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Nicolas Dupont-Aignan (ex-UMP) : "Comme beaucoup, je

suis déçu par Nicolas Sarkozy"


LEMONDE.FR | 14.05.08 | 12h10 • Mis à jour le 15.05.08 | 16h55

Le député ex-UMP annonce son intention de constituer des listes pour les élections européennes de
2009 et de "rassembler les Français qui ont été trahis par le traité de Lisbonne".

livier-Yerres : Comment jugez-vous l'ampleur de la mobilisation aujourd'hui, dans


l'éducation nationale et plus généralement dans le service public ?

Nicolas Dupont-Aignan : Cette mobilisation est compréhensible dans la mesure où la réforme de


l'Etat est importante. Toute la difficulté est de bien doser, ministère par ministère, les efforts à
fournir. Attention à ne pas affaiblir l'Etat.

Je doute que l'objectif du gouvernement soit faisable : ne pas remplacer un départ à la retraite sur
deux, dans certains services, et notamment à l'éducation nationale, posera vite des problèmes.

Encore une fois, après des années d'immobilisme, évitons l'excès inverse d'une vision trop
idéologique du "moins d'Etat".

Stravigor : Que pensez-vous de la réaction du député UMP François Grosdidier qui


persiste et signe quant au rejet du projet de loi sur les OGM ?

Nicolas Dupont-Aignan : Il a raison. Pour ma part, je voterai contre ce projet, qui obéit, certes
avec quelques précautions de forme, aux diktats de la Commission de Bruxelles et de ses donneurs
d'ordre, les semenciers américains.

Ce projet de loi représente un vrai danger pour notre environnement. Le gouvernement et la


majorité ne se rendent pas compte de la responsabilité qu'ils prennent devant l'histoire.

Je ne suis pas, bien évidemment, hostile aux progrès scientifiques, il faut poursuivre les recherches
sur les OGM, mais il ne faut surtout pas autoriser aujourd'hui, en l'état des connaissances, les
cultures en plein champ.

Encore une fois, il y a un manque de cohérence entre les avancées remarquables du Grenelle de
l'environnement et les actes concrets du gouvernement.

D'une manière générale, c'est ce décalage entre les discours du président de la République et la
pratique de ses décisions qui devient de plus en plus insupportable aux Français, et même à bon
nombre de députés de la majorité.

étudiant_38 : Les mesures de la commission Balladur pour réformer nos institutions


sont-elles suffisantes à vos yeux ?

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Nicolas Dupont-Aignan : Tout d'abord, sincèrement, je ne crois pas que la révision de la
Constitution soit une priorité pour les Français. La vraie question aujourd'hui, c'est la guerre
économique que nous sommes en train de perdre, avec ses dommages collatéraux en termes de
délocalisations et de régression sociale.

Pour autant, pourquoi pas une réforme institutionnelle si, là aussi, il y a cohérence et honnêteté
intellectuelle ? Malheureusement, le projet de loi de révision me paraît être davantage un coup de
pub qu'une réforme sérieuse et profonde.

On nous parle de droits renforcés pour le Parlement et de démocratisation de notre pays. Mais au
même moment, le projet supprime l'obligation de référendum pour l'élargissement de l'Union
européenne. Où est le progrès ?

Par ailleurs, comment imaginer renforcer les droits du Parlement si l'on n'aborde pas la question clé
du mode de scrutin ? Je ne suis pas favorable à une proportionnelle intégrale, mais je crois
sincèrement qu'une dose de proportionnelle sur 10 % ou 20 % des sièges ne remettrait en rien en
cause la stabilité de la Ve.

N'oubliez pas que cela ne sert pas à grand-chose de renforcer les droits du Parlement si un seul parti,
aujourd'hui de droite, l'UMP, hier ou demain de gauche, détient la majorité parlementaire et prend
ses ordres à l'Elysée.

Enfin, il serait temps d'aborder la question essentielle de la diversité des médias et de leurs liens
avec certains milieux d'affaires, dépendant des commandes de l'Etat, pour garantir, comme dans les
autres pays occidentaux, une vraie pluralité d'opinions.

