A. — La lex electronica n’est pas un système juridique ................................................ 472
B. — Un système juridique pour les noms de domaine : l’ICANN et l’UDRP............... 481
C. — Vers des systèmes juridiques construits autour de places de marché électroniques.... 490

CHAPITRE XII. — VALIDITÉ AXIOLOGIQUE : LÉGITIMITÉ D’UNE RÉGULATION PAR


LES ODR .................................................................................................................... 505

SECTION I. — Le concept de légitimité....................................................................... 509


SECTION II. — Où va la régulation par la résolution des litiges en ligne ? Questions
axiologiques ............................................................................................................ 512
Sous-section I. — Formes de régulation par la résolution des litiges en ligne .......... 513
A. — Régulation globale : les ODR comme acteurs dans le réseau de la régulation ........ 514
B. — Régulation locale : places de marché, noms de domaine ....................................... 516
C. — Effet global de la régulation locale .................................................................... 518
Sous-section II. — Défis posés en termes de légitimité ............................................ 520
A. — Acquis juridiques, affaiblissement du droit étatique et qualité de la justice
étatique ............................................................................................................ 521
B. — Société globale de l’information et justice procédurale.......................................... 525
SECTION III. — Libéralisme : la légitimité fondée sur la défection............................. 527
Sous-section I. — Libéralisme et défection .............................................................. 528
Sous-section II. — Application au cyberespace et au commerce électronique .......... 530
Sous-section III. — Critiques................................................................................... 533
SECTION IV. — Architectures de contrôle étatique comme garants de légitimité ...... 536
Sous-section I. — Systèmes d’accréditation .............................................................. 537
Sous-section II. — Centres de traitement................................................................. 541
Sous-section III. — Instances de recours en ligne .................................................... 544
SECTION V. — Une méthodologie de la pesée des intérêts comme technique juridique
garante de légitimité ............................................................................................... 548
Sous-section I. — La notion d’intérêt....................................................................... 552
Sous-section II. — Sélection des intérêts.................................................................. 553
Sous-section III. — Pesée d’intérêt et pouvoir d’appréciation .................................. 556
Sous-section III. — Indétermination, pesée d’intérêt et interprétation .................... 559
Sous-section III. — Des désirs aux intérêts et des intérêts aux décisions d’espèce :
parallèle ............................................................................................................... 562
Sous-section III. — Vers une méthodologie............................................................. 565

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TABLE DES MATIÈRES 671
PAGES

CONCLUSION ................................................................................................................ 567

BIBLIOGRAPHIE ........................................................................................................... 573

TRAITÉS, LOIS, DIRECTIVES ET RÈGLEMENTS ................................................ 623

AUTRES TEXTES........................................................................................................... 627

ARRÊTS ET DÉCISIONS .............................................................................................. 631

INDEX DES AUTEURS CITÉS DANS LE TEXTE ................................................... 635

INDEX THÉMATIQUE ................................................................................................. 639

TABLE DES MATIÈRES ............................................................................................... 663

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