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« Deux enfants naquirent le même jour en le sein de La Grande, par la suite renommée
Althârïs dans les annales. L’un était nain, fils de Althôr, Khân sous la montagne et héritier de
sang de la lignée Anthâar, fondée par l’illustre Gondarduïn l’Illusionniste. L’autre était Drâck,
fils de Kadrâck, Seigneur des nuées et Dragon d’Airin, dans les derniers parmi les siens. Ainsi
au cours de la nuit qui précédait l’été deux êtres virent la Lune pour la première fois. Althâr,
Héritier du Royaume, et Drâckyöon, Enfant des Nuées.
L’un vivait sous la voûte du ciel, l’autre était éduqué sous la voûte du Palais impérial.
Mais tous deux se retrouvaient chaque soir au bord du Lac des Cieux, installé dans son bassin
au sommet de La Grande. Ils étaient vieux amis, malgré leur très jeune âge, et se savaient
destinés par le cours du temps à vivre l’un avec l’autre, l’un pour l’autre, et ce jusqu’à la fin
des temps. Et même s’ils se trompaient, quoiqu’il eut pu arriver, ils avaient décidé qu’il en
serait ainsi, de l’aube de leur vie jusqu’au crépuscule des plans.
Drâckyöon reçut une éducation fort singulière pour un dragon. Tant et si bien qu’il
choisit de conserver une forme humanoïde dès son plus jeune âge. Il était voué par son père et
par le Khân à devenir un Chevalier Dragon, ainsi que toute la jeune génération Drâcke de La
Grande. Mais ce fait le confortait d’autant plus que cet état de faits rendait les jeux encore
plus aisés entre lui et son ami Althâr, le Fils du Patron de Papa.
Althâr adorait son père et était très mature pour son âge. A cinq ans il avait déjà
compris que Papa, bien que très talentueux philologue et incomparable historien, était le plus
piètre régent qu’avait connu La Grande aussi loin que les archives pouvaient s’en souvenir.
Mais son père était si prévenant et si bon combattant que l’amour et le respect martial
l’emportaient sur le partisanisme patriarcal, voire politique.
Le jour de leurs six ans, Drâckyöon le Dragon immortel et Althâr le Nain mortel se
retrouvèrent sur les berges du Lac des Cieux. Là ils devisèrent gaiement et jouèrent à la guerre
comme ils se plaisaient tant à le faire. L’issue de cette bataille était connue : le Rite de la
Fraternité. Pour l’occasion, Althâr avait subtilisé une dague dans l’une des salles d’armes du
palais, et chacun coupèrent la peau du revers de leurs mains droites. Alors ils tendirent les
bras l’un vers l’autre et s’éloignèrent jusqu’à ce que les plaies soient accolées. Une phrase
rituelle, « Par mon sang et par le tien, par le don qui est le nôtre, Fraternité est apôtre de nos
vies et de nos liens » scellait le pacte qui faisait d’eux des frères.
Onze millénaires passèrent qui virent les frères de sang se côtoyer. Et ces onze
millénaires avaient vu Althâr apprendre à maîtriser le feu et la lévitation, tandis que sa vie ne
semblait vouloir connaître de fin. Et ces onze millénaires avaient aussi vu l’endurance de
Drâckyöon accrue, alors qu’il était le seul Chevalier Dragon à pouvoir maîtriser les flux de
magie.
Althâr, par un pacte, avait subi sa première évolution à l’âge de six ans. L’avait-il
prémédité ? Nul ne le sait, et nul ne le saura sans doute jamais.
Quoiqu’il en soit, Drâckyöon trouva la mort alors qu’il cherchait un artefact Drâcke.
Et c’est sombrant dans les Abymes de la mort qu’il le remit à Althâr. Et c’est ce joyau qui est
désormais serti sur le front du Khân, alors qu’en dernier hommage à son frère de sang et pour
respecter le pacte qui avait été le leur, il fusionna l’esprit du défunt au sien pour qu’à jamais
ils soient deux, comme ils l’avaient été pendant une éternité. »
Extrait de " Chroniques Althârï " par Karnednoduïn IX, scribe particulier du Khân.