Vous êtes sur la page 1sur 30

Grocake

Vivre libre et mourir

- Collection Romans / Nouvelles -

Retrouvez cette oeuvre et beaucoup d'autres sur


http://www.inlibroveritas.net
Table des matières
Vivre libre et mourir..................................................................................1
Dernier Réveil......................................................................................2
La légende de l'assassin moche...........................................................5
Dernier tour de piste (Zombi Zomba)..................................................8
Les vivres sentent le moisi.................................................................13
Et Bobby créa le bitume....................................................................16
Q = Pi * D..........................................................................................18

i
Vivre libre et mourir

Auteur : Grocake
Catégorie : Romans / Nouvelles

Vivre libre et mourir décrit l'univers sombre de la société mercantile. Les


effluves d'alcool se mélangent à celles du sang.
L'homme nous montre les pires facettes de son sadisme froid et jovial.

Au roi du puits se mêle la force de l'eau.

Licence : Licence Creative Commons (by-nd)


http://creativecommons.org/licenses/by-nd/2.0/fr/

1
Dernier Réveil

Il était tôt ce matin. Rien à faire. Je me suis levé, les yeux roulant dans une
mare d'alcool frelaté. Les fesses qui grattent, l'haleine moisie par cette
putain de consommation excessive que nous vendent les pubs. Je vais
vomir. J'en ai marre de ce bordel. Les cendriers dégueulent sur le canapé
en velours orange, les bières renversées ont taché le dernier morceau de
lino qu'il me restait de propre pour mettre mes pieds avant d'enfiler ces
chaussettes trouées, le matin au réveil. Rien à faire.
Je sors.

Je n'ai jamais aimé les villes. L'impersonnalité des mégalopoles m'ayant


toujours effrayé, je vis à la campagne. Un petit coin d'herbe avec vue sur le
bocage, ça, ça m'excite. Je marche à l'ombre des feuillus tout content de
sentir depuis deux jours l'air frais de l'extérieur.

[Flash] « Merde c'était quoi ça ? » Une lumière blanche m'a étourdi. Vision
d'horreur. Un mec en loques dans ma baignoire. Du sang plein la bouche.
Des filtres jaunis qui flottent entre ses dents. Jamais je n'ai vu ni imaginé
telle horreur.
Des sueurs froides m'envahissent. Je ne sens plus sur moi l'effet bienfaiteur
de l'air pur. La solitude funeste de la ruralité me rappelle à l'ordre. Je
rentre. Je cours. Odeur de mort dans mon appartement. La vaisselle prend
des teintes verdâtres dans l'évier. Les cadavres de bouteilles d'alcool et de
cubitainers de vin en plastique ont toujours eu une fâcheuse tendance à
rester là où on les avait jetées. Pensée inutile. L'idée même de rentrer dans
cette salle de bain me donne la nausée. Je vais vomir.

C'est décidé. J'ouvre timidement la porte de la salle de bain. Un


grondement terrible se fait sentir dans mon petit appartement. Des voix
s'élèvent comme une foule en délire. Je plane. Le premier pas dans la salle
de bain. Je tire le rideau de la baignoire. Personne. Elle est certes pleine

Dernier Réveil 2
Vivre libre et mourir

d'eau sale où jonche filtre de cigarettes, filaments de sperme vieillis,


chaussettes trouées, mais pas de cadavres. Une bière vide s'y trouve aussi.
Je m'assois sur le rebord bien décidé à changer de mode de vie.
La tête entre mes mains, je pleurs doucement. L'alcool m'a complètement
fait perdre les pédales. Où suis-je ? Le grondement s'est transformé en
horrible bruit où les voix sont de plus en plus fortes et menaçantes.
L'hallucination me gagne. Depuis combien de temps n'ai-je pas bu une
goutte d'alcool ? Aux larmes viennent s'ajouter des perles de sueurs. Le
froid me gagne petit à petit. Le cul sur ma baignoire, je scrute les paquets
de clopes vides sur le lino.

C'est alors que j'entends un bruit bien réel. Une porte qui explose. Je cours
dans le séjour où je m'éclate sur une canette pleine. Je relève difficilement
la tête. Un homme vient d'entrer. C'est mon voisin, un rustre qui a épousé
une vieille bonbonne pour lui piquer ses terrains. Puis un autre. Encore un
voisin. Lui, il a fait un gosse à la moitié des femmes du village. Dans trente
ans, ce sera le village des « grandes oreilles et du petit nez crochu ». Et
encore un homme. Et un autre. Puis plein de gens sont dans mon petit
appartement. Ils hurlent des chants barbares et portent tous des armes
blanches. Le « grandes oreilles et nez crochu » s'approche de moi.

Boum.

J'ai le ventre ouvert. Un coup de faucille m'a éventré la brioche jusqu'aux


poumons. J'ai mal. Le sang se déverse. Je me sens quitter petit à petit mon
corps. Mais les grosses brutes n'ont pas fini. Chacun me donne un coup
avec son arme. Celui là, me casse le genou au marteau, lui le fémur avec
une barre à mine, lui encore, m'explose les côtes à la masse. Je gis sur le
lino devenu rouge. Enfin, le rustre aux bonnes intentions me crache au
visage puis décide de m'emmener je ne sais où. Il me porte. Je suis bien. Je
sais que je vais mourir. Je ne regrette rien.

