Vous êtes sur la page 1sur 16

1

La transparence relative aux opérateur de l’Etat,


question de méthode.

Par
Etienne DOUAT
Agrégé de Droit Public
Professeur à l’Université Montpellier 1
(Institut de Droit européen des Droits de l’Homme)
Membre du Conseil des prélèvements obligatoires depuis 2006
Membre du Conseil d’administration de la Société française de Finances publiques
Membre du Jury du concours national d’Agrégation interne de Droit public en 2008
Expert de l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur depuis 2008
Ancien membre du Conseil national des universités (2004-2007)
Membre du Jury du concours externe de l’Ecole nationale d’administration en 2000
Doyen Honoraire de la Faculté de Droit de Rennes (1998-2000)

La question des opérateurs de l’Etat fait partie des lacunes de la


loi organique relative aux lois de finances. En effet, le texte initial
de la LOLF n’avait rien prévu pour les opérateurs. Au fond, les
opérateurs n’étaient pas au programme. Or, comme la nouvelle
discipline des plafonds d’emplois des ministères allait s’appliquer
à partir de la loi de Finances pour 2006, les gestionnaires des
ressources humaines ont commencé à faire glisser de plus en plus
d’effectifs vers les opérateurs de l’Etat. La Cour des comptes a
dénoncé cette pratique dans son rapport sur l’exécution des lois de
finances pour 2003. Puis, Michel Bouvard, membre de la
commission des Finances de l’Assemblée, a proposé d’instituer un
plafond d’emplois pour les opérateurs de l’Etat lors du vote de la
loi organique du 12 juillet 2005 (qui avait pour but initial la
transparence sur l’affectation des surplus de recettes dans la loi de
Finances pour éviter les cagnottes). Mais cet amendement n’a pas
été retenu, il a été décidé, plus modestement, d’ajouter un
nouveau volet aux projets annuels de performance permettant de
suivre les emplois des organismes bénéficiaires d’une subvention
pour charge de service public. Cette information a contribué à
rendre plus transparent le fonctionnement des opérateurs qui
étaient totalement en dehors du champ de la nouvelle loi
2

organique avant sa révision en 2005. Puis, dans un deuxième


temps, cette fois à l’occasion de la loi de règlement pour 2005, les
députés de la commission des Finances de l’Assemblée ont
demandé la création d’un document budgétaire jaune (annexe
générale) permettant de récapituler la liste des opérateurs de l’Etat
ainsi que les ressources fiscales et les crédits qui leur étaient
affectés de même qu’une présentation indicative de leurs
emplois1. L’enjeu est de taille car les opérateurs sont solidaires de
l’Etat2, si le Trésor public leur avance des fonds et qu’ils ne
peuvent pas rembourser, il faudra trouver une solution comme ce
fut le cas le 14 mai 2007 pour le CNASEA pour 22 millions
d’euros. De plus, si un opérateur commence à s’endetter, la dette
de l’Etat s’alourdira d’autant.

Parmi les 13 réserves émises par la Cour des comptes sur les
comptes de l’Etat3 pour l’année budgétaire 2006, la quatrième
portait sur les comptes des opérateurs de l’Etat pour cette
première année d’application complète de la nouvelle loi
organique relative aux lois de Finances. En effet, la Cour chiffrait
les participations financières, détenues par l’Etat dans ses
opérateurs, retracées à l’actif du bilan de l’Etat à hauteur de 53,7
milliards d’euros ce qui représente le tiers de la masse totale des
participations financières de l’Etat. Après avoir reconnu que les
services avaient fait des efforts pour améliorer la qualité des
comptes, l’évaluation du patrimoine et les engagements
réciproques entre l’Etat et ses opérateurs, la Cour formulait une
réserve substantielle. Les opérateurs de l’Etat n’ont pas fourni de
comptes fiables pour l’exercice 2006. Seul un tiers des opérateurs
de l’Etat a été en mesure de fournir les états financiers dans les
délais du nouveau calendrier vertueux. De très nombreux biens
immobiliers remis en affectation par l’Etat aux opérateurs ne sont
ni recensés ni évalués ce qui est le cas dans la plupart des
1
Article 14 de la loi de règlement pour 2005 créant un nouveau jaune intitulé « opérateurs de l’Etat » à compter du PLF
2007.
2
Voir MILOLF, AN, Rapport n° 1058, 16 juillet 2008, p. 55-59.
3
Cour des comptes, Rapport sur la certification des comptes de l’Etat pour 2006, Paris, éd. JO, 2007, pp. 27-29.
3

