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L’Afrique doit investir dans ses infrastructures

La croissance économique en Afrique, bien que robuste et soutenue, reste néanmoins à la traîne comparée aux
autres régions en développement. Pour rattraper son retard, elle devrait investir près de 93 milliards de dollars,
chaque année, dans ses infrastructures. Ces dépenses attendues d'infrastructures représentent une nouvelle phase
d'opportunités d'investissement de long-terme pour la communauté d’investisseurs, notamment étrangers.

Par Olivier Lumenganeso, économiste, stratégiste et consultant senior


Juin 2010

Croissance forte mais apathique…

L’Afrique est en marche : elle a atteint un stade auquel elle peut espérer sortir de la longue période de stagnation
économique. Les dix dernières années ont, en effet, été marquées par la reprise de la croissance et l'amélioration
de la gouvernance dans nombreux États africains, qui semblent dorénavant mieux placés pour saisir les
opportunités offertes par une économie mondiale en rapide évolution. Pourtant, les performances économiques
de la région restent largement à la traîne par rapport à celles des autres régions émergentes. Deux facteurs,
parmi d’autres, semblent expliquer la lenteur de ces performances: la faiblesse relative à l'accumulation de
capital et celle du taux de croissance de la productivité des investissements effectués dans la région. Selon des
estimations, par exemple, alors que la consommation privée compte désormais pour près de 60% de la
croissance économique du continent, la contribution de la formation brute de capital fixe ne dépasse pas les
25%, ce qui est bien inférieur à celle en Asie du Sud Est, par exemple. Pire encore, le continent perdrait, chaque
année, deux points de pourcentage de sa croissance économique, et sa productivité serait réduite de plus de
40% à cause du mauvais état de ses infrastructures, à savoir ses services d’électricité et d’eau, ses routes, et
ses services de technologie de l’information et de la communication.

La lente et irrégulière croissance économique dans le continent reste aussi une des principales raisons de son
retard dans la réduction de la pauvreté. L’Afrique compte 10 % seulement de la population mondiale mais 30 %
des pauvres du monde entier. 45% de sa population vit avec moins de 1 dollar par jour, alors même que les
projections prédisent un accroissement démographique dramatique du continent de 797.5 millions d’africains en
2000 à 1.7 milliards en 2050 (soit près de 22% de la population mondiale). Et, contrairement au pays développés
aux populations vieillissantes, la population africaine est très jeune, avec un âge médian de 17 ans (23 ans dans
le monde). Pour le continent, cette dynamique démographique est incontestablement source de défis
gigantesques, car elle s’accompagne d’une demande accrue d’urbanisation et des besoins énormes de
développer les infrastructures économiques et sociales.

Infrastructures physiques obsolètes

Une infrastructure étendue et efficiente constitue un moteur essentiel de la croissance, du développement, et de


la prospérité, et les insuffisances infrastructurelles ralentissent de façon visible la croissance économique. Pour
rattraper son retard, l’Afrique doit impérativement investir dans ses infrastructures pour stimuler davantage sa
capacité à générer de la croissance durable. Le rapport sur la compétitivité de l’Afrique, publié par le Forum
Economique Mondial (FEM), met en évidence les domaines dans lesquels des mesures urgentes et des
investissements sont nécessaires. Il en ressort que la mauvaise qualité des infrastructures existantes ainsi que le
manque d'investissement dans de nouvelles infrastructures ont des implications sur les économies de la région,
leur capacité à attirer les investissements, et en fin de compte leur position de crédit.

