Vous êtes sur la page 1sur 3

Retour au format normal

Conservation : manger local... hors saison !


L’ART D’ÉCO... CONSOMMER N°52 - DOSSIER

Alimentation locale et de saison... rien de plus facile, surtout de l’été à l’automne. Puis vient l’hiver, et
beaucoup se plaindront de n’avoir que choux et pommes à se mettre sous la dent. Certes, c’est un peu
caricatural et il est toujours possible de trouver de la variété locale et de saison. Il y a aussi d’autres
possibilités, hors importation à grands renforts de CO2.

Du frais au froid

Un certain nombre de fruits se conservent longtemps sans l’intervention d’une technique particulière, dans
des conditions de température, d’hygrométrie et de lumière adéquates. Cueillis et non tombés, coings,
pommes et certaines variétés de poires se conserveront longtemps sur des claies en bois, dans un endroit
bien aéré[1], frais (entre 6 et 12 °C) [2], sec et à l’abri de la lumière. Les pommes peuvent se garder dans
une caisse remplie de sable de rivière bien sec. Ainsi abritées de l’air, l’excédent d’humidité absorbé par le
sable, les pommes garderont goût et arôme !

Au frigo, fruits et légumes se gardent quelques jours. Toutefois, les fruits dont la maturation doit se
prolonger après cueillette supportent mal d’y séjourner. De plus, les aliments réfrigérés perdent leur valeur
nutritionnelle au fil du temps et cette conservation n’est pas de longue durée. Il faut donc faire descendre
le thermomètre bien plus bas.

La congélation domestique amène graduellement les aliments à une température comprise entre -15 et -
18°C, arrêtant le développement de la flore microbi enne, sans la détruire. Lors de la surgélation, réservée
au secteur industriel, le refroidissement à ces mêmes températures est rapide, permettant une meilleure
préservation des couleurs et textures. Lors de la congélation, les molécules d’eau se cristallisent, les
cellules éclatent et le dégel verra certaines denrées devenir mollassonnes. La cuisson sera nécessaire
pour éliminer l’excédent d’eau.

Les légumes sont le plus souvent blanchis avant congélation. Ce procédé, qui permet la destruction
d’enzymes et la réduction des micro-organismes, consiste à les tremper un temps précis dans l’eau
bouillante légèrement salée, puis dans l’eau froide. Essentiel : la chaîne du froid ne peut être rompue et un
aliment dégelé ne doit pas être recongelé.

Histoire d’eau

L’eau des aliments permet aux micro-organismes de se développer. Son évaporation inhibe l’activité
microbienne et enzymatique, favorisant ainsi la conservation. On distingue deux méthodes domestiques
d’évaporation : le séchage naturel à l’air et celui qui s’opère à l’aide d’un four ou d’un déshydrateur.

La déshydratation enlève l’excédent d’eau libre des aliments ; elle fait appel à l’air et à la chaleur. Ainsi, il
est possible de sécher très facilement des herbes aromatiques et des condiments comme les oignons,
l’ail, les piments mais aussi les légumineuses, des fruits comme les raisins ou les prunes, les abricots et
toutes sortes de baies. Le séchage direct est simple : les condiments et légumineuses sèchent au
potager, posés ou suspendus au sec, ou bien sous un châssis de verre qui combine effet de serre et
ventilation mécanique. Vitamines et valeur nutritionnelle sont conservées à des degrés variables, les UV
détériorant les protéines et couleurs. Un système avec action indirecte du soleil est plus intéressant. Pour
autant, le contrôle de la température et de la ventilation reste délicat.

Plus forte que la déshydratation, la dessiccation consiste à extraire le maximum d’eau contenue dans les
fruits et légumes en les exposant plusieurs heures à une température modérée (entre 40 et 50°C). La
perte d’eau peut aller jusqu’à 90%. Un déshydrateur est un appareil composé de plateaux sur lesquels
sont disposés les fruits et légumes coupés en morceaux ; entre les plateaux circule une chaleur sèche qui
extrait l’eau des denrées. Le four à chaleur tournante ou pulsée joue le même rôle. Déshydrateur et four,
s’ils sont performants et indépendants des contingences météorologiques, sont gourmands en énergie. Un
bon déshydrateur coûte en moyenne 130€. Il en existe de moins chers mais leur rendement sera
nettement moins bon, avec des temps de séchage plus longs qui plomberont le bilan énergétique global.
La lyophilisation, qui déshydrate par vide d’air des aliments préalablement congelés, n’est pas accessible
à la maison.

Chaud devant !

Bien connue de nos grands-mères, la stérilisation détruit par la chaleur la vie microbienne. Basée sur ce
principe, l’appertisation, inventée au début du 19e siècle fait un grand retour. Remplis de fruits ou de
légumes, des bocaux de verre résistant à la chaleur et la pression sont fermés hermétiquement puis
passés à l’autoclave, une casserole à pression spécialement conçue à cet effet. L’élévation de
température à plus de 116°C détruit les spores de l a bactérie causant le botulisme, potentiellement mortel.
Appertiser consomme de l’énergie mais l’autoclave reste une manière de rentabiliser efficacement la
production d’un jardin : pas de gaspillage de denrées, économie d’énergie par conservation à température
ambiante, sans besoin de frigo ou congélateur, plus de conserves industrielles et des garanties sur la
provenance de ce que l’on mange. En plus d’être réutilisable, le pot en verre ne laisse aucun arrière-goût
et ne libère pas de phtalates, contrairement aux boîtes métalliques dont la protection intérieure en
contient.

