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arrangements protocolaires»
Mandel Ngan AFP ¦ Le président américain George Bush (c) et sa femme Laura Bush (g)
accueillent le président français Nicolas Sarkozy, le 11 août 2007 à Kennebunkport
Olivier Ihl est professeur de Science Politique et directeur de l’IEP Grenoble. Spécialiste des
politiques symboliques, il est l’auteur de «Le protocole ou la mise en forme de l’ordre
politique» et d’«Un cérémonial politique: les voyages officiels des chefs d’Etat» (éditions
L’Harmattan, 1996 et 1998). Il vient aussi de publier «Le mérite et la République», chez
Gallimard (NRF). Pour 20minutes.fr, il décrypte les conséquences du divorce de Nicolas et
Cécilia Sarkozy.
La situation du couple présidentiel est‐elle déterminante dans la symbolique du
pouvoir?
Oui, car cette image est rassurante pour l’opinion, comme pour les autres gouvernants.
C’est une mise en scène ordonnée de la puissance publique, qu’on soit d’accord ou pas sur le
fond. N’oublions pas qu’en France, l’homosexualité n’est plus un délit depuis 1981. En
s’affichant avec sa femme, il montre ses bonnes mœurs et son sens des responsabilités.
Cette représentation familiale de la structure politique est synonyme de calme et de
sagesse. D’ailleurs en France, on parle de chef d’Etat comme de chef de famille. L’image du
couple a une fonction de réassurance psychologique des masses.
Cela pose aussi la question du statut de première dame?
Il y a peu, cela n’avait pas lieu d’être, car cela était du ressort de la coutume… Mais quel est
le problème de fond? Celui de l’autorité de l’entourage. L’attitude de Tante Yvonne, Anne‐
Aymone ou même de la pieuse Bernadette ne soulevait pas ce problème. Avec la
bouillonnante Cécilia, les choses étaient différentes. Les discussions avec Kadhafi ont posé
un problème de représentation, car sa fonction ne procède pas de l’élection. La question se
pose d’ailleurs pour la commission d’enquête sur les infirmières bulgares : peut‐on
interroger l’ancienne femme du chef de l’Etat? Y aura‐t‐il une extension du statut à celui
d’ex‐Première dame? Cette préoccupation ne va‐t‐elle pas disparaître avec le divorce?
La présence de Cécilia semble avoir attisé les intrigues en coulisses. Est‐ce traditionnel
dans l'histoire politique française, ou est‐ce due à la personnalité de la première dame?
En République, l’idéal, c’est que ceux qui soient en possession d’Etat soit adossé à une
légitimité électorale. Pas sur la famille comme en monarchie ou sur le charisme comme en
dictature. Or, on est dans une situation qui illustre les contradictions et les paradoxes de la
dérive bonapartiste du régime. Rappelons‐nous de l’intronisation de Nicolas Sarkozy à
l’Elysée: les images que l’on en retient sont celles de rapports dynastiques et de mélange
des genres, avec même un petit Louis au milieu. Et avec le divorce, tout s’effondre! Ce qui
est important, pour évoquer le pouvoir, c’est d’en revenir à des règles et des principes,
plutôt qu’à des individus…
Comment envisager la suite des événements, dans cette symbolique du pouvoir?
Prenons l’exemple de l’ancien Premier ministre japonais Koizumi, dans un pays finalement
assez proche de la France (système parlementaire, étiquette sévère et lourd héritage
monarchique). Alors divorcé, il a connu beaucoup de problèmes avec l’opinion, car le peuple
percevait très mal de voir défiler ses maîtresses. Cela donne une image de dégénérescence
de l’appareil d’Etat. Encore une fois sans porter le moindre jugement de valeur, pour
l’inconscient collectif national, le chef doit être exemplaire. Et là, on ne sait pas ce qui va se
passer: aura‐t‐il de nouvelles conquêtes ? Va‐t‐il s’afficher avec? N’y aura‐t‐il pas de
prébendes élyséennes dans ce jeu courtisan? C’est bien là le risque: que la vie de cour
perturbe la logique d’Etat. Le fonctionnement de l’Etat, c’est la raison et le droit. Les
rapports de courtisanerie sont une régression pour la perception commune de l’Etat. La vie
intime ne doit pas faire écran à la définition de politique publique.
Dans les voyages officiels, un président célibataire perturbe‐t‐il le cérémonial?
Cela va créer une gène. Le protocole diplomatique est fondé sur la célébration de la
symétrie et de la réciprocité. Le voyage présidentiel est traditionnellement la rencontre de
deux systèmes culturels, avec comme principale difficulté d’éviter le malentendu. Là, on se
retrouve dans une position dissymétrique. On va par exemple assister à des réceptions
privées en l’absence d’une épouse. Il va déjà se poser un problème pour l’autre chef d’Etat:
«Viens‐je avec mon épouse ou viens‐je seul? Ma femme peut‐elle rester toute seule pendant
le repas?» Se posera aussi la question de savoir comment rétablir la symétrie? Dans la
situation d’un chef d’Etat célibataire, on peut tout imaginer: venir avec sa concubine, une
maîtresse, pourquoi pas son ami s’il est homosexuel… Ces choses ne se sont jamais
produites en France, mais cela a une réelle importance.
Le rôle de la France peut‐il être affaibli à l’étranger?
Souvenons‐nous de la gène occasionnée l’été dernier par l’absence de Cécilia chez les Bush.
Ce sont des petites choses, mais dans ce type de mises en scène politico‐internationales,
c’est dans les détails que se cache le diable… On ne peut pas parler d’affaiblissement, mais il
va falloir trouver des arrangements protocolaires. Et quand on connaît la rigidité de ces
milieux, l’équilibre va être difficile…
Propos recueillis par Stéphane Alliès
20Minutes.fr, éditions du 18/10/2007 ‐ 17h26