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BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2002, N° 271 (1)

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AMÉNAGEMENT DURABLE / LE POINT SUR…

Les enjeux
de l’aménagement
durable :
le cas des forêts
denses camerounaises

Jean-Christophe Carret L’aménagement durable est un des objectifs poursuivis par


Cerna, Centre d’économie industrielle le Cameroun en matière forestière, à travers notamment l’application
de l’École des mines de Paris d’une norme environnementale. L’auteur analyse les coûts et avantages
60, boulevard Saint-Michel de cette politique dans un département forestier du sud-est du pays.
75272 Paris Cedex 6
France

Les forêts tropicales « vierges » et leurs habitants,


humains ou animaux, font encore rêver.
“Virgin” tropical forests and their human and animal
inhabitants are still a source of enchantment.
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FOCUS / SUSTAINABLE MANAGEMENT

RÉSUMÉ ABSTRACT RESUMEN


LES ENJEUX DE L’AMÉNAGEMENT CHALLENGES OF SUSTAINABLE LOS RETOS DE LA ORDENACIÓN
DURABLE : LE CAS DES FORÊTS MANAGEMENT: THE DENSE SOSTENIBLE: EL CASO DE LOS
DENSES CAMEROUNAISES FORESTS OF CAMEROON BOSQUES DENSOS CAMERUNESES

Une analyse des coûts et des béné- This article puts forward a cost-bene- Se propone un análisis de costos y
fices de l’aménagement durable des fit analysis of sustainable forest man- beneficios de la ordenación sosteni-
forêts est proposée pour le départe- agement in the Boumba and Ngoko ble de bosques para el departamento
ment de Boumba et Ngoko qui pro- administrative division, which pro- de Boumba y Ngoko, que produce
duit un tiers de la récolte camerou- duces one third of Cameroon’s timber una tercera parte de la cosecha came-
naise. Le gouvernement a choisi de harvest. The government has opted runesa. El gobierno ha decidido se-
suivre les recommandations de la to follow the recommendations in the guir las recomendaciones de la
Déclaration des principes forestiers, Declaration of Forestry Principles Declaración de Principios sobre los
adoptées lors du sommet de la Terre adopted during the Rio Summit in Bosques, adoptadas en la Cumbre
à Rio, en 1992. L’aménagement du- 1992. Sustainable management was para la Tierra de Río en 1992. Durante
rable a été inséré parmi les objectifs incorporated as one of the objectives la revisión del código forestal en
de la politique forestière, lors de la of forest policy when forest legisla- 1994, se incluyó la ordenación soste-
révision du code forestier, en 1994. tion was reformed in 1994. The first nible dentro de los objetivos de la po-
Les premières concessions fores- forestry concessions – the forestry li- lítica forestal. Las primeras concesio-
tières, les permis forestiers visés par cences as set out in the new environ- nes forestales y los permisos
le nouvel objectif environnemental, mental objective – were awarded by forestales englobados en el nuevo
ont été attribuées aux enchères en auction in 1998, and a set of National objetivo medioambiental se conce-
1998 et des Directives nationales, in- Directives describing how a “sustain- dieron en subasta en 1998; publicán-
diquant les modalités de réalisation able management plan” would be put dose en 1999 las directrices naciona-
d’un « plan d’aménagement du- into practice were issued in 1999. The les que definían las modalidades de
rable », ont été publiées en 1999. La first part of this article describes the un “plan de ordenación sostenible”.
première partie de l’article donne les characteristics and criteria used to La primera parte del artículo propor-
caractéristiques et les critères de decide on the environmental stan- ciona las características y los criterios
choix de la norme environnementale dard known as the “sustainable man- de selección de la norma medioam-
appelée « plan d’aménagement du- agement plan”, and goes on to com- biental llamada “plan de ordenación
rable », puis elle compare cette pare this with two other standards: sostenible”. Posteriormente, se com-
norme à deux autres normes : « les “logging methods with low impact on para dicha norma con otras dos nor-
méthodes d’exploitation forestière à the natural environment” (EFI) and mas: “los métodos de explotación fo-
faible impact sur le milieu naturel “criteria and indicators of sustainable restal de bajo impacto sobre el medio
(Efi) » et « les critères et indicateurs management”. The second part de- natural” (EFI) y “los criterios e indica-
de gestion durable ». La deuxième scribes logging practices in the dores de manejo sostenible”. La se-
partie décrit l’exploitation des forêts forests of Boumba and Ngoko before gunda parte describe la explotación
du département de Boumba et Ngoko the standard was applied, to show de los bosques del departamento de
avant l’application de la norme, de the difference between the current Boumba y Ngoko antes de la aplica-
façon à préciser l’écart entre la situa- situation and the desired outcome of ción de la norma, para precisar la dis-
tion actuelle et celle souhaitée. La the reform. The third part compares tancia entre la situación actual y la si-
troisième compare les coûts et les bé- the costs and benefits of reducing tuación deseada. La tercera compara
néfices de la réduction de l’écart, these differences, and goes on to dis- costos y beneficios de la reducción de
puis elle discute des enjeux soulevés cuss the challenges arising from ap- dicha distancia para, posteriormente,
par la mise à la norme de l’exploita- plying the standard to logging activi- analizar los retos que acarrea la adap-
tion des forêts de ce département. ties in this administrative division. tación a la norma de la explotación de
los bosques de este departamento.
Mots-clés : norme environnementale, Keywords: environmental standard,
aménagement durable, forêt dense, sustainable management, dense Palabras clave: Palabras clave:
Cameroun. forest, Cameroon. norma medioambiental, ordenación
sostenible, bosque denso, Camerún.
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Introduction
Cet article propose une analyse d’une réforme conflictuelle de la fis-
coûts/bénéfices de l’aménagement calité forestière (Carret, 2000), et
durable des forêts du département devrait s’achever en 2002. Dans le
de Boumba et Ngoko, un territoire de département de Boumba et Ngoko,
trois millions d’hectares situé aux un million et demi d’hectares de fo-
confins de la République centrafri- rêts denses humides sont classés
caine et du Congo (Brazzaville) et pro- dans le domaine permanent des fo-
duisant un tiers de la récolte came- rêts de l’État et partagés en 23 UFA.
rounaise. Le Cameroun a en effet
décidé de suivre les recommanda-
tions de la Déclaration des principes
forestiers du sommet de Rio en inscri-
vant, au moment de la révision de son
code forestier, en 1994, l’« aménage-
ment durable » parmi les objectifs de
sa politique forestière. Pour atteindre
cet objectif environnemental, il a dé-
cidé d’appliquer une norme environ-
nementale dont les spécifications
sont données par les Directives natio-
nales pour l’aménagement durable
des forêts naturelles du Cameroun,
document publié conjointement par
le ministère de l’Environnement et
des Forêts (Minef ) et l’Office national
des forêts (Onadef ) en 1999.
Deux précisions doivent être ap-
portées quant au contexte. D’une
part, l’objectif environnemental
concerne seulement les forêts du do-
maine permanent de l’État camerou-
nais destinées à la production, soit 7
des 22 millions d’hectares de forêts
denses humides que compte le pays,
deux millions d’hectares supplémen-
taires étant affectés, dans le cadre de
la convention mondiale sur la biodi-
versité, signée également au moment
du sommet de Rio, à la conservation.
D’autre part, ces forêts sont attri-
buées, à travers un mécanisme d’en-
chères, aux exploitants forestiers na-
tionaux ou étrangers pour une durée
renouvelable de quinze ans, sous
forme de permis appelés unités fores-
tières d’aménagement (UFA), selon la
terminologie proposée par l’Organi-
sation internationale des bois tropi-
caux (OIBT) et adoptée par le Came-
roun. Le processus a débuté laborieu-
sement en 1997, dans le contexte
Le plan d’aménagement consiste à faire en sorte que la ressource ne perde pas son caractère
renouvelable, et accessoirement à préserver le mode de vie « traditionnel » des populations
locales tout en offrant à ces dernières la perspective « moderne » d’un emploi salarié dans une
industrie manufacturière.
The management plan is designed to ensure that the renewable nature of the resource is
preserved, and additionally to preserve the “traditional” lifestyle of local populations while holding
out prospects of “modern” salaried employment in a manufacturing industry.
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Objectif L’aménagement dura ble quelle comprenait déjà, depuis l’indé-


