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Fusion-défusion (Extrait de: Russ Harris.

« Le piège
du bonheur - Créez la vie que vous voulez. ») Livres.
Nous réagissons trop souvent à nos pensées comme s’il s’agissait de la vérité
absolue, ou comme s’il fallait leur accorder toute notre attention. Dans le jargon
psychologique, cette réaction s’appelle «fusion».

Dans la thérapie ACT, nous utilisons le terme «fusion» pour signifier qu’une
pensée et la notion ou l’objet auquel elle se rapporte – l’histoire et l’événement –
deviennent fusionnés au point de ne faire qu’un.

Nous réagissons à des mots comme «je ne vaux rien» comme s’ils étaient une
vérité indéniable; et nous réagissons à des mots comme «je me dirige encore
tout droit vers l’échec» comme s’il s’agissait d’une conclusion entendue
d’avance.

Dans un état de fusion:


• les pensées sont la réalité – ce que nous pensons est réellement en train
de se produire ici et maintenant;
• les pensées représentent la vérité – nous les croyons dur comme fer;
• les pensées sont importantes – nous les prenons au sérieux et leur
accordons toute notre attention;
• les pensées sont des ordres – nous leur obéissons automatiquement;
• les pensées sont empreintes de sagesse – nous présumons qu’elles sont la
meilleure source de savoir et nous nous y conformons;
• les pensées sont menaçantes – certaines pensées peuvent être très
déstabilisantes ou effrayantes, et nous ressentons le besoin de les chasser
de notre esprit.

Pour commencer l’exercice, évoquez mentalement une pensée dérangeante, par


exemple: «Je suis comme ceci ou cela…», «Je suis nul» ou «Je suis un
incompétent». Choisissez de préférence une pensée récurrente qui vous embête
ou vous perturbe réellement. Concentrez-vous sur cette pensée et croyez-y aussi
fort que vous le pouvez pendant 10 secondes.

Insérez maintenant le syntagme suivant: «Je suis en train de penser que…»


devant cette pensée et dites-vous: «Je suis en train de penser que je suis comme
ceci ou cela.» Observez ce qui se produit.
•••••
Reprenez le même exercice en rajoutant un syntagme légèrement plus long: «Je
remarque que je suis en train de penser que je suis comme ceci ou cela.»
Observez ce qui se produit.
•••••
Avez-vous fait l’exercice? N’oubliez pas qu’on ne peut pas apprendre à rouler en
vélo en lisant des instructions; il faut enfourcher un vrai vélo et pédaler. Vous ne
retirerez pas grand-chose de ce livre si vous ne faites que lire les exercices. Pour
changer la façon dont vous composez avec vos pensées douloureuses, vous devez
vous équiper de nouvelles compétences. Donc, si vous n’avez pas fait l’exercice,
retournez-y dès maintenant et faites-le, s’il vous plaît.
•••••
Que s’est-il passé? Vous avez probablement découvert que l’ajout de ces
syntagmes crée immédiatement une distance entre vous et cette pensée, comme
si vous «aviez pris du recul». (Si vous n’avez noté aucune différence,
recommencez avec une autre pensée.)

Vous pouvez appliquer cette technique à n’importe quelle pensée désagréable.


Par exemple, si votre esprit vous dit: «La vie te suce jusqu’à la moelle…»,
reconnaissez simplement ceci: «Je suis en train de penser que la vie me suce
jusqu’à la moelle…» Si votre esprit vous dit que vous allez échouer, dites-vous
que vous êtes en train de penser que vous échouerez. En utilisant ce syntagme,
vous êtes moins susceptible de vous laisser bousculer ou abattre par vos pensées.
Au contraire, vous pouvez prendre du recul et les voir pour ce qu’elles sont: rien
d’autres que des mots qui vous traversent l’esprit. Ce processus s’appelle la
«défusion». En état de fusion, les pensées semblent être la vérité absolue et
d’une importance capitale.

