Francesco Della Casa
Histoires de la Belle de Mai
Lancienne manufacture de tabec du quartier de
la Belle de Mai, 2 Marseille, est devenue en deux
Aécennies un espace d'expérimentation unique, Ou
comment la culture fabrique de l'espace urbain.
En 1268, la SEITA (Société d'exploitation industrielle des,
tabacs et des allumeties)sinstalle 8 Marseille dans le quar
tier dela Bele de Mai, & proximite de la gare Saint-Charles.
Elle protte du développement économique que connait la
ville aux 19 et 20° sicles, qui repose principalement sur
exploitation et 1a transformation des ressources coloniales.
De 1936 3 1957, la manufacture s'agrandit pour occuper
une surface de 120000 m?, Trois ans plus 114, elle atteint
apogee de son développement et empioie 540 ouvriers
La décolonisation, puis le décin de économie du tabac qui
slamarce dans les années 1980, vont entrainer la cessation
des acivités de la SEITA, sur le site de la Belle de Mai qui
devient, en 1990, une frche industrielle de 12 hectares.
systéme Friche Theatre
Le méme année, Christian Poitevin, adjoint delegue a la
culture, Philippe Foulaui,sirecteur du Theatre Massalia et
Alain Fourneau, directeur dy Thédtre des Bernardines,fon-
dent association «Systeme Friche Theatre (SFT). Son objet
consiste 8 procuter aux artistes des lieuxet des conditions de
production qui leur permettent d'accrite leur autonomie en
réduisant feur dépendance ervers le institutions financées
par les collectivités publiques
En mai 1992, association siinsalle sur la Friche de la
Belle de Mei, avec l'ambition de revitaliser ce morceau de
vile en la eeconnectant avec lacité phocéenne. Pour illustrer
Vresprit de Hentreprise naissante, Philippe Foulquié recourt
a la métaphore du bouturage. A instar de la nature, elle
doit faire la part belle 8 Vinstabilte et 3 Fimprévu. Un pee
rier projet est lancé par Armand Gatti en 1993, It réunit
80 stagiaires pendant huit mois, pour créer le spectacle
Marseille Adam quoi?»
Le site de la Frche de la Belle de Mai est dacoupé en trols,
lots 0. 2. Le premier, d'une surface ce 24.000 mest dédié
au Centre Interregional de Restauration du Patrimoine, aux
Archives Municipales, 3 la Réserve des Musées de Marseille
et Minstitut national de Audiovisuel (INA). Le deusiéme, de
30000 mr, est accupé par des studios audiovisuels et mult
iédia. I abrife par exernple les plateaux oU est als la serie
televise «Plus belle la view. Lassociation SFT se replie sur
3, de 45000 me, qui sera dédié 8 la production cultu-
felle: ants visuels, spectacle vivant, cinéma, ars numériques,
musique ou arts de le rue. Une radio associative locale est
instaléesurle site depuis 1991 : Radio Grenoulle, fondée en
1981 par Richard Martin, Directeur du Theatre Toursty.
Projet Culturel / Projet Urbain
Tras rapidement, les protagonistes prennent conscience
du fait que occupation du site ne sufft pas 2 assurer la
durabilite du projet. sagt de théoriser ses objectifs en tant
{que nouveau phénoméne urbain, mais également g'assu-
‘er la celation contractuelle avec les autories municipales.
A Vaide de Varchitecte Jean Nouvel, la Friche Slabore, &
partir de 1995, le «Projet Culturel pour un Projet Urbain»
(PCPU, voir encase p17) La présidence de Jean Nowvel, qui
durera sept ans, permet d'imposer I'idée de Is permanence
artistique comme agent indispensable du développement
Urbain. Concrétement, la Fiche est rattachée av périmetre
TECTURE
ARCHFig 2 Situation des tos Hots b Fiche po ra
Fg 1 Plon ce station dela Fiche dons le secteuEuoméieande
emprise bel gare St-Chares
Fig 3 Plan geo 3
Euroméditerranée (|), ot st développent des projets de
prestige cépondant a une toute auire logique: la tour de 33
ages de larchitecte Zaha Hadid pour ia Compagnie mari-
time SNCM, oule cinéma multiplexe du cinéaste Luc Besson
dans le prolongement des docks de La lolieit. Cette conver
‘gence de développement permet de contre le phénoméne
de ségrégation urbaine auguel le quarter de Ia Belle de Mai
‘urait été, sinon, immanquablement condamne,
La Ville de Marseille devient propriétaie des lieu, les
‘occupants étant au bénefice d'un bal emphytéotique de a5,
‘ans. En 2002, une autre figure @ la notoriété bien établie,
le cinéaste Robert Guédiguian, succede & Jean Nouvel 3 ia
présidence de association SFT,
Une soc
6 coopérative d’intérét collectif
A ce stade surgissent néanmoins certaines limites de la
forme associative, notamment celui d'apparaitre comme une
simple structure de délégation entre les pouvoirs publics et
les acteurs artistiques héberaés parla riche, En fei 2002
est fondée une Société Coopeérative dInterét Collect (SCIC)
placée sous la présidence de 'architecte Patrick Bouchain.
