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UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL

PRATIQUES MASTURBATOIRES FÉMININES ET SANTÉ SEXUELLE : UNE


EXPLORATION QUALITATIVE DES PERSPECTIVES ET DES EXPÉRIENCES
DES FEMMES

MÉMOIRE
PRÉSENTÉ
COMME EXIGENCE PARTIELLE
DE LA MAITRISE EN SEXOLOGIE

PAR
VALÉRIE MORIN

JUIN 2018
UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL
Service des bibliothèques

Avertissement

La diffusion de ce mémoire se fait dans le respect des droits de son auteur, qui a signé
le formulaire Autorisation de reproduire et de diffuser un travail de recherche de cycles
supérieurs (SDU-522 - Rév.0?-2011 ). Cette autorisation stipule que «conformément à
l'article 11 du Règlement no 8 des études de cycles supérieurs, [l'auteur] concède à
l'Université du Québec à Montréal une licence non exclusive d'utilisation et de
publication de la totalité .ou d'une partie importante de [son] travail de recherche pour
des fins pédagogiques et non commerciales. Plus précisément, [l 'auteur] autorise
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intellectuelle. Sauf entente contraire, [l'auteur] conserve la liberté de diffuser et de
commercialiser ou non ce travail dont [il] possède un exemplaire. »
REMERCIEMENTS

Avant tout, il faut absolument que je remercie les treize participantes de cette étude.
Vous m' avez donné la permission d' explorer vos vécus sexuels et c' est un cadeau
inestimable. Le partage de vos expériences est vraiment le cœur de cette recherche.
Merci de votre confiance et surtout, de votre grand intérêt à faire avancer les
connaissances sur la sexualité des femmes.

Ce mémoire a été, pour moi, une tâche ardue me demandant autant d' efforts
théoriques que personnels. Sans le soutien de plusieurs personnes, je n' aurais pas pu
maintenir ces efforts afin de mener à bien ce projet.

J'aimerais tout d'abord remercier ma directrice, Sylvie Lévesque, sans qui cette
recherche n' aurait jamais vu le jour. Elle m' a guidé avec patience et encouragement à
travers le processus sinueux et complexe de la recherche qualitative. Sylvie a été une
men tore indispensable dans chaque étape de ce long processus. De l' écriture du devis
à l' écriture du mémoire, chaque défi a été surmonté un par un grâce à Sylvie, ses
corrections et ses conseils précieux.

J'aimerais ensuite remercier ma codirectrice, Julie Lavigne, qui a fortement contribué


à l' expression de ma voix féministe dans cette recherche. Ses connaissances
approfondies des différentes approches féministes m 'ont permis d'y intégrer la
couleur féministe que je voulais. Cet angle féministe est le moteur de ce projet. C' est
pourquoi je remercie énormément Julie d' en avoir fourni le carburant.
lV

J'aimerais aussi remercier mes amies, Sarah et Audrey, qui m' ont suivi tout au long
de ces deux dernières années. Merci de m' avoir accompagné pendant ces séminaires,
ces fins de session et ces longues nuits d' écriture. Surtout, merci de m' avoir fait rire
et d ' avoir ri avec moi. Votre persévérance, votre patience et votre ardeur au travail
ont été une source d' inspiration constante.

Je souhaite aussi remercier mon éditeur-philosophe et ami, Éric. Merci de m'avoir


demandé à plusieurs reprises le but fondamental de ma recherche. Tu m' as tant de
fois rappelé qu' il faut toujours revenir sur l' importance et la pertinence de son sujet,
mais surtout l' importance de la question à laquelle nous tentons de répondre. Mis à
part les aspects techniques, merci pour ton amour et ta patience à chaque obstacle
rencontré durant les deux dernières années. Merci M. Leduc.

Enfin, j 'aimerais remercier les membres de ma famille qui m' ont soutenue avec leur
amour tout au long de ma maîtrise. Merci d' être fier de moi et de m' encourager
constamment. Je ne pourrais être qui je suis ni où je me trouve sans vous. Je vous
aime tellement.
TABLE DES MATIÈRES

LISTE DES FIGURES ............ ...... ...... .......... ... ... ........ .... ... .. ............ ................ ..... ...... xi

LISTE DES TABLEAUX ....... .. ... .. ... .... .. ... .. .. ... ........ .... ............. .. ....... ...... ......... ....... . xii

RÉSUMÉ ...... ... .. .... .. ... ... ...... ...... ........... ..... .......... ..... ............ .. ............ ...... .. ..... .... .... .. xiii

INTRODUCTION .. .... .... .... ...... ... .. .... ................ ........ ..... ........ ... ... .. ............ ............... ... 1

CHAPITRE I
PROBLÉMATIQUE ... .......... ........... .. .... ... ... .. .......... .. .... .. .... ...... .... ...... ... .. ....... .... ....... .. 2

1.1 Mise en contexte ...................... ... .. .... .. .. ... ....... ........................... .. ... ....... ...... ...... . 2

1.2 Objectifs .... ..... .. .... ..... ..... .. .... ............. .. ..... .......... .. ..... .... ...................................... 5

1.3 Pertinence ...... ... .... .... .. .... .. ....................... ... ... .. ... .......... .... ...... .. .............. ..... ..... ... 5

CHAPITRE II
ÉTAT DES CONNAISSANCES ......................... ....... .............. .. .... ... ... ... ....... ............ . 8

2.1 L'évolution des perspectives sur la masturbation: la construction d' un tabou .. 8

2.1.1 La condamnation de la masturbation par les instances religieuses ........ .. 9

2.1.2 La peur morale et médicale de la masturbation qui se propage ............ . 10

2.1.3 Le tabou de la masturbation : une particularité difficile à discréditer ... 12

2.2 Les influences socioculturelles du tabou de la masturbation ........................... . 13

2.2. 1 Famille et religion : des contextes sociaux peu propices aux


conversations sur la sexualité ... .. ........... .. ..... ...... .. ... ... ............ .... .. .. .... .. ..... ...... 13

2.2.2 Double standard sexuel : un concept issu des rôles sexuels stéréotypés et
traditionnels .... .... ............. ............................. ........ ....... ........... ................ .. ... .... 14

2.3 Prévalence des pratiques masturbatoires des femmes à la hausse .. .... .... ... ....... 15
Vl

2.3.1 Le rapprochement des expériences des femmes à celles des hommes


quant à la masturbation ....... .... .... ... ... .... .......... .......... ... ... ... .. .. ..... .... .... ... .. 00 • • •• • 19

2.4 Apport empirique des théories critiques féministes quant aux pratiques
masturbatoires féminines et leurs significations au niveau social ...... .. .. .... .... .... ... . 20

2.5 Attitudes et émotions négatives à l' égard de la masturbation : le vécu des


femmes ... .. ......... ... ........... ... ... ... .. ... ........ ....... ........... ..................... ........... ..... .. ..... .... 25

2.6 Les pairs, les partenaires et les médias sont de meilleures sources d'information
et de discussions que la famille et les parents .. .. ................................... .. ..... ........... 27

2.7 La masturbation à l' adolescence et à l'âge adulte : ses impacts sur la sexualité
dyadique ... ...................... ........... ..... .... ... .... ........... .. .............. ...... ...... .... ...... .... ..... .... 28

2.7.1 La masturbation à l'adolescence et ses impacts sur la sexualité dyadique


.... ............ ........... .... .... ........... .. .... ..... ........... ... ......... .... .. ...... ........ ... .. ....... ...... ... 28

2. 7.2 Les fonctions de la masturbation pour les femmes adultes .. ...... .. ....... ... 31

2.8 La santé sexuelle et la masturbation ... ..... .......... ... .. ... .. ....... ....... ........... .. ....... ... 32

CHAPITRE III
CADRE THÉORIQUE .. .... ........ ... ........... .... ... ..... ........... ..... .. ... ..... ............................. 35

3.1 Les théories critiques féministes .... .... ..... .. ... .... ..... .......... ..... ...... ......... .............. 35

3.1.1 L'influence des approches féministes sur les perspectives de la


masturbation ............ ... ......... ... .. ... ... ... ........ ..... ....... ..... .. .... .. .. ... .... ... ....... ....... ... 36

3 .1.2 La théorie des scripts sexuels ..... .......... ... ...... .... ..... .. ..... ... ... ................... 42

3.2 Le soi sexuel ...... .. ... ...... ... .. ....... ..... ... ... ...... ..... ..... ... ... 00 • ••• • ••• •• • •••• ••• ••••••••• • •••••• • • • 47

3 .2.1 La construction du soi sexuel par les scripts sexuels .. ........................ ... 4 7

3 .2.2 Le concept de soi sexuel : un modèle psychologique .... ..... ... ... ... .. ....... . 51
VIl

3.3 La santé sexuelle ....... ........ ...... ... .. ....... ..... ... .............................. .. ... .. ... ... ... ... ..... 53

CHAPITRE IV
MÉTHODOLOGIE .... ..... ......... .. ... .. ............................... ... .... .... ......... .... .. .. .... .. ..... ... .. 56

4.1 Participantes ..... .. .. ..... ....... ........ .... ... .. .. ..... .... .... .......... .. ..... .... ....... .. ... ..... .. .. .. .. .. . 56

4.2 Recrutement ..... ... ... .. ... ..... ... ..... ..... .......... .. .... ... ... ..... .. ...... .. .. ..... ...... ....... .... .. .. ... 57

4.3 Canevas d'entretien ..... ..... ... .... ... ..... .. .. .... ...... .. .. ...... ...... .. ...... .. ...... ... .... ... ..... .... . 57

4.4 Procédures .. ..... ... .......... .... ....... .. .. ........ .... ...... ..... ..... .. ... .... .... ...... ... .. ..... ........ .... . 58

4.5 Analyses ................. ..... ....... .. ......... .... ...... .. .. .... ... ... ... ...... ...... .... .. ... ... .... ... ....... .. . 60

4.6 Considérations éthiques .. ... ....... ..... ... .......... ...... .. ... .... ..... .... .. .. ... ..... .... ... .. .. ... .. .. 63

4. 7 Description des participantes .... .. .... .... ... .. ... ... ... ...... ........ ......... .... ... ... .. ... .... .... .. 64

4.7.1 Présentation sommaire des participantes .... ... ... ........ ... ..... .. ... .... ............ 64

4.7.2 Présentation sommaire des pratiques masturbatoires des participantes . 66

4.7.3 Présentation des lignes du temps propre à chaque participante .......... ... 67

CHAPITRE V
RÉSULTATS .. .... ....... ..... ...... ...... ... .... ..... ....... ... .. ....... ...... .. ... .... .... .... .... .............. ..... ... 81

La masturbation : une alliée de la santé sexuelle en dépit des jugements sociaux .. ... 81

5.1 Les messages véhiculés par la société et les conversations entretenues avec
autrui : des discours qui sculptent le vécu des pratiques masturbatoires des femmes
··· ·· ····· ·················· ··· ···· ········· ······ ··· ······· ···· ··· ····· ·· ···· ······· ····· ········ ····· ····· ·· ···· ··· ··· ··· ·· ··· 81

5.1.1 Les impressions des participantes sur les messages véhiculés à propos de
la masturbation féminine : plusieurs perceptions et explications émèrgent ... 82
Vlll

5.1.2 Les dialogues entretenus avec autrui : des conversations qui modifient
leurs perspectives et normalisent ou culpabilisent leur masturbation .... ... ... ... 88

5.2 L' aisance corporelle, la reconnaissance des besoins sexuels et l' acceptation de
son plaisir sexuel :des composantes d' une découverte de soi constatées par
l' intermédiaire de la masturbation ... ........ .... ... .. .. ... ..... ... ...... ... .. .... .. ..... .. ....... .......... 93

5.2. 1 Une meilleure connaissance du corps et une plus grande aisance avec
celui-ci : des composantes importantes catalysant la découverte de soi ......... 94

5.2.2 La reconnaissance et la prise de conscience de leurs désirs et de leurs


besoins sexuels: une phase nécessaire vers l'acceptation et l'affirmation de
soi ....... .. ....... .. .. .. .. .. ..... .... .... ... ...... ... ... .... ..... .... .... ....... .... ..... .............. ... .. ......... . 98

5.2.3 Le point culminant de la découverte de soi et de l'autonomisation : une


confiance et une assertivité quant à leur capacité à obtenir l' orgasme et/ou le
plaisir sexuel ..... .... .... .... ......... ........ .. ....... ...... ...... ..... ........... ... ... .. .. ...... .... .. .... 100

5.3 L' adolescence :une période où la sexualité et les pratiques masturbatoires se


déploient, mais rencontrent aussi quelques embûches ... ... .... .... .. ..... ......... ....... ... .. 102

5.3.1 Une reconnaissance du désir sexuel émergent à l' adolescence qui se fait
par la connaissance de la nature sexuelle de la masturbation et la découverte
de l' orgasme .................... ....... ..... ..... ..... .... .......... .. ... ..... .... ..... ...... ..... ... ... .... .. 102

5.3 .2 Une confrontation à l'aspect tabou de la masturbation féminine .. ...... 104

5.3.3 La première relation sexuelle, source d' ambiguïté émotive et de


réflexions ... .... .... .... .... ... .... ... .. .... .. ... .... ..... ....... ... ... ..... .... ... ....... .. .. ..... .... ...... ... 106

5.3.4 Une décision affirmative à poursuivre sa masturbation .. .. ... ... .. .. ........ . 109

5.4 La sexualité dyadique :un contexte propice à l' affirmation de soi ... ... ... .... .. . 110

5.4.1 Une connaissance de leurs préférences sexuelles ........ .... ... ..... ... ... .... .. 110

5.4.2 Une appropriation de leur propre plaisir sexuel.. .... ... ....... ...... ...... ..... .. 111

5.4.3 Une capacité à communiquer leurs désirs et leurs besoins sexuels .. ... 113
lX

5.4.4 Une inclusion de la masturbation dans le coït ......... ... ... .... ......... ..... .... 114

5.4.5 Une volonté à essayer de nouvelles expériences sexuelles .... .... .. ........ 115

CHAPITRE VI
DISCUSSION .............. ..... ... .............. .. .......... ................. .... ..... ... ... .. .. .... ..... ...... .. ..... . 117

6.1 Le contexte social et les tabous : des messages culturels et des conversations
avec autrui qui modulent les perspectives et les représentations des pratiques
masturbatoires des femmes .. ... ..... ...... .. .. .. .... ... .. ... ...... ....... .. ... ... .. ....... .... ... .. .. ........ 117

6.2 La découverte de soi :un processus lié par la masturbation, l'aisance


corporelle, la reconnaissance des désirs sexuels et le plaisir sexuel.. ...... .. .. .. ....... 123

6.3 L'intégration de la masturbation dans la sexualité dyadique : des moments


propices à l'affirmation de soi .... ..... ........ ... ... ..... .... .... .......................... ....... ......... 127

6.4 Implications pratiques ..... ... .. ...... .... ..... .. .. .... .... ...... ... .......... .... .. ........ .. .. .. ....... .. 132

6.5 Limites de l'étude ..... ... .. .... ...... ... .... ................... ..... ........ ........ .... .................... 133

6.6 Recommandations pour les recherches futures .................. ... ..... ........ ..... ........ 135

CONCLUSION ...... ... .... ..... .. .... ....... ...... ... .... ... .... .. ..... .... .... ... ...... ...... .......... .. .......... .. 138

ANNEXE A
MODÈLE DU CONCEPT DE SOI SEXUEL PAR DEUTSCH ET COLLÈGUES
(2014) .. ...... .. .. ..... .... .. ............ ........ .. .......... ..... ... ..... .. .... ....... ....... ......... .............. ...... .. . 141

ANNEXEB
TABLEAU DES HUIT DIMENSIONS D'UNE BONNE SANTÉ SEXUELLE
SELON LES PARTICIPANTES .... ... ... ......... ..... ....... .. .... ..... ... ...... ... .... ... .... ..... .... ... . 142

APPENDICE A
AFFICHE D'INVITATION À PARTICIPER À L'ÉTUDE ... ..... ..... .. ........ ......... .... 145

APPENDICEB
GUIDE D'ENTRETIEN .... ..... ... .... .......... .. ... ...... .. ..... ... ...... ... ........ ........ .. ..... ..... ... ... . 146

APPENDICEC
x

FORMULAIRE DE CONSENTEMENT ...... ..... ........... ........... ... ..... .. .. .. ........ ..... .. ... 149

APPENDICE D
COURT QUESTIONNAIRE .... .... .... .. ....... ......... .. ... ... .. ........ .. ... ...... .... ...... ..... .. ..... ... 154

APPENDICEE
LISTE DE RESSOURCES .. .... .. .... .. ... ...... .... ........... ... ... ... ..... ... ......... .. ....... .... .... .... .. 156

APPENDICEF
CERTIFICAT ÉTHIQUE ..... ..... ...... ...... .. .. ..... .... .. ..... .. ....... ... .... ..... ........ ... .. .. ... ...... .. 158

LISTE DES RÉFÉRENCES .... ... .... ... :...... ...... ........... .... ... ...... ... .. ..... .. ... ..... .... ....... ... 159
LISTE DES FIGURES

Figures Pages

Figure 4.1 Ligne du temps d'Anna p.68


Figure 4.2 Ligne du temps de Mélanie p.69
Figure 4.3 Ligne du temps de Laura p.70
Figure 4.4 Ligne du temps de Rachelle p.71
Figure 4.5 Ligne du temps de Christina p.72
Figure 4.6 Ligne du temps de Charlotte p.73
Figure 4.7 Ligne du temps de Sophie p.74
Figure 4.8 Ligne du temps de Fanny p.75
Figure 4.9 Ligne du temps d' Isabelle p.76
Figure 4.10 Ligne du temps de Karine p.77
Figure 4.11 Ligne du temps de Jenny p.78
Figure 4.12 Ligne du temps d' Arielle p.79
Figure 4.13 Ligne du temps de Diane p.80
LISTE DES TABLEAUX

Tableaux Pages

Tableau 4.1 Grille de thématisation p.62


Tableau 4.2 Présentation sommaire des participantes p.65
Tableau 4.3 Présentation sommaire des pratiques masturbatoires p.67
RÉSUMÉ

La sexualité des femmes a longtemps été repnmée et certaines études concluent


qu'elles portent encore un regard négatif sur leur masturbation et leur droit au plaisir
sexuel (Hogarth et Ingham, 2009; Kaestle et Allen, 2011). Ceci est problématique
dans la mesure où un rapport négatif à son plaisir sexuel, et plus précisément à la
masturbation, mine potentiellement la santé sexuelle. Or, les études sur la
masturbation féminine réalisées à ce jour n' ont pas détaillé les processus impliqués
dans le phénomène de la masturbation des femmes et ses liens multiples avec la santé
sexuelle. Cette recherche qualitative exploratoire s' intéresse à savoir comment une
pratique régulière de la masturbation (définie comme une fois par mois ou plus)
module la santé sexuelle des femmes à travers le développement du concept de soi
sexuel.

Cette étude a analysé le discours de treize femmes (âgées de 18 à 30 ans) sur leurs
pratiques masturbatoires et a tenté de décrire les processus sous-jacents à une
sexualité plus épanouie et une meilleure santé sexuelle. Ces analyses ont été
complétées en interprétant la perception des femmes de cette pratique à 1' aide du
concept de soi sexuel et de théories critiques féministes .

Les résultats tendent à montrer que les femmes qui se masturbent régulièrement ont
une meilleure compréhension de leur soi sexuel en raison d'une plus grande aisance
et connaissance corporelle, d' une meilleure reconnaissance de leurs désirs et leurs
besoins sexuels, et d' une plus grande confiance en leur capacité à obtenir un orgasme.
De plus, en contexte dyadique, elles semblent témoigner d' une plus grande confiance,
et ce grâce à une meilleure connaissance de leurs préférences sexuelles, une plus
grande appropriation de leur plaisir sexuel, une meilleure communication de leurs
désirs et besoins sexuels, et une plus grande volonté à essayer de nouvelles pratiques
sexuelles. Bref, cette étude précise la place essentielle qu' occupe la masturbation
dans la construction d' une sexualité saine et épanouie.

Mots-clés : masturbation, masturbation féminine, santé sexuelle, concept de soi


sexuel, scripts sexuels, réflexivité sexuelle
INTRODUCTION

La masturbation est objet de controverse depuis très longtemps. Tout d' abord, en
contexte religieux, selon les valeurs judéo-chrétiennes entre autres, la masturbation
est un péché mortel. Depuis le XVIe siècle, on peut trouver des écrits religieux
condamnant la masturbation et quiconque ose la pratiquer (Stengers et Van Neck,
1998/2001). Ensuite, la médecine du XIXe siècle n'améliore pas la réputation de la
masturbation. Les médecins de 1' époque sont unanimement en accord que la
masturbation est responsable de plusieurs maladies et peut même être mortelle (De
Bourge, 1860; Fonssagrives, 1870; Fournier et Béguin, 1819; Proudhon, 1858). La
transmission des valeurs religieuses au domaine de la médecine explique en partie la
raison pour laquelle la masturbation demeure aujourd' hui une pratique mal vue
auprès de plusieurs, tant chez les hommes que chez les femmes. Ainsi, selon une
étude de Hogarth et Ingham (2009), beaucoup de jeunes femmes disent ressentir de la
culpabilité et de la honte par rapport à leur pratique masturbatoire. Ceci révèle que la
masturbation, particulièrement la masturbation féminine, demeure une pratique
méprisée et taboue aujourd' hui (Kaestle et Allen, 2011). En dépit de cette
stigmatisation et malgré les sentiments plus négatifs exprimés par certaines, la
littérature scientifique sur le sujet illustre un fort pourcentage de pratique chez les
femmes, soit environ 60 à 80 % de la population selon des milieux (Arafat et Cotton,
1974; Baéak et Stulhofer, 2011 ; Béjin, 1993 ; Das, 2007; Gerressu et coll., 2008). Les
normes sociales négatives entourant la masturbation féminine sont étonnantes étant
donné le nombre de femmes qui la pratiquent. Nous nous intéressons au phénomène
de la masturbation et des dynamiques qu' elle exerce dans la sexualité des femmes
ainsi que les normes sociales qui modulent le tout.
CHAPITRE I

PROBLÉMATIQUE

1.1 Mise en contexte

La masturbation se définit comme une excitation manuelle des organes génitaux


externes dans le but de provoquer le plaisir sexuel (Larousse, 2017). Il est pertinent,
pour cette étude, d'ajouter que la masturbation féminine est aussi une pratique
sexuelle solitaire et/ou dyadique de la stimulation des organes génitaux féminins par
les mains ou autres parties du corps, le(s) jouets sexuels ou autres (p.ex. : un jet de
douche, un manche de brosse à cheveux, un coussin, etc.) ou par la stimulation
d'autres zones érogènes et dont le but est le plaisir sexuel et/ou l'orgasme.

Plusieurs études stipulent que la masturbation fait partie du répertoire des


compétences sexuelles (Carvalheira et Leal, 2013; Gerressu et coll., 2008; Shulman et
Home, 2003; Robbins et coll., 2011; Smith et coll., 1996). La littérature scientifique
sur la masturbation indique qu'elle est liée à différentes notions importantes en
sexologie telles que l'estime de soi sexuelle 1 (Calogero et Thompson, 2009; Mayers
et coll., 2003; Smith et coll., 1996), 1' estime de soi génitale 2 (Bowman, 20 14;
Coleman, 2002), les multiples comportements sexuels dyadiques, c'est-à-dire le sexe

1
L' évaluation positive de sa propre sexualité, incluant l'appréciation des comportements sexuels, des
sentiments sexuels et des pensées sexuelles, ainsi que les perceptions de son corps en contexte sexuel
(Hensel et coll., 2011).
2
Les perceptions et les attitudes envers ses organes génitaux, incluant la satisfaction de l' apparence,
de l' odeur et du fonctionnement ainsi que le niveau de confort à laisser un(e) partenaire sexuel(le) ou
un(e) professionnel(le) de la santé regarder ses organes génitaux (Herbenick et coll. , 20 Il).
3

3
oral, anal et/ou vaginal (Rabbins et coll., 2011), l'assertivité sexuelle (sexual
assertiveness) (Carvalheira et Leal, 2013), l'auto-examen des organes génitaux
(Herbenick et coll., 2009), l'affect négatif sexuel4 (Arafat et Cotton, 1974; Hogarth et
5
Ingham, 2009; Sharma et Sharma, 1998) et le désir sexuel (énergie sexuelle,
excitation sexuelle, intérêt sexuel ou arousal) (Anders, 2012; Carvalheira et Leal,
2013; Herbenick et coll., 2009).

En fait, selon Deutsch et collègues (2014), quelques-unes des notions mentionnées ci-
haut font appel au concept de soi sexuel qui se définit comme la somme de ceux-ci.
Selon ces auteurs, le concept de soi sexuel est peu étudié en recherche sexologique et
les chercheurs de ce domaine disciplinaire ont de la difficulté à unanimement
proposer un seul modèle pour ce concept. Il serait pertinent d'avoir un consensus
quant au soi sexuel car la notion, lorsqu'elle est fragmentée, n'est pas utile à une
compréhension plus approfondie de la sexualité humaine (Deutsch et coll., 2014).
Selon Deutsch et collègues (2014), le meilleur modèle expliquant le concept de soi
sexuel est composé de cinq facteurs, dont deux qui comportent des sous-catégories
(voir Annexe A). Selon ces auteurs, l'estime de soi, le · sentiment d'efficacité
personnelle, 1' affect négatif sexuel, 1' excitation sexuelle et 1' exploration sexuelle sont
les cinq composantes principales associées au concept de soi sexuel.

Il est connu que le concept de soi sexuel est intimement lié à la notion de santé
sexuelle, c'est-à-dire que le développement d'un concept de soi sexuel positif est une
composante de la santé sexuelle positive (prendre des précautions concernant les
infections transmissibles sexuellement et par le sang (ITSS), avoir une bonne estime

3 Capacité à refuser des relations sexuelles non désirées et à communiquer ses préférences sexuelles à
un(e) partenaire sexuel(le) (Curtin et coll. , 2011).
4 Pensées ou émotions négatives (p .ex. anxiété) dirigées vers son être sexuel ou perception de soi

comme ayant des émotions négatives concernant la sexualité (Deutsch et coll. , 2014).
5 Ce qui constitue les mobiles de l'activité sexuelle, qu'i l s'agisse de la pulsion, de la libido, de

l' appétit sexuel, ainsi que de l'intérêt, de la motivation et de l'excitation sexuelle (Larousse, 20 18).
4

de soi sexuelle, démontrer un intérêt envers la sexualité, se sentir compétent


sexuellement, etc.) (Buzwell et Rosenthal, 1996; Deutsch et coll., 20 14; Hensel et
coll., 2011 ).

Le soi sexuel est aussi un concept développé par certains auteurs en sociologie
(Jackson et Scott, 2010; Kimmel, 2007). Le soi sexuel de chaque individu serait, en
partie, une construction sociale et cognitive de soi qui permettrait de comprendre la
sexualité et les comportements sexuels et d'agir ou de réagir dans divers contextes
sexuels (Gagnon, 1977; Jackson, 2007; Jackson et Scott, 2010; Kimmel; 2007). Plus
précisément, le soi sexuel se développe avec la théorie des scripts sexuels6 à l'aide de
la réflexivité sexuelle7 par un processus itératif entre les différents niveaux de scripts
sexuels (culturels, interpersonnels et intrapsychiques) et l'individu (Jackson et Scott,
2010). Il est donc pertinent de considérer l'interaction entre le soi sexuel, les scripts
sexuels et la réflexivité sexuelle à l'intérieur du phénomène de la masturbation
féminine, pratique sexuelle ayant plusieurs implications au niveau social.

La masturbation est liée à la santé sexuelle et plusieurs chercheurs tentent de mieux


comprendre ce lien, ou encore comment la masturbation module la santé sexuelle des
femmes (Bowman, 2014; Coleman, 2002; Herbenick et coll., 2009; Horne et
Zimmer-Gembeck, 2005). En fait, la littérature scientifique présente des lacunes
quant à l'explication de l'impact de sa pratique sur la santé sexuelle. Ainsi, sachant
que la masturbation est liée au concept de soi sexuel et que celui-ci est lié à la santé
sexuelle, il est proposé que le concept de soi sexuel nous aidera à documenter la
6
Les scripts sexuels sont développés lors de l' apprentissage de la signification d'états internes, de
l' organisation de séquences d ' actes sexuels, du décodage de situations nouvelles, des limites à une
réponse sexuelle et des liens entre des éléments non sexuels et des expériences sexuelles spécifiques
(Gagnon et Simon , 2005).
7
La réflexivité sexuelle est la capacité à penser de manière critique ses expériences sexuelles et à
prendre des décisions concernant ses comportements et ses stratégies sexuels futurs. Elle est une
composante importante d' un développement sexuel sain (Cyranowski et Andersen, 1998).
5

relation entre la masturbation et la santé sexuelle. Dernièrement, sachant que la


masturbation est une pratique sexuelle ayant des implications au niveau social en ce
sens où elle est taboue et stigmatisée, il serait intéressant d'explorer comment les
scripts sexuels et la réflexivité sexuelle interagissent dans la construction du soi
sexuel des femmes ·qui se masturbent. Comme mentionné plus haut, malgré les
connaissances accumulées dans le domaine de la santé sexuelle, les liens entre la
masturbation féminine et la promotion de la santé sexuelle ont été peu documentés.
Ainsi, les concepts de soi sexuel, de scripts sexuels et de réflexivité sexuelle
pourraient nous aider à interpréter les liens potentiels entre la masturbation des
femmes et leur santé sexuelle.

1.2 Objectifs

Le principal objectif de cette étude exploratoire est de documenter, à l' aide de


l'interaction entre les scripts sexuels et la réflexivité sexuelle, le développement du
soi sexuel des femmes quant à leurs pratiques masturbatoires et ses liens potentiels
sur leur santé sexuelle. Ses sous-objectifs sont : 1) identifier, à partir des témoignages
des femmes, les principaux messages et discours véhiculés sur la masturbation
féminine; 2) explorer les parcours d'initiation de la masturbation féminine et les
conséquences de cette pratique sur la découverte de soi; et 3) faire état des retombées
perçues par les participantes de la masturbation sur la sexualité dyadique et la santé
sexuelle.

1.3 Pertinence
6

Sur le plan scientifique, cette étude permettra de contribuer aux connaissances


empiriques lacunaires sur les liens entre la masturbation, le concept de soi sexuel et la
santé sexuelle. À ce jour, peu de recherches se sont intéressées aux enjeux sociaux
entourant les pratiques masturbatoires des femmes. Or, celle-ci s' avère encore taboue
et les femmes qui la pratiquent se sentent coupables (Carvalheira et Leal, 2013 ;
Hogarth et Ingham, 2009; Kaestle et Allen, 2011). Les perspectives recueillies des
participantes permettront de documenter leurs pratiques masturbatoires. L' analyse de
ces perspectives saura démystifier les pratiques des femmes à l' aide de plusieurs
composantes liées à la santé sexuelle. Cette recherche s' inscrit donc dans une volonté
de changement au plan social afin de légitimer la pratique de la masturbation
féminine.

Aussi, l' exploration du rôle de la masturbation féminine sur la santé sexuelle par
l' entremise des scripts sexuels, du concept de soi sexuel et de la réflexivité sexuelle
saura nous éclairer davantage sur la nature de ces liens. Une étude comme celle-ci
pourrait avoir des implications au niveau de 1' autonomisation des femmes en
cultivant le sentiment de contrôle sur leur corps et leur plaisir sexuel. En documentant
les façons dont la masturbation aide à développer le soi sexuel des femmes, cette
recherche participera au développement de connaissances qui permettront de voir les
conséquences de cette pratique sur la découverte de soi.

Ultimement, cette étude pourrait fournir des connaissances sur lesquelles pourraient
s' appuyer les intervenants et les intervenantes pour développer des outils et des
interventions en promotion de la santé sexuelle. Le vécu expérientiel des femmes qui
se masturbent pourra appuyer le développement d' outils sexologiques visant la
promotion d' une saine sexualité, entre autres. Cette étude pourrait soutenir les efforts
mis de l' avant par le Ministère de l' éducation et de l' enseignement supérieur dans son
projet d' introduire des apprentissages en éducation à la sexualité pour les enfants et
7

les adolescents du Québec en fournissant des informations supplémentaires sur les


pratiques masturbatoires et le plaisir sexuel des femmes (MEES , 2015).
CHAPITRE II

ÉTAT DES CONNAISSANCES

Plusieurs recherches se sont intéressées au phénomène de la masturbation féminine.


Afin de mieux comprendre les messages et les discours qui influencent la pratique,
l'histoire de la masturbation sera brièvement recensée. Les influences socioculturelles
du tabou de la masturbation seront présentées et les théories féministes ayant critiqué
les perceptions négatives à l' égard de la masturbation seront explicitées. Les études
empiriques concernant les attitudes négatives, la prévalence de la pratique ainsi que
les sources de discussions au sujet de la masturbation seront recensées. Pour terminer,
les pratiques masturbatoires à l'adolescence et à l' âge adulte seront présentées afin de
mieux saisir l' évolution et les fonctions de la masturbation ainsi que ses impacts sur
la sexualité dyadique.

2.1 L'évolution des perspectives sur la masturbation: la construction d' un tabou

Il est important de débuter cette recension avec les multiples perspectives passées et
présentes en ce qui concerne le phénomène de la masturbation puisque ce sont celles-
ci, entre autres, qui ont modulé la pratique. Ces perspectives ont construit au fil du
temps le contexte social dans lequel les personnes pratiquent la masturbation. Elles
permettent de voir d'où vient le tabou entourant la pratique. En effet, afin d'avoir une
vue d'ensemble des prescriptions sociales, mais aussi de l'acceptation éventuelle de
la masturbation féminine, cette section documentera les perceptions positives et
négatives à l' égard de la masturbation depuis le XIIIe siècle jusqu' à l' époque
actuelle. Plusieurs auteurs se sont penchés sur le phénomène de la masturbation et son
histoire et ils peignent tous des portraits similaires concernant 1' évolution historique
du discours sur la masturbation (Bullough, 2002; Foucault, 1976; Humbert et
9

Palazzolo, 2009; Laqueur, 2003 ; Stengers et Van Neck, 1998/2001). Historiquement,


ce discours est d' abord monopolisé par la religion qui condamne la pratique et passe
ensuite entre les mains de la médecine et de la psychiatrie. Il faudra attendre enfin les
premières recherches d' ordre sexologique pour que le phénomène soit étudié de
manière scientifique.

2.1.1 La condamnation de la masturbation par les instances religieuses

Depuis le XIIIe siècle, la perception traditionnelle consiste à considérer la


masturbation comme un péché punissable par Dieu (Stengers et Van Neck,
1998/2001). En 1595, F.J. Benedicti, un franciscain important et professeur en
théologie, décrète une morale théologique qui condamne la masturbation comme un
péché contre la nature en se basant, entre autres, sur deux textes bibliques. Le premier
de ces textes, le crime d' Onan, se trouve dans la Genèse (Gen., 38, 6-10). Selon ce
texte, Onan pratiquerait la masturbation pour fuir son devoir conjugal auprès de la
femme veuve de son frère. Le deuxième texte biblique se retrouve dans Saint-Paul
aux Corinthiens, première Épître (1 Co., 6, 9-1 0) et culpabilise ceux responsables de
« ramollissement » (mollities), c' est-à-dire de faiblesse morale. L ' importance de ces
deux textes ne se trouve pas dans leur contenu, mais dans leur interprétation comme
l' illustre le passage suivant :

Whoever engages in voluntary pollution outside marriage, which is termed


molli ti es by the theologians, sins against the natural order .. . Voluntary pollution
that is procured while awake, either by touching, by cogitation and delectation,
by locution or conversation with women or men, by reading of immodest
books, or by whatever other means, is a morta! sin. (Benedicti, 1595, p. 113)

Cette morale répressive marque, en partie, le début de la proscription de la


masturbation. Plusieurs auteurs et théologiens du XVIIe et XVIIIe siècle poursuivent

cette morale (Stengers et Van Neck, 1998/2001). Cependant, Benedicti et les autres
théologiens reconnaissent que la masturbation est un péché habituel, commun et
universel dont les gens n' ont pas peur (Stengers et Van Neck, 1998/2001 ). Cette peur
de la masturbation n' émerge qu' à partir de la deuxième moitié du XVIIIe siècle où
sont associés pour la première fois, dans un pamphlet intitulé Onania, des méfaits
physiques à la masturbation (Stengers et Van Neck, 1998/2001).

2.1.2 La peur morale et médicale de la masturbation qui se propage

En 1715, Onania or The Heinous Sin of Self-Pollution, And Ail ft 's Frightful
Consequences, in Both Sexes, Considered: With Spiritual and Physical Advice To
Those Who Have Already Injured Themselves By This Abominable Practice est publié
pour la première fois en Angleterre (Laqueur, 2003 ; Marten, 1716; Stengers et Van
Neck, 1998/2001 ). Ce petit pamphlet de 12 pages décrit les conséquences physiques
négatives de la masturbation et transforme la perception mentale et morale des gens
de l' époque (Laqueur, 2003; Stengers et Van Neck, 1998/2001). Onania connaît un
grand succès parce qu' il lie l' aspect moral, médical et religieux dans un mélange qui
convainc la population des effets nuisibles de la masturbation (Humbert et Palazzolo,
2009; Laqueur, 2003 ; Stengers et Van Neck, 1998/2001). En ce sens, Onania permet
au tabou concernant la masturbation de prendre de l' ampleur. Pour la première fois,
des conséquences physiques, mais aussi divines, sont énumérées et sont susceptibles
de toucher autant les hommes que les femmes (Laqueur, 2003; Stengers et Van Neck,
1998/2001 ). Par exemple, le pamphlet parle d' ulcères, de convulsions, de pâlissement
de la peau, d' impotence, ou même de donner naissance à des enfants malades.
Onania mentionne aussi les risques de stérilité et de fausses couches pour les femmes
(Laqueur, 2003 ; Marten, 1716). Quant aux châtiments divins, ils affecteraient
habituellement les fmances, par exemple, il y est écrit que les personnes qui se
11

masturbent risqueraient de faire faillite (Stengers et Van Neck, 1998/2001). Par


ailleurs, le but principal du pamphlet est lucratif puisqu' il recommande de se procurer
des poudres et des teintures qui guérissent les méfaits de la masturbation (Laqueur,
2003; Marten, 1716; Stengers et Van Neck, 1998/2001).

En 1760, le Dr. Samuel Tissot publie une dissertation intitulée L 'Onanisme, ou


Dissertation Physique Sur Les Maladies Produites Par La Masturbation (Humbert et
Palazzolo, 2009; Stengers et Van Neck, 1998/2001 ). Dans cette dissertation, le Dr.
Tissot (1760) fait le tri des conséquences physiques retrouvées dans Onania afin de
mieux pouvoir les cataloguer. Dans la citation suivante, nous pouvons percevoir
l' importance qu' il accorde à ce projet:

En composant cet ouvrage, j ' ai espéré d' arrêter les progrès d'une corruption
plus ravageante peut-être que la petite vérole, et d' autant plus à craindre que,
travaillant dans les ombres du mystère, elle mine sourdement, sans même que
ceux qui sont ses victimes se doutent de sa malignité. (Tissot, 1760, préface,
p. VII)

Compte tenu de ce qui précède, il est possible de comprendre les intentions de Tissot
qui sont de médicaliser et de rendre scientifiques les méfaits de la masturbation
contrairement à ce qui se retrouvait dans Onania. Jusqu' à ce moment de l'histoire,
personne n' avait questionné la véracité des propos rapportés dans le pamphlet
Onania, et ce, même si aucune observation médicale empirique n' existe. Sur la base
des affirmations non fondées dans Onania, la médecine moderne développe toutes
sortes de disciplines et pratiques ayant pour but de prévenir la masturbation et de
guérir de ses répercussions négatives imaginées sur la santé (Humbert et Palazzolo,
2009; Stengers et Van Neck, 1998/2001). Par exemple, plusieurs instruments
différents, autant pour les hommes que pour les femmes, sont inventés afin
d' empêcher la masturbation. Il y aura une surveillance accrue des enfants, ainsi que
l'élaboration de règles strictes concernant leur éducation (Foucault, 1976; Humbert et
Palazzolo, 2009; Stengers et Van Neck, 1998/2001). Toutes ces nouvelles pratiques
12

psychiatriques, pédiatriques et chirurgicales se répandent jusqu' en Amérique où une


peur morale et médicale de la masturbation se fait aussi ressentir (Humbert et
Palazzolo, 2009; Laqueur, 2003; Sten gers et Van Neck, 1998/2001 ). La masturbation
est devenue une pratique proscrite et taboue aux yeux des religieux, mais aussi des
médecins, des psychiatres et autres professionnels de la santé.

