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L'administration publique est-elle prête pour la Gen-Y ?

Présenté : par Hugues Mercusot

ENAP – Cours ENP 7505 – Principes et enjeux de l’administration publique


Cours du lundi à 18 h – Session Hiver 2009.

De plus en plus on nous parle du « nouveau choc des générations »


comme quelque chose qui va bouleverser notre vie. L’arrivée de la
génération Y sur le marché du travail fait tellement peur que l’on se
sent obligé de former les gestionnaire à l’arrivée de cette nouvelle
manne de main d’œuvre, colloque par-ci, séminaire par là, formation …

Qu’a-t-elle donc de si redoutable cette génération Y ? Et s’il est si


important de se préparer à sa venue, que faut-il anticiper dans
l’administration publique où tout est réglementé, codifié, approuvé à
l’avance ?
Contexte

C’est certainement une première dans le monde du travail, quatre


générations vont cohabiter dans les entreprises au travers du
personnel âgé de 18 et 65 ans.

Les traditionalistes : nés entre 1900 et 1945, Les baby-boomers : nés


entre 1946 et 1964, la génération X : née entre 1965 et 1980 et enfin
la génération Y : née entre 1981 et 1999[i].

Ces années sont données à titre indicatif parce que, ce qui caractérise
en premier lieu la génération Y c’est … que la définition même de la
période de classification n’est pas unanime. La littérature donne
plusieurs tranches : 1976 – 1994, 1977 – 1990, 1979 – 1994[ii], 1981 –
1999 …

Ce que l’on peut dire c’est qu’il s’agit de la seconde génération après
les « boomers » de l’après guerre, de la 14e génération américaine et
qu’ils sont plus nombreux que la génération précédente (environ 6
millions au Canada).
Caractéristiques

Une fois que l’on pense savoir de quelle frange de la population il est
question, il n’y a rien là de vraiment alarmant. Au contraire, ils sont
nombreux et le Québec est en manque de main d’œuvre à en croire
toutes les affiches de recrutement qui fleurissent sur les devantures de
magasins ou compagnies.
C’est quand on cherche à caractériser le comportement de cette
génération que l’on trouve quelques éléments de réflexion.

On trouve une nombreuse littérature sur le sujet qui nous permet de


résumer la génération Y par le fait que c’est la génération des
ordinateurs pour lesquels l’accès à l’information et surtout l’échange
d’information est la base (internet, cellulaires et chaînes de télévision à
l’infini). C’est la génération « Web 2.0 ». Ils travaillent de façon
coopérative, n’hésitent pas à partager leurs idées, les relations
interpersonnelles sont très importantes. Que cela soit avec leur
supérieur ou leurs collègues. Ils sont spontanés, tolérants et avides de
rétroaction. Plus souvent qu’autrement enfants de divorcés gardés par
les grands-parents ou seuls à la maison, ils sont réalistes,
indépendants, optimistes, habitués aux défis. Ils ont été élevés en
enfant roi, les parents ayant compensés leurs absences par des
cadeaux ou de l’argent. Ils ont donc été habitués à tout négocier et à
tout avoir.

Pour eux le monde est un défi permanent, ils ont toujours connu les
problèmes tels que le SIDA, le réchauffement de la planète, la pénurie
de pétrole, le chômage (qui touche en premier les jeunes)...[iii]
Dans le travail

La hiérarchie verticale d’une entreprise avec l’obligation de respecter


le chef ne correspond pas à leur vision : le chef c’est avant tout celui
qui accompagne, soutient et travaille avec eux. C’est en partie par lui
qu’ils comblent leur besoin de rétroaction positive … ou négative.

La génération Y travaille par objectif, mais le travail n’est pas l’objectif


premier. Ils refusent de travailler durant les fêtes et week-ends et
veulent des congés pour décompresser, car la santé mentale et
physique s'avère leur priorité. Mais ils pensent néanmoins qu’ils
peuvent occuper plus d’un poste à la fois.