Pour exemple, l’état de l’infrastructure, surtout d’énergie et de transport, demeure une des clés importantes à la
compétitivité. Un réseau de transport bien développé et efficient atténue les effets de la distance entre les
régions, avec à la clé des marchés nationaux et régionaux véritablement intégrés . Il permet aux entreprises
d’acheminer leurs marchandises, rapidement et en toute sécurité, vers les marchés, et facilite la circulation des
travailleurs. Comparée à leurs principales concurrentes en Asie, les entreprises africaines sont pénalisées
concernant ces services. En Afrique, en effet, moins du quart des kilomètres de routes est revêtue. Ce mauvais
état des réseaux de transport africains favorise le coût élevé des transports (estimés à près de 40% de plus des
coûts commerciaux que dans d’autres régions émergentes du monde), ce qui rend les exportations du continent

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moins compétitives sur les marchés mondiaux et ses importations plus coûteuses pour les consommateurs
africains. Pire encore, le manque de routes africaines handicapent lourdement les échanges entre les pays du
continent. Par conséquent, le commerce intra-africain ne représente qu’environ 10 % de la totalité des échanges
extérieurs des pays, le niveau le plus faible de toutes les régions du monde. Pour remédier à cette situation, il est
impérieux d’investir dans le développement d’infrastructures routières tant au niveau national que régional afin de
lever les obstacles à la libre circulation des personnes et des biens, ce qui devrait fortement favoriser la
coopération et l’intégration régionales.

Les économies sont également tributaires de la fourniture d’électricité, qui doit être à l’abri des interruptions et
des pénuries si l’on veut que les entreprises et les usines fonctionnent correctement. Cependant, la capacité de
production énergétique de l’Afrique est inférieure à celle des autres régions. L’énergie dans le continent coûte
deux fois plus chère que dans d’autres régions en développement, et son approvisionnement n’est pas fiable. La
capacité de production installée globale des 48 pays d'Afrique subsaharienne est estimée à peine près de 68
gigawatts. L'Afrique du Sud exclue, ce total tombe à 28 GW, ce qui équivaut à la capacité installée de l'Argentine.
De plus, de nombreux problèmes tels la vétusté des centrales électriques vieillissantes et le manque de
maintenance font que 25% de ces 28 GW de capacité installée ne sont pas disponibles pour la production.
Exprimée en capacité par million de personnes, la capacité installée de l'Afrique subsaharienne, hors Afrique du
Sud, dépasse à peine le tiers de celle de l'Asie du Sud (alors que ces deux régions étaient au même niveau en
1980) et n’atteint que le dixième de celle de l’Amérique Latine. Aujourd'hui, les pannes de courant chroniques
sont monnaie courante dans 30 pays du continent, et seul un africain sur quatre a accès à l'électricité (près de la
moitié en Asie du Sud et plus de 80% en Amérique Latine). Dans plusieurs pays, la croissance des connexions
des ménages au réseau électrique est inférieure à la croissance de la population. Les entreprises de nombreux
pays africains indiquent que les contraintes électriques sont l'obstacle le plus important à la pratique des affaires.

L’Afrique est débranchée

Ce sont les technologies de la communication qui rendent la mondialisation actuelle différente de toutes les
autres, argumente le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD). La révolution technologique
et la mondialisation qui a inauguré l’ère des réseaux, modifie les modes d’élaboration et de diffusion de la
technologie. Cela permet de réaliser en l’espace d’une décennie des progrès qu’il aurait fallu, par le passé,
plusieurs générations à accomplir. Les technologies de l’information et des communications fournissent un accès
très rapide et peu coûteux à l’information dans pratiquement tous les domaines de l’activité humaine. Un grand
nombre de pays en développement tirent d’ores et déjà parti de ces réseaux, avec à la clef des progrès
significatifs sur le plan du développement humain dans l’éducation, la recherche scientifique, l’industrialisation, la
santé, etc. Un réseau de télécommunications étendu et résistant permet donc une circulation rapide de
l’information, ce qui accroît l’efficience économique générale.

