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L'INTROUVABLE ASSASSIN

L'AFFAIRE CADIOU

I
LADISPAIUTION -~ LESANGOISSES
DEL'INDUSTRIEL. D'UNE

FEMME.—l\ SOMNAMBULEDUNANCY.— ltôCOUVKniB
DU
CADAVniJ.1,'lSUÉNIEUll — UN
INCRIMINIS. JUGED'INS-
THUCÏION
OBSTINÉ,
Dana lo courant du mois do janvier 1913,la police Co haut fonctionnaire envoyait immédiatement à
était avertlo que M, Louis Cadlou, ancien avoué a Landorneau doux inspecteurs qui commençaientleur
Morlatx, administrateur do l'usino do cellulosede la onquûte.
•Grand'Palud,près,do Landorneau,avait disparu dans Tout d'abord, olleno donnaitaucun résultat. « Inter-
des conditions plutôt mystérieuses. rogé par eux, M. Pierre, directeur technique do la
M, Cadlou qui Habitait Paris, se rendait fréquem- GnuurPalud {Malindu 5 févrlor),déclarait qu'il avait
ment a Landerneau (Matin du 5 février 1913).il so vu M. Cadiou pour la derniero fois à l'usine lo
trouvait dans cette localité les derniers jours do 29 décembre, »
décembreet 11avait été vu pour la dornlôrofois par Un autre témoin, M'"0 Quémoneur,affirmait, au con-
la femmedo ménage, M»>° Léost, dans la mitinée du traire, que c'était le 30 que M. Cadlous'était rendu a
30. Vôtu d'un élégant costumedo port, il s'apprêtait l'usine.
a sortir. Au milieu de ces les deux
«—Je partirai peut-être ce soir, dit-il à sa domes- limiers démêlaient premièrescontradictions,
cependant une Vérité, c'est que
tique, mais rien n'est moins certain. Achetezdonc du personne n'avait vu M. Cadlou regagner la villo du
lait comme d'habitude. S'il no me seirt pas demain Landerneau.
pour mon pqtlt déjeuner, je lo boirai co soir avant do Pendant qu'ils so livraient ù des investigations,sur
prendre lo train. l'ordre et sous lo contrôlo des commissairesspéciaux
1 0
Lo lendemain, M" Léost, n'ayant pas revu son do Brest, la gendarmerie se mettait en mouvement.
s'en vint, suivant son habitude, le réveiller Desbattues étalent organiséesaux alentours, dans les
Eatron,
lie frappa à la porto, à plusieurs reprises, et comme bois, a travers les campagnes; les haies touifues
on ne lui répondait pas, ello appuya sur lo loguet; étalent soigneusementvisitées, dos sondages étaient
la porte s'ouvrit. La chambraétait .vide et la femme mémo pratiqués darfs la irlvlero dite l'Elorn ; mais
do ménage constata que le lit n'avait pas été défait. toutes ces recherchesdemeuraientsaris résultat ; et le
Elle no s'en'alarma nullement,car elle savait que Parquet do Brest, do plus çn plus convaincu qu'il ne
M, Cadlou s'absentait fréquemmentsans la prévenir s'agissait pas d'un criine mais plutôt d'une fugUe.
et elle pensa qu'il avait été rappelé' à Pairis ou ail- se disposait ù, classer l'affaire, lorsqu'un événement
leurs,et qu'il n'avait pas eu lo temps de l'en prévenir. aussi romunesque qu'inattendu, s'en vint considéra-
Or, l'administrateur do l'usine de la Grand'Palud, blement modifier l'opinion do la justice,
ayant annoncéà sa femme qu'il rentrerait a Paris le M««Cadlou qui, la veille encore, avait annoncé
010
31 décembre,M Cadlou s'était rendue au-devant de qu'elle offrait une primo do deux mille francs a la
lui à la gare Montparnasse;Mais, ù, son vif désap- personne qui découvriraitlo corps de son mari, et^
pointement,son m,ari n'était pas dans le train de Bre- qui, ainsi qu'on le voit, n'avait pas, cessé d'être per-
suadée que colul-clavait été assassiné, recevait d'une
tagne...
Bientôt son étonnement allait s.e changer on une do ses cousines.,qui habitait Pari», l'avis qu'une do
vive angoisse. En effet, non seulement, en rentrant ses amies, on relations avec une somnambulede
chez elle, elle no trouvait ni lettre, ni dépêche pour Nancy,M">° Hoffmann,était allée consulterla voyante
lui expliquer ce (retard et la rassurer, mais au bout et quo celle-ci lui avait fait la déclaration suivante:
de quarante-huithou,res,ojio était èncoro.sans nou- — M.Cadloua été tué près de son usine. Il y a deux
velles de son mari. assassins, l'un grand, barbu et châtain ; l'autre plus
Folio d'inquiétude, elle se rendait chez M. Lo Cloa- petit. Cedernier faisait lo guet, tandis que son compa-
rec, député de Morlalx et lui faisait part do ses gnon, après avoir fait tomber M. Cadlou avec uno
inquiétudes d'autant plus grandes, que lo disparu corde, l'assommait. J14U, >•
avait de: nombreux ennemis et qu'elle craignait que «'Le premier coup a^T!foTtë*8lftï*lWl*te^|jîi gauche. ,
ceux-ci ne l'eussent
! afin de se débarrasser attiré dans' quoique guet-apens, Cherchezaux environna droite du moulinroâs dans
de lui. l'eau, mais dans lés bois: ^ .HTdMpSifjst^entente,
' « sous
Immédiatement,M,-Le Cloarec so rendait rue des très peu do terre, Ww,/ »+« Tt
Saussaies et demandait, au, directeur 4e la Sûreté
générale do faire rechercherM. Cadlou, x mettait cette info vwm- m'uQnpcu.tj^ (fto/yfc.Repu*
Tousdroit»detraduction,doreprqluctloreV*"
Ijtjvltt Taîtanâdr roiervéspour let pur»y cora<4
t ous
> tfst ,d'adaptation
pritlaSuide etla Norvège. "'1
CIO CMMKSET CHATIMENTS
ldlquo, re magistrat,peu soucieuxde donner suite ù . L'ingénieur,M.LouisPierre, qui, ainsi qu'on l'a vu
ces histoiresde somnambule,n'y nccordenulaucune plus haut, avait pailicipéavec,tant do zèle à la inlso
intention. a jour du corps,assistaità'l'autopsie.
.Maisconnueelle était décidéeà ne irlen négliger - Jo n'auraisjiumii'icru, disaitil, qu'il était si près,
Cela
pour ohteuir la vérité, elle l'ouununiquultimmédiate- Sansdoutelesaurait pu m'arriverù mol-mêmeI «
ment à son beau-livre,M. Jean-Marie Cadlou, t anneur soupçons d u lu s'élaient-lhdiri-
I'I Brest, les renseignementsqui lui avait été trans- gés tout de suite sur le jeunejustice
ingénieur,car, immé-
le
mis par ^a parente, et elle le priait instammentde diatement, procureurci le juge d'instructionle lai-
bien vouloiren vérifierl'exactitude. saieiil veniren leur présenceet, après l'avoir longue-
M. Jean-MarieCaillouse mettait aussitôt en cam- ment interrogé,ordonnaientsou airostalion.
pagne. Gardant nu satig-tioid impressionnant,M, Plcri'o
« Un bâton i'i la main(I),il fouillaittouslesbuissons s'écriait ave éneigie:
voisinsdu moulin,et notammentles boisde M, Vache- — Je protestelouiiv In inisure dont Je suis l'objet.
roui, maire. Versdix heures,il arrivait dans un étroit Car J'alllrme,je jure que Je suis Innocent!
sentier, encaisséentre deux"talus, <qaboutissantà un sur Avant t\v rappurier les chaînes qui pesaient alors
ruisseau, Ecartant avec son bâton les brandits do l'iuciilné,il convientde présentereu dernierù nos
houx et de peints, il a'rrhait au pied d'un orme, où lecteurs,
la terre lui punit avoir été remuéedepuispi. . L'ingénieurLouisPierre était alors âgé île trente et
« Le cu'iir battant, il gratta le sol avec l'exlrétnitê un ans. Oiiginairede Couches(Eure),il appartenaità
ferrée de son bâton,découvritun morceaud'étoffeet, une excellentefamillede co pays.
« .Sortide l'Ecolecentraleane le titre d'Ingénieur,
pour niler plus vile, il employa,cette fois, les oncles. il était
Le mallieuieuxreconnutbientôt le vestonque portait depuis quatre ans lo secondde M, Cadiou
.sonfrère. et (l) habitait au Moulinde la Palud, situé h doux
« Affolé,il courutou moulin,ramenale contremaître; cents mètresenvirondo l'usine de Bleiicliiinent.Bien
do l'usine, et c'est ce dernier qui, à l'aide des mains, découplé,puissamment, fort, le vlsagointelligent,barré
mit i\ jour le corpsde sun patron. d'une épaissemoustachechâtaine,un binocle,atténuant
« Le cadavrede M, Cadiou,recouvertde cinq à six sa myopie, Il passait dans le pays pour un garçon
centimètresde terreù peine,était couché.surle ventre. travailleur, à qui su bonnotenue avait su concilier
Le sang avait couléd'une blessure qu'il portait a lu toutes les .sympathies.
gorge. « Studieux,il consacraitses veilléesà l'examende
« Uneheure plus tard, lorsqu'onglisi-asous le corps dernières découvertesscientifiques.Calmeet résolve,'
une toile,on s'aperçut que le directeurde la Grand'¬ on le considéraitvolontierscomme un doux et nn
Paludavaitle coupresquetranché.» timide; sportif, il aimait à conduirelui-mêmel'au-
M.Jean-MarieCadioucourutcommeun fou donner tomobilequ'il avait nchetéorécemment.Pourtant, les
l'alarme. On téléphonaImmédiatementau Parquet de ouvriersdo l'usine lo représentaientcommeun ehof
Brest, qui arriva vers midi sur les lieux, il était dur, difilclle, cruel même; tandis qu'on ville les
composéde MM.Guilleinurd,procureurde ht Bépubli- méchanteslangues lui reprochaientsourdementd'en-
que, Bidard de La Noé,juge d'instruction,de.M. lo tretenir un flirt non dissimulé avec uno jeune
docteurBousseau,médeeln-leglste, et les commissaires illle du pays, »
spéciauxde Brest les accompagnaient. dans lo certains Depuisquelquetemps,LouisPierre était accusépar
Notre confrère Monméja nous raconte, d'être l'auteur do la disparitiondo l'ancien
avoué,A plusieursreprisesmôme,tant ce bruit avait
—On: commençaà déterrer lo corps.Un publienom pris do conslstanco,
Temps .11avait été interpellépar plu-
hreuxétait accouru,parmi lesquelsl'ingénieurPierre, — sieurs de ses amis :
de l'usinedo la Grand'Palud,qui manifestaitune agi- Bonjour,monsieurl'assassin|
lité fébrile.On eût dit qu'il ne voulaitpas rester uno A ces mots, dont l'ironie n'était pas sans dissimu-
secondeimmobile,11fouillait la toiio avecun outil, ler une accusationplus ou moins directe,'lo jeune
avecses mains,écartantles ouvriersplus désignésque ingéniour,sans sortir un instant do son calme, avait
lui pour faire cette besognemanuelle. répondupar lo plus dédaigneux des sourires. Et
a Enfin,le cadavreapparut,abominabbmontenchâssé môme après son arrestation,il no s'était pas départi
dans un moulede vase.11était tête me , et la pèlerine do son attitude,
à eapuchon était rouléeà ses pieds. Ecrouéa la prison de Ln,ndorneau, en attendantson

« Où est la casquette? » demandaun des magis- transfertù celledo Brest, il avait dormi paisiblement,
trats. et lo matin, mangeaitdo bon appétit la soupe qu'on
« —Elle doit être dans la pèlerine, » réponditl'In- lui 'présentaitcommepetit déjeuner. 11so montrait
génieur. très déférent et mémotrès almabloenvers ses gar-
" Unautretémoina déclaréavoirentendu: dions.Et lorsqu'onvint le chercherpour lo conduire)
« — Elle est dans la pèlerine, » en voiture à son domicile,afin d'assisteraux perqui-
« Quoi qu'il en soit, la casquettefut bien retrouvée sitions que la justicoavait décidéd'y opérer,comme
dans la pèlerine.» un gendarmevoulaitirabaltrola capotode la.voiture,
« Lospremièresconstatationsterminées,lo cadavre(le ailn de lui évitQr les regards hostiles des curieux'
l'infortunéadministrateurétait transportéà l'usinodo massésil la portodo la prison,il déclarait:
la Grand'Palud, sur une civière improvisée,faite — A quoi bon! Jo n'ai pas ù me cacher, puisque
do branchesd'arhms. suis innocentI
joExaminonsmaintenantles '
«Le docteurBousscauprocédaitaussitôt a l'autop- charges que les enquê-
et
sie, cela, dans les conditionsles plus défavorables. teurs avalont relevéesconlroiLouis Pierro, charges
En effet, on avait installé,le médecindans une pièce, qu'ils avaient jugées suffisantes pour motiverson
prenant par une fenêtre un jour insuffisant;ensuite, arrestation, on avait trouvéo son
il opérait sur les rebordsd'une cuve, et non sur une Tout d'abord, domicile,dans
table de dissection.Enfin,dans la précipitation, du dé- un petit hangar, une pioche tachée do snng et aux
part, il avait oubliésa trousse,et se servaitd'un séca- fers de laquelle;adhéraientencorequelquespoils.
teur. M. Pierre, il co sujet, répondaitque cet
« Le corps do M. LouisCadiouportait une blessure outil lui avaitinterrogé servi pour tuer un lapin,
de seize centimètres,barrant la gorge, à gaucho; les « On avait encorosaisi sur lui, rapportaitl'envoyé
«hoirs étaient déchiquetées,la carotideavait été tran- spécial du Temps, « uno carabine et un couteau ù
chée ; mais, de toute évidence,la blessuren'était pas petite,lomorecourbée,mais nullementtachéedo Sang,
nette. Le mérlecinconclut que M. Cadiouavait été EnUn, lo commissairespécial Paulin ramassait nu
avecun couteau, fond d'une corboillofi roulé en boule,'une
« L'estomacétait à peu près vide ; on y recueillit lettre du ministèrede lapapier,
égorgé
Guerre, on réponse a- sondes
seulementun pou de bouillie blanchâtre,qui parais-, dénonciationsque l'ingénieur avait faites contre
sait cello (lc.J,upi&«<af.,vCQla.
indiquait que la victime patron ». n'eut
avait été.ffticefipresson petit'.déjeuner du matin et Maiscela pas suffi pour incriminerl'ancien
avant sflndéjeuner.du,midi. ,"'*>>.. élèvode l'Ecolecontrôle.Co qui semblaitplu.f»grave
« KJffîn,dans*Jlqs:.poches'du coftumocycliste que it la justice, c'est qu'il n'était point d'accoid aveo
portait M. l'oufs*Cutllôû,oh trouva des cure-dentset certains témoinssur la date du jour où M, Cadlou
avait été vu pour la dernièrefois il son usino.
(Dè^^rcy^^t^v.^^Xl I (1)Matindu 5 février.
L'AI'TAIUECADIOU OU
— C'est lo B9,afflrmulentJo comptabloAllain Guil- finisse route, et que mon innocences-ornreconnue.
loux et la servante de l'ingénieur, M 11"Julia Jtizoau. Les perquisitions n'ayant donné aucun résultat,
•- C'est Je ::0, déclaraient les témoins parmi les» Louis Pierre était transléré ù lu prison de Brest, où.
quels, M»'»Quémonour,Levacher,Bouldln,etc., etc. l'insiitictiuiiallait se poursuivre.
Quant à l'accusé, Il tlxult au 29 la date de sa der- Mais plirleui's voix allaient s'élever en faveur de
nière rencontréavecson patron, Tout d'abord, cellesdes siens,
D'autres témoinsdéclaraientqu'ils avaient vu, lo ."0, l'inculpe.Unrédacteurdu Malin,étant allé visiterses parents
M. Cadlou sortir vers onze heures du matin de son qui demeuraientdans la communede.Uoiiville,située
usine et « franchir le,passage sous lo chemin de 1er, a quelques Kilomètres d'Evreux, demandait à
avec l'ingénieur Pierre ». M:"°Pierre si sou fils ne l'avait pas teinte au courant
Enfin, un jeune prtlro prétendait avoir vu fès doux des événementsqui s'étalent déroulésù l'usino do lu
hommes s'engager dans lo chemin qui monte a tra- Grand'Palud.
vors le bois de. Karoff. A midi moins vingt, l'Ingé- — Oui, répondait-elle,mon fils nous a écrit le 2 ou
nieur était bien revenuà l'usine, mais seul. lo 3 janvier dernier,., Je ne nie souviens plus exac-
Quant il son patron, ou no l'avait pus revu ù Lan- tement de la dato.
dernouu. « Dans cette lettre, il nous faisait -«avoirque lu
Commelo Juge d'instructionfaisait observerii l'In- police le suspectaitet le regardait d'un mauvaisceil;
culpé la gravité de ces premières dépositions,Louis il ajoutait qu'un journal de Brest insip'mU - même quo
Pierre répliquait ; c'était lui l'auteur de • 'a ne le tra-
— Apres tout, j'aurais parfaitementpu voir M, Ca- cassait nullement,car l'assassinat, qiv
11savait que c'alld,t était parti
dlou lo 30, en admettant que mes souvenirsm'aient de son propre chef et n'avait pus été assassiné.
trahi ; mais cola ne prouveraitpas que jo l'ai assas- M. Pierre faisait it son lour un grand élogede son
siné. 111s.
Lo juge ripostait a cela: — Au mois d'octobredernier, racontalt-il,sa moro
—N'uvioz-vous pas intérêt ù supprimer M. Cadiou, et mol, nou.inous sommesrendus près de lui ii Lan-
pour
—Jeessayer do vous de l'usine ? dorneau,ou nousavons u'un mois et demi
cette intentionI répliquait l'In- et nous avons constatépasséprès
n'ai jamais euemparer en quelle o;;tlnieétait tenu,•
— Vous aviez avec votre patron do fréquentesdis- notre
génieur. 111s,qui est un garçon Intelligent, travailleur
ot honnêteentre tous.
cussions? Notreconfrèreajoutait :
— C'est exact. —Nousavons quitté M, et Mm 0 Pierre commenous
~ A quel sujet?
—J'étais Intéresséaux bénéficesde l'usino, et mon les avions trouvés, ils étaient très rassurés, no lais-
sant pas percer la moindreémotion et ne semblant
patron altérait les comptespour réduire mon pour- nullement iuqiiiofssur le sort do cet enfant dont ils
centage. D'ailleurs,d'un communaccord, nous avions se montrentencoreplus fiers aujourd'hui.
résolu do nous séparer.Je devais quitter l'usine do la M'i»Julla Juzeou, la jeune servante da l'inculpé,
Grand'Palud le lm mars prochain. déclarait do son côté:
— Que comptloz-vous fairo ensuite? — Je ne nio souvienspas que M. Louisait assommé
— J'avais liouvé une situation dans uno usine simi- un lapin avec uno pioche, mais co quo je me rap-
laire, dans une usine quo l'on est en train de cons- pelle fort bien, c'est qu'avec cet outil il a enterré
truire près do Daoulus. dans un coin du jardin, aux alentoursdo la Noël,un
« Voyez donc, monsieur le juge, quo je n'avais chut noii et blanc qui était mort dans la maison.
aucune raison do' tuer M. Cadlou. « D'ailleurs, mon maître est incunabled'avoir tué ;
—N'cmpôcho quo vous aviez voué il votre patron i! est bon, Il est très doux,,, il a l'horreur du sang.
uno véritablehaine. Ne vous ôtes-vouspas laisséaller J'étais au le 29 décembre,jour où M. Cadlou
a diro, devant des témoins dignes de foi, quo si est venu,.,moulin, j'en suis certaine..,M. Pierre m'a dit
M. Cadlouvous renvoyait,'vous n'hésiteriez pas ù, lo avait accompagnéson patron jusqu'il la route en qu'il cau-
jeter ù, l'eau?
—Jo ne me souviens pas avoir tenu ces propos; sant. « Lo soir, après le dîner, il a lu, puis il s'est c 'ié.
mais il est possiblo,après tout, quo je les ai pro- Jo vous assure qu'il n'avait pas alors des allure ut
férés.
« Quand on est en colèro, on no sait pas co que hommo qui vient do commettreun crime|
Bonlrôdans son cabinet, le jugo d'Instructions'oc-
l'on dit, et j'avais de fréquents sujets d'irritation cupait d'examinerles documentsqui avaient été sai-
contre mon patrpn, sis au domiciledo l'Ingénieur, notammentlo brouil-
1x3juge poursuivait: lon de la lettro adresséeau ministère do la Guerre
-?•Parmi les papiers découvertsil votre on et la réponseofficiellequi lui avait été faite.
n trouvé un brouillondo lettre, adresséàdomicile, une impor- « Lo brouillonde la lettre (Matindu 7 février 1914)
tante personnalité, et où vous lui signalez certains prévenait lo ministre do la Guerre que l'usino do la
agissementsdont se serait rendu coupablovotre direc- Grand'Paludqui devait livrer on 1910cinq wagons da
teur. cotonil la poudreried'Angoulômo, n'en avait livré que
« On a saisi également chez vous une (réponsea quatre, d'oïl pour M, Cadlouun bénéfice.
cette lettre qui prouveque la lettre adresséepar vous Do plus, l'ingénieur assurait appréciablo
que M. Cndiou'ne
était bien arrivée il sa destination. livrait que d'abjects déchetsde coton nitrô à l'admi
—-Jo reconnais parfaitementl'authenticité do cette nlstration des poudres, tandis qu'il [réservaitpour
correspondance.Jo considère,en effet, qu'il était do d'autres clients la.marchandiseoxempto do tares.
mon devoi'rde prévenir lo gouvernementdu tort qui La réponse du ministèro accusait réception il
lui était causé. M.LouisPierre de sa dénonciationot l'en remerciait.
Le juge poursuivait : Maiscotte correspondancene suffisaitpas h établir
— Le dimanchoi janvier, c'ost-ô.-dire quelquesjours lo mobiledu crime.
après la disparition do M. Cadiou, vous vous êtes en effet, Louis Pierro aurait-il ou intérêt
rendu rue do Brest, à Landerneau, à son domicile ii Pourquoi, fairo disparaîtreun hommeau momentmémooù il
personnel, et vous vous êtes fait ouvrir les portos, venait d'attirer l'attention dos autorités sur ses pré-
sous prôtoxtod'effectuerune réparation au téléphone. tendus coupablesagissements?
« N'était-cepas un prétexte pour vous emparer de Il fallait donc chercherautre chose, Le juge d'Ins-
certains documents'dontvous aviez besoin? truction se tint le raisonnementsuivant:
—Jo n'ai rien n'ai rien emportéI —
. —Pourtant, onpris, je
n'a rien trouvé L'ingénieurLouisPierre n'avait qu'un but ; pren-
choz M. Cadiou. dirola placo do son patron. La preuve c'est que,
D'importantsdossiersdevaient s'y trouver; cruesont- depuis la disparitiondo ce dernier, 11se considérait
ils devenus? comme le maître de l'usine. « s'installait définitive-
—Je l'IgnoreI faisait rempierrer rallée conduisant a sa
Commeconclusionù cet interrogatoire,LouisPierre, ment, demeureet jouait enfinau directeur ».
toujours avec la "même maîtrise de lui-même, Balsonnemont d'autant plus fragile qu'après la mort
s'écriait : do son mari, Mm°Cadiou,en raison de récentes dis-
—Je ne nie pas que certaines apparences soient positions
contre,moi. Jo reconnaisvolontiers quo jo me trouve devait pastestamentaires ignorer, était
que l'ingénieur Pierre, no
devenuela seule propriétaire
dans uno situation très difficile; mais je suis tran- de la Grand'Palud.
quille, j'ai ma consciencepour moi, Je suis certain Tout cela, en somme, no pouvait apparaître aux
que, d'Ici pou, vous vous apercevrezque vous faites gens do bon sens et non atteints de déformationpro-
-8-
613 CltlMESET CHATIMENTS
fesslonnelleque comme des présomptionsvraiment et onze heures et quart ; il se dirigeait en conversant
insuffisantespour arrêter un nomma quo son passé dans la directiondu moulin,et, Juchésur une échelle,
ne désignait eu rien commecapabled'un crime aussi il put les suivre du regard, jusqu'au point do la route
abominable. où Pierre prétend avoir quitté M. Cadlou,lo lundi 8'J,,
Dans tout le pays un revirementtrès net so pro- il la mêmeheure.
duisait en faveur de Louis Pierre, d'autant plus (pie « Pierre, déclare toujours M. Bignard, revint fi
tout le mondeétait d'accordpour estimer (pie la pre- l'usine très calme, à, midi moinsdix, pour y chercher
mière enquête avait été fort mal faite, » personnene son capuchonqu'il avait oublié, Il allait eusuito
voulant endosser les responsabilitésde diriger les déjeuner pour revenir à uno heuro trente, puis il
recherches». partit et on no lo revit plus jusqu'il cinq heures et
« La gendarmerie,la polieomobile,la Sûreté géné- demidu soir.
rale, la policespécialeet lo commissairede policedo Et l'envoyéspécial du Matindo conclure:
Landerneau,constatait l'envoyéspécial du Matin, ont « Si doue LouisPierre a tué M. Cadioiiiil n'a pu lo
travaillé officieusement,sans so concerter, sans so faire qu'entro onze heures et quart et onze heures
communiquerleurs Impressionsou leurs résultats, *d trois quarts.
bien que le zèle de ebacun ti amené lu plus Inextri- .( Unedeinl-lieurelui aurait donc suffi pour égorger
cable des confusions.» sou directeur, dissimuler son cadavre et so net-
Et notre confrère ajoutait fort judicieusement: toyer I
—L'intervention du Parquet conduisant officielle- « Co laps do temps sembleun peu court, même
ment l'enquête ne date que do quelquesjours et co pour un assassin qui aurait tout prévu, et c'est
retard a lourdementposé sur la marche de l'infor- pourquoiM, Bignard so refuso ù admettre la culpa-
mation, au milieu de ce chaos de contradictionsqui bilitédo son ancien patron. »
va en se multipliant. Il est regrettable pour M. Louis Pierre que notro
il
« Si Pierre a tué son directeur, quel endroit et il confrèren'eût pas été chargé do fairo l'Instructiondo
quelle, heure le crime a-t-ilété commis? l'affairo Cadiou; car il est infiniment probable, et
« Sur le premierpoint, l'enquêten'a pas encorefait même certain, quo l'infortuné ingénieureût été, tout
sa lumière; sur le secondpoint, l'autopsiepermet do au moins, laissé en liberté provisoire.
répondre.: M.Cadioua été assassinéavant l'heure du teur Mais,malheureusementpour lui, le magistratenquê-
déjeuner. dont la bonno fol domeuroau-dessusdo tout
« Le contremaîtreBignard, que j'ai vu ce matin, soupçon,était il la fois trop tonacoet trop convaincu
m'a déclaréd'une façon1resformellequo LouisPierre de l'infaillibilité do son flair pour prendre uno
ot M, Cadiou avaient quitté l'usine le-30 décembre. paroillodécision.Il tenuit sa prqlo, il ne la lâcherait
11est très précisquant à celto date, entre onzeheures pas.