et norme(s) pendance du pays, l’industrialisation
La définition de l’objectif envi- et la promotion des entrepreneurs na-
environnementaux ronnemental adopté par le gouverne- tionaux. Ces deux objectifs sont
ment camerounais figure à l’article 23 d’ailleurs toujours d’actualité,
Une norme est un des instru- du code forestier de 1994 (MINEF, comme en témoignent l’arrêt partiel
ments réglementaires (par opposition 1997). Elle est identique à celle propo- des exportations de grumes, en vi-
aux instruments économiques que sée en 1992 par l’OIBT, une institution gueur depuis le mois de juin 1999, et
sont les taxes et les permis négo- créée en 1983 au moment de la négo- la préférence accordée aux exploi-
ciables) utilisés dans les politiques ciation par la Commission des Nations tants forestiers nationaux lors de la
de l’environnement. Il existe fonda- unies pour le commerce et le dévelop- mise aux enchères de certaines
mentalement quatre types de norme pement (Cnuced) de l’Accord interna- concessions forestières.
(Barde, 1992) : la norme de qualité, tional sur les bois tropicaux (AIBT). La définition de l’aménagement
la norme d’émission, celle de procé- Basée à Yokohama, au Japon, l’OIBT durable dit en substance que l’exploi-
dé, enfin celle de produit. La première regroupe les principaux pays produc- tation forestière ne doit ni compro-
spécifie la qualité environnementale teurs (dont le Cameroun) et consom- mettre la productivité future de la
que les milieux récepteurs de pollu- mateurs de bois tropicaux. Son rôle forêt, ni avoir d’effets indésirables
tion (l’eau, l’air, et le sol) doivent est celui d’un forum de réflexion sur le sur l’environnement naturel (phy-
conserver, la deuxième fixe les quan- commerce des bois tropicaux mais sique et biologique) et social (préser-
tités maximales autorisées de rejets aussi sur l’aménagement durable des vation des fonctions écologiques, so-
polluants, la troisième prescrit les forêts tropicales. Elle a d’ailleurs été ciales et culturelles dans la définition
procédés de production à mettre en la première, à la demande des ONG des Principes forestiers).
œuvre, la quatrième, enfin, fixe les environnementalistes, à proposer des Le premier point est clair : l’amé-
quantités maximales de polluants in- « critères et indicateurs de gestion nagement durable consiste à faire en
corporées dans certains produits (par durable », norme sur laquelle nous sorte que la forêt tropicale ne perde
exemple les phosphates dans les les- reviendrons. pas son caractère de ressource natu-
sives). La définition de l’aménagement relle « renouvelable », lequel dépend
Plusieurs critères peuvent servir durable proposée par l’OIBT est éga- effectivement de la manière dont la
à déterminer une norme, son applica- lement proche de celle qui figure à ressource est exploitée, le caractère
tion étant le plus souvent le résultat l’alinéa 2b de la Déclaration des prin- renouvelable d’une ressource natu-
d’un compromis entre ces différents cipes forestiers (ONF, 1999) adoptée relle n’étant jamais acquis, comme en
critères. On distingue généralement lors du Sommet mondial de la Terre, témoigne la disparition de certaines
quatre critères (Barde, 1992) : des organisé à Rio en 1992 par la espèces, animales ou végétales.
critères environnementaux qui reflè- Commission des Nations unies pour La mention en sus d’éventuels
tent l’état des connaissances scienti- l’environnement et le développement effets indésirables sur l’environne-
fiques sur l’environnement ; des cri- (Cnued). Déclaration en forme de ment naturel (l’eau, l’air, le sol, la
tères technologiques qui tiennent compromis car certains pays, ceux du faune et la flore) et social (les popula-
compte des techniques disponibles G7 notamment, ainsi que des organi- tions dites « locales », celles qui vi-
ou à l’étude ; des critères écono- sations internationales comme la FAO vent dans la forêt) est, en revanche,
miques qui visent à s’assurer que les souhaitaient la signature d’une plus problématique. Il y a évidem-
avantages procurés par la norme sont convention mondiale sur les forêts, à ment l’exemple « canonique » des or-
supérieurs aux coûts de sa mise en l’instar de celles sur la biodiversité, la pailleurs amazoniens qui, pour sépa-
œuvre ; enfin, des critères politiques désertification et le changement cli- rer les paillettes d’or du gravier
qui prennent en considération les no- matique. Mais le Brésil, l’Inde, la recueilli dans une rivière, utilisent du
tions d’équité, d’acceptabilité et de Malaisie et l’Indonésie s’y sont oppo- mercure puis le rejettent à l’eau, ce
simplicité de la norme. sés, au nom de la souveraineté natio- qui a pour effet de polluer la rivière et
L’examen, grâce à cette typolo- nale. d’empoisonner les populations qui
gie, des caractéristiques de la norme De fait, la déclaration est une pêchent dans cette même rivière.
environnementale « camerounaise » curiosité juridique : elle est « non Dans ce cas, l’exploitation de la res-
comporte cependant un préalable : contraignante », pour respecter le source naturelle épuisable qu’est l’or
définir l’objectif environnemental ap- droit souverain des États, mais en- a des effets négatifs sur l’environne-
pelé « aménagement durable », sus- tend néanmoins faire « autorité ». Le ment naturel et social. Mais, dans le
tainable forest management (SFM) en Cameroun a ainsi inclus en 1994, lors cas de l’exploitation d’une forêt natu-
anglais. de la révision de son code forestier, relle, la relation entre une exploita-
l’aménagement durable parmi les ob- tion qui conserve à la ressource natu-
jectifs de sa politique forestière, la- relle son caractère renouvelable et
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ses effets négatifs sur l’environne- Le plan d’aménagement logistique avec le niveau de la popula-
ment physique et social est beaucoup dura ble tion en abscisse et la production de
moins évidente. surplus en ordonnée), la fréquence et
Nous examinerons non seule- Le plan d’aménagement durable le montant du prélèvement à opérer
ment les caractéristiques de la norme est la transposition des règles de ges- pour que ce dernier soit le plus impor-
environnementale choisie par le gou- tion d’une ressource naturelle renou- tant possible sans toutefois porter at-
vernement camerounais mais aussi la velable simple (une population d’une teinte à la capacité de renouvellement
réponse qu’elle donne à un objectif seule espèce de poisson ou un peu- de la ressource naturelle, ni a fortiori
environnemental composé de trois plement forestier homogène et mono- épuiser cette dernière (Faucheux,
volets distincts : forestier, écologique spécifique) au cas de la forêt tropicale. Noël, 1995). Un tel prélèvement porte
et social. Ces règles de gestion d’une ressource le nom de rendement maximal soute-
renouvelable simple indiquent, à par- nable (maximum sustainable yield en
tir d’une modélisation de la croissance anglais).
naturelle de la population (une courbe Pour une forêt tropicale, la pré-
sence d’essences d’âge et de rythme
de croissance différents, l’impossibi-
lité de couper à blanc et de prélever
Les critères et indicateurs de gestion durable
sont donc une norme de « contrôle ». des morceaux d’arbres (ce point est
The criteria and indicators of sustainable commun à toutes les forêts) imposent
management therefore represent a standard for de prélever sélectivement, pour per-
“forestry controls”. mettre la régénération naturelle, des
arbres de diamètres différents sur
une certaine superficie et selon une
fréquence calculée, comme le temps
moyen nécessaire aux jeunes arbres
de la superficie exploitée pour at-
teindre le diamètre des arbres précé-
demment récoltés. Cette fréquence
ainsi que les diamètres minimaux
d’exploitabilité sont établis d’après
les résultats d’un inventaire de la res-
source naturelle et des hypothèses
(ou des résultats d’observations)
concernant la vitesse de croissance
des principales essences forestières.
Les Directives nationales pour
l’aménagement durable des forêts
naturelles du Cameroun simplifient
cependant ces principes puisque la
fréquence du prélèvement est fixée à
trente ans (soit le double de la durée
d’attribution de la concession) et l’as-
siette annuelle en superficie de la
récolte (AAC pour assiette annuelle de
coupe) au trentième de la superficie
de la concession, alors que l’hétérogé-
néité de la forêt camerounaise conduit
nécessairement, de façon à obtenir
chaque année à peu près le même
volume de récolte, à une division de la
concession forestière en trente par-
celles de superficies différentes. D’où
l’appellation d’aménagement forestier
par « contenance » (la superficie) et
non par volume. L’inventaire d’aména-
gement (un des trois inventaires impo-
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Notons cependant que les Directives


