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Les JO, la Chine et la question tibétaine :


Mélenchon mélange tout !
Au sujet de la Chine et de la question tibétaine, Jean-Luc
Mélenchon vient de faire plusieurs déclarations détonantes, dont la
teneur était déjà en ligne depuis le 7 avril 2008 sur son blog
(www.jean-luc-melenchon.fr). Extraits et analyse d’un discours
polémique à l’approche des Jeux Olympiques…

Une majorité de Français soutiennent la cause tibétaine. Le parcours de


la flamme olympique à Paris l’a confirmé, montrant la détermination des
manifestants à ne pas passer sous silence les agissements actuels de la
Chine. Le sénateur socialiste Jean-Luc Mélenchon prend ce mouvement
à contre-courant. Et expose d’une manière très personnelle la situation
au Tibet, son histoire, tout en attaquant violemment la personne du Dalaï
lama :
« Je ne partage pas du tout l’enthousiasme béat pour le Dalaï lama ni pour le
régime qu’il incarne. Pour moi, le boycott des jeux est une agression injustifiée
et insultante contre le peuple chinois. (…) L’autorité communiste a mis fin aux
luttes violentes entre chefs locaux du prétendue paradis de la non violence
ainsi qu’aux divers châtiments sanglants que les moines infligeaient à ceux
qui contrevenaient aux règles religieuses dont ils étaient les gardiens. La
version tibétaine de la Charria a pris fin avec les communistes. »

D’autres idées - tout aussi discutables - sont développées, entre


énumérations approximatives de faits historiques, dénonciation « d’un
régime théocratique tibétain », et considérations économiques sur les
fabuleux avantages matériels et sociaux apportés par la Chine au Tibet.

PENSEE UNIQUE ET REACTION

Cette prise de position a entrainé des centaines de réactions sur le blog


de M. Mélenchon, d’ailleurs majoritairement positives (voir annexe 1).
Elles semblent toutes partager un point de vue commun : ce que dit le
sénateur socialiste est « courageux » et « opposé au politiquement
correct et à la pensée unique ». La cause des Tibétains serait « partout
défendue » alors que les Chinois « ne peuvent pas s’exprimer. »

Pourtant, être « contre » le politiquement correct ou n’importe quelle


pensée unique n’a en soi aucun sens. L’importance est l’argumentation,
qui doit être capable de provoquer le débat (s’il semble figé) et de
remettre en cause n’importe quelle idée (si elle est dominante). La
plupart du temps, se dire « contre » le politiquement correct revient à
s’installer dans une situation bien confortable qui exonère de toute
démonstration : « je dis le contraire, j’ai donc raison et j’incarne le bons
sens ». Or, dire le contraire d’une pensée unique, ce n’est pas avoir
inévitablement raison. Sans arguments valables et vérifiables, c’est juste
créer une autre pensée unique, c’est juste être en réaction.

Cette posture est révélatrice de deux éléments :

-La possibilité de réaliser un « coup médiatique » en étant provocateur,


en s’opposant gratuitement à l’opinion générale, sans pour autant
apporter de faits ou de raisonnements sérieux. C’est l’habitude des
réactionnaires ;

-L’étouffement de certaines personnes devant la ritournelle parfois


excessive faite par les médias sur tel ou tel événement. Même si la
cause peut être « juste », la répétition de l’information fatigue, voire
exaspère. Une raison de cet agacement est l’impuissance d’une bonne
partie de l’opinion publique, incapable d’agir concrètement sur les
événements qu’elle constate, se sentant démunie de prise sur le réel et
sans représentation politique efficace. La réaction peut donc aller jusqu’à
une forme de déni, parfois couplé à un détournement gratuit du sens
commun pour se faire entendre. Là encore, les arguments sont absents.

APPROXIMATIONS DOUTEUSES

A ce titre, les arguments de M. Mélenchon semblent douteux. Tout


d’abord, que veut-il dire par le « régime » qu’incarnerait le Dalaï lama ?
Rappelons que ce dernier a été obligé de fuir en Inde sous la menace
des armes d’un régime bien réel pour maintenir un semblant de parole
politique et culturelle tibétaine. Précisons aussi que le Dalaï lama n’a
jamais été vu portant des armes ou à la tête d’une armée. Il n’a jamais
invité à la violence. Il a condamné tout agissement au Tibet qui irait en
ce sens, y compris de la part des tibétains. Dans ses déclarations, il
soutient les Jeux Olympiques à Pékin, pourvu qu’il y ait un début de
dialogue.