universités. D’autres opérateurs comme voies navigables de


France ou l’association pour la formation permanente des adultes
n’ont pas encore retracé dans leurs comptes des terrains qui leur
sont affectés par l’Etat depuis bien longtemps. En général, les
inventaires du patrimoine des opérateurs ne sont pas encore
dressés. La Cour a d’ailleurs formulé sa réserve après avoir fait
une liste des lacunes des inventaires du patrimoine des opérateurs
de l’Etat. La Cour signale également des irrégularités comptables
graves qui constituent des incohérences et des défauts de méthode
portant atteinte à la fiabilité des comptes à la fois des opérateurs et
de l’Etat. La Cour ne pouvait qu’émettre une réserve dans la
mesure où il y avait un désaccord sur le chiffrage des valeurs
immobilisées dans les comptes de l’Etat. Cette réserve a pour
conséquence un plan de trois ans (2007-2009) au cours duquel
Bercy s’est engagé à valoriser correctement le patrimoine de
l’Etat contrôlé par les opérateurs et à vérifier que les comptes
soient tenus conformément aux normes de référence. Lorsque ce
travail sera terminé, il sera enfin possible d’opérer une
consolidation des comptes de l’Etat avec ceux de ses opérateurs ce
qui permettra d’y voir plus clair. Pour les comptes de l’année
2007, la Cour des comptes a formulé à nouveau la même réserve4.
Les comptes des opérateurs ne donnent pas une image fidèle de
leur patrimoine, ils n’appliquent pas correctement l’évaluation de
leur passif et n’ont pas encore mis en place un contrôle interne
comptable. La Cour regrette aussi que seulement la moitié5 des
opérateurs soient en mesure de rendre leurs comptes dans les
délais mais surtout, elle formule une remise en question très
pertinente de la liste officielle des opérateurs de l’Etat dressée par
Bercy. La Cour relève notamment des anomalies qui aboutissent à
ne pas comptabiliser certains opérateurs qui devraient figurer sur
la liste et inversement à comptabiliser certains organismes qui ne
répondent pas à la définition de la convention comptable (norme
comptable n°7). Plus particulièrement, la Cour s’interroge sur la
4
Cour des comptes, Rapport sur la certification des comptes de l’Etat pour 2007, éd. JO, 2008, pp. 30-33.
5
Contre seulement un tiers pour 2006.
4

cohérence de la liste officielle des opérateurs avec celle des


organismes divers d’administration centrale bien connue en
comptabilité nationale.

La transparence des opérateurs de l’Etat est donc un enjeu


essentiel pour les finances publiques. C’est une question qui est en
cours de règlement. Elle concerne à la fois les crédits des
opérateurs et les moyens en personnels. Nous les présenterons de
manière successive en tentant d’en dégager les principales
conclusions en termes de méthode.

I La répartition des fonds


Un opérateur de l’Etat reçoit soit des crédits soit une affectation
de ressources fiscales. Ce n’est pas la même chose car la dépense
est beaucoup plus contrôlée que la recette. Pourtant ce sont les
crédits qui représentent la majeure part des fonds reçus par les
opérateurs.

A Les crédits versés par le budget général.


- le poids des subventions pour charges de service public.
Sur la seule base des crédits de paiements, on voit très
clairement que les subventions pour charges de service public
représentent les trois quarts des versements du budget de l’Etat
aux opérateurs au cours des années 2007-2008-2009.
Crédits du budget général versé aux opérateurs.
2007 2008 2009
Subventions 16 366 17 414 20 590
Dotations fonds propres 66 220 267
Transferts 2 730 7 933 7 013
Total 19 158 25 567 27 870
% du Budget de l’Etat 7,07% 9,42% 9,46%
Origine : Jaunes PLF 2007 et 2009, pour 2008 crédits versés.