n’indiquent pas comment on peut
concilier la préservation des droits
d’usage des populations locales avec
l’exploitation de la concession.
La norme environnementale ca-
merounaise consiste donc principale-
ment à faire en sorte que la ressource
ne perde pas son caractère renouve-
lable et accessoirement à préserver le
mode de vie « traditionnel » des po-
pulations locales tout en offrant à ces
dernières la perspective « moderne »
d’un emploi salarié dans une indus-
trie manufacturière. Perspective que
l’on peut éventuellement interpréter
comme le signe que l’exploitation fo-
Un tiers de cette récolte est transformé sur place dans sept usines. restière dégrade le mode de vie tradi-
A third of the harvest is processed on site in seven manufacturing units. tionnel des populations locales, les
emplois salariés devenant alors une
sorte de compensation à cette dégra-
sés par les Directives) sert ainsi essen- norme (Carret, 2000). En effet, pour dation.
tiellement à fixer les diamètres mini- qu’une écotaxe soit efficace, il est né- La réponse apportée par la
maux d’exploitabilité des essences cessaire que la pollution soit propor- norme camerounaise à l’objectif envi-
récoltées (en les adaptant à la rotation tionnelle au volume de production, ce ronnemental, composé de trois volets
de trente ans) et accessoirement à qui n’est pas le cas, seule une fraction distincts figurant dans la Déclaration
indiquer la possibilité en volume de la de la récolte, celle qui n’est pas réali- des principes forestiers, semble donc,
récolte annuelle sur chacune des sée dans les limites indiquées, étant en première analyse, incomplète et
assiettes annuelles de coupe, l’exploi- une entrave au renouvellement du imparfaite. Incomplète parce qu’il
tant n’étant pas obligé de récolter tout peuplement forestier considéré. n’est pas fait mention de mesures
le volume disponible (Forni, Durrieu Selon quels critères une telle destinées à lutter contre d’éventuels
de Madron, 1998). norme a-t-elle été choisie ? Il s’agit de effets indésirables de l’exploitation
De quel type de norme s’agit-il ? critères environnementaux puisqu’elle forestière sur le milieu physique
La principale caractéristique du plan est fondée sur les règles de gestion (deuxième volet de l’objectif ).
d’aménagement durable est de limi- d’une ressource naturelle renouve- Imparfaite car, si notre interprétation
ter la récolte : dans le temps, en im- lable, mais aussi politiques, au sens est exacte, il n’est pas possible, avec
posant des diamètres minimaux d’ex- de Barde, puisque les Directives sim- une telle norme, de limiter les effets
ploitabilité ; dans l’espace, en plifient ces règles. indésirables de l’exploitation fores-
restreignant l’espace exploitable au Les Directives comportent éga- tière sur le milieu social traditionnel
trentième de la superficie de la lement un volet intitulé « programme (troisième volet de l’objectif ) autre-
concession forestière. Si ces limites d’actions » qui consiste à demander à ment qu’en les compensant par des
ne sont pas respectées, la récolte ex- l’exploitant forestier, d’une part, de emplois salariés dont les effets sur
cédentaire constitue une pollution, la préserver les droits d’usage des po- des populations habituées à vivre de
forêt perdant alors son caractère de pulations locales sur la ressource na- façon traditionnelle sont pour le
ressource naturelle renouvelable. turelle (récolte de fruits et de plantes moins incertains.
Le plan d’aménagement est donc médicinales, chasse et pêche selon En revanche, la norme est facile
une norme de prélèvement, qui des techniques traditionnelles), tout à contrôler, l’administration forestière
n’entre pas dans la typologie propo- en luttant contre le braconnage et n’ayant qu’à vérifier que l’exploitant
sée par Barde, mais permet en re- l’agriculture sur brûlis, d’autre part ne récolte ni au-delà du trentième de
vanche de comprendre pourquoi il est de construire une usine de transfor- la superficie de l’UFA, ni en deçà des
n’est pas possible d’utiliser la fiscalité mation du bois à proximité de la diamètres minimaux d’exploitabilité,
forestière dont l’assiette, au Came- concession de façon à procurer aux ce qui constitue éventuellement (tout
roun, est soit le volume récolté, soit la populations locales des emplois sup- dépend en effet des capacités admi-
superficie du permis exploité, comme plémentaires par rapport à ceux four- nistratives du pays) une garantie
une écotaxe en lieu et place de la nis par l’exploitation forestière. d’application de la norme.
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Deux autres normes font l’objet ploitation tout en réduisant, par rap- Les cr itères et
de discussions, l’une dans la littéra- port à une exploitation forestière tra- indica teur s de gestion
ture académique (les contributions ditionnelle, les émissions de carbone dura ble
sont nombreuses) – les méthodes atmosphérique provenant des arbres
d’exploitation forestière à faible im- abattus mais non récoltés (pour ou- Sous l’impulsion du Forum inter-
pact sur le milieu naturel –, l’autre vrir des pistes, par exemple) et des gouvernemental sur les forêts (FIF),
dans les différents forums de discus- arbres endommagés qui ne survivent chargé par la Cnued de mettre en ap-
sion qui prolongent le sommet de Rio pas. Mais elles sont plus particulière- plication, en l’absence de convention
(nombreux aussi) – les critères et in- ment adaptées à l’exploitation de la mondiale sur les forêts, les recom-
dicateurs de gestion durable, aux- forêt amazonienne et de celles de mandations de la Déclaration des
quels on associe généralement, à tort l’Asie du Sud-Est où les rendements à principes forestiers du sommet de
ou à raison, la certification forestière. l’hectare sont beaucoup plus élevés, Rio, plusieurs processus intergouver-
Soumettons-les à la même analyse l’intensité des dégâts étant en effet nementaux regroupés par grandes
que le plan d’aménagement durable, en grande partie proportionnelle au aires géographiques travaillent à dé-
de façon à comprendre de quel type nombre d’arbres récoltés à l’hectare finir des critères et indicateurs de
de norme il s’agit et si ces normes ap- (Sist, 1999). Par conséquent, elles ne gestion durable adaptés aux diffé-
portent une réponse plus complète à se justifient pas vraiment dans le bas- rents types de forêts. Ce sont le pro-
l’objectif environnemental que le plan sin du Congo, au Cameroun en parti- cessus d’Helsinki (1993, date de
d’aménagement durable. culier, le rendement à l’hectare de démarrage) regroupant 38 pays euro-
l’exploitation forestière y étant, pour péens, destiné aux forêts tempérées,
Les méthodes le moment, beaucoup plus faible celui de Montréal (1993) réunissant
d’exploita tion forestière qu’en Asie du Sud-Est ou en Ama- 12 pays non européens, destiné aux
à faible impact sur le zonie (Sist, 1999). forêts tempérées et boréales, la pro-
milieu na turel La norme EFI est ainsi une norme position de Tarapato (1995) réunis-
de procédé fondée sur des critères en- sant huit pays du bassin amazonien,
Les méthodes d’exploitation fo- vironnementaux et technologiques. l’initiative de l’organisation africaine
restière à faible impact sur le milieu Cela dit, comme toute norme de procé- des bois (1996) pour les forêts tropi-
naturel (EFI en français, RIL en anglais dé, elle n’est qu’une obligation de cales humides de 13 pays africains (à
pour reduced impact logging) visent à moyens et pas de résultat, l’apprécia- laquelle participe le Cameroun), l’ini-
réduire les dégâts provoqués par les tion du résultat nécessitant en effet la tiative pour la zone sahélienne et
différentes opérations d’exploitation mise au point d’indicateurs mesurant sèche de l’Afrique (1995) regroupant
forestière (ouverture de piste, abat- la réduction des dégâts sur le sol, le 27 pays, l’initiative pour les pays
tage des arbres et débardage des peuplement et la circulation des eaux d’Afrique du Nord et de l’Est (1995)
grumes) sur le peuplement lui-même, forestières, tâche dont on conçoit, in- regroupant 30 pays et enfin l’initiati-
le sol forestier et la circulation des tuitivement, qu’elle n’est pas simple. ve de sept pays d’Amérique centrale
eaux forestières. Mises au point en Associée à la norme de prélève- (1997). Par ailleurs, le Cifor, le centre
Asie du Sud-Est à partir des années ment, la norme EFI complète cepen- international de recherche forestière,
1970, ces méthodes consistent à dant la réponse apportée à l’objectif basé à Bogor en Indonésie, qui fait
réduire l’emprise (la largeur) et le environnemental puisqu’elle limite les partie, tout comme l’OIBT, du conseil
nombre de pistes d’évacuation des effets indésirables de l’exploitation fo- technique du FIF, s’est engagé dans
grumes, à pratiquer un abattage direc- restière sur le milieu physique (eau, un programme destiné à élaborer des
tionnel (avec éventuellement des opé- sol et air), à la condition toutefois que critères sur des bases scientifiques.
rations préalables de délianage), les rendements à l’hectare soient éle- Les travaux sont en cours. Il y a donc
à diminuer le nombre de pistes em- vés, ce qui n’est pas le cas en Afrique là un mouvement d’ampleur.
pruntées par les engins de débardage centrale. Elle offre, de surcroît, aux po- L’OIBT a été la première, en 1992,
des grumes et enfin à procéder à diffé- pulations locales des emplois plus à la demande des ONG environnemen-
rents travaux de drainage des sols qualifiés que ceux proposés par une talistes qui souhaitaient la mise en
avant et après l’exploitation forestière exploitation forestière traditionnelle place d’un système de certification, à
proprement dite. Nombreuses sont les (notamment pour les conducteurs développer un double système de cri-
contributions sur le sujet. Nous avons d’engins et les abatteurs), lesquels tères et indicateurs de gestion durable
retenu celle de Sist (1999), récente et peuvent, à l’instar des emplois du sec- des forêts tropicales : pour un pays
destinée à l’Afrique centrale. teur manufacturier, être perçus tout entier et pour une UFA, c’est-à-
De telles méthodes améliorent comme une compensation pour la mo- dire pour une forêt donnée (en effet,
la qualité et la vitesse du renouvelle- dification du mode de vie traditionnel certains processus ne définissent que
ment du peuplement après son ex- résultant de l’exploitation forestière. des critères de niveau national).
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Les critères sont les aspects à tions locales sur la forêt et la santé normes à l’objectif environnemental,
prendre en compte pour évaluer la des travailleurs forestiers des consé- et ce pour deux raisons : d’une part,
qualité de la gestion durable des fo- quences de l’exploitation forestière. parce qu’ils ajoutent la dimension de
rêts ; les indicateurs sont les attributs Autrement dit, cette troisième contrôle, c’est-à-dire d’effectivité de
quantitatifs ou qualitatifs de chacun norme consiste à vérifier l’existence l’application de ces deux normes ;
de ces critères. L’OIBT distingue sept et à apprécier la qualité des procé- d’autre part, parce qu’ils prennent en
critères (OIBT, 1999) : le cadre législa- dures mises en œuvre pour limiter les compte le troisième volet de la défini-
tif, politique et institutionnel, l’éten- effets indésirables de l’exploitation tion, même si, sur ce point, la réponse
due des ressources forestières, l’état forestière sur le peuplement lui- reste, à notre avis, imparfaite, en rai-
de santé des forêts, les fonctions pro- même, l’environnement physique et son de l’absence de procédures spéci-
ductives de la forêt, la diversité biolo- l’environnement social. Les critères et fiques destinées à limiter les effets
gique, la protection des eaux et des indicateurs de gestion durable sont indésirables de l’exploitation fores-
sols forestiers, enfin les besoins socio- donc une norme de « contrôle » et tière sur le milieu social.
économiques des populations locales. n’entrent pas non plus, comme le Cette imperfection n’est pas,
Passons rapidement sur les trois plan d’aménagement durable, dans la toutefois, le principal problème posé
premiers critères ainsi que sur la di- typologie proposée par Barde. Cela par l’application de cette norme de
versité biologique. Ce sont en effet dit, elle est assez proche, dans l’es- contrôle. En effet, l’aspect le plus
des critères de niveau national desti- prit, de la norme de qualité, celle-ci controversé concerne le choix de l’or-
nés, pour les trois premiers, à préci- permettant de contrôler, grâce à des ganisme qui sera en charge du
ser l’étendue, l’état sanitaire et l’ad- indicateurs de qualité, le respect des contrôle effectif. C’est sur ce point
ministration des forêts d’un pays normes d’émission et de procédé. qu’intervient le débat à propos de la
donné, et pour le quatrième à préci- Cependant, il n’existe pas de certification forestière.
ser les mesures prises dans le cadre méthodes d’exploitation forestière à
de la convention mondiale sur la bio- faible impact sur le milieu social com- Cer tifica tion forestière
diversité, notamment la mise en ré- parables à celles sur le milieu naturel
serve de forêts particulièrement même si des conventions nationales Un lien est généralement fait
riches en biodiversité. ou internationales (celles du Bureau entre la norme précédente et l’éco-
Restent les trois autres critères, international du travail, BIT) garantis- certification. Il existe à cela des rai-
valables aussi bien au niveau d’une sant le respect des droits des popula- sons historiques car les critères et in-
UFA que pour l’ensemble des forêts tions indigènes et des travailleurs dicateurs de gestion durable ont été
d’un pays donné. On retrouve les existent. Tout le problème est donc de bâtis au départ dans une optique de
trois termes de la définition de l’ob- savoir sur quelles procédures, visant certification, les ONG environnemen-
jectif environnemental : maintien de à limiter les effets indésirables de talistes, favorables au départ à un
la fonction productive de la forêt, ab- l’exploitation forestière sur le milieu boycott de la consommation des bois
sence d’effets indésirables de l’ex- social, les critères et indicateurs de tropicaux, pensant trouver là un ins-
ploitation forestière sur l’environne- gestion durable vont se fonder. La trument plus efficace de promotion
ment physique et social. Pour le question, à notre avis, reste ouverte. de la gestion durable des forêts tropi-
premier de ces trois critères, le main- Les critères et indicateurs de ges- cales. En fait, ces ONG recherchent
tien de la fonction productive de la tion durable complètent la réponse surtout la mise en place d’un éco-
forêt, les indicateurs sont l’existence apportée par les deux premières label, c’est-à-dire une norme de pro-
d’une part de plans d’aménagement
durable et d’autre part des méthodes L’industrie forestière est le premier et pour ainsi dire le seul employeur du département.
The forest sector is the leading and effectively the sole employer in the administrative division.
d’exploitation forestière à faible im-
pact sur le milieu naturel.
Pour les deux autres critères,
l’OIBT propose – faute de pouvoir
« élaborer » des critères quantitatifs
décrivant objectivement la qualité
que l’environnement physique et so-
cial doit conserver lors de l’exploita-
tion d’une forêt tropicale – de vérifier
l’existence de « procédures » visant à
protéger tant les sols forestiers et le
système hydrologique (soit, de nou-
veau, l’application de la norme EFI)
que les droits d’usage des popula-
BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2002, N° 271 (1)
69
AMÉNAGEMENT DURABLE / LE POINT SUR…