M. Mélenchon insiste sur ce qui serait un desideratum du Dalaï lama :


l’obtention d’un Etat au Tibet. « Je demande: pourquoi pour exercer sa
religion et la diriger le Dalaï Lama aurait-il besoin d’un Etat ? Un Etat qui pour
être constitué demanderait d’amputer la Chine du quart de sa surface! Son
magistère moral et religieux actuel souffre-t-il de n’être assis sur aucune
royauté ? » Pour qui s’intéresse un peu à la diplomatie et à la
géopolitique, chacun sait que le Dalaï lama a renoncé depuis longtemps
à toute velléité d’indépendance du Tibet. Il demande l’autonomie. C’est-
à-dire non pas la constitution d’un Etat, mais l’affirmation et la
reconnaissance d’une culture en vue de sa préservation.

M. Mélenchon s’attache à exposer un Tibet au passé tyrannique,


coupable des pires exactions envers son peuple… Le Dalaï lama a
publiquement reconnu que les ancestrales méthodes de gouvernance
n’étaient pas les meilleures. Un devoir de mémoire que bien des
dirigeants à la surface de la Terre n’ont pas encore fait pour leur propre
pays. Plus profondément, est-il besoin d’expliquer à quel point il est
ridicule et intellectuellement inepte d’expliquer ou pire de justifier les
souffrances actuelles d’un peuple par les méfaits éventuels d’ancestrales
méthodes de gouvernance ? L’analyse ne peut se faire que sur des faits
qui appartiennent au rapport de force humain actuel. Sauf à considérer
que la responsabilité s’hérite et que les victimes restent éternelles.
Pourquoi comparer les souffrances d’hier pour passer sous silence celles
d’aujourd’hui ?

Le sénateur met sans cesse en avant la personne du Dalaï lama. Il ne


parle pas du peuple tibétain d’aujourd’hui, colonisé ou exilé. Il ne parle
pas non plus des démarches politiques inexistantes des dirigeants
chinois. Voilà pourtant l’essence même de la politique : trouver des
solutions en faisant des compromis. Sans cet exercice, elle trouve
d’autres moyens d’exister, en se prolongeant dans la guerre… ou la
révolte.

TROP TARD POUR LES DROITS DE L’HOMME ?


M. Mélenchon affirme qu’il ne fallait pas donner les Jeux Olympiques aux
Chinois. Que s’en plaindre maintenant est inutile. On compte sur lui pour
nous transmettre sa déclaration à l’époque, en tant que représentant du
peuple français, qui condamnait sans appel cette attribution. Dans le cas
contraire, est-il trop tard pour défendre les droits de l’homme ? Ou
sommes-nous condamnés à nous résigner lorsque le rapport de force
est défavorable ? A nous résigner lorsque les conditions géostratégiques
semblent inextricables ?

A quelques semaines de la cérémonie d’ouverture, M. Mélenchon


préfère remarquer que « ce qui se fait est une insulte gratuite et injustifiée
contre les millions de chinois qui ont voulus et préparent activement les
jeux. Pour moi il flotte un relent nauséabond de racisme sur cette marmite !»
Les « millions de Chinois », c'est-à-dire, les ouvriers ne bénéficiant pas
toujours « activement » des conditions sociales ? Les mingong, qui n’ont
aucune protection, ni législation pour eux ? Les Jeux Olympiques seront
aussi un très bon moment pour parler de l’état de la société chinoise.

Est-ce être raciste que d’émettre des critiques concrètes sur un pays
dans lequel l’oppression existe jusqu’à provoquer le massacre de la
place Tian’anmen ? A cet argument précis, beaucoup de commentaires
du blog proposent l’idée qu’il faut que la Chine évolue « à son rythme »,
qu’en France, « tout ne s’est fait en un jour », etc. Certes. A considérer
qu’on ne peut faire pression de l’extérieur sur la classe politique d’un
pays, l’Apartheid serait toujours en vigueur en Afrique du Sud.