A son échelle, l’Afrique n’échappe pas aux bouleversements actuels des télécommunications. A la fin des années
1990s, les Etats qui détenaient le monopole des opérateurs de télécommunication, ont mis en place des
processus de libéralisation du secteur. Bien que les grands groupes privés européens se sont montrés que
faiblement intéressés dans l’acquisition des anciennes sociétés d’Etat, les services de télécommunication dans le
continent ont fortement progressé depuis. Le marché est même devenu concurrentiel, solvable, avec un nombre
de consommateurs en croissance continue. Si en 1995 seuls 7 % des pays africains autorisaient la concurrence,
ce chiffre est passé à 56 % en 2002. Durant la même période, le nombre de réseaux mobiles est passé de 33
opérateurs à plus de 100 opérateurs en activité sur le continent. Selon l’Union Internationale des
Télécommunications (UIT), le marché cellulaire africain est celui qui a augmenté le plus rapidement ces dernières
années par rapport aux autres régions du monde. Le nombre d'abonnés mobiles en Afrique a, en effet,
augmenté de plus de 1’000 % entre 1998 et 2003 pour atteindre les 51,8 millions et a depuis longtemps dépassé
celui des lignes fixes, qui était de 25,1 millions à la fin de 2003. La pénétration du mobile y a été de 6,2 % à la fin
de l'année 2003, contre 3 % pour la téléphonie fixe. Cette révolution de l’information offre au continent une
opportunité gigantesque de bondir dans le futur. A l’échelle planétaire, néanmoins, le continent parait débranché.
L’Afrique est absente des cartes de flux de données, elle ne compte pas plus de lignes téléphoniques qu’une ville
comme Tokyo, par exemple, et le nombre d’ordinateurs connectés à internet reste très faible.

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Infrastructures financières également inadaptées

Beaucoup d’efforts ont déjà été déployés pour l’amélioration de l’environnement économique et d’affaires en
Afrique. En effet, les systèmes financiers africains se sont approfondis et étendus, ces dernières années, non
seulement sous l’effet de l’amélioration du cadre macro-économique et institutionnel, mais aussi de la
surabondance mondiale de liquidité, qui a entraîné une augmentation des flux de capitaux, surtout privés, vers
l’Afrique. Mais, dans nombreux des pays du continent, le système financier reste obsolète. Le rapport du FEM
montre que les systèmes financiers africains font partie des plus petits au monde, tant en valeur absolue que par
rapport à l’activité économique, avec un total d’actifs souvent inférieur au milliard de dollars. De plus, les
systèmes financiers africains se caractérisent par un rayon d’action très limité: moins d’un ménage sur cinq a
accès à un service bancaire formel, qu’il s’agisse d’épargne, de paiements ou de crédit. Les services bancaires
coûtent également très cher dans le continent, comme en atteste le niveau élevé des différentiels et des marges
d’intérêt. Et l’écart entre les taux de dépôt et du crédit n’incite ni à l’épargne ni à l’emprunt. Cependant, malgré
des coûts et des risques élevés, les banques sont très rentables. En effet, les filiales de banques étrangères en
Afrique subsaharienne ont un rendement de l’actif et des capitaux propres plus élevé que les filiales de ces
mêmes banques dans d’autres régions du monde. Ceci s’explique en partie par les risques très importants liés à
l’activité bancaire en Afrique et en partie par le manque de concurrence.

Ainsi, l’intégration croissante de l’Afrique à l’économie mondiale via les flux de capitaux et l’investissement direct
étranger dans le secteur financier reste un défi majeur. Si les pays du continent veulent poursuivre sur une
trajectoire de croissance soutenue, ils doivent impérativement continuer à réformer leurs politiques publiques et
leurs institutions, certes. Mais, étant donné l’importance centrale de la finance pour le développement
économique et la réduction de la pauvreté, la superficialité du secteur financier africain est alarmante. D’autant
plus que d’autres champs d’intervention doivent gagner en importance, notamment dans le contexte de la crise
mondiale de liquidité actuelle. Il convient, par exemple, d’intensifier les efforts visant à approfondir les marchés
des obligations d’État et d’entreprises afin d’améliorer la capacité de financer la dette localement, de proposer
des instruments d’une maturité et d’une sécurité convenables pour l’épargne à plus long terme et de faciliter le
financement de l’infrastructure de l’Afrique.

