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Ecologie: des mots, des images.. et des actes?

Haute qualité environnementale, développement durable, transition énergétique, résilience, etc.. notre prise de conscience écologiste a fait germer un
champs lexical incroyablement riche qui laisse penser des actions tout autant éclatantes! Dans le domaine de la construction, responsable de 40% de
production de gazs à effet de serre, il semblerait qu’en termes d’écologie, les mots aient également pris les devants sur les actes. Nonobstant les
preuves scientifiques criantes, il est de notre dev... Non, cet article ne sera pas un discours alarmiste! Ce court-brouillon d’idées cherchera à
questionner le sens donné à notre cadre de vie, et plus particulièrement les formes prises par l’architecture écologique contemporaine.

Les premières images de l’écologie appliquée à l’architecture sont profondément attachées à la maison individuelle. Pittoresque, mais bien
ancrée dans l’imaginaire collectif, la maison écologique aboutie est ce chalet des contrées nordiques, avec son épaisse toiture végétalisée,
parfaitement intégrée à son environnement naturel. Un second cliché de maison individuelle fait ensuite apparaître la notion de bioclimatique. Cette
approche architecturale fondamentale est parfaitement illustrée par les maisons de l’architecte Glenn Murcutt qui dégagent une écriture
environnementale contemporaine composant avec différents dispositifs et principes tels que la réduction de l’empreinte carbone du bâtiment
(matériaux locaux, bio-sourcés légers, structures filière sèche), les protections solaires (débords de toiture, «espaces tampons», etc..)

Ces deux stéréotypes d’architectures environnementales sont adaptées à leur contexte climatique, emploient les ressources locales et misent sur une
«bonne pratique bioclimatique» de ses occupants (ventiler,se protéger du soleil, etc..)plutôt que la réalisation d’un bâtiment intelligent. Là où le bât
blesse, c’est leur contexte: ces «stéréotypes» ne sont pas reproductibles en milieu urbain. Avec 75% de la population française urbaine, un étalement
urbain croissant et une péri-urbanité en crise, cet idéal écologique – très similaire à l’idéal pavillonnaire et son carré vert - serait-il donc utopique?

En milieu urbain, la question de l’écologie est autrement plus complexe. Si l’urbanité peut se définir par l’association ville-culture, elle
s’oppose généralement au rural, à l’agriculture, à la nature. La densité, principal facteur de l’urbanité des villes, prône des architectures collectives et
stratifiées, aux services de l’activité humaine. Cette urbanisation intense détache finalement la ville du sol, des écosystèmes et des rythmes naturels. Il
y a bien cette image fétichisée de la ville-nature, nature qui nous renvoie à notre appartenance au monde du vivant, au sein de la biodiversité. Ces
villes et architectures inspirantes restent utopiques car elles évoquent des changements radicaux faisant table rase des dynamiques urbaines et
économiques actuelles.

De nos jours, l’architecture urbaine ou métropolitaine ne dégage pas forcément de typologies écologiques facilement identifiables. Elle se réinvente
donc dans son contexte, par définition non naturel, qui révèle de nouveaux enjeux: maîtrise de la consommation énergétique, sécurité et privacité, sans
oublier nos exigences grandissantes de confort (thermique, équipements, électronique, domotique). Encadrées par de nombreux labels et
réglementations environnementales florissantes, les bâtiments, de plus en plus hermétiques à leur environnement naturel, nécessitent des études et
modélisations au service d’installations de haute technicité. Ces appareillages (VMC, PAC,PV, etc.) sont ici questionnés au regard de leur prix et de
leur empreinte écologique (matière grise, maintenance, durabilité) alors qu’ils négligent finalement de nombreux savoirs bioclimatiques locaux
(usages, spatialités, techniques), pour certains vernaculaires1. Tels des «prothèses», ils semblent pallier à la mauvaise résolution architecturale de
contextes urbains et économiques complexes. La question des compétences de l’architecte est ici encore soulevée: ces connaissances de dispositifs
bioclimatiques simples, mais aussi de l’ingénierie environnementale, ne devraient-elles pas être priorisées afin de diversifier et développer une qualité
architecturale respectueuse de son environnement?

