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Cths 18081
Cths 18081
DOI : 10.4000/books.cths.18081
Éditeur : Éditions du Comité des travaux historiques et scientifiques
Lieu d’édition : Paris
Année d’édition : 2023
Date de mise en ligne : 3 octobre 2023
Collection : Actes des congrès nationaux des sociétés historiques et scientifiques
EAN électronique : 9782735509577
http://books.openedition.org
Référence électronique
HERLEA, Alexandre. La muséologie scientifique et technique aux États-Unis dans les années 1970 et
son influence en France In : La muséologie scientifique et technique [en ligne]. Paris : Éditions du Comité
des travaux historiques et scientifiques, 2023 (généré le 05 octobre 2023). Disponible sur Internet :
<http://books.openedition.org/cths/18081>. ISBN : 9782735509577. DOI : https://doi.org/10.4000/
books.cths.18081.
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La muséologie scientifique et technique aux États-Unis dans les années 1970 e... 1
La muséologie scientifique et
technique aux États-Unis dans les
années 1970 et son influence en
France
Alexandre Herlea
© Mbzt, CC BY 3.0.
La nouvelle muséologie
9 La muséologie connait elle aussi, surtout après la Seconde Guerre mondiale, une
profonde remise en cause. Elle passe d’une approche axée sur la conservation et les
techniques de l’exposition, à une approche qui met l’accent sur l’explication et la
médiation. La nouvelle muséologie est axée sur l’homme, sur le visiteur et privilégie la
vocation sociale du musée et la dimension interdisciplinaire de celui-ci.
10 L’ICOM (the International Council of Museums), créé en 1946, joue un rôle important
dans ce processus d’évolution de la muséologie. Il regroupe tous les musées y compris
ceux des sciences et des techniques et développe, avec l’Unesco, les notions de
patrimoine et de communication2.
11 Au niveau des musées des sciences et des techniques, sont créés en France et en
Grande-Bretagne des nouveaux concepts, dont celui de « musée scientifique » (lancé en
1934 par André Léveillé et Jean Perrin), d’« écomusée » (lancé au début des années
cinquante par Georges-Henri Rivière3) et celui d’« archéologie industrielle » (lancé par
Michael Rix au milieu des années 1950 et largement diffusé par Kenneth Hutson en
19634). Ces concepts vont connaitre un véritable essor dans les années 1970 sur le plan
international notamment en France et aux États-Unis. Pour les écomusées, par
exemple, après la création en 1971 de L’écomusée du Creusot Montceau-les-Mines,
l’ICOM établira en 1981 une charte qui fixera les objectifs de ceux-ci5.
12 La Grande-Bretagne joue un rôle important non seulement au niveau de l’archéologie
industrielle, mais aussi pour la mise en place des institutions qui regroupent plusieurs
musées et sites d’archéologie industrielle, mouvement qui a abouti à la création, en
1968, du « Iron bridge Gorge Museum Trust » dans lequel est intégré, entre autres, le
« Coalbrookdale Museum of Iron » créé en 19596 (fig. 2). Cette approche est largement
utilisée aux États-Unis. Mentionnons aussi en Grande-Bretagne la création à l’université
de Leicester des « Museums studies », par Raymond Singleton, auteur du Manual of
Curatorship paru en 19667.
Fig. 3. – Muzeul tehnicii populare – ASTRA National Museum Complex, main entrance of the Open
air museum (Sibiu, Roumanie).
la France a été pionnière. Nous avons déjà mentionné à ce propos l’architecte Eugène
Emmanuel Viollet-le-Duc.
18 Sont créés également des « science museums » et « science centers » qui sont des
grands « laboratoires pédagogiques », à la disposition du public. À la fin des
années 1970, ces musées sont un maillon actif dans l’enseignement scolaire et
universitaire américain. Le Palais de la découverte à Paris, ouvert en 1937, d’après le
projet du peintre André Léveillé et de Jean Perrin, prix Nobel de Physique, fut le
premier « musée scientifique » moderne et servira de modèle aux musées américains
(fig. 4).
© V. Castro – EPPDCSI.
19 Après ces considérations à caractère général, je vais m’arrêter sur plusieurs musées
scientifiques et techniques des États-Unis, parmi les plus importants, que j’ai choisis,
non seulement pour leur importance mais aussi parce que je les ai visités moi-même
lors de l’année 1978-1979. Ils sont présentés regroupés dans les 3 catégories
mentionnées plus haut.
21 The Smithsonian Institution est le plus grand complexe muséologique au monde fondé
en 1846 avec les moyens financiers légués par James Smithson (1765-1829). C’est un
établissement fédéral indépendant destiné à la recherche scientifique et à l’éducation,
qui comprend plusieurs instituts de recherche et plusieurs musées de tous genres (arts,
sciences naturelles, histoire, technique)10. Les « Museum of History and Technology » et
« National Air & Space Museum », sont parmi les musées les plus représentatifs au
monde dans la catégorie des musées des sciences et des techniques. Le premier plonge
ses racines dans le bâtiment « Arts and Industries Building » de la « Smithsonian
Institution » construit en 1881 pour accueillir les collections de la première Exposition
universelle organisée aux États-Unis, à Philadelphie, en 1876, appelée « Centennial
Exposition », ayant lieu un siècle après l’indépendance11 (fig. 5).
