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Vivre libre et mourir
Auteur : Grocake
Catégorie : Romans / Nouvelles
1
Dernier Réveil
Il était tôt ce matin. Rien à faire. Je me suis levé, les yeux roulant dans une
mare d'alcool frelaté. Les fesses qui grattent, l'haleine moisie par cette
putain de consommation excessive que nous vendent les pubs. Je vais
vomir. J'en ai marre de ce bordel. Les cendriers dégueulent sur le canapé
en velours orange, les bières renversées ont taché le dernier morceau de
lino qu'il me restait de propre pour mettre mes pieds avant d'enfiler ces
chaussettes trouées, le matin au réveil. Rien à faire.
Je sors.
[Flash] « Merde c'était quoi ça ? » Une lumière blanche m'a étourdi. Vision
d'horreur. Un mec en loques dans ma baignoire. Du sang plein la bouche.
Des filtres jaunis qui flottent entre ses dents. Jamais je n'ai vu ni imaginé
telle horreur.
Des sueurs froides m'envahissent. Je ne sens plus sur moi l'effet bienfaiteur
de l'air pur. La solitude funeste de la ruralité me rappelle à l'ordre. Je
rentre. Je cours. Odeur de mort dans mon appartement. La vaisselle prend
des teintes verdâtres dans l'évier. Les cadavres de bouteilles d'alcool et de
cubitainers de vin en plastique ont toujours eu une fâcheuse tendance à
rester là où on les avait jetées. Pensée inutile. L'idée même de rentrer dans
cette salle de bain me donne la nausée. Je vais vomir.
Dernier Réveil 2
Vivre libre et mourir
C'est alors que j'entends un bruit bien réel. Une porte qui explose. Je cours
dans le séjour où je m'éclate sur une canette pleine. Je relève difficilement
la tête. Un homme vient d'entrer. C'est mon voisin, un rustre qui a épousé
une vieille bonbonne pour lui piquer ses terrains. Puis un autre. Encore un
voisin. Lui, il a fait un gosse à la moitié des femmes du village. Dans trente
ans, ce sera le village des « grandes oreilles et du petit nez crochu ». Et
encore un homme. Et un autre. Puis plein de gens sont dans mon petit
appartement. Ils hurlent des chants barbares et portent tous des armes
blanches. Le « grandes oreilles et nez crochu » s'approche de moi.
Boum.
Pourquoi tout ça? Je ne sais pas. Peut être sont-ils jaloux de mes orgies
personnelles ? Ou bien ont-ils eu peur de l'artiste scatophile qui vivait en
moi ? Est-ce parce que je ne m'occupais guère de mon jardin ? Je ne le sais
Dernier Réveil 3
Vivre libre et mourir
Dernier Réveil 4
La légende de l'assassin moche
Un type entra. Une sorte de muchachos encore plus moche que le plus
moche de tous les gars bizarres que vous pouvez connaitre. Le genre petite
lunette gros foyer, polo dont le bouton du haut est fermé, pustules sur les
joues et short court, trop court pour un homme (les poils pubiens frisaient
en dehors du morceau de tissu). En parlant de poils, on aurait dit qu'un
médecin fou lui avait greffé la raie des fesses sur le sommet de son crâne
ce qui le rendait encore plus immonde que Guy Carlier au FSE.
Ce mec cachait quelque chose derrière son dos. Personne ne savait quoi.
"Y a quelqu'un ici qui veut me prendre au billard? gémit-il d'une voix
d'hystérique pucelle
-Hey mec, moi je te prends, répondis John."
Alors le mec sortit de derrière son dos un énorme fusil à pompe et
défourailla le John en pleine tête. Celui ci s'envola sur la table de billard.
Le mec reparti dans l'indifférence générale.
Parce qu'un esclavagiste mort vaut mieux que deux esclaves vivant, on ne
doit jamais nettoyer les coups d'éclats des hommes immondes mais les
répéter pour en faire des légendes. Celui ci s'envola sur la table de billard.
Le mec reparti dans l'indifférence générale.
tapis du billard de ce bar, ainsi que les débris de son crâne incrusté sur le
mur du fond.
Parce qu'un esclavagiste mort vaut mieux que deux esclaves vivant, on ne
doit jamais nettoyer les coups d'éclats des hommes immondes mais les
répéter pour en faire des légendes.
américaine : une scène géante où dansent des bimbos en bikini sur l'air
endiablé, connu de tous les organisateurs de bal populaire : « La Salsa du
Démon ».