Pourquoi tout ça? Je ne sais pas. Peut être sont-ils jaloux de mes orgies
personnelles ? Ou bien ont-ils eu peur de l'artiste scatophile qui vivait en
moi ? Est-ce parce que je ne m'occupais guère de mon jardin ? Je ne le sais
Dernier Réveil 3
Vivre libre et mourir

pas. Il me porte et je suis bien.

Je reconnais cet endroit. Une salle de bain. Ma salle de bain. Ploumf. Me


voilà dans ma baignoire, étendu. [flash] Je meurs petit à petit. Cette vision
était la mienne. J'ai vu ma propre mort et je n'ai rien fait. Je ne le savais
pas. Mon seul regret finalement sera de ne pas avoir bu cette maudite bière
qui m'a fait trébucher. Je pars.

Dernier Réveil 4
La légende de l'assassin moche

Ce type là n'était pas vraiment à l'aise. En fait, personne ne pouvait le


sentir et pour tout dire, il n'aimait personne.

Sa cicatrice au milieu du front le marquait à vie de son (ex)appartenance


aux esclavagistes et ça, de nos jours, ça ne passait pas très bien dans les
milieux prolétaires.

Tout commence en janvier. Le mois le plus chaud et humide de l'année.


Les rats avaient déserté les villes suffocantes pour rejoindre les campagnes.
L'an passé, l'exode citadin des rats avait entrainé la plus grande famine du
siècle.
John s'en rappelle. Il était parti chassé ces maudites bestioles d'un demi
quintal en moyenne près de Sarkograd mais avec sa tête de piaf et son
tatouage effacé au fer rouge, la population locale lui en avait fait bavé. Plus
jamais il ne sortirait de "son placard" comme il l'appelait.
Son placard, c'était le bar le plus sale de la ville. Le tenancier claudiquait
depuis près de cinquante ans, depuis qu'un malade mentale armé d'un
couteau à pain lui avait défoncé la rotule à cause d'une vis rouillée dans les
cacahuètes. Il n'a jamais pu remarché correctement et n'a donc jamais
nettoyé sa piaule.

Bref, accoudé au zinc miteux, il lichait une dernière pisse. Sa dernière


pisse.
"Putain de robot, il commence à me les briser sec! Je vais lui mettre mon
couteau dans le cul s'il continue à brailler ses foutues conneries!"
Le robot s'approcha de lui et le fit valser une droite dans le nez.
"C'est toi qui nous les brise pauvre slaver de merde!" glapit le robot de sa
voie métallique.
John s'agrippa à la chaise et tenta de se relever. "Putain de robot de misère,
si t'étais pas en fer mou, comment que je te trouerais la peau!

La légende de l'assassin moche 5


Vivre libre et mourir

-Tu peux toujours rêver pauvre clodo!"

Le temps paru interminable. John n'arrivait pas à se relever et tous les


gosses lui couraient autour, lui crachant dessus de temps en temps. Faut
dire que personne n'aime les esclavagistes depuis la chute de l'Empire
Ouest Européen.
Bref, au bout de quelques minutes, il se rassit sur sa chaise et posa ses
coudes sur le comptoir.

Un type entra. Une sorte de muchachos encore plus moche que le plus
moche de tous les gars bizarres que vous pouvez connaitre. Le genre petite
lunette gros foyer, polo dont le bouton du haut est fermé, pustules sur les
joues et short court, trop court pour un homme (les poils pubiens frisaient
en dehors du morceau de tissu). En parlant de poils, on aurait dit qu'un
médecin fou lui avait greffé la raie des fesses sur le sommet de son crâne
ce qui le rendait encore plus immonde que Guy Carlier au FSE.

Ce mec cachait quelque chose derrière son dos. Personne ne savait quoi.
"Y a quelqu'un ici qui veut me prendre au billard? gémit-il d'une voix
d'hystérique pucelle
-Hey mec, moi je te prends, répondis John."
Alors le mec sortit de derrière son dos un énorme fusil à pompe et
défourailla le John en pleine tête. Celui ci s'envola sur la table de billard.
Le mec reparti dans l'indifférence générale.

On peut encore voir aujourd'hui le sang de ce pauvre John Doeuf sur le


tapis du billard de ce bar, ainsi que les débris de son crâne incrusté sur le
mur du fond.

Parce qu'un esclavagiste mort vaut mieux que deux esclaves vivant, on ne
doit jamais nettoyer les coups d'éclats des hommes immondes mais les
répéter pour en faire des légendes. Celui ci s'envola sur la table de billard.
Le mec reparti dans l'indifférence générale.

On peut encore voir aujourd'hui le sang de ce pauvre John Doeuf sur le


La légende de l'assassin moche 6
Vivre libre et mourir

tapis du billard de ce bar, ainsi que les débris de son crâne incrusté sur le
mur du fond.

Parce qu'un esclavagiste mort vaut mieux que deux esclaves vivant, on ne
doit jamais nettoyer les coups d'éclats des hommes immondes mais les
répéter pour en faire des légendes.

La légende de l'assassin moche 7


Dernier tour de piste (Zombi Zomba)

Ca aurait pu commencer par une dispute familiale, un adultère, des cris,


des pleurs. Seulement, tous sont déjà morts. Un fou armé de coupe-coupe
les a massacré l'an passé. Horrible. Une vraie boucherie. Enfin, vu leur
corpulence et leurs habitudes, plutôt une charcuterie. Il ne les a pas loupé.
« Un vrai professionnel » aurait déclaré un agent de la police locale.

