Vous êtes sur la page 1sur 2

Coopérer : tout un programme !

Autant je suis relativement d’accord avec l’article de E Leboucher (« Le PS n’a aucun


programme », Slate.fr du 29 08 2010 ) dans le constat qu’il fait de la vacuité programmatique
du PS, autant je ne partage pas la place qu’il réserve à la coopérative : enfermée dans le Care,
réduit lui-même à une philosophie du bon sentiment.
Le Care est une notion philosophique en pleine exploration dont les applications concrètes
montrent jour après jour leur efficacité à produire du développement humain plutôt que du
seul développement économique. Le réduire ainsi, c’est se plaindre que l’enfant n’ait pas les
capacités d’un adulte ! Favorisons la croissance du Care et nous pourrons alors juger de sa
capacité à produire un modèle de société mieux équilibrée entre les différentes forces sociales.
Le coopératisme, si on peut employer ce terme pour signifier le système d’idées et de valeurs
porté par l’esprit de coopération et d’entraide ; s’il fait partie en effet du Care, il n’en demeure
pas moins une attitude, une réalité sociale vieille comme la Création si on en croit P.
Kropotkhine dans « L’Entraide, un facteur d’évolution» .

Un nouveau paradigme pour un nouveau programme


Si on n’en croît E Leboucher, il ne faut pas chercher dans cette voie une source
d’inspiration possible pour le socialisme du 21ème siècle. Pourtant, qu’est que le socialisme ?
Le choix politique de donner la primauté au social pour gouverner la société. Ce qui ne veut
pas dire le monopole ou l’exclusivité au social ! Cette exclusivité a été la source de l’erreur
communiste en Europe de l’Est du 20ème siècle. Il s’agit bien, dans l’ensemble des forces en
présences et des leviers à disposition, de privilégier ce qui rapproche les humains, ce qui créer
du lien social , ce qui développe l’entraide mutuelle, ce qui accumule du capital humain, ce
qui produit de la Justice Sociale. C’est bien à cette source, à cette foi au collectif, que les
socialistes doivent revenir pour tirer le bilan du socialisme « Etat providence » qui ne fait plus
recette et pour trouver l’énergie d’un nouveau paradigme : le Coopératisme.

Un paradigme qui a déjà fait ses preuves


En effet, si nous observons ce qui fait aujourd’hui recette à gauche, nous trouvons : la
démocratie participative, la gestion des territoires (que l’on pourrait appeler « communautés »
au sens où ce sont des intérêts communs qui y sont défendus), l’organisation en réseau des
forces de progrès. Plus globalement, avec la puissance d’internet et du web 2.0, le monde
expérimente les bénéfices que chacun peut tirer à avoir une démarche collective, à développer
des espaces de collaboration. Le web 2.0 est l’illustration même que coopérer bénéficie aux
coopérateurs de façon bien plus importante que s’ils étaient restés dans une seule logique de
propriété privée individuelle. De même, le web 2.0 a démontré la puissance de transformation
du monde de cette coopération. Pour donner une autre illustration de taille : l’Europe elle-
même s’est constituée autour de l’idée que les Européens devaient coopérer pour s’assurer la
paix intérieure et garantir leur développement économique et social mutuel. Pour finir sur les
exemples, s’il fallait insister, le Mouvement Desjardins au Québec, qui est une sorte de
banque mutualiste, a été la bouée de sauvetage et le catalyseur du développement économique
de la province francophone du Canada.

Un paradigme qui répond aux enjeux du siècle


Ce qu’on attend d’un programme politique, c’est qu’il réponde aux défis de son temps,
aux aspirations populaires et qu’il nous fasse progresser vers l’avènement d’une humanité
meilleure et plus éclairée. Crise après crise, inefficacité après inefficacité, il semble que ce
n’est plus de programme dont nous ayons besoin mais d’une nouvelle matrice d’où sortiraient
de nouvelles idées, une autre façon d’aborder les choses, une autre façon de penser : un
nouveau paradigme. Les enjeux environnementaux, économiques et sociaux auxquels
l’Humanité doit faire face aujourd’hui, la poussent à intégrer dans sa réflexion et ses actions
davantage de facteurs que la seule réussite économique. Nous sommes à un moment de
notre Histoire où nous avons la capacité technique non seulement de nous détruire, mais
aussi de tout détruire. Pour survivre, il nous faut donc gagner en responsabilité, en
conscience globale. Ce qui était « prise de tête » avant devra être un réflex quotidien pour tout
un chacun : quelles sont les conséquences de mon acte ? Qu’est ce que je souhaite
privilégier ? Comment puis-je être le plus en cohérence ? Là où le courant majoritaire dictait
les comportements, il faudra exercer son esprit critique et ses choix responsables. Pour faire
face à ces enjeux, l’action des Etats et des organismes internationaux ne suffisent plus,
l’engagement et la responsabilité individuelle auront une importance prépondérante. Les
citoyens ne pourront plus tout attendre des politiques et des grandes entreprises, il devront
assumer de plus grandes responsabilités sociales et prendre collectivement en main ce qui est
d’ordre collectif. Ceci peut être résumé par le fameux « think global, act local » (penser
globalement, agir localement). Comme à chaque étape où l’humanité s’est doté d’outils plus
puissants, il nous faut encore aujourd’hui améliorer notre sens de la responsabilité et notre
conscience globale. A chaque outil, il est nécessaire d’y adjoindre une éthique de
l’utilisation, ceci est vrai pour le couteau comme pour la bombe atomique, il en est de même
pour notre colossal outil industriel et nos biens de consommation, nous devons trouver le
moyen de les maîtriser collectivement puisqu’ils sont potentiellement létaux pour tous.
Ce qui caractérise le Coopératisme est justement :
- l’éducation à la responsabilité individuelle quant à la chose collective
- la prise en charge par la communauté d’un besoin ou d’un enjeu collectif
- la mutualisation des forces et compétences pour une meilleure efficacité durable
- le partage équitable des richesses produites et des pouvoirs
Ajouté à cela le fait qu’une communauté de tout ordre est apriori attachée à la qualité de son
environnement, à la vivacité économique et à la cohésion sociale, nous comprenons aisément
que ce paradigme possède en lui les réponses potentielles à nos problèmes planétaires.

Quand le Monde cherche la voie qui permet de concilier l’efficacité économique, la


justice sociale et la préservation de l’environnement, le Coopératisme possède en son sein, en
gestation, les idées, les outils et les projets dont nous avons besoin.
J’appelle la Gauche en général et le Parti Socialiste en particulier à mettre le coopératisme au
cœur de la pensée économique en posant quelques principes générateurs :
- ce qui est d’ordre collectif doit être géré collectivement
- la valeur ajoutée créée du fait de la constitution du collectif d’une entreprise doit faire
l’objet d’une rémunération spécifique
- la démocratie doit pénétrer tous les domaines de la société
- l’économie est englobé par le social qui est contenu lui-même par l’environnement
(selon André MARTIN, Directeur Adjoint de l'IRECUS, Sherbrooke)
- l’efficacité doit être mesurée en intégrant les critères économiques, sociaux et
environnementaux

Emmanuel BOUHIER

Vous aimerez peut-être aussi