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Management

A l'heure où une partie des élites françaises s'inquiète de la


place insuffisante accordée aux entreprises dans les
programmes d'enseignement des collèges et des lycées, il nous
a semblé utile de consacrer cet éditorial à une petite leçon de
management. Nous laissons à nos lecteurs le soin de deviner à
qui elle est destinée en priorité.
La première règle, quand on dirige une entreprise, est de
respecter les membres de son équipe de direction. Ne pas les
traiter de "nuls" à longueur de journée. Cela les démotive et
finit par se retourner contre vous: la qualité d'un dirigeant ne
se mesure-t-elle pas d'abord à la qualité des personnes qu'il a
recrutées pour faire tourner sa boîte?
La seconde règle est d'éviter d'insécuriser de manière
excessive les membres de cette équipe. Si chacun a
l'impression d'être assis sur un siège éjectable, à la merci d'un
caprice du patron, il va se concentrer sur les actions de court
terme, celles qui peuvent lui permettre d'afficher des résultats
immédiats, au lieu de s'atteler à traiter des problèmes de fond,
ceux qui sont vraiment de nature à améliorer la compétitivité
de l'entreprise. Il faut éviter en particulier que les critères
d'évaluation que vous mettez en place engendrent trop d'effets
pervers. A l'heure du post-taylorisme, au moment où le
quantitatif recule devant le qualitatif, où le PIB doit être
enrichi par d'autres indicateurs prenant en compte le bien-être
individuel et collectif dans une perspective durable, on ne peut
réduire l'activité d'un cadre dirigeant à quelques critères
quantitatifs, à la manière d'un ouvrier non qualifié payé à la
pièce. Au contraire, l'évaluation est nécessairement globale et
complexe. Sinon, vos collaborateurs seront conduits à
concentrer leurs efforts sur la satisfaction de tel ou tel
indicateur, au lieu de faire leur travail avec intelligence.
La troisième règle est de savoir déléguer. Ne pas constamment
humilier vos collaborateurs en intervenant dans les dossiers
qu'ils sont censés traiter, en annonçant des décisions qui
relèvent normalement de leur responsabilité. Non seulement
vous vous faites des ennemis, qui ne manqueront pas de se
venger quand vous serez en position de faiblesse, mais vous
sapez leur autorité sur leurs propres collaborateurs, diminuant
ainsi leur capacité à mettre en oeuvre les décisions que vous
avez prises.
Il importe, enfin, de s'appliquer à soi-même ce que l'on
demande aux autres. En jargon managérial moderne: pratiquer
l'évaluation 360 degrés, c'est-à-dire permettre à ceux que vous
évaluez de vous évaluer vous-même. Une condition pour
légitimer durablement votre autorité. Car si les actionnaires
vous ont placé à la tête de l'entreprise pour cinq ans, cela ne
vous autorise pas pour autant à vous comporter en monarque
absolu n'ayant aucun compte à rendre pendant la durée de
votre mandat.
Philippe Frémeaux

Alternatives Economiques - n°266 - Février 2008

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