II
PIt-'.UIlE
L'iNfiKMEtm — LESLETTRES
SEDfiFEND. MÏ6TIÎIUEU-
SES. — L'INTERVENTION —
D'UNDÉPUTÉ. LASECONDE
—-COUP
.•OJTOPSIE. D E — LESDEUX
THÉATKK. HEVOLVEKS,
— LETÉMOIGNAGE« D'ALFRED
DERiUSSET
»,
M. Bidard de !a Noêallait donccontinuerson infor- pénétrât dans son bureau, la pauvre femme allait
mation avec l'idée bien arrêtée qu'il avait devant lui éprouverla plus douloureusedes émotions.
un Coupable. En offet, au moment où"elloarrivait au Palais do
Cepondant l e calme et la modération quo lo jouno Justlco,au bras de son avoué,M""> Cadlouse trouvait
ingénieur apportait à so défendre auraient dû lui tout il coup face ù focoavec l'ingénieur LouisPierre,
donnerù
—Jo noréfléchir. quo lqs gendarmes reconduisaient dans sa prison.
puis que vous répéter, lui disait Louis Ello devint atrocementpûle et faillit perdra connais-
Pierre, que vous faites fausse route en continuantà sance.
m'accuserainsi. Mais, so ressaisissantavec beaucoupd'énergie,ello.
« Les différendsqui se sont élevésentre mon patron entra dans lo cabinet du magistrat,prête à répondre
et moi, je ne saurais trop vous le diro, n'étaient pas il toutes les questionsquo celui-ciallait lui poser, .
assez graves pour m'r-ntralnerii le tuer. — Madame,lui expliquaitM. Bidarddo la Nofi,pou-
— Enfin, oui ou non, s'obstinait M. Bidard do la vez-vous m'expllquer quelles sont les raisons qui vous
NoC,est-cele 20 ou le 30 que M. Cadiouest allé au ont donné à penser que votre,mari avait été victime
moulin?
— Je suis sûr qu'il s'y est rendu le 29; mais je no d'un —M. attentat?
Cadlou,expliquait-elle,m'avait écrit le samedi '
me souviens pas du tout qu'il soit revenu à l'usine 27 décembre,qu'il viendrait passer h Paris les fêtes
le— 30. do janvier. Jo l'attendais donc le 30 ou lo 31.Il n'ar- :
Un témoindes plus honorables,M»°Quémeneur, riva pas.
objectait le juge, affirme quo M. Cadlou
' est bien « Inquiète, je lui télégraphiaiil la Palud, le 31, à
revenu le 30. heures du matin, Aucun réponse ne me parvint.
— C'est qu'alors, répliquait M. Pierre,, il n'est pas dix« Dans l'après-midi, l'envoyais un autre télé- :
entré, dans mon bureau. Je ne J'ai donc pas-vu, et gramme, à M. Pierre, celte fois, pour lui demander
6
M» Quémeneurdoit confondreavec sa visite de la si monmari avait quitté Landerneau.Lelendemain,je
veille.
—D'accord, reconnaissaitle magistrat; mais vous n'étais encore fixée,
« Dèspas
lors, j'eus lo pressentimentqu'un crimo avait ,
oubliezque lo 30 décembre,ù deux heures de l'après- été commis. Aussi, dès lo samedi 3 janvier, jo fis 'i
midi, vous avezécrit à M. Cadiou.Si vous l'aviez vu part de mes appréhensionsà ma famille et au servicev
ce matin-lit,c'est donc que vous vouliez vous créer de la—Sûreté.
une sorte d'alibi. D. Croyez-vous,madame,ii la culpabilitéde Pin-
Nullement embarrassé par ces subtilités, Louis génleur LouisPierre? •
Pierre répliquait : R. — Jo no saurais vous le diro, monsieur, Monj\
•—Jo vous lo dis encoreune fois, on admettant que mari no mo tenait pas au courant de-ses affaires;j
mes souvenirssoientinexactset que j'aie vu M. Cadlou pourtant il lui arriva do me conflorles ennuis qu'ili
le 30,en quoi cela prouve-t-ilque Jo sois son assassin. éprouvaitpar le fait de son directeur technlquo; IL1
Il est évident, que la défense de l'Ingénieur était ne s'accordait pas avec lui et jo crois savoir que
beaucoup plus logique que lu thèse do l'accusation. M.Pierre menaça plusioursfois mon mari.,
Mais, comme en il
toujours pareil cas, fallait un cou- « Au surplus, jo sais que mon mari vivait a Lan-
pable, et cela n'était pas précisémentpour fairo derneau dans uno atmosphèred'hostilité.Il avait des
pencher la balance de la justice en faveur de l'in- jaloux, des ennemis, qui lo combattaientsournoise^
culpé. ment, mais implacablement. ' !;
Lo lendemain, c'est-à-direle samedi 8 février, le Et M»»" Cadiouajoutait: : ,
Juge d'instructionentendaitM'fl°Cadiou.Avantqu'elle — Jo dois vous diro, monsieurle juge, que j'ai reçu
L'AFFAIIIRCADIOU 613

':%ecadavre de fil. Cadiou, recouvert de cinq à six centimètresde terre à peine, était couché
./..! SMrte Ventre,(Page 2), .
011 CR1MKSET CHATIMENTS
lo 31 décembre,chez mol, en mou domicilede la rue Mais lo Parquet n'en ordonnait pas moins uno
du Cherche-Midi, une lettre que M. Pierre adressaitil l'oniro-itutopslo,
mon mari et dans laquelle11lui réclamaitune summo Eu attendant les résultats do cette importante opé-
de cinq cents francs qu'il lui devait, ration judiciaire, les limiers de la Sûreté générale
« J'ojoiiteiai que dans les premiers jours de jan- t'onllnuatenl leur enquête. Ils parvenaient à établir
vier, c'est-à-direaprès la disparition de mon mari, qu'il la gare de Landerneau, dans les derniers jours
M. Pierre m'a téléphoneplusieurs lois à Paris, pour de décembre, il avait été délivré deux billets ù
demander i\o^ ordres au sujet des affaires en cours, M. Cadiou,l'un pour Brest, l'autre pour
» Je ne puis rien vous dire de plus, monsieur lo employécroyait même pouvoir fixer à laMorlaix ; un
date du 30
juge, car je n'en sais pas davantage. du Morlaix.
Ainsi qu'on le voit, la déposition de M1""Cadlou, laUne remise billet pour
déclaration des plus intéressantesallait d'ail-
dont M.de ht Noéattendait tant pour corser son dos- leurs parvenir au juge d'Instruction.
sier, ne. lui avait apporté aucun élément favorable a M. Nicolas,courtier maritime et Juge au tribunal
SUthèse. de Commercede Brest, se présentait au cabinet do
Coptiidant, il n'eu convoquait moins M. Pierre do la Nooet lui alllrmalt :
son bureau ot il lui demandaitpas M.
il — : —Bidard
Je suis sûr d'avoir vu, le 31décembre,M. Cadlou,
Commentse fait-il que M-1,JCadlou vous ayant Eu effet,jo suis allé à Morlaixle LT> et le 31 décembre,
télégraphié le :u d, cembre pour avoir des nouvelles et l'ai rencontrévers quatre heures sur lo quai do
de MIIImari, le. i" janvier vous ne lui ayez pas la je gare.
encore réponduï
•- Moiihuur le juge, répliquait placidement l'In- M, Nicolas,témoignagesallaient confirmer celui do
D'autres
culpe, doitnez-vuuîila peine de vous Informer auprès , Voicico que racontait M, Le Picard, propriétairedu
de M. le receveur des postes de Landerneau, et il café de la Terrasse, situé dans la mémoville;
vous expliqueraque, par suite d'une Interruptiondes — M. Cadlouétait chez mol le ft>rjanvier, Jo peux
lignes, le télégrammeque MmoCadloum'avait envoyé fixer très nettement la date où il vint ici pour la
le 31ne m'estparvenuquo danslu soiréedu 1"'janvier, dernière fois, parce que, ce motln-lfi,Jo reçus la
La fragilité do l'accusation non seulement appa- visite do mes deux amis, M. et M»10Porenu, qui
raissait à tous les gens qui n'avaient aucune hosti- vouaient m'upporlorleurs souhaitsde nouvel an, ot,
lité contre J'ingénetir,mais même'à ceux qui, dès le détail qui m'est resté on mémoire, jo les al reçus
début, l'avaient accusé avec h; plus d'uproté. dans ma sallo à manger,
Le frère de M. Cadiou, de Brest, lui-même, qui M. Baron, vétérinaireet sa femme,venaientdéclarer <i
avait tout d'abord chargé Louis Pierre avec tant quo lo 31 décembreils avalent rencontréM. Cadlou
faisait maintenant ces réserves:
—Si Pierre a tué, il a dû certainementagir dans sur
d'acharnement, lo quai de la gare do Morlaix,cl, ils ne pouvaient
pas so tromper,car tous douxl'avaientconnu lorsqu'il
un mouvementde colère. était avoué dans cotteville.
« Je suis quo mon frère, en l'engageant ii la Grand'¬ M"mBaron ajoutait même co détail des plus signi-
Palud, lui avait imposé un contrat valable pour ficatifs:
quatre années, qui comportait, entre autres clauses, — M, Cadiouétait vêtu d'un costuma cycliste,
1obligationde ne pas s'engager dans une usine simi- Lo juge d'Instruction apprenait encore qu'au len-
laire pendantune périodede quinze années. demain do la do l'industriel, des lettres
« Il advint que les deux hommes ne s'entendirent signées de son disparition nom, et mises à la poste dans tliffô-
plus etleavalent convenude so séparer, Pierre devait rentes stations de gares du Nord, étalent parvenues
partir ltr mars, Mon frère, sans nul doute, voulut au procureurde la République.
mainienir dans ht conventionde résiliation la clause Détailtrès troublant,après la découvertedu cadavro.
Interdisantà l'ingénieurde s'employerpendant quinzo ces-lettres étalent rempliesdo racontars bizarres,qui '
ans dans une autre usine de blanchiment. montraient que lo but de leur auteur était d'égarer,la
« Il pensait, en effet, que'snn ingénieur avait acquis justice.
h la Grand'Paluddes connaissancestechniquesajmar- Tout cola no contribuaitpas a faciliter la tache des
tenant à notre maison, et ne faisait, au contraire, qu'épaissir
« Pierre s'irrita probablementde cette défense, et enquêteursdavantage lo mystère.
peut-être frappa-t-U en un mouvementirréfléchi ? D'autres témoignages non moins étranges et
Lo frère de la victimeajoutait cette hypothèse,d'ail- déroutants succédaiont aux premiers, notamment
leurs des plus vraisemblables: celui de M-» 0 Tonninu, institutrice a Lanbouarnettu,
— Je no m'explique pas toutefois qu'aucune tacbo qui prétendait avoir vu lo 3 janvier M. Cadiou en
de sang n'oit éclabousséles vêtementsde mon frère, train de déjeuner dans un hôtel do Snlnt-Pol-de-Léon.
et j'en arrive à croire que le malheureux fut bâil- Dos personnes non moins dignes do confiance,
lonné,ligoté, et égorgé au-dessusd'un récipientfucilo affirmaient avoir rencontré M, Cadiou h Morlaix,
à vider ensuite. après le lw janvier...
Cotte observation,si hasardeuse fût-elle,n'en avait Entra temps, lo jugo d'Instruction s'occupait de
pas moins attiré l'attention du jugo sur le fait que reconstituerles faits et gestesde l'ingénieurPierre, le
non seulementles vêtomentsdo la victime ne por- 31 décembre,
taient aucune tache de sang, et que la quantité do Après uno laborieuseenquête, il arrivait il établir
sang qui s'était répandue sur le sol (sous la tète à que, le 31, Louis Pierre avait réparé pondant unavait cer-
demi tranchée du cadavre), était si. mlnimo qu'il tain temps son auto, dont l'eau du radiateur
était difficile d'udméltro quo le sectionnementde joué pendant la nuit ; qu'il dix heures, il s'était rendu
l'artère carotide eût provoquéun épanchomentsi peu ii l'usino de la Grand'Paludoù il y était resté jusqu'il,
. abondant. midi moins lo quart, et que, de la, il était rentré
Or, M, Bidard do la Noé, qui n'ignorait pas les déjeuner citez lui, était sorti ensuite; mais c'est- que,
conditionsinvraisemblablesdans lesquellesl'autopsie jusqu'au momentoù il était revenu il l'usino,
avait été faite, se demandaitsi, pour égarer les soup- à-dire vers quatre heures,on no savait pas exactement
çons de lalajustice, l'assassin detué Cadiouno lui avait il quoi il avait employéson temps.
gorgeaprès l'avoir
pas coupé faisait d'une autre façon. Le lendemain, lor janvier, il s'était lové de très
Le juge part de ses soupçons à M. Guille- lionne heure, avait do nouveautravaillé h son auto,
mard, procureur de la République et tous deux so dans son jardin, jusqu'il l'heure du déjeunor.et vors
mettaientd'accord pour réclamerune contre-autopsie. Dans l'après-midi,il avait été so promener
Le médecin-légistelui-môme, lo docteur Rousseau, sept heures du soir, il était allé dîner chezla mèro
déclarait il la presse :
— Los conclusionsde do Julia Juzeau et il parait même que le repas avait
mon autopsie établissentquo été fort gni. - . A
M. Cadioua été étranglé. Les plaies du cou ont été En réalité, l'enquêten'avatt pas avancéd'un pas et,
faites posl mortem (1). Lo maquillage du cadavre les doux avocats de l'accusé, M" Fcuillnrdet Paul
doit avoir eu pour but de fairo disparaître la trace Reynaud,déposaiententre les mains du procureurde
des empreintes digitales et de simuler un attentat la 'Républiqueune demandaçn liberté provisoire.
dans le bols. Apres avoir examinélo mobile (1)qui aiuait poussé
« Donc, il est inutile d'exhumer le corps, puisque l'ingénieur ù supprimerson patron, c'c3t-ii-direespoir
nous connaissonsla cause de la mort; pour lui do s'emparer de la direction de l'usino, les
(1)Apresla mort. (1)Matin du 15 février.
L'AITAIHECADIOU 015
deux défenseursrépliquaient: « Erreur grossière,car adresséeau ministèredo la Guerrecontre M. Cadlou,
il est établi : fournisseurdo l'Armée.
« 1° Quo, dès lo mois do juillet, M'»"Pierre,cher- « On affirma d'abord que la société qu'il dirigeait
chait pour son (Ils une place d'ingénieur civil dans n'était qu'une société allemande,et on alla jusqu'à
uno usine de Nantes; prétendrequo les actes de constitutionpassés devant
« 2° Qu'il lu suite do son exclusionprononcéepar notaireavaientété
les services do poudre et salpêtre des marchés do «.M. Cadiou,quitruques. avait une h •lune de un million
l'urinée, M. Cadiou s'était vu contraint de résilier deux cent mille francs, pouvait bien, il me semble,
des marchés importants et avait dû se résoudre à mettre deux cent cinquante mille lianes dans uno
former son usine, ce qui n'était pas précisément allaire.
encourageantpour LouisPierre,s'il avaitété toutefois « L'enquêtedémontraque, parmi les r.lionnuiresdo
candidatà la .successiondo son patron; l'usino de la Grand'Palud,il n'y itv.il aucun Alle-
« 3UQue Louis Pierre adressait lo 30 une lettre fi mand.
M. Cadiouà Paris, lettre qui parvint dans l'après- « Par la suite, d'autres plaintes en fraudes et mal-
midi du 31,et dans laquelle11lui disait, qu'il n'avait façon ul'ltiiuioutau ministèrede la Ginne. M, Cadiou
encore cru devoir le do son fut exclu des murchésdo l'arméesans qu'aucunmotif
licenciementproehuln; prévenir personnel
pas no lui eût été fourni:C'est alors j'intervins et
« 4° Que Louis Pierre fût engagé par contrat i> demandais la nomination d'uno que commissiond'en-
l'usino de Palouas par M. Legruudet qu'il ne résilia quête.
cet engagementqu'il la suite do rumeurs qui parvin- « Qui,avec acharnement,accusaitet dénonçaitainsi
rent jusqu'à lui. » M, Cadiouau ministèrede lu Guerre.Ce n'est pas à
Bien qui! le jour mémoM. Bidard do la Noé eût mol de le dire. Y n-l-ilplusieursaccus leursï N'y ou
déclaréa la Presse quo l'accusationne reposaitque "a-t-il, au contraire, qu'un seul, agissant pour lo
sur des présomptionsfragiles et qu'il attendait la comptedes autres?
contre-autopsiepour envisager d'autres hypothèses,i l « Si lo général Gandinpeut ouvrir son dossiernu
repoussait,la requêteque M0»Feuillart et Paul Boy- magistrat de Brest, celui-citrouverale? lettres accu-
naud lui avaientadressée,en vuodo la miseen liberté sant lo directeurde la Grand'Palud.
•<Si elles sont signées,il connaîtrah Viomdes per-
—Jo no de
provisoire leur client,
puis, dlsult-11 dans son ordonnance,libérer sonnes devant être interrogées.Si et,:-,lettres sont
l'inculpé : des comparaisonsd'écrltur-s s'imposent.
« 1° Parce quojo n'ai pas entendutous les témoins unonymes, « Pour mol, cela no fait aucun doute, M, Cadioua
convoqués par la défense ; été tué parce qu'il était directeur de l'usino do lu
« 2u Quo Jo n'ai pas interrogé Louis Pierre sur lo Grand'Paludet il a été frappé au cours d'uno discus-
fond do l'affaire; sion d'ordre professionnel.
« 3° Parce que jo désire,auparavant,connaîtreles « Jo ne prétendspas quo M. Pierre sol.t l'assassin•
résultatsdo la contre-autopsie, do M.Cadiouot, quoi qu on en ait dit, Je ne suis pas
Le Jugod'instructionpoursuivaitson enquête,inter- intervenupour qu'on le maintienneen prison.
rogeant do nouveaux témoins, AI, Lemoller, mer- « L'arrestationde M. Pierre, que je n ai jumn-isvu
cier à Brest,qui continuaitlo témoignagedo M. Ni- d'ailleurs, ne m'a pas surpris. En effet, divers détails
colas, M. Gabon,télégraphisteà Morlaix,qui décla- m'Intriguent,
rait avoir rencontré, lo lor janvier, place Thiers, « Le îi'j décembre,M, Cadiou devait rcmellro un
M. Cadiou; un ami du disparu, M, Fculilun, qui chèquede deux niillo francs à M. Pierre. Co Jour-là,
déposait : M. Cadiouétait à Landerneau,Il no pouvaitregagner
—Le20 janvier, j'ai cru, moi aussi, rencontrer,mon et Paris que pur un train partant à neuf heuresdu soir
pauvro camarndoCadiou, Co jour-là, un cyclistepas» arrivant à Paris lo lendemain matin vers sept
lo do
sait à Morlaixsur quai Léon. Il ressemblaità fleures.
Cudlou,et je faillis l'appeler,je n'en ai été retenu « Or, à la date duen 30décembre,M, Pierre écrivaitù
que par ia certitudeque j'avais do lu mort de mon Paris à M. Cadiou lui manifestantsa surprise do
pauvro ami, n'avoir pas encore reçu le chèque de deux mille
M. Lo Gullloner,jugo do paix à Quimpor,répétait francs.
au jugo d'instructionco qu il avait déjà raconté au « D'autrepart, lo Parquetde Bresta saisi, on lo sait,
frôro do ' l'industriel, ainsi qu'à plusieurs do ses une lettre urrivéoà Landerneaupou après lu dispa-
amis : rition do M,-Cadiouet adresséeà M,Pierre.
—J'ai rencontré mon ami Cadiou quelquesjours « Cettelettre émanaitdu ministèrede lu Guerreet
avant sa disparition,Il paraissaittriste, abattu, et no remerciait l'ingénieur des renseignementsqu'il avait
n'a pas cachéqu'il avaitde gros ennuis. fournis.
« Ceux-cilui étaient suscités, m'a-t-il dit, par des « Dans lo bureau do travail do M. Pierre, la justice
ennemisirréductibles,qui convoitaientsa situationet a égalementsaisi des brouillonsde lettres accusuntlo
menaient contre lui uno campagne d'injures et do directeurde la Grand'Palud.
diffamations. « M. Pierre esl-il l'auteur des lettres figurant dans
Le mystèregrandissaitdonctoujourset lo procureur lo dossier du général Gandin?Jo n'en sais rien, mais
do—la Béptiuliiiuepouvaits'écrierjustement: le jugo d'Instructiondoit certainementêtre fixé à co
Cetteaffaire est un véritablecasso-tète1 sujet, »
Non seulement l'opinion publique presque tout Ainsi qu'on le volt, M. Cloarecso tenait dans uno
' entière mais encore plusieursjournaux do la région, prudente réserveet pour quiconquesait li.roentre les
notammentVOuest-liclalret lo Nouvellistede Bre- lignes,il est hors do doute quo les insinuationsconte-
tagne, avalent élevé do véhémentes protestations nues dans cotte interview,, dont l'authenticité n'a
contre la décisiondu juge d'instructionqui persistait jamais été discutée,est qu'elle no pouvait manquer,
à garder Iouis Pierre en prKon, malgré le peu de quelle que fût l'impartialitédo l'honorablomagistrat
çolidltôdo l'accusationdont il était l'objet. chargé de l'enquête, d'exercer sur son esprit uno
Maislo bruit ne tardait pas à circuler quo c'était à considérableinfluence.
la suite d'uno interventiondo M. Cloarec,député du Mais voila qu'un véritablocoup do théâtre so pro-
Finistère ot ami do la famille Cadlou, auprès du duisait. Le 10 février à la suite do J'autopsioopérée
Parquet de Brest, quo lo jeune ingénieur avuit été par le docteur Paul, le grand médecin légiste, venu
maintenuen prison, tout exprèsde Paris pour accomplir cotto importante
on
Un de nos confrèress'en allait trouver M. Cloarec formalité judiciaire, apprenait quo Louis Cadiou
lui falsnit les déclarationssuivantes: n'avait été ni ni mais tué d'un coup
-- Si j'ai cru, dès le début,que M.Cadlouavait été do revolver, égorgé, étranglé,
qui
assassiné,c'est quo jo savais qu'il avait des onnemls A la suite d'un examenet accomplidans des condi-
acharnés, tions extrêmementpénibles délicatessur un cadavre
« Au doubletitre d'ami ot do député,j'eus l'occasion vieux do quarante jours, le docteur Paul, au bout do
de m'occuperdos"plaintesinjustifiéesdont lo directeur trois heures de recherches, avait découvert quo
de-la Grand'Paludétait l'objet, « M. Cadiouavait été atteint d'un coup do feu dnn3
« L'usine de Landerneau laissait, eri moyenne, la région de ia nuque, du côté droit. La balle avait
quatre-vingt mille francs de bénéficesà M. Cadiou. suivi un trajet obliquede gaucheà droite, et d'arrière
C'est diro que l'entrepriseétait florissante. on avant, en tranchant sur son passugol'artère caro-
KCo succèsdevait faire naître dos Jalousies.Il no tide ».
s'écoulait pas do mois sans qu'une plainte no fût « La balle avait été retrouvée dans l'épaisseur du.
«1C CRIMESET CHATIMENTS
tissu, il sept centimètresdo l'oreille droite, a. une •placé bien en évidence sur lo guéridon, un large
profondeur do cinq centimètres.C'était un projectile signet inarquant'uno page,
de-rovolvwbutldog,du calibre de six millimètres. Co livre donnait l'impressiond'avoir été posé là très
« Quantà lu plaie béantedo lu gorge,on no saurait. Intentionnellement. Un l'ouvrit à la page
avant l'analyse microscopiquedu sang, préclsor si que l'on semblait avoirinspecteur
elle avait été folio post ou unie mortism(avant ou sur la période•fumeuseduvoulu indiquer et il tomba
suicidedo Bollu.
après la mort).
KL'assassinavait dû tirer sur M. Cadiou par der- su11n'en falluit pas davantage aux inspecteurspour
demander si l'ussassln n'avait lui-
rière et ù bout portant. L'examendo lu pùlerino eu même toute cetto petite mise qu pas scènepratiqué
pour faire-
caoutchoucque portait la victime no laissait aucun croire que M, Cadiou songeait à se suicider, Il ne
doute à ce sujet, » pas quo co fût lui et, en toul cas, celu ne
Cette découverteaussi sensationnellequ'inattendue semblait,
prouvaitpas qui} LouisPiorro était l'assassin.
permettait au Parquet d'établir que M. Cadiou vrai- Cependant, un fuit troublant était là, auquel Içs-
semblablement,logiquement,avait dû être attaqué et onquêtourssemblaientattacher uno très grande impor-
assassiné aux alentours de lu Grand'Palud,toujours tunée.
déserts, et cela détruisait par conséquentles affirma- Si on avait découvertdans l'appartement particu-
tions des témoins qui prétendaientravoir vu à Mor- lier do Pierre un revolver qui (Matin,10 février) « ne
laix ou à Salut-Paul-de-Léon,et l'avoir rencontré , pouvait manifestementêlro l'arme du crime, puisqu'il
dans le pays après le 31décomrbe. était du culibredo six millimètres,alors quo la balle
Ce qui renforçaitencorela tlié-sode la justlcoc'était, à chemisedo cuivre trouvéedans lo cou do M.Cadiou
ainsi que nous l'avons vu plus haut, quo la victinio était du calibre do six millimètres », malgré les
avait un sosie qui se trouvait précisémentdans la roohcii'ches les plus inlnulicuseset les plus acharnées,
à
région l'époquedu crime, il avait été Impossibledo retrouverle bulldog de six
Maintenantil s'agissait de reprendre l'enquête à millimètresacheté par Pierre à l'armurier Marie.
pied d'oeuvvo; mais, tout à coup, le procureur do lu « Or, détail des plus intéressants, l'ouvrier do
Républiquese rappelait qu'au moment où il avait l'usine, lo sieur Yvonnec,avait trouve une balle do
perquisitionnéchez l'ingénieurPierre, il avait aperçu plombcorrespondantau calibre du revolver mis à la
sur une table un revolverauquel il manquaituno car- dispositiondu veilleur de nuit, déchargéle 17,restitué
touche. vide à Pierre.
Interrogé à ce sujet, l'ingénieur Piorroavait déclaré « Mais uno autre constatationdes plus déroutantes
« qu'il prenait ainsi ses précautionsen ne chargeant s'ajoutait aux autres, Sur îç mur d'un hangar, contre
pas complètementson armo ». lequel l'ingénieur s'amusait parfois à tirer à luencus-
cible,
Immédiatement,lo Parquet décidait de so livrer trois trous'avaient été repérés. Ou retrouvait,
dans l'appartement de LoufsPierre il une nouvelle tréo dans l'un, uno bulle do plomb du calibre do six
perquisition au cours de laquelle on retrouvait millimétrés.
la
dans chambrede l'ingénieur un 'revolver.Maisce « Présentée à la servante do l'inculpé, celle-cila
n'était pas un bulldog et le calibre n'était pas de six reconnaissaitcommeune des balles du bulldog dont
millimètres. On apprenait alors "que Pierre l'avait elle avait souventvu son patron se servir pour tirer à
acheté en juin dernier sur le pressant conseilde ses la cible.
nmis qui redoutaient toujours qu'il fût attaqué par Pendant quo s'accomplissaienttoutes ces.formalités»
quelque rôdeur ou par quelque ouvrier renvoyé pur la police perquisitionnait do nouveau à l'apparte-
lui et animé d'un esprit de'vengeance. ment do M. Cadlou,puis nu domicilede M, Logrand,
Tout à coup, un policier, l'Inspecteur Lo Mez, ancien maire,de Landerneau,fondateurdo l'usine do
s'écriait». la Grand'Palud.
— N'exlstait-llpns ii l'usine un autre revolver7 On saisissait uno correspondance importante,
On .s'informaitet on apprenait quo M. Dossard, ayant ytrait à des négociaiions anciennes et récentes,
veilleur de. nuit, était en possessiond'un revolver, relatives à l'usino do blanchiment.Commeon racon-
Interrogé, il déclorait qu'ayant cessé son service à tait la disparition de M, Cadiou,M. Logrimd
lu date,du 28 décembre,Il avait restitué lo 11 janvier avaitqu'après repris certains papiers qui auraient pu être
suivant, cette arme à l'Ingénieur Pierre. fort utiles à la justice, l'honorubloindustriel protes-
— Co revolver, uioufiilt-il,était garni de cinq car- tait en ces termest
touches, Avant de le rendre à M. l'ingénieur, je l'ai — On est venu me demanderdes renseignementssur
déchargé dans un tas de charbon, la Grnud'Palud,et commeil était naturel, Jo les ai
— Le l'ait est exact, reconnaissaitlo contremaître fournis. ,1'aLmis mes papiers a lu dispositiondo lu
Bignard, Lo VI janvier, Dossard,quelques ouvrierset justice.
mol, nous avons décharné le revolver désormais « M, Cadiou m'avait chargé, on juillet dernier, do
inutile. Pour cela, nous avonstiré cinq ou six coups, trouver un acquéreur pour lu Grand'Palud,Un indus-
je «ne puis le préciser, triel do,Paris se présenta,mais fut effrayépur lo prix
EnsuiteBossardrédigea une note qu'il me confia que demandaitM.Cadlou,
pour bien faireconstaterqu'il s'était dessaisidol'arme Interrogépar l'envoyéspécial du Malin, M; Legrand
dont il indiquait le numéro de fabrication. déclarait:
« J'ai malheureusementdéchiréce papier, -- Le groupequi construiten ce moment,a Damnas,
— Quelleétait la provenanceet, quel était le calibre n'aurait .jamais voulu acheter lu Grand'Palud, car il
de cette arme? interrogeaitle procureur. aurait fallu renouveler complètementlo matériel.
—L'ingénieurPierre, répondait le contromallreBl- C'eûtété une opérationtrop onéreuse;
cnnrd, l'avait acheté chez M.Marieet c'était bien un it Quant Pierre, Ignorant du contrat qui le
à le liait à
bulldog du calibredo six millimètres. son patron ut (pie nous avons connu pur Matin.
M, Bossard complétait sa déclaration do la façon nous l'aviotis engagé trois mois avant que disparue
suivante: M,Cadiou,Le contrat définitiffut signé entre nous le
— Lorsqueje pris mon service en juin dernier, Vi janvier. Maisle .14,Pierre nous écrivait pour rési-
M. Pierre me remit mi revolveravec vingt-cinqcar- lier, Il désirait, nous disait-il, quo fut éclaire! aupa-
touches.Maladele !27décembre,J'ai dû m'iibseuler; ravant le mystère causé pur la disparition do son
à mou retour, le 7 janvier, je constatai quo l'arme pulron. J'ai 'cru jusqu'Ici fi l'innocence absolue do
était loti(ours sous le matelas do mon lit où j'avais Pierre. Dols-joen douter aujourd'hui?
l'habitude de le placer. Le 17, avec un camarade, je Il résultait de ces Importante»déclarations: 1° que
la vidai. M, Cadlou était désireux, déjà depuis un certain
« Le soir mémo, M. Pierre me réclama le revolver iemps, de si! débarrasser do eon usine;
et m'ordonna de lui remettre également les carton- 2° Que Pierre, contrairement aux accords passes
elles qui restaient à la disposition, ainsi quo les avec M. Cadlou,avait pignéun contrat avec une usine
douillesvides.Je m'exécutaiavec empressement,heu- que lo directeur-propriétairede lu Puhtd pouvaitjus-
reux de me défaire d'une arme qui me faisait peur. qu'à un cortnln point considérercommeune menaça
,1'uvats,en effet, la crainte que M. Pierre s'en servit de concurrence,
contre moi. Tout cela n'était point pour clarifiercotte ténébreuse-
Au cours de la pcrqnlRltlon.les policiers s'empa- affaire qui, suivant l'expression du procureur dp la
raient de quelquespuploMdocilitésqui so trouvaient République,devenait de plus en plus un casso-tete...
dans une corbeille,et d'un volumede vers do Musset chinois,
L'AFFAIRECADIOU 017'

u — Il est dam te bois,., je le vois,,, voilà le moulin,,, voilà la rivière,,, (Page 12).
018 CRIMESET CHATIMENTS

III
LEREVOLVEH...
ARME ENTIIE
LESMAINS —
DEL'ACCUSATION.
LEVEILLEim --
DENUIT. LEMOMLEDUCniME.— UNROT

DELKTTUliS.LEJUCIE —
ETLAVOYANTE.LECASSE-TÊTE
CHINOIS.
Dès qu'il connut l'Incidentdu rovolver,LouisPiofro IL —Non,j'étais seul dans lo jardin.
demanda à être immédiatemententendu ù co sujet Cetto fois, l'accusation marquait un point, car
par—lo jugo d'Instruction:
Monsieur le jugo, fnisait-il toujours avec beau- jusqu'à plus ainplo informé, il était évident qu'ella
était on droit de trouver insuffisantelos explications
coup do mais avec uno gravité do ton ot d'at- do l'inculpé.
titude quicalme,
prouvaientqu'il commençaità prendre très Ello n'allait pas tarder à on marquer un autre,
au sérioux l'accusation dont il était l'objet... le En effet, les policiers enquêteurs apprenaient de la
rovolverdo huit millimètres l'on a trouvé chez 118
bouclio mémo do M Jùliu Juzeau qui, pourtant
mol est bion celui qui m'a étéque restitué par lo veilleur n'avait cessé,d'affirmersu fol çn l'innocencodo son
de nuit Bossard. patron :
« Je l'avais acheté à l'armurier Leliovre,do Brest, — J'ai vu lo bulldogon mal ou. Juin 1913clansun
sur l'ordre mômedo M. Cadlou,qui avait été juste- tiroir oit l'on rangeait les timbresot où il avait l'ha-
ment ému par uno tentative do cambriolagedlrlgéo bitude do lo serrer.
en juin 1913contrelo coffre-fortdo son usine. a Quant à la date à lacjuelloil l'a acheté, jo puis
« Cette arme qui dovalt d'abord êtro confiée au vous dire que c'est quelquesmois avant do prendre
contremaîtreBignard, a été facturéoà son nom pour livraisonde son automobile.
la sommedo dix-huitfrancs, et c'est au cours du mois « La voituroest arriv o vers septembre; c'est donc
de juillet suivant que Bossarden prit possession. quolquos moisavant son arrivée et en vue, d'ailleurs,
* Misau courantdo la dépositiondu veilleurdo nuit, do mon maître s'est muni
il déclara: d'unpromenadesfutures,
revolver, quo
—Jo suis tout ù, fait d'accord avec lui sur tous les « Jo me souvlons fort bien, en outre, qu'il lo ;l
points, et c'est bien dan9la journée du 17janvier der- démonta, pièce par pièce; plus tard, Il tira sur ma
nier qu'il m'a remis son revolver. demandesur lo mur do son hangar,
Ce premier point élucidé,M,Bidard do la Nooposait Do son côté, l'armurier de Landorneau,M, Mario,
ù— l'inculpé la questionsuivante: affirmait:
— Pienroest bien venu prendre cetto armo qu'il a
En dehors do ce revolver acheté à Brest, n'en
possédiez-vous pas un autre? payé tronte-hultfrancs à la fin do mai 1913.J'étais
— Parfaitement, répliquaitPierre, Banslaisser appa- en deuil à cette époque: il mo parla de l'automobile
raître la moindre émotion. Je l'avais acheté à qu'il attendait ot, dans la conversation,il mo donna
M. Marie, armurier à. Landorneau,duns le courant des détails circonstanciéssur la tentutivodo cambrio-
do 1910, lage commiseà la Grand'Palud.
D. — CombienPavez-vouspayé 7 Lo mémoJour, M.Bidarddo la Noë,en présencede
R. -- Vingt-septou vingt-huitfrancs. M»Feulllard, avocat de l'inculpé, confrontaitce der-

D. Pourriez-vousme préciser la date do cette nier avec lo veilleurde nuit, M. Bossard,
acquisition ? Le magistratdemandaitù M.Bossard.
B. —Non, jo ne m'en souvienspasl Tout ce que jo —Est-il vrai quo Pierre, un jour où il vous expli-
puis vous dire, c'est quo j'ai acheté ce revolver un quait la façon d'armer le rovolver qu'il vous avait
peu avant do céder à un paysagiste do Landerneau confié, vous ait dit qu'il on avuit un autre ?
une tonnelle peinte en blanc qui se trouvait dans —Oui,
mon jardin. — Non,monsieurlo juge, répliquait lo témoin,
Bossard, rectifiait Louis Piorro stnis la
« Jo me souviens parfaitementqu'en tirant pour la moindre nervosité.Jo vous al dis : « J'ai eu un
première fols avec cette armo, jo mo suis cuché lo rovolver,mais maintenantj'ai uno carablno, c'est-à-
visage derrière l'un dos montants de cette tonnelle, dlro cello quo l'on a trouvéo chez moi lors d'uno
car n'ayant jamais manié de revolver do ma vie, perquisition.
— Cortes,jo no suis pas infaillible, mais j'ai la
j'avais peur quo celui-cin'éclatât onlro mes mains.
convictionquo vous m'avez dit :
Le juge mettait alors sous les yeux do l'inculpéun
de six millimètres. « un rovolver.
bulldog
— C'estbien uno armosomblabloà celle-làquo vous —J'ai
Vous vous trompez, maintenait énorglquemont
aviez en votre possession7 domnndnlt-il. l'Ingénieur.
— ParfaitementI répliquait l'ingénieur sans la Le jugo d'InstructioncongédiaitM. Bossard! il pré-
moindrehésitation. sentait a l'inculpéla ballo à chomisode cuivrequo lo
D. — Qu'uvez-vousfait de cette arme7 docteur Paul avait extraite du cadavre de M, Cadlou.

