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VOUS ÊTES CAPABLE

L’ULTIME THÉRAPIE POUR VOUS LIBÉRER DE


VOTRE CULPABILITÉ ET ATTEINDRE VOS
OBJECTIFS DE VIE

CANDICE PEYRAC ROZIERES


Copyright © 2022 by Candice Peyrac Rozieres

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d’auteur.
À ma fille, que j’entends dans la pièce d’à côté m’appeler maman pour la
première fois. Hier, tu avais besoin de moi pour manger, pour marcher, pour
apprendre. Aujourd’hui, à l’heure où tu me lis, ce que j’aimerai c’est que tu
sois fière d’être ma fille et que je sois celle qui t’accompagne et te guide pour
devenir une merveilleuse adulte. Rien que de penser à cela, mon coeur se
remplit du même bonheur qu’il s’est rempli lorsque tu es née.

À toi Daniel, qui a pris mon coeur, je t’aime.

À vous mes parents et ma sœur, nous ne formons qu’un à l’infini.

Et à toute ma famille, parce que j’en ai qu’une et pour rien au monde je ne


l’échangerai contre une autre.
TABLE DES MATIÈRES

Introduction vii
Confidentialité ix

PARTIE I
LÀ OÙ TOUT COMMENCE
1. Coupable d’être abandonnée 3
2. Coupable d’être la seule 6
3. Coupable d’être différente 9
4. Coupable d’être rejetée 12
5. Coupable d’être imparfaite 17
6. Coupable d’être égoïste 22

PARTIE II
LÀ OÙ TOUT BASCULE
7. Responsable d’aimer 27
8. Responsable de ce qui est arrivé 30
9. Responsable du pire 34
10. Responsable de mon enfermement 37
11. Responsable de ma folie 42
12. Responsable de ma rencontre 44

PARTIE III
LÀ OÙ TOUT S’ENCHAÎNE
13. Apte à tomber amoureuse 53
14. Apte à la rechute 56
15. Apte à être trahie 59
16. Apte à pardonner 62
17. Apte à rebondir 65

PARTIE IV
LÀ OÙ TOUT PREND VIE
18. Capable de mieux pour moi-même 71
19. Capable d’entreprendre 75
20. Capable d’être maman 78
21. Capable de décider 82
22. Capable de créer 85
Conclusion 89
Avant de terminer… 93
Remerciements 95
INTRODUCTION

Je suis d’avis qu’il n’est pas possible de faire disparaître ses douleurs et
encore moins les plus profondes. Tous ceux qui affirment le contraire
n’ont probablement pas vécu ce que vous avez vécu. La peine, quelle
qu’elle soit, ne s’atténue à aucun moment. On tente tant bien que mal
de l’ignorer, de la ranger dans une petite boîte déjà bien trop remplie,
et on nie son existence. Pourtant elle est toujours là, à resurgir dans les
pires moments, là où on s’y attend le moins, pour nous faire souffrir
encore et encore. Comme un de ces putains de cafards qui nous colle à
la peau. Néanmoins il existe des leviers et des moyens pour vivre plei-
nement votre vie malgré ça. Pas de pilule magique ni de recettes
miracles, mais des prises de conscience, écouter son intuition et repérer
les schémas que nous répétons en boucle. Les possibilités sont infinies,
quand c’est pour transformer votre vie et apprendre à savourer chaque
instant de votre existence.

Je m’appelle Candice et à l’heure où j’écris ces lignes j’ai 27 ans, je suis


maman d’une petite fille de 10 mois, je suis entrepreneuse et future
mariée édition septembre 2022. Je vis partout et très prochainement, au
Portugal, même si mon pied-à-terre ainsi que les personnes qui me
sont les plus chers se trouvent en Aveyron, dans la ville de Rodez.

vii
Vous vous demandez peut-être ce que je peux avoir à raconter à cet
âge-là, et pourquoi j’écris déjà les récits de ma vie. J’ai traversé des
choses que même un homme de 100 ans n’a probablement jamais
vécues. Des passages très sombres que je ne souhaite à personne et des
traumatismes, de ma naissance jusqu’à la femme que je suis aujourd’-
hui. Si certains avaient pu rendre ma vie déjà assez douloureuse,
d’autres ont été beaucoup plus violents et m’ont amené jusqu’à mettre
fin à ma propre existence.

Et c’est parce qu’aujourd’hui je me suis reconstruis, et parce que je suis


épanouie tant dans ma vie personnelle que professionnelle que je suis
capable de me mettre à nu face à vous et de vous apposer ici toute ma
vulnérabilité.

Dans ce livre, vous allez découvrir les situations que j’ai vécues de
manière chronologique, il y aura des chapitres où je serai rapide,
synthétique, ça va aller vite. D’autres, où j’ai eu besoin de poser les
choses, telles quelles. Brutes. Parce que ma version imprimée doit être
celle que j’ai en moi dans la tête. À chaque coup de poing, coup de
cœur, coup de gueule, j’y exprime quels sont les leçons et apprentis-
sages que j’en ai tirés. Ce sont autant de moments singuliers que totale-
ment obscurs qui font ma vie et sûrement la vôtre aussi.

Qui sait, peut-être que des souvenirs remonteront à la surface pour


vous aussi ? Parce qu’il y a des trucs qu’on assume et d’autres non, des
choses que l’on sait trop bien et d’autres que nous avons enfouis. Mais
qu’importe, quoi qu’il en soit, on ne peut pas revenir en arrière. Votre
passé est égal à la somme d’une série de décisions antérieures. Mainte-
nant il n’y a pas à avoir de « culpabilité », même si vous avez mal,
encore une fois, la douleur que vous ressentez ne se sauvera pas, elle ne
s’échappera même jamais. Mais, vous verrez très bientôt que si moi j’ai
été capable, vous l’êtes tout autant pour accomplir tout ce que vous
désirez pour votre propre vie.

viii
Les prénoms de certaines personnes citées dans ce livre ont été modifiés.
PARTIE I

LÀ OÙ TOUT COMMENCE
1

COUPABLE D’ÊTRE ABANDONNÉE

Dans un coin perdu de l’Aveyron, en 1994 un couple attend avec


impatience l’arrivée de leur premier enfant.

Il y eu plusieurs tentatives, difficiles d’ailleurs, mais cette fois c’est la


bonne ! Il arrive ! La chambre est prête depuis longtemps et le rêve de
construire enfin une vie à trois est sur le point de se réaliser. Ce sera
une fille et elle s’appellera Cécile.

La grossesse est compliquée, la maman est anxieuse et les futurs


parents sont de plus en plus impatients. Mais ce jour-là, rien ne se
passe comme prévu. Le couple rentre à la maison, avec leur petite
valise, le cœur brisé et sans leur fille.

Ils ont le choix : se séparer ou rester ensemble. Abandonner ou se


battre. Survivre ou réapprendre à vivre. Et... Dans ce livre, vous
comprendrez très vite que l’amour triomphe : toujours.

À l’autre bout du monde un nourrisson se voit être déposé sur les


marches d’un orphelinat à Saigon. Enroulé d’une écharpe, dans un
ancien chapeau conique vietnamien. Il n’y a rien ni personne autour,
des chiens aboient, des gardes sortent et récupèrent le nouveau-né. Il
est changé, et enveloppé de baume du tigre.

3
La directrice de l’orphelinat lui donne un prénom, Thi Van qui veut
dire « petit nuage » : c’est une fille ! Et cette fille c’est moi. J’ai une
semaine, je suis une crevette, frêle, pâle, mais très vite je m’acclimate à
mon nouvel environnement. Les conditions d’hygiène ne sont pas
simples, on se partage les biberons et la pauvreté est extrêmement
présente.

Tandis que le couple se reconstruit, jour après jour, semaine après


semaine, dans un quotidien pesant mais rempli d’espoir ; ils ne se
laissent pas abattre.

Le couple fait depuis des années en parallèle des démarches pour


adopter un enfant.

Le 6 octobre 1994, un matin semblable aux autres, le facteur passe et


apporte le courrier. Ce jour là, dans le paquet de publicités, s’y trouve
une enveloppe qui semble avoir fait un long voyage. À l’intérieur, il y a
une minuscule photo d’un bébé aux yeux bridés ainsi qu’une lettre
disant simplement : Venez vite ! Elle vous attend !

Une de leur cousine est bénévole dans un orphelinat, elle réussit à les
contacter à temps. Le couple est dans tous ses états, les émotions s’en-
tremêlent et tout s’accélère : des billets d’avion, une valise, quelques
habits d’été et c’est parti !

Ils atterrissent en terre inconnue, rien ne leur est familier et pourtant


c’est le pays de leur fille alors ils sont à la maison. Prêts à tout pour
elle. Il fait chaud, humide, il s’est passé une journée entière de voyage,
mais tout cela importe peu : c’est le jour de la découverte de leur fille.
Le jour de la rencontre. Va-t-elle les aimer ? Est-ce qu’elle va vouloir
d’eux ? Réussira-t-elle à être heureuse dans un autre pays que le sien ?
Tant de questions sans réponse pour ce couple, mais rien ne les arrête,
le chagrin des derniers mois a disparu, eux qui ont tant souffert, tout
ceci est oublié. La joie, l’espoir, l’excitation, voilà les émotions qui
planent. C’est leur moment ! Elle a un mois. Elle est rouge, a la gale et
est sous-alimentée. Peut-être était-ce pour toutes ces raisons qu’elle a
été abandonnée ?

Tous les matins, il faut remplir des documents, faire des signatures et
patienter jusqu’à ce que le Vietnam tout entier décide de son départ

4
vers un nouveau pays : les futurs parents doivent faire preuve de
patience.

Un jour, une des sœurs religieuses de l’orphelinat tombe malade. Elle


est très faible, son diagnostic vital est en danger.

Le couple revenant d’un périple à Lourdes, avait dans leur valise une
petite bouteille d’eau bénite. Ils expliquent aux sœurs que cette eau est
bénie et qu’elle peut la guérir. Aussitôt dit aussitôt fait : le lendemain la
sœur religieuse est en pleine forme.

Un miracle pour certains, une coïncidence pour d’autres, mais j’ai


envie de croire au destin : pour les remercier de leur bonne action...
L’orphelinat fait accélérer le dossier d’adoption.

Jusqu’au jour où l’orphelinat accepte qu’ils la prennent avec eux.

« Thi Van » c’est joli. Mais les nouveaux parents souhaitent lui offrir un
second prénom. Un prénom signifiant la pureté : « Elle va s’appeler
Candice - Marie - Van »

Et... ME VOILÀ ! Je vais avoir une maman et un papa sur qui compter
à tout jamais. Ce n’est pas ma vie qui est sauvée ce jour-là, mais bien
trois. J’ai deux mois à cette époque et je rentre à la maison.

Le séjour touche à sa fin, c’est le départ. Claudie et Jean-Paul sont rede-


venus deux individus heureux. Il fallait juste y croire. Nous quittons
Elisabeth, la cousine de mon père qui a rendu possible l’impossible.
Elle devient ma marraine. Vol pour Paris, je suis à leurs côtés, je vais
bientôt rencontrer tous les habitants du village. Rencontrer toute MA
famille, et tous leurs amis : je suis tant attendue. Cela sera l’événement
de l’année dans cette petite campagne. Que cela plaise ou non, que les
gens donnent leurs avis ou pas, j’arrive et mes parents feront tout pour
que je me sente comme chez moi.

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2

COUPABLE D’ÊTRE LA SEULE

Les premières années de notre vie, on ne s’en souvient pas vraiment.


On nous les raconte, mais nous, on ne s’en rappelle pas. Pour moi, ce
n’est que lorsque j’ai 4-5 ans que mes premiers souvenirs apparaissent.

Mais avant cela, en octobre 1996, j’annonce à tous ceux voulant bien
l’entendre : « Ze pars avec papa et maman en Colombie chercher ma
nouvelle et future petite sœur ! ».

Et le 10 novembre mes parents deviennent parents pour la seconde


fois, j’ai deux ans et nous rencontrons à Popayan ma petite sœur qui
elle a trois mois. Elle s’appelle « Lucero », mais comme pour moi, mes
parents lui donnent un prénom : Raphaëlle. La famille est désormais
au complet, nous rentrons à la maison.

Les années passent, ma sœur et moi-même on s’aime et on se chamaille


comme deux sœurs. Chacune de nous a sa propre histoire et on se
soutient pour ça aussi. Nous comprenons rapidement que « quand on
a été adopté cela signifie aussi qu’on a été abandonné ». Mais ce n’est
pas grave, parce que papa et maman sont là et c’est eux nos parents.
Les meilleurs parents du monde.

Ma maman est très présente, nous sommes entourées de beaucoup


d’amour ma soeur et moi. Elle gère tout à la maison et on ne s’ennuie

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jamais. Mon père, lui, est souvent absent : réunions, représentations,
discours politiques font partie intégrante de son quotidien. Mais à
chaque fois qu’il est de retour, il fait bien plus que son rôle de papa. On
se confie à lui, on a des petits cadeaux et il nous fait rire.

Raphaëlle, quand à elle, c’est une petite fille rigolote, un peu boudeuse
qui a des frisettes. Elle est assez pâle, et plutôt mâte l’été, comme tous
les Français. Elle a les yeux bruns comme maman, et l’humour de
papa. C’est un petit clown qu’on a toujours envie de câliner. C’est aussi
une petite fille qui n’est pas regardée comme étant une étrangère. Elle
n’a pas l’air d’avoir été adoptée, ça ne se voit pas.

Moi, à l’âge de 5 ans, je me regarde dans un miroir et je sais. Je vois, je


comprends. Même si mes parents me l’ont toujours dit et répété ; je
conscientise ce jour dans la salle de bain. Je n’ai pas de jugement sur
mon reflet, je ne me dis pas que je suis jolie, ou laide, ni trop maigre ou
trop enveloppée, juste, je remarque mes différences et je suis déçue de
ne rien pouvoir y changer.

Mais pourquoi ma sœur, elle, on ne remarque rien ? Pourquoi quand


nous sommes quatre j’ai toujours cette impression d’être la seule à ne
pas faire vraiment partie du tableau ? Pourquoi tous se ressemblent,
sauf moi ? C’est étonnant comme quand nous sommes enfants nos
questions sont extrêmement puissantes et pourtant 100% innocentes.

Je me rappelle aussi l’histoire du vilain petit canard que ma mère me


racontait. Qui un jour se contraint, à cause de son physique différent,
de quitter sa famille et de partir loin. En chemin il rencontre de
nombreuses personnes, qui ne l’acceptent pas non plus. Il est toujours
le seul à être différent. Jusqu’au jour où il est ébloui par la beauté des
cygnes, il décide d’aller vers eux, et réalise en se mirant dans l’eau,
qu’il n’est autre que lui aussi, un magnifique cygne. Combien de fois,
quand maman nous emmène en ville, et que nous croisons des
personnes asiatiques, je suis obsédée par une seule pensée : je suis
comme eux, c’est donc eux ma famille. Ma mère, mon père ou l’un de
mes frères et sœurs. Je me persuade que c’est parce qu’ils veulent
veiller sur moi en secret, voilà pourquoi ils ne viennent pas directe-
ment me parler.

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J’y crois peut-être parce qu’à un moment je le veux terriblement, je ne
veux plus me sentir seule, puis ensuite j’abandonne l’idée. Parce que
j’ai compris que mes parents ne me cherchent pas, ils sont déjà près de
moi. Que ma famille, c’est celle qui m’a choisi, pas celle qui n’ose pas
venir vers moi. Alors qu’importe ? Peu importe comment cela
commence, le plus important ce n’est pas comment vous êtes arrivés
au monde, mais plutôt avec qui vous le partagez.

Toutefois, cela ne m’empêche pas, de me poser mille et une questions.


Chaque année, j’ai mon lot de questions qui va avec mon âge. À cinq
ans c’est : est-ce que mes parents sont des rois et des reines ? À six ans :
est-ce que j’ai des frères et sœurs ? Est-ce que mes parents viennent me
visiter en cachette de temps en temps ? Puis à sept ans c’est : est-ce que
je leur ressemble ? Pourquoi est-ce qu’ils m’ont abandonné ? Est-ce
qu’ils pensent à moi aujourd’hui ? Suis-je la seule à penser à nous ?

Chaque soir avant de m’endormir, je songe à ce que serait ma vie si je


n’avais pas été abandonnée. Comment est-ce que je vivrais ma vie si je
ne me sentais plus seule ? Chaque soir j’imagine une histoire diffé-
rente, parfois délirante, parfois tragique et d’autres fois totalement
incroyable. Très jeune, je réfléchis à des questions existentielles. Mais
j’enfouis tout ça parce que ma famille m’aime et à côté le reste n’est
rien. Je m’endors en pensant à mes parents, ma sœur et mes quatre
merveilleux grands-parents qui comptent tant pour moi. Le paradis,
c’est eux.