2.1 .3 Le tabou de la masturbation : une particularité difficile à discréditer

Selon plusieurs auteurs, cette culpabilité et cette peur entourant la masturbation se


poursuivent jusqu' à aujourd' hui (Humbert et Palazzolo, 2009; Stengers et Van Neck,
1998/2001 ). Toutefois, avec les premières recherches sexologiques commence une
investigation empirique de la question de la masturbation en tant que pratique
sexuelle commune dans la population. En 1899, Havelock Ellis, le père de la
sexologie, entame 1' étude des comportements sexuels déviants et remarque que la
masturbation ne cause pas les méfaits auxquels elle a si longtemps été associée. Selon
Humbert et Palazzolo (2009), il est l'un des premiers à poser de sérieuses questions
concernant ces liens supposés. Pour sa part, il propose que la masturbation des
femmes régule les hormones et, dans ce cas, leur cycle menstruel. En 1908, Sigmund
Freud et ses collègues de la Société psychanalytique de Vienne constatent que les
conséquences de la masturbation sont plutôt psychosomatiques (Humbert et
Palazzolo, 2009). En effet, ils expliquent que la masturbation en soi ne produit pas
d'effets nuisibles, mais que 1' angoisse et la culpabilité associées à 1' acte causeraient
les séquelles physiques remarquées. Malgré les progrès des recherches sexologiques,
la légitimité de la masturbation demande encore à être démontrée (Foucault, 1976;
Humbert et Palazzolo, 2009; Laqueur, 2003 ; Stengers et Van Neck, 1998/2001). À ce
sujet, les mouvements féministes ont beaucoup participé à l' avancement de la
condition de la femme, et ce, tout particulièrement dans la sphère de la sexualité
13

(Fahs, 2011; McCormick, 1994). En fait, les féministes recensent et célèbrent la


masturbation des femmes dès les années 1940 (Dodson, 1987; Hite, 1976; Kinsey et
coll., 1953; Masters et Johnson, 1966; McCormick, 1994; Reich, 1936).

2.2 Les influences socioculturelles du tabou de la masturbation

Comme démontré précédemment, le tabou de la masturbation semble avoir eu


plusieurs impacts au niveau de son intégration dans la vie des femmes . Les études
empiriques illustrent ces impacts et plusieurs chercheurs les expliquent par les normes
sociales entourant les pratiques masturbatoires. Cette section recense les explications
de ces chercheurs qui discutent des normes socioculturelles influençant la pratique de
la masturbation.

2.2.1 Famille et religion : des contextes sociaux peu propices aux conversations sur la
sexualité

Les contextes dans lesquels se déroulent les premières expériences de masturbation,


de même que le discours de la famille sur la masturbation, influencent la perception
qu' en développe un individu (Carvalheira et Leal, 2013 ; Kaestle et Allen, 2011). Le
contexte familial était considéré comme un endroit où le silence et le tabou sur la
masturbation sont implicites (Kaestle et Allen, 2011), constats similaires à ceux
trouvés dans l' étude de Hogarth et Ingham (2009). En effet, la difficulté à parler de
sexualité à leur famille semble aller de pair avec les perceptions négatives qu'elles
développent sur leurs pratiques masturbatoires (Hogarth et Ingham, 2009; Kaestle et
Allen, 2011) . Dans Hogarth et Ingham (2009), les participantes ayant une perception
14

négative de la masturbation décrivaient la communication au sujet de la sexualité


avec leurs parents comme maladroite et gênante.

2.2.2 Double standard sexuel : un concept issu des rôles sexuels stéréotypés et
traditionnels

La plupart des participantes de l' étude de Kaestle et Allen (2011) ont mentionné la
perception selon laquelle la masturbation des hommes est plus acceptable que celle
des femmes. Nommé directement dans les récits des participantes, le double standard
sexuel se rapporte au phénomène où un comportement typiquement « masculin »
adopté par un homme est acceptable, tandis que lorsqu' une femme adopte ce même
comportement dit « masculin », elle est réprimandée, explicitement ou implicitement
(Clark et Wiederman, 2010; Seabrook et coll., 2017; Tolrnan et coll., 2016). Ce
clivage des comportements dit « masculins » et « féminins » est issu de rôles et/ou de
stéréotypes sexuels traditionnels (Clark et Wiederrnan, 2010, Seabrook et coll., 2017;
Tolman et coll., 2016). La masturbation semble être encore considérée comme un
comportement « masculin », c' est-à-dire que les femmes sont encore socialement
réprimées pour avoir adopté un comportement pour lequel les hommes, eux, sont
récompensés (Carvalheira et Leal, 2013). Kaestle et Allen (2011) font remarquer que
63 % des hommes maintiennent un discours qui propose la masturbation comme
bonne pour la santé sexuelle, tandis que seulement 16 % des femmes ont le même
discours. Ceci montre à quel point les hommes sentent qu' ils ont davantage le droit
au plaisir sexuel et que le plaisir sexuel est un but positif à atteindre pour eux
(Carvalheira et Leal, 2013; Kaestle et Allen, 2011). Le double standard sexuel qui
persiste et opprime la sexualité des femmes et leur droit au plaisir sexuel pourrait en
partie expliquer les sentiments négatifs rapportés par les femmes, démontrant la
15

présence du tabou de la masturbation dans la culture portugaise (Carvalheira et Leal,


2013).

2.3 Prévalence des pratiques masturbatoires des femmes à la hausse

Malgré les nombreuses études qui révèlent qu' il existe encore un tabou concernant les
pratiques masturbatoires féminines, les statistiques qui concerne la prévalence de
femmes se masturbant régulièrement ou qui se sont masturbées au moins une fois
dans leur vie sont à la hausse (Kraus, 2017). La prochaine section recensera ces
données statistiques au sujet de la pratique de la masturbation chez les femmes ainsi
que leur évolution dans le temps.

La prévalence de s' être masturbé au moins une fois dans leur vie varie entre 42,7% et
48,1 %, selon les données colligées auprès d'adolescentes dans les études de Smith et
collègues (1996) et de Robbins et collègues (2011) respectivement. Bien que ces deux
études soient séparées de 15 ans, nous pouvons constater que le taux de prévalence de
femmes adolescentes qui se sont masturbées au moins une fois dans leur vie n' a pas
varié énormément.

Selon quelques études portant sur les femmes adultes, les femmes sous-déclarent
certaines informations au sujet de leurs pratiques masturbatoires (Béjin, 1993; Kraus,
2017). L'article de Béjin (1993) analyse les résultats d' une enquête nationale intitulée
Analyse des comportements sexuels en France (ACSF) concernant « la
transformation des comportements sexuels et les logiques de protection face à
l' épidémie du SIDA ». L' enquête ACSF a interrogé aléatoirement par téléphone
20 055 personnes de 18 à 69 ans. Une première question (directe) dem~ndait : « Vous
16

êtes-vous masturbé(e)? : souvent; parfois; assez rarement; jamais; non-réponse »,


tandis qu' une deuxième question (indirecte) demandait: « Pouvez-vous me dire si,
quand vous vous masturbez, vous parvenez à l'orgasme: toujours; plutôt facilement;
plutôt difficilement; jamais; non concerné(e); non-réponse » (Béjin, 1993). L' auteur
remarque par l' incohérence de leurs réponses à ces deux questions que les femmes
ont sous-déclarées leurs pratiques masturbatoires. En effet, Béjin (1993) s' est aperçu
que la deuxième question avait été posée à toutes les femmes et pas seulement à
celles ayant répondu (à la première question) qu' elles s' étaient masturbées souvent,
parfois ou assez rarement. Selon les calculs de l'auteur:

Il suffisait d'additionner pour chaque tranche d' âge les pourcentages de celles
qui disent atteindre l'orgasme toujours, plutôt facilement ou plutôt difficilement
(réponses qui suppos~nt toutes une expérience, au moins minime, de la
masturbation) pour obtenir les pourcentages de masturbation féminine
conduisant à l' orgasme et indirectement déclarée. (Béjin, 1993, p.1440)

En moyenne, 42% des femmes ont répondu s' être masturbées souvent, parfois ou
assez rarement, tandis que 56% des femmes on dit qu' elles parvenaient à l'orgasme
toujours, plutôt facilement ou plutôt difficilement en se masturbant (Béjin, 1993).
Pour les femmes âgées de 18 à 19 ans, l'écart était plus élevé, c' est-à-dire 34%
versus 67%.

Or, une autre enquête à échantillon représentatif français dix ans plus tard révèle que
les perspectives des femmes à l' égard du dévoilement des pratiques masturbatoires
ont changé (Bozon, 2008). Dans cette enquête, Bozon (2008) rapporte que 60 % des
femmes de l' étude ont mentionné qu' elles se sont masturbées (au moins une fois dans
leur vie) et que seulement 17,9 % des femmes ont rapporté une pratique régulière
(souvent ou parfois dans les 12 derniers mois). Un fait intéressant rapporté dans
1' étude est que la masturbation est rarement déclarée par les personnes moins
diplômées, et ce, surtout chez les femmes (Bozon, 2008). Autrement dit, ce sont les
« femmes au foyer », les employées et les ouvrières parmi les 25 à 49 ans qui
17

déclarent le moins fréquemment s' être masturbées dans les 12 derniers mois (Bozon,
2008). De plus, le refus de répondre à cette question était plus élevé parmi les femmes
non diplômées (5 ,5 %), ainsi que la réponse « n' a jamais pratiqué la masturbation »
(51,4 % chez les non-diplômées).

Dans une étude menée par 1'Institut français de l' opinion publique (Ifop), Kraus
(20 17) rapporte les propos de 913 femmes âgées de 18 à 69 ans au sujet de leurs
pratiques masturbatoires. L' enquête quantitative à échantillon représentatif de la
population française a été réalisée à l' aide d' un questionnaire en ligne. L'étude avait
pour objectif de décrire et d'expliquer la progression de la pratique de la masturbation
des Françaises. Les résultats de Kraus (2017) révèlent que 74% des femmes se sont
déjà masturbées au moins une fois dans leur vie en comparaison avec 60 % des
femmes qui déclaraient le même vécu en 2006 (Bozon, 2008).

Du côté américain, une étude quantitative se servant d' un échantillon représentatif de


la population américaine de 1992 s' intéresse aux variables corrélationnelles de la
masturbation (Das, 2007). L' étude se base sur les résultats d'un sondage national, le
National Health and Social Life Survey (NHSLS). Similairement à Béjin (1993), Das
(2007) observe que 38 % des femmes âgées de 18 à 60 ans se sont masturbées dans la
dernière année. Chez les femmes sondées, la pratique récente de la masturbation était
corrélée avec un plus haut niveau d' éducation, une initiation précoce à la sexualité,
une plus grande fréquence de pensées sexuelles, un plus grand intérêt pour des
pratiques sexuelles diversifiées et une présence d' un partenaire stable de vie (Das,
2007).

Dans une autre étude américaine de Herbenick et collègues (20 10) portant sur les
comportements sexuels des hornn1es et des femmes âgées de 14 à 94 ans, quelques
questions portaient sur les pratiques masturbatoires. Selon les réponses données par
18

toutes les femmes de cette étude (N = 2813), 20% d' entre elles ont rapporté s' être
masturbées au moins une fois dans le dernier mois et plus de 40% d'entre elles ont
rapporté s' être masturbées au moins une fois dans la dernière année, avec 1' exception
des femmes âgées de plus de 70 ans (Herbenick et coll., 2010). Pour ce qui est de la
prévalence de masturbation au moins une fois dans leur vie, les participantes âgées de
18 à 19 ans, 20 à 24 ans et 25 à 29 ans ont rapporté des prévalences de 66,0 %,
76,8% et 84,6 %, respectivement (Herbenick et coll., 2010). Ces prévalences
s' apparentent à celles mentionnées par Bozon (2008), Gerressu et collègues (2008)
ainsi que Kraus (2017). De plus, tout comme les études de Das (2007) et de Gerressu
et collègues (2008), la recherche de Herbenick et collègues (2010) comporte plusieurs
forces puisqu' elle se sert d'un échantillon représentatif national ce qui permet la
généralisation des résultats à une échelle nationale.

Dans une autre étude faite avec des données d'envergure nationale, Gerressu et
collègues (2008) s' intéresse aux données du NATSAL 2000, un sondage de la
population britannique âgée de 16 à 44 ans qui comporte des questions sur les
pratiques masturbatoires. Au total, 6399 femmes ont été sondées. L' auteur a observé
que 71 ,2% des femmes ont rapporté qu' elles se sont déjà masturbées au moins une
fois dans leur vie (Gerressu et coll., 2008). Ces résultats se rapprochent de ceux
retrouvés dans les études de Kraus (2017) et de Bozon (2008).

Une étude portugaise de Carvalheira et Leal (2013) s' est intéressée aux pratiques
masturbatoires de 3687 femmes portugaises âgées de 17 à 75 ans. Cette étude a
analysé la fréquence des pratiques masturbatoires, l' âge d' initiation à la masturbation
et les associations entre la fréquence masturbatoire et différents comportements
sexuels. De plus, les auteures se sont intéressées aux fonctions rapportées de la
masturbation, aux différentes techniques utilisées par les femmes pour se masturber,
aux émotions vécues par rapport aux pratiques masturbatoires et aux orgasmes et à la
19

satisfaction tirée de cette pratique. Les participantes ont été sondées à l' aide d ' un
questionnaire en ligne. Les résultats révèlent une prévalence importante de femmes
qui se sont masturbées au moins une fois dans leur vie (91 % ), dans la dernière année
(87,8 %) et dans le dernier mois (63 %). En ce qui concerne la fréquence de la
masturbation dans la dernière année, 34 % des femmes ont rapporté qu ' elles se
masturbaient moins d' une fois par mois, 17,5% une fois par mois, 14,3% plus d'une
fois par mois et 9,8% une fois par semaine. Un petit pourcentage de femmes se
masturbent tous les jours (4 %) ou plus d'une fois par jour (1 ,7 %). De plus, plusieurs
associations entre certaines variables et la fréquence de la masturbation ont été
observées. Tout comme les études de Das (2007), les femmes ayant rapporté avoir
beaucoup de fantasmes sexuels avaient plus tendance à rapporter qu'elles se sont
masturbées dans la dernière année (Carvalheira et Leal, 2013). Aussi, la majorité des
participantes de l' étude ont rapporté avoir obtenu un ou des orgasmes en se
masturbant.

En somme, nous retenons que les prévalences des pratiques masturbatoires des
femmes se ressemblent d'une étude à l' autre et d'une culture à l'autre (Bozon, 2008;
Carvalheira et Leal, 2013 ; Das, 2007; Gerressu et coll. , 2008, Herbenick et coll. ,
201 0; Kraus, 20 17). Une progression semble avoir eu lieu en ce sens où les femmes
dévoilent de plus en plus leurs pratiques masturbatoires (Bozon, 2008; Kraus, 2017)
et certaines d'entre elles se sentent même autonomisées par la pratique (Bowman,
2014; Hite, 1976).

2.3 .1 Le rapprochement des expériences des femmes à celles des hommes quant à la
masturbation
20

Certains auteurs proposent que les rôles sexuels stéréotypés et traditionnels créent un
contexte où l' homme est celui qui prend l'initiative et la femme celle qui réagit à
cette initiative (Hite, 1976; Hogarth et lngham, 2009). Cette disparité dans les rôles et
les stéréotypes sexuels est notée dans les statistiques concernant le nombre de
femmes qui se masturbent et la fréquence de leur pratique. À titre d' exemple, une
sous-déclaration des pratiques masturbatoires des femmes a été remarquée par Béjin
(1993), résultats recensés précédemment. Or, d'autres chercheurs français ont
remarqué un rapprochement des expériences des femmes et des hommes (Bozon,
2008; Kraus, 2017). Selon Bozon (2008), ceci est «un signe qu'il est devenu plus
légitime socialement pour les femmes de mentionner des pratiques qui étaient jusque-
là la prérogative des hommes » (p. 290). Tout comme soulevé par Bozon (2008),
Kraus (20 17) propose que le changement du discours des femmes dans la dernière
décennie au sujet de leur masturbation serait dû à une modification des normes
sexuelles en vigueur ainsi qu' à une amélioration des technologies favorisant la
masturbation, telle que les vibrateurs. Toutefois, Kraus (2017) soulève que le tabou
de la masturbation demeure présent dans les milieux familiaux, amicaux ou
médicaux, tandis qu' il reste moins présent dans le couple.

Même s' il semble y avoir une progression du dévoilement de la masturbation dans


une étude récente, ce qui peut témoigner d' une meilleure capacité à s' émanciper des
normes sociales entourant la pratique (Kraus, 20 17), la masturbation féminine est loin
d' être aussi accoutumée que celle des hommes ou aussi facile à dévoiler à autrui
(Béj in, 1993 ; Bozon, 2008; Carvalheira et Leal, 2013; Kaestle et Allen, 2011; Kraus,
2017).

2.4 Apport empmque des théories cntlques féministes quant aux pratiques
masturbatoires féminines et leurs significations au niveau social
21

L' étude qualitative féministe la plus importante au sujet de la masturbation des


femmes est celle réalisée par Shere Hite en 1976. Dans cette étude exhaustive, Hite
(1976) documente les réponses qualitatives de plus de 3000 femmes sur l~s thèmes de
la masturbation, de 1' orgasme, du coït, de la stimulation clitoridienne, du saphisme,
de l'esclavage sexuel et de la révolution sexuelle. Il est crucial de recenser les
résultats de cette étude, puisqu ' ils permettent une comparaison avec les études plus
récentes quant au vécu expérientiel de la masturbation des femmes.

Quelques auteurs féministes se sont intéressés aux avantages et aux inconvénients de


l' invisibilité de la masturbation des femmes sur leurs pratiques (Fahs et Frank, 2014).
En faisant ressortir cinq thèmes au sujet du vécu expérientiel de la masturbation
féminine: 1) les présomptions que les femmes se pénètrent lorsqu' elles se
masturbent, 2) la masturbation comme travail sexuel, 3) la masturbation comme
menace à la suprématie masculine, 4) la masturbation comme routine pour relâcher
les tensions, et 5) la masturbation comme source de joie et de plaisir, Fahs et Frank
(20 14) soulèvent les biais culturels concernant la masturbation féminine ainsi que les
perceptions des femmes quant à leur droit au plaisir sexuel. Une autre explication
possible pour le silence entourant le plaisir sexuel féminin serait l' anatomie des
organes génitaux des femmes qui sont plus internes, rendant la masturbation
mystérieuse (Kaestle et Allen, 2011).

Les études qui se sont intéressées à la pratique de la masturbation des femmes ont
négligé d' explorer les liens entre la masturbation et la subjectivité sexuelle des
femmes qui la pratique (Bowman, 2014; Fahs et Frank, 2014; Hite, 1976). Pour les
femmes, la masturbation devient parfois une forme de travail sexuel en ce sens où il
est parfois difficile d'obtenir l' orgasme (Fahs et Frank, 2014; Hite, 1976). De même,
la masturbation peut être perçue comme un travail lorsqu' elle sert les désirs sexuels
22

d' un partenaire masculin (Fahs et Frank, 2014). Certaines femmes sont inquiètes par
le fait de « devoir » avoir un orgasme (Hite, 1976). D' ailleurs, quelques participantes
de l' étude de Hite (1976) ont réagi fortement contre l' obligation d' obtenir un
orgasme. D'autre part, l'auteure mentionne que certaines participantes concluent que
l' orgasme, pendant le coït, n' est pas quelque chose d' important.

Le droit à l' orgasme est devenu pour la femme une question politique. [ ...] Si
nous savons ce qu' il faut faire pour avoir des orgasmes et si nous sommes
incapables d'intégrer cette capacité à nos relations sexuelles, nous ne sommes
pas en mesure de choisir si nous voulons avoir ou ne pas avoir un orgasme.
Nous sommes sans défense. (Hi te, 197 6, p.122)

Cependant, les études suggèrent que les initiatives des hommes n' ont souvent rien à
voir avec les besoins orgasmiques des femmes (Hite, 1976; Fahs et Frank, 2014). De
plus, seulement 30% des femmes ont réussi à obtenir l'orgasme régulièrement lors
du coït sans stimulation clitoridienne (Hite, 1976). Comme plusieurs autres
féministes, Hite (1976) demeure très critique par rapport à l' obligation du coït dans
l' hétéronormativité (Dodson, 1987; Fahs, 2014; Fahs et Frank, 2014; Koedt, 1970).
Selon elle,

Vouloir à tout prix que les femmes aient des orgasmes en faisant l' amour, par la
seule vertu du pénis, c' est les contraindre à adapter leur corps à une stimulation
inadéquate. La difficulté de cette adaptation et les échecs qui suivent les
tentatives produisent des sentiments d' angoisse et de mécontentement. (Hite,
1976, p.235)

En effet, les participantes de l' étude de Fahs et Frank (2014) rapportent que la
masturbation féminine semble être menaçante à la suprématie masculine présumée de
leur partenaire. Or, Hite (1976) affirme que « les femmes plus comblées sont celles
qui ont su adapter leurs techniques masturbatoires, sans gêne ni honte, à leurs
relations sexuelles avec autrui. » (Hite, 1976, p.266). En ce sens, plusieurs
chercheures féministes avancent que les femmes devraient prendre possession de leur
23

corps et du plaisir qu'il peut leur procurer (Bowman, 2014; Hite, 1976; Fahs et Frank,

2014).

Pour faire du pouce sur ce que plusieurs chercheurs appellent le rapprochement entre
les expériences des hommes et des femmes quant à la pratique de la masturbation,
quelques chercheures féministes discutent du rôle potentiellement émancipateur de la
masturbation pour les femmes (Bowman, 2014; Hite, 1976). Des participantes ont
rapporté que la masturbation est « un moyen de parvenir à l' indépendance et à
l' autonomie » (Hite, 1976, p.67).

L'étude quantitative de Bowman (2014) est unique en son geme puisqu' elle explore
les fonctions, les significations et le potentiel d' autonomisation des pratiques
masturbatoires de 765 femmes américaines à l' aide d'une analyse factorielle et de
régressions multiples. Les femmes sondées ont rempli un questionnaire anonyme en
ligne qui s' intéressait aux thèmes suivants : les attitudes envers la masturbation, les
raisons de se masturber et les émotions suivant la pratique de la masturbation.
L' auteure de cette étude présume que ce sont les raisons pour lesquelles les femmes
se masturbent qui modulent le sentiment d' autonomisation sexuelle qu ' elles retirent
de cette masturbation. Le sentiment d'autonomisation d' une femme et de son corps
suppose qu'elle doit se méfier et être critique des messages et des représentations
réducteurs du corps de la femme véhiculés dans la société. Selon Bowman (2014), si
les raisons de se masturber dévient des normes sexuelles de geme, telle que se
masturber simplement pour le plaisir sexuel, alors la pratique de la masturbation
pourrait évoquer un sentiment d' autonomisation sexuelle chez celles qui la pratiquent.

Selon Bowman (20 14), ces résultats supportent les théories féministes qui stipulent
que les fenunes qui ont l' opportunité de se concentrer sur leur propre sexualité se
sentent plus autonomisées sexuellement. Dans la mesure où les participantes de cette
24

étude avaient des attitudes très positives au regard de la sexualité et des pratiques
masturbatoires, l' auteure suggère que les résultats de son étude devraient être
considérés avec nuance (Bowman, 2014), en ce sens où les perspectives illustrées
sont difficilement généralisables à la population et ne sont pas représentatives de
celle-ci.

Il est possible d' entrevoir des avantages et des inconvénients de la masturbation


féminine dans les témoignages des participantes (Fahs et Frank, 2014; Hite, 1976).
Tout d'abord, l'« invisibilité » de la masturbation semble être un avantage parce qu' il
ne semble pas avoir de normes précises concernant la fréquence à laquelle les femmes
devraient se masturber ou les méthodes avec lesquelles elles devraient se masturber
(Fahs et Frank, 2014). Ceci est un avantage en ce sens où les femmes sont plus libres
d' explorer leur propre plaisir sans normes précises quant aux scripts utilisés lors de
leurs pratiques masturbatoires (Fahs et Frank, 2014). Ceci dit, un des inconvénients
de ne pas avoir une masturbation scriptée est la facilité avec laquelle les femmes
semblent internaliser les scripts traditionnels patriarcaux tels que l' impératif de la
sexualité coïtale ou pénétrative (observé dans la perception que les femmes se
pénètrent en se masturbant), le souci que les hommes se sentent inadéquats (portant
les femmes à se masturber pour un partenaire sexuel ou en secret) et la masturbation
axée sur l' obtention de l' orgasme comme but unique (Fahs et Frank, 2014). Il est
possible que les femmes prennent plaisir à la masturbation de cette façon, mais ces
scripts internalisés suggèrent que les expériences de la masturbation des femmes sont
liées à une compréhension traditionnelle du genre, du pouvoir et du plaisir sexuel
(Fahs et Frank, 2014). Lorsqu' il n' y a pas de scripts clairs quant aux façons de se
masturber pour les femmes, ceci laisse place aux scripts traditionnels de genre de
s' infiltrer dans les pratiques masturbatoires des femmes sans qu 'elles le réalisent
(Fahs et Frank, 2014). Un déséquilibre entre les hommes et les femmes quant aux
objectifs et aux significations des pratiques masturbatoires et du plaisir sexuel semble
25

donc apparent (Fahs et Frank, 2014). Il est important de poursuivre les études qui
confrontent les stéréotypes et les mythes au sujet de la masturbation féminine et qui
permettent aux femmes de s'exprimer au sujet de leur corps et de leur plaisir sexuel
(Bowman, 2014; Fahs et Frank, 2014; Hite, 1976; Hogarth et Ingham, 2009; Kaestle
et Allen, 2011 ; Rabbins et coll., 2011 ).

2.5 Attitudes et émotions négatives à l'égard de la masturbation : le vécu des femmes

Comme les dernières sections viennent de l'illustrer, la masturbation chez les femmes
s'insère dans un contexte social particulier qui ne perçoit pas la pratique comme
positive en soi. Ce contexte affecte les émotions et les attitudes à l' égard de la
masturbation pour les femmes qui la pratiquent. La prochaine section fera état des
études qui se sont intéressées aux émotions et aux attitudes plus négatives envers la
masturbation féminine.

Selon les écrits disponibles, la honte et la culpabilité sont les émotions les plus
rapportées par les femmes quant à leurs pratiques masturbatoires (Béjin, 1993 ;
Bowman, 2014; Carvalheira et Leal, 2013 ; Hite, 1976; Hogarth et Ingham, 2009;
Kaestle et Allen, 2011). Les perceptions des jeunes femmes qui se masturbent ou qui
ont tenté de se masturber sont plutôt négatives (Kaestle et Allen, 2011; Hogarth et
Ingham, 2009). Dans une étude portant sur ces perceptions, les participantes sont
nombreuses à percevoir la masturbation comme honteuse, négative, immorale,
répugnante et malpropre (Hogarth et lngham, 2009).

D'ailleurs, des participantes de cette étude trouvaient leurs activités sexuelles


décevantes en raison de leur manque de contrôle quant à leur plaisir sexuel (Hogarth
26

et Ingham, 2009). Le discours de certaines participantes indiquait un manque d' intérêt


envers la connaissance de leur propre corps (Hogarth et lngham, 2009). Quelques
adolescentes de ce groupe ont décrit leurs tentatives de masturbation avec tristesse,
résultant de 1'échec de cette tentative et ressentant de la culpabilité et un sentiment
d'être malpropre et immorale (Hogarth et lngham, 2009).

Du côté des femmes adultes, les émotions négatives sont tout aussi présentes, soit la
honte, la culpabilité, le ridicule et une perception de la pratique comme un geste
égoïste (Bowman, 2014; Carvalheira et Leal, 2013 ; Hite, 1976; Kaestle et Allen,
2011). Bien que ce ne soit pas la majorité des participantes d' une recherche qui
rapportent éprouver des sentiments négatifs à l'égard de leur masturbation, les
auteures observent que la masturbation engendre ces émotions de honte et de
culpabilité, et ce, dans tous les groupes d' âge de leur échantillon, de 17 à 75 ans
(Carvalheira et Leal, 2013). Une étude réalisée en 1976 rapporte des propos
similaires, soit que les femmes se sentaient coupables de se masturber, mais qu' elles
avaient réussi à surmonter ce sentiment en poursuivant la pratique malgré les
jugements sociaux potentiels (Hite, 1976). D' autres participantes se sont interdit
d' aimer la masturbation parce qu' elles ne voulaient pas faire face aux jugements
sociaux potentiels (Hite, 1976; Kaestle et Allen, 2011). Il est intéressant de remarquer
que les sentiments négatifs à 1' égard de la masturbation n' ont pas beaucoup changé
depuis les années 1970.

De plus, comme des participantes dans l' étude de Hogarth et Ingham (2009), les
participantes se souviennent de leurs premières tentatives de masturbation avec honte
et malaise (Kaestle et Allen, 2011). Elles ont été témoins d' humour dérisoire, de
stéréotypes et d' humiliation, ce qui leur a appris que la masturbation était taboue
(Kaestle et Allen, 2011). Similairement aux participantes de l' étude de Hogarth et
Ingham (2009), un tiers des participantes ont décrit qu'elles n'accepteront jamais la
27

masturbation ou qu' elles entretiennent des attitudes négatives envers la masturbation


(Kaestle et Allen, 2011).

Ainsi, il appert que les femmes qui se masturbent sont nombreuses à se sentir
coupables ou à avoir honte de cette pratique sexuelle et que ceci pourrait attester d' un
double standard sexuel toujours présent (Béjin, 1993 ; Carvalheira et Leal, 2013; Hite,
1976).

2.6 Les pairs, les partenaires et les médias sont de meilleures sources d'information et
de discussions que la famille et les parents

Les discussions portant sur le sujet de la masturbation féminine se produisent surtout


en contexte où les femmes sont confortables et à 1' aise d'en parler (Kaestle et Allen,
2011 ). Les discussions tenues avec des membres de la famille ou des parents sont
rarement des échanges où les femmes, jeunes ou adultes, se sentent confortables et à
l' aise de parler de leurs pratiques masturbatoires (Hogarth et lngham, 2009; Kaestle
et Allen, 2011). Plusieurs femmes mentionnent ne pas avoir parlé de masturbation
avec leurs parents (Hogarth et Ingham, 2009; Kaestle et Allen, 2011). D' ailleurs,
comme relaté dans la section sur les tabous entourant la masturbation, le manque de
discussion sur le sujet en contexte familial rendrait implicite la désapprobation de la
pratique (Kaestle et Allen, 2011 ).

Après avoir remarqué que leur famille ne leur procurerait pas d' information au sujet
de la masturbation, les femmes ont décrit une variété de contextes et de sources
d' information incluant les pairs, l' école, les partenaires, les médias et les jouets
sexuels (Kaestle et Allen, 2011 ; Kraus, 2017; Smith et collègues, 1996). Bien que ces
conversations soient parfois un peu gênantes ou ambivalentes, certaines femmes
28

apprennent que la masturbation existe par ces intermédiaires (Kaestle et Allen, 2011 ;
Smith et coll. , 1996). Toutefois, certaines discussions aident les femmes à normaliser
la pratique grâce à l'avis positif d' autrui sur le sujet (Bowman, 2014; Hogarth et
lngham, 2009; Kaestle et Allen, 2011). D 'ailleurs, tout comme les participantes de
1' étude de Kraus (20 17), les participantes de 1' étude de Kaestle et Allen (20 11) ont
rapp.orté avoir appris au sujet de la masturbation par l'entremise de leur partenaire.
Elles ont d' ailleurs mentionné que ces discussions les ont aidés à se sentir à l' aise
avec leur masturbation et les encouragements explicites de leur partenaire ont été
grandement appréciés (Kaestle et Allen, 2011).

2.7 La masturbation à l' adolescence et à l'âge adulte: ses impacts sur la sexualité
dyadique

Les jeunes femmes débutent la pratique de la masturbation assez tôt dans leur vie
(Hite, 1976; Smith et coll., 1996). La moitié des participantes d'une étude rapportent
avoir débuté entre les âges de 10 et 14 ans et 36% entre 15 et 19 ans (Carvalheira et
Leal, 2013). De plus, la majorité des participantes de d' autres études semblent avoir
appris elles-mêmes à se masturber (Hite, 1976; Smith et coll., 1996). Il semble donc
intéressant de recenser les recherches qui étudient le vécu de la masturbation à
l' adolescence et ses impacts potentiels sur le développement de la sexualité.

2.7.1 La masturbation à l'adolescence et ses impacts sur la sexualité dyadique

Plusieurs auteurs sont d'accord pour dire que la masturbation est une composante
importante de la sexualité adolescente (Hogarth et lngham, 2009; Kaestle et Allen,
2011; Robbins et coll., 2011; Smith et coll., 1996). Certaines jeunes femmes et
29

adolescentes décrivent la découverte de la masturbation comme un événement positif


et satisfaisant (Hogarth et lngham, 2009) ou encore comme faisant partie d' une
découverte de soi et d' un développement sexuel normal (Kaestle et Allen, 2011). En
fait, rapporter s' être masturbé a été associé à un niveau plus élevé d' estime de soi
sexuelle (Smith et coll., 1996).

D'autre part, l'estime de soi sexuelle semble faire partie de l'ensemble des
composantes du concept de soi sexuel selon Deutsch et collègues (2014). Aussi, « le
concept de soi sexuel émane d'expériences sexuelles passées, se manifeste lors
d' expériences sexuelles présentes, influence l' intégration des informations sociales
sexuellement pertinentes et guide les comportements sexuels » (Andersen et
Cyranowski, 1994, traduction libre, p.1 079). Dans les résultats d'une étude, les
auteurs constatent que le concept de soi sexuel se renforce avec le développement
psychosexuel des adolescentes, influence leurs expériences et s' accorde à leurs vécus
de sorte à créer un soi sexuel intégré, cohérent et structuré au fil du temps (Hensel et
coll., 2011) . En fait, une perception positive du soi sexuel pourrait faciliter le
développement d' un sentiment d'efficacité personnelle en contexte sexuel dyadique
(Rostosky et coll. , 2008). De plus, la connaissance de soi est nommée comme étant
une des premières étapes vers une communication saine avec un partenaire sexuel
(Kaestle et Allen, 2011 ).

Par ailleurs, la pratique de la masturbation pendant l' adolescence serait associée à


diverses pratiques sexuelles dyadiques, telles que la masturbation mutuelle, la
fellation, le cunnilingus, le coït et les relations sexuelles anales (Rabbins et coll.,
2011). Cette masturbation à l'adolescence semblerait aussi être associée positivement
à la réponse sexuelle et à la capacité à obtenir l' orgasme lors de relations sexuelles
coïtales (Carvalheira et Leal , 2013 ; Das, 2007; Hogarth et lngham, 2009; Rabbins et
coll., 2011). Les participantes rapportant s'être masturbées pendant l'adolescence ont
30

en effet rapporté moms de difficulté d'excitation sexuelle et une fréquence plus


élevée d' orgasmes pendant la relation sexuelle coïtale en comparaison avec les
participantes qui n'ont pas rapporté se masturber à l'adolescence (Carvalheira et Leal,
20 13 ). À 1' inverse, les femmes ayant des difficultés d' excitation sexuelle et
d'orgasmes ne mentionnent pas s'être masturbées au courant de leur vie et ont adopté
des attitudes négatives à l' égard de leurs organes génitaux (Carvalheira et Leal,
2013).

Dans un autre ordre d' idées, il est approprié de parler de la première relation sexuelle
coïtale parce que celle-ci s'avère être un événement important dans le développement
sexuel d' un individu (Carpenter, 2001; Tsui et Nicoladis, 2004) et pourrait influencer
ou catalyser les pratiques masturbatoires des femmes. Dans une étude qualitative
portant sur 15 adolescentes, la première relation sexuelle coïtale tend à se passer dans
le silence, et ce, surtout lorsqu'elle arrive à unjeune âge (Mitchell et Wellings, 1998).
La rapidité avec laquelle cette première relation sexuelle se déroule rend difficile la
discussion ou la préparation avec le partenaire (Mitchell et Wellings, 1998). En fait,
les résultats de cette étude mettent en lumière l'importance de la communication
verbale et non verbale lors de 1' anticipation et de la planification de la première
relation coïtale chez les adolescent(e)s (Mitchell et Wellings, 1998). Dans une autre
étude, la moitié des participantes ont rapporté avoir ressenti de la douleur lors de leur
première relation sexuelle (Tsui et Nicoladis, 2004). De plus, elles étaient très peu
nombreuses (12 %) à avoir obtenu un orgasme en comparaison avec leur partenaire
masculin (76 %) (Tsui et Nicoladis, 2004). Ces éléments sont importants à considérer
lors de l' analyse de l' évolution des pratiques masturbatoires à l' adolescence, car il est
possible que les jeunes femmes se masturbant pendant leur adolescence aient eu une
communication différente en contexte sexuel de celle représentée dans 1' étude de
Mitchell et Wellings (1998).
31

2.7.2 Les fonctions de la masturbation pour les femmes adultes

À l'adolescence, plusieurs tâches développementales apparaissent, dont des


transformations sexuelles majeures vécues par les adolescentes (Thériault, 2013).
L'une d'entre elles est le fait d'accéder progressivement à la sexualité génitale adulte
(Thériault, 2013). Selon la littérature scientifique, la masturbation comporte plusieurs
fonctions permettant l' intégration de ces multiples transformations sexuelles majeures
ainsi que l' accès progressif à la sexualité génitale adulte (Bowman, 2014; Carvalheira
et Leal, 2013; Das, 2007; Hite, 1976; Hogarth et Ingham, 2009; Kaestle et Allen,
2011).

Effectivement, les pratiques masturbatoires semblent avoir plusieurs fonctions qui


s' avèrent bénéfiques pour la sexualité des femmes adultes (Bowman, 2014;
Carvalheira et Leal, 2013 ; Das, 2007; Hite, 1976; Hogarth et Ingham, 2009; Kaestle
et Allen; 2011 ). La fonction la plus rapportée par les études est de procurer du plaisir
sexuel (Bowman, 2014; Carvalheira et Leal, 2013; Das, 2007; Fahs et Frank, 2014),
de compenser l'absence de partenaire sexuel(le) (Bowman, 2014; Carvalheira et Leal,
2013 ; Das, 2007; Hite, 1976), de favoriser la détente ou la gestion du stress
(Bowman, 2014; Carvalheira et Leal, 2013; Fahs et Frank, 2014), de permettre
l' apprentissage positif de son corps (Bowman, 2014; Fahs et Frank, 2014), de
favoriser le sommeil (Carvalheira et Leal, 2013) et de pallier le manque de
satisfaction sexuelle générale (Bowman, 2014). Quant à la fonction de détente que
peut procurer la masturbation, pour certaines femmes les pratiques masturbatoires
font parfois partie d'une routine de tous les jours, c' est-à-dire qu' elle est perçue
comme peu émotionnelle, routinière et, à la limite, banale (Fahs et Frank, 2014).
Malgré cela, plusieurs participantes rapportent l' importance de leur masturbation en
ce sens où elle est un substitut aux relations sexuelles et à l' orgasme avec un
partenaire (Bowman, 2014; Carvalheira et Leal, 2013 ; Das, 2007; Hite, 1976).
32

2.8 La santé sexuelle et la masturbation

Bien que plusieurs études aient exploré le phénomène de la masturbation selon


différentes notions sexologiques ou pour voir l' impact de cette pratique sur des
comportements sexuels précis, aucune étude ne discute explicitement du lien potentiel
entre les pratiques masturbatoires et la santé sexuelle des individus qui la pratiquent.
La prochaine section illustre l'importance de s'attarder au concept de santé sexuelle
dans une étude explorant la masturbation féminine, notamment.