duit destinée à orienter les consom- Mais la plupart des pays, tout
L’exploitation
mateurs vers les bois labellisés au particulièrement les pays tropicaux, forestière dans
détriment des autres, en indiquant sont réticents à s’engager dans une
que ce bois tropical a été récolté dans telle démarche, celle-ci leur apparais- le département de
des conditions écologiques et so- sant comme une perte de souveraine-
ciales acceptables. té, une crainte qui, rappelons-le, a été
Boumba et Ngoko
Cependant, la certification d’un à l’origine de la non-signature d’une avant le passage
aménagement durable et la labelli- convention mondiale sur la forêt au
sation d’un produit sont deux moment du sommet de Rio. On re- à la norme
démarches différentes, même si la vient donc à la question initiale de la
première constitue une étape indis- souveraineté nationale, c’est-à-dire Avant la dévaluation du franc
pensable. En effet, cette dernière de l’acceptabilité politique de la CFA (début 1994), les forêts de ce dé-
nécessite de surcroît la mise en place norme au sens de Barde (1992). partement de trois millions d’hec-
d’un système de traçabilité des pro- tares situé aux confins de la
duits, de la forêt jusqu’aux marchés Conclusion République centrafricaine et du
de consommation. La certification Congo, relié à la façade atlantique par
consiste à vérifier (à certifier) qu’une On retiendra des caractéris- une piste étroite et sinueuse d’envi-
norme environnementale est appli- tiques et des critères de choix des ron 1 000 km et faiblement peuplé
quée. Ce travail peut être réalisé par trois normes que le Cameroun, (moins de trois habitants au kilo-
une administration publique ou une quoique souverain sur son territoire – mètre carré), étaient, en raison de
entreprise privée. Dans le cas des ce qu’il n’a pas manqué d’affirmer leur isolement, peu exploitées. En
forêts tropicales, on considère lors de la réforme de la fiscalité fores- effet, seules quelques forêts situées
comme une évidence que l’adminis- tière proposée par la Banque mon- à proximité de la Sangha et de la
tration forestière n’est pas apte à diale (Carret, 2000) –, a accepté Ngoko, les deux fleuves frontaliers,
effectuer un tel travail, ce qui revient l’idée d’appliquer la norme environ- étaient exploitées de façon très sélec-
à mettre en doute soit sa compé- nementale appelée « plan d’aména- tive pour leur sapelli de la meilleure
tence, soit son indépendance vis-à- gement durable » pour atteindre l’ob- qualité. L’évacuation des grumes s’ef-
vis des entreprises d’exploitation jectif environnemental proposé par le fectuait à travers le Congo par voie
forestière. Et de fait, les deux sys- sommet de Rio. Cette norme de prélè- fluviale (le Congo) puis par le train
tèmes d’écocertification existants vement est une réponse incomplète à entre Brazzaville et Pointe-Noire.
émanent d’organismes privés (OIBT, l’objectif environnemental car elle est En revanche, depuis la dévalua-
1999) : celui du Forest Steward principalement destinée à assurer le tion, le département de Boumba et
Council (FSC), une ONG environne- renouvellement du peuplement après Ngoko est le théâtre d’une véritable
mentaliste créée en 1993 sous l’im- son exploitation (soit le premier volet ruée vers l’or vert (timber boom en
pulsion notamment du Fonds mondial de l’objectif ), mais elle présente, en anglais). Certains jours, en saison
pour la nature (WWF en anglais pour revanche, l’avantage d’être, a priori, sèche notamment, plusieurs cen-
World Wild Fund), de Greenpeace et relativement simple à mettre en taines de camions grumiers (certains
Friends of the Earth ; celui de l’Orga- œuvre et surtout à contrôler, ce der- viennent de République centrafri-
nisation internationale du standard nier point étant central dans les dis- caine ou du Congo) traversent
(ISO en anglais pour International cussions sur la certification fores- Yokadouma, le chef-lieu du départe-
Standard Organisation), appelé ISO tière. ment, une ville-champignon de
14001, créé en 1994 à la demande de Examinons, par conséquent, de 20 000 habitants, en direction de
l’association canadienne de la pâte à quelle façon l’exploitation forestière, Douala, le port à bois du Cameroun.
papier (CPPA en anglais), en réaction dans un département particulier du
à l’initiative du FSC. Le premier sys- Cameroun, le département de
En saison sèche, plusieurs centaines de camions
tème certifie des performances mesu- Boumba et Ngoko, déroge aux limites
grumiers traversent chaque jour Yokadouma.
rées à partir d’un jeu de critères et fixées par la norme de prélèvement,
In the dry season, several hundred timber trucks
indicateurs de gestion durable simi- avant que celle-ci soit mise en place. pass through Yokadouma each day.
laires à ceux développés par l’OIBT et En effet, comme nous l’avons dit en
les différents processus intergouver- introduction, l’enquête dans le dépar-
nementaux. Quant au second, il certi- tement s’est déroulée en 1997, avant
fie la qualité environnementale des que les concessions devant faire l’ob-
procédures utilisées par l’entreprise jet d’un plan d’aménagement durable
(EMS pour Environmental Manage- soient attribuées aux enchères.
ment Standard).
BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2002, N° 271 (1)
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FOCUS / SUSTAINABLE MANAGEMENT