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3

COUPABLE D’ÊTRE DIFFÉRENTE

À l’école, c’est trop bien, je me retrouve dans la classe de quatre


garçons. Nous grandissons ensemble, jouons dans la cour de récréation
comme si le monde nous appartenait. Ces quatre garçons sont mes
meilleurs amis : Brice, Luc, Denis et Paul. Comme vous le savez, déjà
au primaire il y a souvent une personne moins sympa que les autres
avec vous. Ici, on va lui donner le prénom de « X ». Je crois même qu’a
plusieurs reprises, ma petite sœur prend ma défense. Elle n’a que 7
ans, mais c’est elle qui me chaperonne. Chaque jour il y a des gestes
peu sympathiques à mon égard et plusieurs fois elle dépasse les
bornes. Une de ces fois là X me dit mot pour mot : « j’ai une cinquan-
taine de brebis blanches et une seule brebis : noire. La noire, mes
parents et moi on l’a appelé Candice. Parce qu’elle est comme toi, diffé-
rente et toi tu es une étrangère. » Cela n’a l’air de rien, mais dans ce
petit village d’à peine 400 habitants, une Vietnamienne ce n’est pas
dans la nature des choses. Quand je rentre à la maison, et que je
raconte ma journée à mes parents, je vois dans leurs yeux que ce n’est
pas une bonne nouvelle que je viens de leur annoncer. C’est enfin ici,
que j’ai ma première véritable conversation sérieuse avec des mots
d’enfants, sur le racisme et les différences. Ou du moins la première
dont je me rappelle. Je comprends presque tout. Je comprends surtout

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que X n’a pas nommé sa brebis Candice parce qu’elle m’aime bien et
que je dois éviter d’aller lui parler pour le moment.

Mon maître d’école remarque lui aussi ce qu’il se passe : il ne peut


laisser passer cela. Il ne le veut pas. Alors un matin, il nous rassemble
tous, les élèves et nous fait apprendre la chanson Lily de Pierre Perret.

Si vous ne la connaissez pas, je vous invite à l’écouter calmement, et à


vous imaginer vivre la scène qui va suivre. Si vous la connaissez déjà,
écoutez-là à nouveau, peut-être y trouverez-vous de nouvelles choses.

Nous la chantons devant tous les parents un soir de fête d’école. C’est
un hymne à la paix, à la résilience, là pour expliquer à de grands
enfants ce que cela signifie d’être rejeté, d’être jugé par sa couleur de
peau ou toutes distinctions physiques ou morales. C’est lorsque mes
parents me le racontent à nouveau à mes 10 ans, puis à mes 15 ans que
je comprends véritablement. Que je saisis tout. Je me souviens alors de
mon maître d’école, et je me sens chanceuse à ce moment-là, de l’avoir
eu comme professeur.

Parce qu’avec une idée, un geste, une chanson, il m’a appris probable-
ment bien plus que tous mes livres de cours confondus. Comment
accueillir en toutes circonstances, pourquoi être indulgente et bien-
veillante. Continuer à avoir de l’espoir pour l’humain et à croire aux
autres. À voir le vrai visage sous le masque. Il a planté une graine en
moi et aujourd’hui je suis fière de transmettre à mon tour ces ensei-
gnements.

Pour avoir beaucoup échangé sur le sujet de l’école, avec toutes sortes
de personnes, je me suis rendue compte que la majorité d’entre elles
ont vécu des traumatismes. Ou ont fait subir des peines à d’autres
enfants. Nous ne le savons pas à cet âge-là, mais 10 ans après, même 20
ans plus tard, ces enfants devenus des adultes gardent tous ces
mauvais souvenirs en eux, ils ont même vécu la plupart du temps
toute leur vie en fonction des peurs qu’ils avaient et des jugements
qu’ils ont reçus.

Si vous pouviez revenir en arrière, feriez-vous certaines choses diffé-


remment ?

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Le passé est passé, en revanche désormais vous pouvez encore
demander pardon, ou vous pardonnez.

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4

COUPABLE D’ÊTRE REJETÉE

Après l’école primaire, il y a : le collège, et... rien que ce mot est :


terrifiant. Qui n’a pas d’histoire à raconter concernant ses années de
collège ? Il y a tout plein d’élèves. Je ne connais quasi personne et
apparemment tout le monde se connaît ! Voilà qui n’est pas rassurant.
Non, il y a Luc, mon ami qui me fait toujours rire. Mais voilà, il
rencontre peu à peu d’autres personnes, les garçons de notre classe. Je
me sens toujours et encore différente alors je suis facilement vulné-
rable. Il suffit de quelques histoires entre camarades, d’un « non » à un
garçon, pour que très vite je devienne la cible facile à toutes attaques.
Je me souviens notamment en classe de technologie où les élèves
s’amusent à me faire tomber ma trousse, à m’envoyer des mots gros-
siers, à me faire la ronde sous le préau chantant des chansons affreuses
sur moi. Ce n’est pas facile, mais ma seule amie, Meghann, me
soutient. En rentrant chez moi, il faut faire bonne figure devant les
parents. Je me le promets. Ils ne doivent surtout pas s’en rendre
compte, je les aime trop pour les faire s’inquiéter. Et ma sœur c’est ma
petite sœur alors je ne lui en parle pas non plus. C’est lors d’une
réunion parents professeurs, que la directrice demande à ma maman
de s’entretenir avec elle. Je reste dehors et attends avec impatience son
retour.

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Pendant ce temps, je m’amuse à penser à tous les scénarios possibles :
j’ai fait une bêtise, je n’ai pas eu une bonne note au dernier contrôle, je
vais peut-être être renvoyée... puis je vois ma mère descendre les esca-
liers à vitesse grand V.

Elle finit par me dire : « on va parler sur le chemin du retour ».

Une fois dans la voiture, elle tourne les clés, mais ne démarre pas. Elle
mets ses mains sur son visage et se met à pleurer.

Je stresse, je la questionne : qu’est-ce que j’ai fait ?

Ma mère me dit :

— Pourquoi tu ne m’as rien dit ? Pourquoi est-ce que tu ne t’ai pas


confié à ton père et moi ? J’ai eu honte !

Moi, toujours dans une incompréhension totale, j’attends que ma mère


m’explique.

— La directrice m’a dit que tu n’étais pas intégrée, que tu étais triste à
l’école et que tu te faisais embêter. Que les élèves n’étaient pas faciles
avec toi. Pourquoi tu ne me l’as pas dit ?

— Mais maman... je n’en sais rien... ce n’est pas grave en fait tu sais !

Je ne voulais tout simplement pas que mes parents soient malheureux


pour moi et puis, bon, finalement à 17h30 j’étais à la maison en train de
goûter, donc ce n’était pas non plus la mer à boire. Pas de quoi drama-
tiser, je savais qu’en rentrant je retrouvais mes chats, ma maison et ma
campagne. La discussion avec ma mère fut brève, je lui ai dit que je ne
voulais pas qu’ils s’inquiètent, on a fini par rire de la situation et on
s’est promis de tout se dire à partir de ce jour-là.

Les jeunes c’est comme ça, on fait des choses et on dit des choses sans
réellement songer aux conséquences de nos actes. On trouve des
excuses, mais une fois adulte, personne n’est réellement fier d’avoir été
« méchant » avec ses camarades de classe. C’est des choses qu’on fait,
comme ça, sur le moment sans y réfléchir sérieusement. Mais il est
malgré tout important d’être vigilants, parce que même si nous
sommes des enfants, nous avons beaucoup de lucidité et sommes
capables de paraître forts et indifférents alors qu’à l’intérieur nous

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souffrons. Cela laisse de véritables séquelles dans nos vies et à tout
jamais.

Après cela, après avoir reçu de nombreuses remarques sur qui je suis,
je rejette moi-même mes propres origines. Dès que j’aperçois une autre
personne asiatique, je change de trottoir par peur du regard des autres.
Du jugement. Trop peur que l’on nous voit comme une communauté.
Je prends l’habitude de m’enlever 10 points de valeur, vis-à-vis de tous
les autres humains qui m’entourent.

Peu à peu, au collège les relations s’apaisent, je parviens à me faire


accepter, je suis même invitée à un anniversaire ! D’un garçon de ma
classe qui fait l’annonce le lundi matin à la rentrée. Je suis heureuse. Je
me demande déjà comment je vais m’habiller, je sais que je n’aurai pas
de problème pour demander la permission parce que la seule chose
que souhaitent mes parents à cette époque c’est que j’ai des amis et que
je sois épanouie. Cet événement est un samedi, mais le vendredi, il
vient me voir dans la cour et m’annonce que finalement je ne peux plus
venir. Je ne comprends pas.

— Je ne suis plus invitée ?

— Non Candice, je ne peux pas t’inviter, mais ce n’est pas moi, c’est ma
mère... Elle ne veut pas que tu sois là.

— Mais elle ne me connait même pas ? Pourquoi elle ne veut pas ?

— Je suis désolée, tu ne peux pas venir et ça me saoule.

Le soir en rentrant, mes parents me demandent :

— Tu n’as pas un anniversaire ce week-end ?

— Non non, il a été annulé finalement... pas grave, je ne voulais pas y


aller de toute façon !

Et là ? Comment vous dire ? La déception, le sentiment d’injustice que


j’ai ressenti.

Il s’est avéré que sa maman est raciste et ne veut pas de moi chez elle.
Je n’ai aucune colère, je n’en ai jamais eu. Mais je suis dégoutée,
dégoûtée d’être moi et d’être sans cesse rejetée par les autres. Je le vis

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injustement. Aujourd’hui, je comprends l’adage, et j’ai de la compas-
sion pour ces êtres fermés d’esprit. Ils zappent tant de choses !

À ce moment-là, je crois bien que je me focalise sur ma famille et en


l’amour que je reçois d’elle. Parce que je sais qu’elle, elle ne m’aban-
donnera pas.

Un autre soir, lors d’un repas entre nous, ma sœur veut nous annoncer
quelque chose :

— Maman, Papa, Candice, j’aimerais trouver et rencontrer ma famille


biologique.

Nos parents s’étaient préparés à ce moment, alors comme toujours ils


gèrent cela à la perfection. Quelques semaines plus tard, nous voilà
dans l’avion, direction la Colombie. Nous engageons un détective
privé, qui, en une dizaine de jours, trouve l’adresse. Ma sœur n'est plus
qu’à quelques km de sa famille. C’est incroyable ! Je stresse pour elle,
nous stressons pour elle. Nous sommes heureux, mais à la fois un peu
malheureux. Lorsque nous rencontrons sa famille, la grand-mère de
ma sœur, « abuela », me dit : No tengo une nieta, tengo dos ! » cela
signifie : je n’ai pas une petite-fille j’en ai deux.

Elle me donne tant d’amour, mais étrangement j’ai du mal à le recevoir.


Comme si je ne le méritais pas. Il ne me revient pas. Parce que cet
amour, il est pour ma sœur.

Ce jour-là, je ne peux m’enlever à l’esprit que : ma famille à moi à


décidé de ne pas me laisser de trace, alors aucune possibilité de les
rencontrer un jour.

Je dois l’avouer, ce voyage est le plus douloureux pour moi, mais de


voir ma sœur en pleine découverte de ses origines, remplissant les
cases vides petit à petit de son puzzle, me donne du baume au cœur.

Par contre, les choses ne se passent pas comme elle l’avait espéré,
comme nous l’aurions tous voulu. Aujourd’hui, la chose que j’en retire,
c’est que parfois de ne pas savoir est peut-être meilleur que de
connaître la vérité. Cela nous préserve.

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Quand nous sommes de retour à la maison, je sais que ma sœur ne sera
plus jamais la même. Aujourd’hui, elle est éducatrice spécialisée,
accompagne des jeunes à se construire la meilleure des vies possibles
et je suis fière de son chemin. Certains ne trouvent pas leur mission de
vie, grâce à cette expérience, elle a su. Rien n’est dû au hasard.

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5

COUPABLE D’ÊTRE IMPARFAITE

Les saisons filent et j’ai mon tout premier amoureux. C’est en 5ème
qu’il fait chavirer mon cœur. Richard. Quand j’y repense, nous étions
deux enfants qui essayaient d’être des adultes. Coûte que coûte, cette
relation dure plus de 3 ans. Nous grandissons ensemble et découvrons
l’amour dans toute sa splendeur. D’une certaine manière l’amour
prend des formes totalement différentes, mais ici nous apprenons
ensemble ce que c’est, de la meilleure des façons. Nous faisons tout
ensemble et je crois déjà qu’à 14 ans j’ai trouvé l’amour de ma vie. Je
vais au collège avec beaucoup plus de motivation.

Pendant un de ces étés là, ma famille et moi, nous partons visiter mon
pays, le Vietnam. C’est la toute première fois pour moi. Voyage de
tourisme de quelques semaines. J’ai espoir de me sentir « véritable-
ment » chez moi là-bas. Je suis encore jeune, alors je ne pense pas forcé-
ment à mes origines ni à mes parents biologiques, juste à découvrir aux
côtés de ma famille. Je suis fière de ce que je vois. Des habitants, des
paysages, des couleurs et des odeurs. Ma tante Florence est avec nous,
elle a vécu elle aussi des choses pas drôles et elle nous accompagne.
Elle apporte, je crois, de la joie et de la légèreté à ce voyage qui, pour
mes parents, remue beaucoup de choses. Nous faisons la rencontre de
Ngoc, notre guide officiel, qui deviendra un ami, un frère pour moi

17
encore aujourd’hui et pour toujours. On vadrouille et c’est chouette.
Quand pour ma part, je remarque que je suis malgré tout très diffé-
rente des autres filles, je suis plus grande qu’elles, je ne suis pas non
plus habillée de la même manière qu’elles et les regards sont alors
braqués sur moi, dans le taxi, dans la rue. On me parle en vietnamien
et je ne peux répondre. Alors, une fois rentrée, je fais le constat de ce
séjour et je suis heureuse bien sûr, mais malheureuse de ne pas encore
m’être sentie parfaitement alignée quelque part. À croire que nulle part
n’est ma place ?

Je retrouve Richard, mais ce voyage m’a changé. Au bout de cette rela-


tion, il y a mille et une possibilités pour notre avenir pour chacun de
nous deux, nous avons vécu ensemble, mais n’avons rien fait séparé-
ment. Alors, nous décidons de vivre chacun de notre côté. La rupture
est difficile, mais aujourd’hui je sais que nous sommes tous les deux
accomplis et fiers de nos parcours respectifs.

Après cette histoire, je comprends qu’il faut en écrire une nouvelle


pour pouvoir passer à autre chose « pour de bon ». Je découvre alors
les flirts et les aventures, fougueuses comme platoniques. Cela devient
rapidement une nécessité, une obsession : je ne peux rester seule. Il ne
se passe pas plus de deux semaines sans que je n’aie un compagnon
d’aventures. Parce que me retrouver face à moi-même c’est trop diffi-
cile pour moi, je n’en suis pas capable.

J’arrive au lycée, je me fais très vite des amis, qui le sont encore plus
aujourd’hui. Elsa, Marion et Louis, c’est la belle vie malgré l’internat. Je
me découvre, et je tombe amoureuse, bien sûr ! Alors il y a Benoit, Leo,
Adrian, Paul et d’autres. Tous des garçons, devenus des hommes
aujourd’hui et à qui j’envoie une salutation parce qu’ils ont contribué à
façonner la femme que je suis devenue aujourd’hui. Chacun d’entre
eux m’a apporté quelque chose, à leur manière. Durant toutes ces
années de lycéenne, j’y découvre ce qu’est la popularité, les commé-
rages de café et les déceptions amoureuses.

Je me plonge dans le cinéma et cela devient mon échappatoire à moi,


j’y intériorise durant le film toutes mes pensées, et une fois le film
terminé j’extériorise tout. Une véritable thérapie ! Une fois le bac en
poche, je me dirige vers des études de commerce. Premier véritable

18
appartement à moi, premières soirées dans mon appartement, vive
l’indépendance ! Je me rends alors compte de l’immensité des possibi-
lités qui s’offrent à moi. Je quitte mon petit copain de longue date, et
commence à prioriser mes amis et mes études. Mes vieilles habitudes
me rattrapent : je fais la connaissance de Théophile.

Cet homme, plus âgé, avec qui je vis six mois de passion. Nous partons
vivre et travailler sur une île, dans les Antilles. C’est ce qu’on appelle
une véritable idylle. Cet amour est fort, puissant et semble indestruc-
tible. Nous partageons la passion du cinéma, et faisons déjà des projets
sur les dix prochaines années. Ça y est, c’est donc lui l’amour de ma
vie ! Je m’accroche corps et âme dans cette relation, il est si amoureux,
si fou de moi. J’y crois. Je fonce. Mais cet amour-là est éphémère.

Malgré les superbes discussions nocturnes, les ballades au bord de la


plage et nos périples d’amoureux, j’entends un jour : « finalement
Candice, tu ne me corresponds qu’à 80% ». Cette phrase a longuement
résonné dans ma tête : « Je ne suis pas à la hauteur ». Je déprime, je me
dis que je ferais toujours les mêmes choses, je vais tomber amoureuse
de quelqu’un d’autre, qui me permettra de l’oublier puis une raison
fera que l’un de nous abandonnera. Et je me retrouverais une fois
encore, seule. Ma vie allait donc se résumer à cela ? Aimer, vivre à la
folie, me séparer, avoir mal, être déçue, puis découvrir un nouvel
amour, et ainsi de suite ?

Théophile finit par me dire : « je te coupe de tous les réseaux, parce que
même si on se sépare je t’aime encore et je ne veux pas voir tes
frasques. »

Je lui demande malgré tout s’il veut bien m’accompagner à l’aéroport,


mais il refuse. Il s’achète une bouteille de Rhum, l’air de dire je vais me
saouler aujourd’hui pour t’oublier parce que moi aussi je suis malheu-
reux. C’est un véritable échec pour moi.

Je me déteste à ce moment-là, je me sens honteuse. Je me pose plein de


questions.

Je fais quoi maintenant ? Faut-il que je tente de le récupérer ? Est-ce


que, finalement c’est pas lui l’amour de ma vie ?

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Je suis dans cet aéroport, et même là, je regarde chaque minute la porte
d’entrée pour voir s’il ne va pas apparaître pour me dire que c’est une
blague, de mauvais goût certes, mais une blague et que je peux rester
auprès de lui. Mais il ne vient jamais. S’en aller alors que c’est la
dernière chose que je me souhaite : le trajet du retour est difficile.
Après 24 heures de trajet seule, je retrouve mes parents, la tête haute,
parce que je veux qu’ils soient convaincus que « je vais bien ».

