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camboDgESoiR.

info
No 87 – 2e année, 18 au 24 juin 2009 – 10 000 riels (2,50 $)
Politique ❭ Pages 6 et 7

« Mains propres »
Femmes battues, à Koh Kong
En pleine polémique sur la corruption,
le gouverneur de Koh Kong a lancé une

souffrance en silence opération contre des douaniers ripoux.


De la poudre aux yeux, selon l’opposition.

Société ❭ Page 15

Des secrets
sur un plateau

Youk Chinda recueille les confessions


des stars dans son émission télévisée.
Partie de rien, l’animatrice est l’un des
visages les plus connus du pays.

Économie ❭ Page 9

À la loupe
Par ses études marketing, Indochina Re-
search aide les entreprises à cerner les
habitudes des Cambodgiens.

Culture ❭ Page 17

Balades
à Phnom Penh
Inintéressante, la capitale ? Une ap-
proche historique de la ville permet de
mieux appréhender la richesse de son
patrimoine.

Birmanie ❭ Page 18

Embarras au QG
Les femmes confrontées au calvaire d’un mari violent dans leur foyer sont souvent sans recours :
En emprisonnant Aung San Suu Kyi, les
en cas de plainte, les autorités privilégient une procédure de « réconciliation », ou font pression généraux birmans espéraient ternir
pour dissuader les victimes de divorcer. Pages 10 et 11 définitivement l’aura de cette icône in-
ternationale. L’étendue des critiques
leur donne tort.
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DOSSIER

Photos Pring samrang


Vœun, dans la cahute de son village, raconte le calvaire que lui fait subir un mari alcoolique et violent.

Bleus au corps,
bleus à l’âme
Dans un rapport, quatre ONG soulignent que les femmes battues sont nombreuses à ignorer leurs droits.
Très peu osent porter plainte, alors que les autorités tentent de rabibocher les couples à n’importe quel prix.
Elles sont condamnées à supporter la violence de leurs conjoints, faute de pouvoir nourrir leur famille seules.

