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Loïc Horisberger

2M06

Dissertation

« Phèdre »
« Qu’est-ce qui donc qui fait la parole si terrible  ? C’est d’abord qu’elle est un acte, le mot est
puissant. Mais c’est surtout qu’elle est irréversible  : nulle parole ne peut se reprendre. (…) Et si l’on a
commencé à parler par un égarement involontaire, il ne sert à rien de se reprendre, il faut aller
jusqu’au bout ».

Roland Barthes

Racine écrit « Phèdre », sa dernière grande tragédie, en 1677. Elle connaîtra un immense
succès et amènera son auteur au sommet de sa gloire et à l’apothéose de son art. Avec cette pièce,
Racine met en scène le destin tragique de Phèdre, une reine incomprise, torturée et vouée au bon
plaisir des Dieux (Vénus en l’occurrence). La descente aux Enfers de cette reine s’accompagne dans
toute l’œuvre par la terrible puissance de la parole, par le fait qu’elle est définie comme un acte ainsi
que par son rôle décisif dans la manifestation de la passion et dans l’égarement des personnages.
Dans « Phèdre », Racine impose la parole comme un acte irréversible et dommageable. A cela
s’ajoute la nécessité qu’on les personnages d’achever un aveu entamé, et cela même si il a été fait
involontairement. Mais comment s’exprime cette puissance de la parole dans la pièce ? Pourquoi la
folie de Phèdre, emprise de sa passion amoureuse pour Hippolyte, s’exprime t’elle par la parole  ?
Pourquoi celle-ci n’est pas effaçable, rattrapable mais définitive ? Tant de questions auquel il faut
répondre en examinant l’œuvre plus en détail.

Tout d’abord, le point le plus important. C'est-à-dire que dans « Phèdre », la parole est un
acte. Comme le dit Roland Barthes, « le mot est fort » ; un acte comme n’importe quelle action
quotidienne. Cela implique nécessairement, qu’elle entraîne des conséquences directes sur l’individu
qui l’exerce. Mais justement, dans « Phèdre », la parole n’est pas seulement dommageable à celui qui
la prononce mais l’est aussi pour ceux qui l’entendent, pour les autres. Ne pas parler c’est préserver
sa dignité comme celle d’autrui. C’est pour cette raison, qu’Hippolyte se refuse de faire le premier
pas pour avouer la sombre idylle que lui voue Phèdre. En évitant d’apprendre à son père cet amour
incestueux, il cherche à éviter de se souiller lui, mais aussi Thésée, par cette accablante révélation. Il
pense ainsi préserver son innocence. On voit également Hippolyte scandalisé par le discours ambiguë
que Phèdre tient à son époux lors de la scène 4 de l’acte III. Hippolyte dit ainsi «  Ou tendait ce
discours qui m’a glacé d’effroi ? » (vers 988) pour montrer que Phèdre, déjà si fautive à ses yeux, le
devient encore plus en faisant planer le doute. La parole devient alors bel et bien un acte, dans la
mesure où elle condamne encore plus celui qui la prononce. Phèdre le dit elle-même à Oenone qui
cherche à lui faire avouer ce qui la torture, « Je n’en mourrai pas moins  ; j’en mourrais plus
coupable » (vers 243). Ainsi, dans toute la pièce, cette puissance de la parole est omniprésente, les
personnages sont voués au silence si ils veulent préserver leur innocence ou éviter de se rendre plus
coupable.

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Loïc Horisberger
2M06

Dans « Phèdre », les personnages sont aliénés à des chaines passionnelles et s’écartent peu à
peu de la voie de la raison. Mais la particularité, c’est que Racine fait s’exprimer cette passion et ce
« déraillement » presque uniquement que par la parole. C’est à dire que la passion est si forte que les
personnages ne pourront pas contrôler leurs paroles, et avec ces phrases «  arrachées » à leurs
pensées intérieures, le suivi de l’accentuation, de la prise de pouvoir de ces passions, devient très
facile à analyser. Ainsi, Phèdre, ne pourra s’empêcher de révéler son amour pour Hippolyte à Oenone
dans la scène 3 de l’acte I, puis pas même à Hippolyte, sa passion devenant de plus en plus forte. On
le voit lors de la scène 5 de l’acte II : « Dans le fond de mon cœur, vous ne pouviez pas lire » (vers
598). Phèdre commence alors sa révélation, malgré elle et malgré qu’elle sache parfaitement toutes
les implications que celle-ci entrainera. C’est à travers cette exemple, que l’on comprend
qu’enchainés par leur passions, les personnages ne peuvent plus maitriser leur parole, n’exercent
plus de contrôle dessus et c’est ce qui montre le gouffre passionnel dans lequel ils plongent toujours
plus profond. Or quand on connait les conséquences de la parole dans « Phèdre », cela devient très
problématique.

On peut également observer une autre caractéristique de la parole dans l’œuvre. Celle-ci ne
peut se reprendre comme le dit Roland Barthes. Cela peut paraitre évident dans la mesure où une
fois que quelque chose à été dit, on ne peut rien n’y faire. Cependant, dans « Phèdre  », cela va
beaucoup plus loin. Alors que nous tenterions de nous rattraper, les personnages de l’œuvre quand à
eux, ne le peuvent. C'est-à-dire qu’ils doivent aller au bout de leurs aveux. « Devoir », un mot qui
résonne très fort, et dont il est important de rappeler tout l’importance de son sens. C’est plus qu’un
devoir, c’est une obligation et voir même un « réflexe », qu’à Phèdre de terminer son aveux à
Hippolyte une fois qu’elle a commencé. La parole sonne donc comme un acte irréversible et
ineffaçable.

A travers cette pièce, on saisit mieux l’importance de nos mots, et la puissance du verbe.
Racine, par son tableau noire d’une histoire dramatique, nous fait ressortir grandi. On peut en tirer la
conclusion suivante : La langue est sans aucun doute et restera à jamais, ce qui a et provoquera le
plus de mal entre les hommes.

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