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Thème 1 : Se chercher, se construire

Séance 5 : Lire et écrire des récits de vie :

 Objectifs : réfléchir sur soi en revenant sur son enfance et en évoquant des
souvenirs.
 Support d’activité : Romain Gary, La promesse de l’aube, 1960.

L’auteur :

Romain Gary, de son vrai nom Roman Kacew, né le 8 mai 1914 à Vilnius (actuellement en
Lituanie) et mort le 2 décembre 1980 à Paris, est un romancier français d'origine russe.

Après le départ de son père du foyer conjugal lorsqu'il était enfant, il est élevé par sa mère,
Mina, qui part s'installer dans sa famille en Pologne, où ils vécurent jusqu'en 1928.

Il arrive avec sa mère en France, à Nice, à l'âge de 14 ans. Il étudie le droit à Paris. Naturalisé
français en 1935, il rejoint pendant la Seconde Guerre mondiale la France libre où il sert dans
les forces aériennes. C'est durant cette période que Romain Kacew choisit le nom de guerre de
Gary (signifiant « brûle ! » en russe) qui deviendra son pseudonyme. Il termine la guerre
comme capitaine de réserve et il est nommé compagnon de la Libération.

Après la fin des hostilités, il entame une carrière de diplomate au service de la France. À ce
titre, il séjourne en Bulgarie, en Suisse, à New York (aux Nations Unies, 1952-54), en
Bolivie, puis en qualité de Consul général de France à Los Angeles de 1957 à 1961.
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1 Nous étions alors installés provisoirement à Wilno, en Pologne, «de passage», ainsi
2 que ma mère aimait à le souligner, en attendant d'aller nous fixer en France, où je
3 devais «grandir, étudier, devenir quelqu'un». Elle gagnait notre vie en façonnant,
4 avec l'aide d'une ouvrière, des chapeaux pour dames, dans notre appartement
5 transformé en «grand salon de modes de Paris». Un jeu habile d'étiquettes falsifiées
6 faisait croire aux clientes que les chapeaux étaient l'œuvre d'un couturier parisien
7 célèbre de l'époque, Paul Poiret. Inlassablement, elle allait de maison en maison
8 avec ses cartons, une femme encore jeune, aux grands yeux verts, au visage
9 illuminé par une volonté maternelle indomptable et qu'aucun doute ne pouvait ni
10 effleurer ni, encore moins, entamer. Je restais à la maison avec Aniela 1, qui nous
11 avait suivis lors de notre départ de Moscou, un an auparavant. Nous étions alors
12 dans une situation matérielle déplorable, les derniers «bijoux de famille» – les vrais,
13 cette fois – avaient été depuis longtemps vendus, et il faisait terriblement froid, à
14 Wilno, où la neige montait lentement du sol, le long des murs sales et gris. (…)

15 Ma mère revenait de ses périples2 à travers la ville enneigée, posait ses cartons à
16 chapeaux dans un coin, s'asseyait, allumait une cigarette et me regardait avec un
17 sourire radieux.

18 – Qu'est-ce qu'il y a, maman?

19 – Rien. Viens m'embrasser.

20 J'allais l'embrasser. Ses joues sentaient le froid. Elle me tenait contre elle, fixant, par-
21 dessus mon épaule, quelque chose de lointain, avec un air émerveillé. Puis elle
22 disait:

23 – Tu seras ambassadeur3 de France.

24 Je ne savais pas du tout ce que c'était, mais j'étais d'accord. Je n'avais que huit ans,
25 mais ma décision était déjà prise: tout ce que ma mère voulait, j'allais le lui donner.

26 – Bien, disais-je, nonchalamment4.

27 Aniela, assise près du poêle, me regardait avec respect. Ma mère essuyait des
28 larmes de bonheur. Elle me serrait dans ses bras.

29 – Tu auras une voiture automobile. Elle venait de parcourir la ville à pied, par dix
30 degrés au-dessous de zéro.

31 – Il faut patienter un peu, voilà tout.

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5 Aniela : prénom de l’employée de maison qui aide la mère.

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Périple : voyage (ici, pour livrer des chapeaux).
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8 Ambassadeur : personne diplomatique représentant en permanence un Etat auprès
9 d’un Etat étranger.

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10 Nonchalamment : avec lenteur.
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32 Le bois craquait dans le poêle de faïence. Dehors, la neige donnait au monde une
33 étrange épaisseur et une dimension de silence, que la clochette d'un traîneau venait
34 souligner parfois. Aniela, la tête penchée, était en train de coudre une étiquette «Paul
35 Poiret, Paris» sur le dernier chapeau de la journée. Le visage de ma mère était à
36 présent heureux et apaisé, sans trace de souci. Les marques de fatigue avaient
37 elles-mêmes disparu; son regard errait dans un pays merveilleux et, malgré moi, je
38 tournais la tête dans sa direction pour chercher à apercevoir cette terre de la justice
39 rendue et des mères récompensées. Ma mère me parlait de la France comme
40 d'autres mères parlent de Blanche-Neige et du Chat Botté et, malgré tous mes
41 efforts, je n'ai jamais pu me débarrasser entièrement de cette image féerique d'une
42 France de héros et de vertus5 exemplaires. Je suis probablement un des rares
43 hommes au monde restés fidèles à un conte de nourrice.

Romain Gary, La promesse de l’aube, chapitre 6, 1960.

I. COMPREHENSION :

A. Le récit autobiographique :

1. Quel est le sujet de ce texte ?


2. Où l’action se déroule-t-elle ? Relevez, dans le texte, des indices de lieu.
3. Quels sont les personnages ? Parmi eux, lequel est désigné par le pronom personnel
« je » ? Qui est donc le narrateur ?
4. Quel lien faites-vous entre cette histoire et la vie de l’auteur, Romain Gary ? Quelle
est donc la particularité de ce récit ?
5. Quels sont les trois moments de la vie évoqués ? Quels sont, pour chacun, les temps
utilisés ?
6. A quoi correspondent les phrases débutant par des tirets ? Quel est l’effet produit sur
le lecteur ?

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13 Vertus : qualités.

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B. Des lendemains qui chantent :

1. Comment caractériser les relations familiales ? Complétez le tableau à l’aide de termes


relevés dans le texte et déduisez-en l’attitude de la mère envers son fils et l’attitude du
fils envers sa mère.

attitude de la mère : ………. attitude du fils :……….

2. Quelles sont les conditions de vie en Pologne ? Appuyez-vous sur le texte.


3. Comment la mère envisage-t-elle l’avenir de son fils ? Justifiez votre réponse à l’aide
du texte.
4. Relevez les termes servant à caractériser la France. A quel champ lexical pouvez-vous
les rattacher ?

Rappel : Le champ lexical est l'ensemble des mots qui, dans un texte, se rapportent à une
même idée.

Ex : Les termes briller, éclairer, lampe, éclat, soleil appartiennent au champ lexical de la
lumière.

5. La promesse de l’aube : que signifie « l’aube » ? Quelle interprétation en proposez-


vous ici ?
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II. EXPRESSION ECRITE :

Sujet : Racontez un événement d’enfance.

En une quinzaine de lignes, racontez, à la première personne du singulier, un événement de


votre enfance qui vous a marqué, positivement ou négativement.

Pour évoquer vos souvenirs, utilisez les temps du passé (imparfait, passé composé, passé
simple). Pour montrer l’importance que ces événements ont eue sur vous, employez le
présent. Votre récit autobiographique peut commencer ainsi : « J’avais … ans et je me
souviens qu’un jour… » et se terminer par : « Depuis ce jour, je… ».

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