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Organisation de l’Unité Africaine

    Troisième Assemblée Ordinaire,


 .. An de grâce 1959
UNE PÉRIODE TRANSITOIRE
(Texte du discours fait par sa Majesté Impériale, l'Empereur Hailé Sellassié Ier à la
Troisième Conférence au Sommet d'Addis-Abeba, 5 novembre 1966).

Monsieur le Président,
Messieurs les Chefs d'Etat et de gouvernement,
Au nom du gouvernement et du peuple d'Ethiopie et en Notre nom, Nous vous souhaitons une chaleureuse
bienvenue à l'occasion de cette solennelle assemblée qui se réunit dans Notre capitale.
On se souvient qu'il y a trois ans nous nous sommes réunis dans cette même salle pour rechercher le moyen de
résoudre les problèmes qui se posent à notre continent. A cette réunion qui fut une étape importante dans les annales de
l'histoire de l'Afrique, nous avons réussi à mettre de côté nos différences et à adopter à l'unanimité ce document
historique qu'est la Charte de l'Organisation de l'Unité Africaine.
En dépit des obstacles, nous avons réussi à fonder cette Organisation de l'Unité Africaine. Nous y sommes
parvenus parce que l'unité que nous recherchons procède de la conviction profonde des peuples d'Afrique dans leur
développement rapide tant politique qu'économique et social. En posant les fondations de notre unité nous avons
accompli un acte qui était dû primordialement au désir de tous les Africains de s'unir dans une lutte commune contre le
colonialisme, la pauvreté, la maladie et l'ignorance qui sont les ennemis de l'Afrique.
Afin que la tâche que nous nous sommes assignée puisse être réalisée dans sa pleine signification de façon que la Charte
ne reste pas une simple étape historique, nous devons, de concert, continuer à travailler avec la même vigueur, la même
abnégation, comme nous l'avons fait dans le passé.
A cette fin, et en accord avec la Charte, nous devons continuer à nous réunir une fois par an pour passez en
revue les événements de l'année et déterminer des lignes d'action pour l'année suivante. Nous devons informer nos
peuples du progrès de nos réalisations et du programme de travail pour l’avenir.
La Charte de l'Organisation de l'Unité Africaine est devenue le code de toutes les aspirations des peuples
africains. Les objectifs importants de la Charte comprennent la promotion de l'unité et de la solidarité entre les Etats-
membres, la coordination de leurs efforts pour élever le niveau de vie de leurs populations, 1a préservation et la défense
de leur souveraineté, de leur intégrité territoriale et de leur indépendance, l'extirpation de toutes les formes de
colonialisme, la promotion de la coopération internationale.
Depuis la fondation de l'Organisation de l'Unité Africaine en mai 1963, l'Assemblée des Chefs
d'Etat et de gouvernement s'est réunie deux fois tandis que le Conseil des Ministres se réunissait
plusieurs fois, en sessions ordinaires et extraordinaires, afin d'examiner les problèmes politiques,
économiques, sociaux et culturels de l'Afrique.
Les importants développements intervenus en Afrique et les réalisations enregistrées en
différents domaines nous ont apporté de notables encouragements. L'Afrique a parcouru un long chemin
sur la voie de la liberté et du progrès et a joué un rôle actif dans la communauté des nations.
La Conférence que Nous ouvrons aujourd'hui montre également notre dévouement à la cause de notre
continent et de ses peuples. Dans cet esprit, nous continuerons d'accomplir notre devoir envers ce
continent et ses deux cent cinquante millions d'habitants dont nous sommes responsables et, dans le
même temps, nous ne faillirons pas à poursuivre 1e rôle actif que nous jouons dans les affaires
mondiales.
Plus que jamais, l'Afrique - comme d'ailleurs le reste du monde - est entrée dans une période
transitoire marquant le passage de l'Afrique qui a été à l'Afrique qui doit être. Nous avons commencé de
frayer la voie vers l'avenir et le devoir qui nous incombe consiste à bâtir un avenir meilleur et plus sûr
pour l'Afrique. C'est une tâche ardue. Emergeant d'une sombre période, l'Afrique est en train de devenir
un continent totalement libre. Depuis la naissance de notre Organisation, l'unité et la solidarité de
l'Afrique s'accroissent fermement. La voix de deux cent cinquante millions d'Africains qui, maintenant,
se fait entendre dans les réunions internationales gagne en puissance de jour en jour. Néanmoins si nous
voulons renforcer notre unité, nous devons surmonter les facteurs qui tendent à balkaniser et à affaiblir notre
continent.