IL J'ai cédé co revolver à un voyageur de com- Pierre lu saisit entro ses doigts, la regarda longue-
merce vers février ou mars 1013,c'est-à-direavant la ment, puis sans la moindretrace d'émotion,11fit i
— C'est
tontativo de cambriolagedu coffre-fort.Si je m'en curieux,jo n'avais jamaiBvu de bagueaussi
suis défait, c'est que lo cran d'arrêt n'était pas sûr. potlto I
« Je n'ai jamais eu deux revolversà la fols, et c'est Tandis que ses gardions l'ommonaient dans su
cetto dernière certitude qui mo fait diro aujourd'hui prison, M, Bidardde la Noose prenait h murmurer:
que J'ai vendu le petit rovolveravant la tentutivodo •—Décidément,jo crois qu'il n'avouera Jamais I
cambriolage de l'usino, Demeurésoûl en face dit dossier déjà volitmlnoux

D. — Pour quelle sommel'nvez-vousvendu7 qu'il avait rassemblésur son bureau, le magistratso
IL J'ai dû lo vendre quinze francs avec les balles demandait, non plus il l'ingénieur Pierre
si était cou-
qui mo restaient; car nous avons discuté sur co prix pable, mais pourquoi avait commis son crime.
de quinze francs, Etait-ce parce quo, obligépur un contrat en bonno
--•
D. — Quel est le nom de co vovngctir? ot due formedo no pus s'ongugorpondantquinzeans
R, Je ne le sais pas i car Je n'ai pas eu autrement duns une autre usine de blanchimentquo cellodo la
conversationuvec lui, Il m'a paru un peu plus petit Grand'Palud,et so voyant à In veille d'être renvoyé
et plus Jeimoque moi, Il pouvait avoir vingt-huitans par un patron avec lequel il no s'entendaitpoint, il
environ; Il était vêtu d'un pardessus do couleur avait voulu se libérer malgré tout, afin do pouvoirse
sombreet avec uno canne à )a main. Jo no mo rap- rofalro uno situation à l'usine do Danulas?
pelle— pas commentil était coiffé, Quand on étudiait do près lo mobile, il semblait
D. — Avait-Ildes échantillonssur lui 7 extrêmementfragile, et nous dirons même invraisem-
IL Je no mo souviens pas avoir vu aucun autre blable, , _,
ob|ot— ou échantillonen sa possession... En ridmottfintquo M.Cadioufût disparu,LouisPiorro
D. Quoiqu'unétait-il avec vous,lorsquevousavoz n'aurult-11pus été tenu pur su signature envers ses
.reçu cette vislto? héritiersou mômetltro qu'envers lui ?
L'AFFAIRECADIOU 61»
Alors, pourquoi tuer? Pourquoi commettreun acte sonnalités politiques, presque toutes relatives au
aussi .abominable?Pourquoi risquer si gros pour groupe Daoulusqui concurrençaitla Grand'Palud.
obtenir si peu on môme rien ? Cetto hypothèse no Le bruit courait même,.qu'il n'en existait qtt'uno
résistait pas à l'analyse. signée Cloarec et dans laquelle lo député engageait
Alors,M.Bidarddo la Nooso demandait; son ami Cadiou à renoncerau projet de vengeance
— Pierre n'uuralt-il pus opéré pour le compto do qu'il nourrissuit contre Louis Pierre.
gens désireux do profiter do la mort de Cadloupour M. Cloarec allait imposer à cetto assertion un
mottrola niuln ù bon comptosur son usine? démenti lo plus formel.
On Ignorultpus, qu'autour do la Grand'Palud,bien — On a trouvé des lettres do mol à l'usine, disait-
dos ambitions gravitaient...Ainsi que nous le disait il (Matin du 21 février),cela est tout naturel, J'étais
à cçtto époque notre confrèredu Matin, « la Grand'¬ l'ami do Cadiouet nous avions une correspondance
Palud occupait une situation particulière. Elle fabri- assez suivie. Mais(pie,dans ces lettres,j'aie conseilléa-
quait du coton selon uno méthodeemployéepar une Cadloude no pas se venger,de cela jo no me rappelle
imtion étrangère, et ces procédés,supérieursaux pro- pas ou du moins je fais à ce sujet toutesréserves,Ca-
cédés français, de l'uvis des spécialistes,uvaient été diouuvuit le tempéramentlo moinsvindicatifqu'il fut.
dévoilésà Al.Cadloudans des circonstancesspéciales « Il se pont toutefoisqu'il ait eut, dans un moment
par un ingénieurappelé dans co but à Landerneau, do trucasserioun mouvementdo colère et qu'il m'en
« Pierre upprlt do lui le secret et le remplaça. On ait fait part ; mais pour me souvenirdu fait, il fau-
batailla, on intrigua, de très loin mémo, contre la drait quoje mo rappellela teneur complètedes lettres
Palud que l'on pouvaitreprésentercommeuno usine dont 11est qiuslion
dépondant do Pétrungor, avec une facilité d'autant « Danstous les cas, si jo ne puis affirmerune chose,
plus grande qu'elle dut à uu momentsu prospéritéà c'est quoJe.n'ai jamais pu déconseillerii Cadioudo so
des cupitaux allemands. de Pierre, que jo ne connuhsals pas. Cadlou,
« En effet, disait-on,les droits qui IirappentJo coton venger
du reste, s'il n'avait pas confianceentière, reconnais-
à son entrée en Franco sont si élevés que les indus- sait à son ingénieurdo grandes qualités. »
triels allemandsont tout Intérêt à,venir fabriquer de Au milieu de. cet Imbrogliodans lequel, et cela est
ce côté-clde la frontière. d'ailleurs fort compréhensible,l'enquête s'tmlisuit,
« Des failles furent commisesaussi, et M.Cadiouse chaquejour .davantage,M.Bidard de la Noê,crut un
trouva en 1913écurtédo certains marchésj il dut, do momenttenir le fil conducteurqui devait lo conduira
ce fait, résilier dans des conditionstrès onéreusesde jusqu'il lu découverteIntégralede toute la vérité.
très grosses commandes, L'honorable en effet, avilit été vivement
« Pourtant, l'ancien uvouô,plutôt que do céder son frappé per co magistrat,fuit véritablementétrange qu'une soin-
Usine à un prix qu'il estimait inférieur à lu valeur nombuledo Nancy,plus clairvoyante ou mieux ren-
do l'entreprise, transforma sa combinaison, Il ne seignéeque lçs gendurmesde la contréeet do ht police
traita pas avec un acheteurpossiblequi lui avait été mobile,réussit du premier coup à découvrirl'endroit
présenté. D'actionnaires,los capitalistesallemands,les oit le cadavre de Ri.Cadiouavait été enterré.
frères Téming, devinrent obligataires, et M, Cadiou Or, RI, Bidard do la Noê, était loin do croire aux
lui-môme, d'udministrateurdevint directeur proprié- pouvoirs surnaturels des lasomnumbulcs, et il était en
taire de l'usine, droit de so demandersi voyante Nancyn'avait
de
« Sans commandes Immédiates,il so préparait à lias été renseignée d'uno façon plus réaliste quo co
fermer ses portes pour la durée de l'hiver, mais il don do doublevue dont elle so targuait
dovalt rouvrir lu Grand'Paludvers juillet prochain, Le magistrat désireuxde tirer au clair cette portion
« Su décision ds continuer avec des appuis nou- d'énigme, avait convoquéà son cabinetRi"10Camille,
veaux était si bien pri.je qu'il songeait à dériver le Hoffmann, la somnambuleextra-lucide de Lorraine,
canal d'amenéedes eaux et qu'il se disposaità ache- M"'»Sainny do Pont-à-Mousson, 113qui avait recueilli
ter le moulin. Il avait une foi irbbusteen l'avenir, car directementles révélations
0 do RD-Camilleet RP'<> Guil-
il .se suvait secondé pur des amitiés qui pouvaient leniin, tante de M»»Cadlou,qui avait communiquéf»
aisément contrebalancerfi Puris les Influencesdont sa nièce les révélationsde la devineressequi avaient
pouvaient disposer d'éventuelsconcurrents, abouti fi lu découvertedu corps do l'ancien avoué do
« C'est ainsi que lo 30 décembre,M. Cadlous'apprê- RIorluix.
tait à quitter Landerneaupour n'y plU3revenir peut- MonoHoffmann, pénétrait la première auprès de
être avant le mois de juillet. RI,Bidard de la Noê, Elle n'avait nullement l'aspoct
« Si donc quelqu'un dovuit so débarrasserde lui, il d'une sorcière; on eût dit, uu contraire, d'uno brave
devait agir vite et no pas lo laisser purllr. C'est ce femme paisible, plus soucieusedes soins do son
jour-là—quoloiM,„Caillou revêtudo son capuchon,ganté, ménageque do révélerlo passé et l'avenir.
guêtre
— qu'il fut retrouvé plus tard dans le bols —-Je suis somnambuledepuis mon enfance, deela-
se dirigea vers le moulin on compagniedo l'ingé- rnit-elle,Tout ce quo je puis vous dire, monsieurlo
nieur Pierre. » Juge, c'est qu'on effet, J'ai bien reçu lo 31 janvier lu
Uno clioso était certaine, c'c>,tquo le crime avait visite do RI""yulnbv. Commetoujours en pardi cas,
dû Ôtropréparé de longue main, et que le meurtrier ma marraine m'hypnollsa et je restai dix minutes
avait prfs (l'avancetoutes les précautionsnécessaires environ endormie,Quund je me réveillai, mes yeux
pour dérouter la justice, étalent pleins do larmes,

Cette plaio do la gorge n'avait-elle pas. été faite D. —Qu'avez-vousvu en dormant?
après coup, soit duns l'intention do faire croire que IL Monsieur le juge, je ne mo rappelle rien.
Cadlouavait reçu un coup do couteau ou do rasoir, Quundjo mo réveilledo ce sommeil hypnotique,j'ai
ou bien encore, hypothèse émlso par certains des l'impressionque ma vie s'est arrêtée pondant tout co
enquêteurs,afin do permettre à aller rechercherpour temps-là.
la faire ensuite disparaître balle qui uvuit mis fin D. —
la — Huvioz-vous que RI.Cadiouavait disparu?
aux Jours du malheureuxindustriel? IL — Non, monsieur!
Ajoutons qu'un certain nombrede lettres anonymes, D. Personnene vous m avait parlé 7
toutes purlk's de la région du Nord,étalent parvenues IL — Pot'Humo I
un Parquet entre la disparition do RI, Cadiou et lu —
D. N'nvlez-vouspas lu cette nouvelle dans les
découvertede son cadavre. journaux ?
Quant à l'examende toute la correspondance saisie •—
B. Jo no Ils quo les feuilletons,lo reste est pouf
Boftau domicilede M.Cadiouà Landerneau,soit dans mol BOUS Intérêt,
la maison do son ingénieur,contrairementà l'tittento A lu sonumiiibtilosuccédaitsa. cliente, RI"'"Palnby.
du juge d'Instruction, il n'avait fait qu'embrouiller Toutde suite, elle faisait nu magistrat une déclaration
encore lo mystère, de
Parmi de nombreux papiers insignifiants qui —principe. J'ai soixante ans, disait-elle,Jo ne suis donc plus"
n'avalent Irait en rien à l'affaire, on trouvait des un enfant, J'ai toute ma tête ot toute mon Intelli-
lettres do M» 110Cadiouà son mari, lettres très affec- gence.
tueuses, et dnns . lesquelles ello faisait l'éloge de « Monsieurle Juge,je tiens à vous dire, quoje crois
Piorro. itux esprits aussi fortement qu'un chrétien croit en
à
D'autres lettres do M. Cadiouadressées son ingé- Dieu et je vais vous dire pourquoi : c'est parce nue
nieur étaient écrites en des termes très cordiauxno foumon mari, quand jo fais tourner la inhle do notre
pouvaient pas laisser supposerqu'il existaitentro eux salle à manger, revient s'y loger ot parler avec mol,
tmo inimitié aussi farouche. ot Jo vous prie de croire qu'il me raconte des chose»
On avait mis aussi lit main sur des lettres do per- extraordinaireset toujours vraies.
620 CRIRiESET CHATIMENTS
« Ayantappris qu'un habitant dola Meusequi,avait Ld docteurPaul, interrogépar un do'nos confrères,
disparu sans laisser do trace, avait été retrouvégrâce lui déclarait:
aux indicationsque RltlluCamilleavait donnéesaux —-Lorsquejo suis arrivé on Bretagnepour y accom-
siens, je me rendis chez elle et je lui présentai des plir lu mission dont j'étais chargé, mon' confrère
gants qui avalent uppartenu à RI,Cadlou,en évitant brestois, le docteur Rousseau,auteur du la première:
uvec soin de ne pus toucher l'Intérieur pour no pas autopsio,mo remit uno leitru qui était arrivée à mon
faire disparaître le llulde à mon contact.
« AI'»*Cumlllo mit ses doigts dans les gants et, nom à Rlorluix.
Avant de lu décacheter,je fin lu remarque que la
entrant aussitôten transes,"ello s'est renverséesur su lettre portait lo cachet do Qulmpor,indiquant qu'ello
chaise : des spasmesont secouésu poitrine,puis s'ex- avait été Jetée à lu boitedans celle ville, la veille ou
primant par phrasessuccttdées,elle m'a dit : ravunt-voiilo.
« —-Il est dans le. bols, oui, il est dans le bois.., je «
le vols... voilà le moulin...voilà la rivière,., voilà lu los La yeux
lettre n'était pas signée. Jo jetai rapidement
sur les premièreslignes, Jo vis quelle con-
route.., voilà le talus et des bouquetsd'arbres... Il tenait uno série d'allégations dés plus désobligeantes
n'est pas dans le fondoù est l'eau, mais dans le talus. à l'égard du docteur Rousseau.Jo m'empressaido la
Sur le rebord du talus recouvert par très peu do donnerà mon confrèrebrestoisà qui je dis :
terre... » « — Ah1 mon cher confrère,voici une lettre qui me
« — Par qui lo crime u-t-il été commis? » ai-jo semblevous concernor,et je no puis mieux faire que
demandé.
« — Par un grand châtain,barbu, do trente à trente- de«vous lu remettre1 » :
Le docteurRousseaula parcourut rapidement,et
cinq ans, qui était avec un mitre plus petit,., Celui-ci lu romit aussitôtà l'avocat général qui devaitassister
n'n rien luit (pie lo guet, et d arranger lo corps à lu contre-uutopslo. La missive donnait-elledes
ensuite,.. Il faisait nuit, il a été atteint au côté» droit détails précis sur lu façon dont RI, Cudlouuvuit été
avec un gros outil, lourd commeun marteau.
« Et voilà ce quo m'a révélé lu somnambule do ussasslné?Je « En tout
no saurais lo dire.
cas, jo 110pense-pas quo son contenu'
Nancy.,. Cela m'a coûté trois francs,,, être très sensationnel,car le docteurRousseau
1),— Madame, connaissiez-vousla Grand'Palud? puisse
à lu suite des résultats do l'opération à laquolloijo
IL — Non,monsieur,car je ne suis jamais ulléo en procédais, n'aurait pus manqué d'en fuira part au
Bretagnoj j'étnls donc totalementignorante de lu to- magistrat présent, ot qu'il n'en a rien fait.
pographiedes lieux, Ça m'a l'air d'un très bouu pays, Cétait cetto lettre quo M, Bidard de lu Noévenait
la Bretugne... do sortir do son dossier.
Le jugo laissa l'excellentefemme lui décrire non Aux"yeux du magistrat enquêteurqui, jusqu'alors,
sans loquacité, ses impressionsde voyuge, d'uutant n'avait prêté aucune attention tant elfe lui paraissait
plus qu'il ne l'écoutuitguère. uno diatribeuniquementinspiréepar lo désirde nuiro
En effet, 11so disait :
-- N'était-cepas sur lo bord d'un talus, près d'une nu docteur Roussouu,cetto missive n'en avait pas
rivière et d'un bouquetd'arbres, soustrès peu de terro moins l'avantage do préciser un certain détail con-
forme à la premièreversion adoptéepur la police, à
que le corps de Cadlouavait été retrouvé7
Et cet hommede trente à trente-cinq ans, grand. savoir que Cadlouuvuit dû être attira là, dans un
guet-apens,assassiné ù l'intérieur de son habitation
châtain, no correspondait-ilpas avec lo signalement et enterrénuitammentdans lo boisoù l'on avait décou-
de Pierre? Décidément,cette voyante,est douéed'uno vert son cadavre.
façon extraordinaire. — Unotelle opération,eir effet,raisonnait fort judi-
Aussi, de plus en plus perplexe, le Jugo falsait-ll cieusement
revenir Al>»° Hoffmann pour l'Interroger do nouveau raire en notre confrère dji Matin,eut été bleutémé-
en présencede RI1- 110Suinby, plein jour, si l'on songe quo l'usino do lu
Grand'Paludest
Cette confrontation ne donnait aucun résultat, neau, qu'elle n'est située à deux kilomètresdo Lander-
Sur un point, les deux témoins so contredisaient. cents mètres, ot sépurée du moulin quo par deux
Rr™ 0 Sulnby prétendait,en effet, qu'elle uvuit tout de vole ferréo. que lo terrain est traversé par uno
suite répété à lu voyante les proposqu'ello lui uvuit « Près du talus, après lo pont, le chemindo fer KO
tonus pendant son sommeil. à droite il va rejoindre, devant le débit tenu
Mais M» 10Ci)milleprotestait : sépare,1110
— Non,madame,vous ne m'avez rien répété du tout pur M Quémeneur, la grund'routode Landerneau; à
parce que, si vous m'aviez fuit part do ce 1)110je gaucho, il nionto vers le bols ot lo moulin. Celui-ci,
venaisdo vous révéler,Je conserveraislo souvenirque très découvert,dans l'admirableet sauvngovalléedo
çst commandépar une large avenuede hautes
c'est par vous que je l'appris. Or, je sais mieux que l'Elorn,futaies, percé do trois chemins creux; ces chemins
nersonno qu'il n'in est rien. A mon réveil, vous conduisenttous nu ravin nu bas duquel l'assassin
m'avez donné trois francs et vous êtes partie, creusa la fosse lugubre, à trois cents mètres environ
Mais M»l(iSulnby insistait : du moulinet sur lo mémoplun que celui-ciet à cent
— Je vous al mis au courant de vos révélations.
—-En tiueunefaçon. mètresde lu route,
Jugeant Inutile de laisser s'envenimer le débat et«midia
,S1donc Pierre, le .'10décembre,entre onze heures
RI. Bidard de lu Noé y mettait fin en congédiant et RP'oJuzcuu tué ALCadiou,il n fallu qu'il le lue chezlui,
RI<»" Camille ot RI™»Sninby. Il entendait -ensuite duns les bols sous l'aurait entendu, ou qu'il l'entraîne
Apn"Gulllemulnqui, d'ailleurs, ne lui apprenait rien uhttndonnAtmomentanément un prétexte quelconque,Puis, qu'il
do nouveau. Le magistrat qui complaîtbeaucoupsur lis et retournâtensuite à l'usine le cndnvroduns un tail-
lu dépositionde ces trois personnes,dut reconnaître,fi Tout cela était bien à midi inoins dix 1 »
son vir désappointement, qu'après les ttvolr entendues, incohérent,bien invraisembla-
son enquêten'avait pas fait un pas, ble, lo ciissc-lêtochinois, so compliquait-encore,.,d'au-
Cependant,au lieu de sesurrendre compte qu'il no tant plus que les mobiles qui auraient pu conduire
lançait vraisemblablement une mauvaise piste, l'ingénieur Pierre à assassiner son patron îi'élaijiit
il décida de continuerà orienter ses recherchesdans pas plus établis qu'un premier jour, Lo coup do théâ-
tre
la direction qu'il avait choisie et à s'efforcer de re son numéro de lu leltre n'tivultété que .fumée,Cependant,dans
procurer les prouves décisives qui lui manquaient du ?A février, lo journal Oucsl-ljr.lulr
encoreconlro celui que dès le premier Jour li n'avait publiait, a Bennes, la dépêche suivante i
pas cessé de considérercommel'assursln de l'Indus- de« Jeudi dernier 1Mfévrier, arrivait à Dinnn,venant
triel de lu Grand'Palud. Gulngiiiiip,un voyageur de commerceRI, Léopold
Mais déjà cette,affaire si fertile en toute sorte, allait Thêvenot qui descendaità l'hôtel du Bon Coin,pi'ès
encoreêtre marquéed'un nouveaucoup de théâtre. Le do lu gare de Dinnn, hôtel lenue par RI. Grlollc.Il
22 février, on apprenait qu'une lettre anonyme, mise s'Inscrivit comme étant originaire do Possoltro
a la poste,entre QUimperet Bedon,dans une station (Arlège),Agédo vingt-septans.
do chemin de fer, parvenait nu docteurPaul. « RLThêvenotdéclara êlro représentantde la mai-
Ce correspondant anonyme signalait ù l'émlncnt son Renaud, do la Fèro. Celte maison avait envoyé
praticienque « RI.Cadlouavait été atteintd'un violent chez RI.enBouvier, enirepositalreà Dliian, une caisse
coup porté à la nuque,quo son corps uvuit élé trans- d'huile transit. Lo voyageur vendit une partie do
porté dans lu forêt,étendu sur un matelas, et qu'en- cetto huilefi M. Grlelle,le propriétairede l'hôtel.
fin, si on voulait découvrirlu vérité sur la mort do « A la taille d'hôte, aujourd'hui samedi, pendant In
M. Cudlou,11était nécessaired'ntrueher une bande do déjeuner, RL Thêvenot raconta qu'après la lecture
peau autour de lu gorge du cuduvre,» de VOuest-Hcluii; 11se rccontiulssriltpour le voyageur
L'AFFAIRECADIOU 621
auquel Louis Pierre, l'ingénieur de la Grand'Palud, « Muisà aucun momentdo cet après-midi,jo vous
accusé du îneui'U'odo M, Cudiou,uurait montré son l'affirméformellement,il ne fut questiondo revolver,
revolver. à aucun moment,AI,Pierre ne mo parla d'une arme
« M, Thêvenotdéclare formellementavoir tiré avrc sombluble.A aucun moment, jo n'eus l'occasiondo
Louis Pierre dos balles do revolverdans lo jardin do tirer des bulles, ainsi qu'on sembleraitle raconter
l'ingénieur, avqolequel il BOseruit trouvé à uno date aujourd'hui à Dinan.
qu'il place entre le 1" et lo 5 Janvier dernier. Il a c J'ai (initié ensuite Landerneauet n'y revins quo
affirméle fait on présencede MM.Turplnul et Bran- vers lo 18 juillet dernier. J'allai déjeuner do nouveau
tlily, voyageurs de commerce, c l il a ajouté : à l'hôtel Le Roch, Au momentoù, après lo repas, je
« —,1en1al pas nchotéà Pierre son revolver,il no sortais do la salle ù m'angor,j'aperçus M. Pierre en
me l'a pas d'ailleurs proposél » compngniod'autres personnes; je lo saluai.,.- Il me
« RI,Thêvenotest parti ce soir pour Saint-Rlalo.Il a rendit mon salut et nous n'échangeâmes aucun pro-
écrit au jugo d'instruction de Brest demandant ù ôtro pos.
Interrogépar uno commission rogutoiro. Mais ALTho- « Depuis,je ne l'aï pas revu*
venot, dès lo lendemain,allait démentirl'entrefiletdo « Telle fut dans les doux seuloHcirconstancesdans
VOucsl-iictair. lesquelles je motrouvaisavec l'ingénieurdo la Grand'
Voici,en effet,co qu'il déclaraità Saint-Maloau cor- Palud.
respondantparticulier dit Matin venu l'interviewer à Ces déclarationssi nettes, si catégoriques,détrui-
son hôtel. saient l'espoirqu'avait eu un moment.ALBidarddo la
— L'uiméodernière,a une date que je placoapproxi- Noédo prendre l'accusé.en'flagrantdélit do mensonge.
mativementontrolo 20 juin et le Gjuillet, jo mo trou- En effet, si l'Ingénieur Pierre uvuit prétendu quo
vuis de passugoà Landerneauet je déjeunaisà l'hôtel M. Thêvenotéfait bien l'employéde commerceà qui
Roch, où l'Ingénieur do lu Grand'Palud prenait lui- il avait vendu,sonrevolver,Il était facile au magistrat
même ses repus. C'est ainsi que, ce Jour-là,Jo fis sa do lo confondreet co mensongede l'Inculpéeut formé
connaissance contre lui une charge encoreplus grave que toutesles
« Aprèsdéjauner,M. Pierre invita la propriétairedo autres; mais encore un coup, l'espoir du jugo s'éva-
l'hôtel, M*»°Rochet la niôcode celle-ci.RI»»Juzcau, à nouissait.
venir cueillir,des fleurs dans sa propriété.Il m'offrit MaisRLBidarddo lu Noi!n'était pas au bout do ses
do los uceompugner,j'acceptai. Et c'est ainsi quo nous déconvenues.Donouveauxtémoignagesdilatentsurgir,
allumes passer l'après-mididans lo jurdin do Pierre. démolissantentièrementtoute l'enquêteJudiciaire.

IV

« PIEHRE
ESTINNOCENT». — DEMANDEDEMISEENLItlEnTfi

PROVISOIRE,REFUS —
DUJUGE. TÉMOIGNAGESFAVO-
RABLES —
A L'ACCUSÉ. — UNREPORTER
MlSr»-\CTATIONS.

qui Anu FLAin. L'ARMURIERDE — LEVEIL-
'OUINHAMP.
LEUR — D'UN
PARLE... LESREVELATIONS
DENUITPARLE,..

FACTEUR.UNJUGEUNPEUTROPSCEPTIQUE.