Les forêts et leur nier document de planification de vaste où de surcroît la circulation,


administra tion l’attribution des titres d’exploitation notamment en saison des pluies, est
forestière, ces forêts devront être rendue difficile en raison de l’état des
Six cent mille hectares, soit exploitées selon la norme environne- pistes et de la circulation incessante
20 % de la superficie, ont a priori été mentale choisie par le gouvernement des camions grumiers. Le finance-
mis à l’abri de la convoitise des camerounais. ment « GEF » devrait toutefois servir
« chercheurs d’or » grâce à un finan- Un inventaire réalisé en 1985 aussi à renforcer les capacités institu-
cement du Fonds pour l’environne- (CTFT, 1985) donne, pour le départe- tionnelles de l’administration dépar-
ment mondial (FEM ou GEF en anglais ment, une densité d’essences com- tementale. Mais il n’est pas certain
pour Global Environmental Fund), mercialisables (diamètre supérieur à que quelques véhicules tout-terrain
créé après le sommet de Rio pour 60 cm) d’environ 50 m3 par hectare ; supplémentaires et un ou deux ordi-
financer, notamment, l’application de 39 essences ont été inventoriées mais nateurs – l’ordinaire de tels projets –
la convention mondiale sur la biodi- trois d’entre elles, l’ayous, le fraké et suffisent pour qu’une poignée
versité. Les forêts du lac Lobéké, de le sapelli, représentent 70 % du d’agents administratifs mal payés
Nki et de Boumba Beck constituent volume commercialisable. Il est toute- (relativement, c’est-à-dire en compa-
désormais trois réserves intégrales fois recommandé, pour l’Afrique cen- raison des sommes en jeu) se trans-
de faune et de flore. Restent par trale, de ne pas dépasser 25 m3/ha de forment en brigade d’élite et contrô-
conséquent 2,4 millions d’hectares façon à ne pas compromettre, en lent efficacement l’exploitation des
de forêts dites de production. Un ouvrant trop fortement la canopée, la forêts du département.
peu plus du tiers de ces forêts, soit régénération naturelle du peuplement En conséquence, si certains
900 000 ha, est classé dans le (Dupuy et al., 1998). Considérons par exploitants forestiers respectent les
domaine rural : exploitées sous la conséquent ce volume comme le ren- règles d’exploitation, d’autres les
forme de ventes de coupes de 2 500 dement à l’hectare à ne pas dépasser. bafouent ouvertement, parcourant
ha attribuées pour un an, elles ne Dix-sept agents payés environ les superficies allouées par leurs per-
sont pas concernées par l’objectif 1 000 FF par mois, soit le prix d’un mis et celles des autres sans restric-
environnemental. En revanche, le mil- mètre cube de grumes d’ayous, dis- tion – nombreux sont les litiges entre
lion et demi d’hectares restant est posant en tout et pour tout d’un vieux exploitants quant au respect des
classé dans le domaine forestier per- pick-up, cloué la plupart du temps sur limites des concessions quand deux
manent de l’État. Par conséquent, le parking faute de carburant, contrô- d’entre eux exploitent des forêts voi-
quand toutes les UFA auront été attri- lent « théoriquement » l’exploitation sines – et déclarant des volumes et
buées aux enchères (23 pour le des forêts et la chasse. C’est évidem- des essences récoltées de façon à
département), en 2002 selon le der- ment peu pour un département aussi minimiser le coût de la redevance
d’abattage. En revanche, il est à peu
près certain que les diamètres mini-
maux d’exploitabilité sont respectés
Le plan d’aménagement est une norme de prélèvement.
The management plan is a standard for extractive activities. en raison du coût élevé du transport
des grumes jusqu’à Douala et de la
richesse des forêts du département.

Récolte et transfor ma tion


du bois

Environ un million de mètres


cubes, principalement de l’ayous et
du sapelli (85 % de la récolte), est
récolté chaque année par une dizaine
d’exploitants forestiers, européens
en majorité, dans le département de
Boumba et Ngoko. Ce dernier consti-
tue le grenier à bois du Cameroun
puisqu’il représente à lui seul le tiers
de la récolte nationale, les deux tiers
de la récolte de sapelli et la moitié de
celle d’ayous, ces deux essences
représentant la moitié de la récolte
camerounaise.
BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2002, N° 271 (1)
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AMÉNAGEMENT DURABLE / LE POINT SUR…

Un tiers de cette récolte est tion de séchoirs, voire d’ateliers de Conséquences


transformé sur place dans sept menuiserie industrielle, pour aug- économiques de
usines, des scieries « simples » pour menter le rendement matière, ce qui l’exploita tion forestière
la plupart (sans séchoir, ni atelier de est risqué, compte tenu de la position
menuiserie industrielle), un autre géographique du département. Avant l’arrêt partiel des exporta-
tiers au Cameroun mais à l’extérieur Dans les forêts du domaine per- tions de grumes, le chiffre d’affaires
du département, à Douala et à manent, environ un million d’hec- annuel réalisé à partir des grumes
Dimako notamment, où l’ayous n’est tares, soit les deux tiers de la super- récoltées dans le département était
pas scié mais déroulé dans des ficie disponible, sont ouverts à d’environ 70 milliards de francs CFA,
usines de déroulage dotées d’ateliers l’exploitation. L’assiette annuelle de soit plus du quart du chiffre d’affaires
de contreplaqué. la récolte en superficie est d’environ de la filière bois au Cameroun. Cela
La moitié du sapelli récolté est 100 000 ha, soit le dixième de la ne dit cependant rien des consé-
transformée dans le département, superficie ouverte à l’exploitation. quences économiques pour le dépar-
contre seulement un tiers pour C’est donc un rapport trois fois trop tement. On reproche d’ailleurs fré-
l’ayous. En effet, contrairement à élevé par rapport aux prescriptions quemment à l’exploitation des forêts
l’ayous qui est un bois « blanc », le de la norme environnementale. de telles régions de n’avoir aucun
sapelli, bois « rouge », ne nécessite Notons cependant que, quand l’en- effet d’entraînement sur l’économie
pas, une fois scié, d’être immédiate- semble des UFA aura été attribué, un locale. Vaste débat. Restons-en aux
ment séché artificiellement. Les million et demi d’hectares seront conséquences économiques mesu-
exploitants forestiers préfèrent en ouverts à l’exploitation. Par consé- rables, à savoir les recettes de la fis-
effet construire des scieries simples quent, l’assiette annuelle de la calité forestière perçues à l’échelon
dans un département aussi reculé, récolte pourra être de 50 000 ha, soit du département et les salaires versés
sans système de télécommunications la moitié et non le tiers de l’assiette aux ouvriers et aux agents de maî-
ni réseau électrique et où le maintien annuelle avant le passage à la norme. trise travaillant sur les chantiers (on
en brousse des techniciens de bon Il reste que l’assiette en superficie est exclut en effet du calcul les salaires
niveau est difficile. De plus, ce n’est trop importante par rapport aux spé- versés aux cadres, expatriés la plu-
généralement pas leur métier d’ori- cifications de la norme. part du temps).
gine. Ajoutons que l’un d’entre eux, En revanche, le rendement à Deux mille cinq cents ouvriers et
un investisseur italien dont le métier l’hectare de l’exploitation forestière agents de maîtrise travaillent dans le
était, au contraire, la transformation qui est actuellement de 7 m 3 – 7 et département ; 1 600 sont employés sur
manufacturière du bois, a tout de non 10 pour un million de mètres les chantiers d’exploitation forestière,
même pris le risque d’installer une cubes divisé par 100 000 ha, car une 900 dans les usines de transformation,
vaste scierie, dotée de séchoirs et de partie de la récolte s’effectue dans ce qui représente une masse salariale
plusieurs ateliers de menuiserie les forêts du domaine rural, c’est-à- annuelle brute de 2,5 milliards de
industrielle utilisant notamment dire dans les ventes de coupe – pour- francs CFA, soit 2 500 FCFA/m 3 de
l’ayous, à Libongo, un endroit com- rait être trois fois plus élevé. Il suffi- grumes récoltés dans le département.
plètement isolé au bord de la Sangha, rait d’ailleurs qu’il soit deux fois plus C’est effectivement peu, si on compare
face à la République centrafricaine. Il élevé pour que la récolte en volume ce ratio au chiffre d’affaires moyen,
semble regretter ce choix qu’il quali- reste identique, avec une assiette en soit 70 000 FCFA/m 3 . De plus, les
fie lui-même de sentimental (de par la superficie deux fois plus faible. Mais emplois les plus qualifiés, comme ceux
beauté des lieux), en raison, notam- les caractéristiques de la récolte de conducteur d’engin, sont souvent
ment, de la difficulté à maintenir un seraient différentes : la qualité occupés par des Camerounais d’autres
encadrement qualifié dans un endroit moyenne des grumes d’ayous et de départements, de l’ouest notamment,
aussi isolé. sapelli serait inférieure à celle des où l’exploitation forestière a com-
Le fraké, deuxième essence la grumes actuellement récoltées et elle mencé beaucoup plus tôt.
plus abondante du département comprendrait éventuellement une L’administration départementale
après l’ayous, n’est pas récolté alors part significative de fraké. Cela dans son ensemble emploie tout au
qu’il est connu des marchés, euro- implique, dans les deux cas, qu’il fau- plus quelques dizaines de personnes.
péens notamment, où il est utilisé drait transformer sur place, ce que les De plus, la moitié environ de la popu-
pour fabriquer des moulures. Avec un exploitants forestiers hésitent à faire, lation autochtone est constituée de
prix de vente sous forme de grumes tout particulièrement pour l’ayous et nomades spécialisés dans la chasse,
deux fois inférieur à celui de l’ayous, le fraké qu’il convient de sécher sur la pêche et la collecte (les Pygmées
le coût de transport de la grume sur place, voire de transformer en pro- Baka) et l’autre moitié d’essarteurs
1 000 km est rédhibitoire. Or le trans- duits plus élaborés que le sciage, (les Bandango) qui cultivent la banane
former sur place est probablement pour que l’activité soit rentable. plantain, le manioc, le cacao et le café,
rentable mais nécessiterait l’installa- soit environ 90 000 personnes.
BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2002, N° 271 (1)
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FOCUS / SUSTAINABLE MANAGEMENT