Outre mesure, depuis le temps qu’on nous affirme que les Chinois volent
le travail des Français à cause des délocalisations (comme au temps de
l’immigration maghrébine, alors que ce qui diminue les emplois, ce sont
les machines et la spéculation financière), faut-il s’en étonner ? Où est
vraiment l’hypocrisie ? Ne faudrait-il pas plutôt parler des finances et
utiliser ce levier ?

ECONOMIE… DE MORALE

Le courageux M. Mélenchon en parle. C’est à peu près la seule


remarque audible de son billet : « Si un boycott devait être organisé, dans
une logique agressive conséquente, ce n’est pas celui du sport qui est un
moment d’ouverture et de fraternisation. Pourquoi pas plutôt celui des
affaires et de la finance? Naturellement aucun des activistes mondains actuels
ne le propose ni n’entreprend quoique ce soit dans ce sens. Si l’on devait
vraiment se facher avec le gouvernement chinois, pourquoi le minimum de ce
qui se fait dans les relations normales entre les nations ne se fait-il pas à cette
occasion? » L’idée est en effet très bonne ! Mais est-ce vraiment aux
« activistes mondains » d’agir ? Ne serait-ce pas aux politiques ? Ne
serait-ce pas à M. Mélenchon de se servir de tout son poids d’intrépide
sénateur pour faire des propositions en ce sens ? Critiquer les Chinois
est inutile ? Très bien, agissez !

Si rien n’est fait, M. Mélenchon sait très bien pourquoi : c’est impossible.
Les Etats-Unis n’ont plus les moyens de pénaliser économiquement la
Chine, celle-ci finance leur dette et par extension la nôtre. La vraie
solution aurait été de voir une troisième force émerger, en situation de
moindre dépendance économique, capable d’entretenir une parole
politique libre. Cela aurait pu être l’Europe. Sa construction politique
étant au point mort depuis 40 ans, ce n’est pas le cas. Et on attend
toujours que le sénateur propose un plan B qui fonctionne…

Agir économiquement est donc infaisable. Est-ce une raison pour que
l’opinion publique n’ait pas son mot à dire sur la situation au Tibet ? Est-
ce une raison pour ne pas défendre une culture qui est menacée de
disparition ? Il est assez étrange de voir les contorsions de M. Sarkozy
au sujet de sa présence ou non à la cérémonie d’ouverture. Bien que ce
symbole soit aussi futile qu’inutile, bien que l’interdiction d’antenne en
France de cette cérémonie soit bien plus dommageable pour les
autorités chinoises, l’opinion parvient à peser sur ses dirigeants. Il n’y a
là pas de pensée unique dictée par l’Etat à la rescousse du Dalaï lama.
Les drapeaux tibétains arrachés par la Police française le long du
parcours de la flamme olympique en témoignent.

Jean-Luc Mélenchon préfère justifier les répressions policières au Tibet :


« Seule l’enquête « d’arrêt sur image » rapporte que les « évènements du
Tibet » ont commencé par un pogrom de commerçants chinois par des
« tibétains ». Dans quel pays au monde de tels évènements restent-ils sans
suite répressive ? » Cet argument était exactement le même utilisé par
l’ambassadeur chinois lors d’une émission télévisée sur France 2.
Ajoutons qu’une « suite répressive » dans un pays démocratique n’est
pas censée faire plusieurs dizaines de morts.

L’HISTOIRE SELON MELENCHON


Reste l’histoire selon M. Mélenchon : un exposé rempli d’imprécisions.
Au vu du nombre de fautes d’orthographe parsemant son texte initial
(voir annexe 2), on peut excuser le sénateur à ce sujet : débordé de
travail, obligé d’écrire à la va-vite, il n’avait sans doute pas le temps de
vérifier ses sources. « Cela jusqu’au jour de 1956 où le régime communiste a
décidé d’abolir le servage au Tibet et régions limitrophes. Dans une négation
des traditions, que j’approuve entièrement, les communistes ont abrogé les
codes qui classaient la population en trois catégories et neuf classes dont le
prix de la vie était précisé, codes qui donnaient aux propriétaires de serfs et
d’esclaves le droit de vie, de mort et de tortures sur eux. On n’évoque pas le
satut des femmes sous ce régime là. Mais il est possible de se renseigner si
l’on a le coeur bien accroché. L’autorité communiste a mis fin aux luttes
violentes entre chefs locaux du prétendue paradis de la non violence ainsi
qu’aux divers châtiments sanglants que les moines infligeaient à ceux qui
contrevenaient aux règles religieuses dont ils étaient les gardiens. La version
tibétaine de la Charria a pris fin avec les communistes. (…) Depuis la
scolarisation des enfants du Tibet concerne 81% d’entre eux là où il n’y
en avait que 2% au temps bénis des traditions. Et l’espérance de vie dans
l’enfer chinois contemporain prolonge la vie des esclaves de cette vallée de
larmes de 35, 5 à 67 ans. En foi de quoi l’anéantissement des tibétain se
manifeste par le doublement de la population tibétaine depuis 1959 faisant
passer celle-ci de un million à deux millions et demi. »