On se rappellequa l'instructionso faisait fort d'avoir — Je suis allé à Morlaixle 27,,puis lo ,11décomhro
établi quo M. Cadiouavait disparu lo 30 décembre, dernier... Jo mo souvienstrès bien avoir rencontréù
après être sorti do l'usine avec l'ingénieur. Riaiscetto mon arrivéeen cottegure, M, Cudioude qui, je m'ap-
dato était en réullté lu sotiloprésomptionsérieuse do prochai, et avec qui jo m'entretins quelquesminutes
culpabilitéqui posait sur l'ingénieur.Aussi, la justico do différentes choses,,, RL Cudlouétait en costume
no voulait-elle lias en démordre, Cependant, les cycliste.
témoins qui affirmaientavoir vu RLCadloule 31 dé- « Rlotiassocié,RLNicolas,qui m'accompagnait salua
cembre, persistaientdans leurs afflrinutlons.RL Nico- do sonrende*, côtéRLCadioupuis,s'éloigna, car il était pressé,
las, entre nuire, déclarait formellementque c'était bien ayant vouscheza>n notaire, Rio Erussttrt.
le Dldécembreot non lo 27 qu'il avait salué Cadlouà Commeon demandaitau témoin s'il pouvait affir-
Morlaix ! mer (pie c'était bleu lo 31 décembre qu'il avait ren-
~~SI cette rencontre,déclarait-il {Malindu mercredi contréRLCudlou,RI.Le Alcillédéclarait loyalement:
<imurs) uvuit eu lieu le 27, il m'aurait été Impossible ~- Seul, mon associé,peut fixerlu datode cettoren-
do saluer RI.Cadioucar, ce jour-là, J'avais monviolon- contre, car 11ti un point do repère, celui du rendez-
celle sous mon bras droit et plusieurs autres paquets « qu'il avuit chez son notaire,
vous
dont des patins BOUS lo bras gauche. Comment,voulez-vous,quo moi, je puisse, à plus
« Jo me souviensparfaitement d'avoir soulevémon de deux mois do distancemo souvenirsi ce rendez-
chapeau et dit :on« Bonjour, monsieurCadiou| », sans vous, étuit.fixé pour lo 27ou pour lo 31?
m'arrôter, car m'attendait chez lo notaire, RLLo « RL Nicolas,ainsi quo la dato apposéesur l'ucto
Rloillé, mon associé,s'était entretenuavec M; Cudiou, notarié,signépair lui, et pur «on frère, peuventappor-
mais je no puis pus l'affirmer. ter à ce sujet une précisionindiscutable..,

« Poumnol,lui demandaitun de nos confrères do Or, ulusl quo nous venonsdo lu voir, c'était bien lo
la presso parisienne,uvez-vousdéclaré au luge d'ins- ;ri décembreque los frères Nicolass'étalent présentés
truction quo vous nu pouviezpus préciser la duto? » chez leur notaire, Riaisconnueil uvfillété.Impossible
L'honorable juge ait tribunal de commerce répli- laix ft l'enquêted'établir si M,Cudious'élalt trouvé à Mor-
quait : it lu dutodu 27décembre,on volt que lu churgôla
~- Parce quoj'étais Intimidé. plus lourde qui pesait sur l'Inculpé était mieux quo
« M. Bidurdde la Noém'ayunt dit qu'il était impos- sujette à caution, c'est-à-dires'écroulait lamentable-
sible que cettorencontreeut pu avoir Heulo-Bldécem- ment. do tous murmurer :
bre, j'ai à un momentdoutédo ma mémoire,'et jo n'ai Aussi, côtés,
— Pierre est innocentI onLçndait-on
l'Ion précisé.
RI, AdolpheNicolns,industriel, frôre du précédent événementsM»EeulHiird,l'avocat do l'Ingénieur,profitaitdo ces
témoin, n'était pas moins formel : et do ces circonstancespour déposeruno
—Je me souviens,disait-il,que lo 31décembre,vers nouvelleroquêtoréclamantla mise en liberté do l'In-
six heures du soir, J'avais rendez-vousavec mon frère culpé.
dans l'étudodo Molirussart, notoire h Morlaix,pour Voicicetto requête. Nousla publionsintégralement,
Bignorun acte «otarie,lequel, ainsi qu'on peut lo cons- car olio est véritablement la première lueur qui ait
date du 31décembre.Monfrêro brillé duns les ténèbres parmi lesquelsso débattaient
tater, porto bien cottemlrutes'de
arriva avec quelques retard ot il nous dit l'accusationet la défense,
tout—do suite t «iA l'heure actuelle,11n'est plus permis d'en douter,
« Tiens, je viens do voir RI,Cadlouà lu gara, M.IidtilsCudiouéluit en viu lo 1« janvier, hn déclara-
Doson'côté, M,LoMelllû,iraeotitalt: tion si précisedo Rî,Nicolas,Jugoau Tribunaldo Corn-
622 CRIRIESET CHATIMENTS
merce, corroborée par letl Jôclurations du facteur ser l'après-midi chez M. Graff. Trois jours plus tard,
Cabon et do l'adjudant des pompiers Caramottr, de le 1" janvier, je rotournui faire visite à M. Gruff,
Morlaix, permet de l'affirmer. cetto fois-ciquo de mon fils,
« Lu déclarationdo Gabondevantle jugo do Rlorlaix accompagné
« Ce soir-là, à sept heures, mon fils et moi, nous
est formelle,il connaissaitRLCadioudepuis do nom- venionsà la gare de Suint-Poloù nous devionsrepren-
breuses années, et lo 1" janvier, vers neuf heures du dre lo train de sept heures treize pour Rlorlaix.
matin, il l'a rencontré quai du Viaduc à RIorlulx.Il RLGraff ot sa fille avait tenu à nous reconduirajus-
affirmeavoir dit à Al, Cudlou: qu'à la station.
—-
« Bonjour, monsieurCadiou. » HAu moment où j'arrivais stm*le quai, je vis
« Ce dernier lui répondit : RLCadiouadossé au mur de la gara, en bordure du

« Bonjour, Gabon. « à cinq ou six mètres de la salle d'attente. Il
« L'adjudant-Caramottr,à la même heure, a rencon- quai, avait devant lui sa bicyclette,sur laquelle il appuyait
tré RI. Cadiou>encostume de cycliste, costume égale- ses mains.
ment indiquépur le facteur Cnbon. « RL-Cudiouétait vêtu d'un completcyclistoet coiffé
« Que reste-t-ildans ces conditionsdes fuihles pré- d'uno casquettegrise, il n'avait pas do caoutchoucjeté
somptionsd'accusation relevées,
contre Pierre ? Qu lin- sur les épaules. Peut-être ce vêtementétult-11 roulé sur
porto que Cadiousoit venu pour lu dernière fois à lu su machine...En tout eus,jo no loremurquni pas...
Grand'Palud,h? 29 ou le 110décembre,ot qu'il ait été « Au momentoù je passais devant RI,Cadlou,quo je
vu ou non en compagnie
' de Pierre l'un do ces Jours, connui3 depuis vingt uns, il m'aperçut et me dit le
puisque, aujourd'hui, nous avons la certitude qu'il premier —
:
était en vie lo 1erjanvier, et qu'il n'a pu être assas- « Bonjour,Le Gall. »
siné à lo Grand'Palud. « Je répondis en lo saluant :
« Il ne subsiste plus rien, d'autre part, de la mau- « — Bonjour,monsieurCadiou.»
vaise humeur qu'uurait manifestée RL Louis Cudlou a Mais comme j'étais en compagnie do M. et
contre son ingénieur lors de so dernière visite à lu Al»»Graff,jo no voulus pas les quitter pur politesse,et
Grand'Palud, puisque los témoins qui ont rapporté jo ne m'arrêtai pas pour apnverser avec AI. Cadiou. '
cette impression sont formellementcontredits pur lo « Un momentuprès, mon fils me domunda:
contremaître Bignard qui prétend que cotte muuvalse « — Quel est donc co monsieur quo tu viens do
humeur se serait manifestéeau coursde l'été 1913. saluer? »
« Doit-onattacher une Importance quelconque aux « Jo répondis :
explications données par l'ingénieur Pierre sur lu « — C'estAl.Cudlou,l'ancien avoué-deRlorlaix,,.»
vente de son revolverde six milltniètras? Quel intérêt « Lo train do Rlorlaixallait partir. J'y montai aveo
avult dune l'ingénieur qui n'a jumuis contesté avoir mon fils, après avoir pris congédo RLet doRI Graff... 1 10
effectuél'achat d'un revolver do six millimètreschez En arrivant à Rlorlaix,nous trouvâmes md femmeot
l'armurier Alurle,à donner un prix inexact ot une duto ma fille qui étaient venues au-devant do nous à iu
inexacte do cet achat ?
« Pourquoino pas admettreque ses souvenirsétaient ' gare,., « Quelquesjours plus tard, poursuivit RI. Le Gall,
imprécissur ce point ? La vente do son revolverà un j'apprenais la disparitionson doM. Cadlou,puis, plus tard
de ces voyugeursqui parcourent constammentlu cum- encore, la découvertede cadavre, les résultats do
pague n'a rien d'invraisemblable.Pierre était mécon- l'autopsie, l'arrestation do Pierre.
tent de son revolver, il lo démontait,suivant la décla- « Je dois dire quo j'ignorais jusqu'au nom do celui-
ration do AP'°Julin Jtizeau, il est lionc 1res naturel ci. C'est à ce momentquoje mu rappelai la rencontre
qu'il s'en soit débarrassé. Et parce qu'on n'u point de« l'industriel à Snlnt-PoI-do-Léon,..
encoreretrouvé le voyageurqui est mort ou n'a point Tout d'abord, l'idéo quo cette rencontra avait ou
lu les journaux, il n'en résulte pus que Pierre soit do lieu lo 1erjanvier no mo vint pasii l'esprit... Cepen-
mauvaise foi. dant, à lu réflexion,un premier souvenir se fixa en
« On no peut, d'autre part, attacher d'Importanceà moi, qui no tarda pus à m'obséder.
l'appréciation des gestes de mon client au momentdo « Quundj'avuls rencontréCudiouà ia garo de Suint-
la découvertedu cadavre. Aucunode ces déclarations Pol. il avait sa machine devant lui ; or personne no
ne peut permettra d'établir uno convictionde culpabi- parlait de la disparition do su bicyclette.Pondant plu-
lité. sieurs jours, en vain, Jo fouillai mu mémi'ira afin do
« Que rostc-t-lldonc en l'élut? Des soupçons et rien mo préciserlu date exactedo notre rencontra.J'en par-
que des soupçons, sans qu'on ait pu découvrir le lui u ma femme,,,La vérité se fit peu à peu...
mobile qui ait pu amener Pierre à commettreson hor- « Lorsdo ma premièrevisita à M, Graff,à Sulnt-Pol-
rible forfait, L'usinoétait arrêtée et la disparition de do-Léon,le 28 décembre,J'étais avec loutoma famille,
Cadioune permetpus de laisser entrevoir pour l'ingé- et RI.Graff,occupépar son commerce,n'avait pu venir
nieur un avantage quelconque. nous accompagner à la garo... C'est RI1"»Graff qui
« D'autre part, les révélationsde lu somnambule,la nous reconduisit,Par contre,le lopjunvloa',mu famille
découvertedu cadavre, la lettre écrite nu docteur Paul, élalt restéo à Morlaix.
puis l'urrestulionde l'Ingénieur,tout cela no senible-t- « J'étais seul avec mon fils, et lo soir do co jour-lii,
11pas mystérieuxot ne permet-ilpas de supposerquo co furent RLGraff et su,fille, jo voir*l'ai dit par ail-
lu justice s'égare en accusant Pierre et quo les cou- leurs, qui nous reconduisirenta la gare, C'est même,
pables sont à l'heuredouctuolleen liberté, je vous l'ai dit également,lu présencedo RI,Graffqui
L'argumentation AI»J/cillnrd, dès lors, pouvait m'empêchade nrentrotenir avec RI,Cudiou nulrement
apparaître à la fols comme extrêmement logique et quo pour répondre rapidement au bonjour qu'il
profondément humaine et surtout prudente, Et cepen- m'avait donné.
dant, cette demandedo mise en libertéétait relatée par « Cet ensembledo circonstances-constituaitdeju do
lo jugo d'instructionqui s'appuyait sur les trois motifs quoi étayer uno certitude.
suivants : « Dés lors, jo fus tenuiilépar cetto idée quo jo cou-
1° Pierre n'u pas encore été entendu uu fond; naissais des faits do nature à orienter les recherches
2° Tous les témoinsn'ont pas été interrogés; de lu justlco et susceptibles d'apporter un pou de
:i° Les conclusionsécrites du docteur Paul no sont lumière dans lu mystérieuseaffaire,
pas encorepurvenuos uu Parquet. « Riaishuit d'autres témoins,qui élalont,venus affir-
Imiiiédiutenieni,Rl°Eelllardfaisait oppositionà celte mer, eux aussi, avoir rencontrénvnlcnt par ailleurs Al,Cadlou,
ordonnancedevant la chambredes misesen accusation avalentété tourné»en ridicule, vu imiter leurs
de la Cour d'Appel de Rennes,et avec uno inlassable déclarations d'absurdes, quo J'hésitais encore, quo
obtinatlon, RL Bidard de la Noo poursuivait son j'attendais toujours ' pour, fairo connaître ce que jo
enquête. savais. , ,
Riaisson zèle n'nllalt pas êlre récompensé.Voici, en « Pourtant, mon obsessionaugmentait,Jo décidaido
effet, ce quo Al. Lo Gall, chef do,bureau de l'hospice recueillir c-.ncorodo nouvelles précisions avant d'ap-
RIorlulxvenait lui déchirer : porter un témoignagequi no pût être mis on doute.
— A la fin de décembre dernier, mon fils qui est J'écrivis à Bordeaux, à mon fils, et lut demandâts'il
élève [Matindu 10 murs) à l'Ecolodu servicedo santé so souvenait do notre rencontre aveo RL Cadiou. Il
do la Marine,à Bordeaux,vint passer les fêtes de Noël unrivuà RIorlulxon permission,à l'occasiondes jours
et du Jour riel'un il Rlorlaix.11" gras, et modonna verbalementsa réponse,
« Rlonfils est fiancé à RI Graff, de SuInt-Pol-dc « Pour lui non plus, ot pour les mêmes raisons quo
Léon, Jxi2-Sdécembre,accompagnédo ma femme, do mol, il no pouvait se tromper sur lu dato.
Inon fils et de mes autres onfunts,nous allâmes pas- « Il me repondit simplement;
L'AFFAIRECADIOU 633
« —Papa, il n'y a pas do doute possible.,.C'est le —J'ai vu RI.Cadloule 30décembre,vers neuf heures
1erjanvier que nous avonsrencontre.M,Cadlou.Nous du mutin, venant do la routo do Landerneau; il a
n'étions que nous quatre, RI.ot RI»"Graff, toi et moi, passé devant chezmoi pour se rendre à l'usino,Jo no
alors que lo 28 décembre,nu contraire,maman et ma l'ai pas revu depuis et jo ne l'ai pas aperçu avec
soeurétaientavecnous.,. » RI,Pierre.,, Tout co qu'on a raconté do contraire ù
«Rfa femme,d'autre part, qui était au courant do cela est absolumentinoxact; jo vous assura quo Jo
la situation et do mes angoisses,mo fit remarquer à 6Uistoute prête à en témoigner- tant qu'on lo voudra.
son tour quo lo Jour où ollovint à Suint-Pol-de-Léon, « Il est infinimentregrettablequ'au sujet de cette
ÛUmomentoù nous prenions lo train de sept heures affaire on ait prêté à mon patro ot à moi-mêmedes
treize, la gara était encombréedo voyageurs,pour la paroles quo nous n'avons'jumuis prononcéeset quo
plupart des soldatsvenus on permissionà l'occasion nous no saurions avoir dites puisqu'elles seraient
des jours do fêtes,Lo l«r janvier, au contraire, il n'y contrairesù la vérité.
avait sur le quai que trois ou quatre personnes,dont Riais lo juge d'instruction no semblaitnullement
M. Cadïbu... disposé à accorderla inoindreattentionà ces décla-
« Au surplus,do son côté, M. Graff,qui avait appris rations qui contredisaientd'une façon si frappunte
commetout le mondoles circonstancesexposéespar la thèso qu'il avait adoptée,pus plus d'ailleurs qu'à
certainstémoinsde la disparitiondo RLCadiou,à uno certainefaits qui allaient à rencontra des argumenta
duto primitivementfixéeuu 30 décembre,s'étuit sou- invoquespar 1accusation,
venului aussi do la rencontredo Saint-Pol-do-Léon. Ainsi, run dos grands griefs quo la justice faisait
« Lui aussi, sans m'avoir fait part de ses propres à Louis Pierre, c'était la réponsequ'il avnit faito à
obsessions,uvuit rassembléses souvenirs.Il était der- l'un dos hommesqui avait découvertlo corps do l'in-
rière moi, à la gare de Suint-Pol,uu moment où dustriel ot réclamait la casquettede lu victime.
M. Cudiouet moi avions échangé un bonjour... Il —Ello est dans lo capuchon,aurait répondu sans
s'était rappeléqu'il n'était venu m'accompugnerà la hésitationle pseudo-assassin.
quo lo soir du ior assassinélo
jnnvicr. Par conséquent, Or, au cours d'uno contre-enquêtemenéeavecbeau-
faro
1, Cadlou n'avait pu être 30 décembre, coup do sincérité et do flair pur l'envoyé spécial du
dans lo petit bois où l'on dlsuit l'avoir vu s'éloigner Matin, uno autre personnequi avait ussisté à cotto
aveo l'ingénieurPierre.,. scène macabre,lui déclaraità cettedutodu 11mors:
a Bref, vendredi dernier, RI, Graff, qui était en — Pierre réponditsimplement,ulors qu'on so deman-
voyagoà Rlorlaix, vint mo rendra visite. Il mo parla dait—où était cetto casquotte:
do co dont lui aussi il s'étuit souvenu.Et il ajouta: « Mais,elle est peut-êtreduns lo capuchon.»
« —Jo no pouvais garder ce souvenir qui m'obsé- Et notre confrère soulignaitfort justement;
dait,,, J'en al parlé aujourd'hui à monavocat,.,Il m'a — N'était-cepus après tout uno réponselogiqueot,
donné le conseil d'aviser lo procureur do la Répu- sur lo moment, nul no songeu à s'en étonner, lors-
blique. » qu'on effet on retrouva la casquette duns co capu-
Al,Graff,convoquépar lo jugo d'instruction,confir- chon?
mait entièrementla dépositionde RLLe Gall. Un autre fait, non moins important, n'allait pas
En outre, do nombreusesrétractations des témoins davantage inquiéter RLBidarddo lu Noê. Pourtant,
allaient so produira. D'abord,colle de RI. Bonnefoy, 11nous apparaît aujourd'hui d'une gravité extrême.
fermierAlu Grand'Paludqui, l'un des premiers,avait Lorsqu'onrôtira lo corpsdo RI,Cadioudu trou dans
affirmé aux enquêteurs qu'il avait vu, lo 30 décembre, lequel lLuvult été enfoui, depuis plus d'un mois, on
entre onzo heures et midi, M. Cadlouet l'ingénieur constntu [Malin du 11 mars) qu'il était très peu
Pierre so diriger vors le petit bois où l'on devait décomposé,qu'il n'exhalait aucune odeur. Lo veilleur
rolrouverlo caduvrede l'ingénieur. do -nuit, qui déshabillalo caduvre,lo commissairedo
—Je mo suis trompé, afflrmnit-ilau correspondant police do Landerneau,d'autres personnesprésentes,
û'Oucst-ticlalr...Lo 30 décembre,jo me trouvaisà constaterontque les chaussettes depuis la chovlllo
Landerneauoù j'étais allé conduiredes chevauxpour jusqu'aux mollets et le dos dit gilet étalent étonnam-
la remontoitalienne; par conséquent,jo n'nt pas pu ment secs, bien que, depuisplusieursjours, lo temps
voir M. Plcrro et RLCadiouà la Grand'Palud ainsi eût été excessivementpluvieux,et quo lo cudavroait
quo jo l'ai dit, J'ai eu, plusieursfois depuis, l'Inten- été enseveli presqueà ilourdo terre,
tion d'aller déclarer mon erreur nu Parquet; mais, Ils en tirèrent d'abord la conclusionquo l'inhuma-
«eulo,la craintod'être inquiétém'a retenu. tion était récente et bien postérieureau 30 décembre.
La femmedp RLBonnefoyajoutait i RI, Yves Prlgeac, porteur aux Pompes Funèbresdo
—J'étais mi courant do l'erreur qu'avait commise Landorneau,qui avait mis.RI,Cadiouon bière le len-
mon mari, et jo l'ai engagéplusieurs fols à aller lo demainfut stupéfait,à son tour, quund on lui dit quo
déclarer à ht justice. 10défunt étuit resté près de qunrantojours en terre,
Un entra témoin, lo patro Doulbln,nu service do à l'endroit où il uvuit été retrouvé,
—Dopuis tunt d'années (pie j'exerce;.confiait-Ilà
M>mo Quémeneur, débitante, et qui ainsiavait que sa
patronne, avait déclaré, disait-on, qu'il vu ttotro confrère, J'ai mis bien des corps en bière, J'ut
Cadiouet Plonrolo 30 décembre,« marchant côte à procédéà des exhumations,j'ai vu des centainesdo
côte, vorsonzo heures du matin,àdans la directiondu cadavres,jamais jo n'ai rencontré,après des inhuma-
bois fatal », déclarait également notre confrère: tions mémo récentes, un corps aussi peu décomposé
— Jo vous Jure, monsieur, quo lo matin du 30 dé- que celui do RI,Cadlou.
cembre1913,je n'ai pus vu ensembleRI. Pierre et — Et l'envoyéspécial du Malin, de conclura:
M. Cadiou. Jo vous nfflrme d'ailleurs quo Je n'ai Cettoopinion prévaut de plus en plus à Lander-
jamais dit, comme vous m'assurezqu'on l'a fait diro, neau commeà Morlaixque RLCudloua été nsnusslnê
co jour-là ensemble,,.11est bien à une duto plus rapprochéeque colle oit son cadavre
quo jo les uvnls vustoutema
oxael quoJ'ai pusse matinéedu 30décembre fut retrouvédans le petit bols que do celle do sa dis-
dans lo pré qui fait l'angle,du cheminconduisantdo parition.
la maison de ma patronne au pont ot de celui qui Il no restait donc plus guère ù l'accusationquo l'ar-
mono do l'usine à l'habitationde RLPierre. gument du revolver,et encorocelui-ciullult-ilrece-
« J'étais lit un peu après huit heures du matin, et voir un coup redoutable.
J'y suis resté,jusque vers onzeheures, Instantoù l'on Commo11arriva parfois en pareil cas, les langues,
m'appela pour aller déjeuner, De cela, je suis cer- d'nbordetprudentes et silencieuses,commençalontà BO
tain, délier, voici ce que racontaitRI,Simon,armurier à
« J'ttl bien vu RLCadiouentre huit et neuf heures Gulngnmp :
du mutin; il était seul ot venait de la mute do Lan- — Dans lo courant du moisdo janvier 1912,un mer-
dorneau.Il passa souslo pontpour so rendreà l'usine. credi, jour do marché, jo reçus lu visite d'un voya-
Jo suis sur quo je no l'ai pas revu. Je suis sur quo, geur on bulles minérales,RL RIeslay,représentantla
Jusqu'à l'heure du déjeuner,jo n'ai pus vu RLPierre maisonTuupln, Brotlxet RIeslay,do Pré-en-Pall,dont
descendredo chez lui pour uller à la Grand'Palud, 11mo dit être l'associé,..
D'où j'étais placé, Jo voyaisparfaitementles gens qui « 11me fit ses offres do service,et commoje lui
passaient sur los deux chemins,et je vous jure, quo faisais remarquer quo jo no pouvaism'occtiperdo lui
Jo n'til pus vu ni RL Pierre, ni RI,Cadlou,quo je un A cause du marché, Il me' répondit quo, venant do
l'ai damais dit, quo jo ne pouvaispus le dire, puisque Brestet do Landerneau,Il ignoraitqu'il y eût nuirchô
Jo no 1nsavals pas vus, co Jour-là,Tout en causant avec ce voyageur,Je net-
La patronne du Jouno borger déclarait également toyais un revolverdu eulTbrade six millimètres,dit)
ceci: Velodog,à barillet long, pour ballo blindée,
624 CRIRIESET CHATIMENTS
« A co moment, RI. RIeslay,sortant de lu poche do des supplicationsot des reproches,,.Pour sûr, voilà
son pardessus un revolver, m<r dit qu'il vouait do qui aurait pu 'intéresser la Justice,,,mais Pierre avait
l'acheter lu veille ù Landerneau à un inconnu pour dû penser, lui aussi, que ces ciiosos-lii,çu no regar-
quelques francs. dait pus les Juges. Et quand ils sont venus et qu'ils
« Co revolvermo parut en tous points seinblubloà ont perquisitionné, tout çu uvuit disparu...
celui quo je nettoyais, et commo je domandulsau 'i Oui, vous voyezbien que j'en sais long, sans par-
voyugotir de me lo montrer pour l'examiner, il lo ler du rosto... Mais tant pis pour Pierre... Qu'il so
remit dans su pocho en mo disant qu'il était chargé, tire d'affaire tout soûlf...
« Nous traitâmes ensuite une commande d'huile, et Les compagnonsdo Bossard qui avaient reçu ces
sortîmes pour prendre l'apéritif. Deux autres per- étranges confidences,no dissimulèrentpoint aux poli-
sonnes, dont un de nies ouvriers,se joignirentà nous ciers qu'ils ne s'étaient nullement gènes pour quali-
et tout en parlant de.choseset d'autres, M.Mesluvmo fier ainsi *qti'ollole méritait l'utliludo du veillour do
lit savoir de nouveau qu'il était la veille à Luhder- nuit.
neaii où il avait raté une uffuiro.Depuis,je n'ai plus , Uno violonto querelle ayant éclatée à ce sujet, et
revu Al.Mesluy. Bossards'étnnt vu menacé par ses camarades« d'ôtra
Découvertà Alençon par l'habile onquêteur du jeté par-dossusbord » uvait pris le parti do dispa-
—Je RI.
Matin, RIeslaylui disait : raître et,
mo .souviens,en effet,avoir vu RLSimon.Mais vablo. pour
l'instant
' du moins,.11demeuraitintrou-,
en ce qui concernecelle histoire do rovolver,ALSimon Le 17 murs, le juge d'instructionallait recevoirun
fuit cerlulnementune erreur de nom. document nouveau dont il convient de faire état uu
« Peut-être un outre voyageur s'uppolnnt comme cours do co récit dont-nous avons résolu do ne rien
moi voyago-t-ilhabituellementen Bretagne, et, dans iuisser duns l'ombre.
ce eus, c'est à lui quo so rapporte lo fiïit dont purle Un fucteur-recevetirdo Blincourt,près de Clermont
l'armurier do Gulngnmp.Aiuis<'ticorouno rois, il no (Oise), RL Boulier, très .estimé dons ce pays, uvuit,
s'ugit do moi. écrit avec ilisistunceà RLBlduirdde la Noêpour lui
« Jo pus
suis prêt, pour prouver mu bonne fol, ù accep- faire savoir qu'il avait {l'importantesrévélations à
ter une confrontationavec RL Simon, dovunt lo juge fuira au sujet de l'affaire Caillou.
d'instruction do Brest. Lo magistrat uvait aussitôtadressé uno commission
Mais RL Simon, qui maintenait énergiquementses ro'gutoiroà RLJoly, jugo d'instruction à Clermont,et
déclarations,affirmaitdo son côté qu'il étuit prêt, lui celui-ciuvuitrecueilli de ce dernier la dépositionsui-
aussi, ù être confrontéuvecRLRIeslay. vante, qu'il s'étuit ehipres.sede- fairo parvenir à son
Il est hors de doute que l'armurhir ot le voyageur collèguede Brest:
do commerceétalent sincères. Et il était des plus pro- —•J'ul fait mon service militaire dans l'Infanterie
bables que lo premier uvuit confondulo seconduvec coloniale; j'ai séjournéen Indo-Chineplusieurs mois;
un autre voyageur, qui. craignunt d'être poursuivi dans cetto colonie, les indigènes utilisent pour leur
pour port d'urine prohibée,uvuit jiisqu'ulorsgardé lo voyago par eau des pirogues qu'ils nomment,« cn-
silence. — dotll », Ceci pour expliquer que c'est l'analogto exls-
Riaisun autre incident chaquojour n'apportalt-il tunt .entreco mot ot lo nom do l'indtislrielqui éveilla
1
pas le sienles — allait se produire,provoquantles com- mon attention au momentoù, le,4 janvier, j'entendis
mentaires plus divers et compliquantencore uno prononcer le nom du propriétaire do la Grand'Palud.
situation déjà si embrouillée. , Ce jour-là, jo me trouvais dans le hall do la gare
L'ancienvolllourde nuit, JacquesBossard,qui avait Suint-Lazare,lorsquejo vis un hommequo jo connais
quitté lu Graud'Palud, étuit venu à Brest ou il tra- bien, s'avancer au-dovnntd'un monsieur paraissant
vaillait en cale sèche à lu reparution d'un paquebot, Agé d'une quarantaine d'années, maigre, Il l'aborda'
allait trouver son contremaîtreet lui disait: pur ces mots : « Bonjour,mon cher Cadiou.» Jo n'en-
— Réglez-moimon compte... J'en al assez do tous tendis point lu suite do la conversation,
les potins"faitsautour de moi et des visitesdes indis- « Plus tard, j'appris par les journaux la disparition
crets. 11y a trop do police autour do mol ; jo m'en de RLCudiouet les clrconslanccsdu drumo dont il
vais. fut victime.
Et il était parti sans laisser son adresse.Lo.fuit uvuit « Je mo souvinsalors do ma rencontredu 4 janvier.
Viterapporté uu juge d'Instruction qui, surori» de L'homme qui avait abordé M. Cadlou est un sujet
l'attitude étrange de Bossard, avait envoyé à ses allemand; il se nomme flugcn Chase, je ne le con-
trousses plusieurs inspecteurs de lu police spéciale. nais pus autrement,Je suis qu'il est eu relations aveo
Mais ceux-cine l'uvaient point retrouvé. RL'P..,, fils d'un notaire parisien,
Cependant,au cours do leurs recherches,Ils upprtv « Quelquesjours après niuii voyage à Paris,eujo mo
nnleiit que l'ancien veilleur de nuit avait tenu il ses rappelais quoi deux uns et demi auparavant, 1011,
camarades do chantier des propos plutôt singuliers: IHItélégrammefut déposé à mon gulclict ù Blincourt.
— H y a bon temps,préteudull-ll, queUnje savais où H était adressé à RL CudkiU,lo Touquet-Purls-PIcigo,
était caché 'le cadavre de M, Cudlou. après-midi et était signé Ilagon Chase,
que j'élulsnllé battra lu forêt avec l'inspecteur Lo Riez, « L'expéditeurannonçait au desllnalairoqu'il allait
lui pur.lt.d'un côté, mol de l'autre. lui rendre visite, Enfin, récemment,j'ai appris d'un
« Je fus bientôt attiré pur une odeur très caracté- ami, dont il no m'est pas possiblede donner le nom
semblait provenir du petit —
ristique quicul-de-sac sentier s'en — |e lui al promis le secret le plus absolu et Je tien-
allant, en vers le ruisseau, cul-de-sac drait pavoie— quo A1RJ,llugen Chaseot P... ont fait
uu fond duquel ou devait en effet retrouverle caduvre, on nutomohlliî,au début de janvier, une excursionen
— mais je n'eu ai rien dit à la police; c'était à elle Bretagne, La voilure dans luquello ils voyageaient
de trouver... avait été1louée à Paris, ; Boulier,

Bossardracontait encore: Rlis au courant des déclarations do RI,
— Jo n'aurais qu'un mut ii dire pour faire metlro RLP,,, protestait en ces lermes:
Immédiatementl'ingénieur Pierre eu liberté, el diro — Tout co que raconte M, Boulier, je le démens.
lu vérité quo jo connais, Riais il m'a trop l'ait de Croyezbien quo jo n'en attetiduis pas moins de lui.
misères quand 11me commandait...tant pis pour lui ! Depuis plusieurs années, lo facteur-receveurdo Blin-
,<'il est Innocent,je le sais, je pourrais en donner court est mou ndvcrsulrivpoliliqiie; il cliercho par
lu preuve.., Riaiscomme je ne puis oublier lu façon tous les moyens d'ubord u faire parler do lui, et
dont il m'a mené, qu'il se débrouilletout seul, ensuiteà mêler mon nom à ses -cxtravogiuiccs.
« Oui, j'en sais bien long, « En déclarant avoir le 4 Janvier dernier
« Oulroco que je *uls de la mort do RLCadkm, Il RLHiigcnChasedans lo aperçu hull de lu garo .Sulnt-Lnzura,
a bien des chosesencoreque.j'ai découvertesquand RL Boulier se. trompe, car M, Hugon Chasç, qui est
'étuis veilleur do nuit, et que pouvnnt circuler on ingénieur à .Philadelphie, n'a pas quitté l'Amérique
ÎrIberlé duns les bureaux, je pi'umusuls pour passer depuis lu fin de 1010,soit depuisprès do quatre nus.
lo temps à lire cerlalnes correspondancesdéposées « Rlonfils élait un ami Intlinode RI, llugen Chase.
alors dans un tiroir do bureau de RL Pierre.,. A sa Bortlede. l'Ecole des arts et manufactures, lo
« Cette correspondancequi émanait d'uno certaine Jeune Américain avait résolu do fairo le tour du
dame, no pouvait laisseraucun doute sur les relations monde.Rlonfils Marcel décida do l'accompagner. Lu
que cetto daimi uvuit entretenues autrefois, passagè- l'JJO,les deux Jeunesgens vinrent villégiaturerti Blin-
rement, avec RI, Pierre et qu'elle entretenaitmainte- court, puis ils punirent pour lotir randonnée.
nant aveo un uutrç personnagede la région, « En juin 1911,mou fils quitta RL Hogen LIIUAP au
« AhI il y ou avait dos chichis duns ces lettres et Jupon, L'Américain-ircgugtiudirectement l'Amérique,
L'AFFAIRECADIOU Ô2t>

Croyant qu'il s'agissait d'un feu follet, je fis un grand signe de croix, (Pago 20).