Elle doit permetre d'assumer la responsabilité foncieve du
site, de geer les relations entre la demande locale et 'ensem-
ble des interlocuteus institutionnelsteritoriau, de mle es
‘approches macro- et microéconomiques, de développer enfin
‘des formes d'économie culturelle productrices de richesses
financléres, sociales et solidsres
Fle réunit en son sein usagers, déleguésinsttutionnels et
‘organises collectls qui partagent la gestion immobile et
sociale dea Friche, avec I'ambition de participer au déve-
loppement du teritoie od elle est implantée I s'agit pour
alle de rendre opératoire les idées du projet culture! pour
Un projet urbain, tout en développant une autre vision de
le gouvernance. Ais, le projet se consteit en collabor-
tion avec les collectivités publiques, ce qui lui procure une
legitimiteinsttutionnell, les ésidents historiques, artistes
‘et opérateurs ayant des besoins tres différents, sans oublier
des contacts reguliers avec les rversins,
La SCIC correspond & un modéle e:onomique marchand
‘mais non luctatif, dont la plus grande pact des benéfices est
alfectée aux réserves non partageables enti les actionnaices,
avec le but de maximiserlinvestissement public en mutua-
lisant ressources et dépenses ou en recherchant d'autres
modes de financement par la concession de droits 'utlisa-
tion pérennes pour des activités ayant leurs propres moséles
économiques logements, commerces,cinérmas).
Sous la direction de larchitecte Matthieu Poitevin', la
SCIC a développé un plan directeur permettant d'escuisser
le systeme architectural général du projet or ove > 10
Le quartier, tout en restant ancré dans son projet artistique,
‘peut ainsi s‘ouwtr 3 des organismes sportfs et socioculturels,
23 des services privés aux personnes, a des commerces de
proximité et cultures, 8 du logement ov & de la résidence
hoteliére, La Frche devient ains! un espace la fois public et
privé, ui peut etre habits, mais aussi faclement travers
La Piste
Cun des projtsilustrant cette relation avec le quarter de
la Belle de Mai se concrétise depuis 2008 par installation
d'un parcours et d'équipements sportfs sur le terrtoire de
* ui ei notemmeat impliou® dans le poet «Cité manifest
Mulhouse, sresenté dans TRACES n* 10/2006la Fiche, ouvert aux habitants du quartier et aux pratiquants
sports. I cansiste en une programmation déquipements
sports décalés, concue comme un itinérarejalonne par des
~aménagements et des agres permettant une pratique corpo-
relle en lien avec des pratiques atistiques met en question
la culture dans son rapport au corps, au jeu et activité sen-
sorielle. En général, les pratiques sportives sont organisées de
facon insttutionnelle par des federations qui régiementent
et normalisent les activités de leurs licencés, avec une forte
orientation vers la competition. Le projet vse ainsi & faire se
croiser des publics qui n’entretenaient jusqu’alors que des
relations caractéristes par la storégation, en invtant sur le
site des acteurs ~ clubs, associations, spots habitués aux
stades et aux gymnases ~ qui ne connaiscent ni son histoire,
nila programmation artistique qui s'y développe.