De retour à la maison, je me rends coupable à 100% de cette séparation.


Je passe une fin d’été de débauche, comme il l’avait prédit. Parce que
dans ma tête je ne mérite pas autre chose. Alors je fais ce que je sais
faire de mieux, tomber amoureuse le temps de quelques semaines, afin
de panser mes plaies. À chaque déprime, c’est la même rengaine. Je
tombe amoureuse toutes les 10 minutes, parce que je suis dépendante
affective. Il y a Maxence, Jean-Pierre, Jordan...

Des relations pansements comme on les appelle. Ne serait-ce que leurs


attentions, me font me sentir moins comme une « merde ». Alors je
prends tout ce qu’ils ont à m’offrir. Ce n’est pas sain, mais eux le sont.
Nous avons tous des maux et nous les apaisons ensemble.

Rentrée de septembre 2014, les cours reprennent, je passe en seconde


année, et Théophile qui avait fait une reconversion professionnelle est
en troisième année dans la même école que moi. Le jour de la rentrée,
je stresse à fond. Je sais que je vais le revoir aujourd’hui, alors que je ne
l’ai pas vu depuis ce fameux jour à l’aéroport de Saint-Martin. Mon
cœur palpite, je ne peux m’empêcher de regarder toutes les deux
secondes s’il arrive. Je reconnais le grincement de ses pneus, et je l’en-
tends, je me retourne et je vois une fille qui conduit sa voiture. Avant
de sortir, ils s’embrassent, et elle repart de là où ils sont arrivés. Mon
cœur se brise en mille morceaux, toute la journée je cogite. Je me dis «
Ok, c’est véritablement terminé ». Puis quelque chose cloche, je ne
saisis pas tout de suite, mais je repense à cette nouvelle stagiaire qui est
arrivée quelques jours après la fin de mon stage lorsque j’étais sur cette
île. Oh ! C’est elle ! Je ne veux pas comprendre, je n’ai d’ailleurs jamais
voulu, je ne veux même plus connaître la vérité, je comprends juste
qu’il ne m’aime plus et cela me suffit pour tourner définitivement la
page. Est-ce qu’il m’a vraiment aimé où l’ai-je rêvé ?

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10 ans plus tard, je suis reconnaissante de cette histoire, parce que je
mérite bien plus qu’un homme qui m’aime à 80%. Vous méritez tous
d’être aimés à 100%. Je ne l’ai su que plus tard, mais grâce à Théophile
j’ai pu prendre conscience de ma valeur intrinsèque en tant que femme
et que ma place est là où je suis aimée : je le remercie pour ça.

21
6

COUPABLE D’ÊTRE ÉGOÏSTE

C’est l’hiver, après mes 20 ans je suis courtisée, où devrais-je dire


draguée (ce qui est bien moins poétique), par Timothé. Un jeune
homme d’1m92, qui a fière allure. Il est plus jeune que moi, il n’est pas
réellement « mon genre », mais il est éloquent. Romantique. Si différent
des autres. Si jeune et pourtant si mature. Si éclairé par la vie. Si diffé-
rent de mes ex. Donc, tout pour me plaire !

Pourtant, juste avant lui, je me dis : PLUS JAMAIS ! Plus jamais les
mêmes décisions avec les garçons !

Il me fait la cour durant de longues semaines, de longs mois. Je me


trouve toutes les excuses du monde pour ne pas m’engager dans une
nouvelle relation, « je pars pour un long voyage en Asie cela serait trop
compliqué », « je n’ai pas envie d’une relation et encore moins d’une
histoire longue distance », « je ne suis pas encore prête à avoir un autre
homme dans ma vie », « il ne me plaît pas tant que cela ? »...

Une voix me dit de ne rien faire, mais tout le reste de mon moi veut
aller vers lui. Alors je craque et très vite nous nous voyons tous les
jours. Nous faisons tout ensemble et sommes comme deux aimants. Le
printemps arrive et ce que nous vivons ensemble est fort, intense. On
s’est dit je t’aime, et rien ne nous arrête. Puis vient le moment où j’ai

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mon départ pour le Vietnam. La séparation est douloureuse, mais on le
sait. C’est irréversible et nous ne pouvons qu’accepter sans condition.

Il serait beau et bon de vous dire que la relation a tenu sans aucun
problème à distance, mais ce n’est pas le cas. Une fois arrivée dans
mon pays d’origine, malgré ma volonté, je ne fais qu’une bouchée de
ce pays et mon cœur et mon esprit n’ont de place que pour le Vietnam
et pour toutes les aventures et expériences que je suis sur le point de
vivre. Très vite, je coupe les ponts avec Timothé, j’annule tous les
projets avec lui, je ne parle quasiment plus à mes proches en France et
je m’imagine vivre à Hanoi pour la vie. J’y construis mon cocon, mon
quotidien. Je travaille dans la plus grosse auberge de jeunesse où je
rencontre des expatriés tous les 100 mètres. Je suis bartender la nuit,
serveuse le jour et jeune expatriée 24h/24. Des mois entiers de fête, de
cocktails et de rencontres. Chaque jour, plus de 250 jeunes expatriés
venant du monde entier sont dans cette auberge de jeunesse. Le reste
de mon temps, je le passe à visiter le Vietnam, à visiter mon orphelinat,
à faire de l’humanitaire, à échanger avec les habitants et à prendre des
photos à chaque coin de rue. Je mets totalement mon ancienne vie fran-
çaise entre parenthèses pour vivre cette expérience : ma nouvelle vie.
Bientôt, j’y oublie tout ce que j’ai vécu dans le passé et je me sens chez
moi ici dans cette ville hyper cosmopolite qu’est Hanoi. J’y ai déjà mes
habitudes, un job, des amis et même un nouvel amoureux. Qui n’est
rien d’autre que le big boss de l’auberge de jeunesse, Johann. Il est
hollandais et a une trentaine d’années. Ensemble nous faisons des
virées en moto et traversons les villages ensemble. Cette relation, c’est
pour l’ego. Je me l’avoue : je n’en ai pas besoin en soi, mais dans l’eu-
phorie du moment, c’est ce que je pense vouloir. Je me dis être une
femme libre, sans complexe et faisant mes propres choix. Je deviens
égoïste, j’apprends à le devenir. J’oublie volontairement ma vie
d’avant, je me construis, et je vis. Je retrouve même une de mes
copines, Léa, qui est là elle aussi pour ses études, c’est la fiesta ! Mais
ce voyage devait se terminer. Pas d’autres issues que de revenir en
France. Une année d’étude à finir, je n’ai pas fait tout ce chemin pour
tout plaquer à la dernière année ? J’ai failli ! Mes parents me remettent
sur le droit chemin, celui de la sagesse, celui de la sécurité, et je rentre
en France. Aujourd’hui avec du recul, je leur en suis si reconnaissante.

23
Parce que même si les voyages sont pour moi l’école de la vie, je suis
fière d’être diplômée et d’avoir été jusqu’au bout des choses.

Au même moment où je réalise ce que font mes parents pour moi


depuis toutes ces années, je me rappelle d’un de ces soirs où eux-
mêmes se sont rendus coupables pour ma sœur et moi :

— Tu te rends compte Jean-Paul, nous avons déraciné nos filles…

— Tu as raison, mais elles ne sont pas malheureuses si ? Je ferai tout


pour elles.

Les deux personnes qui nous ont tout donné culpabilisaient d’avoir été
égoïstes. Je reste si surprise de voir comment l’humain peut réellement
se compliquer la vie parfois. Chaque jour qui passe, nous sommes
reconnaissantes envers eux. Tellement.

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PARTIE II

LÀ OÙ TOUT BASCULE
7

RESPONSABLE D’AIMER

Revenue pour de bon à la maison, même si je veux l’éviter, je sais que


je dois prendre mes responsabilités et affronter tout le bordel que j’ai
créé à distance. Rattraper tout ce que j’ai manqué, tout ce que j’ai
volontairement zappé. Toutes les relations que j’ai endommagées,
notamment et surtout, celle avec Timothé.

C’est facile d’oublier quand nous sommes loin. Une fois de retour, ce
n’est plus la même chose, la réalité de nos actes nous revient en pleine
face. Son prénom, son odeur, ses bras, ses mots, soudainement tout me
revient. Absolument tout ! Les promesses que nous nous étions faites,
les nuits blanches à faire des plans sur la comète... Et là ?

Et là et bien plus rien. Il n’est plus là, et c’est bien normal ! Comment
faire, quand tu as tout détruit ? Comment faire, quand tu regrettes,
mais que c’est toi et uniquement toi qui l’as consciemment décidé ?

Un soir, une semaine après mon retour, il y eut une soirée. Une soirée
d’anniversaire, où lui et moi, sommes invités. Audacieuse j’y vois l’op-
portunité de prendre la température et de savoir ce qu’il en est. Le
stress, les frissons, tout ça est de mise ce soir. Timothé est là, face à moi.
Le premier regard que nous échangeons est froid, évasif, distant et

27
totalement indifférent. Je n’abandonne pas. Je tente un second, dans la
cuisine, je crois que je fais semblant d’aller attraper deux ou trois trucs
puis... Ce regard-là, il est pur, tendre et sincère. À la fin de la soirée, en
secret, nous nous retrouvons. Comme si rien n’était arrivé. Comme si
nous ne nous étions jamais séparés. C’est comme s’il avait compris.
Compris que ce voyage au Vietnam, je devais le vivre et le vivre seule.
Comme s’il savait qu’on se retrouverait. Cette nuit-là, on se dit tout.
Tout ce qu’il s’est passé durant mon absence. Ce n’est pas forcément
beau à entendre, ni d’un côté ni de l’autre, mais voilà la vérité. Deux
choix s’offrent à nous après ça : faire table rase du passé et recom-
mencer une vie à deux, ou bien laisser tomber et ne pas essayer de
vivre enfin ce que nous avions mis du temps à construire ensemble.

Je crois au fait que l’amour est plus fort que tout, il suffit de poser son
égo. Chose difficile à faire, mais est-ce que l’amour n’en vaut pas la
peine d’après vous ?

À 3h00 du matin, la décision est prise pour tous les deux : nous nous
remettons ensemble. Personne ne le sait et cela est très bien comme ça,
nous passons de superbes moments intimes. Une nuit, nous avons
même déplacé le matelas de sa chambre et l’avons mis sur son balcon.
Nous discutons toute la nuit en contemplant les étoiles, jusqu’à s’en-
dormir et se réveiller au petit matin par les cuicuis des petits oiseaux
qu’il y a sur sa fenêtre. Si je pouvais, je capturerais ce moment à tout
jamais. La vie continue et il commence à y avoir des rumeurs entre
amis, mais nous ignorons et vivons simplement nos moments. Ceux-là
sont probablement nos meilleurs. Ça y est, c’est pour la vie. Nous le
sentons si fort.

Sur un coup de tête, nous prenons même la décision de partir en


Espagne, une petite semaine, histoire de bien profiter des derniers
jours de vacances avant notre rentrée. Timothé est en fac de droit, et
moi je dois faire ma dernière année à Barcelone dans une université.
Nos bagages sont prêts, nous partons en voiture avec deux copains.
Timothé est un peu affaibli, il semble fatigué, cerné, mais malgré tout
c’est toujours le plus fort à mes yeux : tout simplement parce qu’il me
le montre au quotidien. Je suis obnubilée par nos retrouvailles et rien
ni personne ne peut gâcher notre bonheur.

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Cette semaine là, notre amour est des plus forts possibles, le monde
entier est à notre portée et tout semble enfin envisageable. Même nos
disputes sont pleines d’amour et de passion.

29
8

RESPONSABLE DE CE QUI EST


ARRIVÉ

Une fois rentrés, il nous reste quelques jours avant de reprendre les
cours. On réfléchit à ce que nous pourrions faire, nous sommes chez
moi et on rêvasse. On finit par se dire que nous verrons cela demain, et
on regarde un film. PS: I Love You, la grosse comédie américaine
d’amour où une veuve doit apprendre à vivre sans son mari décédé
subitement. Si j’avais su... S’il avait su.

Timothé tousse un peu, mais c’est léger. Puis il minimise beaucoup son
état de santé : « t’inquiète tout va bien », « mais c’est juste que j’ai eu
froid ! », « oh, mais t’es pas ma mère » .Ok ok, il va bien.

Quelques jours après, c’est là que tout commence, ou que tout se


termine, à vous d’en juger.

« Candice ça va le tuer ! »

« Il est fichu, c’est terminé ! Mais va le voir ! »

« Timothé était un enfant exemplaire, un frère formidable et un ami


fidèle... »

Ce sont des bouts de phrases qui ne cessent de raisonner dans ma tête.

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Il est important pour moi de pouvoir vous apporter ma version et d’y
exprimer toute ma vulnérabilité. Alors, voilà comment tout a basculé.

Après être rentré d’Espagne, Timothé continue de vivre chez moi et il a


l’idée de rassembler les amis qui comptent le plus à ses yeux, chez moi,
chez nous, le temps d’une soirée. Je me dis : superbe idée, ça nous
changera de nos films d’amour vus et revus !

Moi qui veux toujours bien faire, être la fille parfaite, je mise beaucoup
sur ce soir-là car la bénédiction officielle de ses amis compte pour moi.
Même si nous nous connaissions déjà, c’est l’occasion pour moi de
faire « impression », et je le dis bien avec le sourire, mes intentions sont
plus que sincères et je veux qu’ils se disent : Timothé est avec une fille
géniale qui lui correspond en tout point. Cela se voit qu’il est heureux
avec elle.

Nous sommes au soir du dîner et c’est d’abord Charly qui arrive, puis
Mia et Timothé ensuite. Non en fait, je n’en ai plus aucun souvenir,
mais en tout cas, ils sont tous là.

Je me rappelle que la musique est déjà lancée, le moscato prêt à être


débouché et le jeu de cartes sur la table du salon. Filles contre garçons,
on va les éclater !

— Qui a faim ?

— Moi.

— Moi!

— Ouais grave, moi aussi !

— C’est ok pour tous, je fais ma spécialité : pâtes à la carbonara ?

Ils sont tous chauds ! Peu original, mais efficace, je me mets aux four-
neaux. Rien de plus simple, une casserole remplie d’eau chaude, des
spaghettis, de la crème, des lardons fumés, un œuf prêt à être cassé et
du parmesan !

Timothé vient me voir, me serre contre lui, m’aide rapidement (pour se


donner bonne conscience et me faire plaisir...) puis retourne s’asseoir
avec nos invités.

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Une musique passe en boucle : Show me love de Sam Feldt et remixé
avec Kimberly Anne, elle vient de sortir alors on l’adore.

— Attention c’est un peu chaud !

Ce plat c’est celui que je fais le plus souvent. Jeune étudiante, je ne suis
pas encore une pro de la cuisine. 5 minutes plus tard, Timothé du haut
de ses 1m92 se lève et nous dit à tous les trois que sa gorge lui pique. À
peine inquiet, il nous rassure très vite et nous dit, comme toujours « ça
va aller », puis conclu par un « je vais prendre l’air, j’ai besoin de faire
un tour ».

- Hm, on vient avec toi !

- Non, non, NON ! Restez là, ça va aucun souci !

Je suis un peu inquiète, mais sur une échelle de 1 à 10, je suis à 3/10
clairement. Parce que c’est mon homme, il est grand, adulte et quand il
me dit « ça va » je le crois bêtement. Mais, en voyant les yeux inquiets
de Mia et de Charly, je commence à me demander ce qu’il lui arrive. Il
s’en va et nous, on brainstorm, on arrête de manger et on se met à
réfléchir. Dans le même temps, je lui envoie un SMS, (nous sommes le
27 mars au moment où j’écris ces lignes, et il s’est passé presque 7 ans
depuis, je n’ai plus les échanges, mais c’était quelque chose du style) :

— Timothé, tu es sûr que ça va aller ? Tu es parti où ?

Je reçois une réponse de suite, me disant qu’il est parti chez ses parents
(à 2 minutes en voiture de mon appartement). Cela m’inquiète de plus
en plus, je lui écris alors :

— Tu veux que je vienne ? Est-ce que je peux venir te voir ? Je suis


inquiète.

Mia et Charly s’en vont, je leur dis que je vais aller le rejoindre et que je
les tiendrai au courant.

Timothé me répond en me disant que NON, il ne veut pas que je le


voie comme ça et que ça va aller. Il me demande ensuite qu’est-ce qu’il
y avait dans les pâtes carbonara.

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Il commence à me mettre le doute, dans ma tête je me dis : et bien
comme d’habitude ! Puis, je regarde dans la poubelle, et j’y vois du
râpé de brebis.

Je me dis de suite, beurk, mais c’est quoi ça ? Je lui réponds et je lui dis
: « du fromage de brebis ».

Il me répond de suite : j’y suis allergique. De suite, je me dis, mais


qu’est-ce que ça fout là ce fromage, moi-même je pense que je déteste
ça. Je lui réponds que je ne savais pas et que je suis désolée.

J’ai appelé ma mère, je lui ai demandé de venir me chercher et de


m’amener chez ses parents. Elle arrive, au téléphone je lui précise bien
que c’est urgent, et que je m’inquiète de plus en plus. Elle me rassure
tant bien que mal en me disant que s’il fait une allergie il aura proba-
blement une réaction cutanée ou sera tout rouge, mais que cela s’es-
tompera sans souci.