.-17-
«26 CRIMESET CHATIMENTS
où il s'installa commo ingénieur. Rlon fils rentra à détails, c'est que Jo craignais de m'attlrer les repro-
Paris, le 13 juillet et, quelques mois plus tard, parti ches ,domes chefs directs.
pour le régiment. Aluni de ces renseignements,M. Bidard de la Noô
« Noussommesrestés en relationstrès amlcnlçsavec déclaraitqu'il no prenait pas uu sérieux la déposition
la familledo RL Hagen Chase. Il y a quelquesjours, ments du facteur do Blincourt, ajoutant que les dissenti-'
la mère de l'Ingénieur américain nous donnait de qui existaient entre ce dernier et RI,P... suffi-
longues nouvellesdo son fils qui, Je lo répète, n'est salent à éclulrersa religion.
pas venu en France depuis1010. Il allait se montrer aussi sceptique à l'égard de
« RL Boulierest donc victime d'une grosso erreur, RLPortin, sénateur du Finistère, qui avait raconté à
en affirmant avoir vu RLllugen Chaselo 4 janvier à RI, Helloin,ancien chef nmls do cabinet de M. lo préfet
Paris. Colllgnon, qu'un do ses avait rencontréCadlou
« Quant à l'uffuiro do l'histoire do l'automobile h Paris lo 6 janvier dernier.
louée pur mon fils ainsi quo par Hagen Chase, elle Toujours est-il quo les charges relevéescontre l'In-
est inventéedo toutes pièces. génieur Pierre s'écroulaienttoutes les unes après les
« RL Bouliçr, avec quelques explicationsexactes, a autres.
forgé un véritableroman. Rlonfils uvuit un ami amé- Do tous los témoins qui, ûu début de l'instruction,
ricain ; cet ami vint, un mois à peine, villégiaturerà nvuiont déclaré soi-disant qu'ils avaient aperçu
Blincourten 1910.Rlonfils a visité à cette époquela RI.Cadlouet ALPierre lo 30décembre,c'étuit cheminantvers
Belgique,toutelu côte normande,notammentTouquet- lo bots, il n'on restuit plus qu'un seul, lo contre-
Plage, voilà les seuls détails sur lesquelsRI, Boulier maître Blgnurd et encore avait-il varié dans ses
a échafaudéces fameusesrévélations, déclarations,
Mis au courant de la réplique do RLP... (Matin du D'ailleurs, , son témoignage no semblait guère
17 murs), RI. Boulier à son tour protestait en ces valable, puisqu'il reposaitsur colutdu sieuravaitBonnefoy
termes: qui, par la suite, avait dû reconnaître qu'il com-
— RL P... dit que jo suis fou, c'est une opinion. Jo mis uno erreur, qu'il n'avait pas vu Cadiouet Pierre
persiste à affirmer avoir vu le 4 janvier RI. Hagen ensemblele 30 décembre.
Chase accoster uno personnedans le hall do la gara Enfin, tout ce quo le juge d'Instruction avuit accu-
Saint-Lazare, en disant: mulé pour confondrel'Ingénieur Pierre, so retournait
« —Tiens, co cher CadlouI » eu faveur do l'Inculpé.
« Ce Cadlou était-il RL Cadiou.lo directeur de la Un fait, entro plusieurs: Le juge (Malindu 14 mars) u
Grand'Palud? Je no, saurais lo dire, Riaisco dont jo avuit fuit grief à Piorro de srôlroemparé, lors do lu
suis sur, c'est qu'avant qu'on parlât de la disparition découvertedu corps, du M. manteau do caoutchoucqui
de AL Cudlou,je connaissais un monsieur qui venait entourait les jambes de Cadlou et d'avoir, dans
assez souvent uù bureau do poste de Blincourt, soit lo bassinde l'usine, nettoyéce vêtement.Or, ce geste,
pour téléphoner, télégraphier, ou émettra des man- quo l'accusation estime suspect, pourrait uussi bien,
dats. Je sus ainsi le nom, la professionet l'adresse de- on lo fait remarquer également aujourd'hui, être
ce personnage,et j'appris qu'il était en relations avec interprété en faveur do l'ingénieur.Celui-ci,coupable,
un M. Cadlou, directeur d'une usine située non loin n'avait aucun intérêt it laver lo caoutchouc,puisqu'on
de Brest, appelée la Grand'Palud,au cours de l'exer- lo débarrassantencore de la bouc qui le souillait, il rendait
« Je devais apprendre, toujours plus uppurent le lrott fait duns l'étoffe par la
cice de mes fonctions,que co monsieur était 1res lié bulle.Au contraire, pour faire disparaîtrelocetto trace,
avec RLCudlou. il lui était loisible, tandis qu'il nettoyait vêtement,
a Je no peux pas mo .tromper, je ne fais aucune de déchirer le capuchon à cet endroit,
confusion.,.J'ai consulté mes archives postules,brun des Or, U n'en a rien fait.
registres, les originaux do télégramme,l'homme Malgrétoutes les présomptions favorablesqui mili-
qui, le 4 janvier, à la gare Saint-Lazare, prononça taient pour l'ingénieur Pierre, la chambre des mises
ces mots que j'ai nettementperçus: « Tiens, co aveo cher en accusation do lu cour d'appel de Rennes rejetait
CadiouI » était en relations fort amicales lu demande de. mtso on liberté provisoire introduite
RL Louis Cadlou,directeur d'usine à Landorneau, pour l'inculpé,
« Si J'ai tardé si longtemps à dévoiler tous ces Lo juge continuait...

LEDOSSIER DU DE
:,iINISTf:ntî LAOUEnnE, — DOCUMENTS
— L'ENQUETE
DISPARUS. DUu MATIN --
». -—LACASQUETTE

CRISE. RANDONNEES MYSTERIEUSES. LA LUMIERE
DANSLE1IOIHETL'AUTO —
MYSTÉRIEUSE. CORRES-
UNE
PONDANCE — TEMOIGNAGE
DECISIVE. DEMtlWCADIOU, —
« CETTEAFFAIREMETUERAI » — EMOUVANTE CONFRONTA-
-•
TION. LAVIEDEL'ACCUSÉ.

Si RLBidnrdde la Noo,pour un grand nombre se destinées aux poudreries de l'Elu!, n'avait fait que
fourvoyait entièrement, 11 n'en est pus moins vrai précéder do très peu l'assassinat de l'Industriel, lu
que, pus un seul instant, MIbonne fol no devait être magistrat so demundult si ces événementsn'avalent
mise en doute. pas un rapport direct avecl'nttontat dont Cadlouuvait
Selon lui, les faits relovésà lu cliargn do l'inculpé été victime.
étuient suffisantspour le maintenir en état d'arresta- Il commençn'tpar examiner los nccttsailonsportées
tion, et lu chumbrodes mises en accusationde Rennes do la Grniid'Pulud,
contre lo propriétaire do.l'usinedes
ayant été desucet avis, il no pouvaitque se sentir ren- La première affirmait quo Intérêts allemands
forcé dans convictionet dans son zèle. étalent engagés dnns cette Usine. La seconde,que
Aussi se plongou-t-ilduns l'étudede son dossier uvec AI,Cudlous'étuit fuit payer deux fols un wagon do
l'intention bien résolue de n'abandonnerson enquête coton blanchi, livré à la poudrerie d'Angoulême,
fait toute la lumière.
que lorsqu'il auraitn'avnlt Quant à l'accusateur, il n'était autre que l'ingénieur
Un incident qui son
pas tout d'nbôrd attiréétait Pierre, qui d'ailleurs no l'avait point nié, et avait
attention, lui apparut alors commosur capable, s'il expliqué qtie s'il avait dénoncé ainsi son patron,
élucidé jusqu'où bout, do lo mettre lo qhcmln do c'était uniquementpar patriotisme,
lu vérité. Or, uu cours do son examen, le Juge d'instruction
RLBidnrd do la Noé, en effet, en constatant, d'après se rendait compte que dans le courant du mois do
les pièces qui étaient en su possession,quo « l'exclu- décembre(Matindu 28 murs), du nouvellesdénoncia-
sion définitivedes marchés à Cadloudu ministèredo tions étalent parvînmes au ministère doavec lu Gtiorro
raison
l.t Guerreet du refus catégoriquequi lui uvait été contreRLCudlou,Et le juge en concluait
décembre dernier, à
signifié do prendre pari, lo Vi fournitures faits allègues contre lut étuient vrui, il
quo, si les do
d'Importantes adjudications de do colon élttlt hors doute que d'autres que l'Industriel,
L'AFFAIRECADIOU 027
•avaiontpris part à des agissementscoupablesqu'il enregistrer une bicyclette à ' destinationde Rennes,
n'ignorait pas etco pour lesquels sa 11 pouvait être un ulors que MAI.Gruif et Le Gnllcertifiaient« ne pas
témoin gônunt, qui expliquait disparition. se souvenir d'avoir vu sur le quui d'autre cycliste
M. Bidard de la Koô n'Ignorait pas non plus quo quo lui », on so demande quel était le but de ce voyage
« lorsque le contrôleur do l'Armée, désigné par lo au cours duquel « il n'avait pas été rendre visite ù
ministère do la Guerre, pour vérifier sur placo les aucun des membres do su famille, à aucun do ses
faits précédents,était arrivé à la Grand'Palud,il uvuit amis résidant duns cette localité ».
éprouvéune vivo stupeur, on constatantque ces faits Voiciquelle étuit ulors l'Impressiontoute fraîchedo
étaient exacts.RI.Bidard do lu Noêsavait également l'envoyéspéciuldu Matin, qui était en train d'étudier
que plusieurs documents,notammentceux relatifs à do« si — près cetto ténébreuseaffaire;
certaines fournitures destinées à la poudrerie d'An- Où Cadlou pussuit-ilses nuils au cours do ses
goulôme, avaient disparu, absences? Où prenuit-il ses repus? Mystèreencore...
« Qui donc, alors, avuit eu intérêt à leur dispari- mystère qui s'aggrave do co fait que, quelquesjours
tion, conjointementà celle de l'industriel? » plus tard lorsqu'on allait s'inquiéter de sa dispari-
L'affaire, lo magistrat enquêteur ne pouvait se le tion, ou devait retrouverdanslo pied-à-terrequ'il pos-
dissimuler,prenait une tout Iautre tournure;' lo dramo sède à Lunderneuu,sa vultsc prêle pour un départ,
s'élargissultsingulièrement.l ne s'ugissuit.plus d'uno ses vêtementset son llngo en ordre,
« Bien mieux, on devultretrouversa bicyclettedans
rivalité, d'une lutine entre patron et employé, mais
d'un véritablecomplot tramé contra lo malheureux un luuigur, où il lu rangeait habituellement...Or, il
industriel par des gens qui uvaiontintérêt à lo sup- est nettementétabli aujourd'hui,quo RLCudiou,ayant
primer.au Heude fairo avec lui sa bicyclette,étuit vlvuutlo lor janvier.
Aluis, une volte-facediclsive,et caté- « Fut-celui qui la rapporta duns su petite maison
gorique et d'orienter ses recherchesd'un utitiracôté, de Lunderneuu,ou bien, pur suite do quellesombreet
prouvant ainsi qu'il n'est jamais trop tard pour recon- rucumbolcsqueaventura, des mulns mystérieusesqui
naître ses erreurs et les réparer, Al.Bidard do la Noë. n'étalent pus celles de l'industriel, vinrent-ellesla
la
tout on admettant possibilité d'uno hypothèse qui ramoner? »
venait de surgir tout à coup duns son esprit, n'en per- Ainsi qu'on lo voit, l'enquête menéo par notre
sistait pas moins à englober Louis Pierre dans son conlrôre semblait beaucoup mieux quo l'instruction
accusation,persuadéqu'il était quo le jeune ingénieur officielleengagée sur lu bonne piste.
avuit été un instrument entre les muins de^ forces Reprenantlus plus Importantstémoignageset dési-
occultesqui avalent armé sa main, reux de les contrôler lul-mcihe, notre journaliste-
Pourtant, si alors on fait maintenant point le de détective, surpris que le Parquet n'eût pas encoro
l'instruction, commedut certainement l o faire, à celte entendudo nouveau les témoinssusceptiblesd'établir
époque, lo magistrat enquêteur,on demeure stupéfait que RI. Cadlouétuit mort à une date postérieureà
qu'on uit pusur maintenir si longtempssous les verrous celledu 30 décembre,poursuivuitdo ce côté ces Inves-
un homme lequel pesait des ehurges aussi lru- tigations.
giles. On KOsouvient que lo docteur Rousseau,qui avait
En effet,qu'Invoquaitl'uccusationcontre Pierre?, procédé à lu première nutopsle, avait déclaré qu'il
1° Les déclarations des témoins affirmant qu'on avuit retrouvé, au cours do son examenmédical, du
avait vu l'ingénieur Pierre et ALCudloule 30 décem- tapiocadans 1estomacde la victime.
bre7 Celte dépositionsemblaitétablir que c'était bien le
Tous ces témoins étalent revenus sur leurs décla- 30uu mutin que le directeur de la Graud'Pnhtduvuit
rations ; été assassiné, puisque le lendemain31, « la bouteillo
3° Qu'on-avait trouvé dans sa corbellloà papiers, de luit que sa femmedo ménage avait déposé à sa
en parqulsllionimnt,un brouillon d'une lettre de porte était intacte ».
dénonciationécrite pur lui au généralGaudin,• duns Or, voici ce quo le docteur Rousseaudéclarait ù
laquelle il accusaitson patron? notre confrère:
Cela proiivuit une chose, c'est quo Pierre et RI. Cu- « —Je n'ai jamulè dit que l'estomacdo RI. Cadiolt
diou étalent déjà en mauvais termes, co (pie nous contenait du tupiocu. Une analyse chimique, seule,
savonsdéjà, niais en tout cas, cela no prouvait nulle- aurait pu mo permettrad'apporter uno pareille ulfir-
ment quo 1Ingénieur avait assassiné l'industriel; mulion, étant donné l'état de décompositionduns
3° Qu'on avuit trouvé chez lui une pioche que l'on lequel so trouvait lo caduvre,J'nl dit seulementquo
avait cru tachée do sang 7 l'estomaccontenait uno sorte do bouillie blanchâtre,
N'avait-ilpas élé établi quo Pierre s'était servi do d'npparencogranuleuse, uyunt l'aspect du lait caillé,
cet instrumentpour tuer un lapin?... sans aucunetrace do pain, do viuriueou de légume.»
•4" Son tUliiudo le jour de lu découvertedu cadavre? « La déclarationdu doctçur Rousseau,observaitlo
N'étalt-ellopas basée sur dos racontars qui avaient collaborateurdu Mutin, est loin, ou le volt, do prou-
été ensuite démentis? ver quo RLCudlouu été tué lo 3(1,d'autant plus quo
5° Enfin,parlant de co principequo RLCadlounvalt les membres de sa faml.Hosont unanimes à recon-
été tué d'un coup do revolver, ainsi que l'établissait nuitre qu'il se nourrissait presque exclusivementdo
les conclusionsdo lu contre-autopsie,et qu'il était luitugoet no prenait quo très rarement dos aliments
prouvé quo Pierre avuiteu en sa possessionun revol- solides\ d'autre part, que su femmedo ménage ait
ver pareil à celui qui avait tué son patron, l'accusa- retrouveintuclolu bouteillede lui le 31décembre.»
tion, prétendant que l'accusé n'avait pu fournir dos Pouvait-Ilen être uutrement,puisque,co jour-là, los
explications Htiffisantcssur lu fuçon dont il s'étuit témoins, dont le Parquet do Brest paraissait récuser
démit de cotte arme, en tirait la. conclusion quo lo témoignuge, étaient unanimes sur ce point.
c'était bien avec ello qu'il uvuit assassinélo directeur RLCudlouso trouvait à Rlorlaix; il avait vraisembla-
do la Grand'Palud. blement couché dans lu mystérieuse rolmito vers
Argumentbien hasardeux,quand on songe nu nom- laquelle d'autres nombreuxtémoins l'avalent vu so
bre ue revolverslubriquespur série et quo l'on cons- diriger ù bicyclette,duns la mutinéedu 25 décembre.
tate, sommetpttto, que si Pierre n'uvalt pu justifier Tnndls quo le Parquet déclarait officieusementdu
ses allégations d'une' façon pérûmptolra, personne moins que toutes les dépositionstendant à démontrer
encoren'avait pu démontrerqu'il avait,menu, que l'on avait vu RI.Cudloulo 31décembreà RIorlulx
a u
Lu défense, contraire, avait recueillicertains ren- et lo ltr Janvier à Halnt-Pol-dn-LOon élalt des plus
seignementsqui semblaientdo nature à aiguiller la vagues,que nul no lui avait,parlé, quo c'était de très
justice sur uno autre piste. Eu effet,il avuit élé établi loin seulement qu'on uvuit aperçu celui que l'on
quo Cudlouse rendait assez .fréquemment, à l'itisu de croyait être RL Cudlou,et qu'enfin ces tcihoinsfour-
tous, à sa propriétéde Kérarister,qu'il possédaitaux Hissaienteux-mêmes lu preuve de leur erreur, en
environsde Landerneau,et qu'il KOservait alors d'uno affirmant quo lu casquette portée ces doux Jours-là
bicyclette, autre que celles qui so trouvaient dans lo pur RLCudiouétuit bleue,alors (piecelloretrouvéesur
garago deonsas'en
maison, le cadavre étuit grise, voicice que AI.Lo Galldécla-
Quand et rapporte au témoignagedo R1RI.Le rait— à ia presse!
Gall,pôro fils,ot de RLGraff,qui avalent déclaréfor- J'ai vu RL Cadlou à doux reprises et jo lut al
mellementqu'ils avalent rencontré,lo 1erjanvier, vers pnrlé les deux fois, La première,In 25décembreau
sept heures dix du soir, sur le quui de la gare de mutin, à l'embranchementde la route do Plou)oan,
Sutnt-Pol-dc-Léon, sa bicycletteà lu main, et que l'on ot du chemin du bas de la rivière, près du ê.iurotin
se rappellequo lo lcf janvier un voyageur parlant à do Kernnroux; 11tenait sa bicycletteà la main.
sept heurestreize du soir do lu même gnre uvuit fait « Sur le guidon do cette bicycletteétait accrochéun
038 CRIMESET CHATIMENTS
petit qui semblaitêlro
paquetsommes un paquet de pâtisserie. Et pourtant, si RL Bidard do lu Notiavait été un
Nousnous serrés la main, après quoi il s'est peu plus... curieux,il aurait entenduM1*» Pierre Louis,
éloignéot a pris, il me semble,la directionde lu pro- domiciliéerue do lu Toqr-d'Auvorgne, à Landerneau,
priété qu'il possèdoà quelqueskilomètresde Rlorlaix... lui—révéler ceci:
Il était onzo heures du mutin.;. Une nuit de la fin do janvier, jo m'étais lovée
a II faudrait que j'uie perdu l'esprit pour affirmer pour soigner mon bébé..,j'allais mo recoucher,quand
cetto.chose si cela n'était point,.. Riesparents étaient 10grondementlointain d'une automobilevenant do la
en relations suivies avec les parents do RI,Cadiouau directiondo Morlaixattira mon attention.
Clôder, faisaient des affaires ensemble, et mol, je le « Quelques secondes plus tard, la voiture passait
connaissaisdepuisdes années. eu trombe, à uno allure si rapide quo tout trembla
« J'ai revu pour lu secondefols RLCadioule 1erjan- dans lu. maison et, qu'effrayée, j'ouvris mu fenêtre,..
vier à lu gare de Saint-Pol-de-Léon : Vous savez, lo Rlnisl'auto étuit déjà loin ; je commentaisl'Incident
Matin l'a longuementexpliqué, pourquoi l'erreur do uvec mon mari, et mo recouchais..,
cette date est impossible. Là, nous avons encore « Environ une heure après, lu voiture, revenant de
échangéquelquesparoles. Il étuit six heures du soir... la direction do la Grand'Palud,ropussa à la mémo
les personnes qui hi'uceoinpugnalentsont là, d'ail- foliovitesse et so dirigea vers Rlorlaix.
leurs, pour certifier toute cetto rencontre et bien fixer Cesdéclarationsétalent confirméespur RLBonnefoy,
aussi lu dato précise du 1erjanvier. conseillermunicipaldo Landerneau,et par M. Lenteur,
Commeon lui demandaits'il so souvenaitcomment entrepreneur, qui s'était rendu lo 22 murs
M. Cadiouétait habillé co jour-là, M. Lo Gall répli- au commissariatde policoet avuit affirmé: précédent
quait. : —Je suis sûr quo c'est duns la nuit du 27 au 28
— Il était vêtu d'un costumecycliste et coifféd'une janvier qu'est passéol'automobile.
casquettegrise. 11 uvuit sur lo brus sa pèlerine on « J'ai pour cela un point do repère indiscutable.La
caoutchouc, c'est-à-direcelle qu'on devait retrouver nuit où passa cettevoiture rapide était colle qui suivit
auprès do son cadavre, lo capuchonpercé d'une balle. la loiro de Commanu.Or, cetto foire était le 27 jan-
D'autre part, Al-" 0 Franchie Le Cam, vendeuseà la vier.
pâtisserie Quémeneur,place Thiers, à Rlorlaix,décla- nature Ces faits, troublants pour tous, n'êtaiont-ilspus do
rait
— àLe25décembreau
notro confrère: à faire supposerque cette voiture lancée à
matin, jour de Noël, RLCadiou toute vitessecontenaitle cadavrede RLCudlou,préala-
est entré dans lu pâtisserie et a choisi quelques blement assassiné, et que c'était à ce moment qu'il ,.i
gâteaux... c'est moi qui l'ai servi. 11 était vêtu d'un avuit été ensevelidans le bois par son meurtrier et
costumecyclistegris et coiffé d'une casquettegrisa... leurs complices.
M. Cadlou, que jo connais depuis de nombreuses Commosi cetto accumulationdo mystère n'eût pas
années, me parla quelquesinstants et termina en mo suffi pour dérouter entièrement ceux avaient pour
disant: mission de faire éclater lu vérité, un incident nou-
« — Falfes-molsurtoutun paquet très solide, en lais- veau, — lo cent cinquantièmepeut-être,— allait so
sant dépasser un bout do ficelle suffisammentlong, produire.
car jo vais fixer ce paquet sur le guidon de ma bicy- L'infortunéeet si respectableveuve de la victime
cletteet jo vais assez loin...0 » avait chargé Al"Vichot,avouéà Brest,do défendreses
« ALCudiou,achevait RI" Le Cuin, est revenu-à lu intérêts et au besoinla mémoirede son mûri, RioVi-
pâtisserie quelquesjours plus tard, et c'est mol encore chot avait alors appris que RLCudiou,à lu suite do
qui l'ai servi... J'ai raconté tout cela ù l'instruction, lu dénonciationdont il avuit été l'objet auprès du
mais on ne m'a pus cru, » ministère do la Guerre, avait constitué, avec l'nido
Bien que los parents que RLCadiouavait h Morlaix d'un avocat brestois, un dossier assez volumineux
affirmassenttous que ce dernier ne serait jamais venu dans lequel il se faisait fort d'étublir entièrementsa
dans cette ville sans lotir rendre visite, il nous uptiu- bohn» foi.
raît, avec le recul du temps,que le jugo d'instruction Al»Vichot uvait également découvert quo, le 1(1
aurait peut-être bien fuit do chercher à savoir où décembre,RI.Cadlouavait adresséune lettre au minis-
RLCudiouse renduituvec les gâteaux qu'il achetait,à tère do lu Guerre « pour annoncer l'envoi prochain
la pâtisserie de lu place Thiers, et dé s'inquiéter do do ses documents,dont il joignait à su lettre la
co qu'était devenue la bicyclette avec laquelle l'In- nomenclature»,
dustriel so livrait à ses mystérieusesrandonnées et « Or, ces documentsno seraient jamais parvenusau
qui, jusqu'alors, était resiée aussi introuvable quo « ministère de la Guerre et on les a point retrouvés
le portefeuille, e t la montre ou or dont on avait eu dans les papiers de l'industriel, uprès su dispari-
soin de dépouillerlo caduvrodo ALCudlouavant de tion. »
l'enterrer dans le petit bois de la Grand'Palud.» Pour le magistrat instructeur, colu no fulsuit pas
Et voilà qu'on apprenait que deux habitants du l'omhro.d'tmdoute;,c'était l'IngénieurLouisPierre qui
de
bourg Lnmbezelko, Lespagnol A lmo et RI,Jean Rlios- los avait,fait disparaître.
BOC, prétendaient avoir aperçu, dans lu nuit du 27nu Le4 janvier, eu effet,ne s'élait-ilpas rendudans la '
28 janvier, de lu lumière dans lo bols de la Grand'¬ maison de l'Industriel, qui avait disparu depuis plu--
Palud, à l'endroit où, quelques jours plus tard, on sieurs jour.':, et n'étuit-il pus resté uu assez long
devait retrouver lo cadavredo RLCadiou. moment?
« Nous revenions de,la foire do Comnmnu,condui- A cola, ainsi que nous l'avonsvu plus haut, l'accusé
sant un troupeaudo dix-neufvaches. Versminuit qua- expliquait que, s'il avuit pénétrédans le domiciledo '
rante-cinq,nous arrivions sur la grande route ù lu son patron, c'était uniquementpour réparer un posto
Pautenr ue l'endroit où fut trouvé plus tard lo corps téléphoniquequi servait à donnerou à interromprala
de RI. Cadiou,lorsque nous aperçûmes une lumière communicationdo l'usino de lu Grand'Paludavec la
duns le bols... 1" ligne publique.'
« Moi, disait RI" Lespagnol,croyant qu'il s'agissait Cetto.explicationétuit des plus vraisemblables,car
d'un feu follet, c'est-à-direde l'i'mied'un des défunts 11avait été démontréce jour-là qu'à Lunderneuu,plu-
réclamantdes prières, je Ils un grand signe de croix ; sieurs appareilstéléphoniquesuvulent été détraquésà
mais Mnisec,qui était plus hardi que mol, s'écria en lu suite d'un très violentorage.
brandissant son béton: De plus, d'autres personnesquo lui avalent pénétré

« Jo u'nl pus peur, mol, je vais voir qui est là | » dans le domicilequo M, Cadloupossédait à Lunder-
t Et sautant sur le talus,' gagnail le bols qui s'éle- neuu, Hamaisonétuit restéoouverteà tout venant, on
vait ù environ cent mètres de là. Alais la lumière n'y avait mémopoint apposéde scellés!tout le monde
" à co momentet Rliossecn'avonça pus plus pouvait s'y introduirea volonté,
s'éteignit y fouillertoute à sa
loin. guise, amis, purents,policiers,curieux,,,c'est Inima-
Or, voilà que, maintenant, do nombreuxhabitants ginable..,pourtant.cela est lu vérité. Et quund on BO
de Landerneauso souvenaientque, duns lu nuit du rnppurto t\u%deml-coiifldencos quo RL Cudlouavait
27nu 23 janvier, vers minuitet demi, une autovenant faites à des parents ou à des caïuuradcs,e«t — qui se ter-
de la direction de Rlorlaixuvuit traversé lotir villo (x minaient invariablementpar ces mots: J'ai do
toute vitesse et s'étuit dirigée vors la Grand'Palud, terrible»ennemisI », on demeurestupéfait de l'obsll-
puis était repassêoà la lamémoullura une heure après nation aveugle,du parti pris inexplicableque mottuit
environot avuit repris directionde Morlaix,» lu Jusltcu à no tenir aucun' comptodo tous les élé-
Le Parquet n'attacha attcuno importance à ces ments favorablesà l'inculpé.
bruits, Il n'interrogea aucune des personnes qui C'est ainsi que RI«Felllurd,fort surpris d'apprendre
àtalont capablesde les continuer. quo la chambre dus mises en accusationsdo Rennes
L'AFFAIRECADIOU C29
avait repoussé la demande en liberté provisoire do —Cottelettre, ainsi qu'une autre, 0
déclarait le juge,
•son client, déclarait aux journaux: ont été verséesau dossier par RIMCadiou.