Fort de ma première expérience exhibitionniste, j'entreprends de monter
sur scène pour réaliser un de mes plus vieux fantasmes. Mais la pression
sociale faisant, il aura fallu attendre les bonus pour pouvoir enfin montrer
au monde mon caractère libertin. Cependant, mon rêve est vite rattrapé par
les frères King Kong. Ils ressemblaient un peu à Guy Carlier avec les têtes
de Sylvain Augier et de Sébastien Chabal. Bref, de quoi dissuader une
grignette comme moi, de passer en force.
Vous connaissez le point commun entre une bimbo sur scène et un gamin,
les yeux pétillants ? Non ? Je m'approche de l'enfant. Celui-ci, seul, au
milieu de la foule, sent le danger arrivé. Il fixe les trous de la cagoule
cherchant désespérément des globes blancs. Je m'approche de lui comme
pour le dépasser rapidement. Il me fixe. Arrivé à sa hauteur, je tends ma
main et lui arrache le collier qui pendait autour de son cou. Il gémit. J'ai du
lui arracher un bout de peau ! Tu verras quand t'en auras plus, mon pote.
Ces cris sont étouffés par les hurlements des célèbres « Démons de Minuit
».
Je m'avance vers eux. D'un coup, celui qui semblait ivre, ouvre grand la
bouche d'où sort un mélange de pizzas et de vin bouchonné. La réaction
des cadres ne se fit pas attendre. Le premier adjoint (celui qui a reçut le
plus de sauce) frappe d'un coup sec sur la tempe de l'homme saoul et
comme des légionnaires en repos, ils démolissent le mec. A en croire les
injures, cet homme à terre est un clampin des services techniques. Mais vu
qu'il est le fils du maire... enfin, de l'ancien maire.
La scène est juste devant moi. Enfin, presque. Un groupe de musicos bidon
est planté devant l'escalier montant sur scène. Déguisés pour l'occasion en
catcheurs fous (essayez de vous imaginer à quoi peut ressembler un
catcheur fou !), ils portent tous la moustache. Mais pas la petite moustache,
non ! La bien épaisse, bien grasse où le sel des frites brille au contact de la
mousse brassicole. « Tu sais quelle est la différence entre un mouton et une
femme ? Le mouton tu le ... » Ouhlà ! Cette blague de mauvais goût
précède heureusement la fin de la chanson, et tout le monde applaudit
couvrant les aboiements des musicos à l'issue de la chute, un peu salée il
est vrai.
Sur scène, un type gesticule dans tous les sens. Il est affublé d'un costume
de zombie assez risible. Mais malgré son aspect quelque peu pitoyable, il
semble animé la soirée. Après une tape rapide sur la fesse droite de sa
partenaire, il annonce de sa voix niaiseuse les Perfect King. Les musicos
en poste devant moi commencent à s'affoler et le plus moustachu des dix
monte sur scène, suivi de près par ses acolytes, hilares.
A la surprise de tous, le chef de file s'écrie à chaude voix : « Est-ce que ça
va ? » Le public en folie ne contente que cinq secondes notre catcheur fou.
Je m'approche du fond de la scène. Là, le zomb'animateur lance de deux
grand cris « Zombie ! Zomba ! » Et le groupe de catcheurs moustachus se
met à jouer une reprise du célèbre groupe de variétés.
à un escalier vers les cieux. Rien ne m'aurait plus fait plaisir. Une ode à
l'Enfer, une ode au culte satanique. J'avance sur la scène. Je suis derrière
les musiciens. Je suis lent. Je regarde la foule. Les yeux m'obsèdent.
Personne ne me voit encore. Je scrute. Mes sons calciques bruts couvrent
les Caracas. Je tremble de partout. Je danse. Je danse comme un fou. Je
suis en transe complète. Les gens commencent à me regarder. Puis
nombreux sont les yeux qui se tournent vers moi. Je dépasse maintenant
les musiciens qui m'entendent glingoter. Ils continuent de jouer les yeux
rivés sur mon corps en mouvements cassés. Je n'en peux plus. La
délivrance est si proche. Je m'approche du bord de la fosse en faisant de
petits bonds sur place. Le monde me regarde. Je sens que tout monte. C'est
la fin.
[....vide...]
[....vide....]
[....vide....]
Merde, je vais encore faire engueuler par Saint Pierre. Ils sont gentils mais
faut éviter d'abuser.
Dernier tour de piste (Zombi Zomba) 11
Vivre libre et mourir
[....vide....]
C'est le gars des services techniques, un bel œil au beurre noir, qui viendra
me balayer demain matin avec les canettes vides, les masques violet, les
lettres d'amour et une bonne gueule de bois.