C’est étrange, quand elle me dit ça, j’ai un mauvais pressentiment, sans
comprendre réellement pourquoi, comme si nos corps et nos cœurs
étaient liés lui et moi. Je sens, je sais que cela n’ira pas.

Nous courrons dans les escaliers de l’immeuble, on croise sa maman


qui nous attend. Elle me demande : Qu’est ce que c’était comme
fromage ?

Je lui dis c’était du « parmesan à la brebis », totalement incohérent,


mais pour dire que du parmesan ou du râpé, je ne fais pas de diffé-
rence notoire.

Elle me dit d’un ton, paniquée : « Candice, ça va le tuer. »

33
9

RESPONSABLE DU PIRE

Lorsque j’entends ces mots, de cette façon-là, mon cœur se glace.

J’arrive enfin à l’appartement, il y a déjà le SAMU sur place. Timothé a


fait un choc anaphylactique. Je n’ai jamais entendu cela et je ne sais pas
ce que cela signifie réellement, mais je comprends très vite, au vu de
son état : il est inconscient, allongé sur le sol du salon, avec deux
ambulanciers tout près de lui en train de faire des massages
cardiaques. Dans ma tête, je me dis : arrêtez de le toucher, il va bien,
laissez-le. Je ne veux tout simplement pas y croire. Encore à ce stade, je
n’espère rien, parce que je veux tellement que ça aille, que je m’en
persuade : « tout va aller. Il est tombé dans les pommes, il reprend son
souffle, se repose, et va se réveiller et on va en rire. » C’est ce que j’es-
père de toutes mes forces. Mais les minutes passent, et rien ne se passe.
Bien au contraire, elles deviennent une éternité. Je vois son petit frère
en larmes, je veux le préserver et lui propose de descendre de l’im-
meuble et d’aller prendre l’air. Ce jour-là, je compte encore pour lui,
alors il m’écoute et nous sortons. On se met à prier en silence, comme
si Dieu pouvait y faire quelque chose. Comme si une force surnaturelle
pouvait exaucer notre vœu. Je crois que je pleure sans pleurer, parce
que je ne veux pas que ça soit réel : si je pleure, c’est que le pire est
arrivé.

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Leur papa, nous rejoint, et c’est brutal.

Il nous dit : « Ça y est il est fichu ! C’est terminé ! », en criant. Puis me


regarde et me suggère : « Vas le voir. »

Ces trois mots, "VAS LE VOIR", avec l’esprit embrumé que j’ai, je crois
toujours que ça va. Alors je cours à toute vitesse dans les escaliers pour
le rejoindre et lui apporter mon soutien. J’arrive sur les lieux, mais
c’est trop tard. Il n’y a plus qu’un corps et les deux ambulanciers refer-
mant sa poche mortuaire... Encore à cet instant je ne réalise strictement
rien.

Je suis avec l’homme de ma vie, et 20 minutes plus tard, il n’existe


plus. Pourquoi ? Comment ? Quand ? Je ressens tant d’émotions.

De l’injustice : POURQUOI est-ce qu’il est mort ?

De la culpabilité : je l’ai tué !

Du chagrin : je l’aime encore et pour toujours.

Du désespoir : comment puis-je vivre sans lui ?

De la colère : mais comment cela a pu arriver ?

Du regret : je ne lui ai pas suffisamment dit que je l’aimais.

Et bien d’autres…

Mais voilà, Timothé nous a quitté. Il m’a quitté. Il m’a laissé là. Seule.
Contre sa volonté, mais il n’est plus là et ne le sera plus jamais. Il m’a
laissé.

La nuit qui suit, ma maman souhaite rester auprès de moi. Je ne veux


pas dormir ailleurs que dans le lit dans lequel je partageais ses nuits.
Cela est inconcevable. Je ne veux même pas dormir, je ne le peux pas. Il
n’est plus là, et pourtant je me repasse en boucle notre première
rencontre comme si c’était hier. Je me rappelle chacun de ses mots,
chaque expression de son visage et puis, dès que j’ouvre les yeux, j’ai
l’impression d’avoir inventé tout ce que l’on a vécu. Est-ce que c’était
un rêve ?

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Je somnole, et je me rappelle écouter Perfect Day de Lou Reed. C’est le
pire jour de ma vie et de loin, mais pourtant, c’est cette chanson que
j’écoute en boucle dans mes oreilles.

Le lendemain, je ne vis plus. Je suis un déchet ambulant. Je respire,


mais mon esprit et mon cœur se sont fait la malle, je sens que mon
corps me lâche, mais je garde de la force pour aller le visiter tous les
jours à la chambre funéraire. J’en ai besoin, je ne veux pas qu’il
m’abandonne pour de bon. Ce n’est pas sain, mais j’ai besoin de le voir.
Lorsque j’entre dans la pièce, le calme règne, il fait froid, ses doigts
sont gelés, sa peau est tirée, il n’a donc aucune ride. Bien sûr, il n’avait
que 19 ans. Il est beau, paisible. Sa disparition est tragique et c’est moi
qui l’ai causée. Les jours se suivent et se ressemblent, le matin je me
lève en ne m’étant pas endormi, je sens son odeur dans mes draps, je
regarde par ma fenêtre pour voir s’il n’arrive pas, puis je réalise que
cela ne se passera plus jamais, je m’en vais le voir, je le regarde, je
pleure, je ressors, je converse avec tous ces gens qui l’ont connu et qui
l’ont aimés. À chaque personne à qui je parle, je m’accable un peu plus.
Puis je parle avec sa mère, avec sa famille. On se remémore des souve-
nirs avec lui, on se soutient, on s’enlace, puis je rentre, et je m’éteins. Je
croise les regards de pitié, de compassion, et les regards pleins de juge-
ments. Trois jours plus tard, une autre étape vient à moi. Celle de lui
dire au revoir à tout jamais, parce que oui, il n’est déjà plus là, mais
j’avais encore la possibilité d’aller le visiter.

36
10

RESPONSABLE DE MON
ENFERMEMENT

Cette fois ci, jour de la cérémonie, jour de son incinération, le chagrin


est au rendez-vous et je pense n’avoir toujours pas conscientisé ce qu’il
se passe.

Sa maman, quelques minutes avant son discours, me dit « tu es belle,


ça va aller ! ». Ces mots me remplissent d’amour, même si mon cœur
est en morceaux, cela me remplit le temps d’un instant. Vient le
moment du discours : « il a été empoisonné ». La douleur lui fait
perdre le fil de son discours. Les choses déjantent. Je passe d’une des
personnes des plus importantes dans sa vie à celle qui l’a tuée. Ses
parents me lâchent, je perds beaucoup de (faux) amis en route et
surtout toute ma confiance en moi. Un sentiment de culpabilité me
ronge. Je suis sûre de moi : je l’ai tué, je suis coupable de sa mort.

« Il a été empoisonné ! » dit sa mère une seconde fois. C’est comme un


coup de poignard.

La veille, ils avaient demandé l’emballage du fromage à mes parents,


ma mère est donc allée dans ma poubelle, qui n’avait pas bougé depuis
ces derniers jours et elle lui a donné l’emballage. Il y avait écrit dessus
« râpé de brebis ». Même si cela ressemblait en tout point à ce que
j’achète toujours (même couleur, même marque, même packaging), ce

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n’était en effet pas du parmesan, mais du râpé de brebis. Il n’empêche
que cela ne change rien, le seul fait c’est que je ne savais pas faire la
différence entre parmesan et râpé de brebis, et même si je l’avais faite,
je n’aurai pas pensé à une allergie pour Timothé.

Je ressens la colère l’envahir, la tristesse d’avoir perdu son fils. Je sais


pertinemment que j'ai enlevé un fils à sa mère et à son père, un grand
frère, un cousin, un ami, un camarade. Je ne me sens évidemment plus
à ma place : comment ai-je pu croire que j’avais ma place ?

Une fois la cérémonie terminée, il est l’heure d’aller répandre ses


cendres. Mais je ne suis plus la bienvenue. J’ai la sensation d’être une
imposture. Ma famille me ramène alors chez moi, elle ne peut pas me
savoir aussi mal. Je crois que je leur commande des pizzas, faisant
comme si de rien n’était. Voulant cacher mes idées noires et mon
dégout pour la vie.

Je suis de moins en moins lucide, je me rappelle quelques vagues


souvenirs, comme celui d’un membre de la famille de Timothé qui
vient à mon appartement souhaitant récupérer toutes ses affaires, l’air
de dire que je ne mérite aucunement de garder quoi que ce soit lui
appartenant. Alors, je lui donne tout, c’est à contrecœur que je les lui
donne, mais je me dis : « c’est la moindre des choses Candice, tu ne
mérites rien qui lui appartenait ».

Les jours passent, certains viennent me voir, ils me parlent comme s’ils
n’avaient jamais été blessés dans la vie : « tu le retrouveras un jour » ou
encore « ça va aller mieux avec le temps ». À ce stade, je suis juste une
fille qui n’arrive pas à aller de l’avant.

C’est insoutenable, le gens reprennent leurs vies là où ils l’ont laissée,


mais moi je ne peux pas faire face. Je vais dans une pharmacie de ma
ville, disant que je repars pour un voyage et que j’ai besoin de faire le
plein de médicaments. Mon plan est parfait, je convaincs mes parents
que j’ai besoin de me retrouver seule, je m’enferme chez moi, et je
rejoins enfin Timothé et rien ni personne ne pourra nous séparer. Nous
nous l’étions promis, et je veux tenir cette promesse.

Ici, rien n’est à raconter en détail, si ce n’est que je vois aujourd’hui le


suicide comme un véritable appel de détresse et non comme un geste

38
égoïste. Parce que ce jour-là, je suis persuadée que je ne manquerai à
personne. Mon père ? Il a ma mère. Ma mère ? Elle a mon père. Ma
sœur ? Elle a mes parents. Ok, parfait si eux se soutiennent, les seules
personnes qui m’aiment toujours trouveront elles aussi réconfort.

Je veux simplement vivre ce que je ne peux vivre dans le commun des


mortels : être auprès de Timothé. Alors, s’il vous plaît, laissez-moi
partir.

Finalement, je me retrouve à l’hôpital et lorsque je me réveille ma


famille est à mon chevet.

« Merde je me suis ratée. Est-ce que finalement ça veut dire que je


mérite de vivre ? »

Mes parents, suivant les conseils des professionnels de la santé, me


font entrer dans un hospice de fous, parce qu’à ce moment-là j’en suis
probablement une. Je fantasme sur l’idée de vivre une vie de rêve avec
un homme qui est décédé. Entourée d’autres personnes totalement
désespérées, je fais donc semblant de vouloir aller mieux. J’ai des
barreaux aux fenêtres, mon temps de douche est chronométré et je n’ai
pas le droit au téléphone ni tout autre chose qui pourrait nuire au
processus de ma guérison. Comme ça, impossible pour moi de tenter
quoi que ce soit de risqué. Malin ! Parce que oui, je suis profondément
malade, en détresse totale.

« Je vous aime ma famille, pardon... »

Suite à cela, je lui découvre des milliers d’amis (quand un scandale


éclate dans une petite ville, tout le monde veut en faire partie, alors
que lorsque tu en fais réellement partie tu donnerais tout pour que ce
ne soit pas le cas!). C’est aberrant. Comment vivre dans une vie où
l’être que tu aimes le plus n’est plus de ce monde ? Comment rendre
fière les dernières personnes qui tiennent à toi quand toi tu détestes
tout et toi-même ? Comment réapprendre à vivre quand la seule chose
que tu souhaites c’est ne plus exister ? Comment sourire lorsque tu te
concentres déjà à retenir tes larmes ? Chaque nuit, je rêve qu’il
revienne. Je songe à ce qu’il me réveille et me dise que j’ai fait un
cauchemar. J’attends ce jour là comme jamais je n’ai attendu un autre
jour.

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J’ai de nombreuses consultations avec des psychologues, psychiatres,
médecins, kynésiologues et j’en passe. Ils doivent m’aider à trouver la
motivation pour me reprendre en main. Mais comment aider une
personne qui ne veut pas être aidée ? Est-ce réellement possible ?

Lorsque je suis seule face à moi-même, mille questions se bousculent


dans mon esprit.

— Tu l’as vraiment tué !


— Ok mais tu ne savais pas qu’il était allergique.
— Ouais, mais d’un autre côté on te l’avait peut-être dit ?
— Non ! Et puis, est-ce que tu savais qu’on pouvait mourir d’une
bouchée d’un plat ?
— Non du tout, mais tu savais qu’il était asthmatique et fragile !
— Ok mais tu sais même pas vraiment ce que ça signifie et les
conséquences...
— Oui, mais tu aurais pu te renseigner quand même ! Peut-être tu n’as
pas été suffisamment à l’écoute, tu es égoïste et ne penses qu’à toi !
— Est-ce que cela devait se passer ainsi ?
— Le destin existe-t-il ?
— Pourquoi moi ?
— Est-ce qu’il m’aime encore ?
— Est-ce que tu l’aimes ou est-ce que tu le détestes ?
— Pourquoi tu gâches ta vie ?
— Tu as pris une vie et tu veux détruire la tienne ?
— Tu es qu’une fille pourrie gâtée et égoïste !

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C’est fou, comme dans un moment comme celui-ci tu peux rapidement
basculer de l’autre côté. J’ai la sensation que c’est l’histoire de ma vie :
se poser des questions où je sais pertinemment que je ne peux obtenir
les réponses.

« Pourquoi j’ai été abandonnée ? Comment étaient mes parents ? Ai-je


d’autres frères et sœurs ? Est-ce qu’ils pensent à moi ? Qui m’a déposé
à l’orphelinat ? »

En fait, je me dis que c’est ma destinée. Aujourd’hui je me dis encore «


heureusement que c’est tombé sur moi », parce que j’avais l’environne-
ment qu’il fallait pour être véritablement prise en charge. J’ai eu le
soutien dont j’avais besoin, même si à cette époque-là, je n’en avais pas
idée.

41
11

RESPONSABLE DE MA FOLIE

Pendant cette première semaine où je suis placée dans cette clinique


hautement sécurisée, je suis dévastée. Je vis mon intégration dans cet
établissement comme une trahison, sans penser une seule seconde que
c’est moi qui viens de trahir toute ma famille en souhaitant mettre fin à
mes jours.

Très rapidement, je suis accueillie dans une nouvelle clinique, celle-ci


est moins stricte. Il faut d’abord faire ses preuves, avant d’avoir le droit
à certains avantages (droit de sortie, droit de diminuer mes traite-
ments, droit de visite), mais mon quotidien est rempli. Il se résume à :
prise de cachet le matin, visite du psychiatre, belote avec les patients,
visite d’un membre de ma famille, prise de cachet et dormir.

J’ai la sensation d’avoir raté ma vie, c’est clairement ça à mes yeux.


Retour à la case départ. Je fais ce superbe voyage qui me réconcilie
avec mon pays d’origine et puis, PAF, terminé. Je ne sais déjà plus qui
je suis, décès de l’être que j’aime et avec qui je partageais mon quoti-
dien : envolé, je ne sais plus pourquoi je vis.

Pendant un court instant, je me demande carrément si je ne suis pas


schizophrène, parce qu’une autre voix dans ma tête me dit : mais tu as
des parents qui se sont battus, ils ont parcouru l’autre bout du monde

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pour venir te chercher, ils t’ont aimé et t’aiment encore, tu as une petite
sœur qui compte sur toi et tu as une formidable famille autour de toi,
pourquoi cela ne te suffit pas ? Et encore une autre, qui me crie dans les
oreilles et me dit : « STOP, quand vas-tu comprendre que tu n’en peux
plus ? Arrête-moi ce bordel une bonne fois pour toutes ! Tu n’es donc
même pas capable de ça ? »

J’ai la sensation que jamais je ne serai plus heureuse dans ma vie, que
je n’ai que 20 ans, mais que je ne pourrai vivre les 60 prochaines années
comme si de rien n’était.

À ce moment-là, je n’ai pas de méthode, je n’ai pas de plan pour aller


mieux. Je suis allée jusqu’à tenter de mettre fin à ma propre vie et cela
me rend honteuse pendant longtemps ; c’est un fardeau et bel et bien le
moment où je suis au plus bas. La vérité c’est que je me suis ratée, et si
ça s’était passé comme je l’avais prévu je ne serais pas en train de vous
écrire. Même quand tout est sombre, que tout est chaotique autour de
vous, il y a du positif à trouver et auquel s’accrocher. Si vous êtes en
train de lire ce livre : je comprends ce que vous êtes en train de vivre, je
suis passée par là et aujourd’hui, mon message d’espoir c’est tout
simplement que je me suis reconstruite et que ça va mieux. Je vais bien.
J’ai réussi, alors pourquoi pas vous ?

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12

RESPONSABLE DE MA RENCONTRE

Durant mon séjour dans cette clinique, je m’ennuie. Mes amis proches
et ma famille viennent à tour de rôle, mais c’est tout le temps la même
chose.

— Pourquoi Candice ?

— Comment te sens-tu ?

—Tu nous as fait peur, on t’aime si fort...

Je me sens mal une fois de plus de faire souffrir les gens que j’aime. J’ai
honte qu’ils me voient dans un état aussi pitoyable. J’ai l’impression
que jamais plus je ne pourrai être mieux que ça. Je suis à mon
maximum.

Je m’inscris alors sur un site de rencontres, TINDER.

Alors NON je ne suis clairement pas prête à cette période pour être
avec quelqu’un d’autre, je ne veux pas réellement rencontrer une
nouvelle personne, mais « cela va m’occuper ».

Je regarde les profils, et discute avec certains hommes. Cela occupe


mes journées, ce sont des conversations bateaux qui n’ont pas de véri-
table sens, mais au moins le temps file.