10 Cambodge Soir Hebdo n˚87 – 2e année, 18 au 24 juin 2009


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DOSSIER
osentporterplaintesontcellesdont la paniquent. « S’il rentre je ne Le gouvernement cambodgien
les parents peuvent subvenir à pourraispluslesupporteretsije devrait également nommer
leurs besoins », souligne Sin demande le divorce, il ne l’accep- plus de femmes dans l’adminis-
Thœun, représentante d’une com- terapas… », lâche-t-elle, découra- tration locale afin qu’elles ré-
munauté de 48 familles dans le vil- gée. duisent les discriminations
lage de Sen Sok. Le rapport précise Selon ce même rapport, pour dans ce domaine. Ses interven-
que la plupart des 332 personnes 10 % des personnes interrogées, la tions juridiques pourraient être
interrogées attribuent, souvent corruption des chefs de villages, revues pour plus d’efficacité.
abusivement, la violence conjugale des officiers communaux et de la Enfin, le divorce doit se poser
au seul phénomène de l’alcoolisme. police locale serait responsable du comme une véritable alterna-
Or, « l’alcoolismeseulnepeutpas nombre important de règlements tive. « Les survivants ne sont
être l’unique cause de la violence à l’amiable dans les cas de vio- pas seulement affectés par la
car même dans un contexte où lences conjugales. En effet, les cou- violencedomestique,maisaussi
l’homme ne boit pas, la non-vio- pables préfèrent payer un pot-de- par ce type de résolution à
lencen’estpasgarantie », relève le vin pour ne pas être inquiétés par l’amiable préconisées par les
rapport. les autorités. autorités », estime Jo Ann Lim,
Vœun précise tout de même que Le rapport des ONG suggère chercheur et consultant qui a
son mari la frappe essentiellement quelques recommandations. participé à l’élaboration du rap-
après avoir bu. Le rapport, qui Chaque communauté ou village port commun sur les violences
qualifie de « survivants » les vic- devrait choisir et former des conjugales.
times de violences domestiques, femmes pour assister les vic-
souligne que celles-ci, tout comme times de violence domestique. Ung Chansophea
les autorités, ont tendance à consi-
Nal a su trouver la force de porter plainte. dérer que, « dans la société,
l’hommedoitdomineretlafemme « En tant que femme,
A
ssise sous sa cabane sur pi- son mari. « Jepréfèrevivrecomme respecterlestraditions ». Ainsi, les
lotis, au fond du village de çacarilfautdirequequandiln’est autorités conseillent aux femmes je devais tolérer
Sen Sok sur la commune
de Khmuy, Phnom Penh Vœun,49
pasivre,iltravailletrèsdurpour
nousnourrir.Sijeporteplainte,il
de prendre leur mal en patience et
aux maris de bien gérer leur fa-
la violence »
ans, a le visage triste. Elle subit sera encore plus violent avec moi mille. Cela a une influence néfaste
depuis deux ans les agressions de unefoisquelesautoritésl’auront sur la résolution des conflits. « Les
Témoignage édifiant de Mme Ny, une habitante du
son second mari, alcoolique. Ou- relâché.Quandc’estvraimenttrop autoritésfonttoutpourréconcilier village Brasaim, district de Bateay dans la province de
vrier dans le bâtiment, l’homme dur, je pars quelques jours dans les couples et éviter les divorces, Kampong Cham. Son histoire est mentionnée dans le
subvient seul aux besoins de huit monvillagenatal,danslaprovince mêmesicelavaàl’encontredela rapport intitulé Out of court Resolution of violence
enfants, dont une majorité pro- de Kampong Cham », explique-t- volontédesfemmes », insiste le rap-
vient d’une première union. Alors elle. port. De même, la majorité des per-
against women.
que Vœun pensait en avoir fini Comme l’estime le rapport « Out sonnes interrogées considèrent la
avec les violences conjugales après of court Resolutions of violence violence domestique comme une
avoir divorcé de son premier againstwomen », réalisé par qua- affaire privée. « Jesuismariéedepuis23ans. nosfilsjusqu’àcequecelui-ci
époux, son second mariage ne lui tre ONG – Adhoc,CambodianDe- « J’aiportéplainteunefois,mais Lespremièresviolencescom- perdeconscience.Jeluire-
épargne pas cette épreuve. fender Project, Cambodian lespoliciersduquartiersontvenus misesparmonmariremon- procheaussid’êtreàl’origine
« Il me frappe presque tous les Women’s Crisis Center et Dan- mevoirpourmeconvaincredela tentàcetteépoque.Ilboitet delamortdenotrefille.Elle
joursetildétestelesenfantsdemon ChurchAid – , les cas de violences retirer.Ilsmedisaientquej’avais ne travaille pas. Si je ne lui est décédée à l’âge de 18
ex-mari. Il fait des histoires à conjugales sont résolus le plus sou- beaucoupd’enfantsetquesimon donne pas d’argent pour ans,aprèsavoirétéviolentée
chaquefoisqu’undemesfilsvient vent de manière informelle, sans mari était envoyé à la prison de acheter de l’alcool, il se àdemultiplesreprisesparson
àlamaison.Jedoisleurdonnerà intervention de la justice. Publiée Prey Sar, je ne pourrais plus les servira du riz comme mon- père. Je n’ai jamais porté
mangerencachette.S’ill’apprend, en juin 2009 avec le soutien de nourrir. Alors, ils ont essayé de naied’échange.Ilsemontre plainteauprèsdelacourmu-
ilmefrappe », confie-t-elle en fon- l’Union européenne, cette étude a nous réconcilier, mais mon mari souventpossessifvis-à-visde nicipalecarjen’aipasd’ar-
dant en larmes. Cachée derrière la été menée pendant cinq semaines n’apaschangé.Ilmefrappetous moietjalouxenverslesautres gentpourlapayer…
fenêtre de la chambre, une jeune en février et mars de cette année, lesjoursdepuisqu’ilsl’ontlibéré. hommesoulesprochesdela Aufinal,jen’aipasvraiment
fille regarde avec tristesse sa mère dans deux communautés de la pro- Unefois,j’aimêmedûêtrehospi- famille.Ilmefrappesouvent. l’impressionquelesautorités
pleurer. Exhibant des taches vince de Kampong Cham et trois taliséeàCalmette », témoigne Nal, Un jour, il a tenté de me locales m’ont vraiment
rouges et bleues foncées sur ses de la municipalité de Phnom Penh, 42 ans, une « survivante » du poignarder,maismamèrea aidée. Je crois qu’un des