Au moment de la fondation de notre Organisation, certains milieux étrangers ne craignaient pas de déclarer
que l'unité africaine n'était qu'un rêve qui ne pourrait se réaliser. On disait que l'Afrique était tiraillée entre différentes
directions, divisée par des querelles et l'on prédisait qu'en fait d'unité il n'y aurait que chaos et dissensions.
Mais, par notre dévouement à la cause africaine et par notre détermination, nous avons su montrer le
contraire. L'Organisation de l'Unité Africaine a consacré tous ses efforts à combattre avec courage et conviction
les forces qui minent l'unité africaine et en a triomphé.
C'est avec une foi inébranlable que nous devons suivre la route de l'unité africaine. L'Ethiopie, pour sa
p a r t , n'épargnera aucun effort pour maintenir et renforcer notre solidarité. L'Afrique doit parler d'une seule
voix sonnant haut e t clair, et dans l'harmonie.
Notre Organisation nous fournit les moyens de trouver des solutions pacifiques aux différends qui surgissent entre les
Etats-membres. Cela nous permet d'envisager et de mettre en œuvre des mesures qui sont essentielles pour la défense de
notre continent et cela nous aide aussi à adopter des programmes communs de coopération dans les domaines de la
politique, de l'économie, de la vie sociale et culturelle, qui sont vitaux pour l'Afrique.
Dans les faits, la création de la Banque Africaine de Développement nous a donné une bonne base de départ pour
promouvoir la coopération économique. Des lors, il est de notre intérêt de renforcer cette institution et de resserrer les
liens économiques existant entre les Etats-membres.
Dans le domaine culturel, l'Afrique doit faire face à de nombreux problèmes qui sont dus principalement au bas niveau
de l'éducation et au manque de contacts entre ses peuples. Cela étant de grands efforts devront être accomplis dans le
domaine éducatif – clé du développement et de l'unité – afin de fournir à l'Afrique les techniciens qualifiés qui lui sont
nécessaires.
En se souvenant de la rapidité avec laquelle l'Organisation de l'Unité Africaine s'est développée, soucieux d'en
assurer le progrès, l'Ethiopie, de concert avec les autres Etats-membres, contribuera à la part qui lui incombe en veillant
à ce que les ressources aussi bien humaines que matérielles fournies à l'Organisation soient utilisées sagement et
effectivement.
Les ressources mises à la disposition de l'Organisation doivent être évaluées par rapport aux besoins relatifs et
à l'utilité mutuelle aux Etats-membres. Un soin particulier doit être apporté à éviter les projets coûteux pour lesquels les
Etats-membres ne disposent ni des ressources financières nécessaires, ni de techniciens adéquats. La prudence est
indispensable si nous ne voulons pas aller à l'échec, ce qui provoquerait le désintérêt et ébranlerait la confiance des
Etats-membres. Dans cet esprit, le comité spécial auquel a été confiée la tâche d'étudier les problèmes proposés à
l'Organisation a soumis ses recommandations et celles-ci doivent être soigneusement examinées par tous les Etats-
membres.
Aujourd'hui, les problèmes principaux qui doivent nous intéresser le plus et attirer notre attention, sont: la
défense de la liberté de l'Afrique, la libération de nos frères qui sont encore sous le joug colonial, la promotion du
progrès économique et social, l'exploitation effective et efficace de nos ressources naturelles, l'élargissement de nos
systèmes d'éducation nationale, le développement de la Santé Publique et du bien-être de nos peuples, la sauvegarde des
intérêts de l'Afrique par des actions concertées dans les domaines politique et économique.
En dépit de grandes difficultés, le processus de décolonisation se poursuit. C'est ainsi que nous avons le plaisir
de féliciter les deux nouveaux États indépendants du Botswana et du Lesotho pour leur accession à l'indépendance et
d'accueillir leur adhésion à notre Organisation. Nous sommes persuadés que ces deux pays frères contribueront
valablement aux travaux de notre Organisation. Nous connaissons la situation géographique et politique très spéciale où
sont placés ces deux pays. L'OUA devra leur donner un soutien politique et moral et, de concert avec les Nations Unies,
garantir leur indépendance et leur liberté.