Parallèlement, la plupart des modes de sélection des projets se basant sur des images, la prise de conscience écologiste se résume bien
souvent à une évocation forte dans les perspectives photo-réalistes de concours. Ainsi afin de communiquer et bien souvent «surjouer» l’approche
environnementale, les réalisations s’ornementent d’«icônes» et de symboles de l’écologie: c’est le green-whashing architectural.

Prenez un bâtiment efficace, tout béton - béton local ou «écologique» si vous avez ça sous la main - implanté et orienté selon un critère exclusivement
spéculatif, généreux en pont thermiques, salement isolé et fini par des produits mal-sains. Une belle bête. Dans le cas où vous auriez oublié votre
appartenance à la biodiversité en péril, pas de problème! Nous vous avons concocté une petite liste - non exhaustive et en toute mauvaise foi – de
solutions pour vous racheter une conscience écologique:

- Notre concept préféré?L’arbre et son inépuisable punch-line «habiter un jardin». Plantez un arbre, des arbres, devant vôtre bâtiment, pour le cacher
si vous n’assumez pas, en toiture, en façade, voir même partout, si vraiment vous êtes en roue libre et avez une empreinte carbone à vous reprocher!
Ensuite, une fois l’abre dans son pot, au 7ème étage vue imprenable, parlez de jardin, voir d’écosystème, de biotope, de dialogue avec la nature. Payez
un bon perspectiviste, le tour est joué! C’est à croire que, en voyant les images de reconstruction de vous-savez-quelle-dame, il y a une course au
meilleur placement d’arbre dans les projets contemporains!

- Solution tendance, la collection de re-vêtements bio-sourcés. Envie d’écriture architecturale? Optez pour la pierre agrafée : sa fine pellicule vous
permettra d’affirmer un socle massif et d’assurer une intégration parfaite! Autre roue de secours à la mode, le bardage bois : ils vous lavera de tout
soupçon à propos des crimes écologistes de votre bâtiment subtilement habillé. Si vous avez du mal a accepter le «coté vivant» du bois et son
vieillissement naturel, surtout, n’hésitez pas à faire appel aux nombreuses et réalistes imitation composites ou pvc style «chêne wengé». Bluff garanti!
Attention cependant aux maux de conscience…

- Pour en mettre plein les yeux, adoptez la couleur verte, autre égérie écologique. Référence subtile à la nature. A appliquer sur n’importe quel
matériau, et, si l’envie vous en prends, à associer avec un graphisme végétal de type bambou.

- Ultime stratégie, l’appellation. Les mots en place des actes, le degrés zéro de l’écologie. L’expérience a déjà été tenté pour embellir les réalités
urbanistique et architecturale de nombreux grands ensembles (les rosiers, les lilas, les tilleuls, etc.), à vous d’en juger le résultat. Plutôt déconseillé par
notre équipe.

Cachées dernière ces artefacts subtilement décriés ici, ces architectures sont de véritables pastiches écologiques !
Elles présentent cependant l’intérêt, de par leur vocabulaire et leurs images symboliques, d’accompagner l’émergence d’un paradigme écologique de
plus en plus approprié par une majorité culturelle2. Nos récits individuels d’aspiration au bonheur et de «réussite sociale» sont-ils finalement
compatibles avec les enjeux écologiques approuvés par tous ?
Il nous appartient donc, à nous, investisseurs, commanditaires, prescripteurs, concepteurs, constructeurs et usagers, d’exiger et de définir un cadre de
vie sincère, basé sur des «rapports soutenables entre nature, techné et société» 3.

1. thème de l’explosif HQE, Rudy Ricciotti (2016) – 2. belle expression de Philippe Madec, Oser – 3. définition convaincante de Chris Younès, la
ville-nature.

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