Enfin, je regrette que le président de la République refuse l'usage du référendum, qui est un élément
essentiel de respiration démocratique voulu par le général de Gaulle. Vous le comprenez, je voterai
contre cette réformette constitutionnelle.

bobby : Que pensez-vous de la première année de présidence de Sarkozy ?

Nicolas Dupont-Aignan : Comme beaucoup de Français, je suis plus que déçu. Jamais le
décalage n'a été aussi grand dans notre pays entre les discours, les promesses et les actes.

Pendant la campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy avait pointé du doigt, avec raison, les origines
profondes de nos difficultés (euro cher, libre-échange déloyal, manque de volontarisme industriel,
immigration incontrôlée, etc.). Une fois élu, il s'est résigné à subir le carcan de Bruxelles et s'est
engagé dans une politique, notamment économique, peu efficace (le fameux paquet fiscal).

Je ne méconnais pas sa volonté de réforme, mais ce ne sont pas des réformes en désordre qui
permettront d'obtenir les résultats qu'attendent les Français.

Enfin, et c'est peut-être là le plus grave, le président a engagé une réorientation de la politique
étrangère et de défense dont il n'avait jamais parlé pendant la campagne (réintégration dans
l'OTAN, envoi de soldats en Afghanistan), qui porte un tort considérable à l'image de notre pays
dans le monde. Le général de Gaulle doit se retourner dans sa tombe.

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Et tous ceux qui, comme moi, croient à une certaine idée de la France sont profondément tristes de
l'occasion perdue de 2007.

Denis : Pouvez-vous nous en dire plus sur votre positionnement politique ? Sous la
bannière de la majorité présidentielle UMP, il y a encore peu de temps, interviewé
dans Minute en décembre, votant la censure en avril... où vous situez-vous ?

Nicolas Dupont-Aignan : Je suis gaulliste, républicain. Je ne peux pas accepter la dérive


atlantiste dont je vous parlais il y a un instant. Je refuse cette soumission à l'ordre des lobbies de
Bruxelles. Je siège, vous l'avez compris, aux non-inscrits.

Je ne crois pas pour autant que le Parti socialiste ferait une politique fondamentalement différente
de celle engagée par Nicolas Sarkozy. Et je crois que les Français sont lassés de ce jeu hypocrite entre
deux partis dominants qui, sur le fond, ne font que gérer les affaires courantes d'un ordre mondial
qui prend ses décisions ailleurs.

Mon mouvement politique Debout la République a, il est vrai, penché pour Sarkozy à la
présidentielle, car ce dernier avait repris bon nombre de nos thèmes de campagne. Ce n'était
qu'illusion, certes, nous le découvrons maintenant. Cela ne doit pas nous empêcher, pour l'avenir, de
préparer l'après-Sarkozy et de proposer une offre politique nouvelle.

Augustin-de-V : Subissez-vous des pressions de la part de l'UMP ? La vie d'un député


indépendant est-elle impossible ?

Nicolas Dupont-Aignan : Je ne subis pas de pressions de l'UMP, car ils savent qu'elles n'auraient
aucun effet. La vie d'un député indépendant dans un système de quasi-bipartisme est extrêmement
difficile.

Pour autant, devrais-je renoncer à ce que je crois de plus important pour mon pays : l'indépendance
nationale, une Europe des nations, une république intègre, une économie croissante au service du
partage social.

Non, bien sûr. Car tous les jours Debout la République reçoit des adhésions d'anciens UMP,
d'anciens chevénementistes, de citoyens sans étiquette, qui sont convaincus que le système actuel
court à sa perte.

Les Français, et j'en fais partie, je ne le renie pas (même si, vous le savez, j'avais émis des doutes en
voulant me présenter à la présidentielle), ont cru que Nicolas Sarkozy pouvait incarner le sursaut.
Malheureusement, ils comprennent aujourd'hui qu'il accélère la "normalisation" de la France, une
sorte de Länder de l'Europe supranationale sous influence américaine. Les Français, j'en suis
convaincu, réagiront d'une manière ou d'une autre et ne se laisseront pas faire, à la condition bien
sûr qu'une autre politique existe.

Romain : Si la droite nationale rassemblant les partis du FN, du MNR et du MPF


décidaient de lancer une nouvelle formation rassemblant tous les patriotes dans une
véritable alternative à Nicolas Sarkozy, accepteriez-vous d'y participer ?

