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2015-2016

UE 117 - MANAGEMENT
Examen d’essai : semaine du lundi 18 janvier au samedi 23 janvier 2016

Durée de l’épreuve : 4 heures

Le corrigé comporte : 5 pages

Barème :

Étude de cas : Samsung/Apple 14 points


Question de réflexion : 6 points

CORRIGÉ
__________________________________________________________________________________________

I. Étude de cas : Samsung/Apple (14 points)

1. Quels sont selon vous les enjeux en termes de RSE des producteurs de téléphones portables ?
(2 points)

On rappellera que la RSE signifie la responsabilité sociale de l’entreprise. Elle consiste pour
l’entreprise à prendre en compte les intérêts de l’ensemble de ses parties prenantes (salariés,
fournisseurs, clients, société civile, Etat) en plus de celui de ses actionnaires.
Dans le cas de téléphonie mobile, l’un des enjeux actuels est le respect du droit des salariés des
pays fournisseurs de matière première comme le nickel souvent exploité dans des mines
inhumaines. Par ailleurs, le client doit être informé et protégé, notamment au sujet de l’émission
d’ondes nocives par les appareils.

2. Après avoir rappelé les sources du pouvoir (et notamment celles énoncées par Max Weber)
vous analyserez la situation de Steve Jobs au sein d’Apple puis celle de son successeur (3
points).

Le sociologue allemand Max Weber estime que tout pouvoir a besoin d’être justifié. La légitimité
sur laquelle repose le pouvoir n’est en réalité qu’une croyance sociale qui le valide. Weber
identifie alors trois formes de légitimité typiques :

• la légitimité traditionnelle qui s’appuie sur le respect et le caractère sacré de la tradition ; elle
fonde le pouvoir du seigneur dans la société féodale par exemple. Lorsqu’un responsable
d’entreprise propose son fils pour lui succéder, la référence à l’héritage et à la tradition est
implicite ;

1
• la légitimité charismatique se justifie par le caractère quasi sacré d’une personnalité dotée
d’une aura exceptionnelle ; l’histoire est riche de ces leaders charismatiques qui ont souvent
commencé par s’emparer du pouvoir avant de le légitimer formellement. Il s’agit d’un
pouvoir « issu des personnes » et qui est lié aux facteurs émotionnels que leur personnalité,
leur force de conviction, leur aptitude à rassembler et à mobiliser sont capables de susciter.

• la légitimité rationnelle-légale, quant à elle, s’appuie sur le pouvoir d’un droit abstrait et
impersonnel ; c’est un pouvoir issu de la fonction et non de la personne. On entre ici dans le
domaine des règles explicites mises en place pour assurer le fonctionnement des
organisations.

On pourrait ajouter une quatrième source de légitimité non répertoriée par Weber parce qu’il la
supposait implicite dans le schéma rationnel légal : la légitimité issue de l’expertise. Les membres
de l’organisation reconnaissent les compétences de leur leader, qu’elles soient techniques,
relationnelles ou autres, à condition qu’elles soient considérées comme essentielles pour
l’entreprise.

Steve Jobs est le fondateur mythique de l’entreprise. Deux types de légitimité peuvent lui être
rattachés :

- Charismatique : « Quelle sera la vie d’Apple après la mort de Steve Jobs ? Le patron
charismatique avait tellement fait corps avec l’entreprise qu’il avait cofondé en 1976 que sa
disparition pose la question de l’avenir de la marque à la pomme. » (doc. 1)

- Par les compétences : l’histoire de l’entreprise montre que ses succès sont liés de très près à
Steve Jobs qui démontre une vision en matière de création et de stratégie. Notamment en 1997
son retour signe la résurrection de la marque.

Tim Cook est le successeur de Steve Jobs. Le passage qui lui est consacré dans l’article du Monde
du 8 octobre 2011 montre que la légitimité de ce nouveau patron est plus complexe.

« M. Jobs laisse une équipe soudée sous la houlette de Tim Cook, ex-numéro deux, nommé
directeur général le 24 août. C’est lui l’artisan du redressement financier d’Apple, au bord du
gouffre au milieu des années 1990. Considéré comme aussi perfectionniste que M. Jobs, il a
contribué à transformer les intuitions fulgurantes de son mentor en espèces sonantes et
trébuchantes. » Ici la dimension compétence parait essentielle. En second lieu, M. Cook semble
tirer son pouvoir d’une légitimité de type traditionnelle puisqu’il avait été adoubé par Steve Jobs
et lui avait succédé dès août 2011 comme cela est indiqué également dans le document 4. Son titre
de DG lui confère peut être également une légitimité de type rationnel-légal.

3. Quels sont la finalité, le ou les métiers et les domaines d’activité stratégique d’Apple ? (3
points)

La finalité de l’entreprise est sa raison d’être. La finalité répond à la question suivante « pourquoi
l’entreprise existe-t-elle ? ». La finalité d’Apple pourrait être par exemple énoncée comme suit :
maximiser le profit de ses actionnaires en satisfaisant les besoins en produits technologiques
intégrant des préoccupations esthétiques et fonctionnelles. On le voit, les contours de la notion de
finalité sont parfois flous et confondus avec ceux de la mission.

