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Jean-Philippe Pastor
Qu'est-ce que la métabologie ? Métabologiei

en quatre points déclinés

1.0 - Je pars du fait que le texte a pour caractère "quasi-transcendantal" d'être labile.

Transformable. Ce trait s'actualise totalement dans l'écriture numérique - alors qu'il

était quelques fois gommé, inhibé dans l'écriture-papier. La voie me semble donc libre

pour la constitution théorique d'une ontologie textuelle d’un genre nouveau qui sache

tenir compte prioritairement de cette qualité remarquable (une métabologie).

1.1 - Ainsi, et pour s'en tenir au régime temporel de la textualité électronique, les dé-

lais de publication de l'écriture télématique sont inférieurs à ceux de l'édition tradition-

nelle, ce qui me permet par exemple d'amender mon texte " en temps réel ", en fonction

des informations obtenues, sans les inconvénients d'un différé inopportun etc. Au centre

des modifications de ce que nous nommons " texte ", il y a ainsi, précisément, la possi-

bilité de transformer indéfiniment le texte en écrasant ses versions antérieures, forme

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d’autodestruction singulière où l'e-textualité efface ses traces pourtant initialement pu-

bliées.

1.2 - Les technologies numériques transforment tout en chiffres pour ensuite, trans-

former ces chiffres en temps de composition, de présentation: et le long de cet axe plu-

rivoque, tout se transforme, la seule question restant de savoir à quelle vitesse; et la

seule réponse, …d'accélérer.

Le terme Métabole traduit et met alors en scène en continue un cycle de transforma-

tions textuelles numérisées. Ce sont ces opérations de modification générique et per-

manente qui sont dans l’hypertexte constamment interrogées (un texte qui a pour voca-

tion de mouvementer le texte dont il procède).

Ainsi pour Gérard Genette, l'hypertexte désigne « tout texte dérivé d'un texte antérieur

par transformation simple [...] ou par transformation indirecte » (1982, p.14). Dans ce

sens-là, Ulysse de James Joyce, est un hypertexte de L'Odyssée d'Homère.

Je désigne donc dans un sens similaire (mais non identique) par hyperdocument tout

document dérivé d'un document antérieur par transformation numérique. Cette trans-

formation est obtenue par le choix d'un principe de navigation correspondant à chacun

des cas. Chacune des pages générées dans le parcours de lecture est construite par

« modules » interchangeables.

1.3 – Maintenant, posons que l'écriture s'associe fusionnellement à la forme.

Le graphe sur écran se modifie à même la forme qu'il crée; il se fait comme un échange

entre la trace numérique sur l'interface et la forme qui, sur le moniteur, soudain appa-

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raît. La déconstruction ne soupçonnait pas ce pouvoir: pour elle, la différence différait

mais ne se transformait pas. Aucune métamorphose de l'écriture n'était à prévoir.

Or l'échange se fait. Le morphing de la forme et de l'Idée aboutit...

2.0 - En conséquence, il faut nous demander qu’est-ce qui rend possible cette mutabili-

té, cette capacité extraordinaire de transformation de l’écriture aujourd’hui ?

On pourrait évidemment répondre que ce sont les moyens techniques mis à disposition

en vue d'un tel exercice qui expliquent et rendent compte de cette formidable aptitude,

apparemment si naturelle. La multiplicité des figures qu’emprunte l’écriture sur le ré-

seau (par texte, son et vidéo) ne serait en somme que le résultat d’une technologie de

la communication poussée dans ses plus extrêmes sophistications.

2.1 - Toutefois, n’est-ce pas a contrario dès l’origine ce don de transformation propre à

l’écriture qui permet à cette métabolicité originaire de se déployer aujourd’hui si facile-

ment sur écran ?

Cette hypothétique métabolicité générique de la signification, cette capacité quasi-

religieuse et symbolique qui s'incarne dans les Ecritures, ne permettrait-elle pas ce

passage de la signification imaginaire, cardinale et élargie à la signification dérivée,

courante de s’accomplir - partant de la scription la plus classique pour parvenir à la

phonographie de la parole enregistrée sur fichiers audio/vidéo ?