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On décide pour moi que je suis en capacité de reprendre les cours.
Mon école est à deux pas de la clinique, alors bien sûr je dois rentrer
tout de suite après les cours, mais au moins je reprends une vie sociale.

Premier jour de classe, quand tous mes amis ont déjà repris depuis des
semaines, tous les regards sont braqués sur moi, ou du moins c’est la
sensation que j’ai. Je reçois beaucoup de marques d’affection, de
soutien et de compassion. Des formateurs comme des élèves. Je sens
déjà que ça va être difficile, je n’ai qu’une envie c’est de pleurer, mais je
ne veux pas en parler avec qui que ce soit. Qui suis-je pour me
permettre d’envahir leur vie avec mon histoire ? Cette histoire ne doit
pas définir ma vie et pourtant, sans elle je ne suis plus rien.

D’ailleurs, je me suis rendu compte que toutes les personnes en


détresse sont toutes mises dans les mêmes établissements. Est-ce bien ?
Est-ce mal ? Peu importe, c’est ainsi. Mais il est vrai que ce n’est pas
évident : je n’arrive pas à converser avec les autres parce que je me dis
que leurs histoires sont peut-être pires que la mienne et que donc je
n’ai pas le droit de leur « saper » le moral... Alors on se regarde tous,
on se dit des futilités et c’est tout. Peut-être bien que c’est fait exprès ?
On fait tous semblant et c’est cela le premier remède, c’est peut-être
cela le premier pas vers le mieux-vivre ? À force de faire semblant, on
commence à y croire pour de vrai ?

Enfin bref, un soir avant de m’endormir, quand mes cachets sont en


train de faire effet (antidépresseurs, somnifères et anti-anxiolytiques) j’aper-
çois un profil différent de tous les autres. Les photos sont peu commu-
nicantes, cet homme ne se met pas forcément en valeur et semble « en
avoir un peu rien à faire » d’attirer des bombes. Cela semble juste être
un homme qui a créé un profil « pour créer un profil ». Il a mis son
pseudo Instagram dans sa bio. J’y jette un coup d’œil et : j’adore son
compte. Il est coloré, il est plein de paysages du Portugal et je trouve
ses photos artistiques. À cette période-là, c’est tout nouveau : on peut
envoyer des messages privés via Instagram. Je lui en envoie donc un,
sans réelle motivation quelconque, mais histoire de lui dire que j’adore
son compte et que s’il a envie d’échanger il peut me contacter sur mon
numéro de téléphone portable.

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Je n’attends pas de réponse, mais j’appuie sur envoyer sans crainte et
m’endors paisiblement grâce à mes traitements.

Ma journée démarre et encore une fois c’est :

prise de cachets
douche
aller à l’école en fantôme
manger sans faim
continuer les cours en somnolant
rentrer à la clinique
belote avec les patients
manger pour manger
prise de cachets puis...

J’ai une réponse, de Daniel. Le mec à qui j’ai envoyé un message via
Instagram.

Ce message est joyeux, cool et il est ouvert à la discussion.

Dans ce même temps, j’arrête de converser avec les autres parce que
cela n’a ni queue ni tête, c’est des paroles dans le vent et c’est très
ennuyant.

Daniel m’explique qu’il a mis du temps avant de me répondre car il


n’avait pas vu mon message, il venait de fêter son anniversaire. Très
rapidement, on ne cesse d’échanger. On parle de tout, de la vie, de
l’être humain, on se pose des questions existentielles, on rigole
presque. Cela fait passer plus rapidement mes journées et ça devient
très vite un shoot d’adrénaline quotidien, mon café du matin à moi,
mon baume au cœur, même si je ne le vois qu’en prenant du recul.

Je lis ses messages et ses réponses sont toujours de qualité supérieure à


ce que je peux imaginer. Je suis agréablement surprise par ses idées,
ses opinions et ses questions. Jusqu’au jour où il me demande la ques-
tion fatidique à ne pas poser :

« Comment est-ce que ça se fait que tu sois toujours célibataire ? »

Et là. Un immense silence. Que répondre ?

46
.
• • •

47
Ok, le jour se lève et je n’ai toujours pas répondu.

« Dois-je lui dire la vérité ? Le vrai pourquoi du comment, ou simple-


ment répondre futilement quelque chose d’amusant ? Et puis à quoi
bon lui dire la vérité, il s’en moque ? Il partira en courant. Mais
Candice, est-ce que tu as peur qu’il ne te parle plus ? Absolument pas,
je m’en fous, il fait ce qu’il veut. Je ne ressens rien pour cette personne
que je ne connais pas et tout mon amour appartient à Timothé. Bon et
bien alors, dis-lui tout. Tu verras bien ! »

« Et bien Daniel, pour répondre à ta question... Il m’a fallu plus d’une


nuit pour réfléchir à quoi répondre. Je vais la jouer 100% transparente.
Je t’écris d’une clinique, j’y séjourne depuis des semaines et je suis
dépressive. Il y a... blabla. Si ce message t’effraie, je le comprendrai et je
n’attends pas réellement de réponse de ta part. Belle journée. »

Figurez-vous qu’il met 1,5 jour avant de me répondre.

Puis je finis par recevoir une notification, et je lis sur l’écran de mon
téléphone « Oh Candice. Je ne sais que te répondre, ce que tu me dis
est bouleversant et tout ce que je peux en dire pour l’instant c’est que
tu es une femme forte et je suis navré de voir tout ce que tu as vécu.
Est-ce que tu veux qu’on en parle ou bien veux-tu parler d’autre chose
? ».

C’est une réponse un peu comme celle-ci, j’essaie tant bien que mal de
m’en souvenir, mais il est difficile pour moi de me rappeler exactement
ce qu’il me répond. En tout cas, ce dont je me souviens c’est que son
message me subjugue. Je n’attends rien et pourtant sa réponse est plus
qu’à la hauteur de tout ce que j’aurai pu penser lire.

À partir de ce moment-là, je ne peux vous dire que je reprends goût à


la vie, ce serait mentir et il m’a fallu bien des mois et des années pour
en arriver à ce stade, mais au moins à mon réveil j’ai une lueur d’es-
poir. Je vois un peu de lumière dans toute ma noirceur. Les conversa-
tions ne s’arrêtent plus, elles deviennent même de plus en plus
fréquentes. Chaque jour, nous avons des choses à nous dire. Nos
échanges sont doux et parlent de la vie.

Un matin, on se dit : ce soir, on passe un cap ! On s’appelle !

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J’avoue ne pas cesser de penser à comment sera sa voix, aura-t-il une
voix ridicule ? Une voix criarde ? Un accent ? Puis, je pense à Timothé,
est-ce que cela est le tromper que de discuter avec un autre homme ?
Est-ce qu’il va m’en vouloir ? Est-ce qu’en me regardant de là-haut, je
vais le décevoir ?

— Candice, es-tu avec nous ?

Ça, c’est mon prof qui me voit rêvasser. J’essaie tant bien que mal de
me ressaisir, de me concentrer sur mes cours, mais rien n’y fait. Je ne
pense qu’au passé, qu’à Timothé, qu’à ce soir, qu’à mon rendez-vous
téléphonique avec Daniel. Tout s’entremêle.

Ça y est, il est 17h00 et c’est la fin des cours. J’embrasse mes meilleurs


potes Fabien, Clovis et Morgan et puis je rentre à la clinique. Je
parfume ma chambre, j’aère et je me fais belle. Pourtant ce n’est qu’un
appel téléphonique, mais je veux me mettre dans les meilleures condi-
tions. Cela fait des semaines que je me néglige, je veux pouvoir me
sentir femme. Puis, je me regarde dans un miroir, et je ne comprends
pas pourquoi je fais tout cela pour lui. Alors, je me démaquille, je me
mets dans le noir et j’attends son appel.

Mon téléphone sonne et ça y est c’est lui. Je me racle la gorge et m’as-


sure d’avoir une voix normale, et je dis simplement ALLO.

Très rapidement, la timidité prend le dessus sur moi et j’en perds


presque mon latin, j’ai écrit des pavés et là je ne suis pas fichue d’ali-
gner trois mots convenablement. Il repère de suite mon petit accent du
sud et s’en moque gentiment... Autant vous dire que j’ai failli raccro-
cher tant tout me semblait difficile. Mais il sait me détendre, il a un
humour incomparable, c’est un humour classe et à la fois qui te met
hyper à l’aise, alors je ferme les yeux, je m’ouvre à la discussion et puis
3 heures s’écoulent sans que je n’aie pas vu le temps passer. J’ai une
prise de cachet le soir, et ils font effet en quelques minutes, je finis donc
par m’endormir complètement au téléphone avec lui.

Même quand plus rien ne va, un rien peut faire la différence. Si ma


culpabilité m’avait vaincu, vous ne seriez pas en train de lire mon
histoire à cet instant.

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Alors, que décidez-vous pour vous-même ?

Est-ce que vous voulez encore vous soumettre à votre culpabilité, vos
blessures et vos peurs ?

Si la réponse est oui, fermez ce livre. Laissez-moi de côté et restez dans


votre état. Si la réponse est non et que ça y est, vous croyez que c’est
possible de surmonter tout cela, alors on se voit à la page suivante !

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PARTIE III

LÀ OÙ TOUT S’ENCHAÎNE
13

APTE À TOMBER AMOUREUSE

Les jours et les semaines passent, et vient le moment où je me


comporte suffisamment bien, où mon état d’esprit redevient « normal »
pour qu’on m’autorise à sortir définitivement de ma clinique.

Le jour de ma sortie, Daniel doit me retrouver pour le week-end.


Autant dire que j’hésite longuement avant de consentir pleinement à
l’idée que l’on se rencontre. Mais je n’ai rien à perdre.

Tic Tac.

— Maman, Papa, oui ne vous en faites pas ça va aller. Je sais que la


dernière fois où je vous ai dit « ne vous en faites pas ça va », j’ai merdé.
Mais cette fois c’est différent. Croyez en moi, encore une fois.

Ils n’ont d’autres choix que de me croire sur parole... Quand je me vois
écrire ces mots, je me rends compte à quel point être parents est loin
d’être un long fleuve tranquille.

Daniel : « Je suis déjà dans le covoiturage, j’arrive dans une petite


heure ! ».

Ah oui, parce qu’il n’était pas de ma ville, il était 2 à heures de voiture


de chez moi et ne connaissait absolument pas Rodez.

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Je me rappelle que lorsque je lis ce message, je prends enfin conscience
de ce que j’ai fait. De ce qui va arriver. J’héberge chez moi un nouvel
homme. Qui n’est pas Timothé. Je ne sais pas réellement qui c’est, mais
j’ai été d’accord de le rencontrer et de vivre avec lui pendant 2 jours. Et
si c’était un fou ? Et s’il n’était pas ce qu’il prétend et voulait me
kidnapper ? Non, peu importe, je verrai bien. Je tends à suivre mon
instinct.

Daniel : « Je suis là dans 10 minutes, le covoiturage me dépose devant


un kiosque dans le grand parc de Rodez, j’espère que ça te parle ? ! J’ai
1% de batterie... »

Moi : Ok top, c’est juste à côté de chez moi. À tout de suite !

Il fait presque nuit, nous réussissons à nous retrouver. On se fait une


bise, et nous évitons volontairement de nous regarder vraiment. Une
fois arrivé dans le salon, nous sommes gênés, mais lui, il gère. Pour me
remercier de l’hospitalité, il ne fait pas comme tout le monde : m’offrir
des fleurs et des chocolats. Non, lui il me donne un livre sur la psycho-
logie humaine et à la page 21, le jour de notre premier contact, il y a
glissé un magnifique dessin de moi qu’il avait fait au crayon à papier.
C’est sublime, je suis littéralement sans voix et je ne peux m’empêcher
de me dire : quelle originalité !

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Ce week-end là, est génialissime. Une partie de moi espère en secret
que cela tourne au désastre. Et ce serait bien plus simple pour moi :
aucun encombrement, je peux retourner dans ma vie pourrie et culpa-
biliser un chouya moins d’avoir de nouveau « rencontré quelqu’un ».
Mais non, c’est trop bien. Nous allons au Musée Soulages, on sort voir
Marguerite au cinéma et je me réconcilie même avec les pâtes à la
carbonara. Tout est parfait. Mais, toutes les bonnes choses ont une fin,
non ?

Le week-end s’achève, il est l’heure de se quitter. Je dois vous avouer


que ni l’un ni l’autre avons envie de ça. Pourtant c’est bien ce qu’il se
passe.

Trois jours plus tard, le revoilà à bord d’un autre covoiturage pour une
durée de quelques jours encore. Puis, s’en va à nouveau, revient encore
et très vite il prend ses valises, quitte sa ville et toute sa vie pour vivre
avec moi. Il devient Ruthénois.

Les semaines passent, les mois passent et je ne suis pas stable du tout.
Je suis fragile, ce n’est pas évident, mais Daniel a beaucoup de courage,
de volonté, et voit en moi la Candice du futur, alors il s’accroche.

Un jour, il décide de me présenter à sa famille. Nous sommes en


voiture, il y a deux heures de route et j’ai l’impression d’en avoir fait
cinq. C’est long. Je stresse. Je me rappelle alors de ce que dit la chanson
de « Lily » : « Mais la belle-famille lui dit « Nous ne sommes pas
racistes pour deux sous, mais on ne veut pas de ça chez nous ». Alors
je ne peux m’empêcher d’imaginer le pire : et si les parents de Daniel et
ses frères ne m’aiment pas ? Si quelque chose chez moi les dérange ?
Que ferais-je ? Une fois arrivés, à la seconde où ils m’ont laissé entrer
chez eux, toutes mes craintes se sont envolées. Ils ont tout fait pour me
mettre à l’aise et je me rappelle encore, je pleurais de joie, même si les
larmes n’ont pas coulé. Lucia, Armindo, Manuel et Adrien, merci.

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14

APTE À LA RECHUTE

Toujours dans cette année 2016, j’arrête mes études, je n’y arrive plus
et je veux vivre cette idylle romantique et discrète à 200%. Je crois
bien que pendant un bon mois, nous discutons, rêvassons, visitons et
chantons simplement. La vie est douce, même si durant ces premiers
mois, il m’arrive au moins une fois par jour de faire une rechute, de
déprimer, de pleurer et de faire des crises d’angoisse. Daniel est
patient, il me laisse avancer à mon rythme. Je n’assume pas cette
relation étrange que j’ai avec lui, ni avec les autres, ni avec moi-
même.

Jusqu’au jour où cela commence à se savoir et je finis par laisser couler.


Nous enchainons les petits boulots, histoire de vivre sans trop
dépendre de nos parents. Serveuse, vendeuse, et lui vendeur puis
plaquiste, puis ébéniste... Nous savons que « c’est pour un temps »,
même si cela fait déjà des mois que notre vie est ainsi. Elle nous
convient : Daniel me soigne, me répare. Je m’en veux de tomber amou-
reuse de lui vis-à-vis de Timothé. Une petite voix me dit sans cesse «
non tu ne peux pas, non tu en aimes un autre ». Cette voix reste en moi
pendant presque deux ans. Mais Daniel s’arme de patience et avec le
temps, je m’éprends de lui. Il est toujours là et a tout quitté pour venir
s’installer à Rodez, pour me soutenir et m’épauler. Il voit en moi

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quelque chose que j’ai apparemment oubliée. Il sait que je suis capable.
Il le sent.

Un jour, durant cette première année de ma rencontre avec Daniel, ma


mère reçoit un courrier par lettre recommandé. C’est un courrier disant
que je suis convoquée au commissariat, les parents de Timothé portent
plainte pour homicide involontaire contre X. Mais tous, savons que
c’est pleinement dirigé contre moi.

On veut tant bien que mal se préparer à ce genre de choses, mais


certaines situations ne peuvent être anticipées.

Le jour de la convocation arrive et ma mère et Daniel me déposent


devant le commissariat à 8h00. Me serrant fort contre eux, me chucho-
tant qu’ils vont penser à moi tout le long du témoignage.

Je franchis le pas de porte, je donne mon identité et une femme vient


vers moi. C’est une commissaire.

« Vous avez le droit de garder le silence. Si vous renoncez à ce droit,


tout ce que vous direz pourra être et sera utilisé contre vous devant
une cour de justice. Vous avez le droit à un avocat et d'avoir un avocat
présent lors de l'interrogatoire. Si vous n'en avez pas les moyens, un
avocat vous sera fourni gratuitement. Durant chaque interrogatoire,
vous pourrez décider à n'importe quel moment d'exercer ces droits, de
ne répondre à aucune question ou de ne faire aucune déposition. Nous
vous autorisons à passer un coup de fil et à contacter un avocat
maintenant. »

Après m’avoir dit ces mots, je crois que je me décompose. Mon cœur
bat la chamade et je me sens déboussolée. Moi qui pense venir pour un
simple témoignage, je suis prise de court. Les seules fois où j’ai
entendu ces mots, c’est dans les films où il y a le méchant qui va en
prison. Donc je suis effrayée, je demande qui dois-je appeler n’ayant
pas l’habitude de ce genre de procédures. On me répond : « vous êtes
libre de choisir ».

J’appelle donc ma mère, qui bien évidemment s’effondre au téléphone :

- Quoi ? Ah non, ce n’est pas possible ! Tu ne peux pas rester là toute


seule, je viens avec toi !

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- Non maman, tu ne peux pas. Nous n’avons pas le droit. Ne m’at-
tendez pas ! Cela peut durer des heures ou bien plus et je n’ai aucune
visibilité. Ça va aller, rentrez à la maison. Est-ce que tu peux contacter
l’avocate s’il te plaît ?