Infrastructures économiques certes, mais aussi sociales

Une des exigences fondamentales, pour n'importe quel pays en voie de développement, est donc d'investir dans
ses infrastructures. Cet investissement doit se faire dans les routes, l’énergie, les télécommunications, l'industrie ,
mais aussi dans l’éducation, et la santé. La compétitivité et la productivité d’un pays passent, autant et
impérativement, par une population active en bonne santé. De plus, l’éducation joue un rôle croissant pour les
pays qui souhaitent monter dans la chaîne de valeur. L’absence de structures d’éducation élémentaire peut donc
peser sur le développement des entreprises, qui ont du mal à dégager des gains de productivité. Une pénurie de
personnel qualifié peut gravement limiter l’aptitude d’un pays à bénéficier solidement de la mondialisation. Il est
essentiel de disposer de chercheurs professionnels et de techniciens correctement formés pour adapter les
nouvelles technologies aux utilisations locales.

Par rapport aux autres régions émergentes, l’Afrique accuse aussi un gros retard en ce qui concerne la santé et
l’éducation. À l’heure de la mondialisation, les économies africaines ont besoin de se doter de gisements de
travailleurs instruits qui soient capables de s’adapter rapidement aux mutations de leur environnement. Le
financement des dits investissements doit venir tant du secteur public que du privé.

Financement, PPP, initiatives jointes et renforcées

Ainsi, les pays africains dans l’ensemble sont confrontés à des défis difficiles en matière d’augmentation des
investissements et d’amélioration de la maintenance, ainsi que d’entretien des infrastructures existantes. Non
seulement que l’état de ses infrastructures est médiocre lorsqu’on les compare aux normes mondiales, elles
n’ont, en outre, pas connu d’expansion depuis les années 1990s (voire depuis les indépendances dans certains
cas extrêmes). Dans ces circonstances, les dirigeants africains doivent se remobiliser pour poursuivre les efforts
d’investissement dans l’infrastructure, la technologie et les produits.

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Selon la Banque Mondiale (BM), l’Afrique a quand même considérablement amélioré son portefeuille
d’infrastructures ces dernières années. En 2006, par exemple, près de 50% de la population africaine vivaient à
portée d’un signal de téléphone mobile GSM, et près de 80% du réseau routier principal africain sont dans un
état acceptable, voire en bon état. Cependant, l’Afrique a encore des défis d’envergure à relever. Pour rattraper
son retard infrastructurel sur les autres parties du monde, atteindre ses objectifs du millénaire pour le
développement et réaliser ses objectifs de développement nationaux, elle devra dépenser 93 milliards de dollars
chaque année, dont près de la moitié pour assurer uniquement un approvisionnement du continent en électricité.
Cette nouvelle estimation par la BM, plus du double des estimations initiales du coût du retard africain, reste
néanmoins inférieure à ce que la Chine alloue à son infrastructure depuis près de 20 ans.

Toutefois, l’Afrique dépense déjà près de 45 milliards de dollars par an pour l’infrastructure. Une grande partie de
cette dépense provient des sources nationales. Par contre, toujours selon la BM, les services d’infrastructure
africains dépenseraient inutilement 8 milliards de dollars par an, à cause d’une dotation excessive en personnel,
des pertes au niveau de la distribution, une sous-perception des recettes et un entretien inadéquat. Ces services
perdent environ 2.4 milliards de dollars par an à cause de factures non perçues. Une utilisation plus efficace des
ressources existantes permettrait de libérer 17.4 milliards de dollars par an supplémentaires pour le financement
de l’infrastructure et l’augmentation du potentiel du continent.