, L'accusation, pour pouvoir rejotçr la mise en — Veuillez, monsieur lo juge, faisait M° Feillard,
liberté provisoiredemandéepar pierre, a retenu tous nousen donnerlecture.
los faits relevés contre lui, et écarté, systématique- RI.Bidard de la Noës'exécutait aussitôt:
ment, les témoignagesqui plaidaionten sa faveur. « Lundorncau,30décembre1013.
« C'est ainsi quo lo procureurgénéral n'a pas voulu
faire état do la dépositionimportante,si claire et si
précise'do RLLe Gull,faite le 0 murs devant lo juge « Cher monsieur Cadiou,
d'instructiondo Rlorlaix,,,dépositionqui établit que
RL Cadiouso trouvait à Saint-Pol-de-Lcon le lOTjan- « J'ai été très surpris de ne pus recevoir par lu
vier, dans lu soirée. poste lo chèque demandé.avait J'ul appris, d'autre part,
« En somme, l'accusation considèrecommeinexis- par lo fucteur,qu'un trahi déruiné sur lu grande
tantes les déclarationsdes témoinsaffirmantavoir vu ligne,
M. Cadiouaprès le 30 décembre.Elle reconnaît leur « Le contrôleur a prélevé un échantillon comme
entière bonne foi, mais déclare qu'ils se trompent; celui ci-joint et a demandédo mettreEn cetto balle duns
qu'il est matériellementimpossiblequeluMM.Ndo icolasit les autoclaves.Faut-Il passer outre7 attendant, jo
Lo Rloilléaient vu l'industrielle 31 à gare Rlor- baisseraicetto bulle de côté.
laix; quo MRl,Cainbonet Caramourso trompentéga- « Versdeux heures,la machinea,eu nue panne et n'a
lement,quund ils dlvontavoirvu lu victimelo P"'jan- pu donner su vitesse que par moment, Les ouvriers
vier à Morlaix,et à plus forte raison AI. Le Gull et sont partis ù quatre heures et demie. La jiuunodouno ht
RI. Graff, (pli prétendent lui avoir serré la. main lo machine provient du bris d'une goupille dans
même Jour, dans la soirée, en gure do Salnt-Pol-de- soupape de lu grande chaudière; il faudra peut-fttru
LéonI chômerdemain.
Nousvenonsdo voir quelleprotestationénergique la a Bienù vous,
défense opposait au scepticismedu Parquet. Après « Louis PIERRE. «
bien des années, nous partageons cet étonnornent,
sans nous expliquer l'acharnement dont lo malheu- Deuxièmelettre:
reux ingénieur fut l'objet do la part du magistrat dont
la bonne foi, nous le répétons,"ne saurait être sus- « Landerneau,le 31 décembre,
pectée un seul instant, mais dont il est permis do « Cher monsieur Cudiou,
mottroen doute l'esprit do logiqueet de perspicacité.
Le dossierétant revenudo Rennesà Brest,M. Bidnrd «
do.lu Noo,reprenait son instruction,Il recevaitd'abord Jo n'ai pas encorereçu votre chèque de deux millo
RLBolloch,administrateurJudiciairede lu succession francs ; je n'ai reçu non plus aucun courrier, La
Cudiou. machineétait à peine mise on route ce malin, après
Lo magistrat lui demandait i lu reparution de la soupapede lu chaudière,qu'il est
— Quo pensez-vousdo l'enquête cml, à la suite des arrivé une seconda punne à la niêiuo soupape. 11 a
dénonciationsde l'accusé,a été faite par lo contrôleur fallu tirer les feux et vider à nouveau lu chaudière.
des poudras Clnerbout? Bref, le travail n'a commencéqu'à dix heures et
— Jo suis, répliquult RI. Bolloch,qu'il défaut du donne.
dossier disparu, toutes les piècescomptablesont été « Je n'ai aucune crainte pour le retour de pareils
misesà la dispositiondo ALClaerboutqui les a exami- Incidents.
néesuvecbeaucoupd'attention.Bien que ce contrôleur « AI.Lumballom'a donné contra reçu, on attendant
se soit montréd'une grande réserve, à lu suite d'uno votre chèque.
conversationque j'ai eue avoc lui, je me crois en « ,1evous envoie, ci-joint,copte de divers comptes
droit d'affirmer que son opinion était toujours,itivo- relatifsà l'inventaireet nu bilan. La copie du journal
rable it RI.Cudiou. est oomiwneée,et je pourrai.vous l'envoyer vendredi
1 10
Lo juge entendait ensuiteRI Julla Juzenu: ou samedi.
— Pouvez-voltsmo dire, fit-il, quel fut remploi du « Bien â vous,
temps de l'ingénieurPierre,0les 1"'ot 2 janvier 7 « Louis PIERRE. »
—RI.Pierre, répliquultRï" Juzeitu,u déjeuné lo 1<* Et A!«
Jtinviorà l'hôtel Le Roch,a pnsi-él'après-midià Lan- — CesFeillard déclarait:
dorneuu,et est rentré chez lui lo soir. Le lendemain, lettres un sont pas celles d'un criminel qui
il —n'a pus quitté la Grund'Pultid. cherche à invoquerun faux alibi, mais, tm contraire,
Vous eu êtes bien sûro? la preuve d'une innocenced'un homme qui comprend
—D'uutunt plus sûro, que jo ne l'ai pour ainsi diro son devoir et l'accomplitconsciencieusement.
pas perdu dedevue un sou!instant. Tel n'était point l'avis do RI.Bidnrddo lu Noi!qui
RI.Bidard lu Nooluisaitvenir ensuitel'accuséet décidait de confronter Al«°Cudiou uvec celui qu'il
lui présentait un revolversaisi pur lu pollen mobile persistait à accuserd'ûlmlo meurtrier du mari.
chez l'armurier Marie et pareil à celui que Pierre Lo mercredi13avril 1014,M'""Cudlou,accompagnée
avait acheté chez l'armurier, do Riovichot, à neuf heures et demie du matin, fran-
L'uccuséne fit uuciino difficulté pour reconnaîtra chissaitle seuil du cabinetde RLBldurdde lu Noo,qui
que cettoarme était identique à ht sienne. uvait décidé de l'interroger d'abord hors do la pré-
Commole magistrat lui. demandait s'il persistait sence — de l'Inculpé.
toujours à prétendra qu'il ne s'était pus trouvé uveo Madame,lui disait-il,je vousdemandede me dira
son patron depuis le 2!)décembre,Pierre s'écriait: tout ce que vous savcnsur lu crime qui a* coulé lu vlo
-- Jo persiste à uf'tlrmer que c'est le lundi 21)que à RI.Caillou,
j'ai vu M. Cudioupour dernière fois. Il a pu se
la M!11°Cudlourépétait au juge do Brestro qu'elle avait
rancira le londematnmutin à lu Griuul'Palud,mais déjà dit aux policiersqui l'avalent Interrogéedès lo
personne ne m'en a débutdo l'affaire, c'est-à-direque dans une lettre por-
« Qu'on me prenneparlé,
pour un criminel tant que l'ins- tant lu date, du 27 décembre,l'industriel lui faisait
truction ne sera pas terminée, soit; mais pour un pur! de son intentiondo rentrer à Purls avant le jour
crétinI Pou. LorsqueRI.Caillouquitta l'usine le lundi de—l'An.
h midi, je lui ai demandéde l'urgent pour payer les Il ne mo précisaitpas lu date, déclaraitlo témoin,
ouvriers, car 11me disait,qu'il uvuit encore quelquesaffairasà

« Je n'ai pus moncarnet sur mol, m'u-t-llrépondu, terminer. 11 ajoutait qu'il comptait rendre visite, lo
Il est à Lunderneuu,Je vousadresseraiaujourd'hui un lendemain dimanche, à ses smurs qui Imbibaientlo
chèquedo Lnndorneau,puis demainde RIorlulx,car je clédoret qu'il me télégraphieraitlo jour et l'heure do
compte m'arrêter quelques instants dans celle ville son arrivée.
uvnnt de gagner Paris I » « Le 29,le 30, le 31,no recevantaucune nouvelle,jo
« Le lendemain,élonné de n'avoir rien reçu de mon lui télégraphiais vers dix heures du malin à Lun-
pntron, j'ai demandé uu facteur s'il uvuit une lotira derneuu:
pour moi. « Que signifie ton silence? »
« —Non, m'n-t-11répondu, RtulsII s'est produit un n A irais heures de l'uprès-mldl,n'ayant toujours
accidentsur la ligne ot le courrier est en retardI » rien reçu, j'adressai un secondtélégrummoh RI,Pierre.
« C'est alors que j'ul adressé à RI. Cudlou,à Paris, « Il parait que, par sulle d'un accident arrivé aux
lu lettre dutéodu 30décembre, appareils, RI. Pierre ne reçut lo télégrummoquo lo
630 CIUMKSET (CHATIMENTS
lendemain. D'ailleurs, Il parait quo l'ingénieur so « Aucun, répondait l'inculpé, Jo désira ardofn-
trouvait u Lundiriiouuet il était donc, Je le roounuui.-, iin-utque lu véritéso lasso,car co sera la preuve écla-
duns l'impossibilité de me répondreavant lo 2 janvier. tante de mon innocence,»
J C'est alors que, folio d'inquiétude, Je télégraphiai « Et les yeux pleins de larmes, il ajoutait :
a M. Clouruo,députéîle RIorlulx,et c'est lui qui u mis « -- Avanttout, Je tien»u protester contre l'infâme,
la justice en mouvement, odieuse uecUîiiitlondont jo suis l'objet, Et puisque
« Quant à moi, Jo dois à la vérité do dire quo j'ul l'on a cru, madame, devoir me mettra on votre pré-
lotit de suite penseque mon mûri uvuit été assassiné. sence, jo liens à vous affirmai',à vous jurer quo je
Je n'ai pus plus soupçonné l'ingénieur Pierre quo suis innocentl »
d'autres. « Sans lu moindre violence, avec uno dignité pro-
1).— Quels sont los objets quo votro mari pouvait fondémentrespectable, M" 10Cailloureprenait:
avoir—sur lui le Jour du crime? « —Vousétiez sur los Houx,vous auriez pu donner
R. Un porio-monnule,un portefeuille contenant dos renseignementsuu Parquet, dira co que vous
trais mille (mues environ,une montraavec la chaîne, saviez,aider, enfin, à la niunilosluUondo lu vérité. »
un stylo,
— et sans doute quelquespapiers. a -—Riais jo no savais rien, niudumo, affirmait
D. l'st-ce que vous saviez quo Ri*"» S ttlnby avait Pierre,,, sur un ton plein de douceurot de pitié, et je
été consulterune somnambule ? ne sais rlon encore; croyez quo, mol aussi, jo suis
R. —Non,Je l'ignorais! profondément p einé du malheur qui vous est arrivé | »

D. —Voiremari avait-il plusieurs valises? « —Pourtant, vous avez calomnié mon mari, vous
R. Deux in cuir jaune, Il serrait ses vêtements ftvozcherché à lui reprenait lu veuvodo l'In-
dans l'une, et, dans l'autre, il mettait dos paplors dustriel, vous nvéz nuire, nièino ameuté contra lui certain»
importants. de fies collègues, »
1).— Connaisstez-vous ses papiers ? i —RI, répliquult l'accusé, avait refusé do
II. *- Non! Je sais qu'il y attachait une grosse verser auCudiou, Syndicat des Ouates et Cotons los fonda
Importance ; mais jo ne les ai jamais lus. Je puis qu'on lui demandait; aussi s'élalt-il créé des Inimitiés
ajouter que mon mari m'a dit, à plusieurs reprises, ce
dans milieu. »
qu'il possédaitcontra RI,Legranddes documentscom- « —Vous m'étonnez, reprenait Rln 19 Cadiou; si,
promettants,J'ignore le'squels, comme vous lo mon mari avait ou tant
D. —Connaissiez-vous la situation financière do d'ennemis dans prétendez, co syndicat, on no lui eût point
l'usine? d'en accepter la présidenceI Vous voyt/z
R. •- Pas dans ses détails, Riaisje sais qu'ello était demandé
blon quo vous no cessez do calomniervotro anclon "
excellente,L'exercice1912-1913 s'est chiffré par un patron I»
bénéficenet do cent huit mille douxcent quutro-vingt- « —Quel intérêt, madame,InterrogeaitRI»Feillard,
six francs, Piorroavait-Ilà fairo disparaîtra votromari ? »
D.— — Le capital était de ...? « — Il a sans doute agi par haine, expliquait le
R. Deux cent clnquanto à doux cent soixante témoin.11avait dénoncéM. Cadlou,Quand on trahit
mille—francs. gens, on devrait avoir» au moins la pudeur de ne
D. Votre mari so montrait, par conséquent,satis- les pas— accoptorlotir argent.
fait,..— « Pardon, madame, objectait Pierre. Rla respon-
R. Très content, Riais cependant,je mo souviens sabilité était engagôo,jo no pouvais pas obtenir lo
qu'il m'a dit, un jour qu'il paraissait plus préoccupé coton quo jo demandais, et jo no devais pas livrer a
que d'habitude: l'Etat dos marchandisesno répondant pas aux condi-
« — Cette affaire mo tuera. » le cahier des charges, »
« Avait-il,à co moment,un pressentimentsur ce qui tions stipuléespar
« —Quovoulez-vousquo jo répondeà cela? s'écriait
devait arriver? Jo no sais, Cadlou. Celui qui n'est plus serait soûl à se
D. —RL Cadlou consldéralt-il Pierre commo un RI»»» défendre,C'est uno lâcheté dBplus. Aprèsavoir désho-
auxiliaire dévouéet sur lequel on peut compter en noré mon mari, on veut maintenantsalir le nom des
toute— circonstance? qu'il a laissés. »
R. Oui, dans les débuts. Riais déjà, depuis plu- orphelins a — Est-il exact, interrogeait le jugo d'instruction,
sieurs mois, il n'avait plus conflancoen lui. Il le votre mari devait expédierde Rlorlaixun chèque
soupçonnait de l'avoir diffamé auprès du général quo à l'ingénieurPierre? »
Gandinet cherchaitun autre collaborateur. « —Je ne la ponso pas, répondait RIm 0 Cadiou, car
D. — Connnlsslez-vous personnellement RL Piorro? mon mari avait certainementterminé ses affaires à
Rpn»Cadlou qui, Jusqu'alors, avait montré un très Rlorlaixlo 30.»
grand calme, manifesta, certaines nervosités. Son -~
« Non! protestait Pierre. Il m'avait parlé do tra-
visage très pale ot profondémentdouloureux, s'em- vaux à fairo oxécutor dans sa propriété de Plou-
pourpra : »
R. —Oui, jo sais, s'écrlait-elloavec indignation,cer- jeun. « — Il on a Jamais été question, affirmait M™Ca- '
taines personnesont insinué que M. Pierre avait pu c'est d'ailleurs de Paris qu'il vous expédiait
éprouver pour mol un sentimentcoupable,qu'un flirt diou, do l'argent. »
même avait existéentra nous, que sais-jo,moi? Riais toujours « — Il m'en avait adressé de Rlorlaix ,
déclarait
c'est faux, monsieurlo juge, je vous le jure. »,
Unotelle sincérité loyale, uno honnêtetési grande l'inculpé. « —Pendant los vacances peut-être; mais jamais en
se manifestaitdons l'attitude, dans lo regard, dans la hiver
voix de la malheureuso vouvo, quo' le magistrat, », faisait lo témoin.
convaincu que tous ces méchantsracontars n'étaient Sommetoute, celte confrontationsur lequel le Jugo
que des mensonges,eut lo bon goût do no pas insister. résultat, avait fondé un grand espoir, n'avait donné aucun
Et il rendit sa liberté au témoin qui semblaittrès las, si co n'est que do causer une douleur bien
afin qu'elle pût aller prendre quelquerepos avant quo Inutile à une malheureuse femme qui avait tant
l'accusé fût confrontéavec elle. besoinde consolationet d'apaisement,
La tragique entrevueétait flxôopotir deux houresdo Le samedi 11 avril, o'est-a-diretrois moisdoetlademi
RlmoCadlou,qui s'était fait conduire en après l'ouverturedo M.Bidard
l'Instruction,sur Noo
l'après-midi.
voiture au Palais de Justice, était exacte au rendez- se—décidait à interroger l'accusé ses antécédents:
vous. Je suis nô'lo 24octobre1883.au hameau do.Grand-
« (Matin du 8 avril) : RI.Bidard de la Noôl'atten- ville, communo de Caugé (Etira), racontait Louis
dait. Il l'invita à prendre place dans un fauteuil, Piorro. Mon père y dirigeait une exploitation agri-
auprès de son bureau, lui posa quelques questions cole. La forme ot. ses dépendancessont aujourd'hui
sans grand intérêt, puis il ordonna aux gendarmes exploitéespar mon beau-fréro.
d'introduire Pierre, qu'accompagnaitM»Feillard, son « J'ai fait mes premières étudesà l'écolecommunale
avocat, de Caugé.Entré en 1893à l'institutionSaint-François-
« L'inculpé s'inclina devant MmoCadiouj mais colle- de-Sales,j'en sortis avec mon baccalauréatès-iettres.
ci ne réponditpas au salut de l'ingénieur. Durant la J'ai suivi ensuite les cours de l'écololibre do do Sainto-
l'Ecole
confrontation,elle no le regardera d'aillourgpas une Genevlèvo,rue Lhomond, à Paris, puis
seule fois en face, et répondra à tout co qu'on lui centralooù j'ai passé trois ans. „ , a, , .,
fré-
demande, « Devenuingénieurdes Arts et Rlanufactures.j'al
a MueCadlou,disait M, Bidard de la Noôà l'ac- quentédurant quelquesmois le Conservatoiredes Arts
_
cusé, se porte partie civile. Voyez-vousun inconvé- et Métiers; puis, joà suis entré dans uno fabrique de
nient à ce qu'elle prête serment7 » produits chimiques Courbevoie,
L'AFFAIRECADIOU 631
« En mars 1009,J'onlrai à la Grand'Palud, aux fi no pas livrer aux poudreriesles marchandisesirré-
appointementsde douxcent cinquantefrancs par mois prochables qu'on devait leur donner,lomu responsabilité
et uno part dans los bénéfices. étant en Jeu, je crus devoiraviser général Gaudln
u Aucun incidentno marqua mes débuts à l'usine. des agissementsde Al. Cudlou,et celui-cifut rayé de
L'ontlèrodirectiondo l'usino m'était confiéo,On aug- la«liste dosfournisseursdola Guerre.
menta montraitementdo cinquantefrancspur mois,et J'appris au débutavec
do décembre;que RL Cadiou
l'on décida quo ma part do bénéficesserait do un et était en pourparlers deux ingénieurssollicitant
domi pour cent. mon emploi,On m'offrait, d'autre part, la directiondo
« Par un traité valable jusqu'en février 1915,Je l'usino qui SQmontait à Dalouus; J'acceptaien prin-
m'engageaià assurer la surveillance,à faire los com- cipe. Le général Gandin vint à cette époque à Lun-
mandes,à ni'occuporde la fabricationot do la, comp- derneuu ot mon départ fut définitivementurrôté. Ries
tabilité. servicesà la Grand'Palud dovalontso terminer on
« La vIoétant des plus monotonesà Landerneau,jo juillet 1914,
demandai, on 1912,uno jaune fille en nuuiagu. Ella Sur co, RI.Bidard do la Noo,do plus on plus per-
accepta, mais à conditionde no pas habiter la Bre- plexo,renvoyait Louis Pierro dans sa prison.
tagno. Mais voilà qu'il apprenait quo le voilleurdo nuit
a Je priai alors RLCadioudo mo chercherun rem- Bossard, si mystérieusementdisparu do Brest et si
plaçant, mais il n'en trouva pas, paraît-Il, Co projet extraordinulremeniintrouvable,demandaità être IÏÇU
de mariagen'ont donc pas do suito. par lui pour lui faire des révélationssensationnelles
« Copcndant,la situation devenait do plus en plus ot RLBidard do la Noose disait:
tenduoentre mol et mon directeur.Celui-cis'obstinait — Vais-jo,enfin,savoir la vérité?

VI
LEVEILLEUR
m NUIT — INTERROGATOIRE
REPARUT. DIÎFIM-

TIF. UNEMÈRE —
ADMIRABLE,
LIBRE
ENFIN
I... — L'ENTE-
TEMENT — LESRAPPORTS
D'UNMAGISTRAT, DESEXPERTS.
— NOUVELLES
Et TROUBLANIES —
HYPOTHÈSES. INTERWlEV
DEL'INCULPE'.

L'air très sûr do lui, JacquesBossardpénétraitdans Pondant co temps, on perquisitionnaità son domi-
le cabinotdu juge, qui, après lui avoir reproché sa cile. On y trouvait do nombreusesrelationsécrites do
l'uguo, l'invitait cetto fois ù, dire non pas la vérité, su main et plusieurs objets qui furent, eux aussi»
muis toute la vôiltô. dirigés vers lo cabinet du juge d'instruction.
Bossarddéclarait:
— Jo dois vous diro, monsieur lo jugo, que les Quand il pénétra dans le bureau du magistrat,Bos-
snrd so prit à diro:
témoins de Morlaixçt do Salnt-Pol-de-Lôon se trom- — Vous aviez donc pour, monslourle juge, quo jo
pent tous on disant ont rencontréRi, Cadioulo me sauve encore uno fois, quo vous m'avez fait
31décembreet Je p*qu'ils co
— H nochercher
Janvier, n'est pas possible. envoyer la police?
par do
« Et voici pourquoi: s'agit pas plaisanter, observaitsévère-
« Le 31décembre,me promenantdans los bois do la ment le magistrat.
Grand'Palud,j'ai aperçu sur la neigo des traces do Puis, lui montrant étalés sur une tablo les oblots
pas qui m'ont conduità l'endroit où M.Cadioudevait que l'on'avait saisis chez lui, RI.Bidard de la Noo
être déterré le 4 février suivant. reprenait:
a A cet endroit,jo remarquaialors quo la terre avait ,—Je voudrais connaître la provenancedo ce canif,
été fraîchementremuée.La neige no lu recouvraitpas doco cure-ongleen argent, do cç mouchoirbrodédont
et des fouillesmortesavalentété seméossur le sol. les initialosont été enlevéeset, enfin, d'uno perruque
« Je n'attachai pas d'importancoà ces remarques; do femme,
lo 17'janvier suivant, mo promenant à nouveaudans Bossard so lança dans dos explicationsà la fols
lo bois, je revins au môme endroit, attiré cetto fols tellement embrouilléesot tellement fantaisistes quo,
par une odeur"nauséabondede chair pourrie. malgré toutela facondo dont il s'était armé,son enquê-
« Jugez de ma stupeur lorsque J'aperçus des che- teur dut renoncerà on tirer la moindrelueur.
veux qui émergeaient do la terre, Epouvanté,jo —Maintenant, roprenait-11,racontez-moido nouveau
m'enfuis, les faits qui so sont produits devant vous entre le 30
« Le lendemain,18 janvier, Je revins encore. Cetto décembreet le 18 janvier, dans les bois de la Grand'¬
fois, une tête sortait du sol. Jo reconnuslo visage do Palud,
mon ancien patron. CommoBossardmaintenait ses dires, toutefoisen y
« Plein do torreur, et craignant d'être compromis apportant quelques variantes, RL Bidard de la Noo
dons cette effroyableaffaire, je pris la fuite et gardais s'écriait :
pour moi l'horriblesecret, — Jo vous inculpe de complioitôd'assassinatI
« Aujourd'hui,bien décidé à libérer ma conscience, — MolI s'exclamaitlo voilleurde nuit, littéralement
je suis venu vous trouver ot vous fairo ma déclara- ahuri.
— Oui, vousI accentuait le Jugo. D autre' part,
tion.
—Vous avez bien fait, BQcontentaitde lui diro le commod'après votre récit vous auriez découvertlo
magistrat. cadavre de RI.Cadioudès le début de janvier, et que
On dit quo la nuit portoconseil; ceux qu'elleinspira vous vous seriez tu, vous contentant,avez-vousdit,
à l'honorable magistrat n'étaient pas précisément de recouvrirla tête d'un peu do terre, jo vous inculpe
empreintd'uno grande mansuétude. égalementdo recel do cadavre en vertu de l'article359
En effet, quelle n'était pas la stupéfactiondo Bos- du—Codepénal.
sard lorsque, réveilléon sursaut par les policiers, il AhI c'est trop fort 1
apprenait lo lendemain,dès l'aubo, qu'il était l'objet Imperturbablement, le magistrat poursuivait:
dTun mandat d'amener. — La premièreinculpation vous rend justiciabledo
—Ah ça I s'écriait-il, M. Bidardmo croit donc cou- la cour d'assises et vous fait encourirla peine capi-
pable ; Jo le mets au défide l'établirI tale.
Mais, très docilement,il so laissa emmener et, les « La secondevousrend justiciableseulementdes tri-
menottesaux poings, il monta sans la moindrerésis- bunauxdo correctionnelleet vous rend passibled'une
tance dans une automobilequi l'emporta vers Brest. peine do 6ixmoisà deux ans do prisonet do cinquante
Pendant lo parcours, s'était complètementressaisi,
' 11s'écriait a. cinq centsfrancs d'amende.
d'un ton goguenard, tout en regardant lo Commele voilleur do nuit élevait do véhémentes,
paysage:'
— Quandmême, c'est rien épatant do se balader en protestations, M. Bidard de la Noêy coupait court en
le faisnntemmenerà la maison d'arrêt.
automobileaux frais de la ptrincesso.Cela vaut rude- Maintenant,l'instruction nageait en plein chaos.
ment mieux quo le panier à saladeI Sans cesse il surgissait do nombreuxtémoins,qui,
mi C1UR1ES ET CHATIMENTS
non seulement so contredisaient entre eux, mais « - Mais ulors, denuyidnlt-ollo i\ Rl«Feillard,jl sera
allaient encore à l'ouoontivîles dépositionsacquises libre ce :nir; il va pouvoirm'accompugiior chez nous!
jusqu'à co jour, si bien que, eu désaccord avec les J'en suis bien heureuse, car j'ai reçu des mauvaise»
Pis
magistrats, inspecteursde lu hrigudomobilenbun- nouvellesdu mon mari qui u été si frappé pur Par-
donuuii'ut i'onquoie et Al, Bidard du lu Nue u'ulluil reslniiiiiide notre Louis; commoils vont eue hcuioux
plus avoir à compter une sur le concours de lu gui- tous—doux di; pouvoirs'embrasserI »
durnicric,de lu police localeet.., d? lul-inèmc, •i Aiudiuue,déclarait l'uvocnt,votre fils ne pourra
guère purlir avant lundi, car los conclusionsprises
le procureur do lu Bépubliquedoivent, en effet,
ïhlu-sublo, M. Bidard de lu' N'ùé'continuait à on" pur lu loi, être portées à lu connaisKuncede la
tendre de nouveaux témoins; car II en surgissait d'après civile faire oppositiondevant
encore iivoo une nboiiiluncoinépuisable. Il nous est purlio (pii peut, ello,
lu«chambredos mises en accusation.
y
impossible de les onuntérer tous, iur il.-;sont hop Maistrunquilllsez-vous, RI"»>Cudloune voudra pus,
nombreux,et lu plupart d'entre eux «ont «un* impor- j'en suis sur, encourir une puroille responsabilité. »
tunée.En tout cas, il est un luit C'est qu uu* « RI»Feillard ne se trompait pus, Lu partie civile,
cune de ces dépositionsn'apportacertain, lu en effet, déclarait lo jour mémo qu'elle no forait
et surtout le. moindre fuit nouveau moindrelumière
cupable de rap- mienne oppositiondevant lu chambre des mises on
porter lu ilièso de l'accusation. mais qu'elle insisterait cependantpar tous
De guerre lusse, 1» juge d'instruction fo décidait à accusation, les moyensde droit pour obtenir le renvoido l'nffuiro
à
procéder l'intorronatoire définitifdo l'inculpé. devant les assises; car ello estlntnit que, d'après les
De nouveau, il le questionnaitsur le revolver qu'il uciHisntioiis portées contre RLCudiou, un début s'Im-
avait acheté chez l'armurier Marie ot qui, jusuirù posaitpour justifier le directeurr'.olu Grand'Paluddos
présent, était demeuré intrauvnble. fautes dont il uvuit été ucctisé cl réhabiliter sa
—Je croyais bien, déclarait Pierre, avoir fuit l'ac- mémoire,
quisition de cette arme en Wll. Al.Manudit c'est A.»"-' Pierre, mère admirable, qui n'avait pas aban-
en mai l'.li:i,il doit se tromper. C'est bien en que 1912que donné un seul instant son fils, et pus un Instant
J'ul acheté ce revolver. n'avait cessé do croire on son innocence,s'écriait:
1).— Qu'i>st-ildevenu? — Enfin, nous approchonsde la fin 1 La justice vu
U. — Je l'ai vendu en iOllî! reconnaître-l'innocencede mon fils.,, cela no pouvait
D. — A date? so
B. — Enquelle terminer autrement.Riais suis heureuse quand
lévrier ou on murs, à un voyageur do com- mémo; inoii pauvro Louis vajedonc enfin pouvoir so
merce. remettre au travail et, mol, retourner près de mon
D. -- Son nom ? mari (pie j'ai du négliger pour noire pauvre petit et
IL — Je l'ignore. Ce,voyageurdevait avoir vingt-huit qui, très malado en co moment,réclame mes eolns...
ans environ, il était vêtu d'un sombre. Oh1 oui, suis heureuse', bien heureuse.,, ot jo
Quand il se présenta chez moi, il pardessus nie dit qu'il était compte lesJoheures cpii mo séparent do la journéo de,
représentant d'une maison d'huile, do savon et de domain.
café.— Lemardi 20mai, au boutdo cent dix lotus do capti-
D. — Pourquoi avez-vousvendu votro revolver? l'ingénieur Pierre étuit remis eu liberté. En sor-
U. Je voulaism'en débarrasser,parce quo lo cran vité, tant de lu prison, il allait so jeter dans les brusdo su
de sûreté n'était plus eu bon état, ,1em'exerçais à tirer mère et ce fut la plus admirabledes étreintes; puis.
sur une cible dans mon jardin, lorsque le voyageur se dirigeant vers l'envoyéspécial du Matin, H lui dit
est venu nie voir. C'est ce qui expliquequ'il m''u pro- en lui serrant la ninln :
posé— île racheter, « —Je dois des remerciementsà tout lo monde;
D. — Vousm'avez déjà dit coin... mais ce serait être singulièrementingrat quo de no
B. Je ne iJiiispas vous dire autre chose,monsieur pas placer le Matinaux premiersrangs do ceux à qui
le juge, sinon jo mentirais. dois une reconnaissanceéternelle. Le Matin,je lo
D. Je me refuse personnellementà croire que vous jo u travaillé pour lu manifestationdo la vérité, il
vous êtes débarrassé de votre revolver dans de telles sais, a redressé des enreurs, il a soutenu le courage dos
conditions, mions. C'ost de tout coeurque jo lui dis merci, merci
B. —C'est pourtant la vérité, lu seule vérité, je ns pour moi, merci pour ma mère, merci pour tous ceux
puis —vous dire nuire choseI me suiventdo près,
D. Lorsque lo i Janvier, vous êtes allé pour la qui « Je suis très heureuxdo qui (1erla prison, très heu-
première fois chez votre patron 0eu 1» compagnie do reux de morotrouvorleseul maîtredomoi-même.Cotlo
Al"»--Jacob, de ALJoneourt et de RI Léost, avez-vous joie, je l'éprouve non pus seulementpurcq que jo suis
remarqué les valises do AI.Cadiou? libre à nouveau,co qui est appréciablepourtant, mais

B. oui. (pie jo vais pouvoirparticiper plus activement
D.—.Suviez-vousce qu'elles contenaient? On pré- parce ii l'enquête ouverte par la justice, car, libre, il mo
tend que;ALCadiouavait l'habitudede renfermer des sera plus faciledo discuter,d'apporter mes preuvesou
dossiersdans ces valises. mes bref, do dire certaines Chosesqui
B. — Je ne vois pas quels auraient pu être ces n'ont réfutations, pas été dites encore,
papiers Importants... Je sais septembre,RL Ca- El RI"1'" Pierre ajoutait:
diou prit certains documentsqu'on fit chez lut. — Nous devons,on effet,beaucoupdo reconnaissance
Ces papiers n'avaient aucunequ'il porter
importance, les lettres an Matin,car U a fait beaucouppour nous ; je lie sois
établissant la faute d'Angoulêmoprésentaient seules commentvous exprimerma gratitude. Enfin,Louisva
un certain intérêt, mais elles n'oxlstaient plus depuis pouvoirprépororsa défense,car, monsieur, la liberté
longtemps; elles avalent été brûlées pur moi devunt çu ne suffit pns, il nous faut reconquérir l'honneur.
ALCadiou.
-- L'ingénieur Pierre POrendait ensuite en compagnie
D. Vous êtes retourné seul, le lendemain, chez de sa mère chez son défenseur, Rio Feillard, ot il
RLCadiou? faisait uux journalistes présents la déclaration sui-
B. —Jo suis allé, en effet, chez M, Cadioule 5 jan- vante:
vier —pour réparer lo téléphona. —Je remercielu presse,qui, par,ses investigations
I). Ou bien pour y prendre les documentsqui se minutieuses à empêcherplusieurs erreurs de témoi-
trouvaientdans les valises. et m'a enfin fait rendre à lu liberté après
B. Je proteste énergiquemontcontre cette accu- ganges
— quatre moisde détention...
sation. « Jo suis heureux pour mu pauvre mèiroqui vient
Ainsi qu'on le voit, RLBidard de la Noé attribuait de parcourir un si douloureux calvaire, pour mon
maintenantuu vol de ces papiers le mobile du crime. cher pero malade, pour tous mes parents et mes.amis,
Pout-ètroétait-ceoxact, puisque maintenant il appa- qui n'ont pu croire un seul Instant à ma culpabi-
raissait comme certain que los documentsavaient été lité.
soustraits chez RL'Cadlou; mais où était la preuve i II paraît que mon affaire a fuit couler beaucoup
que c'était l'ingénieur Pierre qui les uvait .dérobés? d'encre. Je n'ai pas lu encore un seul journal... Jo
Enfin, le 21 mai, lo chef du Parquet de lu cour remportedo mon séjour à la maison d'nrrôt unm'ont sou-
d'appel de Bennes intervenait le
pour (pie procureur venir reconnaissant pour mes gardiens qui
de la Bépublique do Brest requit do M, Bidard do. traité avec beaucoupde ménagemonls.
la Noéla mise en liberté provisoiredo l'inculpé. « J'ai rencontré dans mes co-détonusbeaucoupdo
Lo 2:t,Al"10Pierre qui était venue voir son fils, nous malheureux,de déshéritésdans'la vie... leur infortune
raconte lo Malin, apprenait cette bonne nouvelle: m'a aidé à supporterla mienno.
L'AFFAIRECADIOU 033

J'aperçus des cheveuxqui émergeaientde la terre. Épouvanté, je m'enfuis. (Page 23).