Une définition officielle de la santé sexuelle proposée par l' Organisation mondiale de
la santé (OMS) fait son apparition en 1975 :

La santé sexuelle est un état de bien-être physique, mental et social dans le


domaine de la sexualité. Elle requiert une approche positive et respectueuse de
la sexualité et des relations sexuelles, ainsi que la possibilité d ' avoir des
expériences sexuelles qui soient sources de plaisir et sans risque, libres de toute
coercition, discrimination ou violence » (OMS, s.d., Santé sexuelle).

Selon cette définition, plusieurs sphères de la sexualité sont susceptibles d' affecter la
santé sexuelle d' un individu ou d' une collectivité. Les sphères physiques, mentales et
sociales, telles que nommé ci-haut, en sont que quelques exemples. La santé sexuelle
est un concept inclus dans le champ de la santé publique depuis 1975 (Giami, 2002).
Selon Giami (2002), le concept de santé sexuelle varie en fonction des contextes
politiques et nationaux dans lesquels il est employé. En outre, à partir de 1975, la
définition inclut une notion d' épanouissement sexuel dans la vie sexuelle des
femmes . La revendication de droits sexuels a été importante pour les féministes dès
1970 et elles ont lutté afin que ceux-ci fassent partie de la définition de la santé
sexuelle des organisations mondiales (Edwards et Coleman, 2004 ).
33

Plusieurs auteurs se sont penchés sur les dynamiques liant la santé sexuelle et la
masturbation chez les femmes (Baéak et Stulhofer, 2011 ; Bowman, 2014; Bozon,
2008; Carvalheira et Leal, 2013 ; Coleman, 2002; Das, 2007; Fahs, 2011 ; Herbenick
et coll., 2009; Herbenick et coll., 201 0; Hi te, 1976; Hogarth et Ingham, 2009; Kaestle
et Allen, 2011; Koedt, 1970; Smith et coll., 1996). Pour Coleman (2002), la
masturbation est liée à plusieurs facteurs déterminants de la santé sexuelle et
possèderait à la fois des effets positifs et négatifs. D' une part, les aspects plus négatifs
concernent les stigmatisations religieuses de la pratique (Baéak et Stulhofer, 2011;
Bozon, 2008), la culpabilité ressentie par certaines femmes qui se masturbent
(Carvalheira et Leal, 2013; Hogarth et Ingham, 2009; Kaestle et Allen, 2011) et le
potentiel de dévier en pathologie lorsqu' elle devient compulsive. D'autre part, les
aspects positifs apparaissent lorsque la masturbation est considérée comme une
option de pratique sexuelle sécuritaire pour éviter des ITSS, lorsqu' elle aide une
personne à satisfaire un besoin sexuel advenant l' absence d' un partenaire (Bowman,
2014; Carvalheira et Leal, 2013; Das, 2007; Herbenick et coll., 2009; Hite, 1976) et
lorsqu'elle est utilisée comme outil dans un processus thérapeutique pour le
traitement de dysfonctions sexuelles (Dodson, 1974; Dodson, 1987; Kaplan, 1974;
LoPiccolo et Lobitz, 1972). Comme plusieurs autres chercheurs, Coleman (2002)
propose que la masturbation permette en effet une meilleure connaissance de son
corps et de sa réponse sexuelle (Bowman, 2014; Carvalheira et Leal, 2013; Herbenick
et coll., 2009; Herbenick et coll., 201 0; Hi te, 1976). Qui plus est, percevoir son corps
comme un faisant partie d' un tout est un élément clé de la santé sexuelle, et la
masturbation pourrait participer à la construction de ce sentiment (Coleman, 2002). ·
Coleman (2002) s' appuie sur des études antérieures pour affirmer que la masturbation
est aussi un moyen d' améliorer son estime de soi (Smith et coll., 1996) et ainsi
faciliter la rencontre de l' autre dans l' intimité (Hite, 1976). Tout comme plusieurs
féministes , il souligne que la difficulté à promouvoir la masturbation provient du fait
34

que plusieurs la considèrent comme une menace à la procréation (Fahs, 2014; Fahs et
Frank, 2014; Hite, 1976; Humbert et Palazzolo, 2009; Koedt, 1970). Selon l' auteur,
1' éducation sexuelle et les recherches sexologiques doivent travailler à déconstruire
cette idée.

Enfin, Coleman (2002) conclut que les expériences sexuelles de chaque personne ont
le pouvoir de produire des émotions positives ou négatives et que c' est aux
chercheurs et aux sexologues d' aider les gens à comprendre que la masturbation est
une expérience sexuelle positive, enrichissante et importante pour la santé sexuelle
(Bowman, 2014; Tiefer, 1998). Les études sur la masturbation illustrent son
importance puisqu'elle est liée à plusieurs facteurs déterminants de la santé sexuelle
(Coleman, 2002) et diverses facettes du soi sexuel (Herbenick et coll., 201 0;
Rostosky et coll., 2008; Smith et coll., 1996). Il est donc pertinent d' inclure les
pratiques masturbatoires dans les réflexions sur le développement de la santé sexuelle
de chaque individu.
CHAPITRE III

CADRE THÉORIQUE

Ce chapitre énonce les fondements théoriques de cette recherche. Tout d'abord, les
théories critiques féministes contextualiseront l' influence des courants féministes sur
les perceptions du phénomène de la masturbation. La théorie des scripts sexuels
aidera à expliquer comment la sexualité est construite autant socialement
qu'individuellement. Ensuite, la construction du soi sexuel par les scripts sexuels et la
réflexivité sexuelle précisera le processus qui mène au développement d'un soi sexuel
positif. De plus, le modèle du concept de soi sexuel de Deutsch et collègues (2014)
détaillera les composantes psychologiques du soi sexuel. Enfin, la perspective de la
santé sexuelle sur laquelle cette étude s' inspire sera brièvement présentée.

3.1 Les théories critiques féministes

Depuis les années 1950, la masturbation féminine a pu être perçue comme une source
de plaisir valable et indépendante à cause de l'influence des pensées féministes. Les
théories féministes sont cruciales à la compréhension profonde des tensions qui
existent entre les valeurs de la société occidentale et le droit des femmes au plaisir
solitaire. Tout d' abord, les féministes ont été les premières à penser que la
masturbation peut évoquer chez les femmes un sentiment d' autonomie et que cette
autonomie engendrerait des comportements relatifs au maintien d' une bonne santé
sexuelle (Bowman, 2014; Coleman, 2002; Dodson, 1974; Dodson, 1987). Les
féministes radicales telles que Shulman, Koedt et Atkinson, en se basant sur Masters
et Johnson (1966), avancent l' idée que les relations sexuelles phallo-vaginales ont été
édifiées comme « norme » par et pour les hommes qui croient que 1'orgasme vaginal
est la seule manière légitime pour les femmes d' avoir du plaisir (Firestone et Koedt,
36

1970). Selon elles, la norme coïtale perpétue la notion selon laquelle les femmes sont
dépendantes des hommes pour leur satisfaction sexuelle (Firestone et Koedt, 1970).
Aussi, les féministes libérales promeuvent la masturbation féminine comme étant à la
base de leur sexualité personnelle (McCormick, 1994). La masturbation permet aux
femmes de se réapproprier leur corps et d' affirmer leur indépendance sexuelle dans
un contexte sociopolitique où le corps de la femme semble servir aux plaisirs
d' autrui, particulièrement celui de l' homme (McCormick, 1994). Comprendre la
masturbation féminine sous 1' angle féministe permet de mieux saisir et interpréter la
provenance des émotions ambivalentes ou négatives à l' égard de cette pratique. Pour
mieux cerner les influences sociales sur la masturbation, les théories féministes seront
mises en œuvre dans l' analyse des données. La prochaine section détaillera comment
les mouvements féministes ont participé aux changements des perspectives à l' égard
du plaisir sexuel féminin et de la masturbation féminine .

3 .1 .1 L' influence des approches féministes sur les perspectives de la masturbation

Dès leur émergence au tournant des années soixante, les féministes de la deuxième
vague posent la sexualité des femmes comme l' un des enjeux centraux dans la lutte
vers la libération des femmes (Heidenry, 1997). Dans cette section, une part des écrits
théoriques féministes majeurs, provenant pour la plupart des États-Unis, qui aborde le
plaisir sexuel féminin et, plus spécifiquement, la masturbation des femmes sera

recensé.

3 .1.1.1 Le plaisir sexuel féminin : un élément primordial à considérer


37

Les études sur la sexualité des femmes et leur plaisir sexuel font leur apparition dans
les années soixante. La recherche, mainte fois citée de Masters et Johnson (1966),
Human Sexual Response, permet une meilleure compréhension de l' orgasme féminin,
comme le montre le passage suivant :

The reinvention of the female orgasm, on an almost Copernican scale, had


severa! major ramifications for sex therapy and sexual politics. In the first
place, it established the erotic independence of women insofar as their sexual
fulfillment was no longer modeled after that of the male. Moreover, women
were shown to be not only independent of men, but capable of more and deeper
orgasms than even the most potent young men. Indirectly, Masters and
Johnson's findings also meant that well-endowed males had no right to feel
sexually superior, because penis size was irrelevant to a woman' s gratification.
(Heidenry, 1997, p. 29)

Les recherches menées portant sur la sexualité féminine et l'émancipation des


femmes permettent aux féministes d'appuyer leurs revendications sur des données
factuelles. En effet, Masters et Johnson (1966) expliquent le potentiel orgasmique du
clitoris et affirment que les capacités sexuelles des femmes dépasseraient largement
celles des hommes, entre autres, par le nombre possible d' orgasmes. Ces conclusions
permettent aux féministes de déconstruire les thèses de Freud concernant
« l' immaturité sexuelle » associée à la masturbation et aux orgasmes clitoridiens. Le
mouvement féministe remet en question ce qui est perçu à 1' époque comme étant les
conditions de l' épanouissement des femmes : le mariage, la maternité et la gestion du
nid domestique (Fahs, 2011). Selon Fahs (2011), les recherches en sexologie qui se
multiplient et qui nourrissent les critiques de Freud agissent comme catalyseurs pour
le mouvement de libération des femmes. D'un côté, Freud fait la promotion des
orgasmes vaginaux. De l' autre côté, en s' appuyant sur les recherches sexologiques de
l' époque, les féministes radicales revendiquent les orgasmes clitoridiens et même une
sexualité autre qu'hétérosexuelle (Fahs, 2011). En effet, Anne Koedt écrit un texte
important intitulé The Myth of the Vaginal Orgasm (1970) où elle expose les raisons
pour lesquelles le concept d' orgasmes vaginaux est une invention masculine qui
38

permet aux hommes de conserver leur pouvoir sur les femmes . Freud serait à
l' origine de cette idée tout comme celle de la frigidité chez la femme. Elle reformule
(1970) la théorie de Freud selon laquelle la femme aurait, lors de l'adolescence, des
orgasmes clitoridiens qui seraient moins forts et plus immatures que les orgasmes
vaginaux. En effet, selon Freud, lorsque les femmes commenceraient à avoir des
relations sexuelles avec des hommes, elles devraient changer leur centre de plaisir, ·
c' est-à-dire que celui-ci devrait passer du clitoris au vagin, ce qui donnerait lieu à des
orgasmes plus matures et plus profonds (Koedt, 1970). Si elles ne réussissent pas ce
déplacement de leurs zones érogènes, elles sont diagnostiquées « frigides » et, par
conséquent, elles ont besoin d'une thérapie psychanalytique (Koedt, 1970). En
décortiquant les théories de Freud et les raisonnements qui les supportent, les
féministes et autres critiques de ces théories constatent qu'elles n' étaient pas
soutenues empiriquement (Koedt, 1970). Selon cette auteure, Freud se base sur des
présomptions de la « psyché féminine » comme étant plus inférieure et non sur des
faits scientifiques ou anatomiques. Selon Koedt (1970), c' est la santé mentale des
femmes de 1' époque qui en a le plus souffert :

Again, perhaps one of the most infuriating and damaging results of this whole
charade has been that women who were perfectly healthy sexually were taught
that they were not. So in addition to being sexually deprived, these women were
told to biarne themselves when they deserved no biarne. (Koedt, 1970, p. 40)

Selon Koedt (1970), beaucoup de femmes ont réagi à ce mythe en se blâmant et en se


ruant chez le psychanalyste afin de retrouver leur « destinée vaginale ». De plus,
Koedt (1970) fait remarquer que plusieurs femmes ont des perceptions influencées
par ce mythe quant à leur sexualité. Tout d' abord, elles ne savent pas où se trouve
anatomiquement le clitoris (Koedt, 1970). Ensuite, elles veulent se conformer à la
définition « mâle » d' une relation sexuelle normale, c' est-à-dire le coït, et ont peur
d' affirmer leur propre plaisir sexuel (Koedt, 1970). Koedt ( 1970) explique le maintien
de ce mythe par une grande partie de la population masculine en affirmant notamment
que les hommes auraient peur des conséquences de la remise en question de
39

l'hétérosexualité qui découlerait de la dévalorisation de la relation sexuelle coïtale.


Plus précisément, selon Koedt ( 1970), les hommes bénéficient de la relation sexuelle
coïtale parce qu'elle est plus plaisante pour eux. Toutefois, si le plaisir sexuel féminin
ne requiert plus la relation sexuelle coïtale, alors l' hétérosexualité au complet se voit
menacée (Koedt, 1970).

Koedt et ses collègues (1970) se sont assurées de mettre le plaisir sexuel féminin au
centre des discussions entourant les droits des femmes, ce qui inclue une valorisation
des relations lesbiennes, des orgasmes clitoridiens et de la masturbation féminine. En
ce qui concerne la masturbation des femmes, deux courants féministes abordent la
question à partir de deux angles différents : celui d'une approche positive de la
sexualité et celui d' une sexualité féminine radicale. Ces deux angles et leurs
implications pour les pratiques masturbatoires féminines feront l' objet de la
prochaine section.

3 .1.1.2 La masturbation féminine selon les féministes pro-sexes et les féministes


radicales

Afin de mieux situer les deux mouvements féministes ciblés, cette section abordera
les idées développées par Breanne Fahs (2014) qui expliquent bien les tensions entre
les courants pro-sexes et radicales. Fahs fait appel au concept de liberté pour discuter
des tensions entre ces deux courants. Le concept de liberté s' avère intéressant d'un
point de vue féministe pour analyser les vécus d' une pratique sexuelle comme la
masturbation féminine, considérée à la fois libératrice et honteuse.

Premi èrement; les féministes du courant pro-sexe adoptent une approche positive de
la sexualité et considèrent que celle-ci, sous toutes ses formes consensuelles, est
40

ultimement positive. Ce courant émerge en réaction à un discours très répressif par


rapport à la sexualité des femmes, notamment celui propagé par le mouvement
féministe anti-pomographie (Fahs, 2014; Laqueur, 2003). Les féministes « sex-
positives », aussi connues comme féministes pro-sexes, veulent que les femmes
ouvrent leurs horizons aux possibilités offertes par leur sexualité, et ce, malgré le
contexte de 1' hétéronormativité. Selon Fahs (20 14), les efforts des féministes « sex-
positives » se sont concentrés sur les droits sexuels des femmes, leurs libertés et leurs
possibilités d' expression de leur sexualité. Malgré que Fahs demeure assez critique
du courant « sex-positif », elle rapporte aussi ces caractéristiques :

Sex positives fought fiercely for the freedom to have diverse, multiple,
expansive, and agentic sexual expression; that is, to dislodge histories of
repression, sex positives argued that women (and men) should freely embrace
new modes of experiencing and expressing their sexuality. (Fahs, 2014, p.272) .

Le courant féministe « sex-positif » propose des changements au niveau de


l' éducation à la sexualité afin qu' elle soit plus compréhensive et ouverte aux enjeux
entourant la contraception, la sexualité queer, le plaisir sexuel et l' avortement (Fahs,
2014). En général, les féministes pro-sexes promeuvent une sexualité qui est non-
sexiste, ludique, sécuritaire et qui permet l'exploration érotique de son corps avec des
jouets sexuels et de la pornographie (Fahs, 2014). Suivant l'idée selon laquelle les
femmes sont libres de vivre leur sexualité pleinement, les courants féministes pro-
sexes ont critiqué la construction trop étroite du corps sexuel comme étant blanc,
jeune et hétérosexuel (Fahs, 2014). Au sein de cette perspective, la masturbation
féminine est célébrée et encouragée (Fahs, 2014).

Deuxièmement, Fahs (2014) expose aussi les apports du courant des féministes
radicales. Selon Fahs (2014), la liberté sexuelle voulue par les féministes pro-sexes ne
peut être complète sans avoir réfléchi à la notion de liberté négative. Réfléchir à cette
41

notion implique plus précisément de considérer que les femmes ne sont toujours pas
libres d'oppressions patriarcales dans leur vie sexuelle (Fahs, 2014).

Real sexual freedom, radical feminists claimed, must include the freedom from
the social mandates to have sex (particularly the enforcement of sex with men)
and freedom from treatment as sexual objects (Fahs, 2014, p.273).

En effet, les féministes radicales questionnent beaucoup la structure dans laquelle


cette libération sexuelle se produit et elles en sont méfiantes (Fahs, 2014). Elles
supposent que si les femmes sont plus libres sexuellement à l'intérieur du patriarcat,
alors les hommes auront simplement plus accès aux corps des femmes et l'orgasme
féminin deviendra la marque de la performance masculine. Par conséquent, les
féministes radicales font la promotion de la masturbation solitaire des femmes
puisque ce comportement mène davantage à leur émancipation à l'intérieur du
patriarcat où les relations hétérosexuelles prédominent. Les femmes auraient besoin
de se libérer du mandat d'avoir un orgasme, clitoridien ou autre, avec ou pour leur
partenaire (Fahs, 2014).

Les deux perspectives présentées ci-haut sont fort utiles pour l'analyse du phénomène
de la masturbation féminine parce qu'elles ouvrent la voie à une interprétation de ce
phénomène comme levier de liberté, à la fois liberté d'exprimer sa sexualité et liberté
de refuser la sexualité avec autrui. Il s'agit des deux principales manières que les
courants féministes ont influencé la question de la masturbation féminine. Dans la
prochaine section, il sera question de la théorie des scripts sexuels qui illustrera, en
partie, comment seront analysés les vécus des participantes de cette étude. Cette
théorie s'apparente aux courants féministes en ce sens où elle considère importants
les impacts du contexte social sur les expériences sexuelles interpersonnelles et
intrapsychiques des individus. D'ailleurs, Stevi Jackson et Sue Scott (2010), deux
féministes, se servent de la théorie des scripts sexuels dans un cadre féministe afm de
mieux expliquer la construction et le développement du soi sexuel d' un individu. Au
42

lieu du concept de liberté mobilisé par Fahs (2014), elles mobilisent le concept de
réflexivité sexuelle pour expliquer comment le soi sexuel se construit en réaction aux
différents scripts sexuels (Jackson et Scott, 2010). Nous aborderons leur théorie après
avoir présenté la théorie des scripts sexuels de Simon et Gagnon (1986).

3.1.2 La théorie des scripts sexuels

La théorie des scripts sexuels nous sera utile puisqu 'elle permettra une analyse de
différents aspects de la socialisation sexuelle qui influencent les pratiques
masturbatoires des femmes, telles que les messages sociaux, les interactions avec
autrui ainsi que les cognitions internes des individus.

Les scripts sont essentiellement une métaphore pour conceptualiser la production


d' un comportement social (Simon et Gagnon, 1986). La théorie des scripts sexuels
englobe trois niveaux qui permettent d' interpréter les différents comportements
sexuels et l' influence, implicite ou explicite, de la culture sur ces comportements
(Simon et Gagnon, 1986). Selon Gagnon (2008), « ce que les hommes et les femmes
font au plan sexuel est souvent différent, et il existe des prescriptions sociales et des
expériences qui sont associées aux conduites sexuelles selon le genre» (p.76). La
masturbation féminine est une pratique sexuelle manifestement empreinte de ces
prescriptions sociales. Cependant, aucune étude n' a exploré le phénomène de la
masturbation féminine au regard des scripts sexuels. Pour cette raison, il serait
pertinent de s' intéresser aux pratiques masturbatoires des femmes et voir s' il y a des
scripts sexuels précis qui y sont associés.
43

Selon Simon et Gagnon (1986), la vie sociale s' opère par l' intermédiaire d' une
syntaxe. Tout comme le langage est un prérequis pour la parole ou la conversation,
les scripts sexuels sont un prérequis pour la sexualité, qu'elle soit solitaire ou
dyadique (Simon et Gagnon, 1986). Pour que les comportements existent et
émergent, il doit y avoir présence de scripts quelconques sur trois niveaux : culturels,
interpersonnels et intrapsychiques (Simon et Gagnon, 1986). Plus spécifiquement,
Gagnon explicite que

Ces cinq composantes majeures constituent les fondements de notre conception


des scripts de la sexualité : 1) les conduites sexuelles sont entièrement
déterminées historiquement et culturellement; 2) leur signification ne réside pas
dans le décryptage de l' activité corporelle des individus; 3) la science sexuelle
est historiquement et culturellement déterminée; 4) dans toutes ses dimensions,
la sexualité est acquise, entretenue, désapprise et organisée par la structure
sociale et la culture; 5) enfm, le genre et la sexualité sont des formes de
conduites qui font l'objet d' un apprentissage et ils entretiennent des liens
différents selon les cultures. Il est important de rappeler à cette occasion que,
dans cette conception, toutes les conduites sont scriptées et que la théorie des
scripts ne s'applique pas simplement aux conduites sexuelles mais à toutes les
conduites sociales. (Gagnon, 2008, p.77)

Par cette explication, nous comprenons que les scripts sexuels sont issus du social et
sont imbriqués dans la culture, les interactions et l'individu. Les trois prochaines
sous-sections présenteront ces trois niveaux de scripts ainsi que les façons dont elles
interagissent.

3 .1.2.1 Les scripts culturels

Tout d' abord, Gagnon propose que les scénarios culturels sont des guides
fonctionnant au niveau de la vie collective (Gagnon, 2008). Les institutions peuvent
être perçues comme des systèmes sémiotiques à travers lesquelles les conduites
44

appropriées et inappropriées à chaque rôle spécifique sont véhiculées (Gagnon,


2008).

Les scripts culturels ne font pas que spécifier les objets appropriés, les buts et
les qualités désirables des relations entre soi et 1' autre; ils précisent les
moments et les lieux, les séquences de gestes et de propos et surtout ce que
1'acteur et son, ·sa ou ses partenaire( s) sont censés ressentir. (Simon et Gagnon,
1986, p. 105)

Les scénarios culturels mandatent les qualités requises du récit des différents rôles et
ils procurent les informations pour rendre plausibles l' entrée, la performance et la
sortie d' un rôle pour soi et autrui (Simon et Gagnon, 1986). Ils procurent le « qui » et
le « quoi » du passé et du futur sans lesquels le présent demeure incertain et fragile.
La présentation de n'importe quel rôle doit refléter directement ou indirectement les
contenus appropriés des scénarios culturels (Simon et Gagnon, 1986). La
masturbation étant une pratique typiquement associée aux hommes, il est désirable
d'en savoir davantage sur les scripts culturels qui dictent cette pratique pour les
femmes ou l' impact de l' absence de ceux-ci.

3 .1.2.2 Les scripts interpersonnels

La création, possible ou nécessaire, de scripts interpersonnels, transforme l' acteur


social en lui ajoutant la responsabilité d' écrire lui-même ou d' adapter les scénarios
culturels afin de façonner des comportements adéquats au contexte spécifique dans
lequel il se trouve (Simon et Gagnon, 1986). Selon Gagnon (2008), les scripts
interpersonnels se définissent comme :

Les scripts interpersonnels opèrent au niveau de 1' interaction sociale, et leur


acceptation et leur utilisation constituent le fondement de conduites sociales
structurées et continues. Dans ce cas de figure, l' individu est considéré comme
un acteur confronté aux attentes d' autres personnes et qui adapte son
45

comportement en fonction du comportement de l'autre. Cette utilisation du


concept de script s'inscrit dans le courant cognitiviste et marque l' interface
entre interaction et vie mentale. (Gagnon, 2008, p.84)

Les idéaux sociaux auxquels les personnes tendent déterminent aussi ce qm est
attendu des autres. Les scripts interpersonnels représentent le mécanisme à travers
duquel les identités de genre finissent par concorder aux attentes sociales désirées
selon le genre (Simon et Gagnon, 1986). Autrement dit, si les femmes pouvaient être
considérées complètement appropriées comme êtres sexuels qui se masturbent, alors
les attentes désirées en contexte dyadique seraient qu'elles soient à l' aise de se
masturber devant leur partenaire ou pendant le coït. Il serait donc pertinent d' explorer
le vécu des femmes qui se masturbent lorsqu' elles sont en contexte dyadique.

3.1.2.3 Les scripts intrapsychiques

Enfin, les scripts intrapsychiques interviennent dans la négociation des complexités


de certains scénarios culturels et des interactions avec autrui (Simon et Gagnon,
1986). Les scripts intrapsychiques sont créés à partir des dialogues internes d' une
personne quant à ses comportements et ses perceptions (Simon et Gagnon, 1986). Ces
dialogues internes réorganisent la réalité pour que l' acteur social puisse rendre
compte de ses multiples désirs (Simon et Gagnon, 1986). D' ailleurs, selon Gagnon
(2008), les scripts intrapsychiques peuvent être perçus comme suit :

Les scripts intrapsychiques représentent le contenu de la vie mentale. Ils


résultent en partie du contenu des scénarios culturels et des exigences de
l' interaction, mais ils en sont aussi en partie indépendants. Les difficultés à
établir un lien entre la signification (la culture) et l' action (l ' interaction sociale)
relèvent du domaine de l' intrapsychiques. Les scripts intrapsychiques ont donc
plusieurs origines. Ils sont souvent constitués de versions de scénarios culturels
qui ont été improvisées et parfois constamment révisées pour répondre aux
exigences de l' interaction concrète. Dans de nombreux cas, la version idéale du
46

scénario culturel (la façon dont on doit se comporter) et ses variantes


pragmatiques se trouvent en concurrence dans l'esprit de l' individu. (Gagnon,
2008, p.85)

Selon ce qui précède, il est souhaitable, pour nous, de m1eux comprendre la


« concurrence dans l'esprit de l'individu » au sujet des pratiques masturbatoires, des
relations sexuelles coïtales et de la santé sexuelle des femmes qui se masturbent
régulièrement.

La vie mentale arbitre donc l' ensemble des interactions et des scénarios culturels
puisqu' il n' y a pas d' « interface directe » entre ces deux niveaux de scripts (Gagnon,
2008). Souvent, des alternatives propres à chaque situation doivent être créées par
l' acteur social qui « travaille les matériaux de l' interaction et de la culture » (Gagnon,
2008). En effet, Gagnon précise que

Nous sommes tout d' abord socialisés en tant que publics ou apprentis des
scénarios culturels mais que, puisque nous sommes obligés de jouer ces scripts,
nous devons les transformer afin de répondre aux exigences des situations
concrètes dans lesquelles on se trouve, et en fonction des demandes des autres
personnes qui se trouvent impliquées dans ces situations et de nos relations
avec elles. (Gagnon, 2008, p.86)

Comme mentionné précédemment, il serait intéressant pour cette recherche portant


sur la masturbation des femmes d' explorer les négociations mentales de ces femmes
ayant fait face aux scénarios culturels propres à une pratique sexuelle taboue et ayant
vécu des interactions (discussions, relations sexuelles, apprentissages, etc.)
spécifiques à la pratique. Les scripts sexuels seront utiles pour expliquer et interpréter
les phénomènes reliés à la pratique de la masturbation chez les femmes puisqu' ils
permettront de voir comment plusieurs facettes différentes de la pratique interagissent
simultanément. Cette théorie permettra d' analyser les interactions entre des pratiques,
des contenus mentaux, des interactions sociales et des contenus culturels qui
concernent le vécu des femmes qui se masturbent régulièrement et leur santé sexuelle.
47

De plus, la réflexivité sexuelle sera l'élément conceptuel utilisé pour tenter de


comprendre les scripts sexuels et comment ces scripts s'articulent entre eux pour
construire le soi sexuel.

3.2 Le soi sexuel

Le soi sexuel est pertinent à considérer dans l' analyse du phénomène de la


masturbation puisqu'il permet une vision globale des cognitions au sujet de l'être
sexuel d'un individu qui se masturbe. La théorie de la construction du soi sexuel telle
qu' expliquée par Stevi Jackson (2007) permettra de comprendre comment les scripts
sexuels et la réflexivité sexuelle interagissent dans cette construction du soi sexuel
d'une femme qui se masturbe régulièrement. Les perspectives féministes et la théorie
des scripts sexuels se rapprochent l'une de l' autre en ce sens où les deux traitent des
enjeux dans la sexualité en analysant l'impact de la culture et des instances sociales.
De plus, Jackson (2007) et Jackson et Scott (2010) se servent des scripts sexuels afin
d' élaborer leur théorie sur le développement du soi sexuel, qui lui, s' apparente aux
scripts intrapsychiques. Elles proposent que la réflexivité sexuelle serait l' outil
cognitif employé pour négocier ou remanier notre compréhension des scénarios
culturels et des scripts interpersonnels (Jackson, 2007; Jackson et Scott, 2010). Enfin,
le modèle du concept de soi sexuel de Deutsch et collègues (2014) sera détaillé afin
de montrer les composantes psychométriquement valides du soi sexuel.

3 .2.1 La construction du soi sexuel par les scripts sexuels


48

Stevi Jackson (2007) s' inspire des conceptions du soi mis de l' avant par G.H. Mead
(1934). Selon cet auteur, le soi est envisagé comme processus plutôt que structure
(Mead, 1934). Le soi réflexif implique d'être social et de participer au social. La
réflexivité est la capacité à avoir des conversations avec soi-même et de se percevoir
à la fois comme sujet et objet afin de se situer par rapport aux autres (Mead, 1934).
Le soi est ni unitaire, ni fixe, mais n'est pas aussi décentré et fragmenté que le sujet
postmodeme (Jackson, 2007). Selon Jackson (2007), l' absence de cet aspect réflexif
du soi rendrait impossibles l' interaction et la coopération avec autrui. Une bonne
métaphore du soi consiste à l'imaginer comme une corde composée de plusieurs brins
qui traversent la vie d' un individu. Cependant, cette corde est constamment en
changement puisque les fils qui la composent peuvent être défaits et refaits au fil du
temps. Elle est continuellement retravaillée et retricotée.

Jackson (2007) suggère que ce soi vécu comme continuel provient des interactions
constantes entre nous et notre environnement social. L' idée du soi réflexif peut être
mal compris comme un « je » pré-social ou pré-discursif qui fait le travail de la
réflexivité (Jackson, 2007). Cependant, selon Mead (1934), il n'y a pas de « je »
essentiel ou inné. Le « je » est plutôt une mobilisation volatile d' un soi socialement
constitué. Le « je » et le « moi », en dialogue constant, font partie du processus social
de constitution et de reconstitution réflexive du soi (Jackson, 2007). Selon Jackson
(2007), le soi est pour et par le social, agissant sur le social et essentiel pour ordonner
nos relations aux autres. Selon l' idée que les scripts culturels informent l' acte de la
masturbation solitaire pour les femmes, il est pertinent de comprendre comment les
femmes qui se masturbent régulièrement perçoivent et gèrent cet effet social. Plus
spécifiquement, comment leur soi sexuel se module-t-il à travers cette gestion ou
cette confrontation au social?
49

D' ailleurs, en localisant le soi sexuel à l' intérieur de la dynamique sociale par
laquelle il est construit, il est possible d'examiner les sites de construction de soi
réflexif (Jackson, 2007). D' autre part, pour décrire la sexualité, les perspectives
essentialistes semblent évidentes parce qu' elles sont faciles à comprendre pour les
individus (Jackson, 2007). Or, pour mettre à l' épreuve ces perspectives, il faut non
seulement critiquer l'essentialisme biologique, mais il faut aussi trouver une approche
autant connectée aux expériences quotidiennes des individus (Jackson, 2007). Selon
Jackson (2007), la théorie des scripts sexuels de Gagnon et Simon (2005) s'inscrit
dans cette approche. Elle permet aussi l' agentivité des individus et des changements
dans leur soi sexuel au fil du temps (Jackson, 2007). Ces changements sont possibles
par un processus continuel réflexif dans lequel le passé et le présent sont reliés.
Toutefois, plutôt que de dire que le passé détermine le présent, Gagnon et Simon
(2005) suggèrent que le présent reformule nos biographies passées afin qu' elles
concordent mieux avec nos identités, nos rôles et nos situations actuels. Les scripts
intrapsychiques deviennent donc « une vie mentale issue du social » (Gagnon, 2008)
qui composent le soi. Ce soi est constamment en construction et en reconstruction en
raison des interactions avec les autres. Le soi sexuel crée « le sexuel » lors des actes
sexuels, mais aussi module la signification du sexuel par les scripts intrapsychiques
qui demeurent dépendants des scripts interpersonnels et culturels qui dictent, eux
aussi, « le sexuel » (Jackson, 2007). Alors, les conduites sexuelles et le soi sexuel
sont des entités sociales imbriquées dans une structure sociale plus large. Selon
Jackson (2007), l' accent mis sur l' aspect quotidien de la construction des
significations concernant la sexualité est primordial puisqu' elle permet de reconnaître
que la sexualité peut tirer sa signification de comportements sociaux non sexuels.

Pour faire suite à cette idée, Jackson (2007) s' inspire de Gagnon et Simon (2005)
pour proposer que le soi sexuel se développe à partir d' une construction préalable
d' un soi genré plutôt que de considérer que la sexualité et le genre sont
50

inextricablement reliés et que les désirs sexuels et affectifs déterminent le genre. En


utilisant un discours provenant du paradigme de la socialisation, Gagnon et Simon
ont accordé la priorité temporelle au genre et ont insisté sur le fait que les enfants ne
peuvent pas développer leur soi sexuel sans avoir accès aux scripts sexuels par
1'entremise desquels les comportements, les relations et les sentiments (émotions et
sensations) acquièrent une signification sexuelle (Jackson, 2007). Par exemple,
Gagnon et Simon (2005) ne suggèrent pas que les enfants soient sexuels ou asexuels.
Selon l' interprétation de Jackson (2007), ils proposent plutôt que le soi sexuel dépend
de la capacité à se comprendre comme être sexuel. En ce sens, la connaissance du soi
genré précède la prise de conscience de soi comme être sexuel (Jackson, 1978;
Jackson, 1999). Jackson (2007) explique la construction du soi sexuel à partir du soi
genré comme suit :

Gender difference itself, however, remains significant: a child cannat locate


herself in a gendered social order without a sense of herself as gendered -
without being able to make sense of self and others as embodied, gendered
beings. Awareness of ourselves as gendered is part of "going on being" - a
thread that runs through our lives linking past, present and future. Once the
basic reflexive capacities of self-formation have been set in motion, the self
continues, throughout life, to evolve and change through social interaction by
virtue of its constant reflexivity. In growing from childhood to adulthood,
sexuality is braided into our selves and becomes closely entwined with
gender. (Jackson, 2007, p.10)

Il serait utile d'explorer le soi sexuel des femmes puisque le genre semble avoir un
impact sur la manière dont sont vécues leurs expériences sexuelles. Le discours de
ces femmes pourrait éclairer la construction du soi genré des femmes qui se
masturbent régulièrement et ainsi faire ressortir des pressions ou des normes sociales
auxquelles elles font face, notamment. De même, Jackson (2007) précise que les soi
genrés et sexuels des jeunes femmes hétérosexuelles deviennent de plus en plus
complexes puisqu ' elles doivent négocier des attentes contradictoires par rapport à
ceux-ci. Leurs horizons de possibilités ne se limitent plus seulement à la domesticité,
mais elles habitent toujours un monde social et culturel très hétéronormatif (Jackson,
51

2007). Cette réalité offre de nouveaux scripts sexuels remplaçant ainsi les vieux
objectifs « féminins » de romance et de mariage par des scripts d' autonomie et
d'expérimentation sexuelle (Jackson, 2007) . D'ailleurs, Jackson (2007) souligne que
les magazines de jeunes femmes incitent celles-ci à prendre le contrôle de leur plaisir
sexuel, à découvrir le potentiel de leur corps et à développer de meilleures habiletés
sexuelles. Toutefois, le double standard sexuel n' a pas encore complètement disparu
(Jackson, 2007). Le paysage sexuel contemporain nécessite des femmes qu' elles se
surveillent et qu' elles réfléchissent à leur sexualité de sorte à ne pas « tomber dans les
pièges » de la carence (de ne pas être assez sexuelles) et de l' excès (d' être trop
sexuelles) (Jackson, 2007). Comme résultats, les désir~ sexuels des femmes ainsi que
leurs habiletés à gérer leur soi sexuel demeurent plus contraints et plus
problématiques que ceux des hommes (Jackson, 2007; Tolman, 2002). Il est
important de documenter l' évolution du soi sexuel des femmes qui se masturbent
régulièrement afin de mieux comprendre où se trouvent les lieux de contraintes dàns
leur sexualité. Pour cela, la prochaine section identifiera des éléments plus concrets
du soi sexuel à cibler dans cette étude.

3 .2.2 Le concept de soi sexuel : un modèle psychologique

La littérature scientifique dans le domaine de la sexologie et de la psychologie permet


de mettre en lien différent construit, tel que le concept de soi sexuel, la santé sexuelle
et la masturbation féminine (Deutsch et coll., 2014). Une définition des concepts
psychométriquement valides à considérer dans le concept de soi sexuel est pertinente
pour la construction de la grille d' entretien et pour l' analyse des vécus des
participantes de cette étude. Comparativement à la théorie de Jackson et Scott (20 10)
et à la théorie des scripts sexuels de Simon et Gagnon ( 1986), le modèle conceptuel
52

de Deutsch et collègues (2014) propose des notions spécifiques qui sont propres au
concept de soi sexuel et appuyées par des données probantes.

Tel que présenté plus tôt, le meilleur modèle conceptuel pour définir le concept de soi
sexuel serait, selon Deutsche et collègues (2014), celui qui englobe les dimensions de
l'estime de soi sexuel, du sentiment d' efficacité personnelle, de l'affect négatif
sexuel, de l' exploration sexuelle et de l'excitation sexuelle (sexual arousal) (voir
Annexe A).

Selon ces auteurs, 1' estime de soi sexuel serait définie comme étant la perception de
sa propre valeur en tant que personne sexuelle (Deutsch et coll., 2014). À l'intérieur
du concept de l' estime de soi sexuel, les analyses de Deutsch et collègues (2014)
révèlent que ce concept comprend trois sous-concepts : 1) les comportements sexuels,
2) l'attrait sexuel et 3) la conduite sexuelle. Les comportements sexuels sont défmis
par les perceptions de sa propre sexualité (Deutsch et coll., 2014). L' attrait sexuel est
défini comme le sentiment d'être attirant(e) et désirable sexuellement (Deutsch et
coll., 2014). Enfm, la conduite sexuelle est définie comme étant le sentiment d' être en
adéquation avec ses propres comportements et son(sa) partenaire sexuel(le) dans un
contexte sexuel (Deutsch et coll., 2014).

Ensuite, le sentiment d'efficacité personnelle est défini comme étant l' ensemble des
croyances en ses capacités à réaliser des activités et des comportements dans un
contexte sexuel (Deutsch et coll., 2014). À l' intérieur de ce concept, deux sous-
concepts émergent : 1'assertivité sexuelle et la précaution sexuelle (Deutsch et coll.,
2014). L'assertivité sexuelle est définie comme la capacité d' être assertive dans
l' obtention de sa satisfaction sexuelle, c' est-à-dire la confiance d' entreprendre ou
d'initier soi-même une relation sexuelle satisfaisante avec autrui (Deutsch et coll.,
2014). La précaution est définie comme le sentiment d' efficacité en ce qui concerne
53

l'achat et l' utilisation de méthodes contraceptives (Deutsch et coll., 2014). Puis,


l' affect négatif sexuel est défini comme étant l' ensemble de pensées ou d ' émotions
négatives (p.ex. anxiété) dirigées vers son être sexuel ou, encore, la perception de soi
comme ayant des émotions négatives concernant la sexualité (Deutsch et coll., 2014).
À la suite de cela, l'exploration sexuelle est définie comme étant la capacité et la
volonté de se montrer audacieux(se) et d' explorer de nouvelles expériences sexuelles
(Deutsch et coll., 2014). Enfin, l'excitation sexuelle est définie comme le sentiment
d' énergie, de tension et/ou de désir sexuel (Deutsch et coll., 2014). Le discours des
femmes concernant leurs expériences et leurs perspectives de la masturbation
féminine sera analysé au regard de ces dimensions en ce sens où elles permettent de
cibler des aspects spécifiques et mesurables du soi sexuel d' une personne.

