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Grégory Kudish

La maladie mentale en Afrique

Présenté à :

Caro St-Onge

Santé mentale

PSY-H03-04

Collège Jean-de-Brébeuf

Département d’Anthropologie, de Psychologie, et de Sciences


religieuses

Jeudi 16 septembre 2010


L’art d’humaniser les malades mentaux

Dans nos sociétés occidentales, les personnes atteintes de maladies mentales sont la plupart
du temps soignées dans des hôpitaux psychiatriques. Une fois leur condition mentale jugée
saine, elles reprennent le cours normal de leurs vies. Mais dans les sociétés traditionnelles
en Afrique, il en est tout autrement. Là-bas, les malades mentaux sont déshumanisés par
leurs propres familles, laissés à eux-mêmes, perçus comme des déchets humains. Le Dr.
Grégoire, psychiatre, vient en aide aux personnes atteintes de maladie mentale dans les
villages de la Côte d’Ivoire. Préconisant une approche de traitement biopsychosociale, le
Dr. Grégoire pratique un art unique : celui de rendre l’humanité aux malades mentaux.

Comme son nom l’indique, l’approche de traitement biopsychosociale incarne une


philosophie de soin éclectique où la biologie, la psychologie, et l’univers social sont tous
les trois des fondements aux soins de la maladie mentale. Voyons à présent comment le Dr.
Grégoire se sert de cette approche pour guérir les malades mentaux. Le Dr. Grégoire débute
sa journée en se rendant dans un petit village de la Côte d’Ivoire où un malade mental
l’attend, prisonnier, sous-humain, réduit par sa famille à un déchet qui jadis portait
l’étiquette d’humain. Avec l’accord de la famille du malade, le Dr. Grégoire libère
l’homme du tronc d’arbre dont il était prisonnier, en lui disant : maintenant tu es libre. Ce
geste très simple a pourtant une répercussion psychologique non négligeable sur le patient;
il lui redonne de l’estime de soi. La prochaine étape pour Grégoire consiste à transférer le
patient à Sainte-Camille, un lieu communautaire où les malades mentaux sont soignés.
Mais Sainte-Camille, c’est avant tout un lieu de socialisation, où les hommes maltraités
pour leur maladie mentale apprennent à redevenir humains. Par exemple, le Dr. Grégoire y
organise des soirées conviviales, agrémentées de danses et de célébrations. Par ailleurs, le
Dr. Grégoire ajoute à ce traitement social un traitement psychologique : l’apprentissage
d’un métier. En effet, les patients ont la possibilité d’apprendre au centre culturel de Sainte-
Camille un métier (la couture, par exemple), métier qui favorise chez les patients le
développement de comportements sociaux. Alors qu’ils étaient isolés dans leurs villages, ils

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peuvent désormais s’intégrer au milieu social de Sainte-Camille. Cela entraîne de fortes
améliorations sur le plan psychologique, dans la mesure où les patients ont le sentiment
d’être utiles à leur communauté. Ils ne sont plus des moins que rien, mais des acteurs
sociaux pouvant apporter un changement. Ce souci d’améliorer les comportements sociaux
chez les patients va de pair avec une volonté de modifier les schémas cognitifs des malades
mentaux. En outre, le Dr. Grégoire dit clairement à ses patients : on ne vous indexe pas. Et
il ajoute au grand public : ils sont nés comme tout homme. Ils ont le droit d’être traités
comme tout homme. Tout ça dans un seul but : encourager les patients à se percevoir
humains, et à se considérer autant humains que les personnes non-atteintes de la maladie
mentale.

L’approche du Dr. Grégoire comprend également un volet biologique. Grâce au généreux


soutien de plusieurs donateurs, il arrive à se procurer des médicaments servant à rétablir
l’équilibre neurochimique du cerveau de certains patients atteints de schizophrénie, entre
autres. Mais il faut bien comprendre que la dimension biologique adoptée par Grégoire ne
suffit pas, seule, à guérir les patients. C’est plutôt la combinaison du biologique, du social
et du psychologique qui vient réellement en aide aux malades. Et pour le Dr. Grégoire, tout
traitement passe avant tout par une bonne compréhension du patient en tant qu’humain
digne d’humanité. Sur ce point, le Dr. Grégoire se montre résolu : le regard que vous aurez
sur lui [le malade mental] jouera sur lui.

Ce documentaire sur la maladie mentale en Afrique, en plus de nous apprendre qu’un


modèle d’intervention biopsychosocial nécessite avant tout une perception humaine de
toute personne atteinte de maladie mentale, alimente également plusieurs réflexions sur la
situation actuelle du traitement des gens souffrant de troubles mentaux au Québec. Des
études menées par Rosenhan dépeignent une réalité pas si éloignée de l’Afrique. Plusieurs
malades mentaux internés dans des hôpitaux psychiatriques au Québec se voient attribuer
une étiquette indécollable de leur diagnostic. Par exemple, des pseudos malades ayant imité
des symptômes de schizophrénie se sont vus attribuer l’étiquette de schizophrène, au point
que cette stigmatisation a entraîné chez eux des comportements anormaux. Amorcée au
milieu du siècle dernier, la désinstitutionalisation des institutions psychiatriques a justement

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été animée par cette volonté de favoriser une approche plus humaine du traitement de la
maladie mentale. Cependant, cette approche a amené ses difficultés, telles l’augmentation
de l’itinérance, le fardeau des familles, ou encore le syndrome de la porte tournante 1. Le
traitement de la maladie mentale porte sur un sujet complexe : l’être humain. Et c’est cette
complexité qui doit sensibiliser les gens, autant au Québec qu’en Afrique, à la délicatesse
de la question des traitements à apporter aux malades mentaux. Car le malade
d’aujourd’hui est parfois le génie de demain.

1
Parent, Guy, Cloutier, Pierre (2009). Initiation à la psychologie. Beauchemin, Montréal. 467p.

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