En ce qui concerne le financement, par ailleurs, la participation du secteur privé, qui a des réelles capacités à
produire et délivrer des projets d’envergure, est fortement nécessaire et souhaitée. Les secteurs publics et privés
devraient continuer à regrouper leurs forces, à travers des partenariats public-privé (PPP), pour encourager
l'investissement dans la production des capacités du continent. Les institutions financières internationales et
autres agences de développement multilatérales jouent aussi un rôle important dans le financement et la
réalisation des projets d'infrastructure en Afrique. Pour exemple, le nouveau partenariat pour le développement
de l'Afrique (NEPAD), s’est engagé en Afrique de l’Ouest, aux côtés des pays, pour développer une autoroute
côtière transafricaine de 4’500 kilomètres reliant Nouakchott à Lagos. Les pays d’Afrique de l’Ouest ont achevé
plus de 83 %, soit 3’777 kilomètres, de l’autoroute côtière, selon la Communauté Economique des États de
l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). En Afrique australe, la Banque Africaine de Développement (BAD) a consenti en
juin 2009 deux prêts d’un montant total de 181 millions de dollars pour financer la construction d’un corridor qui
devrait relier le Mozambique au Malawi ainsi qu’à la Zambie. Au total, plus de 1’000 kilomètres de routes seront
construites. Cette route constitue l’un des projets prioritaires de la Communauté de Développement de l’Afrique
australe (SADC).

Les amis du continent sont aussi très actifs dans le financement et la réalisation des projets de capacité. La
Chine, l'Inde et quelques pays du Golfe participent de plus en plus au développement des infrastructures en
Afrique subsaharienne. Leurs engagements d'investissement sont passés de moins d'un milliard de dollars par
an, avant 2004, à près de 5 milliards de dollars en 2007, toujours selon la BM. 35 pays africains ont reçu des
financements chinois en matière d’infrastructures. Le montant de nombreux projets s’élève à moins de 50 millions
chacun. Il y a également une poignée de transactions qui ont une valeur de plus d’un milliard de dollars. Les
termes du financement varient selon les pays, mais généralement engendrent un élément de subvention à
hauteur de 33 % proche du niveau déterminant d’un financement à des conditions favorables. De nouveaux
partenariats dans le domaine des infrastructures se développent donc ainsi en Afrique, encouragés par une
croissance économique solide dans la région, un meilleur climat commercial, et une demande croissante en
matière de pétrole et autres matières premières de ces pays amis.

Opportunités d’investissements directs et allocation de portefeuilles

Avec 93 milliards de dollars à investir chaque année, des besoins d’entretien et de maintenance, une population
en croissance, des appétits grandissants d’urbanisation, l'Afrique possède donc pléthore de projets
d'infrastructure potentiels. Dans une perspective d’allocation industrielle de portefeuille, il y a des fortes
opportunités d'investissement dans les transports, la construction, les télécommunications, l’énergie, la santé,
l’éducation, les services publics, l’eau et le traitement des eaux, etc.

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Le développement des infrastructures africaines offre autant d’opportunités réelles d’investissement, que de
tangibles et significatives rentabilités, étant donné les risques. Idéalement, les projets devraient être menés et
soutenus par des institutions à fort capital financier. Et les investisseurs devraient recevoir la récompense
adéquate pour les risques encourus. Cependant l'environnement pour le développement des projets
d'infrastructure en Afrique semble des fois difficile en raison du manque de transparence, de l’opacité des
systèmes administratifs et juridiques, et des questions de stabilité institutionnelle et politique. Les gouvernements
doivent continuer à mettre en œuvre des politiques claires et transparentes, des structures réglementaires et
légales qui promeuvent et attirent les investissements privés, surtout étrangers. Le financement extérieur en
faveur de l’infrastructure africaine se portait très bien au cours des années précédant la crise financière mondiale,
passant de 4 milliards de dollars en 2002 à 20 milliards de dollars en 2007. De plus, au cours de cette même
période, les financements nationaux dans de nombreux pays ont bénéficié de la croissance et du prix élevé des
ressources naturelles.