De surcroit, pour situer la construction d' un soi sexuel positif comme mécanisme
menant à une meilleure santé sexuelle, il est important de présenter la manière dont
est conceptualisée la santé sexuelle dans cette étude. La prochaine section explicitera
la perspective adoptée par rapport à la santé sexuelle dans cette étude.

3.3 La santé sexuelle

La santé sexuelle est un élément important à considérer dans la vie sexuelle des
individus (CDC, 2012; Coleman, 2002; Fortenberry, 2013 ; OMS, 2017). Elle est à la
fois un état auquel les individus peuvent tendre et un processus qu' ils traversent tout
au long de leur vie (Giami, 2002 ; Hensel et Fortenberry, 2013). Dans cette étude, il
semblait donc pertinent d' explorer les liens potentiels entre la pratique de la
masturbation et la santé sexuelle des individus qui la pratique. Afin de situer la notion
de santé sexuelle, nous nous appuyons sur le modèle intégrateur de la santé sexuelle
de Fortenberry (2013).
54

Ce modèle s' oppose au paradigme de risque sexuel et propose de réduire la


stigmatisation sociale par une valorisation des aspects positifs de la sexualité, le
plaisir sexuel notamment. De plus, il associe la prévention des ITSS aux objectifs de
justice sociale (Fortenberry, 2013). Selon Fortenberry (2013), l' opérationnalisation de
la santé sexuelle réunit quatre éléments centraux soit les droits sexuels, les
connaissances sur la sexualité, le choix sexuel et le plaisir sexuel. Ces quatre éléments
centraux supportent les vécus expérientiels du désir, de l' excitation, du
fonctionnement et des comportements sexuels (Fortenberry, 2013).

Enfin, Fortenberry (2013), en parlant de comportements sexuels positifs pour la santé


sexuelle, nomme explicitement la masturbation comme étant le comportement le plus
commun chez les hommes et les femmes. Selon Fortenberry (2013), la masturbation
devrait être mentionnée plus directement dans toute discussion sur la santé sexuelle à
cause de sa prévalence chez les adultes et parce qu' elle est un outil légitime dans la
prévention d' ITSS . La masturbation semble être une pratique sexuelle qui permettrait
de dévoiler comment les facettes du modèle de Fortenberry (2013) interagissent. Plus
précisément, comment les expériences de pratiques masturbatoires laissent-elles
paraître le désir sexuel, 1' excitation sexuelle et le fonctionnement sexuel ainsi que les
connaissances sur la sexualité, le choix sexuel et le plaisir sexuel? Les liens entre ces
différentes facettes de la santé sexuelle et la pratique de la masturbation n' ont pas
encore été bien documentés. C' est pourquoi il est important de faire des recherches
afin de connaître les facteurs qui pourraient influencer la santé sexuelle des femmes
(Coleman, 2002). Par le passé, la sexualité des femmes a été généralement
dépendante d ' une tierce personne (un homme) pour exister aux yeux de tous (Jackson
et Scott, 2010; Koedt, 1970). Il est par conséquent d ' autant plus intéressant d ' étudier
la sexualité solitaire des femmes qui passe, entre autres, par la masturbation. Bref,
faire le pont entre la santé sexuelle et les pratiques masturbatoires des femmes permet
55

d' aller au-delà de la santé physiologique et reproductive (Coleman, 2002). Le modèle


de Fortenberry (2013) aide à se souvenir des éléments importants à considérer lors de
l' analyse des pratiques pouvant influencer la santé sexuelle des femmes.

En sommes, rappelons que l' objectif principal de cette étude exploratoire est de
documenter, à l'aide de l' interaction entre les scripts sexuels et la réflexivité sexuelle,
le développement du soi sexuel des femmes quant à leurs pratiques masturbatoires et
ses liens potentiels sur leur santé sexuelle. La théorie des scripts sexuels nous aidera à
répondre au premier sous-objectif, soit d'identifier, à partir des témoignages des
femmes, les principaux messages et discours véhiculés sur la masturbation féminine.
Les notions de réflexivité sexuelle et de soi sexuel nous aideront à explorer les
parcours d' initiation de la masturbation féminine et les conséquences de cette
pratique sur la découverte de soi. Enfin, tous ces concepts ainsi que la notion de la
santé sexuelle nous aideront à faire état des retombées perçues par les participantes de
la masturbation sur la sexualité dyadique et la santé sexuelle.
CHAPITRE IV

MÉTHODOLOGIE

Cette étude exploratoire s'appuie sur une méthodologie qualitative afin de saisir les
perspectives et les expériences que les jeunes femmes adultes accordent à la
masturbation et à la santé sexuelle. Selon Paillé (2007), la recherche qualitative est
pertinente pour comprendre le « vécu des personnes dans leur monde intime », et
c' est ce que cette étude mobilise pour comprendre le vécu des femmes qui se
masturbent régulièrement. De plus, cette étude est basée sur une analyse thématique
du corpus. L'approche inductive de l' analyse thématique se prête bien à l'analyse de
la masturbation dans l' optique où elle est une pratique peu explorée dans la littérature
scientifique (Paillé et Mucchielli, 2003).

4.1 Participantes

Les treize participantes ayant participé à ce projet de recherche ont répondu aux
critères de sélection suivants : 1) ce sont des femmes; 2) elles sont âgées de 18 à 30
ans; et 3) elles ont rapporté se masturber régulièrement (une fois par mois ou plus).
Le groupe d'âge de 18 à 30 ans a été ciblé puisque le soi sexuel évolue de manière
variée chez chaque individu (Deutsch et coll., 2014). Il a donc été important de
prendre en considération des femmes qui font partie d'un groupe d'âge restreint. De
plus, la limite inférieure est justifiée dans la mesure où l' étude nécessite un concept
de soi sexuel cristallisé alors qu' il est en développement durant l'adolescence. En
effet, ce n'est qu' à l' aide d' un concept de soi sexuel plus ou moins stable qu' il sera
possible de comprendre comment celui-ci joue un rôle médiateur entre la
masturbation et la santé sexuelle. Enfin, les femmes de différentes orientations
57

sexuelles n' ont pas été exclues parce qu'elles font partie d'une population dont les
pratiques masturbatoires sont peu étudiées (Bowman, 2014).

Dans le cadre de cette recherche qualitative avec entrevues semi-dirigées, le nombre


de 13 participantes n' a pas été suffisant pour obtenir une saturation empirique de
1' ensemble des thèmes abordés (Morse, 1995 ; Savoie-Zajc, 2009). La saturation
empirique des données est atteinte lorsqu' aucune nouvelle information ne ressort des
entrevues individuelles (Savoie-Zajc, 2009). Nous estimons qu' il aurait fallu entre 15
et 20 participantes pour que cette étude atteigne une saturation empirique plus
satisfaisante. Après 13 participantes, de nouvelles informations émergeaient encore
des entretiens. Toutefois, au regard des contraintes de temps et de ressources liés à ce
projet de recherche étudiant autonome, nous sommes d' avis que le nombre de 13
entretiens convient pour un projet de recherche qualitatif exploratoire.

4.2 Recrutement

Les participantes ont été recrutées à l' aide d'affiches d' invitation apposées dans les
différents pavillons de l' UQAM et dans les cafés et/ou restaurants entourant
l'UQAM, ainsi que sur les réseaux sociaux tels que Facebook (voir Appendice A). La
campagne de recrutement a duré environ 7 mois, c' est-à-dire de juin 2016 à décembre
2016.

4.3 Canevas d' entretien


58

La collecte principale de données s'est faite à l'aide d' un guide d'entretien semi-
dirigé (voir Appendice B). Les thèmes généraux contenus dans le guide d' entretien
sont la santé sexuelle, la masturbation (les souvenirs de la masturbation à l'enfance,
les pratiques masturbatoires actuelles et ce qu' elles permettent, les retombées de la
- masturbation en contexte dyadique, les émotions ressenties avant, pendant et après la
masturbation, etc.), les relations sexuelles actuelles, les dimensions du concept de soi
sexuel et la réflexivité sexuelle. Les dimensions du concept de soi sexuel ont été
explorées lorsque les participantes discutaient de leurs différents sentiments,
expériences et perceptions concernant leurs pratiques masturbatoires tandis que la
réflexivité sexuelle a été explorée lorsque les participantes partageaient leurs
perceptions de la masturbation féminine dans leur entourage immédiat et dans la
société.

4.4 Procédures

Tout d' abord, les participantes ont manifesté leur intérêt de participer à la recherche
en envoyant un courriel à la chercheuse principale. Toutes les entrevues, sauf une, se
sont passées à l' UQAM dans des locaux prévus à cette fin. L'autre entretien s' est
déroulé au domicile de la participante. De plus, il est important de mentionner que
deux entrevues pilotes ont été complétées afin de valider la pertinence du guide
d' entretien. Ce pré-test effectué avec les deux premières participantes a permis
d' apporter les améliorations nécessaires au guide d' entretien avant de débuter la
collecte de données (Savoie-Zajc, 2009). Suite à la signature du formulaire de
consentement (voir Appendice C), chaque participante a pris part à un entretien
individuel et confidentiel d' une durée maximale d' une heure et demie. Enfin, chaque
participante a rempli un court questionnaire (voir Appendice D) et a reçu une liste de
ressources (voir Appendice E) qu' elle pouvait consulter au besoin. Le court
59

questionnaire contenait des questions sur leur âge, leurs méthodes de contraception
(méthodes hormonales et méthodes barrières), leurs habitudes de masturbation, leur
statut relationnel ainsi que leur orientation sexuelle. Ces données ont permis de faire
un parallèle entre certaines habitudes de vie et les pratiques masturbatoires rapportées
par quelques études (Carvalheira et Leal, 2013; Das, 2007; Herbenick et coll. , 2010).

La collecte de données s' est échelonnée de juin 2016 à décembre 2016 et s' est
déroulée en deux vagues. La première a comporté deux entrevues pilotes et 8
entrevues subséquentes. La deuxième vague quant à elle, après avoir ajouté un critère
d'exclusion (celui de ne pas avoir réalisé d' étude en sexologie ou de ne pas être une
sexologue), n ' est constituée que de 3 entrevues. Ce critère d'exclusion a été ajouté
pour augmenter la diversité de l' échantillon au regard de la formation académique. En
effet, la majorité des participantes de la première vague avait étudié en sexologie et
avait par conséquent un intérêt déjà marqué pour la sexualité humaine, des
connaissances plus approfondies par rapport à celle-ci ainsi qu'une plus grande
facilité à en parler. Il est donc possible qu' elles aient réfléchi plus activement à leur
propre sexualité. Ceci constituait un biais trop important pour ne pas tenter de le
contrebalancer en échantillonnant des femmes ayant un autre parcours scolaire.

Les entrevues ont été emegistrées sur un support audio et retranscrites en verbatim.
La durée des entrevues varie entre 35 et 90 minutes avec une moyenne de 68 minutes.
Après chaque entrevue, des notes d' entrevues sur les impressions de son déroulement
et de l' état d'esprit de la participante ont été écrites. Ces notes contiennent également
des idées d'analyses préliminaires et des modifications à faire pour les prochaines
entrevues (guide, échantillon, questions d ' entretiens, etc.)
60

4.5 Analyses

Cette recherche s' est inspirée de 1' analyse thématique parce que celle-ci permet « de
transposer le contenu analysé en un certain nombre de thèmes représentatifs » (Paillé
et Mucchielli, 2003). Explicitement, l'analyse thématique se définit comme suit :

L' analyse thématique consiste [ ... ] à procéder systématiquement au repérage,


au regroupement et, subsidiairement, à l'examen discursif des thèmes abordés
dans un corpus, qu' il s' agisse d' un verbatim d' entretien, d' un document
organisationnel ou de notes d 'observation. (Paillé et Mucchielli, 2003 , p. 124)

L' analyse thématique nécessite habituellement une thématisation en continu ou une


thématisation séquencée (Paillé et Mucchielli, 2003). Or, nous avons procédé par
thématisation en continu, c' est-à-dire que l'arbre des sous-thèmes et des thèmes
centraux a été modifié et bonifié tout au long de l' analyse du corpus. L' analyse des
données a donc débuté immédiatement après la première entrevue transcrite. Un aller-
retour constant des données à l' analyse a été effectué afin de préciser les questions de
la grille d' entretien ainsi que l'échantillon (Paillé et Mucchielli, 2003). Plus
précisément, chaque entrevue a été réécoutée afin de se familiariser avec le contenu et
d' ajouter des éléments manquants aux mémos d' analyses. En outre, les entrevues ont
été retranscrites au fur et à mesure qu' elles se complétaient. Pour la première vague
d'entrevues, cette transcription a eu lieu de juin 2016 à octobre 2016, tandis que pour
la deuxième vague, la transcription a eu lieu de novembre 2016 à février 2017.

Une arborescence des sous-thèmes des 10 premières entrevues a été faite entre
octobre 2016 et novembre 2016 à l' aide d' une grille de thématisation (voir
Tableau 4.1). À la suite de cette première thématisation, le guide d'entretien a été
ajusté et un critère d' exclusion avant la deuxième vague d' entrevues a été ajouté. Les
entrevues de la deuxième vague ont eu lieu entre novembre 2016 et décembre 2016.
L'analyse des thèmes des trois dernières entrevues s' est poursuivie, tout en
61

complétant la thématisation initiale, jusqu'en février 2017. Après l'analyse des sous-
thèmes, des lignes du temps de la trajectoire des pratiques masturbatoires de chacune
des participantes ont été élaborées en réécoutant chaque entrevue afin d'avoir une vue
d'ensemble des données (voir Figure 4.1 à 4.13). Grâce à cette vue d'ensemble, une
hiérarchisation des thèmes a été possible. Ensuite, certaines sections ciblées des
entrevues devaient être analysées davantage afin d' approfondir la compréhension des
relations qui ont émergé dans la hiérarchisation préliminaire. Les thèmes ont été
retravaillés et sont devenus progressivement mutuellement exclusifs. La mise en
relation de ces thèmes a permis de créer des thèmes centraux qui expliquaient le
phénomène plutôt que de le décrire (Paillé, 1994). Le logiciel NVivo a été un outil
important tout au long de l'analyse parce qu'il a assuré une organisation des données,
des sous-thèmes et des thèmes centraux. Plusieurs étapes ont été consacrées à
accroître la crédibilité des résultats : consultation des pairs, informatisation de tous
les documents manuscrits, et perfectionnement de la terminologie des sous-thèmes et
des thèmes centraux. Tout au long du processus d'analyse, simultanément à la
réorganisation, les arborescences des sous-thèmes et des thèmes centraux ont été
maintenues à jour.

À la prochaine page se trouve le tableau détaillant la grille de thématisation


(Tableau 4.1) utilisée pour coder 1'entièreté des verbatim de cette étude. .
62

Tableau 4.1 Grille de thématisation

Thèmes centraux
Impressions des
participantes sur la Pratiques Messages des
Santé sexuelle Relations sexuelles
perception de la masturbatoires participantes
masturbation
Expérience de
Perception de la masturbation la plus Intégration de la
Définition d'une bonne Adressés aux hommes
masturbation selon la lointaine (vécus, masturbation dans les
santé sexuelle hétérosexuels
société émotions, fonctions, relations sexuelles
orgasmes, etc.)

Expérience de
Perception de la Lien perçu entre masturbation présente Description de la
k1 masturbation selon la masturbation et santé (vécus, émotions, dernière relation Adressés aux femmes
.5 famille sexuelle fonctions, orgasmes, sexuelle
.;;
1 etc.)
:g
0
C/.1
Évolution des pratiques
masturbatoiies entre le
Perception de la Description d'une
début et maintenant.
masturbation selon ]es relation sexuelle
(apprentissages,
ami(e)s «idéale»
nouveautés,
changements, etc.)
Différences et
ressemblances entre
ces deux relations
63

4.6 Considérations éthiques

Ce projet de recherche a reçu l' approbation du Comité d' éthique de la recherche pour
les projets étudiants impliquant des êtres humains (CERPE - 4) de la Faculté des
sciences humaines (FSH) (numéro FSH-2016-1131; Certificat d' approbation éthique)
(voir Appendice F).

Dans la mesure où cette recherche porte sur la masturbation féminine, sujet très
intime, les enjeux éthiques associés y sont passablement importants. L' un de ces
enjeux a trait à la protection de l' identité des participantes. L 'entière confidentialité
de leur participation à cette étude a été assurée, entre autres, en leur donnant des
pseudonymes lorsque leurs témoignages sont directement rapportés dans le mémoire.
De plus, lors de la transcription des verbatim, toutes les caractéristiques permettant
d' identifier les participantes ont été remplacées par des énoncés plus génériques. Les
données anonymisées sont conservées sous clé et seules la chercheuse et ses
directrices peuvent avoir accès aux documents originaux. L' autre enjeu éthique
d'importance concerne le consentement éclairé, c' est-à-dire s' assurer que chaque
participante connaisse l' objet de recherche et le déroulement du projet, et accepte
d' en faire partie (Creswell, 2014). Le consentement libre et éclairé a été obtenu à la
suite de la signature d' un formulaire de consentement où il y est précisé que
l' entrevue sera enregistrée. Les participantes ont pu aussi y lire leurs droits dans le
cadre d' une entrevue de recherche. Finalement, une liste de services d' aide
psychologique et sexologique a été remise à chaque participante au cas où l' entretien
causerait quelques malaises que ce soit.
64

4. 7 Description des participantes

Dans cette section, il s'agira de présenter les caractéristiques des participantes qui ont
témoigné de leur vécu concernant leurs pratiques masturbatoires et leur santé
sexuelle. Le tableau 4.2 est une présentation sommaire des caractéristiques des
participantes et le tableau 4.3 est une présentation sommaire des pratiques
masturbatoires des participantes. Les lignes du temps présentent une vue d'ensemble
de quelques aspects de la vie sexuelle des participantes.

4.7.1 Présentation sommaire des participantes

Tout d' abord, les treize femmes qui ont participé à cette étude sont âgées entre 22 et
30 ans. Elles sont majoritairement en couple (10/13), et de ce nombre, 3 d'entre elles
habitent avec leur partenaire. Toutes les participantes sont sexuellement actives,
c' est-à-dire qu ' elles ont des relations sexuelles avec un ou des partenaires. La plupart
des participantes (8/13) rapportent utiliser des moyens de contraceptions.
Spécifiquement, quatre disent utiliser la pilule contraceptive, trois disent utiliser le
condom, une utilise le stérilet et une autre l' implant contraceptif. Pour ce qui est de
l' orientation sexuelle, la majorité des femmes sont hétérosexuelles (7/ 13), trois
femmes sont bisexuelles, deux sont lesbiennes et une est pansexuelle (voir
Tableau 4.2).
65

Tableau 4.2 Présentation sommaire des participantes

Cohabitation Utilisation de
Orientation Sexuellement
Pseudonyme Âge Statut relationnel avec le/la moyens de
sexuelle* active
partenaire contraception
Anna 28 Célibataire H Oui Oui {condoms)
Mélanie 27 Célibataire H Oui Oui (condoms)
Laura 27 En couple Oui
Oui (pilules et
H Oui
condoms)
~l!it 27 En couple Non L Oui Non
Christina 28 En couple Non B Oui Non
Charlotte 30 En couple Non L Oui Non
En couple p
Sophie 24 Non Oui Non
polyamoureux
Fanny 23 En couple Oui B Oui Oui (pilules)
Isabelle 22 En couple Non H Oui Oui (stérilet)
Karine 29 En couple Oui H Oui Non
Jenny 23 En couple Non H Oui Oui {implant)
Arielle 23 En couple Non B Oui Oui (pîlules)
Diane 24 Célibataire H Oui Oui (pilules)
*H = hétérosexuelle, L = lesbienne, B = bisexuelle et P ""' pansexuelle.
66

4.7.2 Présentation sommaire des pratiques masturbatoires des participantes

En ce qui concerne la fréquence des pratiques masturbatoires, le tableau 4.3 regroupe


les différentes variations de fréquence des pratiques masturbatoires. La majorité des
participantes (9) rapportent se masturber entre une et trois fois par semaine. Trois
participantes rapportent se masturber une fois par jour et une seule participante
rapporte se masturber une fois par mois. À 1' égard de la consommation de
pornographie, toutes sauf une rapportent en regarder. De ces 12 participantes, 11 .
rapportent regarder de la pornographie pendant qu' elles se masturbent. La fréquence
avec laquelle ces participantes utilisent la pornographie lorsqu' elles se masturbent
varie énormément allant d' une fois par an à deux fois par semaine. Pour ce qui est de
l' utilisation des jouets sexuels (vibrateurs, godemiché, etc.), neuf des treize
participantes rapportent s' en servir lors de leurs pratiques masturbatoires. Enfin,
plusieurs participantes sont issues du domaine de la sexologie ou sont sexologues
(7 /13), tandis que les six autres ne proviennent pas de ce domaine. Les implications
concernant cette spécialisation en sexologie de la moitié de notre échantillon seront
abordées dans la discussion.
67

Tableau 4.3 Présentation sommaire des pratiques masturbatoires

Nombre de

Fréquence des pratiques masturbatoires


lx/jour 3
Entre lx et 3x/semaine 9
lx/mois 1
n = 13
Fréquence des habitudes de consommation de pornographie
pendant les pratiques masturbatoires
2x/semaine 1
lx/semaine 4
2x/mois 1
lx/mois 2
lx/année 3
Aucune 2
n == 13
Utilisation des jouets érotiques pendant la masturbation
Oui 5
Oui, parfois 4
Non 4
D "" 13

4.7.3 Présentation des lignes du temps propre à chaque participante

En plus des réponses provenant du court questionnaire, des lignes du temps


chronologique des événements de la vie sexuelle des participantes ont permis
d' approfondir les analyses (voir Figure 4.1 à 4.13). À l' aide de ces lignes du temps, il
était plus facile de visualiser la concordance entre les variations dans les pratiques
masturbatoires et les variations dans la sexualité dyadique, ainsi que l'évolution des
perceptions des participantes à 1' égard de leur vie sexuelle et de leurs pratiques
masturbatoires.
68

Anna
Âge Avant 5 ans 21-22 24-2S 28

1•• copam _ rop:~in Oemter


p::men ire

Mœ lurb tian d.lns 1 d uch Mo 1urb tion très Masturbation ave Elle ne se Jntégrallon de la Aband n dans s s
11\'CCun jet. mécan iquc. 1 ;et de la pi · ine. m ~turoe pas mlls turbation dons fu:masmes el dan. .se~
Il n ·a p;lS l'm1pressi n que •<C'était le fun. >• ·e mbl' dans l R • tard dan.~ sa VIC. prati ucs
çn · rvaj J .1 se dé ·ouvrir. L) ·çripllon de . < Je le IS.. c l le RS. mJ:Uurba toJrc
<• Lui. ru i . o m ~
rnJ I plutôtil ·impll•mcnt rnasturb Iton n. a dtminu une nu main la. Pms
lensi n pui. c'est IX uis qu 'clle se dit
souvir un be m. mme qud u "t.1i mme" Ok.
tout. )> que c · t l'or reet de s
Mm ou për 1 surprend en ho. ede plus 1 ue; uc j' pc . le motsturbcr, qu c ·est
tmm dc sc masturber ovec le physique. là ire J . l>ui.. olors ki. normul. elle ac ep i•~
JCI de 1 do che. rn 1s u une
m1ew sa sc, ahtê e t,
t-.= nmon· c. l'as beaucoup de du cou , sexualité
fanla$m ·so.: iés
Conlmue qlWnd même de
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mn ·turbaroire ·.
ui qu j -ms p· venu n ore. on ~-ut comme,
pui que m lion je sail; qu f ois pas venir mui.ntcnant. ben oit
en . orte u j.: peux ~'Ot r mon plad r u bon moment aw s1. »

< l>epui s que j suts scx logu . on


L gêne qu:md Ill !me.• r IS quelque DLs u · .1 n a\'Cc mte nit hang r pcrc:eptJ n: (( C'est en parl<tnl <i une dtrall que fat nm1c plus
d o· ue Je ne ui p s sup o: é faire . }) amie que .ïm~: rend· LS ompte !( Oh mon dieu » on dtmil je pense a rien. d'aisance alors J' mc lat. se plus
JCpen juste li mon pla1 ·ir. j'\<WX J UHC Orltllli! mc toucher. \'Olf Il aller. J'me ar sc plus toutl
orgasme. pui c'est tout. )! orps. )' a plus un moment de < Je
_ui· bu::n :c mot-même)). •

•<On duull ue quand 'me rna lurb ,j'mc permets J U$I C d'é1rc m 1, de mc l ts raller. y· a pas
de pr · 1on. Alors. o peut u ·s1 ai der u mveau de, just d'.!crc. d'ëtrc mom· . lre é. pu1. d'être
nucu.x dan. mu. pcuu. 1oul ça va nu. SI tnllu n cr m nd . 1r exuel pour mon partenaire. ~

Figure 4.1 Ligne du temps de Anna (28 ans, hétérosexuelle et ayant étudié en sexologie)
69

Mélanie
Âge 5 6 12 13 16 17 24
'
111 • re l:uion 2c copam ' esen! ' l'n~ .:-avec u n
. ex el le pnrtena irc .
av.:e 1 • Confortable ct
p~in d ' omplex.:e à a sc de sa
nu. turb:n i n.

<~ \:st flou un peu. > Re omm nec u une Masturb· uon Refus de ·c
1\t:JJ>'"turb;:,tion en sohtmre. m;:,sturb;:,tJon ma. turbullon devant m;:ssturbcr
pm•é. dans sa hambr . la mre le ;,1 qm tli« à end(lllt qud u'un pendant RS
DUi l. tl_ ans. des pcnsêcs pénètrnlton. pour ln paroc uc
Pour le plai:1r. pr~ ISCS ~r prrnuère foi: trop énée.
· ouverte d'un <tru.· oo(., roppon aw ("mêel.
Sensmi n :~g:r.\ab l c qm lui fa11 gJrs.
du ICil.
e lli l pw cnco.n: le Masturbauon pendant 2 types de
lien ntrc bu:nîalls commence. pénétratiOn 1 t masturbation:
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fa ntnsmcs: a nnl mais dcm:mdê. Et cc.
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plu_ 1ong. t mme crê cr en ~'onlcxtc dyadique ct solitaire. mtcux oommuni uer ZJ\'
vrtli ment ommc.- un moment pari :n 1re.
· rotiquc (dans ma M lg r · la conlradlcllon ntre c nfort nvc-è un p 11cnntr et gêne de
masturbait n j. • sc masturber pendanl R , sc sent en contrô le d son pltttSir à nu·
de s mnsturb uon.

Figure 4.2 Ligne du temps de Mélanie (27 ans, hétérosexuelle et n' ayant pas étudié en sexologie)
70

Laura
Âf.e 11 12 13 à 18 20 27
J

C esse son ch ton- · chnquc R . ncccss.:~irc it son or tJSnt .

J I est c pablc d'a\.'oir un ors-asme pend nt la RS s ns sc lo cher diC~XJ ment le chton s,


ma l a prend vrai ment trop de temps.
« 1 ce pervers d trop bien se conll!lÎtrc 1; : 11 faut qu' Ile son celle q ui sc touch pour o •a:mc,
CtlnJoint ne r~us. it p s ù la au·e J uu mme ça. (Indifférente, Ne . cmblc pas la déran~cr. )

la turbati n d ~ but ta ~u un autre f leur IJ.:sir sexuel ui \'lent Omünuti n e La Atde ' d rmtr.li Murm nanc 1
suit d u i.s10nncment du n ·a influencé sc d'e lle-n"' mc (p de la tiquen e d r laxer et à as.lOU\' Îr JOUr.
1lm Foill! de Gmdua11011 où débuts tél.;\ · 10n ou de g rç n prauques un dés ir ..cxud. J'our l' insomnie.
une per nnu~ s;: llltl-lurbe masturb toircs. ans rc-nlour ge). ma. turb tmr· ir la le str~:> s Cl 1 rsque
avec un tlûte. s ite du début e la le conjomt n'c_t
à 7 msrj ur sexualité dyad1que p:~s d1spom blc.
' Qullnd Je reS~ nt 1s le t ' .20 n .
besom. JC 1 fais rs. • M ~ oritaircmcnt
mécJmque, m 1s
Dècnl •. a masturbalton à l' adoks cncc comme • c re eni p· de ru tration quand onJoÎ nt
•<un c-soin pnnuire el purement sexuel. • ! · u"cll ne sc masturbe pas pendant c 1 obseni, dl!: c
quelques JOurs. dédie un m ment
Il sr sent lière.
~e . · t jnma1s fni t prendre ou uest10nn~.:r
np Js.!c ct rela;xéc. pour
p:~r rapport à 11. mnstwbn uon qui
c t pl u
Au un ch n ment dans prnuqucs m turbatoar . de meurent n. cz constant au fil du
cxbow 11 c l.'t qu1
tcn1 ps. c " cmctpasde pre · ionou de barriére.Le JJ quan lie n t q u'cllccn a
pr nd plus e
besoin.
temp. .

• J"s ts uncu . ~ « J'p<:nsc q e a ••• : t \TliÎmcnl j ste faj l Ou idem . t daru le temps. J'mc su1s amaL nns d pr . 1on non
pl · û mc dire < b oui. aujourd'hui 'mc su1. r mttstumé. faut 1 'mc ma ·ll.Jrbc " · c· t vraiment j' l.~ 01i •
• Ah! !' Ul\luor pus. f p ur m ·
avec le besoin qucj'01. tout . rmplcm nL •
essayer de fn1 r ça .».
« Je m· •coute. ïrêponds • mes oins, 1 be. oin: uc {a i. sans obh~er m n partcru~irc quand il n ·a pa.
en ne de lui c aire 1 ur mo1 malcmcnt. Al t'!' . fp<: nsc que ui. ça ontribuc à une cnainc santé sex uelle
qm est s mc, selon mo1. •

Figure 4.3 Ligne du temps de Laura (27 ans, hétérosexuelle et ayant étudié en sexologie)
71

Ra chelle
Âge 2 3 5 6 12 13 17 18 24 .

1 • coptnc av<:'c qut Ile 1 • copmc séneu. cc En rda ti n d •


x[)lorc la sc ua.ht<! :i. 2 qur ·lie a une rd lUln oupl
ttm urcu · . [)rCscntcmcnl.

· uwnirdc f:wrt sexuel il J'adokscc ncc. !>rn ti ue · m rurba 1 1rt's


•êtn: m sturbé e- D • cu v.:ri e pral iques m ins fr ' uenlc. en
ur k po eau e rn turb:noires â ~ - • olitni rc ti use de '
pumpier dans la k t herche de plab;u· (OJW! mes nou Il rclatron de
Kappone o cune réa l'Iton ours de avec pinc. oupk \' CC bet1ucoup de
de !"<:'nt um •e. ( c· êtatlmecaniqu • comm e C'XC Îl 2.
p tcu.u de pompter. >
1· n ti n: réconforlcr.
~ C" élatt cxpl ra toire. >
. ula.s.:r, pro longer 1
Pên de où Fréqu nee m sturb lion
platstr. r hcr:.:hc de
lien · 1 · .:! foi ·fjour.
$ nsation.
SOU\'JCDI pas lksom de onfort
·:ttc le c. 1 une pen nnc-
l::.llc le ran par
m asrurb~e nxu:u c.
un sit~.
ula cm nt mtr les Ô" . « Pour rd:kh r les
de 7 cl Il an-. tcn:-ions.
Le ai t d'êlro le bienne, d'être à rui 0\'CC . • pra1ique · m :;turbatoircs (il2
aussi) rendu le • comins-out ) plus . a il ptlrce qu'cil sovait u'clle n'élu.t l
pa..~ seule du.ns eue onc nt;:~ti n sexuel le..

Pr m1èr rdulmn ~ ex udle ove ne rlle · fait de m;:~mè t'i! llui epar e qu Il
vott mmcnl l' au tn: fait. peul p nager et parler de qu ·die uim.:-.
L' r.gasm est quelq ue t: hO:! e de condmrc our elle. ~·11 r tl y a un gc!>llon des
n tid~pres n; ça ne fon:ct i nnc p s tOUJ urs.
<( M is t ut cc: qu1" p ssc a\•anl - 1 t Il mem imp rl.:~m pUI. an tcmcnt prunordtal p ur qm: ça arn . que pourq oi
on m llr::tll tan t l' cc nt sud 'or•asme. Puis qu' tl n· -1 pas obbgé d'ê-t re une ti n non plus. J'veux d1re a peut c
LlUI'SUÎ\T près J' - 1\[ors. j'ai Il un peu Celle rèflc. Îon-là. )>

Figure 4.4 Ligne du temps de Rachelle (27 ans, lesbienne et ayant étudié en sexologie)
72

Christina
Âge 13 14 lS 16 17 18 21 28 .·

Kdnt i ru _exud 1 a\'CC des SJIIS: sJn lteiJti n d oupl


orgasm · pendllnt pé.nétmtion. 11\'CC une enm,c.
'n d pancnair · (hommes lui dil
Jin lem nt que o ne~ n ti D lll' pJs qu'elle
n '1111 p d' rga!>m •. alors die rommcn
sc m;-rsturber pend ni ki pènétrati n.

Mu. iur :Illon à la sur te de la M turb tion Sc nd Lr e ondJire 4-5: Plus il r atse a~·l~C Elle prend plus
k turc du hap rlrc sur la d e irnt régulière. L>ortoir Ch mbr double. son corp t Je t dl co
mo.sturb.J tion dan. le hvrc Our !:: lie ch rch" d pcn!!tonnat 0 d n sex rm.l , c qui
Botfies. Ourse/~· .v. _oun.:cs 11! ). m~ turb.J ti n change sc.
d'érolts;:rtt n à hl • Rituel de lllTêtc (du moi ns prallqucs nllu\•cllcs
'c nu >turbe pendJnl 0 tele. pare; cmplc. masrurbauon p lu~ péri di uc . ma IUrbatotr n n . usf tsante. po. i11oru,
nunutes rcm;ron). ans l'l-.! ucn : 1 is/ uv nt e dormir rrèquenc : ommumcation
IÙntJ.·mcr• • an. t ucbcr son 2 scmui nes. {c ché . Mn · turb;nion
<t t Il mcm
h•ori d1r ·tc mcn1 ct Livre urlequm. moins pend nt
n'Jt1eint p s l' orgosmc. Pré u cn~:e: ,j tous qu'a" nt ». lx/ rc lad n
lesj urs. emarn ou au _cxuelle
Cul p bilit' un ïtal ~· est
. marn.
peu) ct d ulcur
ph •siqu Manière: dors1
sur le dit ris.
rnpponé .
int d ' emblée-.
~ Pour om1ir. pour rèdutr
1 o r rchi ·her
1 uclle. • oi •t p ts.
rm le plll'foi .
l'cur d'en paner li l' adol en e.
t'ou uble d'ètr turéc par d , 11fc · et dr sr
ma 1urbcr par la sullc p ur rcl:i her ·rt l tcnsron
sexuelle.
Avant: ma \', i SJnté ex elle, selon die, pun: qu'd ien" il pa.
c pJ le c dé p ::~ · erl'td ·.: 4u' Il était ( le au m n e à là ire a. >

Mtuntcnant: sc sent icn a" c sm 1 11 le pi..Ji ir. à l'aise vcc p;Jrlrcs génital .
conrmi s nec et reconnaissance d ses d ' irs el bonne commun i .J1 ron v~ so partenaire.

Figure 4.5 Ligne du temps de Christina (28 ans, bisexuelle et n' ayant pas étudié en sexologie)
73

Charlotte
A&e 11 12 17 19 20 14 26 30

l>art n 1r J>artenuires
sex uels h m mes se. udles cmm .
el Ile n ·a p.:u; c1 elle a des
d "orgw;mes org..1smes
pendant k . rendant RS.

lx o u\·crte acetdcntcllc: A l' 1d du h re EJic u un lJ~cou rte Ac h.at d'un Elle utilise:
sen ti n rcs~nl1c avc:l.' on1prcnd qu·elle or•asme d'orgasme à \ribrutcur. encore de lu.
papier d · toi lc-11 e lor qu ·d 1• doi t c loucher a vaginal vani r tdc d ta Confiance de . c toucher le pornograph ic
• cs dotgts s ur le d'nvoir un pom ogrJpbic. litons pendant la pour e
lit ris. orgasm •t 'csl pênétrauon. mai trouv masturber.
Pru très à l'n ise avec lit ridicn. dtflëranl. » que .le nïl ne lut donne
• ntatl\' c mastu ahon. l'odeur de vulvl.'. Ex ilalion est pas d'orgrum ·. Sc m sturbc
pl 1
ir mai li cun r $nl •. plu. rapide. aw ses tru~i ns
Eilc vil ave · ses ConnaLSS4lnce de SJJ vulve d de ou avec un
Continue à le fai re quand EssJyc e . e
Pri:quence: >
comment aire a\' Ci: 1 emmes
m:·mc. pén~ln:Ht\' e l _ parents. donc "ibroteur.
m asturnauon m orn 2 iu iu: use de p uq ues
Fo ncttnn: calmer . es dosgts puisqu'dl
ro!-quentc. moi mnsturbaloir ".
h rmon ·s ( é\'cd • considè:re <JUI.' e
radol t'nec). sera oule p ur ses Ne rx:nsc pa: eaucoup Elle n ressent p s le besoin de se truJ. Iurber
rclatioru . exuclles tiUSI!"X
. Au un lorsqu'cll ecst en o upk{ v c femme .
onnaitre son rp . être
plus • l'ais;: :lVc-c son dam le futur. orgasme jusqu · il 17
ans. Foncti n: frustruüon cxuellc {relû bcmenl} parce
orps. qu'elle e nt irritable lorsqu'' ellt·n·a p.asd'<lrgasme
Fr ucne<::
L ll10 1S. ou d • masturbation a e partenaue homm pnssè}.

Elle n ressent plus de culp.abthtè p;Jr rnpport à es pruuqucs nuL turootmr


dcpu1s qu'di e : ' es t êloit;nt de lu rchgi n catholiq ue quî . t très prntiquèe dans
. a mille d qmtwrte un di ccn.trs nég.1tiî suri masturbauon ct la sexu l.itè.
Ellen · ocic le f.1it que sa 1' .. rdlltion scx uc lles·esr Elle roi t q u'dlcsc entplusal'ai eovc-c les
bi n p s. 'x: v le fait qu ·elle e masturbe fcmm .
régulièrement. Don ·. • l'ai •/connatl on
orp.