«
jambes, Vœun poursuit son his- dont le village de Sen Sok. même village. réussiàl’enempêcher.Face policiers est ami avec mon
toire en sanglotant : « Voilàleré- Après avoir elle aussi subi les àcetteviolencechronique, maricarilsontl’habitudede
sultatdesescolères.Ilmefrappe coups d’un mari alcoolique sans j’aicherchédel’aideauprès boire ensemble. Lors d’une
surlesjambes.Ilutiliseparfoisun Il me frappe deux résister pendant dix ans, elle a des autorités locales. Les réunion de conciliation, cet
bâton, voire des couteaux. Je de- trouvé la force de porter plainte policiersontconvoquémon hommem’ademandésije
mandeàmesenfantsdenepaslui
ou trois par se- grâce à sa sœur. À l’occasion de mari à cinq reprises avant provoquais mon mari. Un
tenirtêteetderesteréloignésdela maine, quand il a pi- l’une de ses visites, elle s’est rendu qu’il ne se décide à se autreagentm’aaffirméque
maison. Il faut savoir que mon colé. Nous sommes compte du comportement de son présenterfaceàeuxcarila lesgenssemoqueraientde
maridortengardantsescouteaux beau-frère. Pourtant, en raison de eupeurd’êtrearrêté.Devant moisijedécidaisdedivorcer.
àcôtédelui.Ilssouffrentausside pauvres et les jours la volonté des autorités d’éviter lesforcesdel’ordre,ilajoué Ilm’aditquesijemeremari-
cettesituation.Ilssedisputenten- où il n’y a rien à une séparation, la situation n’a pas profil bas. Il a écouté leurs ais, il pourrait m’arriver les
tre eux mais mon mari menace bougé d’un iota. Elle a même em- conseils. Les autorités l’ont mêmes choses. Il m’a con-
aussitôtdelestuer.Jevisdansun manger, il s’énerve piré. « Il me frappe deux ou trois obligé à signer un contrat seillé de ne rien changer à
chagrinperpétuel. » et devient violent... » foisparsemaine,quandilapicolé. danslequelilpromettaitde ma situation familiale car
Noussommespauvresetlesjours ne plus picoler, ni porter la j’avaisbeaucoupd’enfants
Résolution informelle oùnousn’avonsrienàmanger,il mainsurmoi.Encasdenon- ànourrir.Ilaajoutéqu’étant
Cette situation n’est pas mal- Il ressort de cette enquête que s’énerveetdevientviolent.Parfois, respect de ces obligations, unefemme,jedevaistolérer
heureusement pas isolée. Les jour- la loi de 2007 visant à lutter contre il me tape la tête, parfois il me sondossierseraittransféréà la violence. Je suis très em-
naux relatent régulièrement des les violences domestiques est ra- frappe jusqu’à ce que je m’éva- unéchelonsupérieuretilau- barrassée, et je ne sais que
faits divers où des enfants tuent rement appliquée. Bien souvent, nouisse.Unefois,ilm’amêmeat- raitdegrosproblèmes. faire. Mes enfants souffrent
leur père, ou bien des femmes as- les victimes ignorent même jusqu’à taquéeavecunesciedevantlamai- L’accalmie fut de courte beaucoup aussi des exac-
sassinent leur mari, pour ne plus son existence. Elle souligne aussi sonetj’aieudroitàcinqpointsde durée.Quelquesjoursseule- tionsdeleurpère.Surtout,je
avoir à encaisser leurs coups. « Je que les autorités locales manquent suture », se souvient-elle. Nal mentaprèsavoirparaphéle m’inquiète du comporte-
pensequ’ilaunemaladiepsycho- de connaissances juridiques et res- avoue qu’elle ignore la loi, même document, mon mari a mentdemonfils,celuiquia
logiquecarilaétéblesséparballe tent confuses quant à la question si elle a assisté à un séminaire. recommencé à me traiter eulamaincassée.Iladopte
àlatêtelorsqu’ilétaitsoldatdans de savoir quelle autorité est en Aujourd’hui, elle gagne de l’argent aveccruauté.Ilm’aétranglée la même attitude que mon
lesannées1980.Certainsmorceaux charge d’appliquer cette loi. en faisant la lingère et apprécie le etilacassélamaind’unde mari.Ilsemontreinsolentet
ontdûresteràl’intérieur », avance « Ellespréfèrentnepasprotester fait que son mari soit parti avec sa nosenfants.Ilafrappéunde secomportemal. »
Vœun, qui avoue par ailleurs parcequecesontleurmariquiles maîtresse depuis un mois. Mais
n’avoir jamais porté plainte contre nourrissent.Lesraresfemmesqui des rumeurs au sujet de son retour

Cambodge Soir Hebdo n˚ 87 – 2e année, 18 au 24 juin 2009 11


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