En ce qui concerne la question du colonialisme, la position de l'Ethiopie est claire. En accord avec ses idéaux
de liberté, l'Ethiopie, aujourd'hui comme par le passé, défend les droits des opprimés. L'Ethiopie continuera à lutter pour
l'éradication complète de la discrimination raciale sur le continent africain. Elle est pleinement convaincue que la
discrimination raciale signifie la négation de l'égalité morale entre les hommes et la privation de la dignité et de la
personnalité africaines. Tant que l'apartheid sera pratiqué en Afrique du Sud, l'Afrique aura à poursuivre et à intensifier
son opposition tant que cette indignité ne sera pas éliminée de notre continent. Tandis que l'apartheid, qui est le système
d'oppression le plus répugnant et le plus inhumain qu'on ait jamais connu, est appliqué sans scrupules par le
gouvernement de l'Afrique du sud, les pays qui pourraient exercer une pression économique sur ce gouvernement ont
refusé de le faire. Nous faisons donc appel à ces pays pour qu'ils interrompent leurs relations commerciales avec
l'Afrique du sud jusqu'à ce que ce pays change de politique et donne la liberté à ses habitants.
Depuis de nombreuses années, le problème du sud-ouest africain est devenu la préoccupation majeure des pays
d'Afrique. Le Liberia et l'Ethiopie, en tant que membres de l'ex-Société des Nations, agissant au nom de tous les Etats
africains, ont cité l'Afrique du Sud pour avoir violé son mandat au sud-ouest africain en appliquant l'apartheid dans ce
territoire et en manquant à ses obligations de promouvoir les intérêts de la population africaine.
Après six ans de procès, la Cour Internationale de Justice a décidé que nos deux Etats n'avaient pas
établi leur intérêt légal dans cette question et n'étaient pas habilités à présenter le cas à la Cour, démentant ainsi
son précédent jugement prononcé en 1962. Cette décision malheureuse a profondément ébranlé les espoirs que
l'humanité avait fondés sur la Cour Internationale de Justice. La foi dans la justice était diminuée et la cause de
l'Afrique trahie.
Ayant failli à préparer le peuple dit sud-ouest africain à l'indépendance, l'Afrique du sud a trahi la confiance
qui lui avait été faite par la Société des Nations. Cela étant et, compte tenu du refus obstiné d'appliquer les résolutions
des Nations Unies, il devient nécessaire de mettre un terme au mandat de l'Afrique du sud. C'est donc en toute
connaissance de cause que nous accueillons chaleureusement la récente décision des Nations Unies de révoquer le
mandat de l'Afrique du sud sur le sud-ouest africain et de placer le territoire sous son administration. Nous voudrions
saisir l'occasion pour féliciter tous les Etats-membres des Nations Unies qui ont soutenu cette résolution et notamment
les Etats-Unis et l'Union Soviétique.
En Rhodésie, la situation s'est détériorée. Il y a un an, une minorité blanche étrangère a déclaré
unilatéralement l'indépendance. Ce faisant, le régime illégal condamnait la majorité africaine à la servitude.
Après la déclaration illégale d'indépendance, le gouvernement du Royaume-Uni – autorité administrant la
colonie – annonça l'application de sanctions économiques contre le régime rebelle pour contraindre celui-ci au
retour à la loi constitutionnelle. Il était évident que de telles sanctions seraient de nul effet. Devant une telle situation, le
gouvernement du Royaume-Uni fut invité à utiliser la force si cela s'avérait nécessaire pour mater la rébellion.
Malheureusement, le gouvernement britannique montre de la répugnance à l'usage de la force.
Du moment que les sanctions politiques et économiques imposées par la Grande-Bretagne ont montré
leur inefficacité nous sommes persuadés que si l'on veut éviter de dangereuses conséquences dans le coeur de
l'Afrique, il faudra que le gouvernement du Royaume-Uni renverse le régime illégal de Rhodésie par tous les
moyens à sa disposition, y compris l'usage de la force.