Si l’on rapporte ces sommes au total des CP du budget général


net6, le total représente un pourcentage allant de 7,07% à 9,46%.
6
Net des remboursements et dégrèvements d’impôts issus des décrets de répartition 2008 et 2009 et des annexes à la loi
de règlement pour 2006 et 2007.
5

On voit très clairement que la part consacrée aux opérateurs va


monter à 10% des crédits de paiements du budget général. Cet
effort de l’Etat est largement supérieur aux crédits versés par le
décret de répartition à 12 ministres sur 167. Si l’on regarde du côté
des missions du budget général, les opérateurs coûtent à l’Etat
plus cher que toutes les missions sauf trois : enseignement
scolaire, engagements financiers de l’Etat et Défense. La
transparence des subventions pour charges de services publics est
donc très importante depuis le PLF 2007 qui a, pour la première
fois, donné une vision d’ensemble qui constitue un progrès.

- les modalités de justification


Les versements du budget général de l’Etat aux opérateurs de
l’Etat constituent des dépenses relevant du titre 3 (dépenses de
fonctionnement). D’ailleurs, l’art. 5 de la LOLF précise bien que
les subventions pour charges de services publics relèvent du titre 3
(catégorie 32). On est donc en présence d’un dispositif dans lequel
le budget général finance des opérateurs dont 80% ont le statut
d’établissements publics. Ces crédits servent à l’accomplissement
des missions de service public des différents opérateurs. Il s’agit
d’une débudgétisation correspondant à une décentralisation par
services dans la mesure où les opérateurs sont tous dotés de la
personnalité morale et gèrent un service public. Toutes les
subventions pour charges de service public bénéficient
exclusivement aux opérateurs. Les versements destinés à d’autres
organismes que les opérateurs constituent des crédits
d’intervention (titre 6). Les dotations en fonds propres relèvent du
titre 7 du budget général (catégorie 72), en effet elles sont une
incidence sur le patrimoine des opérateurs et doivent donner lieu à
une inscription au bilan.

7
Sur les 16 ministres qui reçoivent une dotation budgétaire dans le décret de répartition, seuls Xavier Darcos, Christine
Lagarde et Hervé Morin gèrent des masses supérieures aux versements aux opérateurs. Eric Woerth reçoit moins car on
a retiré les remboursements et dégrèvements du calcul.
6

L’exposé général des motifs du projet de loi de finances pour 2009


(point VI8), renouvelle le mécanisme de la réserve de précaution9
pour 2009 avec une disposition spécifique pour les opérateurs de
l’Etat qui est applicable depuis 2007. En effet, les charges de
service public versées aux opérateurs constituent des dépenses
obligatoires que l’Etat peut difficilement réguler de manière
totalement libre. Concrètement, « les mises en réserve appliquées
aux subventions pour charges de service public seront réduites,
proportionnellement à la part des dépenses de personnel
supportées par l’opérateur que ces subventions contribuent à
financer . En contrepartie, un contrôle renforcé sera réalisé sur
les autres mises en réserve afin d’éviter leur positionnement sur
des dépenses obligatoires10». Pour 2009, la mise en réserve
portant sur ces subventions versées aux opérateurs sera réduite à
hauteur de 0,7 milliard d’euros selon l’exposé des motifs du PLF
2009. Comme le précise le rapporteur général de la commission
des Finances de l’Assemblée, cela signifie un « dégel » de début
d’exercice qui permet d’épargner le financement des dépenses de
personnel des opérateurs11.

B Les ressources fiscales affectées


- les volumes de recettes fiscales.
80% des recettes fiscales affectées en 2007 aux opérateurs
principaux bénéficiaient à seulement cinq gros bénéficiaires : les
agences de l’eau, le fonds CMU, le fonds de solidarité, l’agence
de financement des infrastructures de transports de France et le
centre national du cinéma. En 2009, les heureux bénéficiaires sont
devenus plus nombreux avec l’ajout à cette liste prestigieuse du
centre national pour le développement du sport, l’agence de
l’environnement et de la maîtrise de l’énergie et l’institut national
de la propriété industrielle. Pour 2009, il y a donc huit gros

8
PLF 2009, page 27.
9
Résultant de l’article 51-4-bis résultant de l’article 9 de la loi organique du 12 juillet 2005.
10
Ibid.
11
Gilles Carrez, Rapport général sur le PLF 2009, Tome 1, AN n° 1198, 16 oct. 2008, p. 15.
7

bénéficiaires bénéficiant de 89% des recettes fiscales affectées


aux opérateurs.
Les recettes fiscales affectées aux opérateurs principaux
2006 2007 2008 2009
Total 6 952 7 902 7 295 7 819
Jaunes budgétaires : Opérateurs de l’Etat, PLF 2007-2008-2009.