Tout commence donc le 31 octobre au soir. Presque pleine lune, ciel


semi-dégagé, des gamins déguisés en vampire, en psychopathe, en
escargot,.. Des gens armés de bonbons. Des poivrots déambulent. Je me
promène au milieu de la foule. Personne ne me remarque. Faut dire aussi
que mon costume, loin d'être parfait, reflète tout de même mon sens de
l'habillement. Parka, cagoule, gants. Mais attention, pour ne pas effrayer
les gens, je me suis mis les pieds dans un sac poubelle noir (plus sobre que
le bleu).
Alors que je cherche un endroit pour relacer mes sacs poubelles, je tombe
sur un groupe de jeunes blanc bec. Genre pétard et bière à la main en train
de discuter politique ! Connard !
Ils me dévisagent comme... comme quand un étranger rentre au café du
commerce. Drôle de souvenir ça. Je m'avance vers le groupe. Je m'arrête
en plein milieu de leur rond philosophique. Je prends une canette posée là
et me recule rapidement. Personne ne pipe. Un léger bruit de chaine me
trahit. Leur visage se décompose. J'ouvre la bière et commence à me la
descendre tranquillement. Les premières gouttes frappent le sol. Je lève le
coude jusqu'à ce que la binouz soit vide et la jette contre un mur. Leurs
visages trahissent désormais la peur. Pour finir, le boulot, j'ouvre d'un coup
sec ma parka. Panique générale ! Tout le monde part en courant. Excellent.

Je me rhabille et m'avance désormais vers le centre de la fête. La Place de


la Mairie. Une barrière de stands, tous plus pathétiques les uns que les
autres (soit dit en passant), cache le sommet de l'exportation culturelle

Dernier tour de piste (Zombi Zomba) 8


Vivre libre et mourir

américaine : une scène géante où dansent des bimbos en bikini sur l'air
endiablé, connu de tous les organisateurs de bal populaire : « La Salsa du
Démon ».
Fort de ma première expérience exhibitionniste, j'entreprends de monter
sur scène pour réaliser un de mes plus vieux fantasmes. Mais la pression
sociale faisant, il aura fallu attendre les bonus pour pouvoir enfin montrer
au monde mon caractère libertin. Cependant, mon rêve est vite rattrapé par
les frères King Kong. Ils ressemblaient un peu à Guy Carlier avec les têtes
de Sylvain Augier et de Sébastien Chabal. Bref, de quoi dissuader une
grignette comme moi, de passer en force.

Vous connaissez le point commun entre une bimbo sur scène et un gamin,
les yeux pétillants ? Non ? Je m'approche de l'enfant. Celui-ci, seul, au
milieu de la foule, sent le danger arrivé. Il fixe les trous de la cagoule
cherchant désespérément des globes blancs. Je m'approche de lui comme
pour le dépasser rapidement. Il me fixe. Arrivé à sa hauteur, je tends ma
main et lui arrache le collier qui pendait autour de son cou. Il gémit. J'ai du
lui arracher un bout de peau ! Tu verras quand t'en auras plus, mon pote.
Ces cris sont étouffés par les hurlements des célèbres « Démons de Minuit
».

Jusqu'ici, tout se passe bien.

Je m'approche maintenant des deux gorilles de l'entrée. Je tends mon


morceau de carton plastifié sous le nez du plus gras. Il le regarde
furtivement puis, attiré par une bousculade d'un gamin, il m'ouvre
rapidement la porte en chuchotant : « Ces gosses, faudrait les crever à la
naissance ! ». Je rentre.
Un chapiteau un peu trop éclairé surplombe des tables garnies de petits
fours et de bouteilles vides, ressemblant étrangement aux cantines de nos
sénateurs. Au fond de la salle, quelques cadres de l'administration
municipale discutent de la destruction future des logements sociaux. L'un
d'eux semble complètement saoul. Derrière eux, une porte donnant sur
l'extérieur de la structure métallique. Tout porte à croire que l'entrée de la
scène se trouve derrière.
Dernier tour de piste (Zombi Zomba) 9
Vivre libre et mourir

Je m'avance vers eux. D'un coup, celui qui semblait ivre, ouvre grand la
bouche d'où sort un mélange de pizzas et de vin bouchonné. La réaction
des cadres ne se fit pas attendre. Le premier adjoint (celui qui a reçut le
plus de sauce) frappe d'un coup sec sur la tempe de l'homme saoul et
comme des légionnaires en repos, ils démolissent le mec. A en croire les
injures, cet homme à terre est un clampin des services techniques. Mais vu
qu'il est le fils du maire... enfin, de l'ancien maire.

Je sors de cet espace clos. La vue du sang me dégoutte toujours autant.