Le premier parcours, qui comprend un street-park, une
course darientation, un mur descalade, des tables de ping
pong ou des velo dynamas, traverse les espaces extérieurs de
Flot 3. Le second, qui sera réalisé entye 2010 et 2012, vise
8 la création d'une salle multsports, le tosiéme permettra
de connecter les trois poles de la Friche de la Belle de Mai
av quarter
Le projet «La Piste» est une coproduction de Systeme
Friche Theatre, soutenue par i Vile de Marseille, |2
Fondation Jean-Luc Lagardére, la Fondation Richard Gasquet
et Euroméditerranée.
Fig. 4: Uae portiele de opti, depuit la teasse des mogesns etl tour
‘Phra Francesco Della Casa)
{Sao mention, ovs es documents itustant eat article oot
oan parla SCIC Fiche da Bele Ge May, droite reserves)
Grandes tables
Cuvert ily ois ans le restaurant «Les Grancies Tables » est
le centre névralgique de V'ot 3. & 2 fois leu de convvialte,
accueil des publics et oes visiteurs, il héberge fe plupart
es unions 00 se discute et se décide l'avenir de la Friche
viele p28), Congu par Matthieu Poitevin et réalisé par
les équipes techniques de la Fiche, le restaurant fonctionne
selon le principe de accueil -cuisniers en résidence, produc:
teurs agricoles ou vticulteuts. « es Grandes Tables» essai-
ment dans 'espace urea & travers le projet «Street food
des petite infrastructures mobiles qui dispensent de la nou’
riture dans la rue sur le modele des marchés du pourtour
mediterranéen, d'Afrque ou d'Asie, Cette démarche est &la
{ois politiqué, prenant le contre-pied du systéme dominant
de fast-food, et culturelle, parla promation d'une production
alimentaire locale diversfige, Kémergence de jeunes chefs et
la revalosation de pratiques almentaires ancestales
Economie générale
La SCIC visant & proposer un mode de gestion alternatit @
économie libérale, les ichesses qu'elle génere ne relevent pas
cexclusivement de prncipes marchands, mais sont evaluées en
considérant sur un méme plan les ressources prvées et publ:
ques, soidaires et sociales, provenant de I'échange ou du
capital-tavail. Vefficacité de ce systéme tient principalement
2 Teffet de lever induit par la circulation des échanges. Une
étude realisée en 2003 a démonteé que, surun chifre dat
{aires global estim# 8 10,6 millions ‘euros, 6,93 ont été réin-
jects dans économie marsellaise,Ainsi, cheque euro investi
ten subvention municipale généve en retour quate eutas pour
la collectvté
Premier bilan d’étape
Depuis 15 ans, la Friche accumule donc les projets et
-expérimentations atstiques. A la fois globale et locale, lle
accueille des productions venues du monde entier et, en
retour, fit circuler ses propres productions dans un réseau
ui setoffe sans cesse Elle encourage la divesité des usages
{et des fonctions pour échapper au risque du repli sur soi, de
la séarégation et du sectarisme. file compte aujourd'hui 180
partenaratsinternationaux, plus de $00 événements annuels,
60 structures professionneliesinstllées, 400 personines en
activité quotidienne, 1000 artistes présents, 30000 heures
de formation et 109000 visiteurs par an. lest 3 note, enfin,
Aue le projet Friche @ également joué un rBle moteur pour
Frobtention, par la ville de Marseille, du statut de capitale
culturlle européenne 2013.
Francesco Delo Casa
poJacques Perret
Un méme et pas unique projet
Septembre 2008 a vu les responsables de la Friche
de Ja Belle de Mai publier la troisiame version de
leur schéma directeur, intitulé «Jamais 2 sans 3.
Petit-fils de aLiair de ne pas y toucher s, né en jar:
vier 2003, et fils de «Tair 2 ne pas y touchern, daté
de juin 2005, ce document présente, sur prés de 150
pages, un programme pour transformer une ancienne
usine de tabac en un lieu dédié a la production artis:
Ligue, forterrent intégré dans son milieu urbain,
pio
Comme le précise ov attaque de son introduction Mattnieu
Poitevin,Varchitecte responsable du projet
tion, il sagt de «a trosiéme version d'un meme et pas un:
ransforma:
{que projet». Une formule ambivalente dont I'écho résonne
tout au long de la lecture du schéma directeur
Le meme.
