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L'illusion du progrès extérieur de la civilisation

GEJ7 C222
1. (Le Seigneur :) « Nous nous remîmes donc à manger et à boire, en respectant bien
sûr la bonne mesure. Cyrénius s'entretint avec nous de toutes sortes de questions domestiques
et architecturales, et les autres convives nous écoutaient, approuvant Joseph et Moi-même en
toute chose.
2. Finalement, un général qui n'avait encore rien dit déclara : "Pour ce qui est de la
construction, on devrait bien se soucier de savoir s'il ne serait pas possible de donner aux
bateaux une disposition qui leur permît de mieux résister, en mer, aux assauts des tempêtes.
Ensuite, il faudrait que l'on puisse se passer du banc de nage sur les plus gros vaisseaux ; car
si les rames sont placées trop haut sur le bord, il leur faut de plus grandes perches. Elles sont
donc difficiles à manier, nécessitent un grand nombre de rameurs vigoureux tout en n'exerçant
qu'une faible poussée sur l'eau, et elles se brisent facilement lors des tempêtes. Et quand les
rames sont placées plus bas, comme sur les vaisseaux plus petits qui longent les rivages, l'eau
entre par les ouvertures des rames dès que la houle forcit un peu, et il ne reste plus qu'à écoper
constamment si l'on ne veut pas sombrer. Troisièmement, enfin, nos grands vaisseaux ont le
défaut, à cause des nombreux rameurs, d'offrir trop peu de place pour recevoir un nombre
suffisant d'autres passagers, et pourtant, avec tous ces rameurs, on cesse d'avancer dès que le
vent est tant soit peu contraire.
3. Cher et très sage jeune homme à la puissance merveilleuse, tu dois bien pouvoir
nous donner là aussi un bon conseil ? On dit que les anciens Phéniciens avaient des
vaisseaux capables de naviguer rapidement et sûrement jusque très loin sur le grand Océan.
Et nous, Romains, nous devons nous contenter de suivre les rivages, n'osant nous aventurer
en haute mer que par les jours de calme. Qu'en penses-tu ?"
4. Je dis : "Ah, ami, il sera bien difficile de te donner à ce sujet un vrai bon conseil !
Car à quoi te servira-t-il, si tu ne peux le mettre en pratique ?
5. Pour naviguer sûrement en mer, il faut avant tout une connaissance précise du ciel
étoilé, ensuite la connaissance de la Terre et surtout de la conformation de la mer, avec sa
taille et sa profondeur. Or, vous êtes bien loin de posséder cette connaissance et ne pouvez la
posséder, parce que vos prêtres ignorants s'y opposeraient de toutes leurs forces ; ainsi, des
vaisseaux mieux conçus ne vous serviraient à rien, puisque vous ne pourriez pas en faire
usage.
6. Les Phéniciens avaient certes des navires un peu plus maniables, mais la différence
n'était pas si grande. Et, s'ils savaient mieux se servir des voiles par les vents favorables, ils
évitaient eux aussi la haute mer et longeaient les rivages.
7. Si vous voulez améliorer votre navigation, apprenez plutôt des Indiens qui vivent
sur les côtes : car ceux-là s'y entendent à naviguer à la voile, même s'ils sont encore loin de la
perfection.
8. Mais si vous vous souciez seulement d'amener très vite votre âme à s'unir
pleinement à l'esprit divin, l'esprit vous montrera encore bien mieux comment améliorer
grandement votre navigation !
9. Au reste, vos navires sont tout à fait bons et maniables pour notre temps. Nos
lointains descendants sauront construire avec un art merveilleux des navires qui les
emmèneront sur toutes les mers à la vitesse des oiseaux ; mais, loin de contribuer au bonheur
matériel et surtout moral des hommes, cela l'amoindrira considérablement. Aussi, tenez-vous
à ce que vous avez ; car un trop grand progrès dans les choses terrestres constitue toujours une
aggravation réelle et durable pour l'esprit, qui est la seule chose que les hommes devraient
cultiver de toutes leurs forces vitales.
10. A quoi servirait-il à l'homme de pouvoir conquérir tous les trésors du monde, si
son âme devait en souffrir grandement ?! Ne savez-vous donc pas encore combien est brève la
vie de toute chair sur cette terre, et quel est son sort final ? Peu importe dans l'au-delà que tu
sois mort roi ou mendiant ! Celui qui avait beaucoup ici-bas devra se passer d'autant dans l'au-
delà, tandis que celui qui n'avait pas grand-chose, ou même rien, n'aura à se passer de rien ou
de peu de chose, et il accédera d'autant plus facilement aux richesses intérieures vivantes de
l'esprit, les seules véritables.
11. Les premiers pères de cette terre étaient des hommes fort heureux, parce
qu'ils satisfaisaient à leurs besoins terrestres essentiels aussi simplement que possible.
Mais quand, par la suite, les hommes, surtout ceux qui vivaient dans les basses vallées,
se sont mis à bâtir des villes, l'orgueil est entré en eux. Ils se sont amollis, sont devenus
paresseux et sont bientôt tombés dans toutes sortes de vices, et par là dans toutes sortes
de maux. Quel bien cela leur a-t-il fait ? Ils ont cessé de voir Dieu en eux-mêmes et ont
perdu toute force spirituelle de vie, si bien que beaucoup ont cessé de croire en une vie
après la mort physique.
12. N'est-ce pas un échange terrible que de perdre pour ainsi dire toute vie
spirituelle pour gagner un plus grand agrément de la vie matérielle ?
13. S'il y a un sage parmi vous, qu'il s'attache de nouveau à échanger une vie
matérielle inutilement bonne et confortable contre la vraie vie spirituelle, et ce sera
infiniment mieux pour lui que les plus grandes inventions pour naviguer très sûrement
et avec une grande rapidité sur toutes les mers. Ne lui faudra-t-il pas mourir un jour ?
Que feront alors pour son âme toutes ses grandes découvertes ?!
14. Aussi, contentez-vous de ce que vous avez et n'y attachez aucune importance, mais
cherchez avant tout comment suivre toujours plus les voies de l'esprit, et vous aurez fait là la
plus grande découverte et la plus utile pour la grande traversée de ce monde terrestre vers
l'autre, celui de l'esprit.
15. Consacrez toutes vos forces et tous vos moyens à atteindre ce qui dure à coup sûr
éternellement : mais ne vous souciez des choses terrestres que dans la mesure où cela est
raisonnablement nécessaire. Il est tout naturel qu'un homme soit obligé de manger, de boire et
de protéger son corps du froid ou d'une trop grande chaleur ; mais celui qui fait davantage
pour son corps que pour son âme et qui finit même par ne plus se soucier que de son corps
sans rien faire pour le salut de son âme, pourtant destinée à vivre éternellement, celui-là est un
fou aveugle et un parfait ignorant.
16. Si un homme pouvait, contre la volonté de Dieu, donner à son corps une vie
éternelle - ce qui est impossible -, il pourrait ne se soucier que du bien de son corps ; mais
puisqu'il n'en est pas ainsi, qu'il se soucie de ce qui peut et doit durer éternellement, parce que
Dieu en a décidé ainsi !
17. Si vous avez bien compris cela, ne Me demandez plus comment améliorer
considérablement vos vains objets terrestres ; car Je ne suis venu en ce monde qu'afin de vous
montrer et de préparer pour vous les voies de la vie éternelle, afin que vous les suiviez plus
sûrement et plus facilement !" »

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