Ce discours est très proche de celui des parlementaires ayant divagué


sur les « bienfaits de la colonisation ». Puisque, selon eux, la France a
amené la civilisation à l’Algérie, devrait-elle toujours gouverner son
territoire ? Sans la France, l’Algérie ne se serait donc jamais
modernisée ? Pour quelle raison ? Les Algériens comme les Tibétains en
étaient-ils incapables ? Pour rétablir quelque bon sens, voici l’analyse à
ce sujet de Katia Buffetrille, tibétologue et ethnologue à l’Ecole pratique
des hautes études (extrait d’une interview au Monde par Frédéric Bobin,
article paru dans l’édition du 23 mars 2008) :
« Le Parti communiste chinois prétend avoir “libéré” le Tibet de la noblesse esclavagiste.
Existait-il un “esclavage” au Tibet avant 1949 ?
Le mot “esclave” est parfaitement impropre. Très schématiquement, on peut dire que le Tibet
était une société à strates, très hiérarchisée, dans laquelle existait une séparation nette entre
religieux et laïcs. Les laïcs étaient divisés en trois strates : la noblesse, le peuple, la strate
inférieure (bouchers, pêcheurs…). Trois groupes seulement pouvaient être propriétaires :
l’Etat, le clergé et les nobles. Le terme de “serfs”, appliqué aux paysans, est contesté par
certains tibétologues, qui préfèrent celui de “gens du commun” ou “sujets”.
En fait, les paysans, la grande majorité du peuple, étaient héréditairement liés à la terre et
devaient des taxes qui étaient versées en argent, en nature, mais la plupart étaient sous
forme de travail, essentiellement le travail de la terre. En dépit de cette structure qui peut
paraître rigide, il y avait en fait une grande flexibilité. Ces paysans avaient des devoirs mais
jouissaient aussi de droits. Les seigneurs n’avaient aucunement pouvoir de vie et de mort
sur eux. Il ne s’agissait pas du tout d’un système idéal, mais il n’avait rien à voir avec de
l’esclavage.

« Pékin invoque souvent les bienfaits économiques de sa présence. Qu’en est-il ?


S’il est vrai que de nombreux changements ont commencé avec l’arrivée des communistes,
il est tout aussi vrai que même sans eux, le Tibet se serait modernisé. Un économiste
anglais, A.M. Fischer, a montré combien la croissance, au Tibet, est génératrice d’exclusion,
une grande part de la population, principalement les Tibétains, n’ayant pas les moyens de
participer à cette croissance. Depuis une cinquantaine d’années, la politique de financement
du Tibet par les autorités centrales est motivée par des stratégies militaires et place le Tibet
sous la totale dépendance de ces subventions.
Les compagnies de construction viennent généralement d’autres régions de Chine. De plus,
les ouvriers sont essentiellement des travailleurs chinois, souvent meilleurs du fait de leur
formation. La construction du train reliant les grandes villes de Chine à Lhassa a facilité la
venue de nombreux migrants chinois. Par ailleurs, la nécessité de devoir parler couramment
le mandarin pour trouver un travail ne permet pas aux Tibétains d’entrer en compétition avec
les Chinois sur le marché du travail. Les bénéficiaires de ce boom économique sont les
migrants Hans et quelques privilégiés tibétains, ce qui explique l’énorme frustration que
ressentent les Tibétains. »