L’industrie forestière est de ce fait le Conclusion


Coûts
premier et quasiment le seul et avantages
employeur du département. L’exploi- L’exploitation forestière des
tation des forêts n’est donc pas sans forêts du domaine permanent du de l’application
conséquences sur le développement département de Boumba et Ngoko
économique du département, à déroge à une règle essentielle de la
de la norme
condition bien entendu de considérer norme environnementale adoptée par environnementale
qu’un emploi salarié dans une indus- le gouvernement camerounais : la
trie extractrice ou manufacturière durée de rotation de l’exploitation La comparaison des coûts et des
constitue, dans le cadre de l’aména- forestière est trois fois trop rapide. avantages d’une politique environne-
gement durable, un indice de déve- Toutefois, si on tient compte de la mentale est une question centrale de
loppement économique. future mise en production d’un demi- l’économie de l’environnement
Avant l’arrêt partiel des expor- million d’hectares de forêt dans le (Faucheux, Noël, 1995). En effet, le
tations de grumes, la récolte domaine permanent, il suffira de choix d’un objectif environnemental
départementale procurait environ réduire la superficie annuellement, ne résulte pas, la plupart du temps,
12 000 FCFA/m3 de recettes fiscales à par l’exploitation forestière dans les faute d’informations, d’un calcul éco-
l’État, soit 12 milliards de francs CFA forêts du domaine permanent, seule- nomique, mais d’une décision poli-
(près de cinq fois le montant des ment de moitié. De plus, la transfor- tique, c’est-à-dire sans certitude
salaires versés dans le département). mation locale n’est pas assez déve- quant au fait que les avantages pro-
Seule une petite fraction était perçue loppée. Le respect de la norme curés par la norme sont supérieurs
à l’échelon local, représentant un mil- exigerait en effet la présence dans le aux coûts de sa mise en œuvre
liard de francs CFA environ dont département de trois fois plus (Barde, 1992). Le plan d’aménage-
200 millions pour les populations d’usines. Comme les usines exis- ment durable ayant été adopté par le
locales, ces recettes provenant de la tantes transforment le tiers de la gouvernement camerounais pour
redevance annuelle de superficie récolte actuelle, cela consisterait à atteindre l’objectif proposé par le
(Carret, 2000). Ces populations per- transformer intégralement sur place la sommet de Rio, il est raisonnable de
çoivent aussi une redevance infor- récolte du département et donc, vérifier que les avantages procurés
melle de 1 000 FCFA/m3 pour toutes puisque la superficie ouverte annuel- par l’application de la norme, dans le
les grumes exploitées dans les forêts lement à l’exploitation sera divisée cas du département de Boumba et
du domaine rural (les permis sont par deux, à doubler le rendement à Ngoko, sont supérieurs à son coût.
appelés vente de coupe), soit environ l’hectare de l’exploitation forestière
500 millions de francs CFA par an. Il ou alors à exploiter de manière accrue Coût et conséquences
est difficile de dire si cela contribue les forêts du domaine rural. économiques directs de
au développement économique du Les enjeux de la mise à la norme l’a pplica tion de la nor me
département. En revanche, cela suffit de l’exploitation des forêts du dépar- environnementale
amplement à communiquer la fièvre tement de Boumba et Ngoko sont
de l’or vert aux populations locales et donc de deux ordres. Pour l’adminis- Le coût direct d’application
éventuellement à leur faire oublier tration forestière, il s’agira de faire res- d’une norme environnementale est
leurs activités traditionnelles, au pecter les limites d’une assiette an- celui des ressources additionnelles
grand dam des ONG environnementa- nuelle de coupe en superficie moins en capital et en travail nécessaires à
listes qui voudraient que ces der- importante que par le passé alors la mise en conformité de la produc-
nières se mobilisent pour faire res- qu’elle a déjà (sans réduction) le plus tion avec la norme environnementale
pecter leurs droits d’usage sur la grand mal, faute de moyens, à faire (compliance cost en anglais).
ressource forestière. respecter les limites actuelles. Pour Quelques estimations du coût
les exploitants forestiers, cela consis- de réalisation et de suivi du plan
tera à construire une quinzaine d’aménagement durable sont dis-
d’usines qui ne soient pas seulement ponibles pour l’Afrique centrale.
Le département de Boumba et Ngoko ressemble des scieries simples alors qu’un tel in- Retenons celle de Vannière (1999),
à une gigantesque mine à ciel ouvert. vestissement est risqué compte tenu sérieuse et documentée. L’auteur
The administrative division of Boumba and Ngoko de la position reculée du département. estime le coût de réalisation d’un
resembles a vast open-cast mine. Ces enjeux posés, passons à plan d’aménagement durable en
l’analyse économique des consé- Afrique centrale à 3 000 FCFA/ha et le
quences de l’application de la norme coût annuel de mise en œuvre à
environnementale dans le départe- 1 000 FCFA/ha, dont l’essentiel est lié
ment de Boumba et Ngoko. la création d’un poste d’ingénieur
forestier aménagiste.
BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2002, N° 271 (1)
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AMÉNAGEMENT DURABLE / LE POINT SUR…

Pour les forêts du domaine per- 85 000 FCFA (Carret, 1998). Une En conclusion, si les exploitants
manent du département de Boumba réduction de la récolte annuelle dans forestiers investissent seulement
et Ngoko, cela correspond à un inves- les forêts permanentes du départe- dans la réalisation du plan d’aména-
tissement initial de 4,5 milliards de ment de Boumba et Ngoko de gement durable, les conséquences
francs CFA 1 et à un coût annuel de 350 000 m3 équivaut alors à une perte économiques directes, pour le pays,
1,5 milliard de francs CFA. annuelle de recettes fiscales de de l’application de la norme ne sont
De plus, l’application de la 3,5 milliards de francs CFA et à la mise pas très engageantes. Des emplois
norme environnementale augmente le au chômage de près de six cents per- dans le secteur de l’exploitation fores-
coût de la matière première. En effet, sonnes (560), soit un peu plus de 20 % tière seront détruits et les recettes fis-
l’exploitant forestier devant parcourir des emplois du département, repré- cales diminueront. Par ailleurs, le res-
une assiette annuelle de coupe deux sentant une masse salariale annuelle pect de la norme par les exploitants
fois plus faible que précédemment, le brute de 570 millions de francs CFA. forestiers augmente la pression fis-
poids de la redevance de superficie, Considérons maintenant le cale à laquelle ils sont soumis, cette
rapporté au volume, double si celui-ci second cas de figure et supposons pression fiscale ayant également aug-
n’intensifie pas son rendement à que l’exploitant forestier décide de menté sous l’influence de la réforme
l’hectare (Carret, 2000). multiplier le rendement de son exploi- de la fiscalité forestière. Il est par
Cependant, l’application d’une tation forestière par deux. Consé- conséquent à craindre soit que les
norme environnementale n’a pas seu- quence immédiate : l’emploi dans le exploitants ne respectent pas cette
lement un coût direct, elle a aussi des secteur de l’exploitation forestière du norme – c’est-à-dire continuent d’ex-
conséquences économiques qui département reste constant. Mais une ploiter autant d’assiettes annuelles
dépendent de la façon dont le pro- telle décision nécessite d’ajouter à de coupe qu’ils veulent, l’exploitation
ducteur va s’adapter aux nouvelles l’investissement initial (la réalisation forestière étant, comme nous l’avons
conditions de production imposées du plan d’aménagement durable) un montré plus haut, faiblement contrô-
par la norme : ici la réaction de l’ex- investissement complémentaire dans lée –, soit qu’ils essaient de
ploitant forestier à la division par la construction d’usines permettant convaincre le gouvernement de ne
deux de son assiette annuelle de une transformation élaborée de la pas appliquer cette norme, lequel
coupe en superficie. Deux cas de matière première, cette partie de la gouvernement peut être sensible à
figure sont possibles : soit l’exploi- récolte n’étant pas, comme nous cet argument, les pays n’étant, après
tant ne fait rien et réduit son activité, l’avons vu plus haut, exportable en tout, pas « contraints » par la
soit il augmente son rendement à l’état. Or, le transformateur italien cité Déclaration des principes forestiers
l’hectare de façon à maintenir une précédemment a investi 3 milliards de de réaliser l’objectif environnemental.
activité constante en termes de francs CFA à Libongo pour construire Notons que deux auteurs, Van
récolte. une scierie avec séchoir et deux ate- Kooten et Wang (1988), aboutissent à
Examinons le premier cas de liers de menuiserie industrielle d’une la même conclusion à propos de l’ap-
figure. Dans le département de capacité annuelle de 100 000 m3 de plication du nouveau code forestier
Boumba et Ngoko, la mise à la norme grumes. Par conséquent, transformer de Colombie britannique, lequel
de l’exploitation forestière impose, les 350 000 m3 provenant de la multi- implique de réduire la récolte de 20 %
dans les forêts du domaine perma- plication du rendement de l’exploita- et d’appliquer la norme EFI. Ils crai-
nent, de réduire la superficie des tion forestière par deux nécessiterait gnent en effet que, sous l’influence
assiettes annuelles de coupe de moi- un investissement complémentaire des industriels pour lesquels le coût
tié, à savoir passer de 100 000 à d’environ 10 milliards de francs CFA, de la matière première augmente, le
50 000 ha. À rendement à l’hectare soit plus du double de l’investisse- gouvernement de Colombie britan-
inchangé, soit 7 m3, la récolte est divi- ment initial. En revanche, avec un tel nique, dont les recettes fiscales bais-
sée par deux, ce qui correspond à une investissement, la perte de recettes sent, renonce à appliquer effective-
diminution du volume récolté de fiscales serait partiellement compen- ment les nouvelles règles du code
350 000 m3 par an. sée (les grumes consommées par les forestier.
Cette baisse de la récolte a pour usines sont moins taxées que les En revanche, si les exploitants
conséquences de diminuer les recettes grumes exportées en l’état ; Carret, forestiers investissent aussi dans la
de la fiscalité forestière et les effectifs 2000) et, surtout, des emplois supplé- transformation manufacturière, les
employés sur les chantiers d’exploita- mentaires seraient créés : un millier conséquences économiques directes
tion forestière. Considérons une pres- environ si l’on considère un contenu pour le pays seront beaucoup plus
sion fiscale moyenne, hors redevance en emploi de la transformation dans favorables. Il est dès lors possible
de superficie, de 10 000 FCFA/m3, un le département de Boumba et Ngoko que l’État s’engage à faire respecter
contenu en emploi de l’exploitation de 2,7 hommes pour 1 000 m 3 de la norme, notamment en renforçant le
forestière de 1,6 homme pour 1 000 m3 grumes transformés (Carret, 1998). contrôle administratif, voire en sous-
et un salaire moyen mensuel brut de traitant ce dernier à un organisme