Bilan nutritionnel entre chaud et froid

Dès la cueillette, fruits et légumes perdent des vitamines. Après 1 semaine de frigo, 50% des vitamines
ont été perdues et quasi plus rien n’en subsiste au bout de 15 jours. C’est à peu près le cas de tous les
fruits et légumes vendus en supermarchés, d’autant qu’ils ont souvent été cueillis avant maturité pour
résister plus longtemps !

Tandis qu’après traitement par la chaleur, les vitamines A et C, la thiamine et la riboflavine se sont
dégradées de 30 à 50% ; les autres vitamines sont préservées quasi au niveau de ce que l’on trouve dans
des fruits et légumes fraîchement cueillis. La dégradation des valeurs nutritives se poursuit au fil du
temps, de l’ordre de 5 à 20% l’an. Les fruits et légumes appertisés auraient donc plus de valeur nutritive
que les « frais » achetés !

Championne de la préservation des éléments nutritifs, la surgélation industrielle sous vide ne peut être
comparée à la congélation maison qui ferait disparaître un peu plus de vitamines et sels minéraux que
l’appertisation.

Confits et vous

A côté des modes modernes et énergivores, il existe d’autres moyens de conservation, par adjonction de
certains ingrédients. Ainsi, le confisage est une technique qui prépare les denrées en vue de leur
conservation, qu’ils soient lentement cuits dans la graisse, enrobés de sel ou de sucre, cuits au sirop,
plongés dans le vinaigre, l’alcool ou la saumure. Au final, l’eau est remplacée par la substance de
confisage, selon un phénomène d’osmose.

Salé, sucré

En diminuant l’action de l’eau contenue dans les végétaux, le sel, en salage à sec ou en saumurage,
ralentit et bloque le développement microbien. On conserve ainsi des condiments tels les olives, les
câpres et autres piments mais aussi les carottes, choux-fleurs, navets. Il peut s’avérer utile de dessaler
légumes et condiments dans l’eau avant consommation.

Lors de la préparation de confitures, les fruits sont d’abord chauffés pour éliminer une partie de leur eau.
Ensuite, le sucre ajouté lie ses molécules aux molécules d’eau restantes pour entraver la prolifération des
microorganismes. Si la quantité d’eau évaporée n’est pas suffisante par rapport à la quantité de sucre
ajouté, des moisissures se développent et la confiture ne se garde pas.

Attention, sel et sucre en excès ne font pas bon ménage avec la santé !

Antiseptiques

Le vinaigre stoppe le développement des micro-organismes tandis que l’alcool les détruit. Les cornichons
au vinaigre et les cerises à l’eau-de-vie sont courants. Les prunes, poires et cerises au vinaigre sont
idéales comme condiments d’hiver. Pour la conservation au vinaigre, il y a les partisans de la méthode à
froid et ceux de la méthode à chaud. Si les cornichons et oignons s’accommodent du vinaigre froid, les
fruits sont conservés selon la méthode à chaud et brièvement stérilisés.

Conservation biologique

Très ancienne, la fermentation est basée soit sur l’action des bactéries, pour conserver notamment des
légumes, soit sur celles des levures, pour produire cidres, vins et autres bières.
La lacto-fermentation, en anaérobie, tire parti des micro-organismes présents dans les denrées pour
transformer les sucres en acides lactiques. Tout le monde connaît la choucroute dans sa version
saumurée, souvent trop salée. La choucroute lacto-fermentée est bien plus douce et digeste. La plupart
des légumes peuvent se conserver lacto-fermentés. Le principe est simple : des bactéries de type
lactique, Streptococcus lactobacillus notamment, en se développant, acidifient le milieu, évitant ainsi la
prolifération de micro-organismes indésirables comme les moisissures. Vivants, les aliments lacto-
fermentés voient leurs protéines et vitamines conservées et sont enrichis par la synthèse d’éléments
nutritifs issus de la fermentation. La teneur en vitamines des légumes lacto-fermentés est ainsi plus élevée
que celle des légumes frais ! En outre, l’acide lactique renforcerait notre flore intestinale et, par
conséquent, notre immunité.

Un été au jardin produit des kilos de fruits et légumes, pleins de goût, riches en vitamines et sels
minéraux. Les méthodes de conservation permettent de les consommer au cœur de l’hiver ou de
postposer leur traitement en garantissant comestibilité mais aussi propriétés nutritives et gustatives.

Derniers conseils :

 faire ses conserves en saison, au moment de l’abondance ;


 gérer rigoureusement le stock, avec étiquettes et dates ;
 consommer dans l’ordre : la durée de vie des congelés est de maximum 1 an, 6 mois pour les
préparations ; les produits séchés, salés, confits et appertisés se gardent plus longtemps. Les
produits lacto-fermentés peuvent dépasser l’année.

Plus d’infos :

Fruits séchés et déshydrateur


Techniques de conservation des aliments
Les conserves maison à l’autoclave
Les séchoirs solaires
Vivre sans congélateur

Notes

1. La ventilation est importante dans la mesure où les fruits comme la pomme produisent de l’éthylène, qui
favorise le mûrissement des fruits.
2. Les conditions optimales de température, comprises entre 1 et 7° C, avec 85 à 90% d’ humidité relative,
sont rarement rencontrées hors milieu professionnel

Article rédigé par Sylvie Wallez


Réagissez à cet article !

Vous aimerez peut-être aussi