Figure 4.6 Ligne du temps de Charlotte (30 ans, lesbienne et n'ayant pas étudié en sexologie)
74

Ma: tuibation d '· bute pres Vo Lai t trouver f~ n • plu. l· requcn c: 1. JOUr Ma tuxb.:u i n plu Sel n elle. masturbauon lui penne!
: y , .:u-cc qu ' Il trouvait Demeure n tante érot1quc lorsque de aVOU' cc q • Ile a1me ct de le dire
que 1: 'Ctl it ( lZtiJTO:: > de SC même av.::e RS parlcna ire pré:scnt. QSC . 311enatre· .
mru turlxr surie venir . Orp;:Jsmc=- a !le c:t Plus mc ani uc.
\( slr.ught to che point
ti li se ln masturbatiOn il 1 parce
Elle trou\· tt ça {sur le ons t:mt d;:Jru . a qu pr.:nique plus sêeurit;:J tn: plus
s': tre mtnurbêe pend;:Jnt ·on \'entre) cornphq c il masturh11tion. , lorsqu· n · lioire.
tmplc au heu d"cxphqucr
cnl'ance. inté_rer dan !{S. mats l'our 1re ur.:r le pré êrcn cs sexuelles.
•e nt 1t ommc si clk \'Out tt 1ï ntégn~r. t ,nsion · plili ir · 2.
• l'ms la masturb;:Jtion mutuelle.
rréqucn ..:: 1 scnwinc sexuelles. Con rôl r
r 1 lo 1 le tcmp fait ç . nwi là.
les tcru 10n. l
' Il · tro \'Jit S;) nwm.:re le lait de: . e m sturhcr so1 - m ~m
pulsi ns . exu ·Il , .
de sc 111;'1.'it ur ber bu rn: aws t.J trou ·a b1cn pat· e que
ct omplt-Lué. c ·est ça. .. est c. itlnl
quel u· un qui .;t utonome.
' ~t on D• u, ommcnl j' \ i · m:;] mon hum uc )' airO:wst ti
dans 1 nd.,
ll.VOtr un orya. mc de même. Ç'a me tente vraiment pas d'y monlr r
~ asturhauon lu.1 (X'ftl1e1 d rester n ontrôlc
t"llntl11 nt j' .n fait .;a parce que ' t btzarrc puts •enre c · s t pas
pcndllnt une •< date >>. Sc m tUJb e avant d llpr '
scx genre ,

< ~l t1sturhut10n pctmct de diminuer ln pr.:s 1on d'a\•oir un org.1smc u la pres ion
q 'un artcnaire tc donne un orgru m p ree qu'elle te pcnncl d'en oir nu
he · m. "
• Pan •cr une ~:onncxion. '
Le moment part a .: ave un partcnair est plus unpoltlnl poUI Il qu..:
1 résulta t d 1 1n. c 'est-à- ir l'Of'S'l 'lllC. L ma:turbaoo n lui p m1ct
d .. tre plus« dans cm ment' lors d'une RS o:t de ne pa • ' inqut-:tcr
d' bt mr l'or- ~ mc.

Figure 4.7 Ligne du temps de Sophie (24 ans, pansexuelle et ayant étudié en sexologie)
75

Fanny
Âge 5 1 10 11 13 15 16 17 18 21 24
'
l" opain l "~
« vmi · 1 l'"" r lation
(sexlllllil '. non optun sexuelle
pênètruuve (série.u.'\
frustration paree ttu'dlc: est
mca pablc d 'tl mr un orgasme
p<ndant RS sans c
rnasturbt-r.
Mnstmbation sur un coussin. Compréhension que IJi mmunon Masturbation Rec.,nuncn .: :i Utihse la An-êtc porno.
Su:rpn:œ: par l'orgasme. c'est s.c ·ud (d'ou des pratiques muins c n~iumcr ltttêraturc Recommence à
Po r se fai re du bien. vtenncntles ébts). mastumatoircs t"réqumtc. plus ~rohque uliHscr littèruturc
tnten:œ:. EUe a ait oublié {moin.\ d'une Ëll\'IC &}uemment 110ur se érotique.
e ·est p-as tbu surprendre qu*c:llc s· était ois par moL i. d' xp lorer la par c q,u·d le ma ·;rurber.
parautrw. masturh~à . xualhéâ 2. n'a pas Commence â un liser de la
Croyait que le c:ol!Ssin ~ait l"enfance. d'orgasmes porno pour c masturber,
magique. Changements des pendant RS. mais~ lk trouv ça
unta:smc éa\'cc Masturbation u mécanique. ll ModJfkatwn des
<juelqu'un . scf\·ait à bn isscr l'omo 3 pratiques de
Ver.; 7 ans. une tcru ion vrnunent chang,ê méca nique ü
séparnu.on de ses cxuelle. sc pratiques quelque d1osc de
parents. Pour ne pas être ma.stutbatOJr~ . plu fl uide!) ng.
Mnsturbation ({ faehèe. '' l'rrnd moins le
amvail à ra .aJmer.
temps de Pour dormi r.
s ·êrouserl Quand die est plus
réflèchi r. relaxe.
Quand dle ·t tressée.
Elle av:ut llmprcs wn Beaucoup de honte ct de ulpabiliŒ parce qu·eHe ne pouvan pa. en Discus ion avt-c mie: <i le
qu'elle n'était pas parler avec ses mlcs, .son opain. « flerpètuer ie malaise n. simple a1t de fX'Uvoir en
supposbe liure ça. mats. ne parlu ouv.::rtcment 1
sait pas d ·oû cite (f le ne devrai pas fa ire a. >
frandtement, ç'a décomplexé
unpress ion vient. Pas à rais a ce OIJI. IU! bation. la masturbation pour moi. fi
l,as à l' msc de parlee de san Avec opain; conversation
plaisir aV« partenaire. plus ouverte. Se senl plus
Dtfficu hé à accepter sa à l' niso: d' e.'\:plorer sn
masturbation p<ndanl RS. mastumntion.

Figure 4.8 Ligne du temps de Fanny (23 ans, bisexuelle et ayant étudié en sexologie)
76

Isabelle
Âge 10 12 14 15 16 18 22

l" c:pèrience tm ~ pain rgasmcs chtondttns pcndJnt RS =


de nu1in. habituels et hmuiuuon pcnd;:mt R$.
cm ra cr.

Mo. turhJtt n s r une onl<: ' Elle voul tt un rn turhait pendant l Elle sc sentait cbat dejou u Prcqucn c: 3 à 4
tartan. ' errer 1 UJS' • . rd t1on sc. udlc.- ct
O\ it frustrée · xu L:.dc scmam .
Frou..:m nt ur une l:.llc ommcm:e à c des OTg;tSffiCS. l rsqu'ell vt bmtcurs pour Elle d1oi s11 • a
· U\'crturc. m turbe r pour < Pour le somrn il. pour n'nvatl pas le cl !lori . . méth de de
Sur le 11 trc ii pL mc. m'cmp<ch rde s<~utc.r rd x r. pour r«:tuirc lu d' rg sm . masturbation don
ucl uc
sur le premier g.<~rs. tmsionipulsion . cxu Il r d1èt que tel ou td
ux p~ C 'êtah 1 ng nvant e ct pou.r 1..: str _s. orgw mc o::ré
trouver sn nu mère r
Quand a 11 pa.~
llÎrt.
Elle e tun peu gê née. bu:n vc<.r.>us m 1·
c t un ccr~:t. mém . comme n on
·tmlc d n 1. (ai
·p . CJWIC d.: me
C"cs1 plus à l'· le. b pcr eption d'un petit • tu~ qui . donner du p atsir lÎI ''
ma -turbe en 1 s · pms il est vr.:umctu mal perçu. 1 rs. Ile ulih.sc ses JOucls
j' mc . uL du. ben c 'est pas de <IUSC IÎ C ct J'. c'est • . d s p ur ,. ner.
l'<a mbiance qu'1 l y :1 ait autour ·e ço. »

• T' pJs cnv1e d..: \Otr une Journée dans ta vic où t'as p:a · d'orgasme. :.

On di rau que m plus mott\ • dCJluis ~ t.cmp -là. · faire omm •( Ah. 1· i le droit
d mc d nncr du pla L tr pui: .ï 1 le droit. fai 1 droit de prendre le h:mps p ur m 1. J•
« C'est sur que sdon m 1. 1 y'avalt une csp.!.-c de. j' ux P' d1re d..: Oou tà, mats que lc.s: jeun .:mmes seruu:nt plus en our:ag.!c · à
ça ui:qucdanslc mondcl'. ou i', uia rail qud qu 'un plusvtcu:,cqut er it om mc• < Ailc.n~n.s t "cn.siruvcux nvaa llcr •so. r
ç.a po r v 1r du pla.1sir » Pu L~ t'cs ·a ·cs d cher avant que ton c-h um de 1S ans pa e ur toi puts qu'tl fu. e · qu'il \'CUl pui · que toi
tu s ts omm • au m iru que tu ac hes c qu tu vcu lâ l>. (tiu ation :ll masturb uon cl au plats ir . exud

Figure 4.9 Ligne du temps d'Isabelle (22 ans, hétérosexuelle et ayant étudié en sexologie)

----- -- -- - -- - - - - -
77

Karine
Âge 4 13 14 17 18 29 :

n nin u ~ â de hl .!tr-c e p11r e que. au d~b t. jc snva1s que


Ç.J m;-rn: h.:~ it.
puts ça m rch:ut tre · b1en. mm· c· ' tai t p~
compllllblc \'cc de rdu uon. sexuelles dan.-; 111:1 t.!te. >•

BcJu oup de fan tasme. Al' umversit.':. p.:.rl 11 lie perçoit 1 masturba tion f réquence: -
dém.:.na •emcnL elle a sexuel , urt out de lu premiérc c mme un n ui ·. elle ne sema me.
dû troun:r 'autres pornographie oi. . pari 11 pas reconnaît pas l'influen sur ~!ème 1 rs u ·~·n
nwuè~ po ur sc sur la t~lé\'l 10n d'orgasme. . Elle parl:nl la " ll!llité () _ • part u"dle coupl • requen e
"' s1im uler p tsqu'elle d:ms la '<1\'1::. d.: r exp.:ncnce au sc · nnail rn ieu."~:. d meure
n de m let.
Ile ne parlai t constante.
Peur de sc fane près leurs 1
•( J' n a\' 1s nu i! prcn r.:. d ne pari nave di.'s mi . de
ar l' • pcrsonn . i ai p J;;rnÎ ICa! IOil de RS. mais ne parlai nt pa.
januus ri n di • propo: momçnts. Dans sa aucun de 1 mécanique du ditoridicnn.:,
c :~. c·ét.lli plus opam . plnL 1r. Just la qu . u n ovec nbmteur
h mbrc. dcvllall.:-
comme m n sc.:r t 1 . • « D • it fed good'! )~ pa ois.
fa ir.:- lorsque s œur
n' f ta.i t p 1' . S(l.ll.S mrer dans les
Et le \'Ou full rcpro uh.: la rtllltasmcs sexuels
d ' t;:, rl · .
. ~·ns.ltio n , donc 1.: but ' tlil Îî i::.llc n ·a vau p;;~ (pour l' ér usati n
·a\"Oir n Il\~-~~ un vra iment d
Ol"'tlSill. fnnt.sm.:s.
· fats les org;~ smcs, on en parlait pas trop. On drrail que c'étù it plus ô prop de
l'expffic-n .: u o mpl 1 ui comme notre 1mpr -Sion >énérnlc pms si ;Jisnit
mul ou si on u sa igné u d - ·ho. o mm.: a. ~)
< L.: ~hum que j"a1 e-n cc moment. · 1 la pr nu cr-e
personne t~ \·cc ui j'me s u1s dit ~ Bo n.. ben tu voi . j' ai
pers nne ·autre q ui fai. rut j uste me masturber pendant le scx . Pui ·.:st a. >•
ça.. 'inon. ·urcm.:nt ., t:omm • on su u u' cs t·cc qua \' mieux marcher pour n us. mai o n peur de le nin: pendant le sexe
f aura· entendu arlcr d.: pan:c qu · n veut p:~. t:ur obs rv rou on veut p c f:ur-e juger u on v 1 pas sc taire .:\'a lucr ou on
a. mars no n. ll veutp<r. f · i p ·· m 1. nveutpas uc n trcp11rt na1.r pe nscquït n· . tpas ssc:z..•

Figme 4.10 Ligne du temps de Karine (29 ans, hétérosexuelle et ayant étudié en sexologie)

- -- - -- - -- - - -
78

Je n
~e 12 13 15 18 19 21 23 :

« Premier pain, il mc Rclallon 1 ny terme. '' J' 1 mmcn è • mc


mJ turbJtt mai e n'èuut pas dêl:'ou erti!' pén~trulton anale. mas turber un peu ave mon
tr-ès bon. Je ne ~ a\' 1s p urfoL~ l'im.:g:re dan...es pre mier vru 1 ·opain {plus de
comment tronsposer 1:! pra liqu m sturb toi rcs. s1x moLl. , Uébute. maL. pa ·
nm lurh:.tti n • la RS. l> A « • L''c I le . cul truc que j'tu . ystcm;ni ucmem. t ne seule
I.e re.-ul • ellc e emu <~i l ppn" d quel u ' un d'autre. , fo1sa ecluioù { ij
mas turb uon. >
'' Quand ' avats Lans, l alLi. c.:d Au ébut. je ne m < L honte s'est transfom1~-c
remarque un r etJt pi otemcnt masturb:J i. pa.~ rend nt IJ paree qu'auJ ourd'h 1j n'ai
ugr~ab ~ . " relation sc udle. plu. honte •
(< Je n ·~ ai.S pas t u.:h ·r gru ll~ • en_
<<A u ourd'hm, ·am détend.
parc ue ccn'e t pas bi n. )> mmutes j'ai eu un
QuJ.nd f suts stressé<:. Quand
t<:nl ·une famil le
•< C' ·t pas ~a le· · rdauon.~ c mungc beau up de su re ~·
c.atholi u . Pm lème d boulimie : << ça
· xuclle . J'avai des
81 est conscu:nte e . t' m'mdc a pas être boulmuque.
atêgori . . Quand j' ui· toul
hanims mtmo:ures. : t une mamè-rc : inc ti fatr
:~.-ulc. j' 1 ma m:~in puis quand
(< r \'JÎ: n j' uts av lui. n. y'a. · n de l'ex è-s, •>
h nte à l'époqu.:. t 'était une péms. Pcut-êrrc que j' .\·:us • J mc mastmbc: beau oup moin.s
·suis sur que m.:s manï rc der je~ 1
peur du ju~,;cmcnt de la p. rt du
nutrcs OOf ines ne 1 autre . 1> gar.;;. QWllld tu ne nna1s pa.
o nt pas a. J'su1s lu pers nnc, t'a.s peur du
rn::~rgmah:. Je ne Jugem nt " · (Ma!ilurbatJ n
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... 0 du • ast food ~ uper simple. Ç devie nt m·a d11 q uc le-s nutr 111_. ·
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Figure 4.11 Ligne du temps de Jenny (23 ans, hétérosexuelle et n'ayant pas étudié en sexologie)
79

Arielle
À4e 10 11 13 15 16 19 23 .

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scxu Iles. bi n. (Anudq,rc scurs

• Avoir un pa11 natrc st,abk qui aim 1. m.: m · cho. · que m t. Le: eux on t est d'a ord ur 1 o. es. r i besom d~.: quelqu'un
uicstl utk tcm slâ uandfaLbc.mn d scx u::~lilè . lkmc . cmirû l' atsca\'ecc tt 1 d':Jvoir des dis u tons. sur
l'ouverture • l'autr.:. sur la"' mmunicnu n. >)

Figure 4.12 Ligne du temps de Arielle (23 ans, bisexuelle et n' ayant pas étudié en sexologie)
80

Diane
Âge 15 16 20 21 24 ·

Cop m(3 Ruptur re · me


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momllëe lorsque tr ·
• Citée.

l'as tdlemenl ngr\a le. ·rentait \'c d se .l!lle reus~lt :i.e 1mpl menti rsqu ' Il
1 lYavoi r trmsv~ ça nomta l mast rbcr donner un exu Il . Stnon. c'c t le
j u;,tcmcn t. l)c mc dire : v ~imtlc tm:nl. mais ~· mc p UI la
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J 'me suis ·omme explorée. ' tJ it plu. plrusan1e mw turbation
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scxu htê ct pour que eomme \'e mon amoureux. récent. mon dernier omoUicux.
s'en om1ir. j'ru pu le gu1d r. j'at pu savoir quoi {lui d1r ]. .. '

S nt · sex uelle : • L'a cpt:uion cl . • S' il y un en r no ' 1· s p de mp ex • avec tot-même, ' l hi. là. {bile rit un pc 1
. oi. l' ~t~p l tmn de s<:s d ·. 1rs. J"ai pas 1 temps d mctrouv r •ronc la. j' ms justc... .J'at pas ii nu: regan:ler autrement
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Figure 4.13 Ligne du temps de Diane (24 ans, hétérosexuelle et n' ayant pas étudié en sexologie)
CHAPITRE V

RÉSULTATS

Dans ce chapitre, les résultats de l' analyse des entrevues réalisées auprès de treize
femmes seront présentés. La catégorie maîtresse englobe quatre thèmes qui
permettent de rendre compte des bénéfices de la pratique de la masturbation à la santé
sexuelle, et ce, malgré les jugements sociaux qui entourent encore cette pratique. Le
premier thème contextualise la masturbation en présentant les principaux scripts
sexuels culturels et interpersonnels qui y sont associés, et ce, selon la perspective des
participantes. Le deuxième thème présente les moments où les participantes ont
découvert leur corps, leurs besoins et leurs désirs sexuels ainsi que leur plaisir sexuel
par 1' entremise de la pratique de la masturbation. Le troisième thème explicite les
obstacles liés à la masturbation féminine auxquels les participantes ont dû faire face
pendant leur adolescence. Enfin, le quatrième thème explique comment la
masturbation et le développement de soi vécu par l' entremise de celle-ci permettent
une affirmation de soi en contexte de sexualité dyadique.

La masturbation : une alliée de la santé sexuelle en dépit des jugements sociaux

La pratique de la masturbation est taboue encore à ce jour, et ce, surtout pour les
femmes . Les résultats de cette recherche se déclinent en quatre thèmes qui permettent
de comprendre le contexte dans lequel les participantes ont pu s' épanouir
sexuellement malgré la présence de certains jugements sociaux vis-à-vis la
masturbation féminine.

5.1 Les messages véhiculés par la société et les conversations entretenues avec
autrui : des discours qui sculptent le vécu des pratiques masturbatoires des femmes
82

Les participantes se sont exprimées sur les messages véhiculés par la société par le
biais des médias, des films, des politiques, etc., sur la masturbation des femmes. Ces
perceptions des messages de la société, tels que rapportés par les participantes, font
partie des scripts culturels entourant la pratique de la masturbation féminine. En
sachant que ces scripts chapeautent les interactions et les pensées des individus, les
participantes rapportent qu'elles ont partagé plusieurs conv~rsations importantes avec
des amies proches ou des partenaires qui ont normalisé ou culpabilisé, pour elles, leur
pratique de la masturbation. Le contenu de ses conversations explicite les scripts
interpersonnels ou culturels entourant la pratique de la masturbation.

5.1.1 Les impressions des participantes sur les messages véhiculés à propos de la
masturbation féminine : plusieurs perceptions et explications émergent

5.1.1.1 Les perceptions d'aujourd'hui de la masturbation féminine selon les


participantes

Deux participantes ont affirmé que la masturbation pouvait être perçue comme
acceptable, et ce pour deux raisons différentes. Premièrement, les femmes âgées de
18 à 30 ans sont dans un groupe d'âge considéré sexuellement actif, donc le fait de se
masturber ne serait pas surprenant, et par conséquent acceptable.

En général, ma tranche d'âge est quand même active sexuellement, alors,


j'dirais que, on dirait que ça va de soi un peu, mais les gens ne le prennent pas
pour acquis là. [ ...] Mais j'dirais relativement bien perçu, versus les personnes
âgées ou les plus jeunes. (Isabelle, 22 ans)

Deuxièmement, il existe un discours qui soutient l' idée selon laquelle il est nécessaire
de se connaître pour exprimer ses besoins et les assouvir. La masturbation est un
83

moyen adéquat pour améliorer cette connaissance de soi. Elle serait alors tout à fait
acceptable.

En fait, il y en a qui ont adhéré à la vision qu' il faut que tu te connaisses toi-
même pour pouvoir dire à l' autre qu' est-ce que t'aimes. Comment tu veux qu' il
sache qu'est-ce que t'aimes si toi-même tu le sais pas? Alors, j'pense qu'il y en
a beaucoup de femmes qui adhèrent peut-être à cette vision-là. (Sophie, 24 ans)

Sophie et Isabelle nous fournissent deux exemples de discours ambiants dans la


société où la masturbation féminine est jugée acceptable. Cependant, la plupart des
autres participantes expriment à quel point, selon elles, la masturbation féminine n' est
soit pas reconnue dans la société ou perçue négativement. En effet, selon trois
participantes, une très grande partie de la société ne sait pas que les femmes se
masturbent. Anna a ainsi l' impression que ce phénomène n'existe pas chez les
femmes, qu' il s' agit d' une pratique « invisible ». Christina partage aussi cette
. .
ImpressiOn :

Probablement que la majorité de la société québécoise est pas au courant que


y' a des femmes qui se masturbent dans la vie. Alors, j ' me dis que ça aussi
rapport avec notre rapport à la masturbation là. Dans le sens où si on en parlait
davantage, du plaisir féminin, en général, puis des façons de se faire plaisir,
probablement qu' on en saurait plus, mais d' après moi, c' est ça, les gens le
savent pas, comprennent pas. (Christina, 28 ans)

Pour ces participantes, il semble y avoir un manque de reconnaissance à l' effet que la
masturbation est une pratique assez commune chez les femmes . Quelques
participantes nomment le double standard sexuel comme source d' ambiguïté
concernant la perception de la masturbation féminine dans la société.

J'ai l' impression que c' est comme à deux niveaux, si tu te touches c' est bien
parce que tu te connais ... Puis, bon, ça te permet d' être plus à l' aise avec ton
corps puis tout ça, mais à l' inverse, c' est un peu tabou, puis à la limite t'as,
l' espèce de cliché que les filles qui se touchent c' est un peu finalement des
« pas propres » là, puis que ce soit mal vu finalement. J'ai comme deux
impressions qui se chevauchent un peu. (Rachelle, 27 ans)
84

D'après le témoignage de ces deux participantes, nous constatons qu'il y a en effet


deux dimensions liées à la perception de la masturbation féminine. D'un côté, la
pratique de la masturbation est perçue comme quelque chose de positif parce qu'elle
permet une meilleure connaissance de soi, mais, en même temps, elle est perçue
comme négative puisqu 'elle est associée à un besoin « primitif » plus associé à la
sexualité « masculine ». Selon Rachelle, le double standard sexuel s' illustre par le
besoin des femmes de paraître à la fois comme maîtres de leur corps, mais toujours en
demeurant prudes, réservées et « propres ». Selon Mélanie, ce double standard
s'illustre par le désir des hommes de voir ou regarder une femme se masturber pour
s' érotiser tout en percevant cette masturbation comme négative à l' extérieur de ce
contexte (p.ex. dans le contexte du célibat).

5.1.1.2 Les explications des participantes pour discuter de la perception négative de la


masturbation féminine

Les analyses révèlent aussi que les participantes ont plusieurs manières d'expliquer la
perception sociale négative de la masturbation féminine. Ces explications ont été
regroupées en cinq catégories : les stéréotypes sexuels, l' héritage judéo-chrétien, le
manque d' éducation, la peur de la part des hommes et le manque de conversation au
sujet de la masturbation féminine.

Tout d' abord, selon sept participantes, les stéréotypes sexuels seraient encore bien
présents socialement puisque les femmes seraient perçues comme étant plus prudes
ou comme ayant moins de désirs sexuels que les hommes, qui eux, doivent démontrer
une image d' un individu fort, qui extériorise ses comportements. Karine précise
encore davantage ce stéréotype sexuel dans l'extrait suivant:
85

On dirait qu' on tient pour acquis que les femmes sont moins sexuelles, sont
moins génitales. On dirait que c'est comme le plaisir sexuel vient à travers
l' interaction avec un homme. Mais, est-ce que c ' est à cause qu' elles ont appris
leur sexualité à travers quelqu' un? Elles ne l' ont pas appris seules avant donc
c ' est comme associé, c' est comme un conditionnement un petit peu. C ' est ça
mon hypothèse. (elle rit) (Karine, 29 ans)

Ainsi, non seulement une femme serait « moins sexuelle », mats sa sexualité se
vivrait, mais surtout s' apprendrait par l' intermédiaire de quelqu' un d' autre, en
l' occurrence un homme avec qui elle entretient une relation de couple.

Ensuite, plusieurs participantes expliquent ausst la négativité entourant la


masturbation féminine comme étant issue de l' héritage de valeurs traditionnelles
judéo-chrétiennes. Selon six participantes, plusieurs de ces valeurs sont à l' origine
des préjugés qui accablent la masturbation des femmes ainsi que leur plaisir sexuel.

Il y aurait une espèce d' héritage judéo-chrétien pas nécessairement plaisant où


est-ce que, fmalement, la sexualité c' était fait pour la procréation. Donc, si tu te
masturbes, c' est un peu une énergie perdue. Il faut que tu te donnes à l' être cher
(elle le dit sarcastiquement, en riant). (Rachelle, 27 ans)

La perception qu' ont les femmes du plaisir sexuel aurait donc été influencée par
l' héritage judéo-chrétien. Selon ces idéologies traditionnelles, le plaisir sexuel,
incluant la masturbation, était considéré comme inutile, voire corrupteur, et ce,
surtout dans le cas des femmes. Selon Isabelle, les croyances selon lesquelles les
femmes n' ont pas le droit d' avoir de plaisir sexuel parce que celui-ci serait mauvais
remontent à une époque où la religion était très présente. Elle ajoute que ces vieilles
croyances renforcent 1' aspect tabou de la masturbation.

Pour deux participantes, la mauvaise réputation sociale que possède la masturbation


serait principalement le résultat d' un manque d ' éducation. La connaissance acquise
en ce qui a trait à la masturbation féminine et le plaisir sexuel féminin n' est pas
86

suffisamment diffusée. Selon les propos de Christina, les écoles n' osent pas aborder
le sujet du plaisir sexuel parce qu'il est inacceptable de parler de ce type de plaisir en
société. Elle précise davantage sa pensée en affirmant que l' éducation sexuelle
d' aujourd' hui s' articule véritablement autour de la procréation et non pas autour du
plaisir. Le savoir entourant la procréation est jugé « utile » alors que celui entourant
le plaisir ne 1' est pas. Dès lors, la masturbation et les connaissances qui
l' accompagnent n' ont pas vraiment d'importance parce qu' elles ne servent que le
plaisir.

Parce que la relation sexuelle typique c' est la pénétration puis que la relation se
termine quand l' homme a éjaculé. C'est ce qu' on apprend à l'éçole, en tout cas,
parce que c' est la façon de procréer alors ça c' est la relation typique là, qui a
une « utilité » pour la société. Alors c' est ça qu' on nous apprend, mais c' est
parce que ·si on se mettait à éduquer dans les écoles sur la masturbation
féminine ou à tout le moins le clitoris, ça voudrait dire parler uniquement de
plaisir. On ne parle pas de contraception, on ne parle pas de procréation,
justement, alors si on ne parle pas de ça, on fait juste parler de plaisir. Les gens
diraient que l' école n'est pas faite pour ça. J'pense que c'est ça. (Christina, 28
ans)

Quant à Mélanie, c'est le manque de connaissance partagé du fonctionnement des


organes génitaux féminins qui contribue également à la négativité entourant la
masturbation féminine. Selon elle, la croyance populaire qui veut que la jouissance
féminine soit difficile à atteindre en raison de la complexité des organes génitaux
féminins peut provenir d' une certaine forme de paresse ainsi que d' un manque de
connaissance. Ces perceptions de la complexité des organes génitaux féminins et de
la négativité de la masturbation féminine proviendraient d' un discours d' hommes qui
se complaisent de ne pas pouvoir faire jouir les femmes parce qu' elles sont « trop
compliquées ». D'un côté, les hommes se seraient contentés de croire que le plaisir
sexuel féminin était hors de portée pour eux. De 1' autre, ils sont satisfaits de
conserver une conception de performance, où ils sont considérés comme « des bons
amants » lorsque leur partenaire jouit.
87

Peut-être parce qu' il y a encore une incompréhension, encore une fois, du


plaisir féminin, mais aussi peut-être parce qu ' on se fait croire que c' est
compliqué là. Je lisais un truc récemment sur le fait qu'on entend vraiment
souvent des hommes dire « Ah! Les femmes, c ' est tellement plus difficile à
faire jouir que les hommes ». Puis il y avait une personne qui disait « Ben, pas
tant, en fait ». C' est peut-être juste psychologiquement, c'est ça qu' on aime
croire ou du moins ça tellement pris de temps en fait avant qu' on s' intéresse au
plaisir des femmes que j 'ai quand même l' impression qu' il y a un vrai manque
de connaissance biologique en fait puis que peut-être que ça les arrange ben, en
fait, certains gars, de penser ça finalement. Puis que si la femme avait un
orgasme c' est parce qu' ils étaient des bons amants, en fait. (Mélanie, 27 ans)

Pour deux participantes, il y aurait aussi une peur de la part des hommes que les
femmes puissent se contenter sexuellement elles-mêmes en se masturbant et qu'elles
n'aient plus besoin des hommes afin de satisfaire leurs désirs sexuels. Pour Sophie,
cette peur de la part des hommes se manifesterait dans leur compétitivité et leur
besoin orgueilleux de performance.

Ben c' est comme si, je sais pas, dans mes expériences, l' homme est comme
possessif puis il veut que ce soit juste lui qui donne du plaisir à la femme . Puis
si elle s 'en donne toute seule, c' est comme s' il y a de la compétition, mais avec
sa copine, alors, c' est ça. Ça serait ça mon hypothèse, mais sinon aussi, ben,
peut-être que les hommes veulent tellement performer sexuellement que là si
elle se masturbe ben là, ils pensent qu' elle n' est pas satisfaite puis ça vient
chercher leur identité masculine que peut-être ils ne font pas vraiment la job
parce qu'elle aurait besoin de se masturber après ou avant une relation sexuelle,
peu importe. (Sophie, 24 ans)

Enfin, les participantes mentionnent aussi que la honte de se masturber et de se


donner des orgasmes clitoridiens proviendrait d' une supériorité accordée aux
orgasmes vaginaux lors du coït.

Pour Karine, les représentations publiques en paroles ou en images de la masturbation


masculine sont beaucoup plus nombreuses que celles de la masturbation féminine.
Cette différence quantitative témoignerait de 1' invisibilité de la masturbation
féminine.
88

On va surtout parler de la masturbation chez les hommes puis comme quoi que
c' est... C' est drôle, on va la normaliser, comme tout le monde le prend pour
acquis que tout le monde qui a un pénis va le faire ou le font régulièrement.
Puis dans les médias, tu vois ça, c'est très normalisé. [ ...] En même temps,
c'est quand même pris pour un acquis que c'est quand même sain puis que ça se
fait. Mais chez les femmes, dans les médias, on dirait qu'on n' en parle pas, ça
arrive pas ou c'est très rare, il me semble là. Comme j ' essaie de penser fort là, à
des films ou à des émissions de télé puis ça, on dirait que ça vient pas vraiment.
J'dirais que c'est caché. C' est caché, c' est honteux, c' est secret, même si, sans
doute, la plupart des femmes le font. (Karine, 29 ans)

Ce n' est pas seulement dans un rapport à la masturbation masculine que la


masturbation féminine semble occuper moins d'espace public dans les discours. Entre
les femmes elles-mêmes, leurs propres pratiques masturbatoires ne constituent pas un
objet fréquent de discussion. Karine trouve aussi ironique que la plupart des femmes
se masturbent, mais elles ne vont pas parler de leurs pratiques masturbatoires avec
d' autres femmes . Elles soulignent que cela serait vécu comme étant même
« honteux ».

5.1.2 Les dialogues entretenus avec autrui : des conversations qui modifient leurs
perspectives et normalisent ou culpabilisent leur masturbation

Pendant l' adolescence, les discours véhiculés dans l' espace social sont très
importants. Les participantes elles-mêmes expriment l' influence que ceux-ci ont eue
sur la perception de leurs pratiques masturbatoires.

5.1 .2.1 La normalisation de la masturbation par des conversations honnêtes et


ouvertes avec des amies ou des partenaires
89

Il y a d' abord les conversations qui normalisent le comportement. Par exemple,


Fanny explique que c'est à la suite d' une bonne discussion avec une amie qu' elle a
arrêté d' avoir honte de se masturber:

J'pense que c' est vraiment mon amie avec qui j ' en ai parlé. J'me souviens que,
juste elle, elle était comme « Ben oui, moi j'fais comme ça, puis c'est trop
chili ». Puis, elle en parlait tellement librement puis comme vraiment
ouvertement. Moi, ça m' a juste vraiment décomplexée, mais pas
nécessairement parce que c'était elle, mais juste le fait de pouvoir en parler.
Puis j'étais comme « Mon Dieu, mais j ' ai 20 ans, 21 ans, à l' époque, puis c' est
la première fois que je parle librement de masturbation, wow! ». Puis, j ' pense
que c' est avec cette amie-là que juste de pouvoir en parler ça m' a vraiment fait
voir que « Ben, non, c'est normal ». Puis, on fait des blagues à l'appart parce
que maintenant c' est ma coloc, on fait des blagues comme « Bon, ok, j 'm' en va,
touche-toé là, bye! ». C'est desjokes , mais au moins ça détend le truc, j'pense.
(Fanny, 23 ans)

Pour Fanny, la possibilité de discuter de manière décontractée avec une amie qui était
à l' aise avec le sujet lui a permis de décomplexer et de normaliser la pratique. Isabelle
rapporte aussi qu'elle a eu la chance d' en parler dans un contexte plus détendu et n' a
pas ressenti de jugements de la part de ses amies. Cela lui a permis de parler
ouvertement des bienfaits de la masturbation pour elle. De même, dans l' ensemble,
les discussions que les participantes entretiennent avec leur partenaire amoureux ou
sexuel actuel sont positives et encouragent leurs pratiques masturbatoires à plusieurs
égards. Pour Jenny, il n'y a pas de tabous qui entourent les discussions avec son
copain à propos de la masturbation et cela l'apaise beaucoup. De plus, elle précise
que c' est par l' intermédiaire de son copain qu' elle a appris que la plupart des femmes
se masturbent pendant le coït et que cela est un comportement commun.

Puis, mais lui, il m' a dit : « Les autres filles avec qui j 'ai couché, elles faisaient
ça aussi». Alors, j'me dis, mais là, c'est tout récent, ça fait un an et demi qu 'on
est ensemble. J'ai appris ça déjà ça m' a débloqué. [... ]Mais le fait que je sache
que d' autres filles le fassent par l' intermédiaire de mon copain qui me disait
qu' elles le faisaient, j ' me dis : « Ah puis, finalement, j 'suis normale. Puis
finalement, c' est d'être évolué, c' est de s' accepter. C'est quelque chose de
normal. » (Jenny, 23 ans)
90

Pour Jenny, savoir que les autres femmes aussi se masturbent pendant leurs relations
sexuelles avec un( e) partenaire lui a permis de se sentir mieux à propos de ses
pratiques masturbatoires.

5.1.2.2 La culpabilisation de la masturbation : le manque d'information et de


discussion perpétuent le tabou et les préjugés

Les prochains extraits témoignent d'un dédain toujours présent relatif aux pratiques
masturbatoires féminines. Ce dédain fait en sorte que les jeunes femmes qui désirent
parler de leurs pratiques masturbatoires, ne serait-ce que pour poser une question, se
voient freinées dans leur élan et culpabilisées dans le processus.

J'avais des camarades de classe que j'admirais et puis j ' étais pas détestée par
les gens, mais j'étais pas une fille populaire et tout. Et j ' me disais que c' est un
truc pas forcément accepté. J'avais des amies de ma grande sœur, une fois, qui
disait: « Ah, moi, j'me masturbe pas, j'suis pas cra-cra ». « Cra-cra »,j ' sais pas
si tu ... Si en français on dit « cra-cra », c' est une crado, crade, ça veut dire
dégueulasse. Un peu, sale, dégueulasse. Donc, « J'me masturbe pas, moi je ne
suis pas une cra-cra.» Et moi, genre, j'm'étais masturbée la veille tu vois. (rires)
Alors, j'savais pas. (Jenny, 23 ans)

Il est aisé de constater ici que les préjugés concernant la masturbation peuvent avoir
des répercussions négatives sur le vécu des femmes qui la pratiquent. Pour deux
autres participantes, elles se sont retenues de se masturber lorsqu' elles étaient plus
jeunes parce que la pratique était entourée d'un tabou. Selon le témoignage de Fanny,
nous pouvons constater que c' est une pratique qui fait du bien, mais qu' il faut la faire
en silence et pas trop souvent.

Mais j ' crois que c' est juste parce que j 'en parlais pas avec mes amies ou j ' ai
peut-être essayé d' en parler. J'imagine que quand j ' étais jeune, j ' ai
probablement essayé d' en parler à une de mes amies, puis elle a dit comme
91

« Ah! Quoi! », tu sais, une réaction comme ça. Là, j ' ai fait comme « Ok »...
(elle rit) J'imagine que c' était quelque chose comme ça, mais j ' me souviens que
j ' avais l' impression qu' il fallait pas tant que je fasse ça. Que ça me faisait du
bien, mais que j ' étais comme « Ouin, mais, faut pas trop le faire souvent >>.
(Fanny, 23 ans)

Pour Isabelle, la perception négative de la masturbation lui a été transmise à l'école et


non par ses parents. Elle décrit qu' il y avait une ambiance péjorative à l' égard de la
pratique de la masturbation et qu'à cause de cette raison, elle s'était dite qu'elle
n'allait pas s' adonner à cette pratique.

Par les derniers témoignages, il est possible de comprendre que les femmes semblent
avoir une difficulté à parler ouvertement et sans jugement de la masturbation. Il
semble manquer entre autres d' espaces où les jeunes femmes et les femmes seraient
libres de discuter de leurs pratiques masturbatoires. Les participantes de cette étude
s'expriment sur ce thème. Tout d' abord, deux d' entre elles explicitent que le manque
de discussions sur le sujet a cultivé chez elles un sentiment de honte à l' égard de leur
masturbation.

J'pense qu' à y réfléchir, j 'pense que j ' avais un peu honte, en fait. Maintenant,
j 'ai pas du tout honte, mais à l' époque, j 'pense que j 'avais peut-être un peu
honte au fond de moi. J'me disais : « Ah, j ' suis sûr que mes autres copines,
elles font pas ça ». (Jenny, 23 ans)

Ben, j ' pense qu' avec mes amies, les fois où j'ai essayé d' en parler, je n'avais
vraiment pas une réponse positive. Puis mon ex aussi, j ' le sentais être mal à
l'aise quand j ' parlais de masturbation. J'étais comme « Mais putain, on couche
ensemble. Ça fait 2 ans qu' on est ensemble, tu peux pas être mal à l' aise avec le
fait que ... Je sais que tu te masturbes, tu sais que [je me masturbe] » puis y'était
vraiment comme « Ah, ok, j ' ai pas trop le goût d' en entendre parler » puis
j 'trouvais ça dommage parce que j ' pense que c' est ça aussi qui a comme
perpétué le truc encore que c' était comme quelque chose de surtout de la
femme, qu 'on en parle pas. Puis, jamais il m' a posé de question sur ma
masturbation. (Fanny, 23 ans)
92

Pour Isabelle, ses souvenirs du primaire confirment cette forme d' omer ta entourant la
masturbation féminine.

C'est sur que j ' étais comme au primaire. [... ]Quand même jeune puis c' est pas
quelque chose que j 'ai parlé à quelqu'un là. Personne ne t'en parle. (Isabelle, 22
ans)

De son côté, Karine rapporte les thèmes de ses discussions sur la sexualité avec des
amies au début de son parcours universitaire et mentionne que, même à cet âge-là, les
femmes qui discutent de relations sexuelles abordent davantage la question des
douleurs qu' elles ont ressenties que celle des plaisirs.

Alors, c' était vraiment plus le début de l'université ... Nous, on a pas de CÉGEP,
ça fait que c' est comme. Ça fait qu' on commence l' université à, moi, j ' avais 17
ans. Ben, en moyenne, 18 ans là. Alors, ouais, on parlait un peu de ça. Mais
c'était, on parlait surtout de notre première fois. Mais les orgasmes, on n' en
parlait pas trop. On dirait que c' était plus à propos de l'expérience au complet
pis comme notre impression générale pis si ça faisait mal ou si on a saigné ou
des choses comme ça. (Elle rit) (Karine, 29 ans)

Pour Karine, même les discussions sur la sexualité qui ont eues lieu plus tard dans sa
vie n'abordaient pas en détaille sujet de la masturbation ou du plaisir sexuel.