Trente minutes plus tard, mon avocate arrive. Elle me prend à part,
nous sommes dans une toute petite pièce assez lugubre, et m’explique
comment cela va se passer. Je suis dans tous mes états, mais je tente de
faire bonne figure.

- C’est bon Candice, tu tiens le coup, on y va ?

- Hum, moui d’accord allons-y, je n’ai pas vraiment le choix...

J’arrive dans cette salle, avec une commissaire, ou peut-être deux, je


n’en ai plus un souvenir très clair. Les questions sont toutes à charge
(ce qui signifie qu’elles m’accusent toutes). Je dois à nouveau tout
raconter. De ma première rencontre avec lui jusqu’au dernier jour de sa
vie. C’est un enfer ! Moi qui pense avoir passé un petit cap, je dois me
remettre à nouveau dans mon ancienne vie.

— Qui était Timothé pour vous ?

— Comment vous êtes-vous rencontrés ?

— Comment est-il décédé ?

— Pourquoi avoir mis ce fromage dans votre plat ?

— Quand est-ce qu’il vous a parlé de ses allergies ?

— Quand avez-vous acheté ce fromage ?

— Pourquoi ce jour là ?

— Vous étiez-vous disputé ?

— Est-ce que vous étiez en colère après lui ?

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15

APTE À ÊTRE TRAHIE

Tant de questions douloureuses, à chaque question c’est comme une


hache qui s’enfonce dans mon corps. Mes larmes ne cessent de couler,
et je suis tellement hors circuit que dans le même temps je me dis : «
Ne pleure pas ! Ils vont croire que tu fais du cinéma pour te faire
plaindre ! ». Je me rappelle que mes larmes sont bouillantes, elles
dégoulinent de mon visage par dizaines et je me retrouve avec des
flaques de larmes sur mes bras. Mon avocate me regarde, tente de me
rassurer, me fait les yeux tendres et essaye de me faire reprendre mon
souffle. Mais malgré toutes ses bonnes intentions, je veux juste mourir
à ce moment-là.

Le pire dans tout ça c’est que j’apprends que d’autres personnes ont
fait des témoignages. Je n’ai pas accès aux comptes rendus d’interroga-
toires, mais on me pose des questions suite à ceux-ci :

— Julia a dit que cela l’étonnait que vous ne le saviez pas. Qu’en
pensez-vous ?

— Charly lui, a dit que Timothé était avec vous lors de la préparation
du repas, est-ce vrai ?

— Mia elle, elle savait ses allergies. Elle n’avait pas conscience de la
gravité des conséquences, mais elle savait. Pourquoi pas vous ?

59
— Une personne nous a aussi dit que Timothé vous trompait. Il avait
apparemment une aventure avec une fille de sa faculté. Le saviez-vous
?

— Apparement, Timothé et Julia s’étaient également rapprochés


durant votre absence. Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet ?

Toutes ces questions me mettent plus bas que terre. Ils citent le nom de
ma meilleure amie, ils supposent que Timothé me trompait, son amie
insinue que je savais...

En fait, à cet instant précis je me suis vue dire quelque chose du style :
Ok, accusez-moi je n’en ai plus rien à faire en fait.

Mais les mots ne sont pas sortis, à la place je me suis juste effondrée, et
j’ai continué à répondre à toutes leurs interrogations comme une bonne
petite élève. Après tout, ils ne font que leur métier, me suis-je dit.

Une pause déjeuner s’impose pour l’équipe de gendarmes. Je me


retrouve donc enfermée dans une petite cage, sur une pierre froide
avec une couverture verte miteuse, cet endroit sent clairement l’alcool.
Je vois passer du monde, je ne sais pas ce qui est le plus difficile : ces
gendarmes qui me regardent avec pitié ou ces autres gendarmes qui ne
veulent même pas me regarder.

Une fois le déjeuner terminé, ils m’interrogent à nouveau. Mon avocate


a d’autres rendez-vous, alors je termine seule. Je continue de répondre
aux questions, de donner ma version de l’histoire et puis je m’effondre
probablement encore une fois.

Il est 20h00 passé, je sors enfin. 12h c’est très court dans une vie, mais
12h dans ces conditions, c’est une éternité. Ce soir-là, mon père nous
emmènent tous au restaurant, on parle peu. L’objectif est de manger
une bonne viande et de se décharger émotionnellement.

Je sais pertinemment que lorsque ma mère me regarde, elle pense à


tout ce qui vient de m’arriver et se sent coupable. Ce livre que j’écris, je
l’écris aussi pour elle. Parce que je sais qu’elle s’est longtemps sentie
responsable de mon mal-être, elle s’est persuadée qu’avec des « si » la
concernant, je n’aurai pas vécu toute cette suite d’événements malheu-
reux. Alors maman, toi qui me lis je veux te dire que tu n’y es pour

60
rien. Tu n’y as jamais été pour quoi que ce soit, ni toi ni papa, et je vous
aime.

Le soir, nous rentrons, Daniel est proche de moi. Il m’enlace et me dit


que tout va bien aller. Je veux croire en ces mots et garder espoir.

J’ai peur, je me remémore mes anciennes relations amoureuses, mes


déceptions, et je repense à Timothé. Je me demande si cela arrive aussi
aux autres, d’aimer des personnes plus qu’elles sont aimées. Mais je
comprends que si je me protège de tous les mauvais côtés d’une rela-
tion, je loupe aussi les bons. Alors je l’aime, ça y est.

Même si encore cette nuit-là, et beaucoup d’autres, je m’endors en ne


pensant qu’à une seule chose : connaissais-je réellement Timothé ?
M’aimait-il vraiment ? Quelle est la part de vrai dans tout ce faux ? Ou
bien est-ce que tout ce que j’ai vécu était faux ? Surtout, est-ce que cela
vaut la peine de me torturer le cerveau ? C’est quand même avec moi
qu’il passait les trois quarts de son temps, les nuits il les passait avec
moi ! Candice, décide-toi, tu crois les autres ou tu crois en toi et en lui ?
Je veux croire en nous. Encore une fois, tant de questions sans réponse,
mais mon Xanax m’endort confortablement et les bras de Daniel sont
réconfortants.

Qu’auriez-vous pensé à ma place ? Est-ce que vous gardez les


meilleurs souvenirs intacts ou est-ce que c’est plus fort que vous, vous
vous imaginez les pires scénarios ?

61
16

APTE À PARDONNER

Il est difficile de se pardonner et de pardonner aux autres. Mais lorsque


notre intention est d’aller de l’avant, alors pardonner devient plus
simple. Notre vie est faite de décisions. Le jour de ma naissance, je
suppose que mes parents biologiques ont décidé de ne pas me garder.
Ils ont probablement leurs raisons, je ne leur en ai jamais voulu, du
moins rarement. Je leur pardonne parce que je ne sais pas ce qu’ils ont
vécu, parce que je ne peux me mettre à leur place et surtout parce que
je ne veux pas vivre en ayant de la colère auprès de ceux qui m’ont
donné la vie.

Les personnes qui m’ont trahie, qui m’ont rejetée et qui m’ont dit «
rentre chez toi », celles qui ne m’ont pas respectée, je leur pardonne
aussi. Non pas pour elles, mais pour moi. Parce qu’elles ne méritent
pas ma rancœur, parce que je ne mérite pas d’y prêter attention. Timo-
thé, à tout juste 19 ans, était un adulte. Il aurait pu me regarder droit
dans les yeux, m’exposer son état de santé et m’alerter quant à la
gravité de ses allergies. Je lui pardonne, parce que dans sa situation,
j’aurais probablement voulu profiter tout comme lui, ne pas vivre sa
vie comme une personne malade constamment. Et pourtant, si vous
saviez combien je l’ai détesté. Non pas pour ce qu’il était, mais pour ce
qu’il n’avait pas fait. Pour son silence, pour ne pas m’avoir fait

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conscientiser sa situation. Je l’ai haï, parce que j’ai cru pendant un
instant que ma vie serait détruite à tout jamais à cause de son absence.
Je l’ai supplié en regardant le ciel, pour prendre sa place et qu’il
revienne sur Terre. Mais à quoi bon ? J’ai recherché son approbation,
j’ai attendu un signal, j’ai cru au miracle, j’ai espéré un retournement
de situation, mais rien n’est arrivé. Le jour de sa disparition, j’ai culpa-
bilisé. Je me suis accablée, je n’avais besoin de personne pour le faire.
Je me suis moi-même rendue responsable et le criais sur tous les toits.
Je ne m’en suis jamais cachée. Les faits sont là : j’ai cuisiné, servi un
plat, il a mangé une bouchée et est décédé. Cela s’est bien passé dans
ma cuisine, avec la nourriture de mon frigo et c’est moi qui ai fait ce
plat. Chaque jour de ma vie je vais vivre avec cela.

J’ai rêvé de pouvoir discuter avec Dieu ou un astre, afin d’échanger ma


place contre la sienne. Je me suis dégoutée lorsque je me regardais,
devant faire semblant d’aller mieux alors que mon seul souhait était de
le rejoindre. Je m’en suis voulu d’avoir voulu mettre fin à mes jours
alors que j’avais pris une vie. Je me supportais encore moins, lorsque
j’ai appris que mes parents et ma sœur avaient eux aussi mis un stop
total à leurs vies depuis cet événement. J’ai également eu un sentiment
de colère envers toutes ces personnes qui se sont prétendues être l’ami
de Timothé ou mon ami à moi, rien que pour pouvoir être dans le scan-
dale. J’en ai même voulu à mes parents, de m’avoir fait revenir du
Vietnam : « si je n’étais pas revenue, il ne serait pas décédé ! Je ne
l’aurai pas tué », c’est ce que je me disais.

J’aurais aussi pu en vouloir à sa famille, de m’avoir abandonné, de


m’avoir accablé, humilié. Mais aucunement, je ne peux savoir ce que
cela fait que de perdre un fils, un frère, un cousin. Je finis donc par
prendre toute la responsabilité de toutes mes situations vécues.

Cela ne peut-être la faute de mes parents biologiques, ils ne pouvaient


prédire ce qui allait m’arriver. Cela ne peut-être non plus la faute des
personnes qui m’ont rejetée, parce qu’elles m’ont toutes fait devenir la
femme que je suis aujourd’hui. Cela ne peut-être encore moins de la
faute de Timothé, cet ange que j’ai eu la chance de connaître, voulant
simplement vivre dans l’insouciance le temps de quelques instants.
Cela n’est pas non plus de la faute de sa famille, nul ne peut juger s’il

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ne l’a pas vécu. Cela ne peut surtout pas être de la faute de mes
parents, eux qui ont donné leur vie pour moi, les seuls qui m’ont
probablement véritablement aimé sans compter dès notre premier
regard.

Alors oui, c’est de ma faute. Tout ce qui m’arrive est à cause de moi. Et
je me dis : qu’ai-je fait pour mériter ça ? Pourquoi la vie s’acharne
contre moi ? Comment suis-je censée vivre après tout ça ?

C’est simple. Je me suis dit pardon. Pour être en paix.

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17

APTE À REBONDIR

Les jours passent, les mois défilent et de nouvelles galères


apparaissent, mais je reste optimiste, Daniel est à mes côtés et ne serait-
ce que pour lui, la vie vaut la peine d’être vécue. Il n’empêche que je
dois me l’entendre dire, à voix haute, que le monde sache que mes
sentiments comptent, que je compte : Je me regarde dans un miroir, et
je le dis : je m’aime.

L’année qui suit, la vie suit son cours. Mon avocate m’appelle et m’an-
nonce que j’ai « gagné » le procès. La justice parfois à une image bien
prédéfinie de la réussite. Comment puis-je avoir gagné quoi que ce soit
à ce stade de ma vie ?

Je crois que c’est cette année-là que j’avorte. Je fais un déni de grossesse
et j’ai deux semaines pour me décider : « on le garde ou pas ? ». Pour
ou contre, cela n’est pas la question ici : moi dépressive, encore amou-
reuse de mon ex-petit-ami, en couple certes, mais sans emploi fixe,
encore avec de lourds traitements médicamenteux, je ne peux conce-
voir d’élever un enfant dans la quiétude comme j’en ai toujours rêvé.

Je décide alors d’avorter : j’ai le passe-droit pour le bloc opératoire.

Toujours dans ce même temps, je reprends mes études, c’est pas hyper
excitant de s’y remettre, mais ma classe est sympa. Les formateurs se

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souviennent tous de moi et l’ambiance est cool. Je tente de passer mon
permis, que j’ai enfin après la sixième tentative...

Nous déménageons à Albi, une petite ville non loin de Rodez, dans un
appartement trois fois trop grand pour nous, magnifique, mais nous
n’avons pas de quoi le meubler. Alors on s’y ennuie très vite. On
revient s’installer à Rodez, coup de cœur sur un petit appartement
cosy en plein centre-ville. Je continue de croiser toutes ces gamines,
mon ancienne belle-famille, mais je me fais petite. Je me cache même
fréquemment derrière un poteau, un buisson ou bien un angle d’im-
meuble afin de ne pas être vue.

Durant toute cette période, mes parents et ma sœur sont bien présents
pour moi, mes amis aussi. J’ai l’entourage qu’il me faut, le tri se fait
petit à petit et je n’ai plus que des amis qui m’aiment pour qui je suis,
et non pour ce que j’ai ; parce que c’est quand vous n’avez plus rien à
partager, plus rien à donner que vous vous rendez véritablement
compte pour qui vous comptez vraiment. J’adopte un chat, Léon. Il est
mon compagnon, ma bouée de sauvetage, mon coussin câlin et celui
qui panse mes maux.

Je découvre le pays de cœur de Daniel, celui de ses origines. Nous visi-


tons le Portugal, je fais la rencontre de toute sa famille. À croire que ma
vie redevient peu à peu paisible. Mon oncle Jean-Marc, le médecin de
la famille, mon parrain, qui a toujours agi comme un second père pour
moi m’annonce que je peux stopper mes traitements. Je sais que j’ai
encore du chemin à faire, mais je sens que ça va aller pour le mieux.
Après tant de temps, je vois que je fais des progrès.

Jusqu’au jour où mes parents reçoivent une nouvelle lettre recomman-


dée. « Ils font appel ma chérie. L’enquête réouvre Candice... ». Et là ?
C’est la douche froide pour moi. Mes parents le voient comme de
l’acharnement, et moi je me dis : « tu ne t’en sortiras jamais ». Ils
prennent comme nouvel élément, tous nos échanges SMS, pensant y
trouver des informations qui pourraient me porter préjudice probable-
ment, du moins pour tenter de prouver que je savais.

Je n’en pense rien, je veux simplement tenir le coup, je ne pense même


pas à moi, mais plutôt à mes parents et à ma sœur, à mes proches, ceux

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qui m’ont tout donné ces deux dernières années pour espérer que je
guérisse et là : je me vois déjà pendue par une corde et eux tous, les
seules personnes qui m’aiment, en train de pleurer. Je sais, c’est moche,
mais c’est la première image qui me vient à l’esprit, à cet instant-là : je
suis à deux doigts de me mettre en colère, mais finalement c’est la tris-
tesse et la nostalgie qui me gagnent.

Cette fois-ci, je passe devant la juge. Je recommence encore une fois, à


tout raconter. J’explique les choses de A à Z à nouveau, et confirme ou
contredis les propos des autres témoignages. Avant mon rendez-vous,
j’ai en effet accès à tous les témoignages des autres personnes. Nous y
avons le droit de lecture, uniquement si l’enquête réouvre.

J’y découvre alors des horreurs. Heureusement, certains sont tellement


incohérents et dénués de sens que cela dessert l’enquête en cours. Mais
la trahison bat son comble.

Aujourd’hui, je comprends qu’il est inconcevable d’accepter que son


enfant ait pu être négligeant face à sa maladie. À 30 ans nous avons du
discernement, mais à 20 ans nous sommes insouciants. Quoi qu’il en
soit, le verdict à la fin de mon entrevue avec la juge c’est : « Il est
possible que vous soyez confrontée aux parents. Il est possible que
vous soyez condamnée, pour homicide involontaire et là, la famille
recevra de l’argent en compensation et vous vous pourrez aller en
prison. À poursuivre. »

Nous sommes en 2019 et je vois peu à peu le bout du tunnel. Je ne


prends plus de traitement, je suis stable et je vais de l’avant. Pourtant,
c’est cette année là où je perds encore une fois tous mes repères. Mes
deux chats d’enfance, Lady et Luna meurent. C’est aussi durant cette
année, que je perds mes deux grands-pères et que ma grand-mère est
diagnostiquée Alzheimer.

À croire que je n’avais pas suffisamment souffert ? Je n’ai pu m’empê-


cher de me dire « pourquoi encore ? ». Jusqu’au jour où je compris que
mon enfance se terminait, que je devais embrasser mon passé, et que je
grandisse. Toutes ces séparations me font du mal, mais elles me
donnent aussi encore plus de force et de courage. Cela me rend nostal-
gique, mais je me sens chanceuse d’avoir vécu auprès d’eux.

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PARTIE IV

LÀ OÙ TOUT PREND VIE


18

CAPABLE DE MIEUX POUR


MOI-MÊME

Il est temps pour moi de tirer un trait sur mon passé. De retrouver une
vie stable, si je ne me le dois peut-être pas, je le dois à ceux qui
m’aiment et sont encore là.

J’ai des nouvelles de la dernière enquête, elle est classée sans suite.
Cela ne me fait rien, un vide un instant, et l’instant d’après je mets de
côté. Je veux me concentrer sur ce qui reste encore intact dans ma vie,
je veux mieux vivre, mieux faire les choses.