© Geiserich77, CC BY 3.0.
26 The California Museum of Science and Industry à Los Angeles ouvre ses portes en 1951,
mais ses origines remontent à une foire agricole de 1877, devenue plus tard une foire
universelle. L’industrie privée, comme c’est le cas pour le musée de Chicago, est celle
qui produit et subventionne la plupart des expositions. La différence avec le musée de
Chicago réside dans le fait que le personnel technique du musée de Los Angeles, plus
nombreux, prend une part plus active dans la réalisation effective des expositions15.
© Shwalamazula, CC BY 3.0.
34 Des NASA Space Centers sont répandus sur tout le territoire des États-Unis : en Floride -
Kennedy Space Center et Space Shuttle Atlantis ; au Texas - Space Center Houston ; au
Maryland - Goddard Visitor Center ; en Virginie - Virginia Air & Space Center ; en Ohio -
Great Lakes Science Center ; en Alabama - Great Lakes Science Center. Plusieurs font
partie des complexes industriels de la NASA que le public peut découvrir lors de visites
organisées22.
• The Merrimack Valley Textile Museum (Lowell - Massachusetts)
35 The Merrimack Valley Textile Museum est le musée le plus important de l’industrie
textile aux États-Unis. C’est un musée privé, ouvert en 1960 à Lowell - Massachussetts,
dans la Merrimack Valley, importante région d’industrie textile du XIXe au début du
XXe siècle23.
Château de la Verrerie, vue d’ensemble du site en 1998, photographie D. Busseuil, cote 1640-3.
© Écomusée Creusot-Montceau – D. Busseuil.
48 Dans ce domaine, où la France était restée légèrement en retard par rapport à d’autres
pays d’Europe, notamment l’Angleterre et la Suède, c’est le professeur Maurice Daumas
qui reprend le flambeau29. Directeur du Centre de documentation d’Histoire des
Techniques (CDHT) du CNAM, après la publication sous sa direction de Études pour un
traitement automatique des sources en histoire des techniques, il a dirigé avec Jacques Payen,
dans la seconde partie des années 1970, plusieurs études portant sur l’archéologie
industrielle et a créé au CDHT, en 1976, le périodique L’Archéologie Industrielle en
France30. Il a joué un rôle important, à côté de plusieurs autres, dans la création du
Comité d’information et de liaison pour l’archéologie, l’étude et la mise en valeur du
patrimoine industriel (CILAC) fondé en 1979, et a publié, un an plus tard, le traité
L’Archéologie Industrielle en France31.
49 Son œuvre a été continuée par Louis Bergeron qui fut le président du International
Committee for the Conservation of the Industrial Heritage (TICCIH) de 1990 à 2000,
œuvrant pour l’organisation et la reconnaissance académique de l’archéologie et du
patrimoine industriels au niveau mondial. Il accorde une importance toute particulière
au développement de ces sujets aux États-Unis et publie Le patrimoine industriel des États-
Unis (avec Maria Teresa Maiullari-Pontois) 32. Notons que les États-Unis étaient eux
aussi, à la fin des années 1970, en retard dans le domaine de l’archéologie industrielle.
50 En 1978 est également créé à Paris le Centre de Recherche sur la Culture Technique
(CRCT) conduit par Jocelyn de Noblet. Il s’implique dans la réalisation du musée
Electropolis à Mulhouse, le plus important musée de l’histoire de l’électricité en
Europe, ouvert en 1992. D’ailleurs Mulhouse est la capitale européenne des musées
scientifiques, techniques et industriels : cité du train, cité de l’automobile (collection
Schlumpf), musée de l’impression sur l’étoffe.
51 En 1979 est créé le premier Centre de culture scientifique technique et industriel
(CCSTI) à Grenoble. À la même date commence la réflexion, conduite par Maurice Lévy
et Goéry Delacôte, sur la création à Paris de la Cité des sciences et de l’industrie de La
Villette ouverte en 1986, où Joël de Rosnay joue un rôle de premier plan (fig. 10).
Comme nous évoquons les rapports entre la muséologie scientifique et technique en
© S. Sonnet – EPPDCSI.
52 Le rôle de Pierre Lissarrague pour le musée de l’Air et de l’Espace, doit être également
souligné33. Rappelons aussi qu’en France, en 1982, est créée par Hubert Curien
l’Association des Musées et Centres pour le Développement de la Culture Scientifique,
Technique et industrielle (AMCSTI) qui œuvre en faveur de la reconnaissance et du
développement de la culture scientifique, technique et industrielle.
BIBLIOGRAPHIE
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HERLEA Alexandre, Histoire des techniques et patrimoine industriel, Institut du Patrimoine, Paris,
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LEVAILLANT Françoise, La muséologie selon Georges Henri Rivière, Paris, Dunod, 1989, 402 p., Revue de
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MOLELLA Arthur, « The Museum that Might Have Been », Technology and Culture, vol. 32, no 2, Part 1
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POULARD Frédéric, Les écomusées. Participation des habitants et prise en compte des publics, éd.
numérique, Ethnologie française, 2007/3, vol. 37, p. 551-557.