Plus globalement, la pensée de M. Mélenchon reflète une idée selon


laquelle le développement matériel d’une société est plus important que
la préservation de sa culture et de son identité. Peu importe les
souffrances tant que la société progresse en moyenne soit dans une
occidentalisation, soit dans une mondialisation « béate »… Peu importe
alors les écarts qui se creusent en Chine avec un argument sans cesse
répété de l’avènement d’une classe moyenne alors que les disparités
sociales deviennent abyssales, les souffrances des plus pauvres
intolérables. Peu importe les Tibétains persécutés, puisque le PIB de la
Chine s’éveille…

Cette vision ethno centrée est troublante. Il est vrai qu’en France, y
échapper tient du miracle, tellement nous avons été habitués à
considérer notre système comme le meilleur, héritier des Lumières et
naturellement éclairé. Cette propension à donner des leçons de morale
peut sembler arrogante. La Chine représente une force économique bien
plus en devenir que la nôtre… La France ne représente plus qu’un demi-
pourcent de la population mondiale… Mais est-ce une raison pour ne
plus rien dénoncer sur le plan politique ? Est-ce une raison pour se
coucher devant les tyrannies ?

Si certains profitent du trouble tibétain pour s’afficher, au moins est-ce


pour parler d’une cause valable. Par contre, dénoncer la forme d’une
omniprésence médiatique en abandonnant le fond est inexcusable. S’il
faut sortir d’une vision « droit-de-l’hommiste », est-ce pour oublier les
droits de l’homme ? Ceci est une erreur intellectuelle majeure, souvent
commise par M. Zemmour, éditorialiste au Figaro.

Terminons par le plus (tristement) drôle, une autre réflexion historiciste


de M. Mélenchon : « A propos du Tibet. Le Tibet est chinois depuis le
quatorzième siècle. Lhassa était sous autorité chinoise puis mandchoue avant
que Besançon ou Dôle soient sous l’autorité des rois de France. Parler
« d’invasion » en 1959 pour qualifier un évènement à l’intérieur de la révolution
chinoise est aberrant. Dit-on que la France a « envahi » la Vendée quand les
armées de notre République y sont entrées contre les insurgés royalistes du
cru ? »

Nouvelle précision de Katia Buffetrille :


« Les sources chinoises ne s’accordent pas sur la date à laquelle, selon elles, le Tibet serait
devenu une partie intégrante de la Chine. Disons brièvement qu’elles remontent soit à la
dynastie mongole des Yuan (1277-1367), soit à celle mandchoue des Qing (1644-1911).
Sous les Yuan, une relation très particulière avait été scellée entre des religieux tibétains et
Kubilaï Khan, qui allait régner sur l’Empire mongol dans lequel la Chine et le Tibet étaient
intégrés au même titre. Il s’agissait d’une relation politico-religieuse entre un maître spirituel
et un protecteur laïc dans laquelle le maître donnait enseignements et initiations, et le laïc
assurait sa protection et faisait des dons. Les différents protagonistes jouèrent sur
l’ambiguïté de cette relation qui se poursuivit, mais de manière beaucoup moins forte, avec
certains empereurs de la dynastie chinoise des Ming (1368-1644). Ceux-ci ne considéraient
d’ailleurs nullement le Tibet comme une partie intégrante de leur territoire puisque celui qui
fonda cette dynastie envoya lors de son avènement une lettre au Tibet, comme il l’avait fait
pour les autres pays. Sous la dynastie mandchoue des Qing les relations entre le Tibet et la
Chine connurent un changement. Cette relation de maître spirituel à protecteur laïc perdura,
mais n’était pas comprise de la même manière par chaque partie. Pour les Tibétains, elle
était purement religieuse, alors que les empereurs mandchous, bien que bouddhistes,
l’utilisaient afin de se concilier les Tibétains et les Mongols. Cette relation est présentée
actuellement comme une relation de subordination par les Chinois et est utilisée pour
revendiquer le Tibet. Suite à de nombreux troubles, le pouvoir impérial intervint dans les
affaires tibétaines et à partir de 1720, des administrateurs chinois et une garnison furent
installés au Tibet.
Au début du XXe siècle, le Tibet devint le centre d’un enjeu géopolitique, notamment dans le
cadre du “grand jeu” qui opposait en Asie centrale l’Angleterre à la Russie. Les Britanniques
voulaient ouvrir des voies commerciales au Tibet. Ne recevant aucune réponse du
gouvernement tibétain, en 1904, ils pénétrèrent au Tibet et parvinrent à Lhassa. Le treizième
dalaï-lama s’enfuit en Mongolie puis en Chine. En 1910, peu après son retour au Tibet, la
dynastie Qing chercha à prendre véritablement le contrôle du Tibet et envoya une armée. Le
dalaï-lama trouva refuge en Inde. L’effondrement de la dynastie Qing en 1911 lui permit de
revenir au Tibet et de proclamer l’indépendance de son pays. En 1949, Mao proclama la
République populaire de Chine. Il affirma la souveraineté de la Chine sur le Tibet et eut les
moyens militaires de l’imposer. En, 1965, la “Région autonome du Tibet” fut fondée et les
régions traditionnelles du Tibet - Kham et Amdo - furent définitivement intégrées dans les
provinces chinoises du Qinghaï, Gansu, Yunnan et Sichuan. Pour justifier l’ancienneté de
leurs liens avec le Tibet, les Chinois évoquent aussi souvent l’alliance entre un monarque
tibétain et une princesse chinoise. Il est vrai que Songtsen Gampo, le premier grand roi
tibétain, qui régna dans la première moitié du VIIe siècle, épousa une princessse chinoise
qu’il avait obtenue sous la menace militaire. Cette princesse, une fervente bouddhiste, fit
construire un temple à Lhassa et apporta de Chine une statue de Bouddha que les fidèles
continuent d’honorer de nos jours dans le grand temple de Lhassa. Les Chinois exploitent
cet épisode pour faire remonter leur influence à une date ancienne alors que le Tibet était à
cette époque une puissance considérable très crainte par la Chine. En moins d’un siècle,
l’empire tibétain s’était alors taillé un territoire gigantesque allant du nord de l’Asie centrale à
la Chine, dont la capitale Xian est même conquise. C’est à ce moment que le bouddhisme
est introduit et deviendra religion d’Etat au VIIIe siècle. C’est une période de grand essor
culturel et intellectuel que les Tibétains appellent la “première diffusion du bouddhisme”. »