En effet, les elements qui font que ce projet peut etre
qualifié de « meme tiennent d'abord a la perception qu‘ontFig 1 ee de elle de Mai ¢ Masel (Photo FOC)
Fig, 2 Tos ynoinases de rutiisaion du ste
les acteurs de la notion de projet; une vision radicalement a
originale, qui évite de fixer des limites précises et considre . 4
le projet comme un élément en évolution. D'avoirconstam- >
ment a Vespit lidée émise par Matthieu Poitevin « que fe
construit n'est pas un tric inerte et intangible. Que restaurer
vest pas reconstituer, mais eer du want que les autres
continueront. Hest pas question de faire des fossils pour é
| pis lad mais des possibles pour maintenant » SS il
| A Marseille, cette question de lappréhension du projet Hg
‘est notamment posée par le Collectif de la Friche de la Belle: 7 o
de Mai 8 travers son PCPU, «Projet culture pour un projet byparhése 1
| Urbain». Selon I'achitecte Patrick Bouchain, président de ia
Société Coopérative d'intérét Collectif (SCIC), «ambition
est de démonter que nous n'investissons pas un batiment,
ais un morceau de wile. Nous allans transformer ce mor
eau de vile et prowver que ce projet culturel fat partie du
projet urbain.»
1 sragit done d'exploiter des « territoires affranchis ob
mattise de Vouvrage, mainise d'ceuwe et maitise d'usage
tendent a se confondre, permettent de programmer, de
concewoir et de construire autternent s, Poursuivant sos ra
sonnement, Patrick Bouchain arguinente. «Si on veut faire
autrement, il faut arrBter de tout programmer, conteber,
affecter préslablement. Ce qui implique une autre écoute
Pav rasiens
techniques
Le programme inciut naturellement aussi toute une
‘éllesion déige aux espaces publics et aux circulations hori=
Zontales et verticals 0. 8). Matthieu Poitevin: « Lobjecti
‘est plus seulement de proposer une architecture fonction-
nelle mais de stimuler les sens, tous les sens. Nous essayons
de créer plusieurs approches sensorieles du batiment, libre
2 chacun de les apprehender & 52 guise et ainsi fare de la
‘al un support dimaginaive. Ce qui este figé par contre,
est tout le principe de circulations horizontales et vertica-
les, elles ont été pensées et optimisées pour permettre la
plus grande adaptation des programmes projetés et ainsi
autorser la diversit, la modernité et la iberté. Les proposi-
tions avancées sont toujours simples et comme d’évidence.
‘A terme, elles bouleversent notre vision et inventent un nou-
veau type d'espace public.» Les circulations se traduiront
notamment par la création de «rues intérieures» tes larges
(780 m),partos partieiement ouvertes sur Vextérieur, et qui
sont tracées entre les éléments de structures existantes
pile
iv +4800 gh
Les structures aussi
Le schéma directeur ne se contente pas d'évaluer la fai-
sablite des projets uniquement en terme de fonctionnalté
fu de sécurité, Les deux principaux batiments - les maga-
sins et la tour ~ sont ainsi tous deux l'objet d'une fiche de
a Foisabiltéstructurelle». En effet, la mutation de la friche
vers de nouveaux usages va forcément se traduire par des
modifications de charge. & Vinstar de ce qui est envisage
pour l'ensemble du projet, on s‘oriente ici aussi vers une
réutilisation maximale de exstant. A cet egar, lest incl
pensable de procéder 8 une anslyse des structures en place,
plus particuitrement des fondations et poteaux existants,
afin de voir sis sont en mesure de reprendre des charges
additionneles. Pour limiter autant que possible le poids des
éventvelles structures de renforcement, il est préw de réali-
ser ces demiéres en construction métallique.