Ils ne tiennent pas en place et pour eux l’idée de « faire leur temps »
au sein d’une organisation avant d’obtenir une mutation latérale ou
une promotion est inconcevable. Ce qui les stimule c’est de rester en
alerte, d’apprendre tout le temps. "Progression rapide, horaires plus
flexibles, formation continue, liberté et autonomie... Voilà quelques-
unes des exigences de cette génération, et les entreprises n'auront
d'autre choix que d'en tenir compte."[iv]. Ils pensent à court terme et
sont très mobiles[v]

On voit là déjà poindre bon nombre de difficultés auxquelles


l’administration en tant qu’employeur devra faire face, on peut penser
par exemple :
- à tout ce qui à trait aux critères d’avancement qui sont
pratiquement peu ou prou tous liés à des notions d’ancienneté
dans le secteur public. Les conventions collectives vont devoir
s’adapter sous peine de voir cette génération déserter la fonction
publique,

- aux syndicats qui eux vont devoir adapter leurs


« revendications » tout en ne sacrifiant pas une génération par
rapport à une autre

- aux gestionnaires qui vont sans doute devoir adapter leur relation
traditionnellement hiérarchique pour adopter un mode plus en
« râteau ». Ceci sera certainement plus sensible en Europe qu’ici
où le tutoiement est plus instauré et la rencontre du DG ou PDG
dans les couloirs plus fréquente,

- à la généralisation d’un processus plus formel de supervision du


personnel. Processus souvent existant mais pas toujours ou mal
appliqué dans les grosses structures administratives. Cette
supervision devra avant tout rendre le travail plus stimulant par
l’adoption d’objectifs communs qui devront s’apparenter à des
défis réalisables souvent à courte échéance,

- aux échanges qui devront aussi être plus transparents, moins


procéduriers et plus « interactifs ». Dure gageure dans un monde
où tout est procédure et règle !

- à la rétroaction qui devra être plus sincère et moins empreinte de


règles informelles souvent dérivées des conventions collectives
(attribution des postes, fonctions ou places près de la fenêtre à
l’ancienneté). Toutefois sans nuire à l’équité dont est empreinte
toute décision de gestion du personnel administratif,

- au fait que l’intégration dans un cadre où préexistent des


employés qui n'ont pas les mêmes codes sociaux demande un
effort réciproque de compréhension et un accompagnement des
gestionnaires plus habitué à de la gestion de carrières qu’à la
gestion de ressources humaines (quoiqu’en laisserait supposer
l’utilisation de ces termes dans le secteur public).
Comme citoyen

Une étude statistique récente commandité par MeriTalk (une


communauté en ligne de spécialistes des technologies de l’information
gouvernementale) aux États-Unis afin d'examiner les habitudes de
collecte d'informations de la génération Y et de ses priorités pour la
prochaine administration (celle de Barak Obama) nous apporte
quelques informations intéressantes sur les attentes de ces jeunes
citoyens quant à l’administration[vi].

Chacune d’entre elle peut s’avérer un défi pour les hommes politiques
afin que l’administration publique, en charge de mettre en œuvre les
politiques sur le terrain, donne l’image qu'elle sert adéquatement ces
nouveaux concitoyens par qui ils ont été élus.

Les dernières campagnes électorales canadiennes et américaines nous


ont déjà montré que les partis politiques ont pris conscience de cette
« société 2.0 » par la prolifération sur le web d’images, vidéos et
autres potins de mieux en mieux orchestrés. Néanmoins quelques
exemples d’excuses publiques suites à des publications en lignes
« douteuses » nous ont également montré que la maitrise n’est pas
encore au rendez-vous et donc que l’adaptation à ce mode
d’information est encore en cours.

Cette étude semble montrer que la majorité des Y ne sont pas


spécifiquement affiliés à un parti politique comme tel. C’est plus
l’homme qui les intéresse à condition qu’ils se reconnaissent à travers
lui. Une fois ce choix fait par contre le Y va user de ses réseaux de
contacts pour promouvoir activement son soutien - 47 pour cent ont dit
qu'ils vont échanger avec les autres sur les vertus de leur candidat.
Mais une fois l’élection passée, tout n’est pas joué pour autant.
« L'élection n'est pas la ligne d'arrivée pour la génération Y, c'est le
point de départ. »[vii]

Un autre aspect, dont on pouvait se douter maintenant que l’on a


caractérisé la génération Y, c’est la façon avec laquelle la génération Y
va chercher ses informations. Ils privilégient beaucoup plus que leurs
ainés le bouche à oreille (électronique) ou l’information en ligne (46%
des Y privilégient la communication en ligne, contre 21% des baby-
boomers. 26% souhaitent que le prochain président soit sur YouTube,
contre seulement 5% baby-boomers). En outre, et c’est là un point
important pour les politiciens, 88% des Y disent qu'ils chercheront à
obtenir leurs informations en ligne au cours des quatre prochaines
années.