Je commence par trouver un travail stable. Je tiens alors un salon de


thé et chocolatier avec les propriétaires. Je m’y plais, c’est presque
comme à la maison. Mais après deux courtes années, il est temps pour
François et Françoise de tirer leur révérence et de vendre. Ne me
sentant pas prête à reprendre une affaire, je décide de m’en aller et je
vais travailler dans les ressources humaines dans le BTP. J’ai le CDI en
poche, un amoureux, des amis et une famille en or, un superbe appar-
tement et un chat aimant pour couronner le tout. Je suis censée être «
heureuse » : dans la société française, c’est un peu à ça que doit ressem-
bler une vie normale ou une vie épanouie, non ?

Mais très vite, je sens que je m’ennuie professionnellement. Je déclare


alors : j’en ai marre. Marre d’avoir une vie moyenne. Je m’intéresse

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donc à tout ce que la vie peut encore m’offrir. Avec Daniel, nous
songeons à nous reconvertir.

Après quelques parties de Playstation avec notre ami Brice, il me parle


d’un nouveau métier, qui permet de travailler de chez soi, d’aider des
gens dans le besoin et de bien gagner sa vie. Ok, ce métier semble tota-
lement correspondre à ce que je recherche.

Alors, je m’informe. Je fouille et tombe enfin sur une vidéo d’un


homme se faisant interviewé, il est inspirant et explique avec brio ce
qu’était ce métier. Malgré tout, après visionnage de cette vidéo il m’en
faut bien plus. Je veux tout comprendre, avoir les tenants et abou-
tissants.

Je le contacte et lui demande comment faire pour faire ce métier-là.


Nous échangeons et il propose de me coacher pendant trois mois, pour
12 000,00€. Clairement, je ne les ai pas. Comment faire ? Il y a deux
manières de penser. Soit « Ok j’ai pas donc je ne peux pas » ,soit « Ok,
j’ai pas donc je fais quoi pour avoir ? ». Je réfléchis, ça me taraude, je ne
peux avoir de résultats différents dans ma vie si j’agis toujours de la
même manière. Alors, j’emprunte cet argent à mes parents après les
avoir convaincus durant 4 heures non-stop que c’était « bon » pour
moi et que je les rembourserai dans les plus brefs délais. Je suis telle-
ment sûre de moi, qu’ils le sont aussi.

« Allo, Angelo ? Ok, j’ai failli aller vers un autre coaching qui propose
4x moins cher, mais en fait on y va ensemble, c’est avec toi que je
connecte. »

Et puis... BOUM ! Je clique et le virement s’envoi, 12 000€ en une seule


fois, pour une personne que je n’avais jamais rencontrée. C’est pour
dire à quel point nos échanges ont été puissants.

Durant ces trois mois, je suis encore salariée et je finis tous les jours
après 18h00. Les trainings* (jeux de rôles) après le travail, ce n’est pas
de tout repos. Mais après avoir investi tout cet argent, je n’ai qu’un
seul objectif : ne rien lâcher et tout exploser, m’impliquer à 100%. Je me
le dois, je le dois à mes parents.

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Ils investissent sur leur fille, comme moi sur moi, pour la première fois
depuis tant de temps ! Mes journées au travail sont de plus en plus
interminables, je vais presque à reculons à l’entreprise, parce que je
viens de découvrir ce pourquoi je suis faite.

Cet accompagnement, au-delà de m’enseigner le métier, me permet de


me redécouvrir. Il m’éveille. Il me réveille d’un sommeil profond dans
lequel je me suis terrée.

Mon mentor, un jour me dit : ça y est, tu es prête. J’ai quelqu’un pour


toi avec qui tu peux potentiellement collaborer et signer ton premier
contrat. Il s’appelle John, il est coach sportif, il accompagne unique-
ment des femmes et je pense que ça peut « matcher » entre vous. Orga-
nisez-vous un appel ensemble.

Dans ma tête c’est un feu d’artifice, et en même temps j’angoisse, je


suis anxieuse, stressée. Je finis par lui répondre : euh… Ok !

Le meeting visio avec John fut bref, ça colle. Il est ambitieux, il est à
fond dans sa vision et les objectifs sont colossaux, mais je ne suis pas là
pour enfiler des perles alors... Feu ! Let’s go ! On y va...

Je ne vous ai pas expliqué ce qu’est ce métier. Il s’appelle « closer ».


Dans les faits un closer est l’intermédiaire entre une personne qui est
intéressée par un service, comme une formation, un accompagnement,
un coaching et une personne qui les vend.

Mais en quoi cela consiste ? Le closing, c’est comment faire prendre


conscience à la personne que nous avons au téléphone de ce qui est le
mieux aujourd’hui pour elle comme décision à prendre. Le closer est là
pour permettre aux personnes de prendre la meilleure décision pour
eux et en règle générale, ces personnes-là ont du mal à prendre la déci-
sion qui va leur permettre de les impacter parce qu’ils sont dans ce que
l’on appelle une « zone de confort ». Le closer a une position de recru-
teur, il pose des questions, challenge et écoute. Il a le devoir de dire
que le service en question est adapté à la personne s’il le sent à 100%, et
il a l’obligation morale de lui dire que ce n’est pas adapté si tel et le cas.
Autant dire que nous avons une grande responsabilité. Le closer est en
étroite collaboration avec son client (celui qui vend ses services). Il lui
envoie (par diverses méthodes marketing) des personnes déjà intéres-

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sées et le closer doit qualifier et s’entretenir par téléphone ou visio-
conférences avec les potentiels candidats / acheteurs.

Tout cela est très factuel, pragmatique. Pour le définir d’une manière
légèrement plus globale, le closing est un outil de développement
personnel. C’est un savant mélange entre le rôle d’un psychologue,
d’un médecin, et d’un commercial. Ce sont ici les intentions qui sont
extrêmement importantes. Mais encore une fois, nous devenons la
personne que nous avons envie d’être. La chose à retenir, c’est que le
closing m’a permis d’être la personne que je suis aujourd’hui.

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19

CAPABLE D’ENTREPRENDRE

Nous sommes en avril 2020, et avec John tout baigne. Nous explosons
les scores, et chaque mois nous voulons aider encore plus de femmes à
se choisir. Elles reprennent toutes confiance en elles et la collaboration
se transforme rapidement en une amitié forte et sincère.

Dans le même temps je fais la rencontre d’un autre businessman,


Yoann. Je vis là aussi une chouette aventure, j’accompagne moi-même
des élèves dans leur reconversion professionnelle. Lui et moi devenons
proches, et je deviens rapidement son bras droit. Nous sommes insépa-
rables. Il me confie toutes les missions possibles et je me sens comme
une reine à ses côtés. Je me sens utile. Offrir du temps, de l’énergie et
de l’épanouissement à d’autres personnes, je suis tellement loin de ce
que je vivais il y a peu, que je n’en reviens pas moi-même.

Le temps passe, Daniel me soutient et lui aussi il a envie de faire son


bout de chemin. Il démissionne de son travail et commence à s’inté-
resser à l’univers du closing.

Pendant ce même temps, je crée une communauté, un groupe Face-


book privé dans lequel j’y partage mes histoires business, mes anec-
dotes, mes enseignements.

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L’été, nous décidons de déménager. On s’installe à Gozo, une petite île
à côté de Malte, pour y retrouver nos amis Brice et Sophie ainsi que la
Dorthe Family. Nous comptons nous ressourcer, je veux prendre du
temps pour moi et performer dans ma nouvelle reconversion profes-
sionnelle. Nous avons aussi pour projet d’y concevoir notre premier
enfant. Durant cette période, tout s’accélère, j’ai d’excellents résultats,
j’évolue et je crée même un accompagnement pour se reconvertir ou
améliorer ses résultats en closing. Les étapes s’enchainent à toute
vitesse, je génère de l’argent, bien plus que ce que j’aurai pu imaginer
dans ma vie, je rencontre des personnes formidables et très inspirantes,
je continue d’investir sur moi et même si tout roule, pas une journée ne
commence en pensant à mon passé.

Nous visitons l’île, les vendredis soir nous avons soirée apéro live dans
notre bar préféré, où on retrouve nos amis et « la vie est belle ». Nous
prenons des couleurs, notre maison a quatre chambres, 3 salles de bain,
une piscine, nous avons tout pour être heureux. Daniel devient entre-
preneur, il tombe sous le charme du closing et se lance. Il gère, il est
accompagné par Brice, et ses résultats sont incroyables. Notre vie est
légère, facile.

Puis, un jour comme un autre, je sens que je ne suis pas à mon plein
potentiel. Je sais que j’ai besoin d’autre chose. Chrisas est une des
personnes que j’ai mentoré, mon ami, qui m’aide à prendre le relai et à
me décharger. Il est extrêmement fort pour automatiser et porter des
projets même quand ce ne sont pas les siens. Son soutien a une valeur
inestimable.

Un jour de septembre c’est l’euphorie : je suis enceinte. Là c’est le


BONHEUR ! Lorsque je l’annonce à Daniel, nous faisons une danse de
la joie. La grossesse se passe bien. En tant qu’entrepreneur, je décide de
mes horaires, donc tout se fait dans la tranquillité. Le Covid est de
retour, et l’île de Gozo est menacée de fermer les entrées et d’empêcher
les sorties des résidents. La question se pose alors : vais-je accoucher à
Gozo sans ma famille ou vais-je déménager pour être auprès d’elle ?
Jamais nous n’aurions pensé que tout irait aussi vite.

Les premiers mois de grossesse, je crois que j’ai eu le mal du pays. On


rajoute à ça, les hormones, les nausées, le froid qui s’installe... Moi qui

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ai toujours aimé voyager, cette fois-ci, il est temps de rentrer : il faut
que je sois auprès de ma famille. Bye bye les amis nous rentrons en
France.

Janvier 2021, nous sommes de nouveau en Aveyron. Nombreux sont


ceux qui sont heureux de nous retrouver pour y accueillir notre enfant.
Nous choisissons la marraine et le parrain, ce sera Marianne et Vincent
! Des personnes qui ont beaucoup compté pour nous, et qui ne cesse-
ront de compter. Ma grossesse se passe merveilleusement bien. Le fait
que Daniel et moi soyons désormais entrepreneurs, nous sommes nos
propres patrons et notre vie a complètement changé. Notre rythme est
dense, mais tout se passe dans les meilleures conditions. N’y a-t-il pas
quelque chose qui va faire changer cet état de bonheur ?

Et si… Un matin lors d’une échographie, la sage-femme nous annonce


que notre enfant s’est retournée, qu’il est en position siège et que s’il ne
se déplace pas dans les prochaines semaines, il faudra programmer
une césarienne.

Nous avons quelques jours pour nous décider sur ce que nous voulons
faire, césarienne prévue à l’avance ou bien tenter de faire une version
(consultation avec un médecin pour retourner le bébé avec les mains)
ou passer par voie naturelle malgré tout... Toutes ces questions
auxquelles nous n’avons pas les réponses. Nous demandons l’avis de
tous... Certaines personnes nous affirment que de faire naître bébé par
voies naturelles et sans péridurale c’est le mieux pour lui. Alors je me
pose la question : Dois-je faire ce qu’il y a de mieux pour le bébé ou ce
qui a de mieux pour notre sécurité à lui et moi ? Le choix fut vite fait :
il naîtra par césarienne, ne prenons aucun risque.

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CAPABLE D’ÊTRE MAMAN

Le dernier mois avant l’arrivé du bébé, c’est rude ! Apparement


j’écrase la tête de mon enfant et moi il m’écarte les côtes, c’est doulou-
reux, je ne dors plus les nuits. J’hésite entre « je veux qu’il sorte, vite ! »
et « non pitié, je ne veux surtout pas qu’il sorte ». Chaque jour qui
passe, j’ai peur de l’empêcher de respirer, peur qu’il meurt dans mon
ventre. Et si jamais cela arrive ? Que ferais-je ? Puis, je me dis, si j’y
pense trop fort, ça risque de se passer alors fais taire tes pensées.

C’est alors que le 5 juin au matin, après un meeting réussi, je sens


quelque chose d’étrange. Notre bébé est là, prêt à sortir ! Il a probable-
ment senti ma douleur, j’ai senti la sienne et nos deux âmes ont sûre-
ment décidé qu’il était temps de se rencontrer pour de bon.

— Daniel, je me sens bizarre. Je crois qu’il faut aller aux urgences, le


bébé arrive...

— Oh t’es sûre de toi ? J’ai la flemme de passer une journée pour rien
aux urgences.

— Non je t’assure, je ressens les choses, crois-moi il faut y aller sans


tarder.

— Ok, alors let’s go.

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Le sac de maternité en main, les clés en poche, voiture garée en bas,
Daniel gère, je suis épatée : nous partons. Arrivés aux urgences, en
effet, bébé arrive.

— Mme Peyrac, M De Oliveira ça va se passer aujourd’hui, dans


quelques heures votre bébé sera auprès de vous ! On revient vous voir,
installez-vous en attendant, nous procéderons à une césarienne. Nous
vous amènerons au bloc opératoire Candice, et vous Daniel vous
pourrez la rejoindre une fois que nous aurons tout préparé et stérilisé.

— Waouh, waouh, waouh.

Je n’ai quasiment plus de liquide amniotique, il faut donc faire cela très
rapidement.

Nous sommes sans voix, très émus, un peu stressés, mais heureux de la
tournure que prend cette journée, nous allons rencontrer notre enfant
aujourd’hui. C’est fou !

C’est incroyable à quel point je me sens puissante. Comme si rien ne


pouvait m’atteindre. Je suis sur le point d’avoir mon bébé dans mes
bras.

J’arrive au bloc, il y a une foule de monde dans la pièce, et toutes ces


personnes sont là pour moi. Ils sont professionnels et font cela tous les
jours, alors tout va bien se passer. Daniel me rejoint, on me conseille de
me concentrer sur son regard, ce que je fais aussitôt. Je me plonge dans
ses yeux colorés. Ça y est, ils commencent ! Apparemment dans 10
minutes maximum, le bébé sera avec nous. Je tiens le coup, je n’ai pas
de douleur. Je sens en revanche, des choses dans mon ventre, des
mains qui tirent vers le bas, c’est étrange, dérangeant, mais tout va très
vite. L’instant d’après, je ressens comme un vide en moi. Je me sens
mal, comme si j’avais perdu une partie de moi. L’instant encore
d’après, j’entends des cris, des pleurs et c’est tout simplement ma fille
qui est là !

Face à moi, dans les mains de la sage-femme. Je n’arrive pas à y croire !


Ce petit être, c’est mon bébé ? Elle est bel et bien vivante, et on me dit
qu’elle va très bien. Je n’en reviens pas ! Je ne peux décrire les émotions
que je ressens tant il y en a, mais si j’avais à résumer je dirais que je me

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sens moi-même plus que jamais. Je me sens vivante, je me sens investie
d’une mission, la mission de ma vie. Prête à tout pour cela. Je l’avais
voulu, et désormais, je l’ai. Alors c’est ça la vie ? Quand tu te bats, que
tu tombes, mais que tu te relèves, que tu y crois encore et que tu conti-
nues d’avancer, il peut t’arriver ça dans la vie ? C’est tout simplement
incroyable.

Ma fille est née le 5 juin 2021, à 17h03. Elle pèse 2,9kg et mesure 46cm.
Une petite crevette. Elle a le teint hâlé, des mains minuscules, des yeux
bridés et la bouche de son père. Elle fait ma fierté, et je n’arrive
toujours pas à croire que ce bébé magnifique est sorti de mon ventre
intact. Durant les premiers jours, je ne peux la porter, ni la changer, ni
lui faire son bain, il faut que je me repose, alors Daniel crée un véri-
table lien avec elle. J’en suis si heureuse, je les regarde et je les aime.
Plus fort que tout.

Je veux que ma fille puisse grandir en sachant que la vie c’est décider,
qu’il n’y a pas de bons ou de mauvais moments, mais uniquement des
décisions à prendre. Je souhaite qu’elle soit libre de faire ce qui lui plaît
et de toujours croire en elle, parce que c’est cela qui lui permettra de
vivre sa vie comme elle l’entend. Son père et moi serons toujours fiers
d’elle.

Dès le début, nous savions que ce serait une fille. Pour le prénom, nous
nous étions mis d’accord, Daniel avait choisi le prénom garçon et moi
le prénom fille.

Notre fille s’appelle Lilia et moi, JE SUIS MAMAN.

Rappelez-vous, je vous ai parlé de la chanson de Lily de Pierre Perret.


Il dit à la fin de sa chanson « Mais dans ton combat quotidien, tu
connaîtras un type bien, et l’enfant qui naîtra un jour aura la couleur
de l’amour contre laquelle on ne peut rien ».

Encore dans les rues, aujourd’hui, j’entends des personnes dire « koni-
chiwa » ou « regarde la chinoise » et encore d’autres choses. Puis je
repense à cette chanson et cela me donne de la force. Ma fille ne sera
pas épargnée, mais comme tous les autres enfants du monde. Ils sont
tous différents et d’une certaine manière seront tous peut-être montrés
du doigt un jour ou l’autre. Lilia aura la force nécessaire et surtout le

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discernement pour être fière de ses origines, dès le début ! Contraire-
ment à moi, qui ai mis tant de temps.