Le métier d’une entreprise se définit comme l’ensemble des savoir-faire et des compétences
distinctives utilisées par l’entreprise afin de proposer des produits créateurs de valeurs. Là encore,
confronté au cas d’Apple, la difficulté de définir un ou plusieurs métiers apparait. Nous
choisissons de retenir deux métiers : l’électronique grand public et l’informatique. Le document 3
2
nous montre que l’informatique était le premier et longtemps le seul métier de cette multinationale
américaine. Au tournant des années 2000, l’entreprise a choisi de se diversifier dans un second
métier (qui pourrait quasiment être considéré comme un domaine d’activité stratégique avec les
évolutions techniques actuelles).

Au sein de chacun de ces métiers, il est enfin possible de segmenter l’activité en domaines
d’activité stratégique (ou DAS). C’est une sous-partie de l’entreprise qui correspond à une
combinaison spécifique de facteurs clés de succès gérant ses ressources de manière indépendante.
Le DAS est également appelé « Strategic Business Unit » ou « pôle stratégique ». Au sein du
métier électronique grand public, nous distinguerons pour Apple les DAS musique et téléphonie.
Au sein du métier informatique, existent un DAS logiciel (avec des gammes de produits pour les
professionnels et d’autres pour les particuliers) et un DAS ordinateurs personnels (portables ou
fixes). L’invention de la tablette numérique montre combien cette architecture est mouvante. En
effet, ce type de produit se situe à l’intersection entre le téléphone portable et l’ordinateur portable.

4. Pour ce qui est des produits électroniques et de l’informatique grand public, quelle stratégie
générique Apple a-t-il choisi ? Vous rappellerez les origines théoriques de cette notion. En
quoi est- ce lié au procès qui l’oppose Samsung ? (2 points)

Les stratégies de base par domaine d’activité stratégique sont appelées « stratégies génériques »
par Michael Porter. Pour lui, c’est la position de la firme face à la concurrence qui va déterminer si
sa rentabilité sera supérieure ou inférieure à la moyenne du secteur. Une position concurrentielle
dominante permet d’atteindre des taux de rendement élevés, même si la rentabilité moyenne du
secteur est modeste. Tout repose alors sur la capacité de l’entreprise à se constituer un avantage
concurrentiel décisif et durable face aux entreprises rivales. Or, il n’existe que deux sources
possibles créant un tel avantage : des coûts moins élevés que les concurrents ou une offre
différenciée de produits. Si on croise les deux types d’armes concurrentielles avec le champ
d’activité sur lequel l’entreprise s’appuie pour les mettre en œuvre, on définit les trois grandes
stratégies de base, domination par les coûts, différenciation et focalisation :

Coûts moins élevés Différenciation

Cible Domination par les coûts


Différenciation
large
Focalisation fondée sur Focalisation fondée sur la
Cible des coûts réduits différenciation
étroite

Le document 3 notamment nous indique qu’Apple a toujours choisi une stratégie de prix élevé
basé une différenciation forte des produits plus beaux et plus innovants que ses concurrents. La
cible visée au départ était étroite (spécialistes informatiques), elle est maintenant plus large. Nous
sommes donc dans le cas d’une stratégie de différenciation.
Comme le montre le document 2, c’est précisément cette stratégie que les copies de Samsung
remettent en cause : « Apple accuse Samsung d’avoir copié « servilement le design et les
fonctionnalités de l’iPhone et de l’iPad. Il lui réclame 2,5 milliards de dollars, soit environ 31
dollars par machine vendue, et espère obtenir l’interdiction de commercialiser tablettes et
smartphones Galaxy aux Etats-Unis ».

3
5. Aujourd’hui, comment analyseriez-vous la situation concurrentielle d’Apple sur le marché
des tablettes ? Et sur celui des téléphones portables « smartphones » ? (2 points)

L’outil des cartes stratégiques pouvait être évoqué ici. Elles mettent en évidence des groupes
stratégiques d’entreprises qui sont assez proches par leurs caractéristiques stratégiques
(spécialisation et intégration verticale notamment).

Sur le marché des tablettes Apple est en situation de quasi-monopole (ou concurrence
monopolistique) pour le moment malgré la menace de Samsung. « Apple est le leader incontesté.
Sur les 25 millions de machines vendues au deuxième trimestre, la firme californienne a écoulé 17
millions d’iPad, s’arrogeant 68,2% du marché. Deuxième Samsung est loin derrière avec 2,39
millions d’ardoises de sa gamme Galaxy Tab soit 9,6% du marché ». (doc.2). Un premier groupe
stratégique de concurrents potentiels regroupe donc Samsung et d’autres entreprises informatiques
ou électroniques moins avancées comme Asus, Acer (déjà sur le marché), Microsoft ou Nokia
(entrants potentiels). Un groupe stratégique bien différent se détache ensuite : il s’agit de
nouveaux entrants ayant d’autres activités principales que l’électronique ou l’informatique et pour
lesquelles la tablette représente une diversification comme Amazon ou Google.