[URL : https://www.cairn.info/revue-ethnologie-francaise-2007-3-page-551.htm]
RIX Michel, Industrial archaeology, Ed. Historical Association, General series, no 65, 1967, 28 p.
ANNEXES
Références comprenant une riche illustration
https://en.wikipedia.org/wiki/Centennial Exposition
https://en.wikipedia.org/wiki/Smithsonian Institution
https://en.wikipedia.org/wiki/National Museum of American History
https://en.wikipedia.org/wiki/National Air and Space Museum
https://en.wikipedia.org/wiki/Museum of Science and Industry (Chicago)
https://en.wikipedia.org/wiki/California Science Center
https://en.wikipedia.org/wiki/Western Reserve Historical Society
https://en.wikipedia.org/wiki/Hagley Museum and Library
https://en.wikipedia.org/wiki/Franklin Institute
https://en.wikipedia.org/wiki/Lawrence Hall of Science
https://en.wikipedia.org/wiki/American Textile History Museum
https://fr.wikipedia.org/wiki/George Eastman House
https://en.wikipedia.org/wiki/American Museum of Science and Energy
https://www.visitnasa.com/nasa visitor centers
https://fr.wikipedia.org/wiki/The Henry Ford
https://en.wikipedia.org/wiki/Old Sturbridge Village
https://en.wikipedia.org/wiki/Williamsburg, Virginia
NOTES
1. É. Bonnefous, Le Conservatoire national des arts et métiers. Son histoire, son musée.
2. P. J. Boylan, The museum profession: definition and functions.
3. F. Levaillant, La muséologie selon Georges Henri Rivière.
4. M. Rix, Industrial archaeology.
5. F. Poulard, Les écomusées. Participation des habitants et prise en compte des publics, p. 551.
6. N. Cossons, Ironbridge: Landscape of Industry.
7. S. Butler, Science and technology museums, p. 53 et 112.
8. D.F. Cameron, The Museum, a Temple or the Forum.
9. A. Herlea, La muséologie technique aux États-Unis, p. 4.
10. A. Herlea, La muséologie technique aux États-Unis, p. 14-16.
11. L.P. Gross, T.R. Snyder, Philadelphia’s 1876 Centennial Exhibition.
12. A. Molella, The Museum that Might Have Been : [URL https://en.wikipedia.org/wiki/
National Museum of American History].
13. A. Herlea, La muséologie technique aux États-Unis, p. 20-22, Official Guide to the
National Air and Space Museum.
14. Idem, p. 41-42.
15. Idem, p. 43-44.
16. Idem, p. 26.
17. Idem, p. 25.
18. Idem, p. 45-46.
19. https://fr.wikipedia.org/wiki/George Eastman House
20. X-10 Graphite Reactor National Historic Landmark, Y-12 National Security Complex.
21. https://en.wikipedia.org/wiki/American Museum of Science and Energy
22. http://visitnasa.com/
23. A. Herlea, La muséologie technique aux États-Unis, p. 24.
24. Idem, p. 30-31.
25. Idem, p. 27-29.
26. Idem, p. 33-35.
27. Idem, p. 46.
28. P. Corrias, T. Le Foll, M. Moëllo, L’Écomusée Creusot Montceau : métaphore d’un modèle
exemplaire.
29. A. Herlea, Memorial Maurice Daumas (1910-1984) ; Tribute to Maurice Daumas and Petre
Sergescu.
30. M. Daumas, J. Payen, Les bâtiments à usage industriel aux XVIIIe et XIXe siècles en France.
J. Payen, « À propos de l’archéologie industrielle ».
31. D. Ferriot, « 30 ans de patrimoine industriel en France ». M. Daumas, L’archéologie
industrielle en France.
32. L. Bergeron & M.-T. Maiullari-Pontois, Le patrimoine industriel des États-Unis.
33. A. Herlea, Technical museology in France ; Histoire des techniques et patrimoine industriel.
RÉSUMÉS
Après une introduction sur la définition, le contenu et l’histoire de la muséologie scientifique et
technique, notre article se penche sur la muséologie scientifique et technique aux États-Unis à la
fin des années 1970. Durant cette période, il y a une forte accélération des évolutions de la
muséologie scientifique et technique, aussi bien aux États-Unis qu’en France, et dans ce dernier
pays on suit avec beaucoup d’attention et d’intérêt ce qui se passe outre-Atlantique. On souligne
que la France n’a pas été seulement un pionnier dans le domaine, mais après la Seconde Guerre
mondiale, elle a continué de jouer un rôle tout aussi riche et important que celui des États-Unis.
AUTEUR
ALEXANDRE HERLEA
Professeur émérite des universités, membre émérite du Comité des travaux historiques et
scientifiques (CTHS), membre effectif de l’Académie internationale d’histoire des sciences (AIHS),
membre du conseil scientifique du Centre international de formation européenne (CIFE)