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Nicolas Dupont-Aignan : Je ne vois pas ceux qui n'ont pas été capables de le faire au cours des
dix dernières années s'y mettre aujourd'hui. En revanche, il va de soi que les républicains, de gauche
comme de droite, et les patriotes, de gauche comme de droite, devraient davantage unir leurs forces
politiques.

C'est pourquoi je proposerai dans les semaines qui viennent la constitution de listes pour les
élections européennes de juin 2009. Il ne s'agira pas de regrouper les groupuscules de M. X ou de
Mme Y, mais, à partir d'un vrai projet pour l'Europe du XXIe siècle, de rassembler les Français qui
ont été trahis par le traité de Lisbonne, qui a repris, vous le savez, la Constitution européenne
pourtant rejetée par le peuple le 29 mai 2005.

Car, ne l'oublions pas, il ne peut y avoir de redressement de la France sans une refondation
européenne. C'était le sens de la campagne de Nicolas Sarkozy, c'est la raison aujourd'hui de son
échec.

Républicain : Allez-vous vous allier à M. De Villiers pour les prochaines européennes


?

Nicolas Dupont-Aignan : Philippe de Villiers est resté totalement silencieux lors du vote du
traité de Lisbonne. Je le regrette. La question maintenant n'est pas d'additionner M. X ou Mme Y
comme je l'ai déjà dit, mais d'être capable de porter un projet concret pour une Europe efficace, car
nous avons besoin de l'Europe, au service du progrès social.

Je crois aussi sincèrement que les Français attendent des visages nouveaux, une nouvelle génération
politique capable – on le voit bien avec Besancenot à gauche – de rassembler.

denis 75 : Debout la République sera-t-il présent aux élections européennes 2009 ?

Nicolas Dupont-Aignan : Debout la République sera bien sûr présent, mais je crois qu'il faudrait
aller au-delà et associer tous ceux qui se reconnaîtront dans mon projet. Nous serons la surprise de
2009.

Républicain : Dans vos discours vous parlez souvent d'une "autre Europe".
Qu'entendez-vous par là exactement ?

Nicolas Dupont-Aignan : Dans la mondialisation et le monde multipolaire des cinquante


prochaines années, il va de soi que l'Europe doit exister. On me caricature d'ailleurs souvent comme
un anti-européen, ce qui est totalement faux.

Mais pour que cette Europe réussisse, elle doit répondre à plusieurs conditions. Premièrement, elle
doit mettre fin à son élargissement et établir un partenariat avec la Russie, la Turquie et le Maghreb.

Ensuite, l'euro doit être radicalement réformé pour en faire un instrument de croissance
économique, et une politique industrielle et scientifique avec de très forts investissements publics
doit être mise en œuvre autour de projets de coopération à la carte.

Enfin, il faut passer d'une Europe supranationale, oligarchique, qui a donné tous les pouvoirs à trois
organismes non élus (Commission, Cour de justice, Banque centrale), à une Europe confédérale qui
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s'appuie sur les démocraties nationales et qui met en œuvre ces fameuses coopérations à la carte, qui
sont les seules qui marchent concrètement. En témoignent Ariane ou l'Airbus.

Vous le voyez, c'est une redéfinition complète du système européen que je propose. Je ne suis pas le
seul à le faire en Europe. En Italie, en Espagne, en Allemagne, de plus en plus de voix s'élèvent
contre la dénaturation du beau projet européen initial.

Comment croire que l'on puisse construire l'Europe contre les peuples, en violant leur souveraineté
et leur démocratie ? C'est une hérésie, et de surcroît, c'est inefficace.

Vous pouvez retrouver le détail de mes propositions dans mon dernier livre, Le Coup d'Etat
simplifié, aux éditions du Rocher.

Blogos : Que pensez-vous de la politique à l'égard des travailleurs clandestins ? Faut-il


leur donner des papiers ? Est-ce que vous êtes sur la ligne de Brice Hortefeux pour la
politique de l'immigration ?

Nicolas Dupont-Aignan : Il faut savoir faire preuve de fermeté même si, humainement, cela
n'est pas facile. Quand comprendra-t-on que certains chefs d'entreprise se servent de l'immigration
clandestine comme moyen de peser sur les salaires à la baisse ? Il serait suicidaire pour notre pays
d'ouvrir à nouveau les vannes de l'immigration.

