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29 décembre 2023
L’actualité française se concentre sur ce qui frappe ses yeux, pas sur ce qui est important.
Les médias de tous bords nous rebattent les oreilles et déversent des images sanglantes sur le terrorisme qui frappe la France et l’état
d’Israël, ainsi que sur un nombre limité de guerres comme celle de l’Otan en Ukraine et celle d’Israël à Gaza. On observe même dans
les grands médias et chez les GAFAM une intolérance épidermique aux opinions différentes de celles du locataire de l’Élysée.
Tout cela est superficiel. Le fond des choses n’est pas évoqué, ou très rarement. Pourtant rien n’arrive par hasard, et le déclin
occidental, très visible aujourd’hui, a pour cause principale la déchristianisation, autrement dit la perte de la foi en Dieu ; l’ordre social
chrétien, qu’on appelait la Chrétienté, a été combattu en Occident, qui subit donc un désordre social barbare de grande ampleur. Mais
contrairement à ce que racontent de nombreux (faux) prophètes soi-disant chrétiens, l’avenir appartient au Christianisme victorieux et
nous n’en sommes pas à la fin du monde.
L’erreur pré-millénariste
Les prémillénaristes prétendent que les Chrétiens échoueront à évangéliser le monde qui sera inéluctablement de pire en pire, et
qu’ils seront vaincus lors d’une grande Tribulation, suivie de la seconde venue de Jésus-Christ qui instaurera 1000 années de paix (le
Royaume de Dieu sur terre, le Millénium) pour tous, puis que Satan sera définitivement vaincu à l'issue d'une bataille finale de courte
durée. Certains prévoient aussi l’enlèvement de l’église vers le Ciel, mais ne sont pas tous d’accord sur son placement dans le temps.
C’est une forme moderne de l’hérésie chiliaste de Cérinthe (50-100). L’église primitive rejeta rapidement le pré-millénarisme, mais il
est réapparu lors du 19ème siècle, et a remplacé chez beaucoup la victoire du Christianisme par la prédication de la défaite du Christ
et de la victoire du paganisme, apparentes dans la révolution française. Mais c’était une erreur d’analyse : la révolution a été une
bataille perdue, à cause de la corruption des Chrétiens, et pas la perte de la guerre pour cause de défaillance intrinsèque du
Christianisme.
Manuel Lacunza, (1731-1801), jésuite chilien ermite, écrivit en 1790 les 3 volumes de « L’avènement du Messie dans sa gloire et sa
majesté » en Espagnol. Il y développa une eschatologie pré-millénariste sur la base d’une interprétation peu sérieuse de l’Apocalypse.
Pour lui l’église devait échouer et être remplacée par une nation juive restaurée qui deviendrait la véritable église de Dieu, le centre du
monde, la source d’une activité missionnaire mondiale.
Son manuscrit fut publié à Cadix vers 1810 sous le pseudonyme de Juan Josafat Ben-Ezra. D’autres éditions suivirent de 1812 à
1826. En 1819 l’Inquisition espagnole ordonna le retrait de l’ouvrage et en 1824 le pape Léon XII le mit à l’index des livres interdits.
Mais il fut traduit par le révérend Edward Irving (1792-1834) qui le publia en Anglais en 1827. Ce fut un succès pour les Jésuites, en
ce qu’ils cherchaient à contrer l’identification de l’anti-christ avec la papauté actuelle, que faisait auparavant la réforme. Cette
eschatologie pré-millénariste fut copiée par John Nelson Darby (1800-1882) quasiment telle-quelle ; elle était en rupture totale avec
l’eschatologie reconnue à l’époque et influença très fortement tout le monde protestant occidental.
Les églises touchées par cette théologie défaitiste (promue par Darby, Moody, etc.) se prétendirent « fondamentalistes » et se
retirèrent de toute action sociale, politique, économique, scientifique, artistique, culturelle, etc., et, croyant à l’échec inéluctable des
églises, virent l’avenir dans le peuple juif et promurent le sionisme ; les anti-chrétiens avaient ainsi le champ libre pour mettre en
œuvre de grandes iniquités.
Il y a actuellement plusieurs variations concurrentes de cette eschatologie pré-millénariste2, mais elles dérivent presque toutes de
Darby qui avait repris à son compte le système de Lacunza. Il a propagé un système d’interprétation de l’histoire du monde (qui figure
dans les commentaires de la bible Scofield) basé sur 7 « dispensations » ; ces dernières constituent des périodes temporelles,
marquant une relation particulière entre Dieu et les hommes :
• le temps de l’innocence (Éden),
• le temps de la conscience (jusqu’au Déluge),
• le temps du gouvernement humain (jusqu’à Babel),
• le temps de la promesse (Abraham),
• le temps de la Loi (avec Moïse),
• le temps de la Grâce (temps de l’Église),
• le Royaume ou millenium (règne terrestre de 1000 ans du Messie avant le jugement dernier).