Mais c' est beaucoup plus tard qu' on en parlait, comme des années après nos
premières expériences, en partenaire. Mais encore là, c' était plus, on parlait pas
vraiment des mécaniques ou rien là. De comme, comment,« Toi, comment est-
ce que ça marche pour avoir beaucoup de plaisir?». On ne parlait pas beaucoup
de ça là. C' était plus comme « Est-ce que c'était le fun?», tu sais,« Does itfeel
good? ». Puis dès fois, c' était « oui », dès fois c' était « non », mais il me
semble qu' on n' élaborait pas trop là-dessus. (Karine, 29 ans)

Selon le discours des participantes, il semble avoir aussi des occasions manquées
quant aux discussions possibles avec des adultes lorsqu' elles étaient plus jeunes. Ces
occasions manquées ont des impacts sur la façon dont les participantes se sont senties
par rapport à leurs pratiques masturbatoires. D' ailleurs, des participantes témoignent
avoir eu si honte de leur sexualité à l' enfance et à l' adolescence Qusqu'à même se
93

trouver « dégueulasses »), qu' elles se sentaient être les seules à se masturber et
qu'elles se retenaient d' écouter leurs besoins sexuels. Une des participantes juge qu ' il
y a: un besoin de parler de masturbation féminine et de plaisir sexuel féminin. Une
forme de pédagogie du plaisir féminin semble enfin souhaitée.

À travers le discours des participantes, il est possible d' entrevoir un ensemble de


postures qui ont influencé la manière dont elles ont vécu leurs pratiques
masturbatoires au sens où ces postures ont constitué le contexte socio-normatif dans
lequel ces pratiques ont évolué.

Les sections qui suivent illustreront les différentes façons dont les participantes ont
affirmé leur sexualité à l' intérieur de ce contexte socio-normatif. À des fins de
simplicité, les étapes franchies par les participantes seront présentées
chronologiquement d'autant plus que six participantes sur treize ont vécu l' évolution
de leurs pratiques masturbatoires dans cet ordre, c' est-à-dire les premières étapes à
l'enfance et ainsi de suite. Cependant, pour les sept autres participantes, les mêmes
étapes ont été franchies, mais sans ordre chronologique. Les trois prochains thèmes
illustreront ces étapes ainsi que les enjeux et les apprentissages qui leurs sont
associés. Ce sont davantage ces enjeux et ces apprentissages qui importent de mettre
en lumière plutôt que la singularité temporelle de chaque trajectoire.

5.2 L' aisance corporelle, la reconnaissance des besoins sexuels et 1' acceptation de son
plaisir sexuel : des composantes d' une découverte de soi constatées par
l' intermédiaire de la masturbation

Selon les participantes, ce qui est fortement développé par l' entremise de la pratique
régulière de la masturbation est un soi sexuel positif. En effet, 1' analyse de leur
94

discours révèle qu'elles ont principalement découvert, exploré, apprécié et accepté


leur propre sexualité par l'entremise de la masturbation solitaire.

5.2.1 Une meilleure connaissance du corps et une plus grande aisance avec celui-ci :
des composantes importantes catalysant la découverte de soi

En premier lieu, la masturbation a permis aux participantes de découvrir leur corps.


Une telle pratique implique de regarder, de toucher et d'explorer son corps. Six
participantes rapportent avoir commencé à se masturber dès l'enfance, soit entre l'âge
de 3 ans et 10 ans. Selon celles-ci, la découverte de cette pratique se serait faite plutôt
de manière accidentelle, c' est-à-dire en jouant à un jeu où elles se sont frotté les
organes génitaux, par exemple en grimpant par-dessus une clôture ou en se balançant
sur une corde de Tarzan. L' analyse de leur propos démontre qu' elles n'étaient pas
conscientes que cela allait leur apporter du plaisir. Les participantes ne rapportent pas
avoir créé de moment érotique et sexuel autour de cette masturbation. Elles le
décrivent plutôt comme un événement fortuit qui leur a permis de découvrir une
nouvelle sensation qu'elles trouvaient, à l'époque, simplement amusante. Une
participante rapporte une perception dédramatisée et positive de la masturbation:

J'avais l'impression que j'avais découvert un truc cool (elle rit encore). Ouais,
donc c'était une expérience, le souvenir que j ' ai est très positif. [ ... ] J'ai
souvent entendu des gens qui avaient un sentiment de honte, en fait. Moi, j'en
avais pas du tout parce que j'en avais pas vraiment parlé à ma mère ou quoi que
ce soit. Donc, pour moi, y'avait rien qui était associé à quelque chose de
honteux. C'était vraiment des émotions, ouais, juste qui relevaient de l'intimité,
puis du plaisir intime. (Mélanie, 27 ans)

D' ailleurs, les participantes qui ont commencé à se masturber à l'enfance rapportent
l'avoir fait de manière mécanique sans nécessairement avoir conscience de la
dimension sexuelle y étant rattachée. Ce qui est entendu par « mécanique », c' est que
95

les participantes, à l' enfance, ne semblent pas impliquer une érotisation ou une
fantasmatique élaborée dans leur masturbation. Elle est simplement physiologique,
voire sensorielle, par exemple, s'accrocher à un poteau ou sur une corde ou se placer
devant un jet de piscine. La découverte d'un plaisir corporel de cette manière semble
positive puisqu'elle permet une association simple entre son corps et son plaisir.

Aille, 5-6 ans à peu près. Ouais, jeune, jeune. Puis c'est ça, full tension, mais
j 'me disais pas « Ah, c' est [sexuel] », à cet âge-là j 'avais pas l' impression que
c'était quelque chose de sexuel là. C'était plus comme « Ah! C'est le fun , wow,
j 'vais rester comme ça. Wouuuh! » (Rachelle, 27 ans).

En général, les participantes témoignent que ceci s'est fait plus ou moms sans
entraves, c'est-à-dire qu'aucune d' entre elles ne signale s'être fait réprimander
directement par un adulte pour s' être masturbée. Par la répétition de cette pratique de
façon positive, les participantes ont appris davantage comment bien toucher leur
corps et ont développé ainsi une perception positive de celui-ci comme Christina en
témoigne: « [Avec l'expérience] , mes pratiques masturbatoires ont évolué, 1 guess.
Parce que j'étais plus à l' aise avec mon corps, moins pognée. » (Christina, 28 ans)
Les témoignages des participantes laissent penser que l'aisance avec leur corps et leur
sexualité augmente avec la connaissance de leur corps et ce qui lui fait plaisir.

Par rapport à la santé, j'trouve que c'est de l' exploration, c'est d' apprendre à se
connaître puis [ .. .] quand t' apprends à te connaître, tu le fais pour toi
d'habitude. Puis j'trouve que c'est ça. [ .. .] En quelque sorte c' est
complémentaire. [ ... ] J'trouve que c' est une bonne méthode pour se connaître.
(Isabelle, 22 ans)

L'appréciation de son propre corps en contexte sexuel ainsi que l' évaluation positive
de sa sexualité font appel à l' estime de soi sexuelle qui semble se développer par
l'entremise de la pratique de la masturbation, entre autres, pour ces participantes.
D'ailleurs, plusieurs participantes rapportent dans leur définition de la santé sexuelle
qu'un sentiment d'aisance doit être présent dans leur sexualité en général. Donc, être
à 1' aise avec le fait que nous sommes des êtres sexuels qui ont des vies sexuelles
96

comme le mentionne Anna: « La santé sexuelle selon moi c' est surtout être bien dans
sa sexualité. (Anna, 28 ans) » De plus, pour Anna, Diane, Sophie et Christina,
1' aisance corporelle entre dans la définition d'être en bonne santé sexuelle : « Je crois
que c' est dans l' acceptation de son corps. » (Diane, 24 ans) La connaissance,
l' acceptation et le bien-être corporel sont des éléments qui semblent faire partie de
l' estime de soi sexuelle de ces participantes. Cette connaissance, cette acceptation et
ce bien-être corporel semblent se construire de façon positive avec le temps, comme
le témoigne Fanny:

Non, mais [la masturbation] influence complètement là. J'pense que c' est
vraiment le fait que j 'me suis masturbée et que j ' me masturbe depuis que j ' suis
vraiment jeune qui fait que j 'ai été plus à l'aise rapidement dans rna sexualité.
Comme complètement. Quand j'y réfléchis maintenant, j 'me rends compte que
c'est vraiment le fait que j 'ai fait ça tôt puis que ç'a été une continuité dans rna
vie. Ce qui fait que j ' suis autant à l' aise avec mon corps. J'me connais bien puis
si j 'me connais bien moi, j ' arrive à bien me connaître avec quelqu' un d' autre.
[ .. .](Fanny, 23 ans)

Plus précisément encore, ces constats positifs accumulés ont fait en sorte qu' elles ont
appris à se faire davantage plaisir. Par cette pratique, les participantes ont cultivé leur
confiance à détenir une sexualité propre à elles. Les participantes, en parlant de leur
masturbation à 1' adolescence, confirment les bénéfices de cette pratique sur leurs
habiletés techniques à se faire plaisir. Pour Diane, la masturbation lui a servi de
moyen pour apprivoiser sa sexualité et son plaisir sexuel seule.

C' était ludique, ouais. Au début, c' était pour apprivoiser la sexualité sans
l' amoureux de l' époque. Ç'a été pour apprivoiser la sexualité. Après, j ' ai
vraiment eu du plaisir, sans atteindre comme l' orgasme en tant que tel. J'avais
énormément de plaisir, donc oui, ç' a été juste plaisant. (Diane, 24 ans)

Comme Diane, quatre autres participantes mentionnent que leur masturbation servait
simplement à obtenir un orgasme.
97

J'te dirais que c 'était plus pour arriver à l'orgasme et enlever des tensions
qu' érotique. [ .. .]C' était vraiment plus, ok go, genre j ' veux arriver à l'orgasme.
[... ]C'était plus, ok j ' me touche. (Sophie, 24 ans)

La plupart des participantes ont été capables d' obtenir un orgasme lors de leurs
pratiques masturbatoires à l'adolescence. La majorité en parle de manière très
positive. Par ailleurs, une participante mentionne la fierté de sa réussite à avoir obtenu
un orgasme lors de sa première masturbation à l' adolescence.

Mais je m ' étais sentie bien, j ' avais vraiment aimé le f eeling d' avoir .un
orgasme, j ' avais trouvé ça apaisant, relaxant, puis c' est ça là, comme un petit
sentiment de fierté aussi, d' avoir été capable de faire ça [avoir un orgasme en se
masturbant]. (Laura, 27 ans)

De plus, celles qui n 'avaient pas d' orgasmes continuaient tout de même à se
masturber puisqu' elles trouvaient les sensations plaisantes.

Oui, j ' ai réessayé parce que c' était toujours de mieux en mieux, puis ça aussi
c'est un apprentissage à la fois avec un partenaire sexuel ou avec soi-même.
C' est pas dit que la première fois tu vas trouver comment tu fonctionnes. Donc,
la première fois, ça allait pas. Par après, j ' me rappelle pas exactement, mais je
sais que j ' ai juste arrêté la masturbation vaginale parce que j'avais aucun
plaisir, jusqu' à ce qu' après, j ' y revienne de façon plus exploratoire. Tu sais,
étant donné que c' était plus une balise de: « Avoir une relation sexuelle c'est
une pénétration », j ' ai découvert autre chose puis j ' en suis revenue à la
pénétration [dans sa masturbation] parce que c'était comme devenu un besoin.
(Diane, 24 ans)

Ces derniers témoignages en ce qui concerne la capacité à obtenir un orgasme ou, du


moins, du plaisir sexuel lors de sa masturbation démontrent comment la masturbation
peut être une pratique sexuelle positive permettant aux adolescentes de découvrir leur
corps et le plaisir qu' il peut leur donner. Par conséquent, leur sentiment d' efficacité
personnelle face à la sexualité semble augmenter en constatant sans cesse le potentiel
de plaisir de leurs organes génitaux. De plus, les participantes semblent rapporter une
perception de plus en plus positive envers leurs organes génitaux. L' extrait suivant
montre l'évolution de cette perception :
98

Avant, mettons, 1' odeur de mon corps, avant quand j ' ai commencé quand
j ' avais 12 ans, mettons 13 ans, ça me ... J'aimais pas ça. Puis je me lavais les
mains tout de suite ou des choses comme ça. Mais maintenant, c'est correct. Je
me sens plus à l' aise avec mon corps. (Charlotte, 30 ans)

Toutes les participantes ont passé par la construction du lien entre corps sexuel et
plaisir sexuel qui est devenu graduellement plus rapproché et direct, qu' il soit survenu
à l'enfance ou à l' adolescence. D' ailleurs, en raison de la nouvelle connotation plus
sexuelle accompagnant les pratiques masturbatoires à l'adolescence, les participantes
rapportent faire le lien entre masturbation et acte sexuel. Lors de 1' éveil sexuel d' une
participante, la compréhension que la masturbation est un acte sexuel s' opère
lorsqu'elle perçoit un changement dans ses fantasmes, par exemple.

Ben, c' est aussi que mes fantasmes ont changé, j'crois. J'pensais à d' autres
choses pendant que j ' me masturbais. [... ] Mais là, j 'ai commencé à penser à
faire ça avec quelqu' un d' autre, comme filles et gars, à cette époque-là, j ' m' en
souviens. Y' avait pas de distinction entre les deux puis là quand j'ai commencé
à penser à ce genre de choses-là, j ' ai fait comme « Ah, ça doit être sexuel
d' abord ». Puis là, après ça, vers 11 ans, on a les trucs à l' école où ils
t'expliquent les menstruations, bla-bla. Alors là, j ' ai plus compris que c'était
quelque chose associé à la sexualité. (Fanny, 23 ans)

Bref, la masturbation régulière des participantes a contribué grandement à la


construction d' une estime de soi sexuelle positive et d'un fort sentiment d' efficacité
personnelle dans la sphère de la sexualité. Cette confiance a confirmé en elles le droit
au plaisir sexuel, le devoir d' affirmer ce droit et d' obtenir leur plaisir sexuel.

5.2.2 La reconnaissance et la prise de conscience de leurs désirs et de leurs besoins


sexuels : une phase nécessaire vers l' acceptation et l' affirmation de soi

En deuxième lieu, la masturbation a permis aux participantes de mieux reconnaître


leurs désirs et leurs besoins sexuels. Il s' agit d' une phase où s' est concrétisé le lien
99

entre le corps sexuel et le plaisir sexuel. Plus spécifiquement, les participantes ont su
reconnaître les moments où se manifestaient leurs désirs sexuels tout en constatant
qu'elles étaient de plus en plus aptes à agir sur ces désirs par la masturbation. Des
sept participantes qui ont rapporté avoir commencé à se masturber à l' adolescence,
une participante mentionne que ses pratiques masturbatoires de l'époque étaient
associées à un certain éveil de son désir sexuel. Pour cette participante, la découverte
de la masturbation et de 1'orgasme a été un moment marquant dans le développement
de sa sexualité et la reconnaissance de son désir sexuel.

Ouais, après ça, j ' suis devenue un petit peu obsédée (en riant). Ouais, j ' pense,
en fait, pas si souvent que ça après dans les mois qui ont suivi .. . En fait dans les
mois qui ont suivi, j'ai eu moi-même une télé dans ma chambre ce qui m' a
permis de au moins .. . J'me souviens que j'cherchais dans les mauvaises
émissions d'été là. Genre, j'cherchais tout le temps à ce qu'il y ait comme
quelqu'un de cute ou j'sais pas là ou une émission où est-ce qu'ils parleraient
de trucs comme vers les onze heures et demie, minuit là. Généralement, c'était
pas très concluant, alors j ' me masturbais peut-être une fois par semaine ou aux
deux semaines, même si j ' y pensais beaucoup plus. (Christina, 28 ans)

L' écoute de leur corps se voit améliorée par la répétition de ces différents moments
d'excitation sexuelle qui culminent, assez souvent, dans la satisfaction d' un besoin
sexuel par la masturbation. Cette dynamique de reconnaissance-réponse a mené à une
prise de conscience accrue de leur soi sexuel. Les participantes de cette étude ont
explicité à plusieurs reprises les différentes facettes de leur soi sexuel, tels que leur
mode d'excitation sexuelle, leurs préférences sexuelles ou encore les moyens concrets
qu' elles ont de répondre à leurs besoins sexuels. Leur discours entourant les
variations de leurs désirs sexuels, c' est-à-dire quand, comment et à quelle fréquence
ceux-ci se manifestent, témoigne de cette prise de conscience de leur soi sexuel. Par
exemple, Laura partage les différentes fonctions de sa masturbation dans sa sexualité :

Quand j'étais ado, c'était vraiment plus pour la tension sexuelle, de découvrir
ça, puis de reproduire cette sensation-là parce que c'était agréable. Là,
maintenant, ça sert plus une fonction de relaxation, donc ça me détend, ça
m' aide à dormir beaucoup. Quand j ' suis stressée aussi ça m' aide justement à
100

me déstresser, à me calmer. Quand mon conjoint n'a pas envie d' avoir des
relations sexuelles ben ça va venir pallier justement à ce désir sexuel qui n' a pas
été assouvi par mon conjoint, alors j ' vais me masturber. Sinon, c' est vraiment,
j'te dirais ces trois fonctions -là là que Ça vient couvrir. (Laura, 27 ans)

De plus, leurs propos concernant leur vie sexuelle adulte ne possèdent pas de
connotation négative. Les participantes étaient à l' aise, et parfois fières, de raconter
comment la masturbation a contribué à la prise de conscience de leur soi sexuel. Au
final, ces divers moments où les participantes ont su reconnaître et apprivoiser leurs
désirs et leurs besoins sexuels par l'entremise de la masturbation semblent avoir
contribué à une plus grande acceptation de leur soi sexuel.

J'le vois un petit peu comme « Aille, sois fière que tu connaisses ton corps, t' es
capable de te donner du plaisir. You go girl. Continue ». J'trouve que ça, pas
que ça fait du bien à l' estime de soi, mais j'en ai parlé tantôt un peu. Le fait que
quand j'me sens pas bien que, pas j'suis en dépression, mais j 'fee! vraiment pas,
j ' ai pas envie. V ers us comme ça fait du bien, ça fait du bien à ton corps puis
c' est prouvé scientifiquement ça fait du bien à ta tête aussi. Alors, j ' trouve que
ça va avec là. Tu bois de l'eau 1 fois par jour puis toute, ben occupe-toi de toi.
(Isabelle, 22 ans)

L'acceptation de son soi sexuel semble avoir des répercussions positives sur l'estime
de soi sexuelle et sur l'assertivité sexuelle de ces participantes.

5.2.3 Le point culminant de la découverte de soi et de l' autonomisation: une


confiance et une assertivité quant à leur capacité à obtenir l' orgasme et/ou le plaisir
sexuel

En troisième et dernier lieu, les participantes de cette étude ont témoigné du


développement positif de leur soi sexuel lorsqu' elles discutaient de leurs capacités
orgasmiques découvertes, entre autres, à l' aide de la masturbation. Elles expliquaient,
de manière assertive, qu' elles connaissent précisément le temps, la pression, la
101

position et les fantasmes nécessaires pour l' obtention de leur orgasme ou leur plaisir
sexuel.

Ben, le plaisir, c'est sûr que, j ' veux pas dire que c'est le but premier de la
masturbation, mais c' est de se faire plaisir. J'pense que c'est de se donner un
moment pour soi. [ . ..] De laisser libre cours à ses fantasmes. Des choses que
t'as peut-être pas nécessairement envie de faire ou de vivre avec ton partenaire
ou que t'as déjà faites, peu importe. J'trouve que ça, moi, j'utilise beaucoup la
fantasmatique. Des fois j'suis capable d'y aller juste orgastique, vraiment juste
physique là, puis ça prend 3 minutes, mais c' est vraiment crispé là. C'est
quelque chose dans ce genre-là. Mais quand j 'y vais plus, mettons en vague ou,
peu importe, c'est vraiment, ouais, les fantasmes c'est vraiment important par
rapport à ça. (Isabelle, 22 ans)

Ceci atteste de leur confiance en leurs habiletés à obtenir l' orgasme. Sans la
masturbation, il aurait été difficile d'atteindre une aussi grande précision dans la
connaissance de ce qui leur est nécessaire pour jouir, comme le démontre l' extrait de
Christina:

La manière physique que j ' me masturbe là? Donc, avec mes doigts sur mon
clitoris ou, ça c' est la façon de base là, couché sur le dos comme les doigts sur
le clitoris, mais si j'utilise des jouets, la vibration ou que j ' ai aussi les doigts
comme à l' intérieur, ça change un peu l' expérience là. [.. .] Si j 'ai comme les
deux en même temps, le clitoris puis vaginal aussi, ça va être plus le fun et
1' orgasme va être mieux aussi. Mais, j'suis souvent lâche quand j ' me masturbe
(en riant), alors j 'y vais avec la méthode de base, puis c'est rare que j'élabore
plus que ça. Avec les jouets aussi, ça ajoute à ma lâcheté. J'ai un petit vibrateur
vraiment efficace, qui me fait venir en comme, même pas de support visuel,
comme 5 minutes c'est fini là. Alors ça, c'est vraiment le fun. (Christina, 28
ans)

Il est donc possible de dire que le sentiment d'efficacité personnelle des participantes
a progressé ainsi que leur estime de soi sexuelle grâce, entre autres, à une pratique
régulière de la masturbation. D'ailleurs, les participantes de cette étude étaient
nombreuses à nommer le plaisir comme élément important à considérer et inclure
dans la définition d' une bonne santé sexuelle comme le spécifie Jenny : «Alors,
102

j ' imagine qu'être en bonne santé tout cours c' est aussi savoir, être capable de réunir
les conditions pour se faire plaisir à soi-même. » (Jenny, 23 ans)

En somme, les pratiques masturbatoires des participantes ont été un premier contact
avec la sexualité. En contribuant à la compréhension et à l' acceptation de soi, ce
premier contact avec la sexualité a fort probablement aidé au développement positif
de leur soi sexuel.

5.3 L'adolescence : une période où la sexualité et les pratiques masturbatoires se


déploient, mais rencontrent aussi quelques embûches

Ce thème présente les différents obstacles et défis rencontrés par les participantes tout
au long de l' évolution de leurs pratiques masturbatoires ainsi que leurs façons de
gérer et dépasser ceux-ci. Ces défis et ces obstacles auxquels ont fait face les
participantes se sont présentés pendant leur adolescence, pour la plupart. En plus de
ces défis, les participantes ont réalisé plusieurs dépassements de soi au courant de ces
années déterminantes. Ces dépassements de soi ont permis aux participantes de
cristalliser davantage leur soi sexuel. La prochaine section fera état de cette
cristallisation.

5.3.1 Une reconnaissance du désir sexuel émergent à l' adolescence qui se fait par la
connaissance de la nature sexuelle de la masturbation et la découverte de 1' orgasme

Lors de l' éveil sexuel, à l' adolescence, les participantes ont témoigné d' une
reconnaissance active et d'une prise de conscience de leurs désirs sexuels émergents.
Avec l' arrivée des menstruations, le désir de se masturber et d ' avoir une relation avec
103

autrui constituent les stgnes qui provoquent la reconnaissance chez quelques


participantes de leur être sexué et sexuel. Pour une des participantes qui a
reconunencé à se masturber lors de la puberté après une période de latence pendant
1' enfance, la masturbation était une manière de gérer cet éveil sexuel. Les pratiques
masturbatoires de cette participante étaient une façon de canaliser le fort désir sexuel
qu' elle ressentait pour les garçons de son entourage.

J'me suis dit « J'vais attendre de ne plus être vierge, après ça, j ' vais faire ça ».
Finalement, c' était pas le cas. J'ai eu des expériences de flirt genre .french[-
kiss] à 14 ans. Puis là, ç'a un petit peu éveillé en dedans de moi. Alors là, j ' me
suis dit « Ok, là, pour t' empêcher de sauter sur le premier gars. Tu vas te calmer
par toi-même». C'est conune ça que j ' le voyais un peu. Alors, j'ai comme
découvert ça comme ça, ouais, manuellement là. (Isabelle, 22 ans)

Les participantes sondées ajoutent qu' il est capital d'être à l' aise avec les besoins
sexuels provoqués par son corps. Donc, selon la définition d'une bonne santé sexuelle
des participantes, il s' agit ici de l' acceptation de ses désirs, de l' affirmation de ceux-
ci et de l' aisance à y répondre, comme l' explicitent les propos de Diane et Charlotte.

Mais ensuite, il y a l'acceptation de soi, l' acceptation de ses désirs.


L'affirmation de ses désirs tout en étant dans le respect, évidenunent.
D'accepter que tu puisses être une fenune ou un honune qui a plus ou moins
d' envie sexuelle que ce que tu voudrais donc le stéréotype. Parce qu' on pourrait
l'affirmer, mais ne pas répondre à son besoin. Puis, c'est de le faire [y répondre]
sans jugements. (Diane, 24 ans)

Avec le fait d'avoir des besoins. Donc, si on est à l'aise on est conscient que
ça [la sexualité] c' est un besoin. On va se sentir à l'aise des différentes
pratiques sexuelles conune la masturbation et tout ça. C' est conune être à l' aise
de dire qu' est-ce que tu veux, qu'est-ce que tu veux pas, de dire non quand tu
veux pas. Ça se développe. Pour moi ça c' est une manière de développement de
la sexualité. (Charlotte, 30 ans)

D' un côté, la connaissance de la nature sexuelle de la masturbation a causé un peu de


gêne et de culpabilité pour certaines à l' adolescence puisqu' elles disent qu' elles
avaient conscience du caractère tabou de la masturbation féminine .
104

Je sais pas c' était à quel âge, je devais avoir probablement 10-11 ans quand j ' ai
voulu essayé. ( .. .] J'me souviens que c' était comme dans ma chambre, toute
seule, le soir, puis j ' avais essayé de voir qu'est-ce que ça pouvait faire, mais
j'me souviens pas ... J'me souviens très bien que ça pas duré 5 minutes puis que
j'ai fait comme: « Ah, ben, ça peut être intéressant », mais que j ' étais pas
encore à l' aise de me laisser-aller. Surtout qu 'à cet âge-là, encore, la sexualité
dans ma famille était ouverte, mais c'était pas encore l' âge, disons, pour faire
ça. [ ... ]J'me suis quand même laisser-aller vraiment plus jeune, mais à 10-11
ans, c' était le début là, vraiment une ouverture tranquillement. (Arielle, 23 ans)

D'un autre côté, plusieurs rapportent aussi avoir découvert l'orgasme ou le plaisir
sexuel pour la première fois lors de l' adolescence grâce à la masturbation: « Ah!
Pourquoi pas, j'pourrais essayer de faire ça [me masturber]. Puis ç' avait très bien
fonctionné, donc, j ' étais parvenue à l' orgasme. C' était dans ma chambre toute seule
le soir, donc voilà. Ça ressemble pas mal à ça [ma première fois]. » (Laura, 27 ans)

Dans les expériences relatant la reconnaissance du désir sexuel, ces deux derniers
témoignages semblent révéler que certaines participantes ont su faire appel à leur
curiosité pour obtenir l'orgasme lors de leur première tentative de masturbation,
tandis que d'autres ont été plus gênées à essayer en raison du tabou entourant la
pratique.

5.3 .2 Une confrontation à l'aspect tabou de la masturbation féminine

Les participantes, dans leur parcours de v1e, ont réfléchi aux tabous entourant la
masturbation, mais aussi à leurs propres désirs et besoins sexuels. Pour une
participante, cette réflexion est déclenchée par la réalisation de 1' incompatibilité
future entre sa masturbation et la relation sexuelle coïtale. Cette réalisation lui
occasionne de la gêne, comme le témoigne l' extrait suivant :
105

Alors, j'me sentais comme si j' avais comme découvert quelque chose, mais en
même temps c'était tellement comme archaïque que c' était pas ... On dirait
j 'trouvais ça compliqué. J'me disais « Mon Dieu, comment j'vais dire à mon
chum que j ' ai réussi à avoir un orgasme de même, ça me tente vraiment pas d'y
montrer comment j ' ai fait ça parce que c' est bizarre puis c' est pas sexy ». Parce
que j ' avais réussi, dans le fond , avec toute ma main, c' était dans mon lit...
Alors, on dirait que j 'me disais que j 'voulais trouver une autre façon de le
faire ... [une façon] que j ' allais pouvoir le faire avec mon partenaire en même
temps qu'on fait des trucs ou que lui dire, mais que j ' étais gênée de cette façon-
là, alors j'me souviens que mes premières relations amoureuses, j ' en n' avais
pas parlé de comment je faisais ou que je le faisais . (Sophie, 24 ans)

Pour deuxparticipantes, les réflexions sont entamées par le fait de venir d'une famille
catholique. Elles comprennent d' emblée que la religion catholique perçoit
négativement la sexualité non procréative et elles se sentent gênées et coupables
d' avoir découvert quelque chose de sexuellement plaisant.

La première fois, quand je l' ai fait avec le papier de toilette, c' était normal pour
moi, c' était comme « Ah, cool, ça, c'est cool ». Mais les autres fois, quand j ' ai
commencé quand j'ai trouvé le livre, ben, j'me sentais un peu coupable. J'étais
comme, parce que moi j ' ai grandi catholique, pas trop trop, mais quand même,
y' a des choses qui ... Donc, j 'étais comme « Ah, non, ça, c'est pas ... on fait pas
ça ». (Charlotte, 30 ans)

J'viens d' une famille catholique, mais mes parents ne m' ont jamais dit: « La
masturbation, c' est mal ». [.. .]Mais j 'pense que ma mère est quelqu' un d' assez
partagé entre ces deux valeurs-là. Et, du coup, moi, j ' ai reçu un peu ça, mais,
j ' ai pas, non, j ' ai pas ressenti de pression ou quoi que ce soit, mais quand
même. J'ai beaucoup de barrières intérieures depuis toujours. (Jenny, 23 ans)

Pour deux participantes, les réticences ressenties avant de commencer à se masturber


à l' adolescence témoignent d' une réflexion de leur part et de la conscience qu ' il s' agit
d' une pratique sexuelle taboue.

Alors, j 'pense que ça a commencé vers l' âge de 12 ans. [ ... ] Mais j ' me disais:
« c'est quoi?», mais je n' osais pas, alors j 'me suis dit, je n' osais pas toucher
parce que bon, c' est mal. [... ]Mais quand même à l' âge de 13 ans, j ' crois, j ' ai
fini par (elle rit) céder à la tentation, on va dire. Et j ' étais dans mon lit, puis,
106

j 'me suis gratté, on va dire. Puis là, j 'me suis dit: « Ah, c' est bon » et tout.
Puis, en deux minutes j ' ai eu un orgasme, j 'me souviens bien. J'me suis dit :
« Wow! ». C'était une sensation que je n' avais jamais vécue avant, donc très
agréable. J'étais triste que c' était fmi , et puis après j 'ai commencé à le faire
régulièrement j 'pense. (Jenny, 23 ans)

Après mures réflexions, les participantes ont pris une décision en faveur de leur
épanouissement sexuel. Quelques participantes qui ont commencé à se masturber à
l' adolescence sont gênées au début ou même réticentes face à la pratique et ce qu'elle
implique. Cependant, une fois qu' elles ont tenté l' expérience, elles sont nombreuses à
trouver cette pratique positive et libératrice.

5.3.3 La première relation sexuelle, source d' ambiguïté émotive et de réflexions

Malheureusement, toujours lors de l' adolescence, cet élan positif se voit freiné par
1' expérience de la première relation sexuelle coïtale, qui a été vécue avec
ambivalence par plusieurs participantes. Comme mentionné, huit participantes sur
onze n' ont pas obtenu d' orgasme lors de cette première relation sexuelle coïtale. En
fait, elles ne se sont pas masturbées pendant cette relation, chose qui aurait pu
améliorer leur expérience sexuelle ainsi que leur plaisir sexuel. À cet égard, il est
pertinent de remarquer que la participante qui rapporte avoir eu une relation sexuelle
avec une jeune femme à l' adolescence décrit son expérience comme enrichissante et
pratiquement sans obstacle. Le partage de la pratique de la masturbation lors de cette
expérience à deux apparaît positif et rempli de plaisir.

Mais, au secondaire, là j ' ai commencé à avoir le feu dans les fesses là. Il s' est
passé quelque chose sûrement les hormones ou whatever. Puis, y'avait une fille
qui habitait sur la même rue que moi puis on a commencé à se rapprocher, puis
fmalement on s' est tellement rapproché qu' on était tout le temps en train de se
toucher. Mutuellement ou séparément. Alors, j ' ai l' impression que ç' a été une
espèce d' éveil. [ ...] À part les moments où on n'était pas ensemble, [.. .] alors
107

c' était plus quelque chose qui se passait à deux. [ .. .] Mais, ouais, j 'ai plus
l'impression que ça se faisait à deux à ce moment-là, puis c' était une recherche
de plaisir et de découverte, vraiment, de soi et de l' autre. (Rachelle, 27 ans)

Nous remarquons que l'entrée à la sexualité dyadique se fait de manière plus fluide
pour cette participante, qui a eu une première relation sexuelle avec une jeune femme
et non un jeune homme.

J'étais tellement bien, on était des meilleures amies là, on se disait tout, on
parlait au téléphone pendant 8 heures là, puis là, c' était pas juste de la sexualité
là, c' était plus grand que ça. C'était [la sexualité avec sa partenaire] un beau
gros bonus là. Mais, ça commencé comme ça puis ça s' est développé en
d'autres choses parce qu'un moment donné sûrement qu' on a eu un genre de
conscience de « Ah! Ok, on est en train de faire l'amour, wow, c' est le fun. On
pourrait faire comme les grands. On pourrait se toucher avec nos doigts
mutuellement ». Puis, fmalement, ça s' est ramassé en cunnilingus puis na, na,
na. (Rachelle, 27 ans)

En comparaison avec ce témoignage, celui des jeunes femmes qm ont eu une


première relation sexuelle avec un jeune homme ne dépeint manifestement pas la
même réalité. Par exemple, cette participante explique avoir commencé à se
masturber à la suite d'une première relation sexuelle coïtale jugée « pas tellement
agréable ».

C'est triste là, mais c' est genre à 15 ans . C'est après avoir eu une première
relation sexuelle. Pas tellement agréable. Malheureuse première fois qui n'était
peut-être pas tout à fait le beau rêve qu'on se fait toutes. Puis, d'avoir trouvé ça
anormal justement. De me dire : « Pourquoi est-ce que ça devrait être le fun
puis que c' est pas le fun?». Puis là, j ' me suis comme explorée. [ .. .]Je me suis
dit: « Aille, mais peut-être que ce serait un point de départ? ». J'ai pas aimé ça
tout de suite. Mais, mon premier amoureux c' est environ là, à 15 ans. Donc,
c' est dans ce coin-là ... J'me rends compte que j 'étais un peu vieille peut-être là,
mais j ' ai découvert mon corps à 15 ans en me disant que c' était pas normal de
ne pas avoir de plaisir puis que je devais le trouver quand même parce que c' est
ce qu' une héroïne de livre faisait. Puis que ç' avait l' air intéressant. J'ai pas
aimé, j 'ai exploré autrement. Ouin, ça n'a pas arrêté depuis (elle rit un peu).
(Diane, 24 ans)

1
108

Les raisons pour lesquelles elles se sont abstenues de se masturber sont multiples,
mais attestent, entre autres, de la présence d ' un coït scripté où la masturbation
féminine est absente. D' ailleurs, les participantes discutent de leurs perceptions
erronées selon lesquelles la « vraie » relation sexuelle est une relation sexuelle
uniquement coïtale.

Ben, j'me disais que ça ne se fait pas, c' est pas ça les relations sexuelles. En fait,
j ' avais des catégories. La masturbation, c' est ça, puis les relations sexuelles
[coïtales], c' est ça. J'me disais que, c'est con ... (Nous rions un peu). J'me disais
que : « Quand j ' suis toute seule, j ' ai ma main, puis quand j'suis avec un copain,
ben y' a son pénis ». Puis, c' est lui la main, si tu veux, donc j ' avais pas besoin,
moi, de m'intégrer ça. C' est lui qùi fait tout le travail dans le fond , c' est ça
l' idée. C ' est ça que je pensais. (Jenny, 23 ans)

Selon le discours de cette dernière participante, nous pouvons clairement entrevoir


que l'un des défis dans la vie sexuelle d' une jeune femme hétérosexuelle est
d' intégrer son propre plaisir au scénario déjà scripté de la relation sexuelle coïtale,
c' est-à-dire les différentes étapes socialement construites d' une relation sexuelle
coïtale. Elles expliquent aussi qu' à l' adolescence, elles acceptaient que leur plaisir
sexuel passe après celui de leur partenaire. Certaines participantes vont même jusqu' à
affirmer qu' elles ne se préoccupaient plus de leur propre plaisir sexuel lors du coït et
se masturbaient en solitaire· après pour obtenir 1' orgasme pendant leur adolescence.

À 15 ans, j ' ai eu mon premier copain, on a fait l' amour, j ' avais quasiment 16
ans. J'ai été un an et demi avec [lui] , puis j ' pense que j ' ai pas eu un orgasme
avec, pendant qu' on faisait l' amour là, en un an et demi, wow! Puis, j ' ai
recommencé à me masturber là parce que j ' arrivais pas à avoir un orgasme,
donc j'ai recommencé à me masturber régulièrement. (Fanny, 23 ans)

Or, les participantes semblent avoir appris qu ' entreprendre leurs pratiques
masturbatoires individuellement était acceptable et souhaitable pour leur satisfaction
sexuelle.
109

5.3.4 Une décision affirmative à poursuivre sa masturbation

Ces obstacles et défis rencontrés par les participantes ont stimulé leurs réflexions
concernant la place que pourrait et que devrait prendre leur plaisir sexuel dans leur
sexualité. Afin de surmonter ces obstacles et défis, les participantes ont décidé que
leur plaisir sexuel fait partie d' une bonne santé sexuelle et qu' il devrait être inclus
dans leur sexualité. En effet, le deuxième élément le plus récurrent dans la définition
des participantes d'une bonne santé sexuelle est l'aptitude à avoir du plaisir. La
majorité des participantes rapportent que la capacité à avoir du plaisir dans leurs
relations sexuelles ainsi que dans leurs pratiques masturbatoires est d'une certaine
importance.

Puis, j'dirais avoir des orgasmes, ouais. Comme arrivé à prendre du plaisir
comme d'avoir des orgasmes dans ses relations sexuelles puis avec soi-même.
J'crois que ce serait ça. (Fanny, 23 ans)

Elles ont donc continué à se masturber en dépit des pressions sociales entourant cette
pratique, notamment parce que cette pratique leur a donné la confiance de participer
activement à 1' amélioration de leur vie sexuelle, solitaire ou dyadique. Ceci marque
leur volonté à avoir du plaisir sexuel, des orgasmes ainsi qu' une sexualité saine. Elles
ont été affirmatives quant à leurs désirs et leurs besoins sexuels grâce à leurs
pratiques masturbatoires. Pour trois participantes, être capable de gérer des troubles
de santé physique ou des frustrations que l' on a soi-même ou qui sont vécus par un(e)
partenaire est essentiel dans 1' optique où il sera plus facile de maintenir une bonne
santé sexuelle avec ces habiletés de gestion et d'adaptation.

C'est d' abord être bien dans son corps, puis d'être capable d'en profiter sans
avoir des désagréments à côté par exemple, santé physique et mentale et de
savoir peut-être conjuguer ces désagréments-là [troubles de santé physique et
psychologique] avec une sexualité qui est plaisante finalement. Savoir les
transformer. (Rachelle, 27 ans)
110

Alors c'est sur que santé sexuelle ça peut englober tous les aspects bio, socio,
tout ça, mais moi j ' pense que c' est vraiment subjectif. Biologiquement, si y'a
quelque chose qui fonctionne moins bien et que tu réussis à pallier à ça avec ton
partenaire ou avec toi-même ben dans le fond, c'est pas si important, selon moi,
l'aspect biologique. Il suffit de savoir comment faire avec qu' est-ce qu' on a là.
(Sophie, 24 ans)

Pour ces participantes, une bonne santé sexuelle dépend, entre autres, de l'habileté à
« savoir conjuguer nos désagréments à notre sexualité » et à « savoir faire avec ce
qu'on a ». Selon elles, une perspective réaliste est plus féconde à une sexualité
épanouie. Les liens que les participantes ont su faire entre leurs pratiques
masturbatoires et leur santé sexuelle leur ont permis de prendre la décision
affirmative d' adopter et d'accepter la masturbation comme une pratique sexuelle
saine. Ce lien a donc été important pour surmonter les sentiments négatifs engendrés
par une pratique qui demeure taboue pour les femmes.