Ces recettes fiscales affectées aux opérateurs principaux de l’Etat


sont évaluées page 23 du document budgétaire jaune relatif aux
opérateurs de l’Etat à 7, 819 milliards d’euros pour 2009.
Pourtant, quand on compare ces chiffres avec ceux du document
budgétaire bleu relatif aux voies moyens, tome 1 relatif à
l’inventaire des ressources fiscales, on relève un écart important.
En effet, à la page 102 du bleu annexé au PLF 2009, un tableau
récapitule les recettes fiscales affectées à d’autres organismes que
l’Etat. En retirant le produit des impôts affectés aux organismes de
sécurité sociale (142,031 milliards d’euros12) et aux collectivités
territoriales (33,513 milliards d’euros13), au total des recettes
fiscales affectées à d’autres organismes que l’Etat (205,719
milliards d’euros), on trouve un montant qui est plus de quatre
fois14 supérieur au chiffre fourni dans le jaune (30,17515 milliards
d’euros). Pourtant les opérateurs qui sont les premiers
bénéficiaires des recettes fiscales affectées sont selon le jaune le
fonds de solidarité et le fonds CMU, or leurs recettes étant
classées comme recettes affectées à la sécurité sociale, le bleu ne
les comptabilise pas avec les opérateurs de l’Etat. Il est probable
que le jaune est moins exhaustif que le bleu et que les recettes
affectées aux opérateurs de l’Etat sont effectivement largement
supérieures aux 7,8 milliards « déclarés » dans le jaune. L’effort
de transparence doit par conséquent être poursuivi en allant au-
delà des seuls opérateurs principaux. Toutes les ressources fiscales

12
C’est bien entendu la CSG qui constitue le premier impôt en volume avec 84,676 milliards d’euros attendus en 2009.
13
Ce chiffre ne comprend pas les quatre taxes directes locales.
14
Très exactement : 4,294 fois.
15
Cette somme ne concerne pas exclusivement les opérateurs de l’Etat, par exemple en matière de formation. En
revanche, les CCI sont des établissements publics bénéficiant de taxes affectées, de même que le fonds national d’aide
au logement, sans compter tous les organismes bénéficiaires des anciennes taxes parafiscales budgétisées à partir de
2004.
8

affectées aux opérateurs de l’Etat, même s’ils ne sont pas


opérateurs principaux, doivent figurer dans le jaune.

- les modalités d’affectation prévues par la LOLF


Depuis 2002, l’article 2 de la LOLF exige que les affectations
soient justifiées par une mission de service public ce qui est le cas
pour les opérateurs. La décision d’affectation doit être prise par
une loi de finances (art. 36 LOLF) et son évaluation doit figurer
dans la première partie de la loi de finances initiale (art. 34 LOLF)
avec le détail dans le bleu « voies et moyens ».

Depuis 2009, le Centre national du cinéma est intégralement


financé par des recettes affectées en particulier deux taxes, l’une
sur les spectacles de cinéma et l’autre sur les services de
télévision. Cette solution permet de réduire le montant des
subventions pour charges de services public (pour l’Etat) et de
garantir un financement non sujet à la régulation budgétaire (pour
l’opérateur). La MILOLF de l’Assemblée nationale a signalé en
juillet 2008 que cette pratique pouvait constituer un
contournement de la norme de dépenses16. De plus, les membres
de la commission des Finances de l’Assemblée ont demandé
qu’une plus grande transparence soit de mise dans la présentation
des ressources fiscales affectées aux opérateurs de l’Etat et
qu’elles soient intégrées dans la norme de maîtrise des dépenses
de l’Etat17. Cette transparence devrait également permettre de
connaître avec précision les dépenses fiscales bénéficiant aux
opérateurs18 ainsi que les exonérations de cotisations sociales19.

