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Question mise à jour le 11 février 2005

INSTITUT LA CONFÉRENCE H I P P O C R AT E
www.laconferencehippocrate.com

La Collection Hippocrate
Épreuves Classantes Nationales

PSYCHIATRIE
Deuils normal
et pathologique
I-6-70

Dr Angéla ROUSSEVA
Chef de Clinique

L’institut la Conférence Hippocrate, grâce au mécénat des Laboratoires SERVIER, contri-


bue à la formation des jeunes médecins depuis 1982. Les résultats obtenus par nos étudiants
depuis plus de 20 années (15 majors du concours, entre 90 % et 95 % de réussite et plus de 50%
des 100 premiers aux Épreuves Classantes Nationales) témoignent du sérieux et de la valeur de
l’enseignement dispensé par les conférenciers à Paris et en Province, dans chaque spécialité
médicale ou chirurgicale.
La collection Hippocrate, élaborée par l’équipe pédagogique de la Conférence Hippocrate,
constitue le support théorique indispensable à la réussite aux Épreuves Classantes Nationales
pour l’accès au 3ème cycle des études médicales.
L’intégralité de cette collection est maintenant disponible gracieusement sur notre site
laconferencehippocrate.com. Nous espérons que cet accès facilité répondra à l’attente des étu-
diants, mais aussi des internes et des praticiens, désireux de parfaire leur expertise médicale.
A tous, bon travail et bonne chance !
Alain COMBES, Secrétaire de rédaction de la Collection Hippocrate

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I-6-70

Deuils normal
et pathologique

Objectifs :
– Distinguer un deuil normal d’un deuil pathologique et argumen-
ter les principes de prévention et d’accompagnement.

A/ Introduction (rappel trouble d’adaptation ; réaction à un stress aigu)


● La perte d’un proche représente un événement stressant pouvant engendrer un état de stress
aigu, voire, dans le cadre du deuil pathologique, un état de stress post-traumatique ou un syn-
drome dépressif sévère avec symptomatologie délirante.
● La survenue d’une réaction aiguë à un facteur de stress et sa sévérité dépendent de facteurs
de vulnérabilité individuels et de la capacité du sujet à affronter le traumatisme. La sympto-
matologie du deuil est très variable et comporte initialement un état d’« hébétude », caracté-
risé par un certain rétrécissement du champ de la conscience et de l’attention, une incapaci-
té à intégrer des stimuli et une désorientation. À cet état peuvent succéder un retrait crois-
sant par rapport à l’environnement (pouvant aller jusqu’à une stupeur dissociative) ou une
agitation avec hyperactivité (réaction de fuite). Ce tableau comporte fréquemment des symp-
tômes neurovégétatifs d’anxiété panique : tachycardie, transpiration, bouffées de chaleur.
Les symptômes apparaissent dans les minutes qui suivent la survenue de l’événement, et leur
durée n’excède pas deux mois.
● Le diagnostic de deuil repose sur la présence d’une relation temporelle directe entre la perte
du proche et le début des symptômes ; habituellement la réaction est immédiate ou différée
tout au plus de quelques minutes.
● La symptomatologie présente les caractéristiques suivantes :
– Fluctuante : à l’état d’« hébétude » initial peuvent succéder des symptômes dépressifs ou
anxieux, une crise de colère, un sentiment de désespoir, une hyperactivité ou un repli sur
soi. Aucun de ces symptômes ne se maintient longtemps au premier plan. La durée de ces
symptômes est variable, mais leur évolution se fait vers une atténuation avec prédominan-
ce d’un sentiment de tristesse, une symptomatologie anxieuse avec troubles du sommeil à
type d’insomnie d’endormissement et sensation d’oppression et de manque.

B/ Particularités cliniques du deuil pathologique


● Le deuil pathologique représente un état de stress post-traumatique.
● Il constitue une réponse différée et prolongée.
● Les facteurs prédisposant au deuil pathologique sont : un trouble de personnalité patholo-
gique sous-jacent, l’isolement social, l’âge avancé (sujet âgé perdant son compagnon), les cir-
constances dramatiques du décès (accident violent, sujet étant resté seul avec le cadavre,

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ayant découvert le cadavre), l’absence de réaction émotionnelle au décours ou une attitude