La scène est juste devant moi. Enfin, presque. Un groupe de musicos bidon
est planté devant l'escalier montant sur scène. Déguisés pour l'occasion en
catcheurs fous (essayez de vous imaginer à quoi peut ressembler un
catcheur fou !), ils portent tous la moustache. Mais pas la petite moustache,
non ! La bien épaisse, bien grasse où le sel des frites brille au contact de la
mousse brassicole. « Tu sais quelle est la différence entre un mouton et une
femme ? Le mouton tu le ... » Ouhlà ! Cette blague de mauvais goût
précède heureusement la fin de la chanson, et tout le monde applaudit
couvrant les aboiements des musicos à l'issue de la chute, un peu salée il
est vrai.
Sur scène, un type gesticule dans tous les sens. Il est affublé d'un costume
de zombie assez risible. Mais malgré son aspect quelque peu pitoyable, il
semble animé la soirée. Après une tape rapide sur la fesse droite de sa
partenaire, il annonce de sa voix niaiseuse les Perfect King. Les musicos
en poste devant moi commencent à s'affoler et le plus moustachu des dix
monte sur scène, suivi de près par ses acolytes, hilares.
A la surprise de tous, le chef de file s'écrie à chaude voix : « Est-ce que ça
va ? » Le public en folie ne contente que cinq secondes notre catcheur fou.
Je m'approche du fond de la scène. Là, le zomb'animateur lance de deux
grand cris « Zombie ! Zomba ! » Et le groupe de catcheurs moustachus se
met à jouer une reprise du célèbre groupe de variétés.

Le rythme survolté de la chanson m'enivre. Les vices post-no-life me


reprennent. Je me sens vide. Un trou d'air à la place du cerveau. Une
homme en mousse. Je monte sur scène. Je flagelle. La musique ressemble
Dernier tour de piste (Zombi Zomba) 10
Vivre libre et mourir

à un escalier vers les cieux. Rien ne m'aurait plus fait plaisir. Une ode à
l'Enfer, une ode au culte satanique. J'avance sur la scène. Je suis derrière
les musiciens. Je suis lent. Je regarde la foule. Les yeux m'obsèdent.
Personne ne me voit encore. Je scrute. Mes sons calciques bruts couvrent
les Caracas. Je tremble de partout. Je danse. Je danse comme un fou. Je
suis en transe complète. Les gens commencent à me regarder. Puis
nombreux sont les yeux qui se tournent vers moi. Je dépasse maintenant
les musiciens qui m'entendent glingoter. Ils continuent de jouer les yeux
rivés sur mon corps en mouvements cassés. Je n'en peux plus. La
délivrance est si proche. Je m'approche du bord de la fosse en faisant de
petits bonds sur place. Le monde me regarde. Je sens que tout monte. C'est
la fin.

Un flash dans le crâne.

J'ouvre ma parka et la jette dans le public. Mais ils ne me regardent déjà


plus. Ils hurlent. Ils courent en criant. Tout le monde part. Je tente l'ultime
slam. Un saut long, lent, assez mystique en fait, les bras étirés au plus fort.
Personne n'est à la réception. Je m'écrase par terre et j'explose en 206
morceaux.

[....vide...]

Un chien peu malin qui se trouve là me pique mon fémur et se barre en


courant.

[....vide....]

Ca pourrait être pire. On aurait pu me découper comme cette famille avant


de mourir. Mais la justice est beaucoup plus gentille que la populace.

[....vide....]

Merde, je vais encore faire engueuler par Saint Pierre. Ils sont gentils mais
faut éviter d'abuser.
Dernier tour de piste (Zombi Zomba) 11
Vivre libre et mourir

[....vide....]

C'est le gars des services techniques, un bel œil au beurre noir, qui viendra
me balayer demain matin avec les canettes vides, les masques violet, les
lettres d'amour et une bonne gueule de bois.

Dernier tour de piste (Zombi Zomba) 12


Les vivres sentent le moisi

Ça faisait longtemps que je ne m'étais pas baladé sur les quais. Et à vrai
dire, tout le monde s'en foutait. Ce n'est pas que je sois un type lambda qui
se balade tranquillement qui ne gêne personne. Plutôt le fait que je ne
ressemble à rien. Et ça, ça embête tout le monde. En fait, c'est tout ou rien.
Parfois peut être mais bien vite à dieu.

Je me balade comme si de rien n'était. Mais tout est là. Tout ce que peux
rechercher un homme. De l'alcool, des putes, de la drogue, des coups
foireux et tout un tas de type louche. Rien ne m'effraye plus que cette
perception. Les gens sont heureux autour de vous et vous trouvez ça
pathétique.

Donc bon, je poursuis mon chemin en regardant un point d'horizon


imaginaire, action qui me vaut souvent l'appellation de Saoulard (terme
désignant ici ma façon de marcher). Assez injustement, je trouve.

Je m'avance vers un des bords du quai et personne ne me remarque. Seul


au bord de l'eau. Le monde se fichant complètement de savoir si c'est pour
uriner ou pour vomir.

Je me tourne vers l'allée de bars à champagne. Je tente de fixer les regards


de ces hommes attendant « la passe du siècle ». Ils rigolent ensemble.
Aucun ne me regarde.
Et tout le monde semble heureux. Heureux de ce crachin, heureux de ce
froid, heureux de se payer des putes détaxées. Belges, allemands, français.
Loin de leur femme, de leurs enfants, de leur famille. «Un pur week-end
entre queues » .

Je me retourne vers la mer maintenant à mes pieds. Je jète un dernier coup


d'œil au monde. Une voiture passe et ralentit. Je m'arrête. Une vitre

Les vivres sentent le moisi 13


Vivre libre et mourir

descend. « Bonsoir chéri » dit une voix grave. « Un travelot ! ».


Crissements de pneu.
Je saute.

[...]

Je nage jusqu'à la berge. Ici, je saute sur mes pieds et me mets à courir vers
les sales types des bars !

« Oh ! Oh toi là ! »

Je cours maintenant vers le premier regard que j'ai croisé !

« Oh ! Oh toi là ! Tu m'as vu ? »

Les types semblent prêts à se battre un peu avant de s'envoyer en l'air.