Pour Darby, toutes les dispensations ont été des échecs, et le temps de l’église est quasiment fini, cette dernière devant être
remplacée par le peuple d’Israël pour la dernière dispensation !
Darby n’a jamais été rigoureux en matière d’étude biblique, et son interprétation de Matthieu 24 et de l’Apocalyse est futuriste, alors
que ce qui est annoncé dans ces textes est déjà en très grande partie réalisé (la chute de Jérusalem en 70, comme le comprennent
tous les théologiens sérieux et comme le confirme l’historien de cette époque Josèphe).
Darby nie ainsi la victoire et le règne actuel du Christ, pourtant obtenus par la croix et la résurrection : « Jésus, s'étant approché, leur
parla ainsi: Tout pouvoir m'a été donné dans le ciel et sur la terre. Allez, faites de toutes les nations des disciples, les baptisant au nom
du Père, du Fils et du Saint Esprit, et enseignez-leur à observer tout ce que je vous ai prescrit. Et voici, je suis avec vous tous les
jours, jusqu'à la fin du monde. » (Matt. 28:18-20).
En contradiction avec ce commandement, une eschatologie pré-millénariste conduit les Chrétiens à se désengager de toute action
positive sur le monde, selon le sophisme piétiste : « On ne polit pas les cuivres sur un navire qui coule » ; cela agit comme une
prophétie auto-réalisatrice, car les places d’influence et de pouvoir sont alors prises par les païens.
On trouve dans cette mouvance moult faux prophètes qui ont annoncé le retour de Jésus à des dates précises (Gary DeMar en cite
les plus notables contemporains comme Hal Lindsey, Edgar Whisenant, Charles Taylor, qui se sont ridiculisés en annonçant le retour
de Christ en 1988, 89, 92, 94, etc.) Le pré-millénarisme fait maintenant profil bas ; il a été détruit sur le plan de l’étude par de
nombreux ouvrages auxquels il n’a pas su répondre.
Bibliographie :
J. Gresham Machen (1881-1937), Christianity and Liberalism, 1923
Oswald Thompson Allis (1880-1973), Prophecy and the Church, 1945
R.J. Rushdoony (1916-2001), Institutes of Biblical Law (3 volumes), 1973, 1982, 1999
David Chilton (1951-1997), The Days of Vengeance – An exposition of the book of Revelation, 1987
Gary North (1946-2022), Rapture FEVER - Why Dispensationalism Is Paralyzed, 1993
Gary North (1946-2022), Crossed fingers: how the liberals captured the Presbyterian Church, 1996
R.J. Rushdoony, God’s plan for victory – The meaning of postmillenialism, 1997
Ovid E. Need, Jr – Death of the Church Victorious – Tracing the roots and implications of modern dispensationalism, 2004
Marvin Olasky & John Perry, Monkey business – The true story of the Scopes trial, 2005
Vishal Mangalwadi, Truth and Transformation: A Manifesto for Ailing Nations, 2009
Gary DeMar, Last Days Madness - Obsession of the Modern Church, 2019
Notes :
1. Il ne faut cependant pas confondre l’antinomisme avec l’abandon de certaines lois cérémonielles qui n’avaient de sens que dans l’ancienne alliance
(terminée en 70 après J.-C.), principalement celles relatives à la circoncision ou aux sacrifices animaux.
2. Nous n’avons pas ici la place de décrire les différentes nuances du pré-millénarisme. On pourra trouver ces détails dans les ouvrages cités dans la
bibliographie.
3. Le procès Tennessee v. Scopes. Scopes, du camp libéral, était accusé d’avoir enseigné l’évolution darwinienne en école publique. Il perdit face au camp
chrétien en 1925. Ce qui a retardé l’enseignement public de cette théorie jusqu’en 1960. Néanmoins ce procès fut une défaite médiatique et déclencha
une énorme désinformation, d’autant que le leader chrétien de l’époque qui soutenait l’accusation (Bryan), mourut 5 jours après le procès. Le seul leader
restant au camp chrétien était Machen, qui mourut en 1937.
4. Il y a des précédents historiques de défaites chrétiennes, dues en général à des hérésies qui ont ouvert la porte à la conquête islamique : l’Afrique du
Nord, le Moyen-Orient, la Turquie, etc.