Voilà qui renseignera peut-être le sénateur socialiste au sujet du Tibet.


M. Mélenchon en parle comme d’une « théocratie indéfendable ».
Défendre le plus fort, dénigrer le plus faible est si aisé… Si nous parlions
plutôt de la Chine, comme d’une « dictature néocapitaliste
indéfendable » ? Et si M. Mélenchon se décidait à construire l’Europe
politique pour vraiment s’opposer au néocapitalisme au lieu de produire
des tribunes pour faire parler de lui ? Le jour où la Droite ne produira
plus de réactionnaires, la Gauche s’en occupera. C’est chose faite.

LG

Liens pour poursuivre la réflexion :


http://fr.wikipedia.org/wiki/Tibet

http://www.irenees.net/fr/fiches/analyse/fiche-analyse-53.html

http://www.courrierinternational.com/article.asp?obj_id=84316
ANNEXE 1 : QUELQUES COMMENTAIRES SUR LE BLOG
DE M. MELENCHON
Voici en annexe, quelques-unes des réactions au billet de M. Mélenchon, postées sur
son blog. L’orthographe n’a pas été modifiée, là n’est pas la question. En italique : un
commentaire au commentaire.

Lina : Les chinois savent très bien ce qu’il s’est passé à Paris , soit par les témoignages sur
internet, soit par la télé, les journaux ou les sites d’info. Ce genre de spectacle n’est pas
l’objet de la censure, contrairement à ce que croyez les français, ils sont au courant de tous.

C’est un fait : la censure n’existe pas en Chine. D’ailleurs tout le monde a accès à
Internet.

Marianne durand : Merci beaucoup pour cette brèche dans la pensée unique ! je partage
entièrement votre analyse et jusqu’à la publication de votre texte, j’avais bien du mal à me
faire entendre dans ce concert de bien-pensance. Moi aussi, je suis affligée par cette
montagne de préjugés, de mépris et de méconnaissance de la Chine et des Chinois. Je suis
allée en Chine à l’automne dernier et j’ai pu mesurer concrètement le décalage entre la
perception occidentale, qu’on peut effectivement qualifier de raciste, et la réalité. On se
gausse sur les désordres de la vie urbaine dans la capitale chinoise. Moi, j’ai plutôt vu de
grandes avenues bordées de pistes cyclables, équipées de cheminements pour handicapés
et de souterrains pour traverser. La collecte des déchets y est mille fois mieux organisée
qu’à Naples, par exemple. Les parcs et jardins sont innombrables et magnifiques.