5.4 La sexualité dyadique: un contexte propice à l'affirmation de soi

Selon les participantes, une pratique régulière de la masturbation cultive la confiance


sexuelle personnelle des participantes dans le contexte d' une relation à deux. En
contexte dyadique, les participantes se sont approprié leur plaisir sexuel, ont exprimé
leurs préférences sexuelles, ont communiqué leurs désirs et leurs besoins sexuels, ont
inclus la masturbation lorsque désiré et ont exploré la relation sexuelle à deux. Ces
éléments sont aussi pertinents à considérer dans le développement positif du soi
sexuel d' une personne.

5.4.1 Une connaissance de leurs préférences sexuelles

_ l
111

Premièrement, la pratique régulière de la masturbation a permis aux participantes de


découvrir certaines préférences sexuelles qu'elles ont su transposer dans leur relation
sexuelle avec leur partenaire. En contexte dyadique, les participantes expliquent
qu'elles ont potentiellement déjà une meilleure idée de ce qu' elles préfèrent parce
qu' elles se masturbent régulièrement. Elles savent quels types de touchers clitoridiens
elles ont besoin pour obtenir l'orgasme ou même pour le synchroniser avec celui de
leur partenaire. Elles discriminent aussi le type d ' orgasme ou de plaisir sexuel
qu' elles veulent vivre en fonction du contexte, c' est-à-dire selon leur humeur, leur
partenaire ou le contexte dans lequel la relation se passe, par exemple. Ceci pourrait
découler du sentiment d'efficacité personnelle développé au préalable à l'aide de
leurs pratiques masturbatoires solitaires. En effet, si les participantes se sentent plus à
l' aise avec leur corps et sentent qu' elles le connaissent bien, alors elles seront plus en
mesure de connaître leurs préférences dans un contexte à deux.

Oui, dans le sens que je connais bien plus mon corps. Je sais comment le
stimuler, je sais comment lui donner un orgasme. Alors oui, j ' pense que mes
pratiques masturbatoires ont contribué à ça. (Laura, 27 ans)

Cette adéquation avec leur propre comportement dans le contexte d'une relation
dyadique témoigne d'une perception positive de leurs conduites sexuelles.

5.4.2 Une appropriation de leur propre plaisir sexuel

Deuxièmement, la masturbation régulière a fortement contribué à ce que les


participantes s'approprient leur plaisir sexuel. Après avoir confirmé cette
appropriation en surmontant les obstacles vécus lors des premières relations
sexuelles, elles expliquent qu' elles ont pris contrôle de leur plaisir sexuel , que celui-ci
leur appartient et qu' elles sont à l' aise de l' affirmer en contexte dyadique. Trois
112

participantes parlent même d' un transfert direct entre leur capacité à se donner du
plaisir en solitaire et leur aisance à se donner droit au plaisir dans le contexte d' une
relation sexuelle. Pour Isabelle, cette appropriation du plaisir sexuel est passée par sa
capacité à outrepasser la réaction négative à sa masturbation d' un partenaire avec qui
elle était en rapport sexuel.

J'suis un peu féministe! Alors, tu m' en donnes pas, moi, j ' ai pas plus envie de
t'en donner. Puis par rapport à ça .. . Un moment d01mé, j ' m' en souviens j'étais
par-dessus lui puis là, j ' avais commencé à me stimuler moi-même puis là, j 'ai
comme vu dans sa face que ça le dérangeait full . J'ai fait « Fuck off », moi
j ' continue, j ' ai envie d' avoir du fun parce qu' avec lui, j ' avais pas de plaisir,
vraiment pas. (Isabelle, 22 ans)

Les participantes sont plus aptes à reconnaître leur capacité orgasm1que, et par
conséquent à améliorer leur capacité à avoir un ou des orgasmes dans le contexte
d'une relation sexuelle.

Ouais, probablement. Ouais, c' est sûr que j'aimerais ça, la meilleure, meilleure,
meilleure, ce serait que je puisse en avoir un comme que j ' me stimule puis
l'autre vaginal parce que j'trouve que c'est plus intense, tant qu'à moi. Ça
serait, ouais, un clitoridien puis un vaginal par après. Ça serait the best. Puis
oui, ça se passerait, j'suis bien à l' aise, moi, dans le fond, comme l'autre avant
je demandais si ça dérangeait. Mais j ' serais ben à l'aise de le faire, dans le
meilleur des cas. Le meilleur partenaire au monde accepterait que je le fasse
sans lui demander. (Isabelle, 22 ans)

Enfin, plus de la moitié des participantes sont assertives quant à l' obtention de leur
satisfaction sexuelle en contexte dyadique : « J'ai commencé à le faire
systématiquement avec mon copain maintenant parce que j'me sens vraiment à l' aise
avec lui et je sais que c' est comme ça que j 'peux avoir des orgasmes » (Jenny, 23
ans). Les participantes croient en leur capacité à jouir et à obtenir l'orgasme dans une
relation avec un partenaire. En témoignant de la valeur et de l'importance de leur
plaisir sexuel, elles manifestent une valorisation et une acceptation de leur soi sexuel.
Rappelons que la capacité à obtenir du plaisir sexuel, seule ou en contexte dyadique,
113

fait partie des éléments à considérer lorsque les participantes ont défini pour elles-
mêmes ce qu'était une bonne santé sexuelle.

5.4.3 Une capacité à communiquer leurs désirs et leurs besoins sexuels

Troisièmement, la masturbation aidant à assumer son plaisir et à découvrir ce qui


l' occasionne, les participantes ont mentionné leur capacité à communiquer leurs
désirs et leurs besoins sexuels en contexte dyadique. Elles explicitent que cette
confiance à communiquer leurs préférences sexuelles provient de la connaissance de
ces préférences acquise grâce aux pratiques masturbatoires.

Justement, j ' ai un besoin, je suis capable d'y répondre, je sais comment y


répondre, je sais quoi faire, ce qui fait aussi en sorte que comme avec mon
amoureux, récent, mon dernier amoureux, j ' ai pu le guider, j ' ai pu savoir quoi
[lui dire]. .. Tu sais, on a pas passé la petite phase « On ne sait pas quoi faire,
c'est plate, ça fait mal, c' est ordinaire ». Je le savais : « Non, fais pas ça. Essaie-
toi même pas. » ou au contraire « Va plus à gauche, à droite », n'importe quoi
là. (Diane, 24 ans)

Elles sont, dans ce contexte, davantage en mesure d' anticiper les sensations de plaisir
et de prévoir la réponse de leur corps. Les participantes affirment dès lors qu' elles
sont d'autant plus aptes à guider leur partenaire. Par exemple, cette participante
explique qu ' il est difficile de guider une partenaire ou de savoir ce que 1' on préfère
dans le cadre d' une relation sexuelle si l' on n'a jamais préalablement expérimenté
avec soi-même.

En plus, parce que je sais qu'est-ce que j ' ai ou jusqu' à où je vais arriver. Donc,
je me sens à l'aise, mettons, de commencer. Mettons je viens de commencer
une relation avec une fille, puis c' est ça, on est en train .de se connaître
sexuellement aussi puis c' est ça, je la laisse faire des choses, mais quand y'a
une chose que je veux pas, je dis « Ah, non, non, on ne fait pas ça », mais si tu
ne sais pas, si tout est nouveau pour toi, ça, c' est différent, tu vas être plus
114

nerveuse de faire des choses parce que tout va être nouveau. Donc, je crois que,
oui , la masturbation. (Charlotte, 30 ans)

La masturbation en solitaire semble permettre aux participantes de franchir des étapes


qui mènent de la connaissance de ses préférences sexuelles à la capacité de les
communiquer à son partenaire, en passant par 1' appropriation de son plaisir sexuel.
D' ailleurs, près de la moitié des participantes nomment la capacité à communiquer
avec leur partenaire comme un élément fondamental de leur santé sexuelle. Selon
elles, les discussions avec leurs partenaires sont non négligeables parce qu' elles
permettent souvent d ' encadrer les désirs, les besoins et les frustrations, s' il y a lieu.
Moi, c'est super important d ' être capable de me confier à cette personne-là,
d ' être capable d' avoir des discussions claires, avoir des conversations qui sont
bien définies. Donc, c' est sûr que dans ma tête, ça pourrait pas fonctionner au
niveau sexuel parce que si t' as des trucs que tu lui dirais jamais par rapport à ta
sexualité, y' a peut-être des choses que l' autre personne te cache aussi, alors il
peut y avoir des malaises par rapport à ça. (Arielle, 23 ans)

Les participantes qui parlent de la capacité à communiquer se sentent écoutées


lorsqu'elles discutent avec leur partenaire parce qu' elles sont à l' aise d ' exprimer leurs
désirs, leurs besoins et leurs frustrations lorsque nécessaire.

5.4.4 Une inclusion de la masturbation dans le coït

Quatrièmement, plusieurs participantes déclarent qu' elles incluent volontiers la


masturbation dans leurs relations sexuelles coïtales. Elles se donnent le droit
d' emblée de le faire et ceci atteste d' une estime de soi sexuelle positive ainsi qu' une
assertivité sexuelle forte. Pour certaines participantes, la masturbation pendant le coït
est nécessaire à 1' orgasme.

Oui , oui, c' est ça, en même temps qu' on fait l' amour j ' me caresse le clitoris.
Ouais, c' est ça. (Avec ça, tu parviens à l' orgasme?) Oui, si j ' le fais pas, j 'peux
115

pas. (Ok, alors c'est nécessaire à ton orgasme) Oui, c'est ça, absolument, c'est
ça, exact. (Laura, 27 ans)

Deux participantes spécifient qu' elles n'auraient pas pu connaître la nécessité pour
elles d' inclure la masturbation dans leur relation sexuelle coïtale si elles ne s' étaient
jamais masturbées auparavant : « Si je ne m'étais jamais masturbée, je ferais jamais
ça [me masturber pendant le coït] parce que je ne connaîtrais pas mon corps. »
(Charlotte, 30 ans)

5.4.5 Une volonté à essayer de nouvelles expériences sexuelles

Cinquièmement, la pratique régulière de la masturbation a certainement participé à


l'augmentation de l'aisance corporelle des participantes. Une telle aisance corporelle
participe à son tour à la création de la confiance susceptible de favoriser l' exploration
sexuelle. En effet, les participantes affirment qu ' elles trouvent positive
l' expérimentation sexuelle à deux qui inclut la modification de la séquence habituelle
de la relation sexuelle.

Mais quand on faisait l' amour, y' avait pénétration. Lui , y' éjaculait, puis, moi, il
me donnait un orgasme après, avec ses mains et ça marchait vraiment pour moi
ça. Mais c'était quasiment dissocié. Dans le sens où, autant j ' pouvais ressentir
beaucoup beaucoup de plaisir, j'me sentais pas laissée pour compte pendant la
pénétration. C'était super, mais j'me rappelle que ça me plaisait ça, que ce soit
après. (Mélanie, 27 ans)

Ceci permet aux femmes d'accueillir les relations sexuelles avec autrui comme un
terrain de jeu où l' exploration est de mise.

Sinon, c' est sûr qu ' avec mes partenaires sexuels que j'ai eus, moi, j ' suis
quelqu' un que dans le moment, tu peux essayer tout quasiment. J'suis comme
dans un état de tu fais ça, ça me .. . Tu me l' aurais dit avant, j ' aurais fait comme
« Ah, non, peut-être pas », mais là, tu vas l' essayer, je réagis positivement,
116

continue. Puis je l' ai dit à mon partenaire présentement, j ' suis comme « Si
t'essayes quelque chose puis je réagis négativement, arrête puis essaie-le
jamais. Mais si je réagis positivement puis ça, c' est comme je consens là,
comme pas besoin de faire comme "Est-ce que t'aimes ça?", j ' vais te dire "Oui,
continue, là" ». Alors avec les partenaires ouais, ça incite à comme essayer des
nouvelles choses. (Isabelle, 22 ans)

Les participantes ont donc une perception positive de l'exploration sexuelle et de


l' aspect ludique de la sexualité. Bref, l' ensemble de ces cinq aspects en contexte
dyadique manifestant une certaine confiance sexuelle personnelle des participantes
rendue possible et soutenue, entre autres, par une pratique régulière de la
masturbation ont pris part à la cristallisation d' un concept de soi sexuel positif et
déterminent fortement le potentiel d' une sexualité saine et épanouie.
CHAPITRE VI

DISCUSSION

Ce chapitre a comme objectif de discuter les principaux résultats obtenus lors de cette
étude qualitative exploratoire. Ainsi, nous aborderons, au regard des savoirs
empiriques et théoriques issus de la littérature, 1) l' influence du contexte social sur
les perspectives et les représentations de la masturbation féminine, 2) les parcours
d' initiation de la masturbation féminine et leurs conséquences sur la découverte de
soi et 3) les retombées perçues par les participantes de la masturbation sur la sexualité
dyadique et la santé sexuelle. Tout au long de ce chapitre, nous analyserons aussi les
résultats sous un angle théorique, en discutant l' apport de la théorie des scripts
sexuels pour comprendre la masturbation, ainsi que 1' apport des théories féministes
critiques pour comprendre ce geste à la fois privé et politique. Enfin, les implications
pratiques et les limites de cette étude seront présentées et des recommandations pour
les recherches futures seront proposées.

6.1 Le contexte social et les tabous : des messages culturels et des conversations avec
autrui qui modulent les perspectives et les représentations des pratiques
masturbatoires des femmes

Cette première section discute de 1' influence du contexte social sur les perspectives et
les représentations de la masturbation féminine des participantes. Elle traite des
tabous qui émergent du discours et des expériences des participantes et leur influence
sur ces perceptions. De plus, les témoignages suggèrent que ces perceptions à l' égard
de la masturbation féminine agissent sur les comportements, les questionnements,
ainsi que les discussions au sujet de sa pratique.
118

Les participantes ont partagé leurs impressions des perceptions sociétales au sujet de
la masturbation qui font appel aux permissions et aux proscriptions concernant cette
pratique. Selon les participantes, la masturbation est perçue comme soit acceptable,
soit mal vue, soit inexistante ou soit marquée par un double standard sexuel. Deux
participantes font référence à un discours entourant la masturbation qui la perçoit
comme étant acceptable. En revanche, la masturbation des femmes semble encore
taboue pour une proportion importante de femmes, et ce, pour plusieurs raisons. Les
participantes mentionnent que la masturbation est encore mal vue ou non reconnue en
raison de 1' héritage judée-chrétien, de la peur que les hommes ressentent face à cette
pratique, des stéréotypes sexuels, du manque d' éducation ou du manque de
discussion sur le sujet et du double standard sexuel. Selon ces résultats, il semble
rester encore du travail de sensibilisation, d' éducation et de promotion à faire en ce
qui concerne la légitimation de la masturbation puisque l' histoire du phénomène de la
masturbation illustre bien comment les scripts culturels de la pratique ont émergé et
pourquoi la pratique est encore taboue (Bozon et Giami, 1999; Gagnon et Simon,
2005 ; Humbert et Palazzolo, 2009).

L'acceptabilité de la masturbation peut être expliquée par le fait que la pratique n'est
pas surprenante pour des femmes âgées de 18 à 30 ans, car elles sont considérées
comme sexuellement actives, propos relaté aussi par Gerressu et collègues (2008) et
Herbenick et collègues (2010). Il est possible d' avancer que, selon le groupe d'âge, la
masturbation des femmes est considérée comme acceptable puisque les multiples
études à échantillons représentatifs soutiennent que les femmes âgées de 18 à 30 ans
sont sexuellement actives en rapportant des prévalences de masturbation au-dessus de
60% (Bozon, 2008 ; Carvalheira et Leal, 2013 ; Herbenick et coll., 2010; Kraus,
2017).
119

Toutefois, comme mentionné précédemment, la masturbation a été une pratique


sexuelle condamnée pour plus de 200 ans par les instances religieuses et médicales,
ce qui pourrait expliquer pourquoi plusieurs la considèrent encore comme taboue
(Humbert et Palazzolo, 2009; Laqueur, 2003; Stengers et Van Neck, 1998/2001).
D'ailleurs, pour les participantes, l' héritage judéo-chrétien semblait être une raison
majeure pour laquelle la masturbation est encore mal vue. Deux autres explications
nommées par plusieurs participantes pour l'inadmissibilité de la masturbation
féminine ont été les stéréotypes sexuels ainsi que la peur éprouvée par les hommes
envers la pratique. Selon de nombreuses féministes, les rôles et les stéréotypes
sexuels ainsi que la menace de la masturbation féminine à la suprématie masculine
semblent expliquer, en partie, la mauvaise perception envers la pratique (Fahs et
Frank, 2014; Hite, 1976; Koedt, 1970). À cet égard, selon les participantes, la
masturbation semble être encore considérée comme un comportement « masculin »,
c' est-à-dire que les femmes sont encore socialement réprimées pour avoir adopté un
comportement pour lequel les hommes, eux, sont récompensés, constat similaire à
celui fait par Carvalheira et Leal (20 13) dans leur étude au Portugal. Certes, la
masturbation est toujours une pratique genrée, c' est-à-dire qu' elle est composée de
niveaux de stigmas très différents selon le genre, et est donc marquée par un double
standard sexuel, ce qui ne surprend pas puisque plusieurs études mentionnent que le
double standard sexuel serait à 1' origine des perceptions divisées concernant la
masturbation des femmes (Carvalheira et Leal, 2013 ; Kaestle et Allen, 2011; Kraus,
2017; Robbins et coll., 2011). À ce sujet, les féministes ont aussi lutté contre le
double standard sexuel et les stéréotypes sexuels qui contraignent la sexualité des
femmes à une image, une représentation trop étroite (Bowman, 2014; Fahs, 2014;
Fahs et Frank, 2014; Hite, 1976; Koedt, 1970). De plus, comme il est possible
d'entrevoir dans le discours des participantes, les scénarios culturels actuels construits
autour de la sexualité, en général , et des organes génitaux, plus spécifiquement,
aident à proscrire la pratique de la masturbation. Selon les résultats de notre étude, il
est possible de conclure que le double standard sexuel concernant la masturbation
120

serait un symptôme du script culturel qui veut que cette pratique ne soit pas un
comportement acceptable pour les femmes. Ce constat s'appuie sur la théorie de
Simon et Gagnon (1986) qui suggère que les scénarios culturels mandatent les
qualités requises du récit des différents rôles que doit jouer chaque acteur social.

Les participantes ont parlé de divers moments où elles ont entretenu des
conversations marquantes au sujet de la masturbation avec des gens de leur
entourage. Elles ont normalisé ou culpabilisé les pratiques masturbatoires. Parmi ces
conversations avec autrui, il est possible de percevoir des scripts culturels et
interpersonnels émerger.

Premièrement, les participantes ayant vécu des discussions ouvertes et franches au


sujet de la masturbation témoignent de leurs effets positifs sur leurs perceptions de la
pratique. Elles n'ont pas ressenti de jugement et ont pu parler ouvertement des
bienfaits de la masturbation pour elles. Ceci suggère que les scripts interpersonnels
créés entre amies (ou en couple) semblent être plus libéraux et plus ouverts que les
scénarios culturels, comme supportés par Simon et Gagnon (1986), Greene et
Faulkner (2005) ainsi que Masters et collègues (2013).

De plus, les partenaires arnoureu(ses)x sont des personnes à qui les participantes ont
pu se confier et desquelles elles ont appris qu'elles n' étaient pas seules à se
masturber. En effet, pour les participantes, les sources d' information et les lieux de
discussion peuvent venir de plusieurs sources différentes, dont les amies, la fratrie et
le(la) partenaire, propos relaté aussi dans plusieurs études (Bowman, 2014; Kaestle et
Allen, 2011; Kraus, 2017; Smith et coll., 1996). Ces discussions peuvent être des
occasions propices pour développer des attitudes positives à l' égard de sa
masturbation, comme le relève Bowman (2014) , Hogarth et Ingham (2009) ainsi que
Kaestle et Allen (20 11). Certaines participantes ont aussi affirmé que leur partenaire a
121

aidé à augmenter leur aisance face à leurs pratiques mas.t urbatoires, telles qu' exposé
dans · les études de Kaestle et Allen (2011) et de Kraus (2017). D ' ailleurs, les
participantes ont partagé qu'elles entretiennent des discussions positives et
encourageantes à l' égard de la masturbation avec leur partenaire amoureux(ses) ou
sexuel (le), propos semblable à une recherche qui démontre que les couples qui
adhèrent à des attitudes moins traditionnelles envers la sexualité rapportent plus de
dévoilement de soi et de communication dyadique au sujet de la sexualité (Greene et
Faulkner, 2005). D ' autre part, les scripts sexuels sont suggérés par la représentation
de soi de chaque individu et des stratégies interactionnelles précises (Gagnon et
Simon, 2005). Or, ces scripts s' inspirent aussi des scénarios culturels pour des
données normatives ou symboliques (Escoffier, 2007). Par conséquent, les
témoignages des participantes semblent signaler une négociation de leurs perceptions
de la masturbation tout en considérant les messages véhiculés par la société au sujet
de la pratique. Cette négociation semble avoir eu lieu lors des conversations avec
autrui portant sur la masturbation, entre autres. Enfin, comme soulevées dans
plusieurs études, certaines discussions aident les femmes à normaliser la pratique
grâce à l'avis positif d' autrui sur le sujet (Bowman, 2014; Gagnon et Simon, 2005;
Hogarth et lngham, 2009; Kaestle et Allen, 2011).

Deuxièmement, le discours des participantes suggère que le dédain, le tabou et les


préjugés envers la masturbation ont influencé leur capacité et leur volonté : 1) à poser
des questions au sujet de la masturbation, 2) à discuter ouvertement avec autrui à
propos de la pratique et 3) à répondre à un besoin sexuel légitime à l' aide de cette
pratique. Par conséquent, les participantes sont claires : il manque d' espaces où elles
peuvent aller chercher de 1' information, poser des questions ou simplement discuter
de la masturbation féminine . À cet effet, la réalisation de 1' aspect tabou de la
masturbation témoigne d ' un apprentissage des scripts culturels négatifs à l' égard de la
masturbation pour la plupart des participantes de cette étude, propos soutenus par la
122

théorie de Simon et Gagnon (1986). Autrement dit, les participantes confrontées aux
préjugés envers la masturbation féminine ont adapté leur comportement en fonction
de ceux-ci. D'autre part, les non-dits entourant la pratique de la masturbation ont
cultivé chez les participantes des sentiments de honte, de culpabilité et de retenue
envers leur propre sexualité, résultats semblables à ceux rapportés par Carvalheira et
Leal (2013), Hogarth et Ingham (2009) et Kaestle et Allen (2011). Ces sentiments
plus négatifs à 1' égard de la pratique confirment que le tabou de la masturbation
féminine est encore présent aujourd' hui, comme noté dans plusieurs autres études
(Bozon, 2008; Carvalheira et Leal, 2013; Hogarth et Ingham, 2009; Humbert et
Palazzolo, 2009; Kaestle et Allen, 2011 ; Kra us, 20 17). Comme dans 1'étude de
Kaestle et Allen (20 11), quelques parti ci pantes ont aussi attesté que le contexte
familial était considéré comme un endroit où le silence et le tabou sur la masturbation
sont implicites. Par conséquent, le milieu familial pourrait être compris comme un
lieu où les scénarios culturels et les scripts interpersonnels se rencontrent afin de
façonner ce qui est attendu des femmes quant à la pratique de la masturbation. Ainsi,
pour les participantes qui viennent de familles catholiques, par exemple, la
confrontation entre les scripts culturels de cette religion et leurs scripts
interpersonnels et intrapsychiques concernant la masturbation et le plaisir sexuel a
provoqué des sentiments de honte et de culpabilité.

Comme mentionné précédemment, les participantes ont beaucoup réfléchi aux tabous
entourant la masturbation, mais aussi à leurs désirs et leurs besoins sexuels.
Toutefois, après réflexions, les participantes ont pris une décision en faveur du
maintien de leurs pratiques masturbatoires et de l' épanouissement de leur sexualité.
D' ailleurs, dans cette confrontation au tabou de la masturbation, les participantes ont
fait preuve de réflexivité sexuelle, c'est-à-dire 1) qu ' elles ont été capables de
décortiquer et d' analyser les expériences vécues, 2) qu 'elles ont compris leurs
significations et 3) qu ' elles ont pu entrevoir leurs influences potentielles sur leurs
123

comportements futurs (Home et Zimmer-Gembeck, 2005; Jackson et Scott, 2010).


Cette réflexivité sexuelle est primordiale à la construction du soi sexuel et permet de
faire un retour sur les expériences sexuelles vécues (Jackson et Scott, 2010). La prise
de décision des participantes de poursuivre leurs pratiques masturbatoires après avoir
été confrontées à son aspect tabou pourrait être interprétée comme l' action de la
réflexivité sexuelle permettant un retour sur l' importance pour elles d' avoir accès au
plaisir sexuel de la masturbation (Jackson, 2007; Jackson et Scott, 2010). Cela dit, il
est possible de voir qu' au cœur de ces négociations variées, les scripts
intrapsychiques ou le soi sexuel des participantes se construisent par un processus
cognitif impliquant la réflexivité sexuelle et à la fm duquel elles choisissent ou non de
poursuivre leurs pratiques masturbatoires. Elles ont donc continué à se masturber en
dépit des pressions sociales entourant cette pratique. Ceci témoigne que les scénarios
culturels sont toujours négociés à un niveau intrapsychique et que les participantes
font preuve d'une distance critique face à ceux-ci. Les aspects flexibles et négociables
des scripts intrapsychiques et interpersonnels ont permis aux participantes de
développer une sexualité qui est la leur, tout en étant consciente des stigmas
accompagnant leur choix, constat supporté par l' étude de Masters et collègues (2013)
et par la théorie de la construction du soi sexuel de Jackson et Scott (2010).

6.2 La découverte de soi : un processus lié par la masturbation, l'aisance corporelle,


la reconnaissance des désirs sexuels et le plaisir sexuel

Dans cette section, les composantes impliquées dans la découverte de soi des
participantes seront discutées. Les différents aspects et les multiples apprentissages
qui ont mené au déploiement du soi sexuel des participantes seront relatés. Plus
spécifiquement, 1' aisance corporelle, la reconnaissance des désirs et des besoins
124

sexuels et la confiance quant à l' obtention de plaisir sexuel semblent avoir été des
composantes importantes dans leur découverte de soi.

Les participantes expliquent et détaillent leurs premières expériences de


masturbation. Selon la théorie des scripts sexuels de Simon et Gagnon (1986), il est
possible de proposer que les expériences initiales de masturbation semblent avoir aidé
au développement d'une part des scripts intrapsychiques et, par conséquent, des
attitudes positives envers la masturbation des participantes. À l' enfance ou à
l'adolescence, les participantes affirment que cette découverte leur a permis de
connaître et d'apprivoiser leur corps, leurs organes génitaux et leur plaisir sexuel,
comme relaté aussi dans les études de Bowman (2014) et de Fahs et Frank (2014). De
surcroît, la majorité des participantes de cette étude ont appris elles-mêmes à se
masturber et, lors de cette découverte de soi, ont mentionné qu' elles se valorisaient
davantage, propos semblable à ceux trouvés dans l'étude de Smith et collègues
(1996). En somme, la découverte de la masturbation s' est faite de façon positive et
enrichissante, comme pour certaines participantes de l' étude de Hogarth et Ingham
(2009) . Les participantes ont apprécié leurs expériences initiales de masturbation, ont
construit des scripts intrapsychiques positifs entourant la pratique et ont intégré ces
scripts à la construction de leur soi sexuel, comme appuyé par les théories de Simon
et Gagnon (1986) et de Jackson (2007). Lorsqu'elles ont discuté de leur masturbation
à l'adolescence, les participantes ont explicité qu' elles se masturbaient fréquemment,
discours ressemblant à celui tenu par les participantes de l'étude de Carvalheira et
Leal (2013). Les participantes confirment qu'elles en ont beaucoup appris sur leur
capacité orgasmique lors de leurs pratiques masturbatoires à l' adolescence. En effet,
Carvalheira et Leal (2013) concluent que la masturbation à l' adolescence est associée
positivement avec la réponse sexuelle et la capacité à obtenir l' orgasme. D' ailleurs, à
1' adolescence, plusieurs des participantes disent avoir découvert 1' orgasme,
composante très importante de leur sexualité et de leur santé sexuelle. Ceci témoigne
125

aussi d' une certaine confrrmation de leurs scripts intrapsychiques selon lesquels la
masturbation est plaisante et enrichissante personnellement.

Comme dans l'étude de Bowman (2014), il semble que les participantes, en discutant
des techniques utilisées pour se masturber et pour obtenir 1' orgasme, confirment leur
sentiment d' efficacité personnelle, composante aussi trouvée dans le modèle du
concept de soi sexuel de Deutsch et collègues (2014) . De plus, une perception
positive du soi sexuel pourrait faciliter le développement d' un sentiment d' efficacité
personnelle en contexte dyadique (Rostosky et coll., 2008). Les témoignages des
participantes démontrent que leur masturbation a eu un impact sur leur estime de soi
sexuelle, spécifiquement 1' appréciation de leur corps et 1' évaluation positive de leur
sexualité, composante incluse dans le modèle du concept de soi sexuel de Deutsch et
collègues (2014) . D ' autre part, selon les résultats de Smith et collègues (1996), le fait
d' avoir rapporté s' être masturbé a été associé avec un niveau plus élevé d'estime de
soi sexuelle. Enfin, la masturbation est une pratique sexuelle importante à
1' adolescence et est cruciale au développement normal de la sexualité, constat
ressortant de plusieurs études (Hogarth et Ingham, 2009; Kaestle et Allen, 2011 ;
Robbins et coll., 2011 ; Smith et coll., 1996).

Les participantes décrivent comment la masturbation leur a permis de concrétiser le


lien entre le corps sexuel et le plaisir sexuel. L' écoute de leur corps se voit améliorée
par la répétition de différents moments d'excitation sexuelle qui culminent, souvent,
dans la satisfaction d' un besoin sexuel par la masturbation. Cette dynamique
reconnaissance-réponse quant à leurs besoins sexuels a mené à une prise de
conscience et une construction de leur soi sexuel, construction appuyée par la théorie
de Jackson et Scott (20 10). Rappelons que les propos sur les variations de leurs désirs
sexuels, c' est-à-dire quand, cornn1ent et à quelle fréquence ceux-ci se manifestent,
témoignent de cette prise de conscience de leur soi sexuel. À cet égard, retenons que
126

le début de la puberté a provoqué plusieurs nouveautés dans la vie des participantes :


des désirs sexuels, des fantasmes sexuels, ainsi qu'un intérêt sexuel et relationnel
accru pour autrui . La masturbation a été un des moyens adoptés par plusieurs
participantes pour gérer cette nouvelle tension sexuelle. En s'appuyant sur la théorie
des scripts sexuels (Simon et Gagnon, 1986), il est réaliste de faire le lien entre la
satisfaction d'un besoin sexuel par la masturbation et la prise de conscience du soi
sexuel. La séquence d' événements menant à cette prise de conscience, mentionnée
plus haut, est un bon exemple de la manière dont les scripts intrapsychiques positifs à
propos de la masturbation et du plaisir qu'elles en retirent sont construits. En effet,
selon Simon et Gagnon (1986), les scripts intrapsychiques sont conçus à partir des
dialogues internes d' un individu à l'égard de ces comportements. Il est donc possible
d'avancer que les dialogues internes positifs à l'égard de la masturbation des
participantes ont su réorganiser leur réalité pour qu'elles puissent rendre compte de
leurs désirs sexuels et de leurs besoins de se masturber. Certes, quelques auteurs
attestent que la masturbation est un comportement pratiqué souvent et par plusieurs
adolescents et qu ' il est bon pour la santé sexuelle pendant cette période (Claes et
Lannegrand-Willems, 20 14; Tepper et Owens, 2007). Selon les participantes de cette
étude, pour être en bonne santé sexuelle, il a été capital d'être à 1' aise avec les besoins
provoqués par son corps, c'est-à-dire de les accepter, de les affirmer et d' y répondre.
Pour appuyer ces propos, plusieurs études rapportent que la masturbation est une
pratique positive et importante dans le développement de la sexualité des
adolescentes (Carvalheira et Leal, 2013 ; Hogarth et Ingham, 2009; Kaestle et Allen,
2011; Robbins et coll., 2011; Smith et coll., 1996).

Le développement positif du soi sexuel des participantes a été illustré par leurs
discours quant à leurs capacités orgasmiques découvertes à l' aide de la masturbation,
notamment. Ainsi, les participantes ont démontré une confiance en leurs habiletés à
obtenir l' orgasme et ceci atteste que leur sentiment d' efficacité personnelle ainsi que
127

leur estime de soi sexuelle se sont améliorés par 1' entremise de leurs pratiques
masturbatoires, composante incluse dans la conception du soi sexuel de Deutsch et
collègues (2014) . Plusieurs recherches menées auprès d' adolescentes et d' adultes
confirment le discours tenu par nos participantes, soit que le plaisir sexuel et
l' orgasme soient des composantes importantes dans le développement d' un soi sexuel
positif (Bowman, 2014; Carvalheira et Leal, 2013; Deutsch et coll. , 2014; Hensel et
coll. , 2011; Hite, 1976; Hogarth et Ingham, 2009). D'ailleurs, Hensel et collègues
(20 11) constatent que le concept de soi sexuel se renforce avec le développement
psychosexuel des adolescentes, influence leurs expériences et s'accorde à leurs vécus
de sorte à créer un soi sexuel intégré, cohérent et structuré au fil du temps. De plus, le
discours des participantes laisse paraître leur affirmation de soi quant à leur plaisir
sexuel et leur sexualité. Cette affirmation de soi, construite par les expériences
positives de masturbation, a aussi été tricotée dans le soi sexuel des participantes à
l' aide de leur réflexivité sexuelle, comme appuyée par Jackson (2007) ainsi que
Jackson et Scott (2010).

6.3 L' intégration de la masturbation dans la sexualité dyadique : des moments


propices à 1' affirmation de soi

Cette section discute comment les pratiques masturbatoires intégrées dans la sexualité
dyadique ont permis aux participantes de s' affirmer davantage dans un contexte de
relations intimes. Les thèmes de la première relation sexuelle, de la connaissance des
préférences sexuelles, de la capacité à communiquer ses désirs sexuels et de la
volonté à explorer la sexualité dyadique seront discutés.

Les pm1icipantes ont discuté de leur première relation sexuelle, vécue avec
ambivalence par plusieurs à cause du manque de plaisir sexuel. Huit participantes sur
128

onze ont rapporté ne pas avoir obtenu d' orgasme pendant cette première relation
coïtale et elles ne se sont pas masturbées pour y parvenir. Les raisons pour lesquelles
les participantes se sont abstenues de se masturber sont multiples, mais attestent
surtout de la présence d' un coït scripté où la masturbation féminine est absente,
conclusion supportée par la théorie des scripts sexuels de Simon et Gagnon (1986)
qui propose que les scripts culturels agissent comme guide pour les conduites dites
appropriées et inappropriées à chaque rôle. Pour expliquer la retenue des
participantes, une étude plus récente suggère que les attentes des jeunes femmes face
à la première relation sexuelle incluent souvent la présence de douleur et une absence
de plaisir (Tsui et Nicoladis, 2004). De plus, la première relation sexuelle coïtale se
passant souvent dans le silence où peu de communication est favorisée (Mitchell et
Wellings, 1998), il est possible que les participantes n'aient pas eu les expériences
personnelles ou le discours critique nécessaires pour négocier un écart avec les scripts
culturels et interpersonnels du coït, malgré le fait que près de la moitié d'entre elles se
masturbaient déjà à ce moment de leur vie sexuelle. Inversement, les scripts culturels
entourant le coït pourraient s' être traduits en injonction à l' orgasme (Hite, 1976). Or,
les participantes de cette étude n' ont pas mentionné qu'elles se sentaient obligées
d' obtenir un orgasme.

Les résultats obtenus démontrent que l' un des défis dans la vie sexuelle d' une femme
hétérosexuelle semble être d' intégrer son propre plaisir aux scripts de la relation
sexuelle coïtale, propos relaté dans les études de Hite (1976) et de Jackson (2007),.
Quelques participantes partagent avoir mis leur plaisir en deuxième place ou même
de ne pas s' en être soucié lors de leurs relations sexuelles à l' adolescence,
notamment. Il va sans dire que les expériences plus négatives comme celles-ci
expliquent les luttes féministes radicales qui revendiquent le plaisir sexuel féminin et
dénoncent, à la fois, 1' impératif du coït (Hi te, 1976; Koedt, 1970) et 1' invisibilité de la
masturbation féminine (Fahs et Frank, 2014). Pour les participantes, la perception
129

d' avoir le droit de se masturber semble avoir pris du temps à émerger en raison des
scripts sexuels hétérosexuels qui dictent encore les possibles (pénétration phallo-
vaginale) et les interdits (masturbation féminine) lors du coït (Fahs et Frank, 2014;
Hite, 1976; Koedt, 1970). Sans nommer les scripts sexuels du coït directement, les
participantes de cette étude semblent avoir intégré, par le passé, certains de ceux-ci
dans leur conception plus traditionnelle et scriptée de la relation sexuelle coïtale.

Les défis et les obstacles rencontrés par les participantes ont stimulé leurs réflexions
concernant la place que devrait prendre leur plaisir sexuel dans leur sexualité
dyadique. Malgré qu' il semble encore manquer l'importance du plaisir sexuel féminin
dans les scripts sexuels du coït (Simon et Gagnon, 1986), les participantes ont pris
une décision affirmative d' inclure leur plaisir sexuel dans leur sexualité dyadique de
façon plus prioritaire. Elles ont donc continué à se masturber en dépit des pressions
sociales entourant cette pratique. Les participantes possèdent une volonté à se
satisfaire sexuellement et une certaine confiance à être en mesure de le faire,
caractéristiques positives trouvées aussi chez les participantes des études de Bowman
(2014) et de Fahs et Frank (2014). Selon les résultats de l'étude de Fahs et Frank
(2014), la construction de cette volonté affirmative découle en partie d'une réflexion
critique accomplie par les participantes et implique de comparer ces plaisirs sexuels
aux risques de stigmatisation sociale qui accompagne la masturbation féminine .
D' ailleurs, selon l' étude de Home et Zimmer-Gembeck (2005), les participantes qui
avaient déjà eu une relation sexuelle coïtale montraient davantage de réflexivité
sexuelle que les participantes n'ayant aucune expérience sexuelle, coïtale ou non.
Aussi, dans cette même étude, les participantes qui ont rapporté avoir vécu une
réponse orgasmique non coïtale ont rapporté réfléchir davantage aux différents
aspects de leur vie sexuelle (Home et Zimmer-Gembeck, 2005). Cela dit, tout comme
dans l' étude de Home et Zimmer-Gembeck (2005), la plupart des participantes ont
130

vécu des expériences sexuelles non coïtales satisfaisantes qui leur ont fait réfléchir à
la place de la masturbation et du plaisir sexuel dans leur sexualité.