Ça faisait longtemps que je ne m'étais pas baladé sur les quais. Et à vrai
dire, tout le monde s'en foutait. Ce n'est pas que je sois un type lambda qui
se balade tranquillement qui ne gêne personne. Plutôt le fait que je ne
ressemble à rien. Et ça, ça embête tout le monde. En fait, c'est tout ou rien.
Parfois peut être mais bien vite à dieu.
Je me balade comme si de rien n'était. Mais tout est là. Tout ce que peux
rechercher un homme. De l'alcool, des putes, de la drogue, des coups
foireux et tout un tas de type louche. Rien ne m'effraye plus que cette
perception. Les gens sont heureux autour de vous et vous trouvez ça
pathétique.
[...]
Je nage jusqu'à la berge. Ici, je saute sur mes pieds et me mets à courir vers
les sales types des bars !
« Oh ! Oh toi là ! »
« Oh ! Oh toi là ! Tu m'as vu ? »
« Hey mec, qu'est-ce qu'il t'arrive ?, grogne un mac sur mon chemin »
J'arrive maintenant près d'un homme assez sale, avec une grosse
moustache blanchit par la prise abusive de Yop et un bandeau noir où
courent de petits cœurs fendus. Je lui lance rapidement « Connard ! », et
lui envoie un gros poing sur son nez. Il se met à crier.
Les pauvres types qui sont à côté de lui me lance un regard assez intense.
Je sens fondre sur moi les bras d'un type qui semble assez baraque (enfin,
c'est ce que je crois voir quand le premier coup de poing s'enfonce sur ma
pommette me tournant alors la tête à 110° Ouest où se trouve le début
d'épaule de l'individu).
Et là c'est parti !
Le tout n'était qu'un. Le Tout était le début et sera la fin. L'évolution tend
vers la diversification. L'uniformisation reviendra à ne refaire qu'un. Donc
tout s'assemble.
J'éclate de rire.
Je saute.
Bobby est un chique type. Ca fait bien vingt ans qu'il vient dans mon
saloon. Il m'a refait tout le parquet. Faut dire que le whisky et la chique
font bon ménage. Et aujourd'hui personne ne prétexte plus la glissade lors
des bastons. Et ça, ça l'arrange. Vous savez; c'est le genre de gars qui a
l'habitude de démonter les clients pour se faire virer et partir sans payer.
Et puis d'un coup, plus de lumière. Tout s'est éteint, mais rien ne bougeait.
Il continuait de le fixer comme s'il faisait encore jour.
Dans la salle, un vieux crie: "Il commence à nous les briser à cacher le
soleil! S'il croit que je vais payer pour ça, il se carre son pognon dans le ..."
La porte d'entrée vient de se fermer. Quelqu'un est entré dans le bar mais je
ne le vois pas. Un léger filet de lumière éclaire alors un coin du bar.
Une voix sort de l'ombre : "Je suis Jeffrey Morrisson, que me voulez
vous?"
Le mec pousse Bob du bras d'un air totalement réjouit.
- Hey mec, tu me dois cinquante grammes!"
Le Jeffrey n'avait pas l'air tendre. Il s'avance vers le mec, de la même façon
que Bob deux secondes avant.
"Ecoute, ça fait quinze jours que tu me les dois! C'est le moment de raquer
mon pote."
Mais Jeffrey continue d'avancer et personne ne bouge dans le bar.
Cette tension qui envahit à ce moment là le bar est énorme. J'adore ces
moments. La main posé sur le 12 sous le comptoir, je n'attends qu'une
chose : le premier coup.
Je me décale légèrement et allume la lumière.
Il n'y a pas eu une trace de sang dans mon bar. Bobby et Jeffrey sont restés
jusqu'à la fermeture. Ils se sont battus pour ne pas avoir à payer l'addition.
C'est ça la vie.
"Putain mec, ça fait bien trois jours que j'ai pas débandé!"
Ce type est assis en face de moi depuis bien deux heures. Je ne l'avais pas
même remarqué. Peut être veut il jouer au plus fort avec moi.
"Écoute, je veux pas d'emmerdes, ok? Je ne suis pas gay mec! Va voir plus
loin, y a un abri-bus pour ça là bas."
Là je crois que je l'ai mouché. Mais content d'avoir une âme charitable
attentive devant lui, il réplique le salaud.
"Je veux dire, j'arrive pas à la remettre à zéro, tu vois."
Bon sang, je crois que je me suis fait baiser sur ce coup. Je vais devoir lui
parler, à moins que...