C3i CRIMESET CHATIMENTS
« J'ni lioituoouprélléchi et un peu travaille. Co fut uvec lui... co n'est pas mol qui al ti*oRI.Cadiou..,jo
pour mol uu réconfort. vous le JureI
^ Jo vais maintenant, avec lo concours do mon « Dire do semblableschosesest uno abomination.Jo
dévoué défenseur, RI« Feillard, devenu depuis mou n'ai jamais lovéla main sur personne,,,je serais Incu-
grand ami, chercher par tous les moyens u fairo lu nable de commettral'horrible forfait dont vous m'ac-
lumière, uvec l'espoir que la vérité ceinturauu jour. cusez,..
« Celui qui a enUaré mon ancien patron sous une «i l'obstiné magistrat étuit fort tenté do garder
couche de terre aussi superficiellevoulait que l'on devers lui cet accusé récalcitrant, il n'osa cependant,
retrouvât son cadavre pur l'odeur qui dovc\itfatale- lias donnersuite à son projet, et 11lo laissa retourner
ment s'en dégagerun Jour ou l'autre. u— Landorneau,
« Voilàce qui est certain...on a dit, si crime11y a, Patience, so disait RL Bidarddo la Noé,mainte-
que ce crimeétait un crime d'intellectuel. nant Jo no tarderai pas à (recevoirle rapport do
« Allons doncI Qu'on expliqua autrement que par RLKolm-Abrest, directeurdu laboratoirede toxicologie
a
des révélationsdo somnnuinule,comment,on si peu do Paris, qui été chargé pur nous d'examiner los
de temps, on a pu retrouver lo corps de mon malheu- vêtementsde Piorro et ceux de RLCadlou,ainsi que
reux patron, lu pioche trouvée dans le garage de l'ingénieur, Et
« Je ne veux toutefois apporter mes soupçons sur alors, rira bien qui rira lo dernier.
personne, sans avoir de preuves certaines,,. Jo vais Riaisle jugo d Instructionallait éprouver à co sujet
enfin pouvoir prendre un pou do repos et respirer sa mille ot unièmedéconvenueI
l'air pur des champs au milieu desquelsJ'ai si long- En effet,M, Guilomard,procureur do la Bépublique,
temps vécu et dont J'ai été privé. lo lendemain, lui remettait lo rapport do RL Kolm-
« Encoreune fois, merci à tous ceux qui ont songé Abrest qui, contrairement à son attente, conclua't,
à moi dans mu triste situation, » « qu'il existait sur le manche et lo for do la pioeno
« Quand cotte lecture fut terminée, nous raconto des traces do rouille, mais aucunotrnoodo sang; que,
notre confrère du Mlitln, qui pourrait s'enorgueillir sur lo couteau saisi sur M. Pierre par RI,Guilemard,
justement d'êire pour beaucoupdans la libérationde lo Jour do lu découvertedu cadavre, on ne relevait
l'ingénieur, RLPierre et su moreremontèrent rapide- aucune trace suspecte,pas plus on quo sur los vêtements
ment on nuto ot regagnèrentLanderneau. de RI,Pierre ; que, pur contra, rolovaltdes traces
« Quand ils arrivèrentdans cotte ville, brisés par les do sang sur lo côté gaucho du faux-coldo lu chemise
émotions do lu Journée, lis retrouvèrent tous leurs de RLCudiouot qu'on en voyait encoreà l'intérieur,,
nmls qui étuient arrivés pour fêtor lo retour do celui de la casquette
qu'ils considéraientcommoune victime, « Lo cadavre, ajoutait RL Kohn-Abrest,était enfoui
« Trois cents personnes s'étaient portées à la ren- dans un sol détrempépar la pluie; du sang coulantdo
contre do l'ingénieur; il fut accueillipur uno ovation lu blessuredo la gorgo a pu être entraîné pur lo ruis-
chaleureuse dont la spontanéité lo toucha. - sellementdos eaux, mais il est impossibled'en évaluer
« Ce fut ensuite, dans la salle à manger de l'hôtel la quantité: il existe,enfin, des éralluresavecentailles
où l'on sabla le Champagne,un long défilé do braves dans los vêtementsdo RLCadiou,»
gens qui venaientapporter à RI.Pierre leurs félicita- Quant au rapport de RLGrlvolat,armurier à Saint-
tions et leurs voeux.» avait été chargé par le Parquet do Brest
• Riais,il no faut pas so figurer que RI,Bidard do la Etienne,qui
d'expertlsorla balle trouvôodans lo cou do M. Cadlou,
Noéallait lâcher si facilementsa proie. Dès le lenrlo- il — déclarait :
maln, il convoquaitl'ingénieur Pierre pour lui faire Nous affirmons bien' quo la balle qui a tué
subir un nouvel interrogatoire. RI,Cudiouest do mémofabricationquo cellesvendues
Cottefois, l'Inculpése présentnltlibre au cabinet du pur l'armurier.Mûrie; c'est uno ballo blindée do
qui lui posait la questionsulvnnto: « vélo-dog», do cartottchcrlo française; mais cetto
—-Dd'instruction,
juge
ès lu disparitionde RI.Cadiou,vous avez laissé fabrication est si répanduo partout qu'on la trouve
entendre quo la situation financièrede l'usine était chez tous los armuriers.
mauvaiseet quo votre patron avait sans doute pris la No trouvant rien dans los pièces à convictionqui
fuite.— put apporter un peu de la lumièreet fournir une prouve
R. Je n'ai pas dit Qu'il avait pris la fuite. J'ai éclatante, RLBidardde Noôaurait dû, il nous ssm-
simplementdit quo c'était dans lo domninodes choses blo, rendre uno ordonnance do non-lieu...
possibles... Tout le monde on disait autant. Eh bien, pas du toutI Lo9 juillet, il adressaitlo dos-
« Quant à la questionbudgétaire,jo ne la connais- sier do l'inculpédevant la chambredès misesen accu-
sais qu'imparfaitement; j'ignorais avec qui mon sation do la cour d'appol do Bonnes.
patron devait partager les bénéfices. Lo 29 Juillet suivant, la chambrados mises on accu-

D, Vous visez encore les Allemands? Jo dois sation envoyaitl'ingénieur Pierre devantla cour d'us-
cependantvous faire remarquerquo si c'est par patrio- sises du Finistère,
tisme, ainsi que vous l'avez dit, quo vous avez Quelquesjours après, la grande guerre éclatait.
dénoncé RL Cadiou, vous consentiez à entrer chez RI. Pierre, mobilisé, rejoignait son régiment et ce
M. I.egrand. Or, RI. Legrand, vous lo savez, avait n'était que près de cinq ans après, c'est-à-direen mars
fondé sa sociétéavecles capitaux de la maisonThém- 1919,que l'inculpé do.M.Bidardde la Nobdevait com-
miug. — paraître devant le jury.
R. Jo considèreRI. Legrand commoun honnête Le principal accusateur do l'ingénieur était mort
homme. Sa société fut, en effet, fondée avec l'aide dans l'intervalle, laissant en guise de testamentun
d'industriels et d'Ingénieurs allemands, ot le gouver- acte d'accusationclanslequol il s'était efforcédo justi-
nement ne l'Ignorait pas. On voulait connaîtra, à co fier sa convictiondans la culpabilitédo LouisPlorrè.
momont,la fabricationallemande Cedocumentpouvaitse résumerainsi : « Piorrovou-
« Quant à l'usine do Daoulns,où l'on me proposait lait supprimer Cadloupour être le maître absoluà la
uno place d'ingénieur technique, elle est française... Grand'Palud; son plan avait été soigneusementples ré-
Les actionnaires sont très connus à Brest et à Lan- paré, U avait signalé au ministère do la Guerre
dorneau. malfaçons do fabrication du fulmicoton,causantain3i
D. Vous oubliezdonc lo contrat qui vous empê- do sérieux embarrasnu directeurdo la Grand'Palud.» .

chait, pendant une période do quinze ans, d'entrer Et c'était pour ainsi diro tout.
dans une usine similaire à celle de la Grand'Palud? Sur les instancesdo sa mère, Pierre qui attendait
R. RLBocherm'avait affirmé qu'il parlerait à ce avec impatiencel'heure des débats au grand jour,

sujet à RI.Cadlouet qu'il obtiendraitsons difficulté nvalt fait choix pourétait avocat de M«Henri P^bert qui,
l'annulation du contrat, l'usino de Dnottîasno devant plus quo tout autre, qualifiénon seulementpour
travailler à ce momentquo du lin et de l'étoupe. faire proclamerl'Innocencede son client mais encore
Brusquant soudainementson interrogatoire, M, Bi- pour débrouiller l'extraordinaire énigme qu'était l'as-
dard do la Noé se mettait à vaticiner: sassinat de RLCadiou. , t
— C'estvous qui aveztué RLCadiou; vous êtes sorti Voicice quo, lo 25 murs 1919,la mère do l'ingénieur
do l'usine ensemblele 30...vous avez gagné le bois.,. déclarait é l'un do nos confrèresdu Petit Parisien :
vous avez abattu votre patron d'un coup do revolver.,, —SI jo no croyaispoint à l'innocence do mon Louis,
et quand il a été à terre, commoil remuait encore, depuis longtempsje serais morte. Je suis neinéode le
vous lui avez tranché la gorge aveo votro couteauI voir accusé; mais je n'en ressens nullo honte Héri-
'•—C'est faux, s'écriait 1ingénieur, blême d'indigna- tier de touteuno llgnéod'honnêtesgens, dont l'unique
#tion et do colère. Jo no suis pas sorti de l'usino avec souci fut doIlfaire le bien autour d'eux, il ne saurait
M. Cadioulo 30,..Je no suis jamais allé dans le bois avoir failli, m'a dit qu'il n'avait rien à so reprocher,
-20-
L'AFFAIRECADIOU 035
lorsque Je l'ai interrogé,la premièrefols, avec touto dans leurs chambresoù jo les ai vues,Pas de doute
l'angoisse quo vous dgvlnoz.Lo coeurd'uno maman, là-dessus,
on pureillocirconstance,no peut être abusé, a Commopar hasard, ces doux officiersallemands
« Bien quo ma convictionsoit établie, j'ai connu los étuient Installésà moinsdu cinquantemétrosdo doux
tortures morales,Elles no
« J'at beaucoup rélléchl depuism'ont
pires
que
point ubultuo. ouvrages d'art, Un pont d'une urclio, et uu viaduc à
mon fils, voici trois archessur lequelpusse lu voie ferrée Brest-Paris
cinq ans bientôt,s'en est allé remplir tout simplement et dont la destructioneût été, pour longtempsirrépa-
son dovoir do soldat sans vouloirsolliciterlos rable, à cuuse île lu iiuturo du terrain
gatives de grades qu'eût pu lui conférer sonpréro- titre supportant les fondations, marécageuse
d'ancien élève do l'Ecole Centrale. « Commopar hasard,également,l'usinedo lu Palud,
« J'ai songé aux machinations ourdies traîtreuse- dirigée par deux Allemands,a fourni les niatiiirespre-
ment par les Bochespour nous amener, dans les con- mièresdont étalent
ditions les plus défavorables, uu conflit dont ils leur détlugraliunlesfulhs les poudresayant amené par
catastrophesdo Lugoubrunet do
avaient fixé l'heure à l'avance.
« Jo nie suis .souvenuequo la sociétéde lu Grand' 17e»«. « Que l'on no viennepas diro que c'est là une slmplo
ruluil était do colles qui n'avaient de français quo supposition. Tous les numéros dos lots sont connus;
l'étiquette,puisqu'elle duvuitaux Allemandsune lurgo on ne so trompepus sur un lot. Nousles connaissions.
part de sou capital.
a Toutesles malfaçonsdont Louisme pnrlalt si sou- J'affirma et de
même pouvoir préciser que ceux do Yléna
provenaientdu travail de jour de la
vent duns f-.oslettres d'uvniit-guerre,— malfaçonsqui Palud.Lagoubran Or, vousne l'Ignorezpus, on travaillaitjour et
provoquèrent,jo crois pouvoir l'affirmer, lu catas- nuit pour éviter les remises en train, qui eussent
trophe de Lngoubrau ot lu perte de Vlena ot de lu résulte d'un arrêt quotidien,
Liberté,— hantèrent mes insomnies,J'en arrivai à la •i Dès Jn nouvelle de la catastrophe,los ouvriersdo
convictionqu'elles avaientété voulues,ordonnéespur l'usine, et moi-même, avons penséaux livraisonsfuites
les bailleurs de fonds u'Outre-Bhin.Elles avaient été pur notre usineet nous avons frémi,je vousl'assure ;
dénoncéespar mon fils. mais il élnlt trop turd pour empêcher los désastres,
a Pour moi, c'est à lu suite de ces divulgationsque « Cependant, peu à peu, lu véritése fit jour, les pou-
fut décidéelu mort do Cadiou,rendu responsabledes dreries nationales, cello d'Angoulènioentre autres,
obstaclesdrosséscontre«lesdessoinsennemis. les fournitures do Ju Grand'Palud.11 y
« Pourvu qu'un ne sache pus trop tord qui a reçu la épluchèrent
eut des relus livraisonsdo plus on plus nombreux;
mission d'assassinerI Car un acquittement no tran- finalementlu doGrand'Pulud fut exclue des grandes
quilliserait pus ma consciencedo.mère, non plus quo adjudications.
celle de mon fils.Ce que nous souhaitons,c'est lu con- « Que se pnssa-t-ilalors? L'affaireétait au nom do
fusion des vrais coupables.
« Il futit quo l'opinion publique se remémore cir- RLCadioucl bien à lui ; de plus, il savait bien des
do choses; peut-êtremêmerolusa-t-11
tuins détails de l'affaire Cadiou,qu'elle s'y attarde, choses, beaucoup
des exigencesqu'en'bon Français il no pouvaitaccep-
qu'elle y réfléchisse ter I La guerre était déjà décidéepar l'Allemagne,le
« Voussouvient-Ilqlonguement.
uo lo caduvredu malheureuxfut temps pressait,ii fallait on finir, et on en a fini avec
retrouvé sous qtielqnos centimètresde terre, dans un RL Cadiou. Voilà mu conviction, conclut uvec forco
fossé d'écoulement? 11 n'était pas décomposé,Ses RI.RIarcou,»
vêtementsétuient it peine trempés; eût-il pu en être Ces intéressantesdéclarationssemblaientjeter, pour
ainsi, s'il uvuit séjournéplus do quatre semaines,là la première fois, un peu île lumière sur ce drame
où 11fut retrouvé?
« Je me souviens quo RL Vacheront,maire de La ténébreuxentre tous,
En tout cas, elles uvuiontuno doublesupérioritésur
Forêt, vint à cheval, et suivi de sa meute, chasser In thèse de l'uccusatlon,celle do la logique et do la
dans lo courant do janvier 1914à l'endroit précis où vraisemblance.
RI.Jean-MarioCadiou,sur les indications,suspectesà Nousirons même plus loin quo l'honorableRI.RIar-
bon droit, d'uno somnambulede Nancy,découvritau cou et nous pensonsque lo malheureuxCadiou,loin
bout do quelquesinstants la dépouille mortelledo son d'être lo complicedes Allemandsqui occupaientson
frôre. .
n Admottra-t-onencore quo lo flair des chiens n'eût usine et étalent entièrementresponsablesdu travail,
ignorait entièrementleurs agissements,et quo ce n'est
pas provoquéplus tôt la macabre exhumation,si lo qu'à lu suite do la dénonciationde son ingénieur nu
corps, ù cotte époque, so fût déjà trouvé enfoui? ministre de la Guerreau sujet do fautes dont il était
« Des Allemands-ont séjourné à Landerneau ou partiellement Innocent, et des conséquencesqui en
début do 1914.,,Croyez-moi,.. Eux seuls tiennent lo étaient résultéespour lui, qu'il commençaà voir clair
mystèro do lu Grand'Palud...Eux seuls pourraient duns lo jeu de certainesgens en,qui 11avait ou lo plus
expliquerla présencesur la routede Brest, à quelques grand tort do témoigneruno si grande confiance.
deux cents mètresdu petit boi6,d'une automobilequi Révoltédans son patriotisme,il dut avoir avec eux
stationnait un certain temps, ses feux éteints, dans la uno explicationdécisive, à la suito do laquelle ceux-
nuit du 2(5au 27 janvier. ci se virent dons l'obligationdo quitter l'usine. Riais
« J'ai confiancequo la vérité éclatera tin jour, et, commeil en savait trop long, on le supprima.Et l'on
ce jour-là, je désire do toute ma tendresse,de toute s'efforça, «fin do dérouter la justice, de diriger ses
ma ferveur, qu'il soit proche. » soupçons du côté de l'ingénieur Pierre.
Notre confrère (1)recevait ensuite les confidences Onvoit quo celteruse avait réussi.
sulvnntes de RL RIarcou,premier ouvrier de jour do Cependant, nous devons faire état de l'interview
l'usine de la Grand'Paludà l'époque du drame, qui donnéolo SBmars 1919par RI,.Piorro à un rédacteur
avait été entenduon dernierHeuà l'instruction : du Petit Parisien, Interviewquo nous nous faisonsun
.—RL Cadiou, disait-il, a été assassinéet probable- dovoirdo reproduire dans son intégrité :
ment pas à l'endroit où on a retrouvé le cadavre,Le « L'ancien collaborateurde RL Cadlou,on s'en sou-
cadavre était replié commosi on l'avait placé duns vient, dès 1914au 13° régiment d'artillerie
une malle. Je crois donc qu'on l'a tué loin de là, et et fut s'engagea vorsô dans les services automobiles; il fit là
qu'on l'a ramené près dola Grand'Palud,pour quo les simplementson dovoirjusqu'au 10mars courant,dato
soupçonspèsent sur Pierre.., de sa démobilisation.Bien qu'ingénieur,il ne conquit
«Le,., ou les assassins connaissnientadmirablement pas les galons d'officier, en raison do su mauvaise
la situation do l'usinier et do son Ingénieur.On les vuo ot surtout parce qu'il ne suivit pas les cours spé-
savait en termesassezfroids depuisl'histoiredes mal- ciuux.
façonstuéet l'on pouvait supposer aisément que Piorro « Nous l'avons retrouvé très calme, discutant sans,
avait par vengeance.Ce fut, d'ailleurs, la thèse do àpretô, sans la moindre rancoeur; et Dieu sait si,
M. Bidard de la Noé. autour de lui, les pussions furent déchaînéesen co
a Or, rappelez-vouslos conditionsdans lesquellesa petit coin do Bretagne où il nous recevaitjadis, pai-
été .crééet a fonctionnél'usine do la Palud. Les capi- sible,précis et froid,commoil l'est maintenantdevant
taux étaient do source allemande.Los deux rouages nous.
principaux de l'usine, le directeur ot l'Ingénieur, « Et méthodiquement,il commence:
étalent allemands. Tous deux étaient officiers do « — Ce que j'ai à dire porto sur trois points : l'in-
réserve dans l'armée allemande.Leurs photographies, fluence allemande à l'usine de la Grand'Palud,los
en tonue militaire, étalent accrooheei* en bonne,place malfaçonsque l'on a signalées,enfin lo décèsdrama-
tique do RI.Cadiou.
(1)M. René Millochau,du Petit Parisien. « Jo no vous dirai que peu de choses sur lo plan
27
G3Q CRIMESET CHATIMENTS
allemand do désorganisation de notre industrie en geiuicu à exercer? Que l'on mo diso lnquollo?
Franco, dès avant lu guerre; nuits jo puis vous affir- « Jo quittais M, Cudiou on Janvier 1914,mon traité
mer qu'à plusieurs reprises, j'nt note les effets de l'ac- étant arrivé à expiration, Jo n'avais rien à regretter,
tivité teutonneon ce sens, dans des endroits divers, et en ayant concluun nutro aveo un Industrieldu Finis-
particulièrement à Angoulème.» tère, lui aussi, qui m'assurait la situation modesteque
—-
a A quel propos? » «
« — Jo no puis, m'étendre là-dessus.Los Allemands J'ambitionnais.
« —Alors, pour quel motifvous n-t-onarrêté? »
ont proposeuno certaine marchandiseà un prix-telle- « —Jo l'Ignore, puisque l'on n'a jamais fourni de
ment inférieur nu cours qu'ils ont empêché la cons- preuves1 »
truction de l'usine destinéeà la fabriquer. » « — Riais vous devez fairo des suppositions,avoir
« — Pourquoi n'en avoir pas avisé les autorités dos soupçons? »
françaises
— ?» « A cotto question, RL Louis Pierre oppose d'abord
« J'attendais d'avoir doAfaits précis... Riais,on ce lo sllonco, puis, après réflexion, il répond on char-
concerne la n'ai rien ses phrases do sous-ontondus,do réticences :
do tel. Co quo joGrand'Palud,
qui je c'est
suis, par contre,
remarqué geant
quo les bail- « -— C'est là-bas, à lu Grand'Palud, que l'on peut
leurs de fonds étalent arrivés d'outrc-Bliin sous lo apprendre la vérité. J'affirme, moi, quo M,Cadioun'a
masque {l'Alsacien. été lue, qu'il s'est suicidé,
o A ce sujot, je serais curieux d'apprendre co qu'ils pas « — Pourquoi? demundoz-luaux du pays, »
Boutdevenus pondant la guerre ot quelle est, à pré- « — Sur quelle beso étnyez-vousgens vos affirmations? »
sent, leur attitude duns los provinces reprises. Il y u — AhI ceci est trop délient pour quo jo"m'engage
nvuit là, notamment, des gens do Bilhl, cercle de sur co terrain, Sachez une chose, c'est qu'il y a là-
Guebwiller,sur le co..iptodesquels l'aimerais à être dedansune haine contremol...
édifié. « Quelqu'un, à qui la disparition de RL Cadiou
a Passons aux malfaçons.Je n'ai pus ou à on cons- Importait, avait Intérêt à fuira croira quo j'étais son
tater dans la production à laquelle j'assistais ; la rai- meurtrier.On a distribué do l'argent pour forger une
son, c'est quo, chargé de vérifierlu fabrication,jo no opinion publique qui me fut défavorable,qui rejetât
pouvais accepterquo co qui étuit conforme au cahier sur mol la responsabilité d'un décos tragique, dont
<les charges. Los cotons livrés pur lu Grand'Palud j'étuis complètementinnocent,
n'ont donc en rien été, commele bruit on a couru, la « C'est tout-o uno machlnntion habilement ourdie,
cause dos catastrophesde Lugoubrun,do l'iéna et do conclut l'ingénieur, mais l'heure venue, j'on démon-',
la liberté. trorai l'nhominutlonet »
« J'en nrrivo enfin à l'affaire Cadlou proprement Lo23 septembre1919,l'inanité,,. la chambrados mises en accu-
dite. Lo directeur de la Grand'Palud disparaît ; on sation do Bonnes renvoyait l'Ingénieur Pierre devant
retrouve son cadavre ot on m'accuse de l'avoir tue. la cour d'appel de Qulmpor,pour inculpationd'assns-
Pourquoi? Avais-jecontre,lui une ruucuno? une ven- sinut; les*clébatsétaient fixés au SOoctobre suivant.

VII
— FAWLKSSK
n.Ncoun D'ASSISES. DEL'ACCUSATION,
Foncr.
— UNEVOYlNTK
DE-LADÉPENSE. RIEN.—
QUIN'ENTEND
INTERMÈDE —
COMIQUE. « J'AITROUVÉ —
t » UNm'Qtil-
SITOIRE —
MODÈRE...— SUPERBE PLAIDOIRIE
DEM"HENRI
— IE
R0IIERT. ACQUITTÉ. VRAICOUPABLE???...
Le 21octobre,RLLouisPierre se présentait au paluis patron avait dû être assassinélo 20; or, nous avons la
de justice de Quimper ot était écrouésur sa demande, preuve qu'il était à Landorneauet à lu Grand'Palud
A la date fixée, l'audience était ouverte à midi. 1030uu matin.
M«MnuricoFlaclt so portait partie civilo au nom do « Nous savons quel costumeil a revêtu co jour-là,'
M"»*Cudiou,Rl° Henri Robert occupait lo banc do la celui mémo qui recouvrait son cadavre un mois plus
défense, tard. 11uvait annoncé son intentionde revenir lo soir.
Une nombreuseassistanceso pressait aux assises do 11uvait déjeuné d'un tapioca au lait, Détail impor-
Quimper; l'ingénieur Pierre qui avait coupé su barbe, tant, on retrouva du laitage dans son intestin h l'au-
ne portait plus que des moustaches,paraissait extrê- topsie.
mement calme, et co fut avec une grande sérénité, ui Tranquillement,Piorro répliquait :
hommemaitro et sûr de lui, qu'il promena sur l'audi- — Jo n'ai rlon à dire là-dessus,mais je répète qu'il
toire sos abrités derrière rie largos lunettes, y a des écritures établissant quoiRI, Cadioun'a pas
— Vousyeuxvous nppolez Pierre (Louis-Déslré) ; vous .paru le 30fut bureau,
êtes ingénieur,ûgô do trente-septans, autrefois domi- « Dos écritures,j'insiste, non des souvenirs.
cilié à la Foi-estet aujourd'hui à Lyon,1, ruo do .Saint- « Los témoins so trompent,
Nicolas.Je dois d'abord faire connaître à messieurs D. — Et les trois autres témoins qui vous , ont vu '
les jurés votro caractère, vos habitudes sociales, vos pénétrer avec Cadiou, le 30, à onze heures, dans lo
moeurs.On vous représentocommosournois, ne regar- bois où l'on découvrirason corps,
dant —jnmuis en face. —Ils se trompent aussi,
R, —
R. Rtuvue est mauvaise, j'y vois mieux on regar- D, Quoi a été l'emploi do votre temps pondant la
dant —de côté. journée du 30?
D. Vous êtes aussi très réfléchi,très calculateur, —
IL Au bout de six ans, monsieur le Président,Je
doué d'une grande force physique; vous seriez aussi ne m'en souviens pas.
très brutal ; on vous accuse d avoir, sans nécessité, t Tout ce que jo puis vous dire, c'est quo si des
tué le chat de l'usine. Les témoins prétendent vous témoins prétendent'tn'avoir vu avec M. Cadiou à la
avoir entendudiro : dutodu 30, il y on a d'autres qui affirmentqu'ils ond
« — Si Cadlouveut m'ombêter,je le fous à l'eau | » vu M. Cadiou à Morlaix et à Saint-Pol-de-Lêon,U
M« Henri-Robertintervenait : 31décembreet le-lopJanvier. Coqui prouve quo, con-
— Il y a aussi au dossier d'autres renseignements; trairement à co quo soutient l'accusation, M, Cadiou
ceux-là représentent Pierre comme « servlnblo, doux était—encore vivant ces deux jours-là.
et très correctI » ainsi s'exprima notammentle maire D. Ces dépositions sont d'importance Inégales.
de Landorneau. Nousles entendrons.
Lo président rappelait ensuite à l'Inculpé los rap- « Autro charge,.. N'avez-vouspas dit, non plus, dans
ports entre M. Cadlou et son ingénieur. Puis, après cortutnes circonstances,quo vous,tueriez un homme
avoir rappelé que do nombreux témoins prétendaient commeuno
— mouche.
l'avoir aperçu le 13 décembre 1913à l'usino «de la R. — Je lo dirais encore maintenant.
Grand'Palud,.sur la route,en compagniode son patron, D. Quand on a découvert lo cadavro do votre
il .précisait: '. patron, vous avez paru très ému.
— A l'instruction, vous avez affirmé que votre —
R. Qui no l'eût été à ma place?
L'AFFAIRECADIOU 037
D. —Votro attitude a paru il certains des plus « Affolé,jo courus chez Pierre. Il a été lnt-mêmo
embarrassée, très ému, et pftlo comme un mort il a couru vors
-—
R. C'est uffairo d'interprétation. J'étais surtout l'usineet il a aidé à l'exhumationde?monfrère.
très sincèrement affecté. Après avoir entendu quelquestémoinosans impor-
D. —Commentoxpliquoz-vous quo vous ayiez ou on tance, RI"1 0I.egost, l'emmode méuugedo RI, Cudlou,
votropossessionun rovolveridentiqueà celui qui ser- précisait — :
vit au crlmo,des ballesnon seulementdo mémofabri- J'affirme quo RI. Cadlou n'avuit fait dnns son
cation, mais présentant los mêmes défauts, fait excep- appartement de Landoineau aucun préparât11' do
tionnel, ainsi que l'établit lo rapport do RI.Grivolut. départ. Après sa mort, Pierre pénétra seul duns l'ap-