Il est de notre devoir d'aider les combattants de la liberté du Zimbabwe à intensifier leur lutte pour la
libération de leur pays. Nous saisissons l'occasion pour les assurer de nouveau de notre soutien. De même, nous
adressons nos sincères félicitations au Président Kenneth Kaunda et au gouvernement de la République de
Zambie, pour leurs efforts et leurs sacrifices dans la lutte pour la libération des peuples du Zimbabwe.
Le gouvernement du Portugal s'en tient obstinément au concept démodé qui consiste à faire passer ses
colonies d'Afrique pour des provinces portugaises. Le Portugal a constamment opprimé les nationalistes
africains et constamment défié les nombreuses résolutions des Nations Unies et de notre Organisation lui
demandant d'accorder l'indépendance à ses colonies. Il nous faudra donc continuer de lutter jusqu'à ce que le
gouvernement portugais en vienne inévitablement à donner l'indépendance à ses colonies. Et, une fois encore,
nous devons faire appel à tous les pays concernés pour qu'ils ne fournissent plus d'armes au Portugal.
Nous sommes spécialement intéressés au Territoire de Djibouti. Chacun connait les liens
géographiques, ethniques et économiques qui unissent le Territoire de Djibouti à l'Ethiopie. En diverses
occasions, Nous avons déjà exprimé Nos vues détaillées sur cette question, aussi n'y reviendrons-Nous pas.
Ici, il convient d'envisager les problèmes qui affectent la paix du monde. Nous voulons parler de la
situation dans l'Asie du sud-est. La question vietnamienne continue de retenir l'attention du monde entier. Si la
situation présente se perpétue, les conséquences en seront incalculables. Nous devrons donc faire appel à toutes
les parties intéressées pour conclure un cessez-le-feu et négocier un règlement sur les bases des accord de
Genève de 1954.
C'est avec tristesse que Nous rappelons ici le récent et malheureux incident qui a abouti à la détention
de la délégation guinéenne conduite par son ministre des Affaires Etrangères au moment où elle se rendait à
Addis-Abeba. Dès que Nous avons appris cette nouvelle, conscient du sérieux de la situation, Nous avons
immédiatement envoyé un de nos ministres à Accra et à Conakry en vue d'obtenir la libération de la délégation
pour que celle-ci puisse venir à Addis-Abeba. De même le Conseil des Ministres de notre Organisation,
considérant la gravité de la question, a dépêché une mission de trois délégués à Accra et Conakry. Nous avions
l'espoir que ces efforts produiraient des résultats fructueux et permettraient, par conséquent, la participation de
la délégation guinéenne à la présente session de l'O.U.A. Toutefois, même si ces tentatives devaient se révéler
vaines, cette affaire devrait faire l'objet de nos délibérations.
Notre ordre du jour est très important. Nous prions pour que nos délibérations puissent se dérouler dans
une atmosphère d'harmonie et de compréhension et Nous demandons au Dieu Tout Puissant de nous guider dans
nos travaux.
En 1966, seule l’Afrique australe connaît encore le joug colonial : le Mozambique, l’Angola et la
Guinée-Bissau sont encore sous contrôle portugais, et l’Afrique du sud abuse de sa position de mandataire de
l’ONU pour imposer une politique d’apartheid qui ne faiblit pas, ce que dénonce Sa Majesté Hailé Sellassié.
Quant au cas de la Rhodésie du Sud, futur Zimbabwe, c’est l’usage de la force qui est préconisé, contre les
partisans d’une Rhodésie « blanche » (4 % de la population), basant également son développement sur la
ségrégation raciale. Cette résistance à l’émancipation prit fin en 1980 seulement, sans guerre ouverte, tandis
que la Namibie ne fut libérée de l’emprise sud-africaine qu’en 1990.
La Ligne de Combat africaine : YäAfrica yät’or genbar.
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Sa Majesté impériale Hailé Sellassié entouré de l’Egyptien Nasser, du Tanzanien Nyéréré et du président du
Libéria, Tubman (novembre 1966, Addis-Abeba, Ethiopie).
Sa Majesté l’Empereur présidant la conférence dans l’hémicycle de l’Africa Hall à Addis-Abeba.

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