Les participantes ont mentionné que la pratique régulière de la masturbation leur a


permis de découvrir certaines préférences sexuelles qu' elles ont su transposer dans
leur relation sexuelle avec leur partenaire. La connaissance de leur corps et de leur
plaisir sexuel personnel les a rendus aptes à savoir ce qu'elles préfèrent en contexte
dyadique. À ce sujet, Hite (1976) propose que les femmes ayant plus de plaisir sexuel
lors du coït soient celles qui ont appris à transposer leurs connaissances de la pratique
solitaire au contexte dyadique. Autrement dit, en plus de permettre le développement
de leur savoir-faire, la masturbation semble avoir permis aux participantes de
développer des scripts intrapsychiques et interpersonnels quant à leurs préférences
sexuelles personnelles et dyadiques, constat soutenu par la théorie de Simon et
Gagnon (1986). Avec l' aide de la réflexivité sexuelle, elles ont structuré des scripts
intrapsychiques compatibles avec le plaisir sexuel féminin et ont défini leur soi sexuel
selon ces scripts, tel que proposé par Jackson (2007) et Jackson et Scott (2010). Par
ailleurs, la masturbation régulière a fortement contribué à ce que les participantes
s' approprient leur plaisir sexuel. Plusieurs études proposent que la découverte des
préférences sexuelles et l'appropriation du plaisir sexuel mènent à l'amélioration de
l' estime de soi sexuelle et du sentiment d'efficacité personnelle incluant l' assertivité
sexuelle, et ce, jusqu' en contexte dyadique (Coleman, 2002; Deutsch et coll., 2014;
Hite, 1976; Kaestle et Allen, 2011 ; Rostosky et coll., 2008; Santos-Iglesias et coll.,
2013; Smith et coll. , 1996). Ceci se reflète dans ce que nous disent les participantes à
savoir qu'elles ont pris contrôle de leur plaisir sexuel et se donnent le droit de se
masturber en contexte dyadique. Cette affirmation de soi s' illustre aussi lorsqu'elles
détaillent leurs capacités orgasmiques. Elles sont plus assertives quant à l' obtention
de leur satisfaction sexuelle en contexte dyadique et ceci témoigne de la valorisation
et de 1' acceptation de leur soi sexuel.
131

Les participantes mentionnent leur capacité à communiquer leurs désirs et leurs


besoins sexuels en contexte dyadique. Elles se trouvent aussi plus aptes à guider leur
partenaire en contexte de sexualité dyadique vu qu' elles sont davantage en mesure
d' anticiper les sensations de plaisir et de prévoir la réponse de leur corps à ce plaisir,
résultats appuyés par Simon et Gagnon (1986) et Bozon et Giami (1999) qui
proposent que les scripts interpersonnels soient improvisés par les participants
sociaux afin de guider les interactions. De plus, les participantes de cette étude
affirment qu' elles incluent volontiers la masturbation dans leurs relations sexuelles
coïtales, propos relaté aussi par Greene et Faulkner (2005). D' ailleurs, une étude de
Masters et collègues (20 13) suggère que les scripts interpersonnels et intrapsychiques
sont plus flexibles et changent avec le temps et avec l' accumulation d' expériences
sexuelles positives. Il est possible de croire que les participantes ont su changer leurs
scripts interpersonnels et intrapsychiques en ce qui concerne la masturbation pendant
le coït et ainsi l' inclure dans leurs relations sexuelles futures (Simon et Gagnon,
1986; Masters et coll., 2013).

Les participantes affirment que la masturbation a participé à l'augmentation de leur


aisance corporelle et que celle-ci a cultivé, chez elles, la confiance à explorer leur
sexualité dyadique. Elles semblent ouvertes à l' expérimentation sexuelle avec leur
partenaire, caractéristique faisant partie d' un concept de soi sexuel positif (Deutsch et
coll., 20 14; Hensel et coll., 2011 ). La pratique de la masturbation semble avoir incité
les participantes à avoir un plus grand répertoire d' expériences et de compétences
sexuelles qui se sont transposées en contexte dyadique, comme appuyé par de
nombreuses études (Carvalheira et Leal, 2013 ; Gerressu et coll., 2008 ; Shulman et
Home, 2003; Robbins et coll., 2011 ; Smith et coll., 1996).
132

6.4 Implications pratiques

Au-delà de l'apport de cette étude aux connaissances scientifiques, les résultats ont
aussi plusie~s implications au niveau pratique. Tout d'abord, cette étude a su fournir
des connaissances sur lesquelles pourraient s' appuyer les intervenants et les
intervenantes pour développer des outils et des interventions en promotion de la santé
sexuelle. Par exemple, les organismes communautaires qui ciblent le bien-être des
femmes pourraient créer des ateliers de discussions concernant le développement
d'un soi sexuel positif, le plaisir sexuel des femmes ou la pratique de la masturbation.
Plus précisément, pour les femmes et les jeunes femmes, le simple fait d'avoir un
espace où elles peuvent discuter de leurs pratiques masturbatoires et poser des
questions à l' égard de cette pratique semble être souhaité si l' on se fie au discours des
participantes. De plus, le discours des participantes démontre la présence d' un double
standard genré associé à la masturbation. Il pourrait être intéressant de sensibiliser les
adolescent(e)s à cet effet.

Ensuite, cette étude soutient les efforts mis de l' avant par le Ministère de l' Éducation
et de l'Enseignement supérieur dans son projet d' introduire des apprentissages en
éducation à la sexualité pour les enfants et les adolescents du Québec (MEES, 20 15).
Elle fournit des informations supplémentaires sur les pratiques masturbatoires et le
plaisir sexuel des femmes . Spécifiquement, ces infonnations pourraient appuyer les
enseignant(e)s lorsqu ' ils abordent les thèmes de 1' agir sexuel et des pratiques
sexuelles sécuritaires. Bien que cette étude révèle qu' il est primordial de discuter du
plaisir sexuel féminin, il est d' autant plus pertinent de déconstruire les tabous
concernant le plaisir sexuel féminin qui règnent dans la vie sexuelle des femmes. En
effet, un des tabous quant à la sexualité des femmes concerne leurs besoins sexuels et
leur façon de répondre à ceux-ci. La masturbation est une pratique sexuelle saine qui
peut répondre à ces besoins sexuels, il serait donc crucial d'encourager les femmes à
133

l' expérimenter ou, du moins, de les éduquer sur le sujet. D' autre part, lorsqu' il est
question d'éducation à la sexualité, les sections des curricula qui portent sur la
sexualité des femmes devraient toujours inclurent les thèmes du désir sexuel, des
besoins sexuels, du plaisir sexuel et des pratiques masturbatoires. Enfin, plus
d'insistance devrait être mise sur le fait que la masturbation est une alliée dans le
développement d'un soi sexuel positif et d' une sexualité saine pour les femmes.

6.5 Limites de l'étude

Cette section discutera de quelques limites liées à cette étude qualitative. Tout
d'abord, l' objectif de cette recherche était de documenter, à l' aide de l' interaction
entre les scripts sexuels et la réflexivité sexuelle, le développement du soi sexuel des
femmes quant à leurs pratiques masturbatoires et ses liens potentiels sur leur santé
sexuelle. Afin de répondre à cet objectif principal, trois sous-objectifs ont été offerts
et ont été un fil conducteur aux étapes subséquentes de l'étude.

En ce qui concerne la crédibilité des résultats, plusieurs observations ont été colligées
tout au long du processus d' analyse. À cet effet, des rencontres avec des collègues de
la maîtrise ont pu assurer que les liens entre les données empiriques et les
interprétations soient justes et adéquats (Laperrière, 1997). Ainsi, les données
ambigües ont été identifiées et les interprétations sont plus nuancées pour cette raison
(Laperrière, 1997). Par exemple, les participantes, dans leur discours, ont utilisé les
termes « orgasme » et « plaisir sexuel » de manière interchangeable. Nous nous
sommes donc assurées de mentionner la façon dont nous allions traiter de ces notions
dans le chapitre Méthodologie . De plus, les résultats présentés sont issus des données
qui, elles, sont liées aux thèmes par processus d' induction analytique (Deslauriers,
1991 ; Laperrière, 1997). Malgré la complexité du phénomène des pratiques
134

masturbatoires chez les femmes, la chercheure a pris en considération les enJeux


reliés à cette pratique en complétant une recension des écrits approfondie. En
mobilisant des théories critiques féministes, il a été possible de discuter des enjeux
sociaux qui entourent la pratique (Laperrière, 1997).

Ensuite, la non-saturation empirique a affecté en partie la transférabilité des résultats


et a rendu ceux-ci difficilement généralisables (Laperrière, 1997; Pires, 1997). En
d'autres mots, les derniers entretiens apportaient encore de nouvelles informations
quant au phénomène de la masturbation féminine. Malgré cela, la chercheure
principale a décidé de mettre fin à la cueillette de données, faute de ressources
financières et matérielles pour poursuivre. Cependant, la description et l'analyse en
profondeur des données permettent aux résultats d' être « adaptables à l' évolution de
la situation étudiée », ici la masturbation féminine (Laperrière, 1997). De surcroît, les
sujets intimes comme ceux de la masturbation et des relations sexuelles abordés
pendant les entrevues peuvent avoir suscité de la censure de la part des participantes
(Savoie-Zajc, 2009). Ceci réduit aussi la transférabilité des résultats puisque les
participantes ont peut-être omis de dévoiler des informations importantes au sujet de
la masturbation féminine et de leur expérience avec cette pratique. D'un autre côté,
un des enjeux qui pourrait affecter la transférabilité des résultats concerne
l' échantillon de cette étude qui était volontaire (Beaud, 2009). Sept des treize
participantes volontaires ont étudié dans le domaine de la sexologie ou sont
sexologues. Ces participantes avaient visiblement un vocabulaire plus développé pour
parler de leurs pratiques masturbatoires et de leur sexualité. Elles étaient aussi
possiblement plus à l' aise à parler de sexualité. Cette limite peut avoir eu un impact
sur les résultats de cette étude qui devraient être considérés de manière nuancée.
Toutefois, nous avons tenté de pallier à ce biais à l' aide d'un critère d ' exclusion
ajouté lors de la deuxième vague d' entrevues, c' est-à-dire de ne pas avoir étudié en
sexologie ou être sexologue.
135

Enfin, lors dy la thématisation initiale, il y a eu un processus d' accord interjuge afin


de valider les sous-thèmes utilisés par la chercheure principale (Deslauriers, 1991 ;
Laperrière, 1997). Ce processus consiste à procéder à une analyse initiale de la part
de deux chercheur(e)s et d' ensuite comparer les sous-thèmes soulevés afin d' arriver à
un consensus quant aux sous-thèmes attitrés au corpus (Deslauriers, 1991; Laperrière,
1997). À plusieurs reprises lors des différentes étapes de 1' analyse des données, les
résultats de la thématisation et de la hiérarchisation de ces sous-thèmes ont été soumis
à une présentation aux collègues chercheures à la maîtrise ainsi qu' à la direction de
recherche. Ceci a permis d' augmenter la fiabilité des résultats et la cohérence entre
les données et les thèmes centraux (Paillé et Mucchielli, 2003). Aussi, les conclusions
proposées dans cette étude ont été le fruit de plusieurs va-et-vient entre les directions
de recherche et la chercheure principale. En ce sens, ces conclusions ont été préparées
à l' aide de multiples réflexions et sont donc plus nuancées (Laperrière, 1997). Par
exemple, certaines sections des résultats préliminaires ont été écrites sommairement
dans le but d'être présentées à un congrès international. À la suite de ce congrès, les
résultats ont été développés davantage et, ensuite, resserrés et précisés selon les
objectifs de recherche. Ce processus révèle que les conclusions tirées à partir de ces
résultats attestent d'une bonne fiabilité. En fm de compte, malgré les quelques limites
de cette étude, elle présente tout de même des résultats et des conclusions crédibles,
transférables et fiables.

6.6 Recommandations pour les recherches futures

À la lumière de ces limites et des résultats obtenus, rappelons que la richesse du


matériel recueilli dans le cadre de cette étude n' a pas pu être explicitée au maximum
de sa capacité, faute d' espace et de temps . Sur ce point, plusieurs aspects du
136

phénomène de la masturbation féminine sont dignes d' être approfondis et explorés


dans les recherches futures.

Tout d' abord, des études comparatives entre femmes sont nécessaires puisque
quelques groupes de femmes étaient représentés ici et des différences semblaient
émerger entre ces groupes de femmes . Par exemple, les femmes hétérosexuelles
semblaient avoir vécu des expériences différentes dans leur entrée à la sexualité
dyadique en comparaison aux femmes homosexuelles. Il serait donc intéressant
d' explorer l' influence des pratiques masturbatoires sur l' entrée à la sexualité
dyadique des femmes qui ont des relations avec des femmes, en comparaison avec
celles qui ont des relations avec des hommes. Il serait aussi pertinent de comparer
différents groupes de femmes qui se masturbent selon leur orientation sexuelle.
D' ailleurs, plusieurs participantes d' orientation sexuelle différentes ont participé à
cette étude, mais l' analyse des liens potentiels entre leur orientation et leurs pratiques
masturbatoires n'a pas été possible.

De plus, des études comparatives pourraient s' intéresser au phénomène de la


masturbation selon différents groupes d' âge. Une étude comparative pourrait aussi
explorer le vécu de la masturbation entre un échantillon d' adolescentes et un
échantillon d'adultes. De même, l' étude des pratiques masturbatoires des femmes
plus âgées qui ont eu des enfants ou qui sont ménopausées serait pertinente en raison
des lacunes quant aux impacts de la masturbation lors de ces périodes de vies
distinctes.

Enfin, une étude à devis mixte serait désirée en ce sens où un volet quantitatif
comportant des questionnaires psychométriquement validés pourrait mesurer le
concept de soi sexuel des participantes, par exemple. Ceci appuierait davantage la
partie qualitative et approfondirait la compréhension des mécanismes cognitifs entre
137

masturbation et soi sexuel puisqu' il serait possible de voir dans quelle facette
particulière se joue l' influence de la masturbation sur le soi sexuel.
CONCLUSION

Cette recherche qualitative a documenté, à l'aide de l' interaction entre les scripts
sexuels et la réflexivité sexuelle, le développement du soi sexuel des femmes quant à
leurs pratiques masturbatoires et ses liens potentiels sur leur santé sexuelle.

D'abord, les discours des participantes ont mis en lumière le contexte social et les
tabous en ce qui concerne la masturbation féminine. Selon les participantes, les
perceptions entretenues à l'égard de la masturbation ont été qu'elle est acceptable,
mal vue, inexistante et/ou marquée d'un double standard sexuel. Ces perceptions ont
eu un impact sur le vécu expérientiel des femmes qui se masturbent régulièrement
ainsi que les discussions qu'elles ont eues avec autrui sur le sujet. Ces discussions ont
su normaliser ou culpabiliser leurs pratiques masturbatoires. La confrontation aux
tabous entourant la pratique a fait réfléchir les participantes quant aux lacunes
concernant les espaces où elles se sentent libres de poser des questions ou de discuter
à propos de la masturbation, entre autres. Ceci confirme qu' il reste encore du travail à
faire pour promouvoir les discussions au sujet des bienfaits de la masturbation pour
les femmes sur leur soi sexuel et leur santé sexuelle.

En outre, cette étude contribue aux connaissances empiriques lacunaires concernant


les processus en jeu entre les pratiques masturbatoires féminines et la santé sexuelle
en explorant les parcours d' initiation de la masturbation et les conséquences de cette
pratique sur la découverte de soi. D' ailleurs, ces processus ont émergé des histoires
de vie des participantes depuis leur enfance jusqu' à aujourd 'hui . En effet, la
découverte de soi possible par la masturbation féminine révèle un des avantages de la
139

pratique. Par ailleurs, les témoignages des participantes ont illustré comment le
concept de soi sexuel se développe, entre autres, par la pratique régulière de la
masturbation. De même, il a été suggéré que la réflexivité sexuelle permet une
certaine intégration des apprentissages positifs faits lors des pratiques masturbatoires
en permettant la négociation entre les scripts intrapsychiques, les scripts
interpersonnels et les scénarios culturels encadrant la masturbation féminine . À cet
effet, les discours des participantes ont rendu plus clairs les mécanismes par lesquels
elles ont pu cultiver le sentiment de contrôle sur leur corps et leur plaisir sexuel. Par
conséquent, la masturbation pourrait être perçue comme ayant des retombées
positives au niveau de l' autonomisation des femmes .

Enfin, cette étude a permis de faire état des retombées perçues par les participantes de
la masturbation sur la sexualité dyadique et la santé sexuelle. Ainsi, l' intégration de la
masturbation dans la sexualité dyadique par les participantes semble avoir créé des
moments propices à l' affirmation de soi. Lors de leur première relation sexuelle,
plusieurs participantes ont réalisé qu'elles n'avaient pas autant de plaisir sexuel ou
qu'elles ne se préoccupaient pas de leur propre plaisir sexuel. Or, l' un des défis pour
ces participantes hétérosexuelles a été d' intégrer leur plaisir sexuel dans la relation
sexuelle coïtale qui s' avère fortement scriptée. Bien que ceci puisse sembler un
obstacle considérable, les participantes semblent avoir été capables de prioriser leur
plaisir sexuel grâce, entre autres, par la pratique régulière de la masturbation. Cette
pratique semble avoir plusieurs bienfaits pour la sexualité des participantes, soit 1)
une meilleure connaissance de leur corps, 2) de leurs désirs et de leurs besoins
sexuels, 3) une plus grande aisance corporelle, 4) une meilleure capacité à obtenir
l'orgasme et/ou le plaisir sexuel, 5) une meilleure connaissance de leurs préférences
sexuelles en contexte dyadique, 6) une meilleure capacité à communiquer leurs désirs
et leurs besoins sexuels à un(e) partenaire, 7) une volonté à inclure la masturbation
140

dans leurs relations sexuelles et 8) une volonté à essayer de nouvelles expériences


sexuelles en contexte dyadique.

En sommes, ces bienfaits soulevés par les participantes semblent faire partie d ' une
bonne santé sexuelle pour elles. En ce sens, cette étude semble indiquer que la
pratique régulière de la masturbation chez les femmes est un bon moyen pour
développer un soi sexuel positif et ainsi agir de sorte à favoriser une sexualité saine et
épanouie.
ANNEXE A

MODÈLE DU CONCEPT DE SOI SEXUEL PAR DEUTSCH ET COLLÈGUES


(2014)

Exploration/
aventurisme
sexuelle

Comp01tcn1~nts
sexuels
Conduites
sexuelles
Attirance
sexuelle
Précautions ·1
sexuelles
ANNEXEB

TABLEAU DES HUIT DIMENSIONS D' UNE BONNE SANTÉ SEXUELLE SELON LES PARTICIPANTES

Nombre de
participantes qui
Dimensions de la
Défmition de la dimension Extraits nomment la
santé sexuelle
dimension dans
leur discours
Cette dimension réfère au D' avoir la possibilité d' avoir du sexe avec mOI-
fait d' être à l'aise avec sa même ou avec d' autres. (Christina, 28 ans)
1. Le sentiment
sexualité, solitaire ou 11113
d'aisance
dyadique, son corps et ses Pour moi être en bonne santé sexuelle ce serait...
besoins. être bien avec mon corps. (Anna, 28 ans)
C'est d'avoir du plaisir. [ ... ] Moi, j ' le vois un petit
peu, c'est ma définition à moi là, pas d' explorer,
mais, notre corps, j ' le vois comme un terrain de
Cette dimension réfère à jeu, alors, comme c' est ludique un peu comme
2. La capacité à
1' aptitude d' avoir du plaisir perception, mais c' est comme ça que j ' vois ça un 9/13
avoir du plaisir
sexuel. peu. (Isabelle, 22 ans)

De pouvoir avoir du plaisir par la sexualité autant


seul qu' avec quelqu ' un. (Anna, 28 ans)
3. L' absence de Cette dimension réfère au Quand j ' pense à santé sexuelle, j 'pense à santé
troubles fait de ne pas avoir de génitale. Est-ce que t'as des infections ou non, est- 7113
physiologiques troubles physiques tels que ce que t'as des douleurs? J'imagine ça se rapporte
143

des ITSS , des dysfonctions plus au fonctionnement sexuel comme


sexuelles ou des grossesses classiquement défini là. (Karine, 29 ans)
non désirées.
Avoir des pratiques qm sont sécuritaires. Ça
impliquerait la protection, la contraception, si on
veut pas tomber enceinte ou le fait de prendre des
mesures pour pas contracter d' ITSS. (Mélanie, 27
ans)
A voir une sexualité qui est saine, dans le respect,
dans 1' affirmation de soi, dans le respect des limites
Cette dimension réfère à
que ce soit de soi-même ou du partenaire avec qui
4. La capacité à l' aptitude d'écouter son
on est, c' est super important. Y' a des choses qui
respecter ses corps, ses désirs et ses 6/13
semblent normales pour les uns qui ne le sont pas
limites besoins afin de respecter
pour les autres, j ' pense que c' est important de ne
ses limites.
pas outrepasser justement ces limites-là. (Laura, 27
ans)
Etre à l'aise de parler de ça avec d'autres gens au
Cette dimension réfère aux
besoin. (Christina, 28 ans)
5. La capacité à habiletés à communiquer
commuruquer nos désirs et nos besoins 5/13
C'est être à l' aise de dire qu' est-ce que tu veux,
avec autrui avec autrui (partenaire,
qu 'est-ce que tu veux pas, de dire non quand tu
ami(e)s, etc.)
veux pas. (Charlotte, 30 ans)
La santé mentale, si tu prends de la médication, il
Cette dimension réfère à
peut y avoir des choses aussi. J'pense que c'est
l' aptitude de se montrer
juste de s' adapter. De se connaître, dans le fond ,
6. La capacité à flexible face aux différents
d' où la masturbation. (elle rit un peu)( ... ] Ouais, 3/13
s' adapter événements ou problèmes
dans le sens que c' est sur que SI, avec la
qui peuvent survenir en
médication, c' est plus dur avoir un orgasme, par
contexte sexuel.
exemple, ben là, ce serait de te connaître puis de
144

t'adapter avec toi. (Sophie, 24 ans)


Cette dimension réfère au
Mais aussi mentalement donc, par rapport à ta vie
7. L' absence de fait de ne pas avoir de
sexuelle. Si ta v te sexuelle te rapporte de la
troubles troubles psychologique tels 3/13
détresse, alors il y a un problème de santé sexuelle
psychologiques que la dépression, les
quelque part. (Karine, 29 ans)
sentiments de détresse.
La santé sexuelle, j ' pense que ça prend des
relations sexuelles. [ ... ]J'pense que c'est important
Cette dimension réfère au d'avoir une vie de couple, en tout cas, pas une vie
8. La capacité à
fait d'être en couple et de couple, mais, pour moi, j'suis heureuse en
avoir des relations 2113
d' avoir des relations couple. En tout cas, avec quelqu'un qui me connaît,
sexuelles saines
sexuelles saines. qui connaît ce que j ' aime. Ce que j 'avais pas
forcément avec des relations d' un soir, j'trouve que
le sexe est moins intéressant. (Jenny, 23 ans)
APPENDICE A

AFFICHE D'INVITATION À PARTICIPER À L'ÉTUDE

Est-ce que vous .....


• Vous identifiez comme femmes ?
• Êtes âgée entre 18 et 30 ans ?
• Vous masturbez une fois par mois
ou plus?
Si vous avez répondu oui à ces questions et vous voudriez
palfldper à un entretien Individuel et confidentiel.
contactez-moU
Statut d'étudiante non requis
APPENDICEB

GUIDE D' ENTRETIEN

Préambule
Nous allons maintenant commencer l' entretien qm porte sur vos pratiques
masturbatoires et leurs influences sur votre vie sexuelle. Comme je vous l' ai
mentionné plus tôt, il sera enregistré. Certains thèmes vous mettront peut-être mal à
l' aise; sachez qu' il n'est pas obligatoire de répondre à une ou des questions si vous en
n' avez pas envie. Aussi, sachez qu' il n' y a aucune bonne ou mauvaise réponse; nous
souhaitons simplement avoir accès à votre expérience ainsi que vos perceptions.

L' entretien a été divisé en thèmes, c' est-à-dire la masturbation et la société, la santé
sexuelle, la masturbation, les relations sexuelles et les perceptions de votre entourage
immédiat de la masturbation. Par contre, il est parfois possible que certaines
personnes élaborent leur réponse en touchant à plusieurs thèmes en même temps.
C' est le travail du chercheur de réorienter l'entretien, alors n' hésitez surtout pas à
élaborer au besoin.

Questions d'entretien

Thèmes Questions Questions de relances


Masturbation et 1. Comment la société • Les femmes ont-elles
société québécoise d' aujourd' hui droit au plaisir selon la
- Journaux perçoit-elle la masturbation société québécoise
- Médias des femmes de votre âge? d'aujourd' hui?
- Films • Qu'est-ce qu' on pense
- Télévision de la masturbation des
- Littérature femmes?
• Est-ce qu' on en parle? Si
oui, comment c' est
représenté?

Santé sexuelle 2. Selon vous, qu ' est-ce que • Dimensions physiques


Résumé: c' est être en bonne santé (absence de ITSS,
sexuelle? dysfonctions, troubles
sexuels, lubrification,
excitation)
• Dimensions
147

psychologiques (anxiété,
pensées négatives)
• Dimensions
relationnelles (intimité
avec son/sa partenaire,
communication,
satisfaction sexuelle)
• Dimensions légales
(absence de violence
sexuelle, présence de
consentemen!2_
Masturbation 3. Décrivez-moi le mieux • Selon vous, votre
possible votre expérience de masturbation servait à
masturbation la plus lointaine quoi à ce moment-là?
(1 ère).
• Orgasmes (types),
moments, contextes,
4. Décrivez-moi maintenant vos mood différents?
ÀLA FIN DECE pratiques masturbatoires • Selon vous, votre
THÈME: présentes. masturbation sert à quoi
Selon votre aujourd' hui?
définition de la
santé sexuelle, • Parlez-moi de
comment trouvez- 5. Et lors des débuts de votre 1' évolution de vos
vous que vos sexualité à deux, comment pratiques masturbatoires.
pratiques votre masturbation a-t-elle Qu'est-ce qui a changé
masturbatoires y changé? depuis votre
répondent? enfance/adolescence?
Pourquoi?

Relations 6. Lors des débuts de votre • Comment vous sentez-


sexuelles sexualité à deux, comment la vous?
masturbation a été intégrée • Qu' est-ce qui se passe?
dans la relation sexuelle?
- Est-ce que vous vous • Qui fait quoi?
touchez?
- Est-ce que ce toucher est • Comment ça se termine?
nécessaire à votre
orgasme? (Tout le
temps?) • Quelles sont les
- Si non, pourquoi? différences entre ces
(Freins/ contraintes) deux relations?
148

7. Décrivez-moi votre dernière


relation sexuelle. • Quelles sont les
a. Est-ce qu' elle était ressemblances entre ces
satisfaisante pour vous? deux relations?
b. Pourquoi? /Comment?

8. Décrivez-moi maintenant une


relation sexuelle idéale
(gestes clés pour ton plaisir)

Masturbation et 9. Comment la masturbation est • Les femmes ont-elles


entourage perçue dans votre cercle droit au plaisir selon vos
immédiat d' amies (ou collègues de amies, vos collègues,
travail)? votre famille?
• Comment est-ce qu'ils
10. Et dans votre famille? expriment leurs
opinions?
• Pourquoi croyez-vous
que vos opinions sont
différentes/similaires?

- Messages pour les hommes (hétéro) et les femmes en ce qui concerne la


masturbation féminine?
-Passation du questionnaire sur les pratiques masturbatoires (5 minutes)

Remerciements
Je vous remercie beaucoup de votre temps et de votre confiance.

N ' hésitez pas à me contacter si vous pensez avoir oublié de dire quelque chose
d' important ou si vous avez des questions au sujet de la recherche. (Les coordonnées
se retrouveront sur le formulaire de consentement).
APPENDICE C

FORMULAIRE DE CONSENTEMENT

UQÀM Université du Québec


à Montréal
Formulaire de consentement

Vous êtes invité(e) à participer à un projet de recherche. Le présent document vous


renseigne sur les modalités de ce projet de recherche. S'il y a des mots ou des
paragraphes que vous ne comprenez pas, n' hésitez pas à poser des questions. Pour
participer à ce projet de recherche, vous devrez indiquer votre consentement en
signant à la fin de ce document et nous vous en remettrons une copie signée et datée.

Titre du projet

Pratiques masturbatoires féminines et santé sexuelle : une exploration qualitative de


la perspective des femmes

Personnes responsables du projet

Valérie Morin (chercheure); morin. valerie.l4@courrier. uqam.ca

Projet réalisé dans le cadre d'une maîtrise en sexologie, profil recherche-intervention

Directrice du mémoire: Sylvie Lévesque; levesque.sylvie@uqam.ca; (514) 987-3000,


ext. 5816, local W-R430

Co-directrice du mémoire: Julie Lavigne; lavigne.juliecmuqam.ca; (514) 987-3000,


ext. 8206, local W-R330

Objectifs

L'objectif principal de cette recherche est de documenter, à l'aide de l'interaction


entre les scripts sexuels et la réflexivité sexuelle, le développement du soi sexuel des
150

femmes quant à leurs pratiques masturbatoires et ses liens potentiels sur leur santé
sexuelle. Ses sous-objectifs sont : 1) identifier, à partir des témoignages des femmes,
les principaux messages et discours véhiculés sur la masturbation féminine ; 2)
explorer les parcours d' initiation de la masturbation féminine et les conséquences de
cette pratique sur la découverte de soi; et 3) faire état des retombées perçues par les
participantes de la masturbation sur la sexualité dyadique et la santé sexuelle.

Raison et nature de la participation

Votre participation à ce projet consiste à accorder une entrevue individuelle d' environ
une heure et demie. Un local aménagé à l'UQAM est disponible pour la tenue de
celle-ci, selon vos disponibilités. Vous aurez à répondre à des questions sur vos
pratiques masturbatoires, votre sexualité et votre santé sexuelle. Cette entrevue sera
emegistrée sur bande audio à des fins d'analyse.

Avantages pouvant découler de la participation

Votre participation à ce projet de recherche vous permettra de participer à


1' avancement des connaissances scientifiques sur . 1' expérience de la masturbation
féminine. Vous aurez aussi l'avantage de vous exprimer librement sur vos
perceptions par rapport à ce sujet.

Inconvénients et risques pouvant découler de la participation

La participation à cette recherche pourrait vous faire ressentir différentes émotions.


Sinon, votre participation à la recherche ne devrait pas comporter d'inconvénients
significatifs, si ce n' est le fait de donner de votre temps. Vous pourrez demander de
prendre une pause ou de poursuivre 1' entrevue à un autre moment qui vous
conviendra.

Nous vous fournirons une liste de ressources auprès de qui vous pourrez aller
chercher de l' aide puisqu'il se pourrait, lors de l' entrevue, que le fait de parler de
votre expérience vous amène à vivre une situation d' inconfort.

Droit de retrait sans préjudice de la participation

Il est entendu que votre participation à ce projet de recherche est tout à fait volontaire
et que vous restez libre, à tout moment, de mettre fin à votre participation sans avoir à
motiver votre décision ni à subir de préjudice de quelque nature que ce soit.

Confidentialité, partage, surveillance et publications


151

Durant votre participation à ce projet de recherche, la chercheure consignera dans un


dossier de recherche les renseignements vous concernant. Seuls les renseignements
nécessaires à la bonne conduite du projet de recherche seront recueillis. Tous les
renseignements recueillis au cours du projet de recherche demeureront strictement
confidentiels dans les limites prévues par la loi. Afin de préserver votre
confidentialité, la chercheure vous accordera un pseudonyme.

La chercheure utilisera les données à des fms de recherche dans le but de répondre
aux objectifs scientifiques du projet de recherche décrits dans ce formulaire
d'information et de consentement. Les résultats du projet de recherche pourront être
publiés dans des revues scientifiques ou partagées avec d'autres personnes lors de
discussions scientifiques. Aucune publication ou communication scientifique ne
renfermera d'information permettant de vous identifier.

Les données recueillies seront conservées, sous clé, pour une période n' excédant pas
5 ans. Après cette période, les données seront détruites. Aucun renseignement
permettant d' identifier les personnes qui ont participé à l' étude n' apparaîtra dans
aucune documentation. À des fins de surveillance et de contrôle, votre dossier de
recherche pourrait être consulté par une personne mandatée par le Comité d' éthique
de la recherche Lettres et sciences humaines, ou par des orgarusmes
gouvernementaux mandatés par la loi. Toutes ces personnes et ces organismes
adhèrent à une politique de confidentialité.

Résultats de la recherche et publication

Si vous êtes intéressé à recevoir les résultats de la recherche, informez-vous auprès de


la chercheure par courriel (morin .valerie.14@courrier.uqam.ca).

Études ultérieures

Il se peut que les résultats obtenus à la suite de cette étude donnent lieu à une autre
recherche. Dans cette éventualité, autorisez-vous les responsables de ce projet à vous
contacter à nouveau et à vous demander si vous souhaitez participer à cette nouvelle
recherche?

Oui 0 Non 0

Surveillance des aspects éthiques et identification de la coordonnatrice du Comité


d'éthique de la recherche pour les projets étudiants impliquant des êtres humains

Le Comité d' éthique de la recherche pour les projets étudiants impliquant des êtres
hwnains a approuvé ce projet de recherche et en assure le suivi. De plus, il
152

approuvera au préalable toute révision et toute modification apportée au formulaire


d'information et de consentement, ainsi qu'au protocole de recherche. Vous pouvez
parler de tout problème éthique concernant les conditions dans lesquelles se déroule
votre participation à ce projet avec la responsable du projet ou expliquer vos
préoccupations à Mme. Julie Sergent, coordonnatrice du Comité d'éthique de la
recherche pour les projets étudiants impliquant des êtres humains, en communiquant
au numéro suivant: (514) 987-3000, poste 3642.

Consentement libre et éclairé

Je, (nom en caractères


d'imprimerie), déclare avoir lu et/ou compris le présent formulaire et j ' en ai reçu un
exemplaire. Je comprends la nature et le motif de ma participation au projet. J'ai eu
l' occasion de poser des questions auxquelles on a répondu, à ma satisfaction.

Par la présente, j ' accepte librement de participer au projet.

Signature de la participante ou du participant : _ _ _ _ _ __ __ _ _ _ __

Fait à ____________, le _ __ __ _ _ 201

Déclaration de responsabilité de la chercheure de 1' étude

Je, , chercheure de l' étude, déclare que les


directrices de recherche et moi sommes responsables du déroulement du présent
projet de recherche. Nous nous engageons à respecter les obligations énoncées dans
ce document et également à vous informer de tout élément qui serait susceptible de
modifier la nature de votre consentement.

Signature de la chercheure de l'étude : _ _ _ _ __ _ _ _ _ _ _ _ __

Déclaration du responsable de l' obtention du consentement

Je, (en caractères


d' imprimerie), certifie avoir expliqué à la participante ou au participant intéressé(e)
les termes du présent formulaire, avoir répondu aux questions qu'il ou qu'elle m'a
posées à cet égard et lui avoir clairement indiqué qu' il ou qu' elle reste, à tout
moment, libre de mettre un terme à sa participation au projet de recherche décrite ci-
dessus. Je m 'engage à garantir le respect des objectifs de l' étude et à respecter la
confidentialité.
153

Signature : ---------~,;: - -
1
Fait à _ _ _ _ _ __ __ _ _ , e _ _ _ _ __
20 1_ .
APPENDICED

COURT QUESTIONNAIRE

1. Quel âge avez-vous?

2. À quelle fréquence vous masturbez-vous?


a. 1 fois par mois
b. 2 fois par mois
c. 3 fois par mois
d. 1 fois par semaine
e. 2 fois par semaine
f. 3 fois par semaine
g. Autres:

3. Êtes-vous en couple?
Oui o Nono

a. Si oui, habitez-vous ensemble?


Oui Non

4. Êtes-vous sexuellement active (ceci exclut la masturbation)?


Oui o Nono

5. Quelle est votre orientation sexuelle?


a. Hétérosexuelle
b. Homosexuelle
c. Bisexuelle
d. Autres:

6. En général, vos relations sexuelles sont-elles protégées?


Oui o Nono

7. Utilisez-vous des moyens de contraceptions?


155

Oui o Nono

a. Si oui, lesquels?

8. Consommez-vous de la pornographie?
Oui o Nono

a. Si oui, est-ce que c' est pendant votre masturbation?


Ouio Nono

1. Si oui, à quelle fréquence consommez-vous de la pornographie


pendant votre masturbation?

9. Lorsque vous vous masturbez, utilisez-vous des jouets érotiques (vibrateurs,


godemichet, etc.)?
Oui o Nono
156

APPENDICEE

LISTE DE RESSOURCES

Ressources psychologiques de l'UQAM

Services à la vie étudiante de l'UQAM


• Consultation individuelle
Pour prendre rendez-vous pour une consultation individuelle, téléphonez-nous
au 514 987-3185 ou présentez-vous à nos bureaux au local DS-2110 (à droite
à la sortie des ascenseurs).

Ressources pour l'anxiété ou le stress


Association/Troubles de l'Humeur et d'Anxiété du Québec
• http://wwv.r.atag.org/
• 514 251-0083

Phobies-Zéro
• http://www.phobies-zero.gc.ca
• 514 276-3105/1 866 922-0002

Revivre
• http ://www.revivre.org/
• 514 738-4873

En cas d'urgence, présentez-vous ou téléphonez immédiatement à l'un des endroits


suivants.
Centre hospitalier : http: //www.santemontreal.qc.ca/chercher-une-adresse/#hg
• Pour connaître le centre hospitalier de votre quartier : Info-Santé : 811

Suicide Action Montréal : http://w-vvw.suicideacti01m1ontreal.org


• 24 heures/7 jours
• 514 723-4000
Extérieur de Montréal : 1 866- APPELLE

Centres de crise par quartier: http: //www.rccgm.com


Centre-ville
• Le transit : 514 282-7753
157

Sous-région Nord de Montréal


• Iris: 514 388-9233
Sous-région Est
• L'entremise: 514 351-9592
• L'appoint: 514 351-6661
Centre sud-ouest
• Tracom: 514 483-3033
Sud-ouest (Verdun, Lasalle, etc.)
• L'autre maison: 514 768-7225
Ouest de l'île
• Centre de crise de 1' Ouest de 1'île : 514 684-6160
Longueuil
• L'accès : 450 679-8689
Laval
• L' îlot: 450 629-2911

Lignes d' écoute


Centre pour les victimes d'agression sexuelle de Montréal: http://www.cvasm.org
514 934-4504
Les déprimés anonymes: http ://www.deprimesanonymes.org
• Ligne d'écoute de 8 h à minuit
• 514 278-2130
Gai Écoute : http://www.gaiecoute.org
• 514 866-0103
• 1-888-505-1010
Tel-Aide : http://www.telaide.org
• 514935-1101
Tel-Écoute: http://www.tel-ecoute.org
• 514 493-4484
Centre d'écoute et de référence (UQAM): http: //www.ecoute.ugam.ca
• 514987-8509
APPENDICEF

CERTIFICAT ÉTHIQUE

UQÀM 1Comités d'é thique de la recherche


avec des êtres humains

CERTIFICAT D'APPROBATION ÉTHIQUE

Le Cam~é d'étllique de la recnerche pour tes proJ"'S é'!Udiants tmpliquam des êtres hUmains (CER?E 4: sciences ma:nes) a

examiné le projet de recnerche SUivant et l e IIJ9!e contarme aux pratçues ll2lllt'.le!es amsi qu'aux I>Clrl'fl<!S é'l!b(oes r::ar la

Po.•.i~'que No 5 4 sur /'érh.'çue de la recherche avec ces ét:œs 1'/utT!B.I/JS (Jawler 2a1 6) de I'UOAM.

Titre du çroj et: Pratiques m.aslUrtla!ares férmnmes a~ san1é se>M!!!e: '-'"" exp!crat<ln ~
de la perspecllve des femmes

Nam de 1\!tud1ent Var-érie MORIN

Programme d 'etudes : Mal1nse en sexoJoge (ccncentratcn recl:leràle-llilt-etWnllcn)

Direction de recnerdle : 5)•1• e LËVESO.JE

Codirection: Julie tA VIGNE

Modalitès d'application
ToUle moddicatian au protocole de recnerche en caJrS de m&ne que !c<.1 é••étlement cu rense.ognemerrt po<!Van! aEeaBf

11ntégrité de la recherche doivent être communqJi!s rapidefl'.Eflt au comi:é.

La suspension ou la ŒS.Sabon du prctoœle. tempaai•e cu dé · 1h'B. doit étre commuruquêe comi".é C!a...s les r:;;~

délais.

Le préaent certificat eort valld~t pour un" dunl<t d 'un an à partir de lad- d'émlulon, Au terme de ce délai. ~

d'avancement de projet doit être saums au oomité, en g<Jise de ra;>PO't final ,., le prqe! est rëa!tsé €fi moins d'un M .. e! en guose
de rapport annuel pour le Pf01<!1 se pootsuivanl sur plus. d 'une année. Dan s. ce dernier cas. l e rappctt a<1f1Uei. pem>l'l!l'il au

oomité de se prononcer sur Je renawelement du cet'!lflcat d'awrocatton étlliqu.e.

Thérèse Sauftard
Pré Sldente du CEAPE 4 : Fawlté des sciences humaines
Professeure. Oèparœment de psydlologie
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