« Hey mec, qu'est-ce qu'il t'arrive ?, grogne un mac sur mon chemin »

J'arrive maintenant près d'un homme assez sale, avec une grosse
moustache blanchit par la prise abusive de Yop et un bandeau noir où
courent de petits cœurs fendus. Je lui lance rapidement « Connard ! », et
lui envoie un gros poing sur son nez. Il se met à crier.

Les pauvres types qui sont à côté de lui me lance un regard assez intense.
Je sens fondre sur moi les bras d'un type qui semble assez baraque (enfin,
c'est ce que je crois voir quand le premier coup de poing s'enfonce sur ma
pommette me tournant alors la tête à 110° Ouest où se trouve le début
d'épaule de l'individu).

Et là c'est parti !

Coup de poing, coup de pied, écrasement de la tête, souffle coupé, coup du


rabot, décapsuleur,... je prends tous les coups sans en donner un seul. Ca
dure près de trente secondes.
Les vivres sentent le moisi 14
Vivre libre et mourir

Et puis, ils partent. Le dernier du troupeau me crache de la bière au visage.

Je me remets difficilement debout. Mon visage est en sang. J'essaye de me


remettre à marcher.

Je repars seul. Personne ne me suit. Personne ne me regarde. Je m'enfonce


vers l'obscurité.

Et tout devient clair dans mon cerveau.

On ne peut pas se baser sur des théories inutiles. L'homme est


représentatif du monde. Tout se ressemble donc ... ... tout se rassemble.

J'avance vers les quais.

Le tout n'était qu'un. Le Tout était le début et sera la fin. L'évolution tend
vers la diversification. L'uniformisation reviendra à ne refaire qu'un. Donc
tout s'assemble.

Je suis sur le bord du quai.

« ET SI TOUT S'ASSEMBLE, C'EST QUE TOUT EST FAUX. »

J'éclate de rire.
Je saute.

Les vivres sentent le moisi 15


Et Bobby créa le bitume

Bobby est un chique type. Ca fait bien vingt ans qu'il vient dans mon
saloon. Il m'a refait tout le parquet. Faut dire que le whisky et la chique
font bon ménage. Et aujourd'hui personne ne prétexte plus la glissade lors
des bastons. Et ça, ça l'arrange. Vous savez; c'est le genre de gars qui a
l'habitude de démonter les clients pour se faire virer et partir sans payer.

Ce matin, un mec rentre. Le genre de mec qui ne crache pas sur le


comptoir pour demander un verre. Il s'accoude sur mon zinc et se met à
hurler : "Qui est l'enculé de Jeffrey Morisson?"
Et là, le monde s'arrête de tourner. Bobby se lève au fond de la salle,
s'approche du mec et le regarde droit dans les yeux.

Le mec avait l'air un peu éméché, il venait surement du Conseil Municipal.


En voyant Bob arrivé, il se met à trembler.
Bobby s'arrête à près de 40 cm du mec et se met à le fixer.
Putain! J'aurais pas voulu être à la place du pauvre mec. Il tremblait
comme un portable.

Et puis d'un coup, plus de lumière. Tout s'est éteint, mais rien ne bougeait.
Il continuait de le fixer comme s'il faisait encore jour.
Dans la salle, un vieux crie: "Il commence à nous les briser à cacher le
soleil! S'il croit que je vais payer pour ça, il se carre son pognon dans le ..."

La porte d'entrée vient de se fermer. Quelqu'un est entré dans le bar mais je
ne le vois pas. Un léger filet de lumière éclaire alors un coin du bar.

Une voix sort de l'ombre : "Je suis Jeffrey Morrisson, que me voulez
vous?"
Le mec pousse Bob du bras d'un air totalement réjouit.
- Hey mec, tu me dois cinquante grammes!"

Et Bobby créa le bitume 16


Vivre libre et mourir

Le Jeffrey n'avait pas l'air tendre. Il s'avance vers le mec, de la même façon
que Bob deux secondes avant.
"Ecoute, ça fait quinze jours que tu me les dois! C'est le moment de raquer
mon pote."
Mais Jeffrey continue d'avancer et personne ne bouge dans le bar.

Cette tension qui envahit à ce moment là le bar est énorme. J'adore ces
moments. La main posé sur le 12 sous le comptoir, je n'attends qu'une
chose : le premier coup.
Je me décale légèrement et allume la lumière.

Le vieux de la salle se lève brusquement et part en courant dans ma


direction. Devant moi, il y avait Bobby et sur ma gauche les types qui
cherchent l'embrouille.
Le vieux me fixe du regard et court comme un dératé. Il court si vite (pour
son âge) qu'il ne voit pas Bob. Il se le prend en pleine face. Bob qui était
encore énervé par le faux dealeur prends le vieux sous les aisselles et lui le
jète dans le dos comme un sac de pomme de terre dans un concours
d'endurance.

A ce moment, il y a alors deux types à terre et deux autres barraqués


debout aux extrémités. Le bar d'un côté et de l'autre une table de tricheurs
de poker qui parient déjà sur le premier sang.
Bobby regarde alors Jeffrey. Et tout se passe très vite. Je n'ai qu'eus le
temps de sortir mon fusil que le vieux était déjà en train de tourner,
accroché au lustre. Je ne sais pas où est passé l'autre mec mais il a
surement trouvé ce qu'il cherchait en vendant sa merde : la paix.