La question de la transparence est donc très importante car elle


permet de mieux connaître les opérateurs figurant dans les
documents budgétaires. Bien entendu, si l’Etat ne fait pas figurer
certains opérateurs sur la liste officielle, il cherche à faire
16
MILOLF, Rapport AN n° 1058, 16 juillet 2008, p. 43.
17
Ibid, p. 46, voir notamment la recommandation n°18.
18
Sans avoir besoin de détailler le tome 2 du bleu voies et moyens.
19
Ibid, p. 47.
9

échapper certaines informations au Parlement et au citoyen.


Prenons un exemple concret pour comprendre l’enjeu de cette
question.

La question des opérateurs de l’Etat dépendant du ministère de la


Culture a été posée pour l’EMOC (établissement public de
maîtrise d’ouvrage des travaux culturels). La commission des
Finances du Sénat a sollicité une enquête de la Cour des comptes
le 3 octobre 2006. Le résultat a été communiqué le 29 mai 2007 à
la commission des Finances du Sénat qui a organisé une audition
ouverte à la presse le 11 juillet 2007. L’ensemble des travaux a fait
l’objet d’une publication officielle du Sénat20. Le rapporteur
général de la commission des Finances du Sénat n’a pas hésité à
poser la question de la suppression de l’EMOC qui constitue un
organisme supplémentaire dans la chaîne des responsabilités
complexes en matière de construction. Pourtant le ministère de la
Culture dépense 36% des crédits du titre 5 par l’intermédiaire de
cet opérateur. Dans son enquête, la Cour considère que l’opérateur
n’est pas performant. Pourtant, l’EMOC a été créé en 1998 afin de
succéder à l’établissement public du grand Louvre et à la mission
interministérielle des grands travaux. L’idée de départ était de
regrouper deux services publics afin de les rendre plus
performants dans la conduite des grandes opérations du ministère
de la Culture21. Pour éviter de tomber sous le coup de l’obligation
de mise en concurrence, l’EMOC assure à titre gracieux des
mandats de maîtrise d’ouvrage déléguée des opérations de
construction et de réhabilitation des immeubles dépendant du
ministère de la Culture. La conséquence logique de cette
organisation gratuite est naturellement l’absence de sanction de la
performance. Entre 2002 et 2007, la Cour a calculé que l’EMOC a
utilisé en moyenne annuelle 135 millions d’euros par an. Pourtant
20
Yann Gaillard, Rapport d’information sur l’enquête de la Cour des comptes relative à l’EMOC, Commission des
Finances du Sénat, n° 382, 11 juillet 2007, 81 pages dont 40 correspondant au résultat de l’enquête de la Cour des
comptes.
21
Les opérations de taille moyenne et les opérations d’entretien étant gérées hors EMOC par le service national des
travaux du ministère de la Culture.
10