Il y a tant de jeunes dans nos quartiers, souvent d'ailleurs d'origine étrangère, qui sont au chômage
et qui mériteraient d'être embauchés, que je ne comprends pas cette fausse sentimentalité des
organisations de gauche qui viennent en renfort du Medef.

La vraie question, c'est le développement de l'Afrique et du Maghreb, mais là aussi, on revient à la


case départ : quelle Organisation mondiale du commerce voulons-nous ? Il y aurait tant de mesures
simples à prendre pour développer l'agriculture africaine, pour donner un espoir à la jeunesse du
Maghreb. La solution pour cette jeunesse n'est pas de venir en France.

Quant à l'action de M. Hortefeux, j'approuve sa fermeté, mais je suis hostile à l'immigration choisie,
qui rend sa politique incohérente.

Nous devons freiner au maximum l'immigration pour intégrer le mieux possible toutes celles et tous
ceux, d'origine étrangère, qui vivent sur notre sol. Un point, c'est tout.

Républicain : Qu'avez-vous prévu pour le 29 mai (anniversaire du "non" au


référendum sur la Constitution européenne) ?

Nicolas Dupont-Aignan : Sur le site Deboutlarépublique.fr, vous trouverez très prochainement


une invitation pour une manifestation symbolique que je ne veux pas révéler pour l'instant, mais qui
est d'ores et déjà prête, et qui se produira au même moment dans tous les pays d'Europe.

Blogos : Qu'est-ce qui vous distingue, finalement, de l'extrême droite "classique" ?

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Nicolas Dupont-Aignan : Je n'ai rien à voir avec l'extrême droite. Je n'ai jamais tenu un discours
de rejet de quiconque. Je suis un républicain gaulliste, il suffit de lire tous mes discours ou mes
écrits pour le comprendre. A l'inverse, je n'ai jamais rejeté les patriotes qui ont pu s'engager dans
l'impasse du Front national.

Je crois à la nation, à la république, à l'Etat, à la liberté, à l'égalité, à la fraternité. Seraient-ce des


valeurs d'extrême droite ?

GUITOU : Etre gaulliste, c'est quoi en 2008 ? Etes-vous un gaulliste de "gauche" ou un


gaulliste de "droite" ?

Nicolas Dupont-Aignan : Ni l'un ni l'autre. Le principe même du gaullisme, c'est d'être au-
dessus des partis !

Plus précisément, être socialiste aujourd'hui, pourriez-vous dire, c'est quoi ? dans la mesure où le
socialisme date de 1900 et même d'avant. Il y a toujours eu des courants de pensée dans notre
histoire. Le socialisme de 2008 n'est pas celui de 1905. Le gaullisme de 2008 n'est pas celui de 1958.

Pour autant, il y a des continuités historiques qui structurent notre sensibilité nationale, et même
internationale, car entre nous, sans polémique aucune, croyez-vous que les peuples de la Terre
préfèrent Nicolas Sarkozy en goguette chez George Bush ou le général de Gaulle demandant à
Phnom Penh, à Québec ou à Mexico, le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes ?

Ce qui me fait le plus de peine aujourd'hui pour mon pays, c'est de voir la droite française
prisonnière d'un petit clan anglo-saxon conservateur, ultralibéral, alors même que le général de
Gaulle avait su rompre avec le pire de la droite.

En conclusion, je comprends bien que ma position politique puisse surprendre les uns et les autres.
Mais je crois que dans ce désarroi général, au moment où beaucoup de Français se demandent si
vraiment la politique sert à quelque chose, qu'il y a besoin dans notre pays d'hommes libres (je ne
suis d'ailleurs pas le seul), de structures politiques indépendantes et de discours sans langue de bois.

Je sais bien que ma tâche est difficile, mais le nombre de témoignages de soutien qui, depuis un
certain temps, m'arrive prouve que malgré une certaine omerta médiatique mes idées font leur
chemin. Il reste bien sûr à muscler mon parti, c'est pourquoi j'invite toutes celles et tous ceux qui
partagent mon idéal à m'aider.

Chat modéré par Constance Baudry

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