Il n'y a pas eu une trace de sang dans mon bar. Bobby et Jeffrey sont restés
jusqu'à la fermeture. Ils se sont battus pour ne pas avoir à payer l'addition.
C'est ça la vie.

Et Bobby créa le bitume 17


Q = Pi * D

"Putain mec, ça fait bien trois jours que j'ai pas débandé!"
Ce type est assis en face de moi depuis bien deux heures. Je ne l'avais pas
même remarqué. Peut être veut il jouer au plus fort avec moi.

"Écoute, je veux pas d'emmerdes, ok? Je ne suis pas gay mec! Va voir plus
loin, y a un abri-bus pour ça là bas."
Là je crois que je l'ai mouché. Mais content d'avoir une âme charitable
attentive devant lui, il réplique le salaud.
"Je veux dire, j'arrive pas à la remettre à zéro, tu vois."
Bon sang, je crois que je me suis fait baiser sur ce coup. Je vais devoir lui
parler, à moins que...

"Tu vois, c'est typiquement le genre d'histoire dont je me fous royalement."


Bien vu, allé allé, remets en une couche. "Donc tu remballes ta bite dans
son étui et tu te casses? Ok?
- Je veux pas t'offenser mais j'ai remarqué, enfin sauf si je me trompe, que
toi aussi t'étais en train de... enfin de... tu vois?
- Et alors?
- Ben voilà, je pensais te demander si toi aussi, t'arrivais pas à la réduire...
- Si, j'y arrive très bien. Quand je veux même." Je m'embrouille. Je stress.
C'est bon ça le stress contre l'érection.
"Mais là, tu veux pas donc?"

Je me recule et me tourne légèrement pour passer la main en toute


discretion dans mon caleçon, tentant de la caler dans les plis du jean. Mais
je me loupe et elle part sur le côté de la cuisse. Mon jean la moule comme
fait exprès, et ça me fait super mal. Je deviens rouge.
"Tu bois quoi, mec?
- Un demi
- Garçon, deux demis s'il vous plait. Vous mettrez ça sur ma note.

Q = Pi * D 18
Vivre libre et mourir

- Merci." dit-il. Il se lève et vient s'asseoir à ma table.

"Bon, alors, pourquoi t'as la machine en marche?" Quelle question stupide,


j'aurais mieux fait de me taire.
"Et bien, j'en sais rien. Je venais de limer un coup et impossible de finir le
boulot. Ca m'a d'abord brulé, ça sentait même le roussi dans la piole. Et
puis, la fille a vu que c'était plus possible alors elle m'a demandé de partir.
- Voilà messieurs"
* Ploc * * Ploc *
"Bon et après?
-Ben j'ai bien essayé de la laver, de la passer sous l'eau froide, j'ai même
essayé de la frotter avec un scotch britt, mais rien. Ca part pas. Elle reste
debout.
- Tu devrais essayé la lessive. Il parait que ça nettoie bien les rouages. T'as
essayé la médecine?
- Non, j'y vais plus. En fait, je suis séropositif. Donc,...
- Ah ok." Pourquoi je dis ça moi?

Il commence à trembler comme une feuille.


"Excusez moi, je reviens". Ok. Il emporte sa serviette avec lui, peut être
veut il se branler en douce dans les chiottes du bar.
Je bois ma bière tranquillement en regardant un clip où des danseuses en
bikini se trémoussent sur un son purement merdique. Je médite en
regardant ses petites fesses se trémousser sur l'écran. Je bois toujours d'une
main. D'un autre côté, pourquoi je me servirais des deux?

Le type louche revient. Il s'asseoit en face de moi et semble peu détendu. Il


tremble toujours.
"Tout va bien? Vous n'avez besoin de rien?
- Non, non, ça va." Ses paroles sont sorties comme un gémissement.
"Bon, ok, qu'est-ce qui ne va pas?
- J'ai la quéquette toute dure, hurle-t-il." Silence.
Alors, voilà le portrait. Deux mecs assis l'un en face de l'autre au milieu de
la salle. Aucune chaise jusqu'au bar. Trois poivrots, la patronne et un mec,
qui les regardent.
Q = Pi * D 19
Vivre libre et mourir

Vous savez, les tables sont hautes dans ce bar. J'ai eu du mal à cacher mon
émoi face à se pare-terre de voyeurs. De son côté, le type se foutait
royalement du monde alentours.
"Hey! Pshit hey, qu'est-ce qu t'arrives? Tu te drogues?
- Pourquoi t'en as?
- Heu de quoi?" Pourquoi je réponds ça.
"T'as de la rach?
- Non non. Je touche pas à ça.
- Mec, t'as bien raison. Argh!" Il se tient le coeur comme s'il faisait une
attaque.

J'avais jamais vu de mecs qui sortaient de l'héro mais celui-ci me sembalit


être un sacré numéro. S'il s'en remet, je l'invite un mercredi à dîner.
"Tu fais quoi mercredi?"
Le type ne me regarde pas. Il ne regarde rien. Je me demande ce qu'il voit.
"Hey mec, ça va?
- Ouai, ouai! me répond-il d'une voix rauque.
Et puis d'un seul coup, il se remet d'aplomb. Il tremble encore mais ses
yeux ont repris une allure presque normale. Je crois que c'est la première
fois que je vois ces yeux en fait.
"Bon alors, t'en as?
- Non, non, je t'assure.
- Merde! Çà fait une semaine que je lutte. C'est plus possible, avec cette
crampe qui me pompe toute ma force, comment tu veux que je m'en sorte?
- Je sais pas.
- En m'en envoyant un shoot derrière la grosse bleue!"
Ouch! Je marque un recul sur ma chaise. Rien que l'idée d'y planter une
aiguille! Mais si c'est pour s'éclater...! Ah! j'ai un frisson qui me parcourt le
corps.