En état de défusion, nous reconnaissons que:


• les pensées ne sont que des sons, des mots, des histoires et des fragments
de langage;
• les pensées ne sont pas nécessairement vraies; il ne faut pas les croire
automatiquement;
• les pensées ne sont pas nécessairement importantes; on ne doit faire
attention qu’à celles qui sont utiles;
• les pensées ne sont certainement pas des ordres; on n’est nullement
obligé de on n’est nullement obligé de leur obéir;
• les pensées ne constituent jamais une menace; même les pensées les plus
douloureuses et les plus bouleversantes ne sont pas menaçantes.
La thérapie ACT propose différentes techniques pour faciliter la défusion.
Certaines pourront vous sembler farfelues au début, mais considérez-les comme
les petites roues stabilisatrices d’une bicyclette: une fois qu’on sait faire du vélo,
on n’en a plus besoin. Je vous conseille donc de faire l’essai de chacune des
techniques présentées dans les pages qui suivent et de retenir celle qui vous
convient le mieux. N’oubliez pas que le but de la défusion n’est pas de se
débarrasser d’une pensée, mais simplement de la voir pour ce qu’elle est – une
suite de mots – et de la laisser exister sans la combattre.
La technique suivante fait appel à vos talents musicaux. Ne craignez rien, vous
serez le seul à vous entendre.

PENSÉES MUSICALES

Pensez à un jugement négatif que vous portez sur vous-même, comme: «Je suis
tellement idiot!» Concentrez-vous sur cette pensée et croyez-y aussi fort que
vous le pouvez pendant dix secondes. Observez votre réaction.

Imaginez maintenant que vous chantez cette même pensée sur l’air de Bon
anniversaire. Chantez-la silencieusement dans votre tête. Observez ce qui se
produit.
•••••
Maintenant, revenez à sa forme originale. Concentrez-vous à nouveau sur cette
pensée et croyez-y aussi fort que vous le pouvez pendant dix secondes.
•••••
Imaginez maintenant que vous chantez cette pensée sur l’air de Vive le vent
(Jingle Bells). Chantez-la silencieusement dans votre tête. Observez ce qui se
produit.
•••••
Après avoir fait cet exercice, vous avez sans doute découvert que vous prenez
cette pensée moins au sérieux; vous n’y croyez plus autant qu’avant. Remarquez
que vous n’avez pas combattu cette pensée, vous n’avez pas tenté de la chasser,
d’en déterminer la véracité ou de la remplacer par une pensée positive. Alors,
que s’est-il passé? Vous avez opéré une «défusion». En mettant cette pensée en
musique, vous vous êtes rendu compte qu’il ne s’agissait que d’une suite de
mots, comme les paroles d’une chanson. »

L’esprit est un grand raconteur d’histoires

L’esprit adore raconter des histoires; en fait, il n’arrête jamais. Toute la journée,
tous les jours, il vous raconte des histoires sur ce que vous devriez faire de votre
vie, sur les opinions des autres à votre sujet, sur votre avenir, sur vos erreurs
passées et ainsi de suite. Il est comme une chaîne de radio qui diffuse sans
interruption 24 heures sur 24.

Malheureusement, un grand nombre de ces histoires sont très négatives – des


histoires qui vous dévalorisent («Nul, incapable, gros, raté, mal aimé…») et vous
convainquent que vous ne serez jamais heureux.

Cela n’a rien d’anormal. L’évolution de l’esprit humain favorise l’apparition de ces
pensées négatives. Des études montrent que 80 pour cent de nos pensées sont
en partie négatives. On sait pourtant que les gens qui prennent ces histoires pour
la vérité absolue finissent généralement par souffrir d’anxiété, de dépression,
d’une faible estime de soi ou d’insécurité ou à éprouver de la colère et des
doutes.

La plupart des approches psychologiques considèrent que ces histoires négatives


posent un réel problème et qu’il faut déployer d’énormes efforts pour les
éliminer. « En fait, ces approches nous conseillent de réécrire notre histoire pour
la rendre plus positive, de nous en débarrasser en en inventant une meilleure, de
nous en distraire, de la repousser, ou même d’en débattre pour déterminer si elle
a un fond de vérité. »

Si vous connaissez ce genre de méthodes, vous savez qu’elles ne nous


permettent pas de faire disparaître nos pensées négatives. La thérapie ACT
préconise une approche différente dans laquelle les histoires négatives ne
constituent pas un problème en soi; elles ne le deviennent que lorsque nous
«fusionnons» avec nos pensées, lorsque nous y réagissons comme s’il s’agissait
de la vérité et lorsque nous en devenons obsédés.