R, Je maintiens avoir cédé en février 101:1lo partomont.
rovolver acheté par mol chez l'armurier RIaile, do D, —Pensez-vousqu'il ait pu fairo disparaître cer-
Landorneau,à un voyugeurdont jo ne sais pas lo tifias— dossiers?
nom.— R. Je no peux rien dire.
D. Copondunt, en novembre,vous écriviezà votre Venaientensuite!de nombreuxtémoins, dont quel-
ami — Faucon: u Je portosur moiun rigolo.» ques-unsno purlalontquo lo Breton,ce qui n'était pus
R. J'ul écritcela pour faire lo fanfaron. luit précisémentpour abréger et clarifier les débuts.
Sommotoute,lo président,dans un vérltuhlorésumé En réulité,aucun d'entre eux no pouvait Wonpréci-
très long, très diffus et très inconsistant,no taisait ser ; plusieursse contredisaient,en un véritablechaos,
quo reproduirelos accusations qui avalentété portées où il était d'ailleurs impossibledo découvrirnucuno
lo
contrel'accuséen 1914par juge d'Instruction Bidard charge sérieusecontre l'accusé.
do lu Noë,co qui lui attirait le très légitimeroprocho A l'audience suivante, plusieursouvriersdo l'usino
do RioHenri-Robert,de vouloirrétablir l'usage do ces do la Grand'Palud venaient déclarer qu'ils avaient
résumésqui avalentété interdit pur la loi do 188;». aperçu Cadiouà l'usine le 30 au matin, mais qu'Us
—-Pour mol,ajoutait-il,jo n'ai pour l'Instant qu'une no pouvaientpas affirmerque c'était en compagniedo
chose à diro, c'ost qu'après avoir recueillitoutes les Pierre.
charges énumérôossi complètementpar RLlo Prési- Lo contremaître Bignard maintenait co qu'il avait
dent, los magistrats,dès 1911,ont mis Piorro ou liberté dit—àLe l'instruction:
provisoire. 30, j'ai vu RL Pierre quitter l'usino avec
' Onentendaitensuite les témoins, M. Cudlouet rentrée à l'usino A midi moins ciliq,
Presquetousleurscommençaientà déclarerqu'au bout do contre —
D, Avez-vousentenduPiorroproférerdes menaces
tant do temps, souvenirsne pouvaientêtre qu'as- — RI, Cadiou?
sez confus. R. Oui, Piorromo dit un jour :
CoponduntavoirRL Rlennessier,commissaire spécial à —
« Si je suis obligé do m'en aller, jo flanquerai
Brest,après rappelétous les détails de l'enquêto Cudlouà l'eau I «
qu'il avait falto au momentdu crime,ajoutait : « Il disait aussi :
—Pierre avait partie liée avec RI. Legrand ot « —Moi,jo tuerais un hommecommeuno moucheI »
Rocher,concurrentset mêmeennemisdo RI.Cadiou. « Il était brutal et emporté.
Lo présidentdonnait alors lecture do la déposition On abordaitensuite l'incident dit « de la somnam-
de RLLegrandqui, malado, n'avuit pu venir à l'au- bule do Nancy ». On entendaitd'nbord M™Guille-
dience : min, qui d'accord avec Rt'»«Suinby, avait envoyé h

a Oui, déclarait le témoin, j'ai été le?fondateur lu voynuto différents objets ayant appartenus à
do la Grand'Palud; j'avais pour commanditaires Ri. Cadiou,
MM.Teimming ot Falen-Rlarckdo Rianheim; muis — Lo présidentlui déclarait :
onvioux,ils m'ont obligéà vendrel'uffairo. Ona prétendu quo cet épisodedo lu somnambule
a Plus tard, quand RI.Cadlou,dégoûtélui aussi par était uno comédioorganisée} pour découvrirlo corpslà
des campagnesanalogues,exprima l'intentionde pns- où—l'on suvnitqu'il était cuohé,
seirla main à d'autres, j'essayai de reconstituerune Oh1non, monsieur,protestaitlo témoinavecindi-
nouvellesociété. gnation; jo no me sorai jamais p'ètée à une pnreillu
« Jo n'y réussis pas. Je vous affirmequo jo no fis chose1
rion par ailleurs, A MmoSainby qui lui succédaitot qui, avec forcé
M. Logrand disait encore: détail, racontait son entrevue*avec RP»uHoffmann,lo
~ La première société do la Grand'Palud était présidentdemandait:
oculto,puisquej'étais seul on nom.11est vrai quo j'ai — Alors,madnmo,vous avezconfianceon des som-
menaoôRLCadioudo fairo connaîtrele caractère mi- nambules?
allemanddo la'société, B. —Riais,monsieur, c'est mon droit1
RLRocher,associédo RLLogrand,décédéà co Jour, D. —No pensez-vouspn.savoir mis vous-même,par
avait laissé la dépositionsuivante : d'involontairesindiscrétions,RI«"Hoffmann sur la
— Quandjo fondaisavec Legrandl'usino do Dalotius voie de la vérité,
qui dovait concurrencercellede la Grand'Palud,nous — RI1110Sainbyprotestaitdo nouveauaveoénergie :
voulantes engager Pierre comme ingénieur; il nous Non, monsieurlo président,Ri™Hoffmannétait
promit qu'il soraità libre lodéclarait:
lor mars 1914. endormieet tout est venu d'elle-même,
M. Joan, notaire Brest, Un grand mouvementd'attentionun peu ironiquoso
—•Cadiounous montra un jour un dossiervolumi- produisaitdans l'auditoire,La somnambuledo Nancy
neux ; il mo dit : venait d'apparaître.
« Si l'on connaissait ces pièces, il m'arriverait Ello s'avançait, l'air digne, solennelmémo; et con-

malheur. » vaincue do la réalité du pouvoir merveilleuxqu'elle
0
On entendaitensuite RI1" veuve Cadiouqui protes- exerçait moyennant d'honnêtes,bénéfices:
tait contra los bruits diffamatoiresqu'on avait fait — est
Quelle votro profession?
Lo
circuler sur son compte, président la rassurait en — Somnambulo I répliquait sans hésiter la voyante*
lui. disant : do Nancy.
— Vousêtes, madame, au-dessusdo tout soupçon. D. — De quoi vous occupez-vous principalement?"
Nuln'est à l'abri CIQS racontars ot des calomnies, m ais R, •— Je no travaille que dans la recherchade l'as-
vous êtes bien au-dessusdo cela I Je tiens à vous sassinat.
rendrecet hommage. D.— Depuisquand exercoz-vouscotte profession?
Puis, il lui demandait : R. — 11y a si longtempsquo jo no m'en souviens,
—Vous doyez savoir que des témoins affirment plus,
avoir vu votromari à Rlorlaix,le 1erjanvier? D.—Vousrappoloz-vousl'enlrcvuo que vous avez
' — Rf<»°Cadiourépondait : eue aveo Mm°Sainby? ,
Ils so trompent. —
R, Tout ce quo jo puis vousdiro, monsieurle pré-
Son beau-frère,M, Jean-MarieCadiou,lui succédait sident,c'est que c'est ma marraino,commod'ha'bitudo,
à la barre. Aprèslui avoir rappelé l'Interventiondo qui m'a endormio.Quandje me suis réveillôo,j'avais
la— somnambulede -Nancy,il racontait : des larmes pleins les yeux. Riaisjo ne mo souviens
J'ai suivi sesindications; j'ai fait lo tour du bois,- jamais de co quo j'ai vi en état do sommeil.Jo no sais
suivant partout, et c'ost en revenant à mon point do si ce sont mes propres révélationsque ma clientem'a
départ que, du bout de mon bAton,j'ai ramené des racontées.
débris do vêtements; j'ai fouillé la terre avec mes D. —Personne ne vous avait fourni los renseigne»
mains, à trente centimètres,environde profondeur.Lo mentssur —
le crimede la Grand:Palud?
cadavre est apparu. R. OliI personne.
033 CRIR1F.S ET CHATIMENTS
Lo présidentno jugea pas utile de poussercet inter- sièmeso précipitasur lo marchepiod et fit foudo son
rogatoire plus, loin que lo juge d'instructionno l'avait revolver,nltolguiiltRI.Cudlounu visage.
fait, lui-même. « Pour mol, je lus cnlovépur doux autres bandits
On entendaitensuitelos témoinsà décharge. vêtus do soutanes,Lu tête rocouvottod'un capuchon;
Lo premier était Rl">u Pierre, lu feiumodo l'accus-'ê, ils mofirent respirerun ilucondo jo no suis quoi,,.Jo
qui n était mura que la sympathiqueRl"ûJuzouu,qui, no repris mes sons que quelquesheuresaprès, à Clé-
au montentde son arrestation, avait témoignéau der, chezlos sieursdu RLCadiou.
jeune ingénieur uno confiancesi entière, en même « En nie réveillant,Je trouvaisdans ma pochoun
admirablodévouement. sac contenantvingt inillofrancsonor, Riaisj'avais ou
—Je qu'un
temps no doute pus, déeuiruit-olloavec formeté,do lo temps do reconnaîtrel'assassin, C'ost uu Corso,
l'innocencede mon mari. Je sais qu'il était en mau- nommé Filippi.
vais rapport avec RL Cudlou,mais U ne demandait Nousdevonsdiro quo personnen'avait accordéuno
qu'à se séparer de son patron. importanceà ces déclarationssi mélodrama-
Venait ensuite, lo veilleur do nuit Bossard, quo giundo ot si tardives.
RLBidard de lu Noouvuit fait arrêter, on s'en sou- tiques Copondunt, le présidentuvuitfait rechercherle stour
vient, pour des motifs vraiment très et
futiles qu'on Tonardet celui-ci,retrouvénon «unspeine,était enfin
uvaitdû ensuiteremettraen liberté, amenéà
—J'ai, lu barre:
Tous ces avatars avaient neliové do mettra en disait-il,rencontréRL Cadiousur la routo
déroutel'intellectdéjà amoindride ce pauvre diublo do Rlorlaixà Brest,Il m'a pris diinssu voiture; à un
ne
qui put tenir devantla Couret lo des .
jury que pin- moment,six bonshommes u'nrrivor; l'un d'eux a tiré
pos d'une telle Incohérenceque l'uccusnlionot la sur RL Cadlou,il y uvuitdeux prêtres, l'un, gros et.
défenseso mirent d'accord pour no pus retenir sa rougo que jo no connaissaispus; l'autre, qui éinit
il;; .vjj;--;-i. sûrement RL Léon, lo routeur du Cléder,Celui-cia
M, Nicolas (do Rlorlaix)rappelait : enlovéson masquaot m'a saisi lqs ninins,C'ost.lui qui
— J'ai lu certituded'avoir vu RLCudiouà lu garo m'a fait respirer chloroformeJ'ai mes sons
de Rlorlaixvors dix-huit heures. Jo l'ai simplement un pou plus tard,duchez M"08Cudlou,àrepris Cléder.
salué, Jo ne lui ni rlon dit. Rlonnssocié,Lo Rleiller, « En rentrant choz moi, Jo vis un hommoqui me
qui est restéuveclui et lui u parlé. dit :
—m'accompagnait,
Jo tiens à faire remarquer,notaitRI<> Henri-Robert, « —Si tu parles, on to tuera, »
quo les souvenirs de RL Nicolas,juge au tribunal do « Et j'ai trouvédansma pocheun sac qui contenait
Commercedo Brest, étuient d'abord imprécis. Lo vingt inillo francs en louis d'or. On les a comptés <J
témoinno savait pus exactementla dato à Jaquolloil chezmu tante. «
avait rencontréCadiou. —Jo mo demanda,messieurs,faisait lo présidant,si
« Il so rappelait seulementavoir, co jour-là, signé c'est la peine d'insister?
une pièce en l'étude do RioErussnrt, On a vérifié; — Non,répondait on mémotemps l'avocat général,
l'netoest du 31décembre. RI°HenriRobertet Ri»MauriceFlach.
RLNicolasreconnaissait : On revenait ensuite à des choses plus sérieuses.-
~ En effet, Jo n'ai rendu qu'une vlsltoà RI»Erus- RioDu
sart. Plessts, avocat à Rlorlaix, venait exprimer
RI.LeRleillerdéclaraità sontour : l'avis appuyé d'ailleurssur des faits indéniables,que
—Je no peux préciserlu datoà laquellejo me suis l'Instructionn'avuit pas été menéoavec partialité.
entretenuà la gare de Rlorlaixuvec M. Cadiou,mais légiste, On entendait ensuite lo docteur Paul, médocln
do lu façon lu plus absolueque cet entretien de bos opérations qui no faisnlt quo confirmerles conclusions
j'afflrmo niédicaloset lo docteur Roussouu
a eu lieu lo jour où RI. Nicolass'est rendu chez qui uvait fuit la premièreautopsto do Cudiou,
RioErussnrt. Lo docteur Rousseau ollnit provoquerun incident
RI°Erussart appuyait ces doux dépositionsen ces qui, sur lo premiermoment,apparaissait d'unogravité
tormos :
—Lo 31 décembre,j'avais rendez-vousdans mon exceptionnelle.
étude à RIorlulxavec RI. LouisNicolas,Il arriva on fut—déshabillé Les souliersdu mort, disait-il,au momentoù il
pour l'autopsie,portaient encore des
retard, versdlx-hultheuresquarante,Il nous dit, pour débris do coton.
s'excuser,qu'il avait attenduson associé,lequel cau- Immédiatement, l'avocat général Cazenavette
sait avec Ri.Cadiou,En co qui concernela date, pas s'écrinlt:
d'erreur possible,mes livresen font foi. — Si Cudiou, uu moment do sa mort, avolt aux
RI.Lo Gall, chef de bureau à l'hospicedo Rlorlaix, plods dos débrisdo coton,cqla serait lu preuvequ'il
dipcr.vt :
—J'en rencontréCadloulo 1" janvier à Salnt-Pol- sortaitdo l'usino,car co cotonno pouvaitprovenirdo
de-Léon. Il arrivait avecsu bicyclette.Jo lui dis.: Rlorlaix.
« —Bonjour CadiouI » Sur l'ordredu président,on prenait dansuno caisse
« Il me répandit: déposéo sur la table dos pièces à conviction,la paire
« —BonjourLoGallI « do chaussuresdo la victimo, et l'on constatait,au
D. —Commentexpliquez-vous que personneparmi milieu d'uno émotionconsidérable,quo dos fibresdo
les amis de Cadlouà Rlorlaix,ne l'ait rencontrélo coton Rio
adliéraientcnco.roau cuir,
1" janvier? Henri-Robert, qui partageaitla surprisegénérale,
R. —Je n'ai pas à m'oxpliquer.J'ai vu Cadlou,j'en s'écriait: —Mil'on doitfaire état do l'incident,je réclameun
suis certain,jo lo jura. d'informations.
RI.RonôLo Gall,médecindo la marine, filsdu pré- supplément Riaisla courdécidaitdo passer outreaux débats,
cédent témoin, déclarait :
—Lo l" janvier, à Saint-Pol-de-Lôon, j'ai vu mon Et lo docteurPaul était entendu.
père parler à un monsieurque je no conalssaispas. vit« Alors, nous racontel'envoyéspécial du Matin,on
RI°Henri-Robertprendre un air soucieuxet se
Monpère m'a dit ensuite :
« C'estRLCadiou;j'affirmeque cettorencontras'est plonger.dans son dossier.Il en sortira tout ù l'heure
produitele 1erjanvier, avecune explication do joio.
Douxtémoins,venaient certifierqu'ils avaient ren- du« docteur — J'ai trouvé1 s'écrlait-il, au grand étonnoment
contréRI.Cadiou,à RIorlulx,le lor janvier. Paul, interrompudans uno démonstration,
Ainsi qu'on s'y attendait certainement,d'après ces technique, doncdôcouvortl'habilebâtonnier? Une petite
témoignages si nets, si explicites,l'accusationvenait « Qu'adans lo rapport du cliimlstoKohn-Abrest.
de recevoirun coup important. phrase
Le lendemain,dès le début do l'audience,un inter- « J'ai, rolato cot expert,nettoyéles ohaussuresqui
mède,plutôt comique,se produisait. m'étaient soumisesavec un tampon d'ouato,»
Le jour de l'ouverturedes débats,un nomméGabriel —Maintenant, concluaitRioles Henri-Robort,je suis,
Tonardavait déclaréà l'qnvoyé du Matin : tranqulllo, ot vous, messieurs jurés, aussi,
—Je connaisl'assassin.A une date que je no puis On entendait, ensuite, RLl'abbé Léon, roctour du
déterminer,jo mo rendaisà pied do Rlorlaixà Brest. Cléder,quo lo témoinTonard avait mis en cause nu
Je croisâtsur la route M, Cudiou.Il éinlt on voiture débutdo l'audience.
découverte.Il m'offrit une place près do lui. Tout à L'honorableecclésiastiquequi ne manifestaitaucune
coup, à l'endroit ou la routo forme un plan incliné mauvaise humeur d'avoir été mis en cause par ce
couvertde bois taillés, six individustomberontsur témoin aussi Imaginatifqu'inattendu, déclaraitaveo
lui, Deuxd'entre eux arrêtèrentson cheval; un troi- bonhomie:
-30-
L'AFFAIRECADIOU C3!>
— Tonard m'a écrit pour mo demanderdo l'argent. témoins à la sincérité desquels lo ministère publie,,
Je—lo crois déséquilibra, loyalement, avait renduun public hommiigo.
Rlolaussi, acquiesçaitlo président, Excusez-nous — Rlessioursles jurés, s'écriait RIa Henri-Robert,
do vous avoir dérangé, l'affaire Pierre sera terminéeco soir. Jo dis l'affaire
L'oxpertKolm-Abrast vouaitconfirmerlo passagedo Pierre et non l'affaireCadiou,Colle-làcontinuera.La
son rapport concernant los chaussures du M. Cudiou justice n dix ans pour rechercher le vrai coupable.
et dont RI»IIcnri-Robertvenait do fairo si heureuse- Quant à l'accusé d'aujourd'hui,BUcause n'a-t-ollepas
ment état. été jugéo ot-décidéoen su faveur?
-- Ces fibres, déclarait-il, proviennent do l'ouata « Lorsquo les magistrats du Brest, librement,spon-
dont jo me suis servi pour nettoyer les brodequins. tanément,en 19H,ont mis Pierre en liberté, ils ont
Enfin,RLGrlvolat,expert armurier, se livrait à uno par cola mémouvouéle douto qui obsédaitleur cons-
longuo démonstrationeu vue dans laquelle il s'effor- cience,
çait do démontrer la similitudeabsoluedu projoctilo « Lu défense no s'est permis qu'une hypothèse:
retrouvé pur lo docteur Paul dans le cudavrodo était-ildoncsi invraisemblabled'admettred'autre cou-
Cadlouot dos bulles achetéespar l'inculpé, pable quo l'ingénieur?
Rtuls il s'empressait d'ajouter, ainsi qu'il l'avnlt « Roppelez-voiis le mot du député Cloarec,mot dont
déjà déclaré dans son rapport, qu'il oxlslnlt duns lo l'authenticitén'est pas douteuse:

commercedes revolverset dos'ballesdo coltocatégorie « Cadlouu été tué pur des ennemis politiques,r>
on si grand nombre qu'il n'y avait rien d'étonnant à « SI l'on rapproche co mot du propos tenu par
co quo l'accusé eh ont à sa disposition.Riais qu'on M. — Logrand, le prèle-nomdo l'AllemandTonimlng:
tout cas c'était insuffisant pour prouver quo c était u 11faut que Cadiou disparaisse par tous los
lui qui avait tué RLCadiou. moyens», no peul-'onpus se demandersi la main do
Après launo suspension do l'audience, lo 1président l'Allemandn'est pas dans le crime,
donnait parole à U° Flacli,au nom double "
do RI» Cadiou. » Cudioua sans doute payé do sa vie sa résolution
— RIa cliente, attaqualt-il, a un dovoir: fermo ot déjà en parllo rénllséede no plus être l'as-
défendralu mémoirede son mari que Piorro n'a pas socié,c'est-à-direl'esclavedes Allemands,
craint do diffamer, sinon devant lo jury, uu moins Do chaleureux applaudissementss'élevaient dans
pondant l'instruction do l'affaire; ot puis, affirmer, l'auditoire; lo présidents'empressaitdo los réprimer,
crier bien haut mu convictionpersistante: Ploiro est puis — demandaità l'accusé:
l'assassin do Cudiou. Piorro, avez-vousquolquo chose à ajouter pour
Avecson tnlont habituel, RI°RluurlcoFlr.ch,dont la votro défense?
tftclio,ainsi qu'on vient do lo voir d'après los débals, Pierre se lovait et, très ému cetto fols, il s'écriait
était singulièrementardue, s'efforçait do fairo parta- d'uno — voixvibrante:
ger sa convictionaux juges, Messieurslos Jurés,jo jura devant Dieuet sur la
Vers dlx-soptheures. M, Cozonnvotto,procureur do têto do mon enfant, quojo suis innocentI...
la— République, entamaitson réquisitoire: Lo jury so retirait aussitôt dans la chambre des
Jo suis ici, disait-il, pour défendra la justlco libérations;nu boutd'un quart d'heure, il en revenait
contre les critiques acorbes,dont ollo a été l'objet uu avec un verdict d'acquittement,qui était accueillipur
eujot do l'instruction et pour démontrerla culpabilité uno ovation d'enthousiasmeet, définitivement,cetto
do l'accusé, fois, l'innocentétait remis on liberté.
Aprèsavoir retracé un portrait assez sévèredo l'ac- Contlnua-t-on,uinsi quo Rl° Henri-Robertl'uvuit
cusé, l'orateur examinaitlonguementles originesallô- souhaité, à rechercher lo véritable assassin do
mandes do l'usine do la RI. Cudiou; nous l'espéronspour l'honneur de ceux
—Pour uno aumônedoGrand'Palud. ,
quatre mille francs par nn, qui ont missionde défendrelu Sociétéet do punir lo
un Français s'est trouvé qui prêta son nom à l'en- crime.
nemi, C'est le nomméRI, Logrand.Complicité? Non, Toujours est-U quo lo ou les assassins démoliront
mais uno inconcevablelégèreté. Quant à RL Cadlou, Introuvablesot que lo mystère de la Grand'Palud,
aucun reproche à lui fairo au point do vue national: judiciairement,no fut jamais éclairai.
non seulement11ne collaborapas uvecl'ennemi,mais Il est hors do doute,quo si, dès lo débutdo l'affaire,
il fit tout pour l'exclurado l'usino.RI.Cadiouétait un lo juge d'instruction avait conduit autrement son
honnête homme; personne no me démentira. enquête ot ne s'était pas acharné sur uno fausse piste
Après avoir onnlysé les rapports qui avalent existé qui devait aboutir au véritable martyre d'un honnêto
entra Cadlouet Piorrod'une part, ot Pierre ot Logrand homme, l'énigmo oût été plus promptementdissipée
do l'autre, rappelé le conflit qui uvuit éclaté entre quo certains ont bien voulu lo prétendra; et la décou-
Cadlouot l'ingénieur, l'avocat général s'efforçait do verte du ou des nssassin'sdo RI. Cudloun'eût pas
mettre en valeur les charges quo lo Juge d'instruction manqué do projeter une utile lumière sur les agisse-
avait rassembléescontre l'accusé. ments des Allemandsen Franco pondant cetto.pérlodo
Riais, avec uno grande impartialité, il concluait: si troublante do l'immédiateavant-guerre.
— Si je garde l'impressionpersonnelle que Pierre Il est certain qu'au boutdo six ans ot-surtout après
est coupable,jo ne m'étonne pus qu'on présence do los formidables événements qui avaient bouleversé
tant d'obscurité et tant do contradictions,de bons l'Europe ot mémolo mondeentier, il était difficiledo
esprits aient conçu une opinioncontraire,Jo n'en per- prendra et de renouer un fil brisé par la tempête;
slsto pns moinsà demanderlo châtimentdo celui quo aussi nous estimons quo les responsabilitésqu'ont
jo«considèrecommel'assassindo son patron. encouruesau cours do cetto affaire los représentants
Riais,maintenant, quello sera la sanction? de la justice, incombentsurtout à ceux qui, dès lo
. « Piorro est poursuivi non pour assassinat mais début, so sont si lamentablementtrompés ot, avec la
pour meurtre simple; lu peineau serait donc au maxi- plus regrettable des obstinations, so sont refusés à
mum dos travaux forcésà vie, minimumcinq ans reconnaîtraleur erreur.
de réclusion, Je laissa à votro conscience,messieurs SI cos lignes tombent jamais sous los yeux de
los jurés, le soin d'accorderou,do refuser les circons- RL Pierre, qu'il reçoive"ici toute l'expressionde la
tances atténuantesà l'inculpé. part très vivo que nous avons prise à son véritable
RLCazenavcttoterminait ainsi sa : calvaire et de la joie très vivo que nous a causé sa
— Il y a, messieurs,dans lu salle harangue
ou aux environs, trop tardiveréhabilitation. .
une veuve et.un orplïelin.11y a aussi la femmed'un
homme qui encourt une condamnationgruve; pour
les uns commolos autres, jo prie lo public d'écouter PIECEANNEXE
le verdict qui va être rendu,quel qu'il soit,en silence,
avec respect. Nous communiquonsh nos lectrices et h nos lec-
A la reprise do l'audience,RI«Henri-Robertpronon- teurs quelques extraits du réquisitoire do RI. BidaTd
çait un de ces beaux plaidoyersde son admirablecar- de la Noooù l'on verra comblon,parfois, sont,expo-
rière. sés la liberté et l'honneurd'un citoyen:
Avecuno loglquoéblouissante,une précision beau- ... « Des recherchesfaitos pour découvrirRL Louis
coup plus Impressionnanteque les périodes enflam- Cadioudemeuraient toujours infructueuses,bien quo
méesou los développementsplus ou moins littéraires l'enquôtooût établi que celui-ciavait été vu pour la
dont abusent tant d'avocatsde cour d'assises, l'érni- dernière fols à Landorneaule 30 décembre.La presso
nont bâtonnier commençaitpur établir d'uno façon ot Pierre tout lo premier colportaientsur son compto
indiscutablel'alibi quo Pierre avait invoqué dès le les bruits les plus défavorablesot les plus contradic-
premier jour, et qui avait""étéreconnu exact par des toires, alors que, cependant,sa situation pécuniaire,
31-
m CRIMESET CHATIMENTS
cello de la société nnonymodo la Grand'Palud, los dôpopé,e.nboulo,le caontehouodont était aussi vêtu
rapport» affectueuxexistant entro les époux Cadlou, M. cudlou en quittant l'usinolo 30dâcombre; la pocha
qui vivaienttrès unis, et l'état do suntôdo cot ancien iniûrlourodn lu vostoétait rotournéoot Amoitié urra-t
avouédémontraientque sa dispositionno pouvaitêtre choo; lo vétemontdo caoutchoucétait déchiré«n plu-
attribuéeni à une fuguo,ni à une fuite, ni à un sui- sieurs endroits et uvait une agrafe ot des bouton»
cide. arrachés, on no trouva duns los vêtement»du mort,
»Bientôt les soupçons so portèrent sur l'ingénieur ni montre,ni porte-monnaio,ni argent, ni portefeuille,
Pierre, qui fut mémomis au courantdes accusation» ni clefs,ni papiers,
portées contre lui. « Uno première nutopsioà laquolloprocéda M, lo
« L'enquètuavait, en offot, établi quo RL Louis docteurRousseau, permit do constaterau côté gaucho
Cadiou avait couchéchez lui pondant la nuit du £9 dn cou do RLLouisCadiouune largo plnlo béantedo
au i',0décembre, quo su lommodo ménage l'avait qtmlorzocentimètres do longueur ; la carotide était
trouvé un peu après huit heures du matin, le 30 sectionnée; les bords do cotte liorrlblo plaio présen-
décembre,dans son appartementdé la rue do Brest, taient dos encochesou roprisesqui démontraientquo
ù Landerneau,vêtudo son costumecycliste,los jambes lo mourtriors'était à plusieurs fols pour cou-
•untouréosde sos molletièreson cuir jauno, ot, en un per la gorge do sa repris victimo.Une potitoecchymosese
mot, prêt à partir ; quo peu d'instunlsaprès, plusieurs voyait également au cuir chevelu. L'ostomacconte-
personnes l'avaient vu so rendre à l'usine do la nait un produitsoml-llquidoqui paraissait fltrodu lait
Grand'Palud, quo, do plus, duux ou trois témoins ou une bouillieclulro à basede lait, Or, lo 30décem-
l'avaient aperçu, ce jour mémo,vers onzo heures du bre, avant d'aller à l'usine, RI.LouisCadiouavait pria
matin, quittant cotteusine'on compagniedo son ingé- un laitage.
nieur, et quo c'était à partir do ce momentqu'on no .i Tout le monde désigna aussitôt l'ingénieur commo
savait plus co qu'il était devenu, l'assassin de son patron, Pierre fut arrêté. U
« Interrogé, Piorro avuit déchiré qu'il avait vu son étant
était évidentquo M. Cudiouavait été tué lo 30décem-
la
patron pour dernièrefolslo lundi29 décembre,vors bre, après etrosorti do l'usinode la Grand'Paludnveo
onzo heures ot demie du mutin, lorsqu'aprôsêtre allô son ingéniour.Porsonnono l'avait vu revenir à Lan-
avec lui au moulindo la GrandTnlud,il l'avait quitté derneau oà il n'était pas allô déjeuner à l'hôtelot où
près du pont de l'usine,, sur le chominallant do la on ne l'a plus vu dopuis.
route do Landerneauà la*forêt. « 11n'était certainementpas non plus retournédans
t Depuis, il a persisté dans ses allégations,bien sa chambra depuis qu'il étuit parti pour la Grand'¬
cours do l'information un très grand nombre Palud dans la matinée du 30 dôcombre,car la dama,
au'au
'autres témoins soiont venus affirmer d'une façon Léost,sa femme do mônago,avait constaté le londo-
formelle qu'ils avaient vu RLCadiouà l'usine, dans main mutin que M. Cadloun'avait pas mis les pied»
la matlnéodu 30 décembre,et quo l'un do ceux-cicor- dans son appartement depuis qu'elle y avait tout
tlfle' qu'il a aussi, lui, rencontré l'ingénieur et son rangé la veille,que lo lit n'était pas défait ot quo per-
patron ensemble,à cettomémodato, vers onzoheures sonne n'y avait couché, Tous los vêtementsso trou-
du matin. à leur pince et le feu qu'elle avait prépara
« On ne comprenaitpas les dénégationsde Pierre, vaientn'avait pas été allumé. Cet appartoment était rostô
-alors que la présencede RLLouis Cadiou,dans son depuiB(fans lo môme état. Los valises et la couver-
usino, le matin du 30 décembre,ne pouvult pas être ture do voyugodo RLCadiouso trouvaient,également
mlso en douto.On savait aussi quo cet ingénieuravait dans la chambre son carnet de chèquesqu'il empor-
déjà proférécertainesmenacesà l'égard doson patron tait dans tous ses déplacementsavait été découvert
ot qu'il avait dit notammentun jour, en parlunt de dans lo bureau do son pied-à-torroà Landerneau.Tout,
celui-ci: celadémontrait qu'il n'était pas encoreparti pour ren-
•—
« S'il mo renvoie,jo le f... à l'euti, » trer à Paris, où pourtant il avait bion rintontlon d'ar-
t Les accusationscontre Pierre s'accentuèrent,lors- river la vollledu V>* janvier, ainsi qu'il l'avait déclaré
4
que le février 1914,M. Jean-RlarleCudloudécouvrit lo 29décembreà son ami, M. do Kéramur.
le cadavre do son frôro enfoui dans le bois do la « Certains témoins sont venus prétendra avoir vu
Grand'Palud,sous une très faible couchedo terre, en M. LouisCadiou lo 31 décembre et le 1°' janvier a
bas d'un petit sentier en cul-de-sao,presque au bord Rlorlaixet à Saint-Pôl-cle-Léon. et même lo 4 janvier
du canal conduisant l'eau du moulin et à environ à Paris; mais on ne saurait attacher uno gronde
quatre cents mètres dé l'habitationdo LouisPierre. Importanceà certains témoignagesqui sont Imprécis
« Lo cadavre de M. Louis Cadiou, couché sur le ou contradictoireset qui ne peuvent supporter uno
ventre, était rovôtudu même costumecycliste et dos discussionapprofondie,d'autant plus qu'on a vaine-
mêmes guêtres do cuir jauno quo la victime portait ment recherchél'endroit où, à Morlaixou aux envi-
lorsqu'elle avait quitté Puslho avec son ingénieur le rons, cot ancien avoué,qui était très connu dans cetto
30décembre1913.vers onze heuresdu matin, en pre- région, avait des effets d'habillementde rechango et
nant précisémentla directiondu domicilede Pierre uno bicycletteà sa disposition,et où il aurait couché
et du moulin en même temps que du bois. Le corps et pris ses repas.
était nu-tête «t avait les mains gantées et les pieds
chaussés de brodequins; sur la cuisse droite était « BlDAIID DELANOË.»

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