"Putain, t'es timbré!


- Tu ne sais pas ce que c'est!
- Quoi?
- Le trip..." Ces yeux repartent dans le vague quelques secondes et
reviennent aussitôt.
Q = Pi * D 20
Vivre libre et mourir

"Non, j'en sais rien. On dirait que ça pue un peu la merde en tout cas.
- Tu ne sais pas ce que c'est..."
Il commence à me gonfler le philosophe. Je passe une main sous la table.
"Bon, si tu crois que je t'ai pas remarqué depuis tout à l'heure, me dit-il
d'un air totalement sérieux.
- Quoi donc?
- La main là. Pourquoi t'as la trique toi d'abord?
- Parceque je mate les clips. T'as vu ça?
- Arrête, t'as le gourdin depuis deux heures. Et pas la demi molle!
- Et alors, moi je me contrôle.
- Je vois ça."
Ce petit salaud commence à me les briser menues.
"Alors?
- Quoi?
- Pourquoi t'es... enfin, comment ça se fait que tu...
- Que je quoi? Que je bande? C'est ça? C'est ça hein? Hum?"

Le bar nous fixe à nouveau. Un des trois alcooliques en se tournant a fait


tomber un verre. Son voisin de droite lui met un taquet derrière la tête.
"T'es content? T'as bien vu?, lui sort la barman d'un air agacé. Ca fera 50
cents." Le premier poivrot acquiesse.

"Oui, c'est ça.


- Et bien je suis célibataire.
- Et?
- Ben, ça fait bien 5 ans que j'ai un plan avec un des dealeurs de l'hospice
"Le Lupanard" à St Germain.
- Attends, ralenti. C'est quoi ce plan?
- Il me refile du viagra qu'il prend dans les chambres des vieux. Et moi, je
lui file un pourcentage sur la revente. Mais je les vends pas.
- Et tu viens là pourquoi je comprends pas?"
* Bong *
Sa tête tombe sur la table comme une masse. Je reste assis sur ma chaise.
Je me demande s'il va relever la tête.
Les premiers turfistes entrent dans le bar. En guise d'échauffement, le plus
Q = Pi * D 21
Vivre libre et mourir

petit du groupe parie sur la raison de l'état de mon voisin.


Il a toujours la tête sur la table, front contre bois, le nez ne saigne pas, c'est
une chance.

"Cinq rosés steup, Delphi" Ces mecs sont de vrais turfistes.


Les paris vont bon train, le poivrot inactif de tout à l'heure se lève et sort
un billet de 5€ de sa poche. Il sussure un truc au mec. Tout le monde le
regarde.
Le toxico en face de moi bouge ses bras. Je vois deux mains apparaitre
doucement de sous la table et viennent se positionner de chaque coté du
visage.
Les parieurs s'agitent. Le plus petit fait un geste de résignation et pose son
verre encore plein sur le bar.
Et là, le toxico se sert de ses mains pour se redresser et affiche maintenant
une mine jouissive, pleine de vie. Et puis, son visage se noircit.
"Elle est encore là!"
Les parieurs lancent un "Ho!". Le poivrot prend dans ses mains les cinq
verres et s'en va se rasseoir à sa place habituelle.

"Putain! Je savais pas que ça faisait ça!


- Je crois que c'est la pire des plaies."
Il prend un visage totalement neutre.
"Bon alors, pourquoi tu viens là? Je comprends pas?
- Pour les clips.
- T'es quoi, un genre de pervers?
- Non. Non, je crois pas.
- Et les putes?
- J'ai pas le sou. Tu crois que si je pouvais me payer des putes je serais
dans ce bar crado?" Silence.
J'ai l'impression qu'on nous écoute.
"Ben j'en sais rien. Je meuble la conversation.
- Ok, t'es un bon gars toi. Tu fais quoi alors mercredi?"

Les turfistes s'excitent au bar. Le petit s'écrie : "C'est quoi ce bar de pd?
Hey les fiottes, faites voir ce que vous avez dans le falzard!"
Q = Pi * D 22
Vivre libre et mourir

On se tourne machinalement vers lui. "Regardez moi les, les triquards! On


dirait deux gamins au collège.
- Tu vas pas la fermer petite merde, lance la barman.
- Oh Delphi. Excuse moi, Delphi.
- Hey! M'appelle pas comme ça petite merde. T'es pas mon mac.
- Pourquoi ça te dirait?"
Le type en face de moi commence à gigoter sur sa chaise. Il se sent mal. Il
se remet à trembler. Ses yeux sont blanc.
Mais là, la barman commence à courir. Elle sort de derrière son bar. Elle
tient une clé à molette dans la main. Tout le monde s'écarte. Elle court
jusqu'à la petite merde et lui lance un coup de clé à molette au visage.
Seulement, le petit, c'était un jockey avant. Juste avant que la clé à molette
lui perfore la joue, il attrape le poignet de la barman et le lui casse comme
une clope.
Elle gémit.
Mon voisin d'en face ouvre subitement les yeux. Ils sont rouge, rouge sang.
Toutes ces veinules ont explosé comme s'il venait de fumer du Tcherno.
Les poivrots partent en courant derrière le bar, prennent de nombreuses
bouteilles et sortent en courant du bar.