Ma fille est adorable, nous vivons des moments de joies et de


tendresse. Nous vivons avec tranquillité, nous continuons nos activités
en parallèle et continuons ensemble d’exploser les scores. Pour ce qui
est des potes, on voit souvent Marion et Benjamin ainsi qu’Elsa et
Dimitri, c’est nos meilleurs amis de Rodez. Je partage aussi cette
passion du closing avec ma superbe amie Magda, qui croit en moi, qui
croit en elle et qui se lance également. Je fais la rencontre aussi durant
ces années d’entrepreneuriat de Dorian et Delphine du Mexique, et
nous voyons régulièrement Killian et Zoé autant de fois que cela est
possible. Il y a aussi Soriya, Alix et Jessy, ainsi que Justeen et Simon.
Tous ces amis-là, nous savons que dans 10 ans, 30 ans et même 50 ans,
ils seront toujours là et nous le serons pour eux. À vous tous, je vous
embrasse.

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CAPABLE DE DÉCIDER

Très vite, je génère des milliers d’euros, je multiplie mon salaire par 5,
puis par 10, 15 et j’ arrive jusqu’à gagner 30 000€ par mois avec toutes
mes activités confondues. Je me promets de toujours garder les pieds
sur terre. Mais quand on gagne autant d’argent, il y a souvent un prix à
payer. Mes journées ne ressemblent plus à rien, je me lève à 5h00 du
matin et m’endors aux alentours de minuit. Je n’ai plus de vie, je ne
vois quasiment plus mes amis, je m’isole et je travaille. Je tente de me
rassurer « je le fais pour mon avenir », « je le fais pour ensuite travailler
moins ». Un jour, j’arrive à la limite du burn-out : l’argent parfois, ça
rend malheureux. Je ne veux plus de cette vie, ce n’est pas moi. Alors je
tente de trouver des solutions, je recherche un groupe d’entrepreneurs
me permettant d’échanger avec eux, de voir comment eux, ils orga-
nisent leurs vies.

Fin de l’été 2021, j’investis 25 000€ dans un mastermind d’entrepre-


neurs de haut vol, je fais de superbes rencontres. Lors de ma présenta-
tion, devant une trentaine d’entrepreneurs, je parle de qui je suis, de là
où je veux aller dans ma carrière et de ce que je traverse aujourd’hui
dans mes activités. C’est alors que je me sens une femme puissante.
Non en supériorité face à quelqu’un, mais puissante quand je me rends
compte objectivement du chemin parcouru. Lors de ce mastermind, je

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fais de magnifiques découvertes, notamment celle d’Alec qui me fait
une proposition professionnelle irrésistible et qui est aujourd’hui un
ami. Lui aussi, sera probablement un ami pour la vie. Aussi celle
d’Amin, de Jonathan, de Justine, d’Hugo et de Clément, qui, eux aussi,
sont des personnes formidables avec qui je souhaite garder le contact.

La vie d’entrepreneur nous offre tant de possibilités, elles sont infinies


en rencontres, et il est probable que je ne les aurais jamais faites si
j’étais restée dans mon ancienne situation de vie. Je rentre de Marseille,
et je me sens fière d’avoir fait partie d’un séminaire avec d’aussi belles
personnes. Ma carrière s’accélère, on me propose de nombreuses
opportunités, mais je les refuse. Ça y est, j’ai saisi. Je me suis donné
l’opportunité de rencontrer tous ces entrepreneurs qui vivent leurs
meilleures vies, et je comprends. Ma vie peut aussi être comme la leur,
mais cela n’est plus ce que je souhaite. C’est difficile de se l’avouer,
mais ce que je veux aujourd’hui c’est de la stabilité. Si j’avais véritable-
ment plusieurs vies, j’en passerais une entière à ma carrière, et même
une entière à offrir mes services pour développer le business de chacun
de ces entrepreneurs tellement leurs projets valent le coup d’y passer
une vie. Mais aujourd'hui ce qui m’épanouit, c’est de me voir à la
maison, enroulée d’un plaid avec ma fille chérie. Et alors ? Je sais que je
peux décider de tout faire. Mais pourquoi tout vouloir quand ta vie te
plaît déjà avec ce que tu as ? Je décide de lever le pied, je suis toujours
un peu surbookée, mais je prends le temps que je veux avec ma fille,
pour ma vie de famille. Je deviens ce que l’on appelle une « mamentre-
preneur ».

Quand je repense à toutes ces personnes me disant :

— Tu vas voir, un enfant ça change la vie ! Finis les nuits. Finis les
sorties, finis les moments de calme.

— Tu devras arrêter l’entrepreneuriat parce que tu ne pourras pas


gérer les deux et ta fille a besoin de toi à 100%.

Je les ai crus pendant un instant, j’ai cru qu’il fallait que je fasse un
choix entre ma vie de famille et ma carrière. Mais non, ma fille a besoin
d’une maman 100% épanouie. Alors, je concilie. Vie de famille, vie
professionnelle. C’est une organisation, certes, mais je peux adapter

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mon planning en fonction, sans rien arrêter pour autant. Je délègue,
fais confiance et tout se passe bien. Avec Daniel, nous nous soutenons,
nous nous comprenons. Il y a même un moment, où nous nous propo-
sons l’un l’autre de devenir maman au foyer ou père au foyer. Et à ce
moment-là, plus que tous les autres, j’ai su. J’ai su, plus que jamais que
c’était lui. Je ferai ma vie avec Daniel, et ensemble nous ferons ce qu’il
nous plaît, non pas par devoir, mais parce que nous l’aurons pleine-
ment décidé.

Lilia a tellement été attendue et souhaitée que rien de ce qui nous a été
prédit ne se passe de cette manière, nous allons gérer.

— Mais, Candice, elle ne pleure donc jamais ?

— Comment faites-vous pour être aussi en forme ?

— Tu as déjà repris le travail ?

Nous trouvons un équilibre. Les semaines passent et je suis enfin à


l’aise dans tous les domaines de ma vie, j’accomplis tout ce que je
souhaite et j’ai besoin d’un nouveau challenge... Non pas que je ne
rencontre pas de difficultés, parce que je peux vous en citer 10 pour
chaque jour, mais plutôt parce que les épreuves précédentes m’ont
donné cette capacité à rebondir, à ne rien lâcher et à croire en mes
rêves.

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22

CAPABLE DE CRÉER

« Candice, tu devrais écrire un livre ! Ta vie pourrait être un film. »

J’ai entendu cette phrase plusieurs fois durant ces dernières années,
mais je n’y prêté pas attention. Combien de fois l’on m’a dit des
compliments et des choses agréables pour le plaisir de faire plaisir : je
n’y croyais pas vraiment. J’y songeais en secret, mais officiellement je
n’y avais jamais pensé. Désormais, je suis tentée, j’ai toujours été
passionnée par l’écriture. Alors, je prends le temps pour cela. J’ai tant
de choses à dire. Mon moi d’avant aurait dit « je n’en suis pas capable.
Pas légitime. Je n’ai pas suffisamment de parcours de vie pour écrire
mes récits ». Mon moi d’aujourd’hui, lui, il dit : je relève le défi.

Depuis que je suis maman, je vois la vie, d’une manière totalement


différente. Je ressens beaucoup d’apaisement et de sagesse quant à la
direction que prend ma vie. Je n’ai plus de colère ni de rancœurs, je
n’ai que de l’amour à donner.

J’ai une révélation, ma priorité ne doit pas être ma fille, mais bien moi.

Parce que les valeurs que je souhaite lui transmettre sont surtout des
valeurs pour soi : s’aimer soi-même, s’écouter et prendre des décisions
pour son bien-être. Alors je me fais la promesse de toujours prendre

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des décisions pour moi afin qu’elle aussi, elle sache penser à elle,
quand il faudra qu’elle le fasse.

L’envie de partager mon histoire devient alors de plus en plus forte.


J’ouvre mon MacBook, je suis sur Pages et j’écris. C’est totalement
déstructuré, mais je m’en moque, je me livre. Je me confesse. J’écris
sans cesse jusqu’à ne plus dormir la nuit tant j’ai de choses à écrire. Je
me libère, je me sens vivante.

Malgré tout, je manque d’organisation, un jour j’écris 5000 mots et les


semaines qui suivent je n’en écris plus un seul. Je ne sais pas si ce que
j’écris est conforme à un livre. Je ne sais pas non plus si j’avance sur la
bonne voie ou si ce que j’écris n’intéressera personne.

Et comme par hasard, un jour, je me fais prospecter par un homme qui


a créé avec son associé un accompagnement pour éditer son livre. C’est
un programme complet, de la création jusqu’à la publication. Je n’hé-
site pas, j’investis en moi, et je rejoins l’aventure.

Je me sens encadrée, en confiance, ils lisent mon ébauche et me


confient : « ton histoire est dingue ». Ces mots suffisent pour me
donner le coup de boost dont j’ai besoin. Ils m’expliquent comment
faire un plan, comment choisir son titre, comment définir mes objectifs
et mon audience. Tout est clair. J’avance, et je ne m’arrête plus.

Je me lis et me relis sans cesse, mon objectif est d’apporter le plus de


transparence possible, que ces récits permettent de s’identifier et que le
lecteur se dise : OK, JE PEUX.

Je me rends compte en cours de route que la perfection n’existe pas.


Que je pourrais me relire des centaines de fois et le retoucher des
dizaines de fois, mais que le laisser brut fera de mon livre un mono-
logue sortant de mes tripes, avec mes souvenirs, mes émotions et
deviendra une véritable thérapie. Comme un propulseur dans
votre vie.

Écrire sur le passé est finalement le plus simple pour moi à écrire : j’ai
tout en tête. Parce que j’accepte que cela fasse partie de moi. Avec ce
livre, je suis désormais prête à tourner la page et à vivre pleinement
ma vie avec Daniel et Lilia.

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Je ne perds pas mes habitudes, j’aime fermer les yeux et imaginer des
scénarios. Mais aujourd’hui je décide d’y voir les meilleurs et non les
pires.

Scénario 1 : mon livre obtient des prix littéraires, cela me rend fière.

Scénario 2 : je suis lu par des milliers de personnes, qui souhaitent que


je les accompagne, cela me rend toute excitée.

Je ferme une dernière fois les yeux, et pour le scénario 3, je vois ma fille
qui me dit « Maman, merci pour cet héritage, je suis fière d’être ta fille
» et là, je pleure de joie. Je suis heureuse.

En cette année 2022, mes projets sont de grande envergure : être la


meilleure des mamans pour Lilia, publier mon tout premier livre, me
marier avec Daniel…

Je ferme les yeux un instant, et j’ai hâte de voir Jean-Baptiste en maître


de cérémonie et Julie la boss de L’amour l’amour Paris, notre superbe
wedding planner, courir partout !

Mais ce n’est pas tout, je souhaite également déménager au Portugal et


… créer un accompagnement. Le mien !

En effet, le closing n’est plus une finalité pour moi, mais bel et bien un
moyen de créer quelque chose d’encore plus grand et qui me corres-
ponde en tout point.

Je réfléchis pour créer un programme où les personnes peuvent se


réveler. Quelle est ma vision ? : « Accompagner 200 personnes par an,
en leur apportant mon soutien, leur offrant mon histoire et leur
permettant de miser sur eux-mêmes afin de vivre une vie extraordi-
naire. » Il n’y a pas de honte à vouloir oser vivre une vie plus grande,
alignée avec ses valeurs.

Je crée alors M’Aime Moi, le processus unique de réussite pour se créer


une vie extraordinaire. Coachings individuels et collectifs, exercices
quotidiens à faire chez soi et des modules vidéos où j’y raconte mes
expériences, et quelles leçons j’en tire. Cet accompagnement a pour
objectif de vous rendre capable de prendre les meilleures décisions
pour vous-même en toutes circonstances, d’avoir l’assurance et l’état

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d’esprit d’un homme / femme puissant.e, vivant d’abondance dans
tous les domaines de votre vie.

Pour ceux qui veulent aller plus loin, vous pourrez me retrouver sur
mon site internet www.candiceroz.com et me contacter via l’adresse
contact@candiceroz.com.

Aujourd’hui, je sais que je peux créer mon avenir. Je sais qu’il sera
semé d’embuches, mais je n’ai plus peur, j’ai l’entourage qu’il me faut
et des tonnes de raisons de vivre. Où la meilleure d’entre elles c’est
moi-même. Le bonheur se trouve dans le quotidien et le chercher c’est
passer à côté de ce qu’il est.

Et vous, quels objectifs souhaitez-vous atteindre pour votre vie ? Y a-t-


il quelque chose encore qui vous empêche de les réaliser ?

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CONCLUSION

Autorisez-vous. Ce n’est pas parce que vous décidez de tourner la


page d’un de vos chapitres, que votre passé et ce que vous avez vécu
s’effaceront pour autant. Néanmoins c’est en décidant de vivre avec
lui, que vous serez en capacité de créer votre futur et atteindre tous vos
objectifs de vie.

Aujourd'hui, Je suis une nouvelle Candice, plus forte, plus sage. Tout
commence en moi. Je décide où je veux aller et je ne regarde pas en
arrière. Il m’arrive même parfois de me regarder dans un miroir et de
me dire : « regarde-toi Candice ! Tu avances malgré tout ce que la vie a
mis sur ton chemin ! Tu t’en sors vraiment bien ! La majorité des gens
qui commencent un nouveau projet abandonne. Pas moi. Pas cette fois
! ».

Et vous ?

Acceptez et affrontez les difficultés parce qu’elles font toutes partie de


votre discours de victoire. Le bonheur se trouve dans le quotidien et le
chercher c’est passer à côté de ce qu'il est. Moi, je l’ai trouvé avec de la
glace à la framboise et tout a pris vie grâce à un simple message pour
un inconnu.

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Pour boucler la boucle, après la naissance de ma fille, j’ai décidé
d’écrire à mon ancien maître d’école.

« Tu as été le meilleur des enseignants que j’aurai pu avoir, je parlerai


de toi à ma fille parce que le prénom que j’ai choisi vient de toi Pierre. »

J’y ajoute les souvenirs que j’ai en mémoire, et j’envoie l’e-mail.

Sa réponse : « On dit parfois que le métier d’enseignant consiste à


semer des graines qui parfois donnent de belles choses, mais j’étais loin
d’imaginer que cela pouvait aller jusqu’au choix d’un prénom pour un
bébé. Sache que je suis très content et fier d’avoir modestement
contribué à cela et que, même si la société dans laquelle nous évoluons
n’est pas toujours aussi belle qu’on l’aimerait, ta petite fille y trouvera
toute la place qu’elle mérite ».

Chaque attention compte, si je ne lui avais pas écrit, jamais il ne l’aurait


su. Jamais il ne saurait à quel point il a contribué à la femme que je suis
devenue. C’est donc bien réel : une simple rencontre, même un
échange, un mot, peut bouleverser notre vie. Restons ouverts, arrêtons
de remettre au lendemain les choses qui sont les plus essentielles pour
nous. Il n’appartient qu’à nous de le décider. Vous n’êtes qu’à une déci-
sion de vivre une vie extraordinaire.

Quoi que vous fassiez, faites-le, où que vous soyez, soyez-y. Parce que
vous êtes peut-être à la fin d’un chemin. Mais sachez qu’il n’y a pas de
route tracée pour la suite. A vous de créer la route. Votre seule limite,
c’est celle que vous vous créez.

Il m’aura fallu du temps pour encaisser, pour assumer, pour réap-


prendre à vivre.

Il m’aura fallu du temps pour affronter l’abandon, la solitude, la diffé-


rence, le rejet, la culpabilité, la pitié, le jugement des autres, les
trahisons.

Il m’aura fallu du temps pour me pardonner. Mais nous méritons tous


la paix intérieure : Vous méritez d’être en paix avec votre passé, alors
soyez indulgent avec vous, parce que vous savez ce que vous avez
vécu. Je sais que vous en êtes capable.

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Une partie de moi appartiendra toujours à Timothé, mais mon cœur est
suffisamment grand pour tout le reste de ma vie. Il n’appartient plus
qu’à moi de continuer à créer mon histoire, mon avenir, mon existence.

Avec tout mon amour, Candice

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AVANT DE TERMINER…

Au fait, je ne vous ai pas dit, j’ai retrouvé dans mes affaires une lettre
datant de 1994, qui serait écrite par ma mère biologique. Je l’ai fait
traduire et elle y a écrit son nom et prénom, qu’elle est née en 1967 et
qu’elle n’a pas de moyens pour me nourrir malgré qu’elle aimerait.
Elle exprime également le fait qu’elle serait heureuse de me savoir « en
sécurité auprès d’une famille ».

Elle aura été mère, au même âge que le mien quand je le suis devenue.
Si ça, ce n’est pas un signe ? Allez savoir.

Ma thérapie aujourd’hui, ma dernière « culpabilité » encore non réglée


c’est celle de me dire : est-ce que c’est mon devoir de retrouver ma
mère biologique et de lui dire que OUI je suis en sécurité et que OUI je
vais bien ou est-ce que je me préserve et continue de créer mon avenir
avec ce que j’ai déjà.

Que feriez-vous, si vous étiez à ma place ?

93
REMERCIEMENTS

Écrire et publier ce livre n’aurait pas été possible sans Erwan et


Clément de editersonlivre.com. Merci les garçons pour votre soutien,
votre bienveillance et votre expertise. Je recommande à quiconque
ayant l’objectif d’écrire et publier son livre de passer par cette équipe
de choc !

Merci sincèrement à vous également, lecteurs et lectrices, pour l’atten-


tion que vous avez porté à mon histoire et à ce livre.

Je suis particulièrement fière d’avoir concrétiser ce projet d’écriture et


j’espère de tout coeur qu’il vous a aidé à vous libérer de votre culpabi-
lité pour aller de l’avant et croire en vous.

Maintenant, si vous souhaitez me soutenir, je vous invite à laisser une


note et un commentaire à propos de mon livre sur Amazon. C’est véri-
tablement la meilleure des manières pour donner de la visibilité à mon
travail.

Merci encore et à très vite je l’espère.

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