2.2 - Posons que la signification est d’essence métabolique. Métabolique parce qu’elle

est de nature essentiellement imaginaire. Et c’est ce schématisme graphique originaire

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qui fonctionne au plus près d’un imaginaire radical de la signification qu'il importe main-

tenant d'interroger…

3.0 - La plénitude du changement se dit en conséquence imaginairement de multiples

façons (analytique du changement : voir le post « Qu’est-ce qu’un problème philoso-

phique).

Entre les différentes figures schématiques et la métabole processuelle qui assure la

maintenance de toutes ces figures en son centre, se tient un Dispositif d'entre deux.

Celui-ci est comme un pouvoir de machination et d'agencement capable de se prêter à

l'écriture des plans. Une écriture dynamique.

Nous touchons là à une puissance de transformation originaire. Comme si par l'écriture

ainsi transposée nous découvrions un processeur en pleine activité d'échange et de

répartition.

4.0 - Notre thèse sera la suivante : le problème de la métabole (métabologie) est tout

aussi profond, fondamental, originel que le problème traditionnellement attribué à l'être

(ontologie) ou celui du phénomène (phénoménologie).

4.1 - Tout simplement parce que je ne peux venir au problème que pose l'étant qu'à tra-

vers celui que pose nécessairement sa mobilité lorsque l'étant se manifeste. Si je pars

du problème de « l'être » au sens le plus abstrait, le concept d'être devient pour moi

quelque chose de tout à fait général, quelque chose comme un signe formel; pas même

une catégorie, mais quelque chose qui vient au dessus des catégories comme si il était

entièrement dépourvu de contenu.

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Pourtant, les catégories seront toujours définies à partir d'un contenu, alors

que « l'être » est un pur et simple transcendental, plus général encore que les catégo-

ries. Dès lors il me devient impossible dans cette optique frontale vis à vis de l'être, de

donner vie de quelque manière que ce soit au problème crucial qui concerne l'être. Il

devient pour moi une question purement formelle, soumise à la critique des logiciens

qui diront : ce n'est là qu'un mot, quelque chose qui n'a de signification qu'en corrélation

avec d'autres termes, mais dont la signification concrète disparaît entièrement.

En bref, c'est pour cette raison que seul le problème du mouvement - puis celui qui lie

ce problème à celui de la manifestation - donne au problème de l'être sa signification et

sa profondeur propre.

4.2 - PRINCIPE :

La question de la mobilité est posée comme "principiellement " différente de celle de la

manifestation comme telle, et de celle, a fortiori, de celle des choses étantes.

Ces distinctions fondamentales sont déjà posées chez Aristote.

Pourtant la différence de principe entre l'apparition et la chose est toujours déjà affaiblie

chez les Grecs, dans la mesure où la manifestation n'est pas radicalement distinguée

de l'existence en tant que telle, de la choséité. Seuls les Modernes préparent véritable-

ment cette séparation accomplie définitivement au cours du siècle dernier. Ce qui im-

portait en somme aux Grecs, c'était d'établir la distinction entre les choses du monde

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ambiant et ce qui nous les révèle. Et ce qui était entièrement distingué, c'est le “gignes-

thai” d'une part (devenir) et le " ti on " (être) de l'autre.

4.3 - Il appartient certainement à notre époque de faire valoir à son tour, au delà de

l’étantité de ce-qui-est (ontologie), au-delà de la manifesteté de ce-qui-paraît, de ce-qui-

se-présente (phénoménologie), de faire valoir donc la métabolicité, c’est-à-dire le carac-

tère métabolique de ce-qui-devient, de ce-qui-survient, de ce-qui-arrive, de ce-qui-nous-

arrive (métabologie)…

4.4 – Cette prise de conscience passe par les différents tournants linguistiques interve-

nus au courant du siècle dernier. Ceux-ci mettent définitivement en valeur la concomi-

tance qui se crée entre l’étude du langage précédemment initiée par la french theory

et l’invention d’une nouvelle écriture à l’œuvre sur les réseaux du XXIème siècle.

Jean-Philippe Pastor sur www.metabole.eu


Devenir et temporalité
« Cornelius Castoriadis ou la création des possibles »
« Jacques Derrida ou le prétexte dérobé »

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