Critiquer un régime dictatorial, c’est être raciste ? Il n’y a donc aucun opposant
démocrate en Chine au régime néocapitalo-communiste ? Heureusement en tout cas
qu’il y a des parcs et jardins innombrables et magnifiques et pas que des places
comme Tian’anmen.

Claude Nadjari : Mr. le Sénateur, Consultant sur la Chine depuis 42 ans, diplômé des
Langues Orientales en russe et chinois, ancien diplomate à l’Ambassade de France à Pékin
et Oulan-Bator (1966-1969) je sillonne ce pays plusieurs mois par an et j’adhère à vos
commentaires à 100%. Depuis les “évènements” au Tibet, vous êtes le premier à aller
contre le courant médiatique. J’ai moi-même envoyé un article au journal “Le Monde” allant
dans votre sens, mais bien entendu n’étant pas dans l’air du temps actuel, il n’a pas été
publié! Bravo aussi pour votre interview donnée ce matin à JP Elkabbach: vous avez su
imposer vos idées avec vigueur! Pour la plupart des “interviewers” il semble que leurs
questions soient plus importantes que les réponses données qu’ils écoutent peu ou pas!
Mais vous avez su aller jusqu’au bout de vos idées….et de vos réponses ! Avec ma haute
considération
CLAUDE NADJARI Directeur Général de ACN China Consulting

Les « événements »… Niveau vocabulaire, cela ne vous rappelle rien ?

Xiaoyang : “Pour un monde meilleur” — quelques mots d’une artiste chinoise vivant en
France

1. Cela fait 1000ans que le Tibet fait partie de la Chine.


2. La Chine est composée de 56 ethnics différentes.
3. Il ne faut pas mélanger les Jeux Olympiques avec la politique.
4. Tout le monde sait qu’en Chine, les Han (la majorité) n’ont le droit d’avoir qu’un enfant ;
Est-ce que tout le monde sait que les tibétains ont le droit d’en avoir autant qu’ils veulent ?
5. La Chine est 25 fois plus peuplée que la France, elle n’est sortie d’une société impériale
que depuis 50 ans, il est certain que les autorités et les medias ont beaucoup de progrès à
faire, mais il est faux de penser que le peuple chinois ainsi que les tibétains vivent dans un
enfer pareil à celui décrit par certains medias occidentaux ! En plus, le processus de
développement de chaque pays est différent, n’est-ce pas ??
6. Les medias donnent beaucoup la parole aux Tibétains de France, en donnent-ils autant
aux Chinois de France ?
7. Il faut laisser aux chinois tracer leur chemin vers la démocratie, et surtout leur en donner
le temps. Cette marche vers la démocratie doit venir d’eux-mêmes!
8. Si on veut aider un pays pour construire un monde meilleur, le minimum est d’apprendre
puis comprendre que chaque pays a sa propre histoire et son propre chemin.

Tout d’abord, soyons fiers que tous les artistes chinois puissent s’exprimer
librement en France et sans aucune menace ou censure. 1. Historiquement
discutable. 2. Et alors ? 3. Cela a toujours été mélangé. En 1936 par exemple. 4.
Avoir beaucoup enfants, c’est mieux en cas de guerre ? 5. Respecter quelque
processus de développement, est-ce se condamner au silence ? 6. C’est vrai, surtout
que les Tibétains ne nous font signer aucun contrat. Plus sérieusement, le manque
d’expression est toujours à déplorer. Pour autant, en France, personne n’est
empêché de prendre la parole. 7. et 8. Dans un premier temps, faire de la politique
serait bien plus facile. Les dirigeants chinois ne font pour l’instant que l’ignorer et
font là une erreur colossale.

Branchi Michel : Bravo M. Jean-Luc Mélanchon pour votre lucide et courageuse prise de
position sur l’affaire du Tibet et le boycoot des JO ce matin sur Europe n° 1 face à un Jean-
Pierre El Kabach plus pro-impérialisme américain et agressif que jamais dès lors qu’on ne
défend pas la “pensée unique”. Il est clair que des milliers de pesrsonnes ont découvert,
grâce à vos propos clairs et argumentés, certaines des données de ce probléme complexe,
loin de la caricature qu’en donnent les médias occidentaux. Effectivement on se croit
revenus aux belles heures des caricatures anticommunistes de la guerre froide. Merci et
tenez bon.