l’établissement public n’a pas été classé dans les opérateurs


principaux de l’Etat ce qui constitue une anomalie. L’absence de
performance se retrouve dans des comptes peu transparents et ne
respectant pas les règles de la comptabilité d’exercice. Les
résultats des opérations sous convention de mandat aboutissent à
un besoin en fonds de roulement de plus en plus négatif ce qui a
conduit l’Etat à verser, fin 2005, une dotation de 100 millions
d’euros provenant des recettes des privatisations des sociétés
d’autoroutes. Mais surtout, des échantillons concrets choisis par la
Cour montrent que les enveloppes initiales sont quasiment
toujours dépassées de manière importante. Ainsi, pour 5 projets
sur 15, les dépassements sont supérieurs à 60% ce qui est une
contreperformance. Les délais ne sont pas respectés ce qui
occasionne des surcoûts et les dossiers sont chiffrés et mis en
exécution sans les études préalables requises d’où une sous-
budgétisation des enveloppes qui sont ensuite dépassées. Au fond,
la Cour des comptes, appuyée par la commission des Finances du
Sénat appellent de leurs vœux l’inscription de l’EMOC sur la liste
des opérateurs principaux de l’Etat et la signature d’un contrat de
performance avec l’Etat22. L’exemple de l’EMOC n’est pas le
seul, d’autres opérateurs de l’Etat devraient figurer sur la liste
alors qu’ils en sont exclus pour des raisons qui ne reposent sur
aucun fondement légal ni même cohérent. Ainsi, pourquoi le
principal opérateur de l’action de la France à l’étranger et dans les
collectivités d’Outre-mer (l’agence française de développement,
AFD23) continue-t-il de rester un objet financier non contrôlé ?
Par ailleurs, comme le fait remarquer à juste titre Alexis Rouque24,
pourquoi France télévisions n’est-elle pas considérée comme un
opérateur de l’Etat de même que réseau ferré de France25 alors
qu’une multiplicité de petits opérateurs sans importance figurent
22
Le 3ème conseil de modernisation des politiques publiques du 11 juin 2008 a préconisé le rapprochement entre
l’EMOC et le service national des travaux qui est géré en régie par le ministère de la culture.
23
Cette question est également posée par la MILOLF de l’Assemblée nationale, voir AN n° 1058, 16 juillet 2008, p. 39.
24
8 septembre 2008, www.débateco.fr, Opérateurs de l’Etat : le grand démembrement. L’auteur est haut fonctionnaire et
rapporteur à l’institut de l’entreprise.
25
La MILOLF de l’Assemblée nationale demande la même chose pour RFF, la SNCF et la RATP. En effet, ce sont des
établissements publics nationaux. Ils devraient par conséquent être rattachés aux opérateurs de l’Etat.
11

sur la liste officielle comme pour donner une impression de


nombre dans le jaune budgétaire ? Le comble est atteint quand on
voit que des opérateurs de l’Etat comme l’agence nationale des
chèques vacances26 sont retirés de la liste officielle des opérateurs
de l’Etat à partir du 1er janvier 2008. Il serait par conséquent plus
transparent que les commissions des finances des deux assemblées
du Parlement soient associées à l’établissement de la liste
officielle des opérateurs de l’Etat.

Après ce premier volet relatif aux moyens dont disposent les


opérateurs, il convient de passer à la grande affaire de l’année qui
concerne les effectifs des opérateurs de l’Etat.

II La répartition des personnels


On dit que la création est une séparation, une remise en ordre du
chaos pour qu’il devienne cosmos. C’est ce qui doit se passer pour
la répartition des personnels entre ceux qui relèvent du budget de
l’Etat et ceux qui relèvent des opérateurs. Les choses se sont faites
en deux temps : d’abord les effectifs des opérateurs ont été
intégrés dans les PAP, puis il a été décidé de créer un second
tableau dans la loi de Finances de l’année.

A La cohérence des programmes


- l’exigence de rattachement des opérateurs
Tout opérateur de l’Etat doit obligatoirement être rattaché à un
programme qui encadre l’objet de son activité. Le programme
verse des crédits et contrôle l’opérateur. Ce rattachement signifie
une double tutelle de la part du ministère de rattachement et de
Bercy. Toutefois, cette exigence de rattachement induit une tutelle
souvent pesante et inefficace qui peut nuire au fonctionnement
performant des opérateurs qui devraient au contraire être mieux
associés à la performance des programmes de rattachement. Par
exemple, les universités sont soumises à un nombre excessif de
26
MILOLF Rapport cité 2008, pages 38 et 87.
12

contrôles qui se superposent et qui réduisent d’autant les moyens


qui auraient pu bénéficier au financement de services performants
et opérationnels. Depuis le PLF 2006, les PAP comportent pour
chaque programme un volet opérateur présentant de façon
indicative la répartition et la justification des variations
d’emplois27. Cette disposition essentielle a permis de rattacher les
opérateurs aux différents programmes du budget général. Une
circulaire du 7 juin 2006 Budget a indiqué que les opérateurs
devaient détailler les crédits provenant du budget général, leurs
ressources et consolider leurs emplois avec ceux du programme.

- le respect des objectifs


La circulaire du 31 juillet 2007 oblige tous les opérateurs à
présenter un « sous-PAP » qui est intégré dans le PAP du
programme de rattachement. Les opérateurs sont donc intégrés à
la démarche de performance ce qui va les conduire à travailler par
objectifs et à signer des contrats avec leur tutelle. Mais l’essentiel
de l’enjeu des opérateurs résulte de leur poids en termes
d’effectifs.