"La génération Y est composée d’électeurs exigeants, désirant une


communication franche, détaillée et bilatérale avec le président et son
administration. Ce n'est pas le E-Gov pour eux, c’est My-Gov. La télé
offrira certes toujours une diffusion étendue, mais cela ne sera pas
suffisant pour satisfaire le besoin d'information en temps réel et
l'interaction que veut cette génération. " a déclaré Jeff Chao,
spécialiste TI, Services d’intégration des technologies, General
Services Administration (GSA).
Et c’est là qu’est l’enjeu. Il ne s’agit plus de publier sur le web
« institutionnel » des données et bordées de chiffres ou documents. Il
va falloir également être prêt à les expliquer, les commenter et en
débattre sur la toile. À notre époque il faut très peu de temps pour
faire son blog et donner son opinion sur la toile mondiale.
En résumé

Comme on peut le pressentir, la génération Y, comme chacune de celle


qui l’a précédée, va mettre sa marque sur la carte.

Le défi est double cependant pour l’Administration :

- Comme n’importe quel employeur d’abord l’administration


publique doit savoir faire cohabiter 4 générations avec des
intérêts différents –parfois divergents- tout en respectant ses
propres valeurs et règlements qu’elle devra être, une fois encore,
prête à faire évoluer sous la pression interne. Elle va se retrouver
elle aussi avec le défi de recruter et fidéliser cette main d’œuvre
rapide et mobile. Tout le contraire de son image.

- Comme Gouvernement ensuite, elle devra répondre aux attentes


de cette nouvelle génération d’électeurs, sans décevoir les
générations plus anciennes qui ont encore un énorme pouvoir
d’influence. Certes les débats officiels se feront toujours en
Chambres et le pouvoir législatif conservera sa légitimité. Mais
jusque là lorsque le débat « descendait dans la rue » à l’initiative
souvent de l’un ou l’autre des antagonistes politiques, c’était un
moyen de pression quasi-unidirectionnel par médias passifs –plus
ou moins contrôlés- interposés (radio, télévisions, journaux).
Désormais le débat est bidirectionnel et difficilement contrôlable
car les médias sont actifs – blogs, chats, podcasts, …-
N’oublions pas qu’un des surnoms donné à la génération Y est la
génération Why et pas uniquement parce que c’est la
prononciation de la lettre Y dans la langue de Shakespeare

En guise de récréation

Pour finir, en guise de récréation, je ne résiste pas à l’envie de vous


faire partager cette vidéo sur YouTube du Docteur Michael Wesch.
Anthropologue culturel, ses études portent sur l’impact de l’évolution
des médias sur les populations. Notamment sur la génération Y :
http://ca.youtube.com/watch?v=6gmP4nk0EOE

[i] http://www.excelhr.com/francais/articles/article.asp?lngI...
[ii] http://www.emarketing.fr/Glossaire/ConsultGlossaire.asp?I...
[iii] http://www.generationy-formation.com/?p=74#more-74
[iv] BERGERON, Ulysse. "Les cadres mercenaires", Commerce, Vol. 109, No. 2, Février
2008, p. 21
[v] PICARD, Pierre. "Les attentes des jeunes face à leur régime de retraite", Les
Affaires, Stratégies, samedi, 13 octobre 2007, p. 37
[vi] MeriTalk. “Generation Y's Bill of Rights ”. 30 juin 2008.
http://www.meritalk.com/pdfs/MeriTalk-Generation-Ys-Bill-...
[vii] BALUTIS, Alan. Consultant et directeur pour le secteur public Nord Américain de
Cisco Internet Business Solutions Group

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