Les investissements dans les infrastructures prennent aussi depuis peu une part très importante dans l’allocation
des portefeuilles de valeurs mobilières des investisseurs privés et institutionnels, avec le développement des
fonds dédiés, bien que non listés, surtout dans les marchés financiers développés. Deux raisons principales
expliquent cet élan : (i) la forte demande par les investisseurs, surtout institutionnels, pour des véhicules
d’investissement générant des revenus garantis, de long-terme, ajustés au risque ; (ii) les besoins des
gouvernements, à l’échelle mondiale, de trouver des alternatives de financement pour construire, entretenir et
exploiter les infrastructures publiques. Parmi ces alternatives de placement, le profil rentabilité-risque offert par
fonds d’investissement en infrastructure se situe entre l’immobilier pur, les obligations à revenus fixes, et le
capital-investissement (private equity). A cet égard, l’infrastructure constitue désormais une vraie classe d’actif,
largement prise en considération dans le processus d’allocation d’actifs dans la gestion de portefeuille. Investir
dans ces fonds dédiés équivaut à faire des placements de capitaux privés dans des projets de réalisation, de
construction, et de maintenance des capacités physiques et économiques (aéroport, routes, ponts, tunnels,
transits urbains, chemin de fer, ports maritimes, barrages, générateur d’énergie, eau potable, eaux usés, déchets
dangereux, réseau de distribution d’énergie, etc.), mais aussi sociales (transports publics, hôpitaux, écoles,
prisons, routes à péage, bureaux gouvernementaux, etc.). Dans certains portefeuilles globaux, cette allocation
peut même dépasser les 10 milliards de dollars, selon. En 2008, près d’une trentaine de fonds dédiés avaient
levé pour près de 200 milliards de dollars. L’Afrique semble, néanmoins, très peu attirer l’attention de ces fonds
dédiés infrastructure globaux ou marchés émergents, et ce malgré les portefeuilles d’opportunités dans la région.

Conclusion

La faiblesse des infrastructures en Afrique reste un défi majeur à relever. En effet, l'essor de la croissance
économique du continent reste tributaire, dans une large mesure, de l’accroissement des investissements dans
l'infrastructure, de l'amélioration du climat de l'investissement, de la mobilisation des compétences pour
l'innovation et du renforcement des capacités institutionnelles. Les pays africains devraient donc se doter
d’infrastructures économiques et sociales solides et compétitives pour influer davantage sur son niveau de
productivité et, par extension, sur celui de l’ensemble de son économie. La participation du secteur privé est tout
aussi cruciale dans la réalisation des solutions des besoins en capacités. Il est aussi impératif que les
gouvernements africains et la communauté internationale des investisseurs unissent leurs efforts pour combler
les besoins de financement d’infrastructure et s’attaquent aux insuffisances graves du développement
infrastructurel. Pour créer des projets d'infrastructure durables, il est important de trouver un véritable équilibre
entre investissement, financement combinant gouvernements-agences multilatérales-secteur privé, rentabilité
ajustée au risque intrinsèque et tangible, et développement. De ce fait, la part de l'Afrique dans les
investissements globaux d'infrastructures des économies émergentes devrait croître. Après les grands flux
d'investissement dans les secteurs des mines et ressources naturelles, les dépenses d'infrastructures
représentent une nouvelle phase d'opportunités d'investissement en Afrique.

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Diplômé en économie et finance de l’université de Genève, Olivier Lumenganeso est analyste financier et stratégiste global,
spécialiste des marchés émergents dans la banque privée. Il a aussi une expérience dans l’enseignement universitaire et
dans la recherche appliquée au sein, notamment, des organisations internationales comme le fonds monétaire international
et la banque mondiale.

Références

Banque Mondiale (2209) : Construire des ponts : le rôle croissant de la Chine comme financier de l'Afrique
subsaharienne.
Banque Mondiale (2009): Infrastructures africaines : une transformation impérative.
Forum Economique Mondial (2009) : Afrique, rapport sur la compétitivité.
Programme des Nations Unies pour le Développement (2001) : Rapport mondial sur le développement humain.
Union Internationale des Télécommunications (2004) : Indicateurs des télécommunications africaines.

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