1 D’où la proposition des exploitants forestiers de payer seulement le prix plancher de la redevance annuelle de superficie pendant les
trois premières années d’attribution de la concession de façon à compenser, au moins partiellement, l’investissement initial, ces trois
années correspondant en effet au temps accordé à l’attributaire pour réaliser le plan d’aménagement durable (Carret, 2000).
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FOCUS / SUSTAINABLE MANAGEMENT

spécialisé, comme la SGS par L’exploitation forestière per- Mais alors le développement de l’éco-
exemple, à qui le gouvernement avait turbe la récolte des PNL (Tchatat, tourisme serait surtout la consé-
confié le poste clé du contrôle de l’as- 1999) tout en favorisant le bracon- quence de l’application de la conven-
siette des droits et taxes de sortie sur nage ; l’ouverture des pistes et la cir- tion mondiale sur la biodiversité et
les grumes exportées en l’état au culation des camions grumiers facili- non de la norme environnementale.
début de la réforme de la fiscalité tent en effet le commerce des viandes En effet, ces trois réserves mises à
forestière (Carret, 2000). de brousse avec les grands centres part, le département ressemble à une
Examinons maintenant si l’ap- urbains. Ce constat est cohérent avec gigantesque mine à ciel ouvert dont
parition de bénéfices environnemen- ce qui a été dit précédemment de la l’axe principal est emprunté jour et
taux associés au respect de la norme préservation des droits d’usage. Une nuit par des camions grumiers.
environnementale modifie les termes réduction de l’assiette en superficie Poursuivons cette analyse avec
de cette analyse. de la récolte ne devrait pas diminuer la valeur d’usage indirecte, celle pro-
significativement cette perturbation, venant des fonctions écologiques
Bénéfices même si le plan d’aménagement locales pour commencer, à savoir la
environnementaux de durable prévoit de préserver les protection des sols et des cycles
l’a pplica tion de la nor me droits d’usage des populations hydrologiques. Ces fonctions sont
locales. sans doute peu perturbées avec une
En économie de l’environne- Pour le moment, les seuls tou- exploitation forestière aussi exten-
ment, la notion de « valeur écono- ristes du département de Boumba et sive. Le passage à la norme peut avoir
mique totale » est utilisée pour carac- Ngoko sont de riches Américains ou une incidence positive sur ces deux
tériser la somme des avantages de grands patrons français, amateurs fonctions puisque la durée de rota-
procurés par un actif naturel, une forêt de chasse sportive : des lecteurs tion de l’exploitation forestière s’al-
par exemple, auxquels sa dégradation d’Hemingway certainement. L’éco- longera. Même chose, éventuelle-
ou sa disparition implique de renon- touriste n’a pas les mêmes centres ment, pour la fonction de régulation
cer. L’économiste anglais David d’intérêt. Tout comme l’anthropo- du climat. Dans le département de
Pearce (1990) est à l’origine de cette logue, il est un candidat au rachat des Boumba et Ngoko, mais ce n’est pas
notion, et d’ailleurs de son application fautes commises par l’Occident (Lévi- forcément le cas ailleurs, appliquer la
au cas de la forêt tropicale. Il distingue Strauss, 1955). Il recherche par norme simple réduit l’assiette
d’une part la valeur d’usage directe conséquent des destinations vierges annuelle en superficie de la récolte.
(direct use value en anglais) qui pro- (la forêt « vierge » par exemple), tro- Au total, les rejets de carbone prove-
vient de l’exploitation du bois, si celle- picales la plupart du temps, où vivent nant des dégâts de l’exploitation
ci n’est pas destructrice, de la récolte de façon traditionnelle des popula- forestière diminuent puisque les
des produits forestiers non ligneux tions indigènes qui n’appartiennent émissions sont réduites à zéro sur la
(PNL) et de l’écotourisme, et d’autre pas à la cohorte des salariés du superficie qui n’est pas exploitée, à
part la valeur d’usage indirecte (indi- monde industriel. condition toutefois que l’exploitant
rect use value) procurée par les fonc- Le département de Boumba et forestier n’intensifie pas le rende-
tions écologiques locales (régulation Ngoko pourrait, à première vue, être ment à l’hectare sur la superficie
des cycles hydrologiques et protection une destination possible : une partie exploitée.
des sols) et globales (préservation de de la forêt est encore intacte (vierge), La valeur d’existence est fondée
la biodiversité et régulation du climat) des réserves intégrales de faune (on sur le consentement à payer des gens
de la forêt et la valeur d’existence peut y voir notamment des gorilles) qui n’ont pas d’usage de la forêt de
(existence value) qui est une valeur et de flore sont en place, et surtout Boumba et Ngoko mais qui sont prêts
d’usage passive ou de non-usage. une population néolithique, les à payer pour qu’elle existe. D’une
Comme nous l’avons montré Pygmées, vit de manière ancestrale façon très générale, ce consentement
dans la première partie de cet article, de chasse, de pêche et de collecte, à payer existe dans les pays indus-
le plan d’aménagement durable est tout en pratiquant, le soir à la veillée, trialisés, notamment parce que les
censé garantir le renouvellement du un chant polyphonique d’une com- forêts tropicales « vierges » et leurs
peuplement et donc le maintien, dans plexité rare, très appréciée des musi- habitants, humains ou animaux, font
le temps, de la valeur d’usage directe ciens contemporains. Des projets encore rêver les habitants de ces
provenant de l’exploitation du bois d’écotourisme en relation avec ces pays. Il peut être relativement impor-
d’œuvre. Qu’en est-il des autres ser- trois réserves, notamment celle du tant. Pearce (1990) fait état d’un
vices procurés par la forêt du départe- lac Lobéké parce qu’elle est contiguë consentement à payer de 8 $ E.-U.
ment de Boumba et Ngoko, à commen- aux réserves centrafricaine et congo- par adulte et par an dans les pays du
cer par les deux autres composantes laise de Dzangha-Sangha et de Nord pour sauver l’Amazonie brési-
de la valeur d’usage directe : la récolte Nouabale-Ndoki, sont d’ailleurs à lienne. Mais une mine à ciel ouvert ne
des PNL et l’écotourisme ? l’étude (davenport, Usongo, 1997). fait pas rêver.
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AMÉNAGEMENT DURABLE / LE POINT SUR…

En conséquence, les éventuels émissions de carbone atmosphérique tants forestiers à construire des
bénéfices environnementaux liés à la dans les pays en développement, usines dans le département de
mise à la norme de l’exploitation des dans des projets dits forestiers Boumba et Ngoko. Mais, si des usines
forêts du département de Boumba et notamment. Trois types d’investisse- s’installent, le rendement à l’hectare
Ngoko sont le maintien, dans le ment sont éligibles au titre du de l’exploitation augmentera et les
temps, du stock de capital naturel, MDP (Smith et al., 1998) : des projets émissions de gaz carbonique aussi,
éventuellement la réduction des de conservation, de reforestation et celles-ci étant proportionnelles au
émissions de carbone et, enfin, l’amé- d’application de la norme EFI. volume exploité. Par conséquent, la
lioration des fonctions écologiques Pour être éligibles au titre du clause de pertes associées ne sera
locales. Mais en quoi la perception de MDP, les projets doivent respecter pas respectée. L’application de la
ces bénéfices par les exploitants deux clauses : la clause d’additionna- norme dans le département de
forestiers ou par l’État peut-elle modi- lité et celle de pertes associées. La Boumba et Ngoko n’est donc pas un
fier leur analyse de l’intérêt à respec- première stipule que le projet, c’est- projet susceptible de donner droit à
ter ou à faire respecter cette norme. à-dire l’investissement, doit être réel- des crédits carbone, lesquels
Pour le maintien du stock de lement nécessaire à la réduction des auraient pu inciter les exploitants
capital naturel, le raisonnement est émissions. La seconde que la réduc- forestiers à investir dans l’industrie
simple : les bénéfices apparaîtront tion des émissions sur la zone du pro- manufacturière de transformation du
tardivement, après une ou deux rota- jet ne doit pas s’accompagner d’une bois du département.
tions, soit dans 30 ou 60 ans. Il est augmentation des émissions à côté. En conclusion, l’apparition de
donc peu probable que des effets L’investissement dans la transforma- bénéfices environnementaux asso-
aussi tardifs modifient l’analyse des tion manufacturière du bois pourrait ciés à l’application des plans d’amé-
exploitants forestiers ou de l’État être considéré comme nécessaire à nagement durable ne modifie pas, ni
camerounais. l’application des plans d’aménage- pour les exploitants forestiers, ni
Chomitz et Kamuri (1998) consi- ment durable et donc à la réduction pour le gouvernement camerounais,
dèrent que les bénéfices dits des émissions de carbone. Dans ce les termes de l’enjeu économique
« locaux » (récolte des produits fores- cas, l’obtention de crédits carbone posé par l’application de cette norme.
tiers autres que le bois d’œuvre, pro- pourrait peut-être inciter les exploi-
tection des sols et régulations des
cycles hydrologiques) sont extrême-
ment variables, souvent moins impor- Le travail salarié porte-t-il atteinte aux conditions de vie
tants que l’opinion générale le laisse des populations locales ?
supposer, difficilement quantifiables, Will salaried employment adversely affect living
et surtout que l’État ne les perçoit conditions among local populations?
pas. Ils préconisent ainsi d’utiliser les
ressources du FEM pour les préser-
ver, ce qui est chose faite dans le
département de Boumba et Ngoko,
grâce aux trois réserves, lesquelles
protègent également la biodiversité,
une des deux fonctions écologiques
globales. Par conséquent, l’améliora-
tion des conditions écologiques
locales ne suffira pas à renforcer la
conviction de l’État à faire appliquer
la norme environnementale.
Le Mécanisme de développe-
ment propre (MDP ou CDM pour Clean
Development Mechanism en anglais)
élaboré au moment du sommet de
Kyoto est une variante du Mécanisme
de développement conjoint (MDC ou
JI pour Joint Implementation en
anglais) adapté aux pays en dévelop-
pement. Il permet à des investisseurs
des pays industrialisés d’obtenir des
« crédits carbone » en réduisant les
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FOCUS / SUSTAINABLE MANAGEMENT