Concernant les magasins, la structure actuelle en béton
armé suit une trame réguliére et homogéne au sein de
eset 1-2 in 208Fig, 10: Poet du pot potager, en elation avec Fascalior ache au estaurant
Fg. 11: Maquette du ste dela Bole do Mai
S00! maton, t0v5 es documents usa cat ails ont été furs pa a SIC
Foche de a Belle de Mai, rots résorée}
laquelle sont régulérement disposés des joints de dilata
ion. Sile report vertical des charges semble dés lors pouvoir
reposer sur une exploitation de Fesxistant (avec d'éventuels
renfortslocaun, a question de la stabilté horizontale est
moins clairement définie et nécessitera probablement la
mise en place de contreventements, Des investigations sup-
plémentaires concernant les fondations seront aussi néces
salres tant pour les magasins que pour la tour
Passer a la réalisation
Le uméme mais pas unique» projet de la Friche de la
Belle de Mai est taut simplement enthousiasmant. On ne
peut des lors qu'encourager chacun 2 effectuer une visite
es lieux, afin de mieux percevoir la dynamique peu ordi-
naire qui investi petit 8 petit ce quarter marseilas. Et atten
re avec impatience de voir comment les idées originales
mises dens son plan directeur vont se concrétiser. Tout en
espérant que son avenir coincidera avec celui qu’ envisage
Patrick Bouchain pour l'arcitecture: «Dans un monde ot
tout est séparé et divi, il faut REUNIR car si cette division
est accentuge nous ne pourrons aller ue vers une situation
de demence, C'est de Vexpérimentation de cette fagon de
construire que naitra une architecture humaine. »
“acoues PeetLa présentation de la Belle de Mai ne saurait étre
complete sans le compte-rendy dene des réunions
pubbiques hebdomadaires au restaurant de a Friche.
11 permet de comprendre le protocole des délibé:
rations qul accompagnent le processus collectif de
réalisation. Il repose notamment sur une conscience
commune de I'nistoize de la Friche, 'établissement
Ge relations contractuelles entre les acteurs et 12
Société coopérative et exposition du savoir-faire
des artistes et artisans impliqués. L'enjeu, pour les
snimateurs de le Friche: parvenir 2 passer d'une
émocratie participative 8 une démocratie active.
Ce jourla, a Societe cooperative dintérétcollectt(SCIC)
recevoit le Comité dinteret de quarter (CIQ). En tout, une
inquantaine de personnes, assemibiées autour d'un conglo-
snérat de tables. Ici, beaucoup se joue autour de cette piece
de mobilier: elle est objet totem au lev, baptisé en son
honneur« Les Grandes Tables». Pas par prétention culinaire,
mais parce quicl, est toujours en nombre que 'on se ras
serine autour dali, que ce soit pour débattre, manger ou
travails,
Le theme de la réunion: les relations entre la Friche et le
‘uartie, que ce soit dy point de we des relations sociales, des
collaborations'ou des cheminements urbains. Mme Cordier,
ne glue municipale représentant le CiQ, fat en préambule
Un éloge dela parole: « Mion muscle le plus développé, c'est
ma langue.» Puis elle parle de « génération sacrifiée». pour
laquelle «la carence de mots a pour consequence que la
jeunesse cherche souvent 3 s'exprimer parla violence», En
fligcane, on devine Iévocation de problematiques récuren-
tes dans les quarters populares morsels,
Histoire commune
Lunds acteurs 8 origine de a fondation de Association
sSystéme riche Théatre» (SFT), Philippe Foulquié, commen:
e par relater histoire recente du site et les objectifsvses,
UW expique quit, la culture doit tre comprise au seas large.
La Friche particie 3 ls sauvegarde du patrimoine industriel
RAGES 0 183 on 2088
Francesco Della Case
Palabres actives
et urbain que constituent les anciens entrepéts dela SEITA,
dans lesquels de nombreux habitants des quartiers environ
nants ont naguere travalé. Ele permet déviter une opera
tion immobile spéculative qui aurait fait table vase, (out
en prenant postion contre fe mode de gestion technicienne
de la vile du XX sgcle. Ce fasant, elle incarne un projet de
reconversion dans lequel industri lasse place & un projet
dindustiieculturele associé 8 un projet urbain, le PCPU
p.2a
ee
rb
v
E
=
o
<ig: racturan «es Grandes Tables»
Fig
rande tobe do union
(Pootes Francesco Dela Casa)
Cette introduction rtuelle signale une condition préala
ble nécessaire, savoir que chacun soit au fat de histoire
du lev avant o'y prendre la parole ou d'y interven en tant
qu’acteur Cette précaution ne parvient toutefos pas 8 cs.
siper certains malentendus. Ainsi un ilerlocuteur deman.
de-til a mise & disposition de locaux pour son club sporti,
‘arguant du fait que la Friche offrirait quantité de surfaces
disponibles. Cette intervention est symatomatique de la per
‘ception que certains tverains de la Friche ont encore de la
SCIC, qu'il confondent avec une administration municipale
laquelle ils pourraient adresse doléances et revendications
Plus généralement, elle iluste un constat: « Lorsqu'un habi
tant réclame quelque chose, i exprime le plus souvent au
travers d'une plainte et non "un dési ~ cest le début du
meécontentement, il attend que la chose sot faite et n'est
pas acteur de sa rEalsation.»! Il convient done d'expliquer
ia structure coopérative et le made de fonctionnement par
avto-construction déveleppé dans la cadre dela Friche.