B Les plafonds d’emplois


- l’article 64 de la loi de Finances pour 2008
Cette disposition nouvelle, proposée par Michel Charasse et
adoptée par le Sénat, a prévu que les opérateurs de l’Etat devraient
respecter un plafond des autorisations d’emplois fixé chaque
année dans la seconde partie de la loi de Finances initiale dans un
but de transparence et de meilleur contrôle des dépenses de
personnel.
2006 2007 2008 2009
ETP 42 058 47 764 48 511
ETPT 180 230 188 500 190 300
Physiques 2 825 825
Plafond ETP - - 216 784 265 759
ETP total 242 839 292 354
Origine : jaunes budgétaires opérateurs de l’Etat.

27
Nouvelle disposition issue de la loi organique du 12 juillet 2005 (art. 51 al. 5 f de la LOLF)
13

La circulaire de la direction du budget du 25 avril 2008 a fixé la


méthodologie de mise en œuvre du plafond des opérateurs en
décidant de ne pas comptabiliser en ETPT mais seulement en
ETP28. Pourtant, on peut le voir sur le tableau ci-dessus, les
calculs qui figuraient jusque là dans les PAP se faisaient en ETPT.
D’ailleurs, la comptabilisation des emplois hors plafond des
opérateurs sont comptabilisés en ETPT dans les PAP alors qu’ils
sont comptabilisés en ETP dans le jaune opérateurs de l’Etat PLF
2009. Pour 2009, le jaune mentionne 265 235 ETP sous plafond
pour l’ensemble des opérateurs du budget général de l’Etat et 524
pour les budgets annexes contre 26 575 ETP hors plafond pour le
budget général et 20 pour les budgets annexes. Pour le budget
général, l’article 77 de la loi de finances pour 2009 a fixé
définitivement le plafond total à 266 061 ETP y compris les
budgets annexes.

- l’article 76 de la loi de Finances pour 2009.


La loi de Finances pour 2009 comporte une nouvelle disposition
(art. 76) selon laquelle à compter de l’exercice 2010, la loi de
Finances de l’année fixera le plafond d’emploi des établissements
à autonomie financière visés par l’article 66 de la loi n° 73-1150
du 27 décembre 1973 de Finances pour 1974. Il s’agit des centres
culturels, des instituts culturels et des centres de recherche situés à
l’étranger. Cet amendement, proposé par MM. Michel Charasse et
Adrien Gouteyron, a été adopté par le Sénat dans sa séance
publique du 8 décembre 200829. On le voit très clairement, plus on
cherchera à réduire la transparence sur les opérateurs, plus le
Parlement proposera des plafonds d’emplois spécifiques ce qui
aboutira à une réunification dans la loi de Finances des limites
fixées à l’ensemble des emplois publics financés par l’Etat.

28
La MILOLF de l’Assemblée a formulé une recommandation n°19 pour que les opérateurs aient des effectifs
comptabilisés exactement de la même manière que ceux des ministères (v. AN, Rapport n°1058, 16 juillet 2008, p. 54).
29
Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi a proposé de rallonger le délai jusqu’en 2012
mais Michel Charasse a refusé en disant que le danger était que les établissements culturels pourraient augmenter leurs
effectifs afin de partir d’un plafond d’emplois plus élevé. En contrepartie, il s’est engagé à reporter la date de 2010 à
2011 si les établissements n’étaient pas en mesure de respecter l’échéance légale (clause de « revoyure » sic).
14