Quand on lit dans la presse à potins des histoires sur les vedettes de cinéma, on
sait que la plupart sont fausses ou tendancieuses. Certaines sont exagérées pour
faire de l’effet, tandis que d’autres sont inventées de toutes pièces. Certaines
vedettes s’en accommodent, n’y voyant que la rançon de la gloire, et y accordent
peu d’attention. Elles font fi des histoires ridicules écrites à leur sujet. Bref, elles
ne perdent pas leur temps à les lire et à les analyser! En revanche, d’autres
vedettes sont obsédées par tout ce qu’on écrit sur elles. Elles épluchent tout en
détail et ruminent, fulminent, se plaignent et vont même jusqu’à entamer des
poursuites (qui sont très stressantes et demandent beaucoup de temps,
d’énergie et d’argent).
La défusion nous permet d’être comme le premier groupe de vedettes; les
histoires existent, mais nous ne les prenons pas au sérieux. Nous ne leur
accordons pas beaucoup d’attention et nous ne perdons ni temps ni énergie à les
combattre. La thérapie ACT ne vise pas à vous enseigner à éviter vos «histoires»
ou à les faire disparaître. Nous connaissons trop bien l’inefficacité de cette
méthode. Elle vous enseigne à les reconnaître pour ce qu’elles sont: des histoires.

DONNEZ UN TITRE À VOS HISTOIRES

Donnez un nom aux histoires préférées de votre esprit, comme l’«histoire de la


vie merdique», l’«histoire du raté» ou l’«histoire de l’incapable». Il y aura souvent
plusieurs variations sur le même thème. Par exemple, sous le thème que
personne ne vous aime, il y a les versions «je suis ennuyeux» et «je suis gros», ou
«je suis inadéquat» et «je suis stupide». Lorsque vos histoires surgissent,
identifiez-les par leur nom. Vous pouvez par exemple vous dire: «Ah oui! je
reconnais cette bonne vieille histoire du raté. Tiens, revoilà celle du
découragement total!». Une fois que vous avez reconnu l’histoire en question,
laissez-la simplement exister. Vous n’avez pas besoin de vous rebeller contre elle,
de la chasser ou de lui accorder beaucoup d’attention. Laissez-la simplement aller
et venir sans intervenir pendant que vous consacrez votre énergie à une activité
qui vous tient à cœur.

Michelle, que nous avons rencontrée précédemment, a mis le doigt sur ses deux
histoires principales: l’histoire «je ne vaux rien» et l’histoire «on ne peut
m’aimer». « La seule évocation du nom de ses pensées a permis à Michelle de
s’en distancier. Mais la méthode préférée de Michelle est la technique des
pensées musicales. Chaque fois qu’elle se sent coincée dans l’histoire «je suis
pitoyable», elle met les mots en musique et voit leur pouvoir s’évanouir. Elle ne
se limite pas à l’air de Bon anniversaire. Elle a fait l’essai de nombreuses
mélodies, de Beethoven aux Beatles. Après avoir pratiqué cette technique
pendant une semaine, elle a remarqué qu’elle prenait ces pensées moins au
sérieux (même sans musique). Elles n’avaient pas disparu, mais elles la
perturbaient beaucoup moins.

Vous vous posez sans doute toutes sortes de questions. Soyez patient. Dans les
chapitres qui suivent, nous allons examiner la défusion plus en détail et traiterons
de son utilisation avec les images mentales. Entre-temps, pratiquez les trois
techniques déjà décrites: «Je suis en train de penser que…», «Pensées musicales»
et «Donnez un titre à vos histoires».
Si l’une des techniques ne vous plaît pas, vous n’êtes pas forcé de l’utiliser. Et s’il
y en a une qui vous plaît particulièrement, adoptez-la. Utilisez ces techniques
régulièrement pour désamorcer vos pensées perturbantes; au début, vous
pouvez les utiliser jusqu’à 10 fois par jour. Chaque fois que vous vous sentez
stressé, anxieux ou déprimé, demandez-vous: «Quelle histoire mon esprit est-il
en train de me raconter maintenant?» Une fois l’histoire identifiée, il s’agit
d’opérer une défusion.

À ce stade-ci, il est très important de modérer vos attentes. À certains moments,


la défusion vient facilement; à d’autres, elle ne vient pas du tout. Expérimentez
ces différentes méthodes et observez ce qui se produit – mais ne vous attendez
pas à une transformation instantanée.

Si tout cela vous semble trop difficile, reconnaissez simplement: «Je suis en train
de penser que c’est trop difficile.» C’est correct d’avoir la pensée «c’est trop
difficile», ou «c’est stupide», ou «c’est irréalisable». Ce ne sont que des pensées,
voyez-les pour ce qu’elles sont et ne vous y attardez pas davantage.
«Tout cela est bien beau, vous dites-vous, mais, et si ces pensées étaient vraies?»
Bonne question!

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