« hyperadaptée » sans expression d’aucun sentiment de douleur. La persistance et l’aggrava-
tion du tableau initial de réaction aiguë au-delà de 15 jours doivent faire évoquer l’installa-
tion d’un deuil pathologique.
● Les symptômes typiques comprennent la reviviscence répétée de l’événement traumatique
dans des souvenirs envahissants, flash-back, intrusifs, survenant à tout moment de la journée
et empêchant les activités habituelles ; des cauchemars. Le sujet décrit une « anesthésie psy-
chique », un sentiment de détachement par rapport aux autres, à la réalité, d’insensibilité à
l’environnement ou au contraire une « hyperesthésie douloureuse » avec exagération de la
réaction du sursaut. Les symptômes dépressifs apparaissent après la mort d’un être cher et
persistent pendant plus de deux mois ou s’accompagnent d’une altération marquée du fonc-
tionnement, de préoccupations morbides de dévalorisation, d’idées suicidaires, de symp-
tômes psychotiques ou d’un ralentissement psychomoteur.
● Il existe, par ailleurs, une symptomatologie anxieuse d’intensité et de séméiologie variables :
tableau d’anxiété généralisée, ou trouble panique, ou encore apparition de phobies avec évi-
tement (en rapport avec le décès ou à des lieux habituellement fréquentés par la personne
décédée). Dans certains cas, on peut observer l’apparition d’une symptomatologie obsession-
nelle-compulsive : nosophobie, phobie de la mort, de la saleté, phobie d’impulsion, rituels de
lavage, de rangement, de vérification.
● Une hyperactivité neurovégétative est caractéristique (comme dans tout état de stress post-
traumatique). Il s’agit d’un tableau d’hypervigilance anxieuse, d’insomnie d’endormisse-
ment, de troubles digestifs avec anorexie, de douleurs diffuses consécutives à une contractu-
re musculaire généralisée, d’hypersudation, d’hypersalivation ou, au contraire, de sécheresse
buccale.
● Le tableau de deuil pathologique peut comprendre une symptomatologie délirante avec des
thèmes congruents ou non à l’humeur. Parmi les thèmes le plus fréquemment décrits, on peut
citer : culpabilité délirante, ruine, syndrome de Cotard (le sujet affirme que c’est lui qui est
mort, si la personne décédée avait une maladie, un délire hypochondriaque concernant le sys-
tème atteint est au premier plan). Il peut y avoir une symptomatologie hallucinatoire oni-
rique : le sujet « voit » la personne décédée, « entend » sa voix, la confond avec des personnes
de l’entourage qui peuvent être désignées comme persécuteurs… Elle peut être accompagnée
d’un syndrome d’influence ou être au premier plan. Le risque de passage à l’acte auto- ou
hétéroagressif est très important.
● Une symptomatologie dissociative, accompagnant le syndrome délirant, peut être observée.
Elle concerne l’affect avec des sourires et des rires immotivés, des troubles du cours et du
contenu de la pensée, avec au maximum une perplexité et un mutisme.
● Les principales complications de cet état sont :
– Risque suicidaire, voire suicide altruiste.
– Risque de passage à l’acte hétéroagressif.
– Altération de l’état général, consécutif à l’isolement et la dénutrition ou à une déambulation
anxieuse avec voyage pathologique (surtout chez le sujet âgé).
– La désinsertion socioprofessionnelle et, chez l’enfant, l’absentéisme scolaire.
– Une surconsommation médicale dans le cas d’une symptomatologie hypochondriaque au
premier plan.
– Abus et dépendance à l’alcool et aux anxiolytiques.
– En cas de symptomatologie obsessionnelle-compulsive : les complications liées aux rituels
de lavage.
– Aggravation d’une pathologie psychiatrique précédant le deuil.
● L’existence d’un trouble de la personnalité sous-jacent peut aggraver le pronostic.

C/ Principes de la prise en charge


● La prise en charge du deuil pathologique rejoint les principes généraux de prise en charge
d’un état de stress post-traumatique.

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Deuils normal et pathologique I-6-70

● La prévention nécessite un debriefing, surtout si les circonstances du décès sont traumati-


santes. Un soutien psychologique et une déculpabilisation du sujet sont indispensables.
L’écoute, sans interrompre la description de l’événement et des émotions ressenties, est la
principale règle de l’entretien.
● Chez l’enfant, le jeu, le dessin, la mise en scène doivent être utilisés systématiquement.
● La prise en charge de l’entourage est déterminante pour le pronostic, l’isolement social étant
un facteur de gravité et de risque.
● Chez l’enfant, le debriefing des parents, l’explication claire leur permettant d’aborder le deuil
sans mensonge ni retenue en utilisant le jeu imaginatif et le dessin, sont très importants.
● Une hospitalisation peut être nécessaire devant un tableau délirant ou dépressif majeur, sur-
tout en l’absence d’un réseau social de bonne qualité ou en cas d’altération de l’état général.
La mise en place d’une chimiothérapie par antidépresseurs, voire de neuroleptiques, amélio-
re la symptomatologie. Il faut éviter la prescription de benzodiazépines, du fait de leur effet
amnésiant, qui prolonge la symptomatologie du deuil et entrave le travail de debriefing. ■

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