Enjeux de l’a pplica tion Reste, cependant, à savoir si les situées en brousse. En effet, la
de la nor me dans le exploitants forestiers vont construire construction d’une usine en brousse
dépar tement de Boumba ces usines dans le département de et plus généralement le travail salarié
et Ngoko Boumba et Ngoko, usines dont nous sont considérés, en outre, par le gou-
avons dit qu’il fallait qu’elles soient vernement camerounais comme un
Le bilan du passage à la norme plus élaborées que des scieries moyen de prendre en compte la
dans le département de Boumba et simples. Or, rien n’est moins sûr. En dimension sociale de l’objectif envi-
Ngoko est le suivant : soit les exploi- effet, la situation du département, ronnemental proposé par le sommet
tants forestiers investissent seule- avec son isolement géographique, de Rio. Encore faudrait-il que le tra-
ment dans la réalisation du plan n’incite guère, apparemment, à ce vail salarié constitue bel et bien une
d’aménagement durable (4,5 mil- genre d’investissement. Et ce n’est compensation et non un coup supplé-
liards de francs CFA) et alors les pas la seule mention, inscrite dans mentaire porté aux conditions de vie
conséquences économiques pour le les Directives nationales, prescrivant des populations locales. Il serait en
pays seraient telles (destruction de construire une usine à proximité effet fâcheux que les populations
d’emplois dans le secteur de l’exploi- du permis aménagé, qui va rendre ce locales soient envoyées à la
tation forestière et diminution des territoire plus attractif pour des inves- « Fabrique du Diable », expression
recettes fiscales, à court terme) qu’il tisseurs. utilisée par Karl Polanyi dans La
est probable que l’État ne se donnera Par ailleurs, on peut s’interroger grande transformation pour qualifier
pas les moyens supplémentaires sur les conditions de travail des le sort réservé aux paysans forcés de
nécessaires pour faire respecter la ouvriers des chantiers d’exploitation vendre leur force de travail dans les
diminution de la superficie des forestière et des usines de transfor- manufactures anglaises du début de
assiettes annuelles de coupe impo- mation du bois, notamment celles la révolution industrielle.
sée par les plans d’aménagement
durable ; soit les exploitants fores-
L’investissement dans la transformation manufacturière du bois en brousse
tiers réalisent les investissements
constitue l’enjeu central de l’aménagement durable des forêts du domaine
complémentaires dans la construc- permanent du département de Boumba et Ngoko.
tion d’usines de transformation (envi- Investing in timber processing on site in the bush is the central issue at stake in
ron 10 milliards de francs CFA). Dans the sustainable management of permanent forest estates in the administrative
ce cas, les conséquences écono- division of Boumba and Ngoko.
miques étant positives pour le pays,
l’État envisagera peut-être de se
doter de moyens supplémentaires
(ou chargera un tiers de le faire) pour
contrôler le respect, par les exploi-
tants forestiers, des assiettes
annuelles de coupe.
Il apparaît donc que l’investisse-
ment dans la transformation manu-
facturière du bois en brousse consti-
tue l’enjeu central de l’aménagement
durable des forêts du domaine per-
manent du département de Boumba
et Ngoko, notamment parce qu’il
conditionne le contrôle du respect de
la norme par les exploitants fores-
tiers. De plus, en considérant l’indus-
trialisation en brousse comme un
moyen d’accroître les retombées éco-
nomiques liées à l’application de la
norme, les objectifs d’aménagement
durable et d’industrialisation appa-
raissent comme complémentaires
alors qu’ils ne l’étaient pas dans la
discussion scientifique sur le rôle de
la fiscalité forestière dans les pays
tropicaux (Carret, 2000).
BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2002, N° 271 (1)
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AMÉNAGEMENT DURABLE / LE POINT SUR…

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BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2002, N° 271 (1)
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FOCUS / SUSTAINABLE MANAGEMENT

Synopsis

CHALLENGES In the first part of this article, we re- However, if logging companies also
OF SUSTAINABLE capitulate the definition of the envi- invest in timber processing, the direct
MANAGEMENT: THE DENSE ronmental objective as put forward at economic consequences for the coun-
FORESTS OF CAMER OON the Rio Summit. We then go on to try will be much more promising. It
describe the characteristics and crite- would then be possible for the go-
Jean-Christophe CARRET ria used in deciding on the environ- vernment to undertake to enforce the
mental standard known as the “sus- standard, particularly by strengthe-
tainable management plan”. Finally, ning administrative controls or even
we compare the quality of the res- by sub-contracting these to a specia-
Cameroon has opted to fol- ponses produced by applying this lised body, such as the SGS. The go-
low the recommendations set out in standard and two other standards: vernment had already commissioned
the Declaration of Forestry Principles those on “logging methods with low this organisation to carry out the cru-
adopted at the Rio Summit, by incor- impact on the natural environment cial task of inspecting the tax and ta-
porating sustainable forest manage- (EFI) ” and “criteria and indicators of riff base for raw timber exports in the
ment as an objective of forest policy sustainable management”2. In the se- early stages of the reform of the fo-
during the reform of the country’s fo- cond part, we describe logging activi- rest taxation system.
rest legislation in 1994. To achieve ties in the forests of Boumba and
this environmental objective, it was Ngoko before the standard was ap- Investing in processing:
decided that logging companies plied (the survey was made in 1997), the issues at stake
should be required to observe an en- in order to bring out the differences Consequently, investing in timber
vironmental standard. The main lines between the situation at that time processing on site is the central issue
of the standard are set out in the and the desired outcome. In the third at stake in the sustainable manage-
National directives for sustainable part, we compare the costs and bene- ment of permanent forest estates in
management in the natural forests of fits of reducing these differences, be- the administrative division of
Cameroon, a document issued jointly fore going on to a discussion of Boumba and Ngoko, in particular be-
in 1998 by the Ministry of the the economic consequences for cause it will be the deciding factor in
Environment and Forests (MINEF) and Cameroon of implementing sustai- whether or not logging companies
the National Forest Development nable management practices in the observe the new standard. Moreover,
Bureau (ONADEF). Its specific fea- forests of Boumba and Ngoko. if industrialisation “in the bush” is
tures are also set out in two MINEF seen as a means of improving the
documents issued in 1998, a guide on Investment in the management plan economic consequences of applying
preparing logging management plans If logging companies invest only in the standard, the objectives of sustai-
in Cameroon, and a set of standards putting the sustainable management nable management and of industriali-
for logging activities1. plan into practice, the direct economic sation would support each other.
consequences for the country are not
Comparing costs and benefits very engaging. Jobs in the logging sec- However, it remains to be seen whe-
In this article, we have compared the tor will be lost and tax revenue will ther logging companies will actually
costs and benefits of implementing fall. Moreover, observance of the stan- build such processing plants in
the environmental standard entitled dard by loggers will further increase Boumba and Ngoko. This is far from
“sustainable management plan”, in their tax burden, which will already certain as the area’s geographical iso-
the specific case of the forests in the have increased as a result of the re- lation is hardly conducive to this type
administrative division of Boumba form of the forest taxation system. It of investment. And the mere fact that
and Ngoko. This administrative divi- is therefore to be feared that loggers building a processing plant adjacent
sion covers three million hectares will either not observe the standard – to a managed logging concession is
bordering on the Central African in other words, they will continue to mentioned in the National Directives
Republic and Congo Brazzaville. The exploit as many concessions as they does not in itself make the area more
area is over 1 000 kilometres distant wish each year since logging regula- attractive to investors.
from the coast, and produces one tions are not effectively enforced — or
third of Cameroon’s timber harvest. they will attempt to persuade the go-
vernment not to apply the standard.
The government may well bow to their
arguments, because achieving the en-
vironmental objective is not a binding
obligation for countries under the
Declaration of Forestry Principles.

1 Guided’élaboration des plans d’aménagement des forêts de production du domaine forestier permanent de la République du Cameroun.
Normes d’intervention en milieu forestier.
2 Les méthodes d’exploitation forestière à faible impact sur le milieu naturel (Efi) ; les critères et indicateurs de gestion durable.

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