Le modéle du mouvement Castor
‘Apres avoir précisé que les deux tiers du patrimoine fon-
ier de la riche, constuit ou non-construit est encore libre,
Patrick Bouchain explique que la constitution de la SCIC
pid
répondait & une nécessité juridique: i agissait de permet
tee & association qui était &lorigine de la reconuersion du
site d'obtenir la qualité pour agir sur ie fonds immobilier
Elle nest donc pas un niveau institutionnel supplémentaive,
dont la vocation serait de redistribuer infrastructures et ser-
Vices. La SCIC permet de faire en sorte que la Friche puisse
devenir Yendroit de tous ceux qui sont volontaires pour faire
quelque chose. Ce qui imalique une autonomisation, le pai
iment de charges et, partant, la recherche de ressources. Le
temps de travail est transformé en capita, sur le modele du
mouvement coopératif « Castor de l'aprés-querre, grace
2uquel le travail collectt permettait de paler lincapacité des
associés 3 finance’ 'achat ou la construction ‘un logement
{application de ces principe sur le teritoire dela Friche se
{ait 8 travers fe laboratoice transcisciplinaire « Notre Atelior
Commun » (NAC), fondé en 2002 par Patrick Bouchain, dent
le sigge est implant sur le site marseilas depuis 2007. Le
Projet de création de logements collectifs dans une friche
culturelle est 'un de ses objects majeur, car cesta travers
tune occupation résidentielle qu'une friche culturelle peut
espérer parfaires2 réintégration dans le contexte urbain.
" Pavick Bovchaia, «faite face ot réunir, in «La Fiche I Bale e
Mai. un espace capital dans ure captleeuropenne »
escts 16 3 oa 208Démonstrations urbaines
Pour documenter les réunions délibératives, des wisites du
site & intention des rverains sont organisées chaque samedi
‘matin par SCIQ.L& promenade est ici comme Vinstrument
pdliinaire de la construction urbaine. Elle permet de déter-
‘miner quels peuvent ete les besoins en matiere de chemine-
nents, daccessibiité ou de parcage de véhicules.
Ces rencontres réguligres ont également aidé 3 résou-
dre des problématiques sigués pour le quarter, telles que
le vandalisme ou le vol dans les ateliers, en instituant un
groupe sécurité qui collabore étriternent avec des médi
teurs sociaux
Ces visites ont également pour but de valorser 'acte de
construire, Les chantiers sont ouverts auxriverains, acculent|
des famille, sont occasion d'expliquer les savoirfaire. A
partir de a, des chantiers d'insertion ont méme pu Btre mis
‘sur pied. Des équipements sports, tel un skate park, ont
£616 instalés sur ke site en impliquant les futurs usages, les
adolescents du quartes,
«La plus belle des constructions est celle ou
Von connait le destinataire »
A travers cette combinaison entre délbération, exposition
et auto-construction, 'ambition des animateurs dela riche
est de tenter aller au-deld d'une démocratie participative
pour inventer une démocratie active. Or une partkipation
active ne peut réellerent se concevoir sans "apprentissage
Fig. et 4 Proje de logements
{Document Matiiaw Potvin)
rogressit de la lecture d'un plan, le dévelappement d'une
culture des techniques de construction aula connaissance des
‘Rglements et normes, de manitre & pouvoir les eritiquer, les
~amender ou les négocier. Les professionnels de la construc-
tion, architectes, ingénieurs ou maitres d'état apprennent
de la sorte &inventer des outils simples qui leur permettent
e transmettie une part de leurs savoirs et de comprendte la
demande par une connaissance fine des mode: d'action des
futurs utilisteurs, fut-ce au prix d'une perte de pouvoir et
de tanauilté. Ce double effort est le prix & partager pour
atteindre ce que Patrick Bouchain appelle une architecture
de soweraineté communautaire.
Francesco Dela Casa
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p28