Le petit turfiste s'amuse avec la femme. Il lui donne des baffes et des coups
de pied dans le ventre. Elle hurle de douleur. Le toxico se lève et
commence à avancer vers le groupe de turfistes. Fière et droite, sous les
lustres, sa bougie lui sert de montre. Ce qu'on bien remarqué les turfistes.
Le plus moustachu des turfistes commence à s'avancer vers le Santa Maria.
Les deux hommes se fixent.

Ils arrivent enfin l'un en face de l'autre. Ils s'arrêtent. Le moustachu donne
un coup du revers de la main très fort sur le membre du type. Celui-ci
tombe alors à genou. Il se prend aussi sec un coup de genou dans le visage
déjà bien rougi par les multiples pertes de connaissance.
Là le mec sort un couteau et gueule : "On lui coupe la bite?"
A ce moment très précis personne n'est contre, sauf le toxic bien sur. Mais
le petit qui tient toujours la femme par le bras, a le tact d'ajouter : "Oublie
pas l'autre tafiole là bas!"
Q = Pi * D 23
Vivre libre et mourir

Je me lève doucement de ma chaise mais mes hanches frottent la table qui


s'écroule, me laissant à moitié debout, plié avec une bonne bosse niveau
bas ventre.
"Et bien ma cocotte, ça te plait notre tite idée?
- Non, alors attendez les gars, je peux tout vous expliquer.
- Quoi donc?
- Je prends du viagra."
Le moustachu se met alors à courir. Du coup, moi aussi. Je pars en
direction de la porte mais je bute contre un angle de table et je me retrouve
la tête sur le trottoir. Le mec m'attrape les jambes et ramènent mon corps
vers celui du toxico gisant près du bar.

Le petit est assez sadique ma foi. Il continue de jouer avec la femme


maintenant en sang.
Un troisième turfiste rentre dans la partie. Il affiche un sourire d'ange. C'est
assez horrible à voir. J'en avais déjà vu à la télé bien sur mais en vrai...
jamais.

"Alors, les gars, on va jouer à un jeu. Hey prête moi ta copine, mon pote."
dit une voix rocailleuse ayant subit le passage d'une bonne charrette de
gauloises. Le petit donne le bras de la barman au psychopathe. "Regardez
bien les fiottes! Hey Muchacho, passe moi ton couteau." Ce que fait le
moustachu. Je me relève un peu sur les bras.
"Hey, tu viens sans ta bite ni ton couteau toi!" J'affiche un large sourire de
contentement. J'essaye toujours l'humour en cas de crise.
"Justement, ça tombe bien que tu m'en parles la fiotte." Je lance un regard
des moins surpris.
"Je comptais justement voler ce couteau un de ces jours, petit pédéraste.
Mais pour en faire quoi à ton avis?
- J'avoue, j'en sais rien.
- Pour me trouver une bite! "
"Donc on va jouer à un petit jeu. C'est l'histoire de deux pd qui se coupent
la bite.
- Hey, c'est marrant ton jeu, dis le premier turfiste, qui lance un coup de
pied à la femme. Hein que c'est marrant?"
Q = Pi * D 24
Vivre libre et mourir

De mon côté, je trouvais ça nettement moins drôle. Mais l'effet du viagra


reste sublime jusque dans les galères.
"Ecoute on peut surement s'arranger
- Non."

Je comprends maintenant ce que l'on ressent quand on est seul.


Evidemment, l'autre blaireau de toxico était toujours en train de
pleurnicher ou je ne sais quoi.
Là, le fou laisse tomber la fille et s'approche de nous. Il envoie un gros
coup de savatte au toxico et lui gueule dans les oreilles : "T'as entendu
petite tapette?" Ca ne l'a pas arrangé, mais il me semble que ça lui a fait
reprendre conscience.
"Oh, c'est quoi ce bordel? soupire-t-il en ouvrant les yeux.
- Allé au boulot! dis le taré, et me lance le couteau dans la gueule."
Je prends le couteau dans les mains bien décidé à ce qu'il meurt avant de
me la couper. Mais le turfou ne l'entends pas de cette oreille.
"Hey, vas y mollo, oublie pas qu'après ce sera ton tour."
Le toxico me regarde droit dans les yeux. Il pleurt.
"Tu crois que c'est la meilleur solution pour mon problème?
- Et pour le mien?
- Je crois que oui
- On commence par toi?"

Et c'est ainsi que chacun à notre tour nous avons découpé le sexe de l'autre.
Ca a bien duré toute la matinée. Les turfistes ont pris le contrôle du bar. Ils
ont passé leur matinée à parier sur des courses américaines de bourrin à
cinq pattes. Ils nous ont laissé faire. De temps en temps, le moustachu nous
filait des coups de pied et nous faisait signe de bien lui rendre le couteau
quand on aura fini.
Une fois les turfistes complètement saoul, aux alentours de 11h30, ils
décidèrent de nous laminer à coup de bouteilles de mauvais rosé. Ils ont
pillé ce qu'il restait du bar et ont mis le feu aux cuisines. On ne les a jamais
revu.

Maintenant on squatte ici avec le toxico. On survit avec de la rach.


Q = Pi * D 25
PDF version Ebook ILV 1.4 (juillet 2010)

Vous aimerez peut-être aussi