Il y a encore un vrai communiste en Chine ?

Clama : Je suis bien trop ignorant de la situation tibetaine pour discerner qui sont les bons
et qui sont les méchants. Le le texte de JL Mélenchon est rafraichissant, il va à l’encontre de
la “bien-pensance clé en main” qui nous assomme tous les jours.
Il provoque des réactions interressantes et enflammées qui réveillent ce blog. Je ne peux
pas juger des faits énoncés dans le texte de JL Mélenchon mais je reconnais sa
clairvoyance et sa pertinence dans le contexte actuel. Sans rentrer dans le détail mais pour
aller dans le sens de notre sénateur, il est interressant de constater que “c’est dans l’air du
temps” de pousser les feux de tous les indépendentismes de façon à morceler les territoires
et affaiblir les état nations fortement centralisés. Les exemples commencent à être de plus
en plus nombreux. Il y a des théoriciens de la régionalisation du monde, ils sont nombreux
aux Etats Unis, en Europe… et peut-être aussi en France…
Une fois de plus, le Tibet ne demande pas l’indépendance, mais l’autonomie. Un
règlement politique est donc possible. Quand à la « régionalisation » du monde, si
l’Europe a laissé naître le Kosovo au sein d’un pays déjà morcelé (avec un Bernard
Kouchner enthousiaste), pourquoi pas laisser tranquille le Tibet au sein d’un pays-
continent ?

Anonyme : Reflechissez a notre place!


Si vous etiez prets d’organiser un JO apres avoir attendu dizaines annees, et quelqu’un
fesait expres de vous embeter, vous seriez contents?

C’est vrai ça, ces Tibétains ils font exprès d’attendre les JO après avoir été colonisés
des dizaines d’années pour embêter tout le monde…

OD4 : Voici une tres bonne analyse, bien argumentee et osant aller a contresens de la
norme de pensee que l’on nous impose en ce moment. Residant en Chine depuis quelques
annees et connaissant qq journalistes correspondants de nos grands quotidiens, je peux
vous assurer que la plupart de leurs papiers relevent d’un amateurisme certain (presence
en Chine depuis trop peu de temps, aucune connaissance du contexte politico-historique et
a la solde de leurs superieurs parisiens leur ordonnant de pondre des articles dans un sens
bien precis).

Tout à fait, ces journalistes ignorants, on devrait les mettre en prison.

ANNEXE 2 : Les fautes d’orthographes de M. Mélenchon


Nous pouvons tous faire des fautes d’orthographe. Là n’est donc pas le sujet. Même
si de la part d’un sénateur, on peut s’en étonner… Est-ce là la preuve que ce billet a
été écrit à la va-vite, sans réel souci d’objectivité, dans le seul but de provoquer une
polémique ?

1-Je ne suis pas d’accord avec l’opération de Robert Menard contre les jeux olympique de
Pékin. « olympiqueS » : accord pluriel.

2- Si l’on devait vraiment se facher avec le gouvernement chinois. « fâcher », accent.

3-4-5 La superbe occidentale nie jusqu’au nom des gouvernant qui dirigent un peuple de un
milliard quatre cent millions de personnes que l’on croit assez veules pour être maitriser par
une simple police politique. « gouvernantS » : accord pluriel / « maîtrisées » : accent +
accord participe passé.

6- En foi de quoi l’anéantissement des tibétain se manifeste par le doublement de la


population tibétaine depuis 1959 faisant passer celle-ci de un million à deux millions et
demi. « des tibétainS » : accord pluriel.

7- Les seuls chiffres rabachés sont ceux du « gouvernement tibétain en exil ».


« rabâchés » : accent.
8- J’exprime les plus nettes réserve à propos de l’action politique de monsieur Robert
Ménard, proncipal organisateur des manifestations anti chinoises. « les plus nettes
réserves » : accord pluriel « prIncipal » : faute de frappe…

9- Il parle, parait il, au nom de « Reporters sans frontière ». « paraît-il » : accent,


ponctuation.

10- Bien sur, aucun de ceux qui s’agitent en ce moment ne se préoccupe de savoir de quoi
il retourne à ce propos. « bien sûr » : accent.

(…)

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