Q = Pi * D 18
Vivre libre et mourir
Vous savez, les tables sont hautes dans ce bar. J'ai eu du mal à cacher mon
émoi face à se pare-terre de voyeurs. De son côté, le type se foutait
royalement du monde alentours.
"Hey! Pshit hey, qu'est-ce qu t'arrives? Tu te drogues?
- Pourquoi t'en as?
- Heu de quoi?" Pourquoi je réponds ça.
"T'as de la rach?
- Non non. Je touche pas à ça.
- Mec, t'as bien raison. Argh!" Il se tient le coeur comme s'il faisait une
attaque.
"Non, j'en sais rien. On dirait que ça pue un peu la merde en tout cas.
- Tu ne sais pas ce que c'est..."
Il commence à me gonfler le philosophe. Je passe une main sous la table.
"Bon, si tu crois que je t'ai pas remarqué depuis tout à l'heure, me dit-il
d'un air totalement sérieux.
- Quoi donc?
- La main là. Pourquoi t'as la trique toi d'abord?
- Parceque je mate les clips. T'as vu ça?
- Arrête, t'as le gourdin depuis deux heures. Et pas la demi molle!
- Et alors, moi je me contrôle.
- Je vois ça."
Ce petit salaud commence à me les briser menues.
"Alors?
- Quoi?
- Pourquoi t'es... enfin, comment ça se fait que tu...
- Que je quoi? Que je bande? C'est ça? C'est ça hein? Hum?"
Les turfistes s'excitent au bar. Le petit s'écrie : "C'est quoi ce bar de pd?
Hey les fiottes, faites voir ce que vous avez dans le falzard!"
Q = Pi * D 22
Vivre libre et mourir
Le petit turfiste s'amuse avec la femme. Il lui donne des baffes et des coups
de pied dans le ventre. Elle hurle de douleur. Le toxico se lève et
commence à avancer vers le groupe de turfistes. Fière et droite, sous les
lustres, sa bougie lui sert de montre. Ce qu'on bien remarqué les turfistes.
Le plus moustachu des turfistes commence à s'avancer vers le Santa Maria.
Les deux hommes se fixent.
Ils arrivent enfin l'un en face de l'autre. Ils s'arrêtent. Le moustachu donne
un coup du revers de la main très fort sur le membre du type. Celui-ci
tombe alors à genou. Il se prend aussi sec un coup de genou dans le visage
déjà bien rougi par les multiples pertes de connaissance.
Là le mec sort un couteau et gueule : "On lui coupe la bite?"
A ce moment très précis personne n'est contre, sauf le toxic bien sur. Mais
le petit qui tient toujours la femme par le bras, a le tact d'ajouter : "Oublie
pas l'autre tafiole là bas!"
Q = Pi * D 23
Vivre libre et mourir
"Alors, les gars, on va jouer à un jeu. Hey prête moi ta copine, mon pote."
dit une voix rocailleuse ayant subit le passage d'une bonne charrette de
gauloises. Le petit donne le bras de la barman au psychopathe. "Regardez
bien les fiottes! Hey Muchacho, passe moi ton couteau." Ce que fait le
moustachu. Je me relève un peu sur les bras.
"Hey, tu viens sans ta bite ni ton couteau toi!" J'affiche un large sourire de
contentement. J'essaye toujours l'humour en cas de crise.
"Justement, ça tombe bien que tu m'en parles la fiotte." Je lance un regard
des moins surpris.
"Je comptais justement voler ce couteau un de ces jours, petit pédéraste.
Mais pour en faire quoi à ton avis?
- J'avoue, j'en sais rien.
- Pour me trouver une bite! "
"Donc on va jouer à un petit jeu. C'est l'histoire de deux pd qui se coupent
la bite.
- Hey, c'est marrant ton jeu, dis le premier turfiste, qui lance un coup de
pied à la femme. Hein que c'est marrant?"
Q = Pi * D 24
Vivre libre et mourir
Et c'est ainsi que chacun à notre tour nous avons découpé le sexe de l'autre.
Ca a bien duré toute la matinée. Les turfistes ont pris le contrôle du bar. Ils
ont passé leur matinée à parier sur des courses américaines de bourrin à
cinq pattes. Ils nous ont laissé faire. De temps en temps, le moustachu nous
filait des coups de pied et nous faisait signe de bien lui rendre le couteau
quand on aura fini.
Une fois les turfistes complètement saoul, aux alentours de 11h30, ils
décidèrent de nous laminer à coup de bouteilles de mauvais rosé. Ils ont
pillé ce qu'il restait du bar et ont mis le feu aux cuisines. On ne les a jamais
revu.