Sur le marché des « smartphones » en revanche Apple n’est pas en position dominante. On
pourrait parler de duopole entre Samsung (numéro 1) et Apple (numéro 2) qui détiennent à eux
deux la moitié des parts de marché au 2d trimestre 2012 d’après l’article du Monde du 17 août. La
concurrence est forte pour le reste du marché : d’autres constructeurs électroniques suivent dans
un groupe stratégique relativement homogène comme Nokia, HTC et ZTE.

6. Après avoir rappelé la théorie des coûts de transaction vous expliquerez en quoi elle permet
d’éclairer les relations de client/fournisseur entre Apple et Samsung. (2 points)

La théorie des coûts de transaction est à rattachée à deux grands auteurs : Coase (années 30) et
Williamson (années 70).

Coase met en évidence la différence entre la firme et le marché : le marché régule l’offre et la
demande par les prix et génère des coûts de transaction (coût de découverte du prix, de recherche
d’un partenaire, de négociation du contrat) ; l’entreprise alloue au contraire les ressources de
manière autoritaire ce qui permet de réduire les coûts de transaction.

Williamson précise par la suite les conditions dans lesquelles une entreprise aura intérêt à
internaliser la production plutôt qu’à recourir au marché : si les actifs sont spécifiques
(difficilement redéployable pour d’autres activités), l’incertitude forte et la fréquence des
transactions élevée. Par ailleurs, il sépare les coûts de transaction entre coûts ex ante (lors de
l’établissement du contrat : prospection et négociation) et ex post (surveillance et contrôle du
partenaire).

Dans le cas qui nous occupe, l’article du Monde du 17 août 2012 indique que Apple et Samsung
sont liés par un contrat de marché, Apple étant le client et Samsung le fournisseur : « Premier
client du coréen, Apple compte pour 8,8%des revenus de Samsung. Celui-ci lui fournit son écran
Rétina et les processeurs de l’iPhone et de l’iPad » (doc.2) Cela suppose qu’Apple avait estimé
les coûts d’internalisation (coûts administratifs ou risques d’erreurs) supérieurs aux coûts de
recours au marché. Certes les actifs en question ne sont pas spécifiques (écrans et processeurs). En
revanche la fréquence des transactions paraît importante. Surtout, avec les modifications de la
situation concurrentielle et le procès qui oppose les deux firmes, on peut supposer que
l’incertitude augmente pour Apple et que cette dernière aurait intérêt à repenser une potentielle
internalisation. La suite de l’article montre qu’il est souvent difficile de passer du marché à la
firme pour reprendre les termes de Coase et Williamson : « Mais pour beaucoup d’analystes, il
4
serait très compliqué pour Apple de changer de fournisseur du jour au lendemain : cela
l’exposerait à des risques de rupture de stocks et Samsung pourrait en profiter pour vendre
davantage de téléphones ». (doc.2) Un élément mis en avant par Williamson apparait ici : celui de
l’opportunisme des cocontractant, en l’occurrence du fournisseur (et nouveau concurrent)
Samsung.

II. Question de réflexion : 6 points

À partir de vos connaissances théoriques et pratiques, vous rédigerez un texte structuré et argumenté
sur le sujet suivant :

« La stratégie est-elle toujours pensée ? »

NB : Nous sommes ici dans le cadre d’une petite dissertation, indépendante des documents du cas
précédent.

La correction s’adaptera bien entendu au contenu des copies et un plan type n’était pas attendu. En
revanche six points clés sont à évaluer :

- La qualité de l’expression et de l’orthographe


- La compréhension du sujet
- L’existence d’un plan structuré qui tient la route
- La définition des éléments du sujet
- L’utilisation d’un certain nombre de théories au programme et pouvant se rapprocher du sujet
- L’évocation de cas d’entreprises avérés.

Quelques éléments plus précis sont donnés ci-dessous.

• Définition des termes du sujet :

Le terme stratégie vient du grec et signifie à l’origine « commandement d’une armée ». En 1962
Alfred Chandler en donne la définition suivante : « La stratégie consiste en la détermination des buts
et des objectifs de long terme d’une entreprise, l’adoption de moyens d’action, et l’allocation des
ressources nécessaires pour atteindre les objectifs fixés ».

• Problématique :

La question posée invite à s’interroger tout à la fois sur la dimension volontaire et rationnelle de la
stratégie.

• Éléments de cours pouvant être utilisés :

- Le rôle du manager cf Mintzberg notamment avec les légendes (un manager planificateur)
- Les théories de la décision rationnelle ou moins rationnelle (Simon, Crozier, March)
- La planification stratégique et ses limites (encore Mintzberg)
- Les notions de stratégie délibérée et de stratégie émergente

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