- les regroupements d’opérateurs


Le regroupement des opérateurs est une question difficile car elle
implique la suppression de structures administratives redondantes,
la fermeture de services publics et la fin de fonctions d’autorités
administratives qui doivent être recyclés. On donne souvent en
exemple la réforme des organismes payeurs dans le secteur
agricole30. Effectivement, le nombre d’opérateurs est passé de 10
en 2005 à 7 en 2006. Cette réforme a été opérée à la demande des
parlementaires français qui ont ajouté un article spécifique à la loi
de finances pour 2003. Le principe d’un regroupement des
soutiens directs et des mesures de développement rural au sein
d’une structure unique de paiement a été fixé avec pour échéance
le 1er janvier 2013. La loi d’orientation agricole du 6 janvier 2006
a officialisé cette réforme qui ne fait que commencer. L’avantage
de cette réforme des structures administratives repose sur
l’existence d’un site unique à Montreuil. Pour 2007, le nombre
des opérateurs de l’Etat en matière d’interventions agricole est
resté stable à 7, puis en 2008 on voit apparaître discrètement un
nouvel opérateur de l’Etat qui a remplacé les services
déconcentrés de l’Etat qui assuraient jusque là des paiements qui
pouvaient aller jusqu’à 21 millions par an (2003) mais qui sont
tombés en 2008 à 7 millions. Avec l’ODARC (office du
développement agricole et rural de Corse), l’année 2008 voit le
nombre d’opérateurs agricoles passer de 7 à 8. Heureusement, le
premier conseil de modernisation des politiques publiques du 12
décembre 2007 a permis de simplifier l’organisation. A partir de
2009, les offices d’intervention agricoles sont regroupés en un
seul (France agri-mer) et les organismes de paiement sont
fusionnés en un seul (l’Agence de services et de paiement).
Désormais, pour 2009, il n’y aura plus que 4 opérateurs31 de l’Etat
en matière agricole pour gérer entre 8 et 10 milliards d’euros
provenant du budget communautaire32.
30
Voir notamment, Jaune budgétaire « Relations financières avec l’Union européenne » PLF 2007, annexe n° 4, p. 174.
31
France Agri-mer, l’agence de services et de paiement, l’ODEADOM pour les DOM et l’ODARC pour la Corse.
32
Le jaune opérateurs de l’Etat PLF 2009 présente la complexité financière de l’opération de simplification
administrative pp. 220-223.
15

Le regroupement des opérateurs a commencé et peut être mesuré


concrètement grâce au document budgétaire jaune annexé chaque
année au projet de loi de Finances depuis le PLF 2007. La
modernisation de l’Etat a en effet conduit à regrouper l’ANPE et
les ASSEDIC dans un opérateur unique, dans un autre domaine, le
palais de la découverte et la cité des sciences et de l’industrie vont
fusionner. Pourtant, on peut trouver de nouveaux opérateurs de
l’Etat figurant dans une annexe au projet de loi de financement de
la sécurité sociale mais qui ne figurent pas dans le jaune annexé
au PLF. Ainsi, comment peut-on justifier que des établissements
publics nationaux ne figurent pas parmi les opérateurs de l’Etat
alors même qu’ils possèdent le statut d’établissement public
administratif ? Par exemple, comment peut-on justifier l’absence
du fonds de solidarité vieillesse du jaune alors que le fonds de
solidarité figure effectivement sur la liste officielle des opérateurs
de l’Etat ? De la même façon, comment expliquer l’absence de la
caisse nationale de solidarité pour l’autonomie de la liste des
opérateurs de l’Etat alors que le fonds de la couverture maladie
universelle en fait partie ? La transparence est un principe
exigeant qui oblige à une unification des informations. Une bonne
partie du travail est accomplie mais il reste encore du chemin à
parcourir. Les opérateurs de l’Etat sont un moyen de vérifier que
la France est sur la bonne voie.
Les opérateurs et fonds listés par le PLFSS 2009
Nom des Statut Création
opérateurs
FSV EPA 1993
FFIPSA33 EPA 2004
CADES EPA 1996
FRR EPA 1999
CNSA EPA 2004
FCAATA Fonds 1998
FIVA EPA 2000
ONIAM EPA 2002
FMESPP Fonds 2000
ATIH34 EPA 2000
HAS ? 2004

33
Ce fonds est supprimé par la LFSS 2009.
34
Seuls les noms des opérateurs passés en gras figurent sur la liste officielle des opérateurs de l’Etat.
16

FIQCS Fonds 2006


AFFSAPS EPA 1998
EPRUS EPA 2007
ABM EPA 2005
INPES EPA 2004
INTS GIP 1994
CNG EPA 2005
GMSIH GIP 1999
Origine : PLFSS 2009, annexe 8.

Vous aimerez peut-être aussi